DIMANCHE 45 JUIN 18Ô4. . DEUXIÈME ANNÉE. — N° 29.
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La sonnette venait d'avertir que les acteurs étaient prêts. A ce bruit, chaque spectateur s'était carrément assis à sa place; les mouchoirs et les tabatières étaient rentrés dans les poches; Le plus grand silence régnait dans la salle de spectacle de Berlin : on attendait avec impatience la représentation de l'opéra intitulé: L'Enlèvement du sérail, de Mozart.
Le chef d'orchestre, gravement assis sur sa chaise exhaussée, promenait ses yeux sur tous les instrumentistes ; l'archet était levé: en ce moment on eût entendu une mouche voler dans la salle. ■ Tous les yeux étaient fixés sur l'orchestre.
A la dernière banquette du parterre, un seul homme, petit, maigre et pâle, faisait contraste avec le calme qui se manifestait autour de lui : il remuait sans cesse.
Enfin l'ouverture commence et continue, sans qu'un mot, qu Une respiration puisse faire perdre une seule note, un seul détail. Pourquoi faut-il que notre petit homme rompe seul le silence général ? Est-il dans sa constitution de ne pouvoir exprimer ses sensations que par èes mots dits à demiîV
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mal! Déjà, à diverses reprises, les têtes s'étaient tournées
<J,eee côté, et plusieurs fois ses voisins lui avaient fait sisne de se taire. L'ouverture finit, et l'opéra commence. Déjà deux morceaux
morceaux applaudis par tout le monde, même par le petit bonhomme, qui n'avait cessé, pendant leur exécution, de
marmotter : Trop vite allez donc là.... piano! lorsqu'il
disparaît tout à coup de sa place, et se trouve assis au milieu du parterre. Comment y est-il arrivé? Aucun mouvement n'a eu lieu. A-t-il volé, a-t-il passé sous les banquettes? nous l'ignorons ; mais le fait est qu'il était sous le lustre.
Un quatrième morceau commence, le silence est effrayant; l'actrice chérie du public chante : l'attention redouble. Il était réservé à notre petit homme qui, depuis le commencement de l'ouverture avait fait plus de bruit à lui seul que toute la salle entière, de mêler sa voix à celle de la cantatrice. Prompt comme l'éclair, il se lève de dessus sa banquette, et, au milieu d'une roulade délirante, il ose l'apostropher. Exaspéré, le parterre se lève en masse, et les cris à la porte ! à la porte ! partent de toutes parts. Immobile comme un rocher , il ne les entend pas ; ces hurlemens poussés par des poitrines germaniques meurent contre la voix glapissante du petit homme criant à tue-tête : « C'est affreux ! c'est épouvantable ! c'est un assassinai !... Répondez ! madame ; de quel droit ne chantez-vous pas l'air tel que l'auteur l'a composé?.... » Pour toute réponse, le public cria à la porte ! à la porte! Jetez donc ce petit monsieur à la porte ! et le petit nommé répéta ses apostrophes, en faisant monter chromaliquement sa voix pour se faire mieux entendre : c C'est affreux ! c'est épouvantable ! c'est un assassinat ! »
En vain chacun veut voir celui qui crie : une triple haie de public l'entoure. Deux bras nerveux l'ont déjà saisi, et se proposent de le passer à bras jusqu'à l'escalier. Voyant le danger, il fait un dernier effort, il monte sur la banquette : c'est alors seulement que tout le monde voit sa tête. « C'est Mozart! s'écrie le chef d'orchestre. » A ce nom magique, la scène change; une salve d'applaudissemens remplace les huées,.