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Titre : Le Ménestrel : journal de musique

Éditeur : Heugel (Paris)

Date d'édition : 1900-12-02

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb344939836

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb344939836/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 44462

Description : 02 décembre 1900

Description : 1900/12/02 (A66,N48)-1900/12/08.

Description : Collection numérique : Arts de la marionnette

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5615506g

Source : Bibliothèque nationale de France, TOL Non conservé au département des périodiques

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 01/12/2010

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LE MÉNESTREL

Qui dit Johannot, dit vignette romantique. Et n'est-ce pas lui qui dessine sur le bois de Porret la vignette initiale du Ménestrel nouveau-né qui compte, aujourd'hui, soixante-six printemps? , Quand à Lemud, lithographe, aquafortiste et peintre, — artiste mélomane au premier chef, — c'est l'auteur fameux autrefois des pièces moyen-àgeuses et sensibles, de l'Enfance 'de CaUot, du Retour en France, de la Légende des frères Van Eyck, aux noirceurs magiques, d'Hélène Adelsfreidt, d'après George Sand et les Sept Cordes de la Lyre, de Maître Wolframb (1838), d'après Hoffmann encore, un événement, un enchantement, une incantation pour: les âmes naïves de ce lointain passé d'hier, .qui s'imaginaient « être charmées, subjuguées par la douceur intime et puissante d'une mélodie inconnue... (1) » Un nouvel univers semblait naître des improA'isations du pâle organiste; romantique parfum de Rembrandt Van Ryn et de Faust, les noms seuls évoquaient la sombre Allemagne que le lithographe français ne voyait qu'en songe. Nuremberg envahissait le Paris bourgeois. Même impression frileuse avec VHoffmann qui rêve dans son fauteuil d'hiver, auprès d'une Egérie aux bandeaux d'ébène... La demi-teinte égratignée murmure sur la pierre. Nous retrouverons un Lemud moins alchimiste, en interrogeant plus tard les portraitistes de Beethoven. L'amour n'engendre pas infailliblement l'éloquence. Il faut, pour la provoquer dans le creuset magique, ajouter au pur métal de la candeur un je ne sais quel élément volatil et spirituel, — dans le sens théologique du terme; ou plutôt, pour évoquer le Roi des Aulnes, il faut une sincérité géniale à force d'être émue : c'est pourquoi Schubert est supérieur à Lemud. Au temps emphatique du romantisme, messire Jules Janin n'aurait-il pas habillé plus somptueusement ces vérités, dans Y Artiste de Ricourt?

Le sorcier souhaité, ce fut Célestin Nanteuil : talent mélodieux comme son nom, comme son visage ! Gautier l'appelle le Jeune homme Moyen-âge, et les Goncourt vanteront la « couleur » de ses estampes. Malgré les mérites réconfortants de sa Vigne, ses amis reconnaissent que le peintre n'a point donné sa mesure ; mais, sur le cuivre et la pierre, avec le crayon gras ou la pointe, il triomphe. Qui croirait que cet ange blond en redingote cérémonieuse est l'inventeur de ces eaux-fortes incandescentes, de ces lithographies fatales, de ces encadrements plus que moyenâgeux, de ces titres délicieusement farouches pour la Musique romantique? En effet, voilà l'originalité la plus pittoresque de l'adorateur de Notre-Dame de Paris : il illustre la première page des morceaux à prétentions byroniennes qui ont troublé nos aïeules, car elles n'eurent pas toujours des cheveux blancs ! Il se fait le collaborateur d'Hippolyte Monpou, le Berlioz de la romance et l'ami des peintres : si bien que Champfleury (2) date le décès de la musique romantique de 1841, à la mort de Monpou. Mais Célestin Nanteuil multipliera ses titres élégants ; l'érudition les cataloguera, et l'ironie de M. Beraldi de conclure : « Il y a plaisir à connaître ce que jouèrent tous les pianos, ce que chantèrent toutes les voix, ce que dansèrent tous les jeunes gens, de 1830 à 1842. Défilez, cantatilles, lamentos, ballades, évocations sataniques, chants de contrebandiers et de marins, avec vos vignettes, si étranges aux alentours de 1830, mais qui s'assagissent peu à peu, et qui, vers 1840, deviennent calmes et bourgeoises ! » Telle est l'évolution, non moins fatale ! Les belles Captives deviennent de très sortables demoiselles : ne vais-je pas retrouver leur blancheur d'ange un peu démoniaque au très amusant Contrat de mariage, d'Eugène Lami ?

Ce petit-maître, — dans tous les sens de cette alliance de mots, — ce cousin parisien de Bonington à la mode de LouisPhilippe est un peintre mélomane à sa manière : quelle religion vraie de la musique ne supposent-elles pas, ces aquarelles caricaturales qui furent intitulées Impressions musicales et Dilettantes en action (3) ? Dans l'une, c'est la plus mordante psychologie des physionomies exaltées, surchauffées, surmenées, exaspérées, pâmées par la musique invisible; dans l'autre, c'est la médisance

la plus exquise à l'endroit de ces concerts d'amateurs qui peuvent dire naïvement, avec l'humoriste : « Le premier parvenu au point d'orgue attendra les autres... » Auditeurs, exécutantssont dignes de la rencontre : ils sont philistins et bedonnants.

Mais, hélas! déjà c'en est fait de l'âge du. romantisme, des démons qui ricanent et des grisettes qui soupirent I Déjà le fier idéal a fait place au réel; déjà s'est tue l'étrange mélodie. Chassez le naturel, il revient au galop, même en croupe du cheval diabolique de Lénore! — Les Morts vont vite! Bientôt Ary Scheffer délaissera la ballade moyen-àgeuse pour le culte officiel de M. Ingres ; bientôt Célestin Nanteuil deviendra directeur d'école, et les sublimités de Lohengrin entrevu n'empêcheront pas Gérard de Nerval de se pendre au dernier réverbère de la rue de la Vieille-Lanterne. La caricature l'emporte sur le style glacial et sur le songe enflammé. Les aquarelles de M. Lami sont le réveil du rêve. Qui sait? France et romantisme sont peut-être deux termes contradictoires : « Nous ne serons jamais shakespeariens », disait Delacroix, dont les Faust avaient conquis la vieillesse de Goethe.

(A suivre.) RAYMOND BOUYEH.

SEMAINE THÉÂTRALE

(1) Jules'Janin, oité par M. Beraldi dans les Graveurs du XIX" siècle, tome IX.

(2) Dans .les Vignettes romantiques (Paris, Dentu, 1883).

(3) Centennale de J900, —; ?J" H Si et H2S.

OPÉRA-POPULAIRE. La Reine de Saba, opéra en quatre actes, poème do Michel Carré et M. Jules Barbier, musique de Charles Gounod.

L'Opéra-Populaire (théâtre du Ghâteau-d'Eau) a ouvert lundi dernier ses portes au public. Il avait choisi pour son inauguration un opéra de Gounod absolument inconnu de la génération actuelle, la Reine de Saba, qui fut représenté à l'Opéra le 48 février 1862, sans aucun succès, qui disparut de l'affiche après une série de quinze représentations et qui depuis lors ne fut jamais repris.

A quoi faut-il attribuer cet insuccès ? Au poème ? A la musique î A l'interprétation? Au public? Peul-être un peu à tout cela. Toujours est-il que le fait est là, brutal, et qu'on ne saurait le nier. L'Opéra, placé alors sous la direction d'Alphonse Royer, avait fait les choses en conscience. Les trois rôles principaux, ceux de la Reine, d'Adoniram et de Soliman étaient tenus par Mme Gueymard, alors dans toute la fleur de son talent et de sa beauté, par Gueymard et Belval, et le gentil petit personnage de Benoni était représenté par M"e Hamackers ; dans le ballet brillaient Mme Zina Mérante et la pauvre Emma Livry, qui devait périr si malheureusement ; enfin, la mise en scène n'avait pas coûté moins de 100.000 francs, dont plus de oO.OOO pour les décors, confiés à Despléchin, Martin, Nolau, Rubé et Cambon.

Rien n'y fit, et le public resta indifférent, une bonne partie de la critique, Scudo et Azevedo en tête, étant d'ailleurs hostile à Gounod et à son oeuvre. Il n'en fut pas tout à fait de même à l'étranger. Neuf mois après sa représentation à Paris, le 5 décembre 1862, la Reine de Saba faisait son apparition à la Monnaie de Bruxelles, et cette apparition était triomphale. Elle fut reprise à ce théâtre en mars 1876, et sa carrière à Bruxelles se chiffre par un total de quarante-trois représentations.

A Darmstadt, ce fut mieux encore qu'à Bruxelles, et l'ouvrage souleva un véritable enthousiasme. Il y fut représenté peu de semaines après, au mois de janvier 1863, non seulement en présence du compositeur, mais lui-même dirigeant l'exécution. J'ai sous les yeux un compte rendu du journal le Nord, qui donnera une idée de l'effet produit :

Parlons de la Reine de Saba, qui vient d'avoir à Darmstadt un de ces succès prodigieux comme l'Allemagne et l'Italie en décernent seules aux musiciens. Figurez-vous une salle comble, un parterre non plus de rois, mais de maestri, de maîtres de chapelle accourus de tous les duchés, grands-duchés, comtés, ôlectorats, principautés ! un vrai parterre de première représentation à Paris; un. public silencieux dès le premier coup d'archet, attentif, puis soudain éclatant en bravos frénétiques; M. Gounod dirigeant lui-même la représentation, comme il avait dirigé les deux dernières répétitions ; enfin l'opéra se déroulant dans toute sa grandeur biblique devant cette salle frémissante.

Et vraiment on ne comprend guère, quand on vient de l'écouter à Darmstadt, comment on a pu laisser tomber la Reine de Saba à Paris ; tout n'est point parfait sans doute,, il y a des passages orchestrés avec excès, fugues avec parti pris, contrepointés avec rage, tout cela est vrai, mais l'ensemble est grandiose, large .et vraiment biblique. Aussi quel triomphe ! quel succès ! quelle acclamation ! Rappelé après chaque note, M. Gounod a eu de la peine à se soustraire à une de ces ovations gênantes que l'on aime en Allemagne. Le grand-duc de Hesse, qui y avait assisté, l'a décoré immédiatement et de sa propre main ;de l'ordre de Philippe le Magnanime.