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Titre : Le Ménestrel : journal de musique

Éditeur : Heugel (Paris)

Date d'édition : 1886-02-21

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb344939836

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb344939836/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 44462

Description : 21 février 1886

Description : 1886/02/21 (A52,N12)-1886/02/27.

Description : Collection numérique : Arts de la marionnette

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5614591h

Source : Bibliothèque nationale de France, TOL Non conservé au département des périodiques

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 01/12/2010

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2868 - 52ms ANNÉE-N° 12. PARAIT TOUS Ï.ES DIMANCHES Dimanche 21 Février 1885.

(Les Bureaux/2 bis, rue Vivienne) (Les manuscrits doivent être adressés franco au journal, et, publiés ou non, ils ne sont pas rendus aux auteurs.)

MUSIQUE ET THÉÂTRES

HENRI JEIÈUGEL, Directeur

Adresser FRANCO à M. HENRI HEUGEL, directeur du MÉNESTREL, 2 bis, rue Vivienne, les Manuscrits, Lettres et Bons-poste d'abonnement

Un an, Texte seul : 10 francs, Paris et Province. — Texte et Musique de Chant, 20 l'r.; Texte et Musique de Piano, 20 fr., Paris et Province.

Abonnement complet d'un an, Texte, Musique de Chant et de Piano, 30 fr., Paris et Province. — Pour l'Étranger, les frais de poste en sus.

SOMMAIRE-TEXTE

. L'Opéra sous le règne de Lully (3e article), ARTHUR POUGIN. — II. Semaine théâtrale: Richard Wagner et Francis Thomé à l'Éden; première représentation de Serment d'amour, aux Nouveautés, H. MORENO ; première représentation des Noces improvisées aux Bouffes-Parisiens, ARTHUR POUGIN. — III. M. Munkaczy et la Mort de Mozart, CAMILLE LE SENNE. —IV. Correspondance de Saint-Pétersbourg: la tournée Lassalle, CÉSAR Cm. — V. Nouvelles diverses et concerts.

MUSIQUE DE CHANT Nos abonnés à la musique de CHANT recevront, avec le numéro de ce jour, une

SÉRÉNADE

de CHARLES GRISART, poésie de THÉOPHILE GAUTIER. — Suivra immédiatement : l'Ane et le Rossignol, fable rubse de Kriloff, mise en musique par ANTOINE RUBINSTEIN.

PIANO Nous publierons dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique de PIANO, une polka d'ÉDOuARD STRAUSS, de Vienne.—Suivra immédiatement: le Chant*du ruisseau, de THÉODORE LACK.

L'OPÉRA SOUS LE RÈGNE DE LULLY

(Suite.)

II

Par ce que nous voyons aujourd'hui, on peut aisément imaginer ce que pouvait être, pour le Paris élégant et lettré du dix-septième siècle, si passionnément épris de toutes les choses de l'art et de l'intelligence, l'attrait d'une « première » d'un opéra de Lully, doublé de celui qu'offrait à elle seule l'inauguration d'un nouveau théâtre. Et cela d'autant plus que ce théâtre se présentait avec des prétentions grandioses, prétentions qu'on savait d'avance devoir être amplement justifiées. Le succès de l'Opéra de Perrin et de Gambert, de Sourdéac et de Champeron, avait été immense l'année précédente ; en se mettant au lieu et place de ceux qu'il dépouillait, en les évinçant à son profit, en se faisant bien malgré eux leur successeur, Lully.prenait envers le public, envers lui-même, envers son royal protecteur, l'engagement tacite de faire mieux qu'eux, de les surpasser, de les faire oublier, et cet engagement, nul n'ignorait qu'il était homme à le tenir. On conçoit donc que la curiosité publique devait être vivement surexcitée, que l'impatience était grande sans doute de tous côtés, et que chacun tenait à assister à cette éclatante solennité de l'ouverture du nouvel Opéra.

Nous ne possédons malheureusement aucun récit, aucun compte rendu, quoi que ce soit qui nous fasse connaître, même sommairement, les détails de cette grandissime soirée.

Les annalistes, les mémorialistes, les épistolaires, si nombreux à cette époque dont ils sont les véritables historiens, ne nous ont, par un hasard aussi singulier que fâcheux, rien laissé sur ce sujet pourtant si intéressant. Ceux-là même qui, par la suite, se sont le plus occupés de Lully et de son Opéra, La Bruyère, Mma de Sévigné, Saint-Evremond, de Vizé, sont absolument muets sous ce rapport.

Il me semble pourtant qu'on peut, en esprit, reconstituer cette brillante « chambrée » du 15 novembre 1672, et se figurer quel était, en une si mémorable soirée, le public qui se pressait dans cette salle de la rue de Yaugirard, dont l'existence ne devait guère dépasser quatre mois et qui était appelée à disparaître si rapidement.

Il faut d'abord compter avec les gens de lettres, dont quelques-uns, auteurs dramatiques, prenaient un intérêt spécial et comme professionnel à l'événement, et dont les autres étaient tous énamourés de théâtre. Il me parait qu'on devait les voir à peu près tous réunis dans un point particulier de la salle, devisant entre eux et se communiquant avec chaleur les sentiments, les pensées, les impressions que faisait naître en eux la vue du nouveau spectacle. Molière manquait peutêtre à la fête, retenu à son propre théâtre (c'était un mardi, jour de représentation au Palais-Royal) ; mais Corneille y était sans doute, et Racine n'y devait pas manquer, tout chaud qu'il était encore du double succès de Bérénice et de Bajaset. Non loin de Racine était peut-être Pradon, son futur et son indigne rival, mais plus proche de lui se tenaient certainement Boileau, et La Fontaine, et Chapelle, les trois inséparables. Benserade, le vieux collaborateur de Lully pour tous les ballets de la cour, Donneau de Yizé, qui venait de fonder le Mercure galant et à qui ses pièces à chant et à machines du Théâtre du Marais ne pouvaient qu'inspirer une vive curiosité pour un spectacle musical et pompeux comme celui de l'Opéra, l'abbé Boyer, qui était dans le même cas, Boursault, déjà connu par quelques succès à l'Hôtel de Bourgogne, Chappuzeau, moins fécond et moins heureux, mais homme de théâtre aussi, formaient sans doute un groupe animé.

La Bruyère, qui n'avait pas encore publié les Caractères, et La Rochefoucauld, que ses Pensées et Maximes avaient au contraire déjà rendu célèbre, n'étaient assurément pas loin l'un de l'autre, ,et dans leur voisinage on eût rencontré peutêtre le marquis de Dangeau, ce fin lettré qui pourtant ne songeait pas encore à la rédaction de son fameux journal. Pellisson, le consciencieux historien de l'Académie française; Furetière et Gilles Ménage, les deux érudits ; le doux poète Chaulieu, que sa qualité d'abbé n'empêcha pas de devenir plus tard... l'ami de Marthe Le Rochois, la brillante étoile de la troupe de Lully; son dévoué compagnon le marquis de


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La Fare, chez qui le maniement de l'épée n'empêchait pas le maniement de la plume; l'aimable Segrais, le bizarre Santeuil, l'étrange Bussy-Rabutin, cousin de Mme de Sévigné, qu'il poursuivit si longtemps de sa ridicule passion, — tous ceux-là devaient être présents, de même que les précurseurs et les initiateurs du petit journalisme, le-s gazetiers en vers Robinet et Lagravète de Mayolas, ces clignes émules et continuateurs de Jean Loret.

Il y avait aussi certainement le clan des artistes : là devaient se trouver Pierre Mignard, l'ami de Molière, dont il nous a laissé le portrait, et le favori de Louis XIA", qui lui fit faire le sien jusqu'à dix fois ; son noble rival, Charles Le Brun, que le roi lui préférait encore, et qui vivait dans l'intimité de Bossuet, de Boileau et de Racine ; Bon Boulogne, le protégé de Colbert, qui peignit le plafond de la ComédieFrançaise et qui, grand amateur de théâtre et plus tard devenu l'intime ami de Danchet et de Campra, réunit dans une même toile à son portrait ceux du poète et du compositeur ; le sculpteur Coysevox ; le superbe dessinateur Jean Bérain, qu'un avenir prochain destinait à devenir le décorateur de l'Opéra ; le graveur Edelinck, à qui l'on doit deux si beaux portraits de Lully et de Quinault ; ses confrères Gérard Audran, Robert Nanteuil, Sébastien Leclerc ; Claude Perrault, l'auteur de la colonnade du Louvre, qui avait peut-être à ses côtés son frère Charles, l'auteur des Contes ; Le Nôtre, le vrai créateur de Versailles... Puis les musiciens, qui, j'imagine, s'étaient réunis en grand nombre : Michel Lambert, le chanteur exquis, qui n'était pas amené là seulement par l'amour de Fart, mais aussi par un intérêt de famille, puisque sa fille avait épousé Lully ; le compositeur italien Lorenzani, dont celui-ci était jaloux, son talent l'ayant fait nommer maître de chapelle de la reine ; l'élégant et fin Louis de Mollier, musicien gentilhomme, qui appartenait à la musique du roi et qui était tout ensemble poète, chanteur, virtuose, compositeur et danseur ; Léonard Itier, son gendre, l'un des plus fameux luthistes de l'époque ; les deux Boësset, père et fils, tous deux compositeurs distingués, et dont le premier était maître de musique de la reine ; Michel Richard de la Lande, artiste justement, renommé, qui n'avait pas son égal r.our la musique d'église ; les trois Couperin, Louis, François et Charles, les chefs de la brillante dynastie d'organistes de ce nom, dont le troisième, Charles, écrivit plus tard, à la gloire de Lully et peu de temps après sa mort, une symphonie intitulée l'Apothéose de Lully; Bacilly, le maître à chanter que s'arrachaient toutes les dames de la cour ; les compositeurs Perdigal et Oudri ; Le Camus, le chef de la grande bande des violons du roi ; Michel de la Guerre, l'excellent organiste de la Sainte-Chapelle ; d'autres encore sans cloute, dont les noms sont oubliés. Peut-être, en regardant bien, aurait-on aussi découvert, dans quelque endroit à demi caché, quelques comédiens et comédiennes de l'Hôtel de Bourgogne ou du Marais que leur service ne retenait pas ce soir-là et qui, plus que tous autres, avaient désir et curiosité de savoir ce qui se passerait rue de Vaugirard ; qui pourrait dire en effet si un Rosimond ou un Hauteroche, une Champ- ' meslé ou une Beauchâteau ne mêlèrent pas leurs applaudissements à ceux de la brillante compagnie venue pour assister la première aux enchantements des Fêtes de l'Amour et de Baoehus ?

Si maintenant nous cherchons quels personnages officiels pouvaient bien assister à ce premier début de l'Opéra de Lully, nous avons, je pense, quelque chance d'y rencontrer avant tout Colbert, qui avait contresigné les lettres patentes par lesquelles le roi accordait au Florentin le privilège de l'Académie de musique ; puis, le marquis de Lamoignon et le marquis de Harlay, l'un premier président, l'autre procureur au Parlement de Paris, qui avaient été invités par Louis XIV à juger en faveur de Lully le différend pendant entre lui et les premiers possesseurs de l'Opéra; puis encore M. de la Reynie, lieutenant général de police, qui, toujours sur l'ordre

l'ordre roi, avait procédé à la fermeture du théâtre de ceuxci, afin de laisser le champ libre absolument à leur heureux rival. Aussi le duc de Saint-Aignan, pair de France et premier gentilhomme de la chambre, homme de cour et homme d'honneur, très artiste et très lettré, et Barthélémy Hervart, contrôleur général des finances, dilettante et amateur éclairé,, qui s'était fait le protecteur et le soutien des gens de lettres, à qui sa bourse était toujours ouverte.

Mais il y a le côté féminin, le plus séduisant de toute brillante assemblée, et nous ne saurions l'oublier. Toutes les dames de la cour s'étaient assurément donné rendez-vous à cette soirée, autant pour voir que pour être vues, et l'on sait ce qu'était la cour du Roi-Soleil. Que de charmes, que de grâces, que de richesses, quelles toilettes ! quelle réunion de grands noms, de noms illustres par la naissance, par la fortune, par la situation!...

Aux premiers rangs, rayonnante et bien en vue sans-douteest Mm 0 de Montespan, alors toute puissante, au comble de la faveur, et qui, se faisant l'auxiliaire et la protectrice de Lully, s'est mise en avant pour lui faire obtenir du roi, sans grand'peine d'ailleurs, les lettres patentes qui lui ont assuré la propriété de son théâtre ; près d'elle est sa nièce, Mlle de Nevers, dont la beauté radieuse est un éblouissement. Non loin de là se trouve Mme de Motteville, qui fut l'amie et la confidente de la reine-mère, Mmede Motteville, alors sur le retour, mais à qui les années n'ont rien fait perdre de la vivacité, de l'indépendance d'esprit qui percent clans ses Mémoires. Puis c'est la belle, aimable et spirituelle Mme de Coulanges, cousine de Mine de Sévigné par son mari, le marquis de Coulanges, un grand seigneur qui rime des chansons et les met lui-même en musique ; puis Mme de Lude, Mme de Ventadour, la duchesse cle Bouillon, Mme de Lyonne, la duchesse de la Ferté... Puis encore, ce groupe de femmes vraiment supérieures, qui furent l'enchantement et la gloire de leur temps : Mme de Sévigné, aussi bonne que belle, et sa fille, Mme deGrignan, aussi belle que bonne ; Mm 0 cle La Fayette, l'auteur aimable de Zayde et delà Princesse de C lèves, la tendre et fidèle amie cle La Rochefoucauld ; Mllc de Scudéry, célèbre par sa Carte du Tendre et son roman de Clélie ; M"ie Deshoulières, « la dixième muse, » à qui ses agréables vers ne sauraient pourtant faire pardonner la préférence qu'elle donnait à Pradon sur Racine, non plus que les moyens qu'elle employait pour soutenir son protégé.

Il est. enfin certain que la plupart des grands seigneurs, soit dignitaires, soit habitués de la cour, que tous les courtisans, tous les importants cle Versailles et du Louvre, avaient tenu comme à honneur cle contribuer, par leur présence, àdonner tout l'éclat possible à cette grande manifestation artistique de celui que M]lu de Montpensier appelait «un illustre baladin, » et qui était devenu le plus grand favori du souverain. On se rappelle le mot d'un spectateur enthousiaste à la première représentation des Précieuses ridicules:— « Bravo, Molière ! Voilà la vraie comédie. » Qui sait si l'un de ces nobles assistants ne s'écria pas, avec moins de conviction mais avec plus de courtisanerie, à l'audition des Fêtes de l'Amour et de Bacchus : — « Bravo, Lully ! Voilà le véritable opéra » ? On pourrait, je pense, sans crainte de se tromper, citer tous les grands noms^de la cour comme présents à cette fameuse soirée : les de Guiche, les Biron, les Conti, les Fiesque, les Mortemart, les Gontaut, les Clisson, les d'Humières, les Sully, les de'Rennes, les Guéménée, les de Luynes, les Ghevreuse, les Guénégaud, et tant d'autres.

Ce qu'il y a de plus étrange, c'est que si nous pouvons, au moins par à peu près, peupler la salle de la rue de Vaugirard et reconstituer en partie le public qui s'y trouvait assemblé le jour de son inauguration, il nous est impossible d'agir de même en ce qui concerne la scène. Quels étaient Jes artistes qui jouaient dans les Fêles de l'Amour et de Bacchus? C'est ce que nul ne saurait dire. On peut croire que les premiers qui firent, dès l'origine, partie de la troupe de Lully,


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c'est-à-dire Beaumavielle, Glédière, Miracle, MIles Aubry, Verdier, Marie Brigogne, parurent dans cet ouvrage, et cela est absolument probable; mais c'est tout ce que l'on peut supposer, •£t en tout cas on ne saurait dire quel rôle chacun d'eux y remplissait. Le livret, dont j'aurai à parler tout à l'heure, est muet à cet égard, et l'on ne trouve, au sujet des Fêtes de l'Amour et de Bacchus, quelques renseignements sommaires et secondaires que dans l'Histoire (manuscrite) de l'Opéra des 'frères Parfait, qui, il faut le remarquer, écrivaient soixantedix ans plus tard ; voici pourtant ce qu'ils en disent :

Prologue. — C'est le divertissement du cinquième acte du Bourgeois gentilhomme, représenté à Chambord en octobre 1670.

Acte •premier. — Divertissement des Amants magnifiques, représenté au mois de février 1670, et d'un ballet dansé par le roi la même année.

Acte deuxième. — Pastorale comique insérée dans la nouvelle édition des OEuvres de Molière, et attribuée à cet auteur.

Acte troisième. — Du ballet de la fête de Versailles, du 18 juillet 1668, et du divertissement du troisième acte de George Dandin.

A le prendre dans un certain sens, il y avait lieu de croire que le mélange qui formait cette pastorale ne produirait qu'un spectacle médiocre, mais l'intelligence de Lully suppléa à tous les défauts qu'on y pouvait reprendre. Ses acteurs étaient choisis et dressés par lui ; le ballet que Desbrosses composa reçut de nouvelles grâces par ses conseils. A l'égard des machines et des décorations, Vigarani, noblement jaloux des talents du marquis de Sourdéae, se surpassa. L'orchestre, conduit par Lully, exécuta sa musique avec un goût et une précision admirables. Le public réunit ses suffrages, et le feu roi, au retour de cette fameuse campagne de 1672, étant venu voir ce ballet, en marqua sa satisfaction à cet illustre musicien.

Les indications données ici sont parfaitement exactes, et il fallait vraiment à Lully non seulement une rare audace, mais une confiance bien absolue dans la bonté de Molière, pour ■ne pas hésiter à le dépouiller avec un si prodigieux sansfaçon. Il faut bien avouer que ce singulier pastiche des Fêtes de l'Amour et de Bacchus n'avait pu lui causer grand'peine et lui donner grand mal. La première partie du prologue comprenait toute la scène burlesque du donneur de livres au ■cinquième divertissement du Bourgeois gentilhomme; le premier acte était uniquement composé de la Pastorale des Amants magnifiques, qu'on arrêtait à la scène du Dépit amoureux ; toute la première moitié du second était formée des deux premières scènes de la Pastorale comique; enfin, le troisième n'offrait autre chose que la dernière partie, intégralement reproduite, du divertissement de George Dandin à partir de cette jolie chanson cle bergère :

Ici, l'ombre des ormeaux

Donne un teint frais aux herbettes.

Et les bords de ces ruisseaux

Brillent de mille fleurettes

Qui se mirent dans les eaux.

Prenez, bergers, vos musettes,

Ajustez vos chalumeaux

Et mêlons nos chansonnettes

Aux chants des petits oiseaux.

On conçoit que devant un pillage si effronté Molière ait vu •s'échauffer quelque peu sa bile, et que sa colère ait eu pour résultat de le brouiller sérieusement avec Lully, qu'il avait toujours comblé de bontés et qui, au lieu de lui payer les 11,000 livres qu'il lui devait depuis longtemps déjà, le dévalisait avec tant d'impudence.

Mais Molière, hélas ! ne devait pas vivre longtemps. Lully avait à peine fait représenter dans la salle cle Bel-Air son second ouvrage, Cadmus et Hermione, — un véritable opéra, celui-là,— que le grand homme mourait subitement, et que Lully s'empressait de faire expulser sa troupe pour prendre possession de son théâtre, de ce théâtre où il avait toujours •été reçu avec joie, et où, fréquent collaborateur du poète, il avait trouvé si souvent sa part des applaudissements prodigués à celui-ci. « L'opéra, comme on l'a dit, chassait la comédie de la maison hospitalière où celle-ci avait partagé

avec lui le pain de ses enfants. Le ténébreux coquin, si bien, qualifié par Boileau, entrait chez Elmire, devenue veuve, en disant à son tour :

La maison m'appartient, je le ferai connaître, et jetait Elmire à la porte (1). »

(A suivre.) • ARTHUR POUGIN

SEMAINE THÉÂTRALE

RICHARD WAGNER ET FRANCIS THOME A L'EDEN

On venait d'exécuter au Concert Lamoureux quelques fragments choisis do la Valkyrie. Je sortais de la salle pleine d'ombre, heureux de retrouver la lumière du jour, quand je me trouvai au milieu d'un groupe de jeunes amis très portés vers les nouvelles idées musicales. Pourquoi ne pas l'avouer? Il s'y trouvait même de mes collaborateurs au Ménestrel. L'un d'eux, encore sous l'influence du dieu, me dit: « Le moyen de n'être pas wagnérien après cela?» — e. Le moyen de l'être ? » lui répondis-je.

Et en effet, depuis Lohengrin et plus on s'avance dans l'oeuvre de Wagner, plus on n'y peut trouver que le produit d'un cerveau surmené et hanté par les chimères. Wagner voyait noir, il est resté le génie des ténèbres. Il a tenté d'introduire dans la musique, avec une puissance de moyens surprenante, l'oeuvre de destruction que son compatriote Schopenhauer prônait en philosophie. Pourquoi vivre? disait l'un. Pourquoi chanter? dit l'autre. Et il y a des disciples pour applaudir à ces théories macabres ! Quelle génération de compositeurs cela nous prépare, tous gais déjà comme leur père ! Et c'est pitié de voir ces pauvres petits souffreteux s'efforcer cle chausser les grandes bottes de l'ogre allemand, qui les mangera tous. Fuyez, poucets, fuyez cet hôte dangereux qui ne laissera rien de votre chair fraîche, et regagnez les bois de France, il en est temps encore.

A ce point de vue, la journée de dimanche aura été profitable. L'audition de la Valkyrie a ouvert les yeux de tous ceux qui ne veulent pas rester aveugles de parti pris, ni s'en laisser imposer par les déclamations vagues de quelques-uns. Il -ne faut pas trop s'en rapporter aux notes officieuses qui ont couru les journaux, d'après lesquelles renthousiasme du public aurait débordé. Je parle comme un témoin sans passion et je constate qu'en grande majorité les auditeurs sont restés parfaitement indifférents, calmes et glacés dans leurs fauteuils. L'oeuvre s'est déroulée, lourde et monotone, jusqu'au Chant du pinnlemps, qui est une lueur dans le chaos. Encore nous aceorderat-on que Gounod a chanté dix fois le printemps d'une inspiration plus fraîche et plus primesautière.

Par bonheur, aucune manifestation hostile ne s'est produite ; le moindre coup de sifflet eût tout gâté. Paris a donné une leçon de bien vivre à Berlin et aux intendants des théâtres royaux de Prusse.

Il faut féliciter M. Lamoureux de cette hardie tentative et le presser de nous donner bientôt le second acte de cette même Valkyrie. Ce sont des spectacles bons à mettre sous les yeux de nos jeunes musiciens, pour leur montrer jusqu'om peut s'égarer le génie quand il ne sait pas garder de mesure. L'enseignement consiste à indiquer non seulement ce qu'il faut faire, mais aussi ce qu'il ne faut pas faire. Est-il besoin de rappeler l'exhibition qu'on faisait à Sparte des esclaves ilotes? Dimanche déjà, l'audition de la Valkyrie a été l'occasion de plusieurs conversions éclatantes ; quelques musiciens de grande valeur et de grande franchise, qu'on craignait inféodés à tout jamais au système wagnérien, ont déclaré dans des termes énergiques ne pouvoir aller jusque-là. A la prochaine expérience de M. Lamoureux, les conversions seront encore plus nombreuses. Que.le vaillant chef d'orchestre ne se lasse done pas !

Le même Eden nous donnait quelques jours plus tard deux ballets à la fois, dus à la plume facile et élégante de M. Francis Thomé, un jeune compositeur fort à la 'mode déjà dans le monde du piano. Le premier de ces ballets, la Folie Parisienne, ne nous ayant semblé qu'une pochade improvisée sur le pouce au dernier moment, nous nenous arrêterons un peu sérieusement qu'au second, Djemmah, dont le compositeur a brodé la partition sur un livret de MM. Léonce Détroyat et Pluque. Le livret, dans sa simplicité, offre au musicien des situations variées bien faites pour exciter sa verve : nous y

({} Registre cle La Grange, notice sur La Grange, p. XVIII.


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LËM^TREL

trouvons sujet à marches guerrières et aux danses les plus diverses, depuis celle de l'Aimée jusqu'au classique pas de la Rose. Seulement, cette fois, la rose est empoisonnée, ce qui donne un peu de ragoût à l'incident. Ceci amène tout naturellement un dénouement tragique, la mort de l'héroïne, et voilà pour le compositeur l'occasion de prouver ses qualités dramatiques. • »

Les librettistes ont donc bien accompli leur tâche, qui est surtout de mettre en sa pleine lumière le talent du musicien. Celui-ci n'a pas manqué non plus à son passé et nous trouvons dans sa partition, à côté de pages simplement aimables, quelques passages d'une touche plus vigoureuse et qui nous font bien augurer de son avenir de compositeur dramatique. La marche triomphale n'est certes pas banale, elle est coupée fort habilement par le motif plaintif et vraiment poignant de l'entrée des prisonniers. Bien qu'on ait paru en rire, ce qui tenait surtout à une mise en scène maladroite, la ronde des derviches tourneurs, si pleine d'entrain et de couleur qu'on peutla citer même après celle de Beethoven, reste pour nous la page maîtresse de l'oeuvre charmante de M. Thomé. Au second acte, nous aimons la scène au bord de l'Indus et le duo d'amour, dont la phrase principale, d'une belle venue, servira encore au dénoûment pour la mort de Djemmah, avec des développements plus amples et une sonorité croissante.

Que manqne-t-il à cette oeuvre plaisante pour que le succès s'en soit affirmé vivement dès le premier soir? Moins de danses accumulées les unes sur les autres, toutes jolies qu'elles soient, une part plus grande donnée à l'action purement scônique. On aurait évité ainsi un peu cle monotonie. On se fatigue de tout, hélas ! même de la grâce. Ce qui a fait le plus défaut à M. Francis Thomé, c'est encore de n'avoir pas trouvé un piublic pour l'écouter; celui de l'Eden n'est pas habiLué à prendre en grande considération la musique des ballets qu'on lui sert. Les inspirations des signori Marenco et Dall'Argine, de si bruyante mémoire, l'avaient laissé dans la plus complète indifférence. En revanche il était habitué à trouver sur la scène des splendeurs et des masses nombreuses dont on l'a sevré cette fois. Les rôles étant intervertis et l'intérêt se trouvant à présent à l'orchestre, il lui faut quelque temps pour s'y faire et rouvrir ses oreilles toutes grandes. Nous voulons croire que la charmante partition de M. Thomé accomplira prochainement le miracle. Il serait dommage vraiment d'avoir semé tant de perles mélodiques devant un parterre de sourds.

M. Thomé trouvera d'ailleurs une aide puissante pour rompre la glace dans le talent incomparable de sa principale interprète, la Cornalba, qui s"est prodiguée de toutes façons. Il n'est pas possible qu'elle n'enlève le succès à la pointe de ses jolis pieds.

Dimanche dernier, nous avons dit quelques mots des répétitions du Roi l'a dit. La représentation a justifié toutes les espérances, et le public des abonnés a paru y prendre un plaisir extrême. MUe Patoret, sous l'influence d'une mauvaise grippe, n'a pu donner toute sa mesure comme chanteuse; mais la comédienne est d'une si belle humeur qu'elle a sauvé la cantatrice. Tout a été parfait d'ailleurs, aussi bien les artistes Degenne. Fugère et Grivot en tète, que l'orchestre qui, après six mois d'interruption, a exécuté cette partition fine et si pleine de détails comme s'il l'avait laissée de la veille. Ce résultat fait grand honneur à la main si ferme du chef d'orchestre. M. Danbé.

Plusieurs de nos confrères annoncent que l'opéra comique de MM. Gondinet et Léo Délites a été réduit en deux actes pour cette reprise. C'est une erreur, les trois actes sont toujours debout et bien remplis ; quelques coupures seulement, intelligemment pratiquées dans certains morceaux d'ensemble, ont permis d'abréger la durée du spectacle.

Zampa, avec l'appoint de M. Victor Maurel, continue toujours à réaliser les plus belles recettes. Cependant, l'excellent artiste devant prendre son congé le 1er mars, il ne sera plus donné que trois représentations du chef-d'oeuvre d'Herold : aujourd'hui même en matinée, puis mardi 23 et jeudi 25.

NOUVEAUTÉS. — Serment d'amour, opéra comique en .3 actes, de M. MAURICE ORDON.NEAU, musique de M. EDMOND AUDRAN.

M. Brasseur a frappé cette l'ois à la porte du bon faiseur. Parmi les entrepreneurs d'opérettes de nos jours, en est-il en effet dont la main soit plus sûre que celle de M. Edmond Audran? Avec lui, pas de surprise, on sait toujours d'avance où l'on va. Nul danger que la fantaisie vous égare. Tout dans ses partitions est prévu et tiré au cordeau. Ainsi que Trochu, le jeune compositeur a déposé depuis longtemps son plan chez tous les directeurs de théâtre, et c'est toujours

le même, également bon, également fructueux: à neuf heures le petit choeur d'introduction avec les petites femmes bien pomponnées, bien bichonnées ; à 9 heures 1/2 le petit duetto pour la première chanteuse avec le baryton assoluto. Ça, c'est le triomphe de la maison, la spécialité qu'on ne trouve pas au coin du quai. Personne comme M. Audran pour présenter avec grâce ces petites bonbonneries à deux voix, pour marier d'une façon plus aimable l'aigrelet d'une divette à l'onctueux d'un Morlet ou d'un Piccaluga.

Dès le début de la soirée, le succès se trouve ainsi consolidé et le reste n'a plus qu'à couler comme un petit ruisseau. Les couplets défileront sans difficulté. A dix heures, nous aurons le premier finale mousseux, à dix heures 1/4, le petit choeur au cabaret: C'est aujourd'hui dimanche, puis le duo d'amour où l'inspiration du compositeur paraît devoir s'échauffer, enfin le fabliau, l'idylle, la pastorale avec hautbois obligato, etc., etc. Comme M. Audran connaît ses auteurs, — Offènbach surtout et Lecocq, son maître direct, — il sait en faire à propos des citations. Le spectateur aime ces douces réminiscences, qui ne lui encombrent pas inutilement la cervelle de nouveauté et d'imprévu. Il en va des vieilles connaissances ainsi que des vieux habits; on ne se sent à l'aise qu'avec elles.

M. Edmond Audran n'a pas manqué au programme qui lui a si bien réussi jusqu'ici et il serait bien bon d'en changer puisqu'il suffit à bâtir des hôtels. Quand le public se déclarera fatigué, alors seulement le jeune musicien cherchera quelque transformation dans sa manière. De ce jour-là datera l'Audran que nous attendons. Sans doute il se décidera à écrire quelque oeuvre d'artiste, d'où l'idée et l'originalité ne seront pas chassées comme des gueuses. Car nous tenons son talent très réel pour bien supérieur au genre que lui a imposé la mode et la difficulté de forcer les portes d'un théâtre lyrique sérieux. En attendant il devra se résigner à encaisser de gros droits d'auteur.

Le livret de M. Maurice Ordonneau est des plus aimables. C'est l'histoire d'une marquise qui joue les Talleyrand en jupon, et dont tous les plans habiles sont déjoués par le « petit dieu malin », notre grand maître à tous. Les détails en sont charmants et l'esprit vif et aiguisé.

Quelle situation difficile que celle de MUc Ugalde, l'héroïne de la nouvelle opérette ! A la fois pensionnaire des Nouveautés et fille de la directrice des Bouffes-Parisiens, la concurrence d'à côté ! Le succès, c'était la ruine de sa mère et tous les applaudissements qu'elle récolterait devaient retentir douloureusement au passage Choiseul. N'importe, l'artiste a pris le dessus et son succès a été des plus complets. Comme elle a dû en pleurer, le soir, dans le sein maternel !

Morlet a été délicieux, Berthelier exquis, Albert Brasseur désopilant, MUe Juliette Darcourt idéale, et MUe Lantelme insolemment belle. J'aime ces insolences.

H. MORENO.

BOUFFES-PARISIENS. — Les Noces improvisées, opéra comique en trois actes, de MM. A. Liorat et Fonteny, musique de M. F. Chassaigne.

Tous les journaux, — en style noble : « les organes de la publicité », — ont annoncé déjà que cette semaine avait eu lieu, aux Bouffes, la lecture d'une nouvelle pièce en trois actes, Joséphine vendue par ses frères. Ceci peut vous donner une idée du succès... douteux obtenu par ces Noces impt^ovisées. Il est peu probable, en effet, que Jesdites Noces, qui ne valent ni celles de Figaro ni même celles de Jeannette, s'éternisent sur l'affiche, où peut-être elles seront obligées de céder bientôt la place à une reprise in extremis de la Béarnaise. Oncques ne vis livret plus vide, plus nul d'idées dans sa fantaisie incohérente ; oncques n'ouïs musique plus fade, plus incolore, moins savoureuse et plus inexpérimentée. De tout cela résulte un ragoût scénique peu engageant, et surtout peu nourrissant.

Mais quelle singulière idée d'aller choisir pour héros d'une pièce qui voudrait être comique la figure guerrière du patriote hongrois Rakoczy, et de la mettre en présence d'un maître imbécile à qui l'on donne le nom ingénieux cle Bobinnrhumkorff !... Non, raconter cette pièce est impossible ; elle est vraiment inénarrable, et échappe à toute espèce d'analyse. La folie à froid n'est pas de la fantaisie, et toutes les évolutions du monde, les marches, les danses, les cortèges, ne remplaceront jamais au théâtre une once de sens commun. Encore faut-il qu'une pièce soit à peu près construite, et celle-ci manque des fondations les plus élémentaires. Quant à la musique, elle ne lui fait aucun tort, je le veux, mais elle ne lui apporte non plus aucun appui.

Il faut plaindre les pauvres artistes qui sont obligés de tirer


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quelque chose de ce néant, et la direction des Bouffes devra tresser des couronnes à la toute amusante Mily-Meyer, qui a donné un semblant de vie à ce semblant d'opérette, et qui, à plusieurs reprises, a mis vraiment la salle en belle humeur par sa drôlerie, son étrangeté, ses gestes étonnants et ses intonations imprévues. Elle est véritablement impayable cette petite femme, qui joue un peu la comédie en poupée articulée, mais qui excite un rire franc et provoque des bravos sincères. A côté d'elle, il faut nommer Maugé, qui joue pour la centième fois le même rôle sous un nom différent, Alexandre, qui est le baryton de la chose, et MUe Jeanne Thibault, la débutante, qui ne manque ni de grâce, ni de gentillesse. Mais quelle drôle de pièce, et quelle pièce pas drôle !

ARTHUR POUGIN.

M. MUNKACZY ET LA MORT DE MOZART

Le public parisien aurait mauvaise grâce à se plaindre : en dépit des accès de mauvaise humeur auxquels se laissent entraîner de temps à autre les artistes étrangers quand son enthousiasme garde des proportions trop discrètes, c'est encore à lui qu'on réserve toutes les primeurs, comme on vient lui demander les consécrations décisives. A vrai dire, on le prétend blasé ; mais il gagne à cette réputation plus ou moins justifiée un bénéfice réel : le luxe de mise en scène dont tout imprésario bien inspiré s'efforce maintenant d'entourer l'oeuvre ou l'artiste dont il a charge d'exhibition.

Il y a de l'enchère, comme disent les commissaires-priseurs, et même de la surenchère. Mais il en résulte des conceptions originales, des combinaisons qui ont peut-être le tort de tomber dans la féerie, mais qui, du moins, sortent de l'éternelle banalité. C'est ainsi que M. Munkaczy, l'auteur justement célèbre cle ce Christ au prétoire qui fit tant de bruit vers 1880, a eu la curieuse idée de transformer en « première » musicale la... comment dire, pour rester dans le ton du sujet et la couleur locale de la scène ?... la révélation à un public d'élite de la toile représentant la mort de Mozart.

Tous les fidèles de la grande religion artistique savent que Mozart est mort en dirigeant les dernières répétitions de ce Requiem dont la « commande » et l'exécution ont fait l'objet de tant de légendes... M. Munkaczy a voulu évoquer en quelque sorte la scène mystérieuse et lugubre de ces derniers moments, placer les invités de la « première o intime dans des conditions à peu près analogues aux dispositions des amis de Mozart quand ils virent les feuillets du Requiem s'échapper de ses mains défaillantes. Et il a fait exécuter ' la sublime conception du maître par des choeurs dissimulés derrière un rideau pendant qu'un éclairage savant, aux lueurs doucement opalisées, mettait en plein relief les principales figures du groupe représenté sur la toile avec les proportions de grandeur naturelle...

Artiste convaincu, tempérament fougueux, M. Munkaczy est aussi un homme d'esprit. Il a compris que son exposition-concert, régal raffiné de gourmets, et surtout dînette de public féminin, serait nulle et non avenue par la critique d'art, au point de vue purement esthétique. C'est maintenant dans la galerie Sedelmeyer, sans réflecteur et sans musique, avec un éclairage toujours habile mais naturel et qui n'a rien d'outrancier, qu'on peut voir la Mort de Mozart, à la même place où se trouvait placé il y a cinq ou six ans le Christ au prétoire. D'une antichambre sombre on passe brusquement à la salle que remplit le Mozart de M. Munkaczy, sous la nappe de lumière tamisée par un vélum.

Encore une chapelle, mais sans maîtrise. On y gagne de pouvoir examiner plus sérieusement la composition et le détail de cette oeuvre considérable, d'une facture moins serrée que la Mort de Milton et le Christ au prétoire, mais d'une émotion plus réelle et plus communicative. Au premier plan, Mozart agonisant, étendu dans un fauteuil, laisse glisser à terre le manuscrit du Requiem ; sa tête s'incline sur sa poitrine, ses yeux se ferment pendant que le choeur des chanteurs debout devant le compositeur continue l'exécution du morceau. Les amis, la femme et le fils de Mozart complètent l'ordonnance du tableau.

Il y a là, sinon un chef-d'oeuvre complet— la tonalité j lourde, un peu maçonnée comme dans le mauvais Couture ou le médiocre Bonnat, le lâché de détails importants, notamment des mains, imposent des réserves — du moins plus et mieux qu'un grand effort. La Mort de Mozart, considérable dans quelques parties, vaut.

surtout par la ferveur et la largeur de l'inspiration ; elle échappe à la banalité romantique du genre Ary Sehoeffer trop souvent appliqué à ce genre de sujets ; elle procéderait plutôt de cette grande page héroïque, la Mort de Marceau. Et c'est le plus bel éloge qu'on puisse faire de la nouvelle toile du peintre hongrois. Elle rappelle dans certaines parties la maestria de notre Jean-Paul Laurens.

CAMILLE LE SENNE.

CORRESPONDANCE DE SAINT-PÉTERSBOURG

Les représentations de M. Lassalle sont terminées. Il y en a eu six en tout. 11 a pris part en outre à un grand concert de bienfaisance, qui a été honoré de la présence de la famille impériale.

Inutile de vous parler de la belle voix de M. Lassalle, voix métallique et en môme temps caressante, de sa mezza-voce délicieuse, de son interprétation pleine de goût, de chaleur, d'énergie, riche de nuances et de couleur, puisque vous les connaissez bien mieux que nous, dont il n'a été que l'hôte passager.

Il a chanté un peu de musique russe, mais il a été assez mal conseillé dans le choix de ses auteurs. Il s'est contenté de Rubinstein, compositeur plutôt cosmopolite que russe, à proprement parler, et de Moniuszko, compositeur lithuanien. Il a chanté une mélodie de ce dernier en langue russe, ce qui fait toujours les délices de notre public.

Le succès de M. Lassalle a été vif, malgré les conditions désavantageuses dans lesquelles il a dû se produire. Je ne dirai pas de mal de son entourage: Mmes Duvivier et Dalmont sont des artistes de mérite, sans atteindre, bien entendu, au niveau artistique de M. Lassalle ; mais l'organisation des représentations de M. Lassalle n'était pas faite pour produire une bonne impression sur le public.

Au début, un proverbe, ou une petite comédie avec M. Dieudonné, puis un intermède, composé de mélodies et d'airs d'opéras, avec accompagnement de piano, puis une nouvelle petite comédie, puis enfin une scène d'opéra (Henri VIII, Hamlet ou Rigoletto), sans choeurs, avec un orchestre médiocre, bien que dirigé par un chef d'orchestre expérimenté, M. Vianesi.

Les divers éléments dont était composée cette mosaïque se nuisaient l'un l'autre, fatiguaient le public et le laissaient vers la fin sous l'impression d'un malaise et d'un mécontentement indéfinis.

Malgré cela, M. Lassalle a remporté un succès sérieux. Espérons, la première fois qu'il reviendra chez nous, l'entendre seul, dans des concerts où nous pourrons apprécier sous ses aspects divers le souple talent de: cet éminent artiste.

C. Gui.

NOUVELLES DIVERSES

ETRANGER

— L'Italie continue de rendre au compositeur Ponchielli des hommages posthumes de reconnaissance et d'affection. Comme toujours en ce pays, un peu d'exagération se mêle à l'expression légitime des regrets éprouvés; on s'en rendra compte en lisant cette circulaire, publiée par le municipe de Crémone : — « A Amilcare Ponchielli, l'auteur célèbre des Promessi Sposi, des Lituani, de la Gioconda, de Marion Delorme, au continuateur du génie musical italien, la ville de Crémone, chef-lieu de la province dans laquelle il est né, veut ériger un monument. Et pour que cette nouvelle pierre milliaire sur la route de nos gloires soit une nouvelle preuve du culte réservé en Italie au divin art du chant, la Commission soussignée estime convenable et obligatoire d'aviser tous ceux qui tiennent en honneur notre musique, tous ceux qui reconnaissent en Amilcare Ponchielli une des plus hautes et splendides manifestations de l'art, en les invitant, par leur concours, à rendre plus complet et plus significatif le souvenir que le Conseil communal de Crémone a décidé de lui décerner. » Tout en rendant justice au sentiment qui a dicté de telles paroles, tout en reconnaissant le mérite et la valeur artistiques de Ponchielli, on ne peut s'empêcher de trouver ce style un peu excessif, et l'on se demande quels termes plus éloquents pourraient être consacrés à Verdi, quels éloges plus emphatiques l'Italie pourrait employer à l'égard d'un Pergolèse, d'un Cimarosa ou d'un Rossini, si elle avait le bonheur de posséder encore un artiste de cette taille et de cette envergure.

— C'est le premier dimanche du prochain mois de juin qu'on inaugurera à Naples, au Conservatoire de San Pietro a Majella. la statue de Bellini, oeuvre remarquable et fort intéressante, dit-on, du sculpteur Balzico.

— Les journaux italiens enregistrent la naissance d'une nouvelle opérette, Cosmos, dont la musique a été écrite par M. Boniccioli sur un livret de M. Ulisse Barbieri. Les pères et l'enfant se portent bien, mais on ne sait encore où celui-ci sera mis en nourrice, c'est-à-dire quel théâtre voudra bien l'accueillir.


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LE MENESTREL

— Un double incident assez curieux s'est produit ces jours derniers au théâtre Verdi, à Pâdoue. On jouait Ernani, et à peine le baryton Gamberini eut-il fait son entrée qu'on crut s'apercevoir qu'il n'était pas dans son état normal. Bientôt le public se fâche, siffle, et l'on est obligé de baisser le rideau. Le ténor Garulli vient alors faire une annonce, en disant que son camarade, « indisposé, fera ce qu'il pourra ». L'annonce ne provoque aucune rumeur, mais à la nouvelle arrivée du baryton les premiers soupçons se changent en certitude : le doute n'est plus possible, Charles-Quint est outrageusement ivre ! et le tapage de reprendre, cette fois infernal. On ne sait à qui surgit alors une idée gigantesque, mais on entend les cris : Vettorazzo, Vettorazzo ! En toute hâte on place sur les épaules de Vettorazzo la dépouille du monarque... ému, tandis que celuici est traîné à la questure pour y répondre d'un outrage que, dans sa colère, il avait adressé au délégué de la sécurité publique, et Vettorazzo entre en scène, avec la mission de succéder à ce souverain dépossédé. Vettorazzo n'est autre chose qu'un brave homme de choriste, qui, il est vrai, a fait quelques études à l'Institut musical de Padoue. Il se trouve qu'il a une bonne voix, qu'il se tire courageusement et très convenablement d'affaire, si bien que le public, maintenant mis en belle humeur, lui fait une ovation, le couvre d'applaudissements, et, l'entendant lancer à plein gosier la grande phrase du finale : 0 sommo Carlo ! lui crie bis de tous les points de la salle, tandis que les choristes, heureux de l'inattendu triomphe de leur compagnon, chantent avec une variante : A Vettorazzo siagloriae onor! C'est le cas de dire une fois de plus que le bonheur de l'un fait le malheur de l'autre.

— Un musicien italien, le maestro Benvenuto Guagni, vient de publier sous ce titre : l'Odierna Scuola di canto in Italia (l'École actuelle de chant en Italie), un livre dont les journaux de la Péninsule font un grand éloge.

— Un correspondant de la Gazzetta musicale, qui, à propos de la reprise d'un opéra de Ricci, retrace un petit chapitre d'histoire artistique, nous apprend qu'en 1834 et 1833 le fameux baryton Coletti gagnait au théâtre du Fondo, de Naples, 391 fr. 66 c. par mois, et que l'admirable Lablache, engagé pour jouer indistinctement au Fondo et au San Carlo, n'en touchait pas plus de 2,300. Voilà qui doit faire hausser les épaules à M. Masini, qui est cependant moins fort que Lablache — au moins physiquement parlant.

— L'Italie ne possédant encore qu'une cinquantaine de journaux s'occupant spécialement des choses théâtrales et musicales, le besoin se faisait violemment sentir de la création d'un nouvel organe de ce genre. Une lacune aussi regrettable vient d'être enfin comblée par l'apparition, à Bologne, d'un journal intitulé il Teatro, dont le premier numéro a paru ces jours derniers.

-*-> -àerait-ce une épidémie? Nous annoncions, dimanche dernier, l'arrestation à Brescia d'une danseuse impliquée dans une affaire d'un vol considérable de bijoux. On vient d'arrêter, à Gènes, une autre ballerine, nommée Pierina Vigevano, qui avait quitté précipitamment le théâtre Quirino, de Rome, après s'être rendue coupable du vol d'un bracelet et d'une montre.

— Les chanteurs italiens font maintenant la petite bouche devant les propositions ridicules qui leur viennent d'Amérique. Il paraît qu'on vient d'offrir au ténor Calosso un traité pour le théâtre de Buenos-Ayres, à raison de 9.000 francs par soirée pour une série de cinquante représentations à donner dans l'espace de cinq mois, ce qui .forme un total de 4S0,000 francs. En présence de cette perspective médiocre, le susdit ténor se gratte l'occiput et demeure indécis. On incline à croire qu'il voudrait encore être nommé président de la République Argentine, ou tout au moins généralissime de l'armée nationale. L'affaire est en suspens.

Depuis quelques jours, dit la Gazzetta musicale de Milan, on entend

dans l'église San Lorenzo, d'Alexandrie, un jeune homme de 25 ans environ, élève de chant du maestro Pietro Abbà-Cornaglia et qui s'appelle Vincenzo Benedetto. Jusqu'ici rien d'étrange. Mais où le lecteur ouvrira les yeux, c'est lorsqu'il saura que ce jeune homme possède une voix de mezzo-soprano-contralto, superbe, très limpide, d'un timbre clair et moelleux, qui va du sol grave à l'ut aigu, sans prendre le fausset. Un phénomène des plus curieux. Le maestro Abbà-Cornaglia a composé expressément pour son élève un Ave Maria et un Tantum ergo d'un effet indicible. On parle beaucoup de ces compositions et de leur phénoménal chanteur.

— De Lisbonne, il nous parvient la nouvelle du très grand succès que Mme Devriès a retrouvé pour sa rentrée au théâtre Saint-Charles. Elle a reparu dans Hamlet au milieu d'un enthousiasme indescriptible, nous écrit-on. Toute la représentation n'a été, pour la grande artiste, qu'une longue suite d'ovations. La scène était couverte de corbeilles immenses ornées de rubans tricolores. Au résumé, soirée triomphale. M. Maurice Devriès, qui remplissait le rôle d'IIamlet, a partagé le succès de la soirée avec Ophélie.

— On annonce de Madrid que la veuve d'un artiste fort distingué, Mme Clarisse di Franco, offre de vendre, au prix de 30,000 francs, deux violons provenant de son mari, garantis authentiques et en parfait état. L'un de ces violons est un Antoine Stradivarius, daté de 1736; l'autre est un Gagliano, d'ailleurs imparfaitement désigné, car il y a eu à Naples, au dix-huitième siècle, quatre luthiers de ce nom, appartenant à la même

famille, mais dont les produits, quoique tous généralement distingués, sont pourtant de valeur inégale.;

— Un jeune compositeur espagnol, M. Antonio Nicolau, connu surtout par un poème symphonique intitulé le Triomphe de Vénus, qui a été exécuté il y a quelques années à Paris, vient de fonder à Barcelone une société r'e grands concerts, dont les programmes feront une large part à la musique française. Pour l'inauguration de sa saison, qui sera courte cette année, M. Nicolau se propose de faire entendre à son public la Damnation de Faust, de Berlioz, et Le Désert de Félicien David.

— Le Désert, de Félicien David, vient d'être exécuté avec le plus grand succès au Concerthaus de Berlin. Le ténor Hanptstein y a été fort remar-f quable. — On annonce, pour le 1er avril, la réapparition de Mme Pauline Lucca à la Société Philharmonique de la même ville.

— L'astre de Wagner serait-il déjà près de son déclin? Munich ellemême, Munich, la ville sainte, a négligé de célébrer, cette année, comme elle en avait pris la coutume, l'anniversaire de la mort du grand musicien. La.cérémonie serait remise au 22 mai, date de la naissance de Fauteur du Crépuscule des Dieux ; c'est égal, voilà un culte qui se ralentit.

— NOUVELLES THÉÂTRALES D'ALLEMAGNE. — Au Walhalla Theater de Berlin, on vient de donner une revue assez originale. Elle a pour titre: Berlin qui rit, et met en scène l'histoire du théâtre berlinois (comédies, opérettes, pièces à spectacle) depuis l'année 1800 jusqu'à nos jours. La pièce est, paraît-il, très bien comprise et attire chaque soir un auditoire nombreux. -- A l'Opéra de Vienne, on active les études d'un opéra-ballet de M. Mosentbal, musique de M. Joseph Hellmesberger jeune, intitulé : FataMorgana. La première représentation doit en avoir lieu dans le courant du mois de mars. — La direction du Théâtre Municipal de Stettin vient de recevoir et fera représenter dans le courant delà saison un opéra romantico-comique (?) de M. Robert Kratz, poème de M. E. Schneider, intitulé VEspion.

— Le 31 mai prochain, à Vienne, aura lieu l'inauguration d'un magnifique monument que l'on érige en ce moment au parc Esterhazy à la mémoire d'Haydn.

— Un orchestre qui doit certainement être unique en son genre, c'est celui qui, en ce moment, fait les délices de Vienne. Il se compose de 1S nègres du Soudan, jouant tous des instruments de cuivre fabriqués en Europe. On peut supposer que ces intéressants virtuoses se feront bientôt entendre à Paris, et la garde républicaine n'aura alors qu'à se bien tenir !

— A Moscou, l'éditeur Jûrgenson vient de publier, à l'occasion des concerts donnés par M. Antoine Rubinstein, une biographie de ce grand artiste, écrite en langue russe par M. Baskine.

— C'est le 26 de ce mois que doit avoir lieu à l'Albert-Hall, de Londres, l'exécution de Foratorio de M. Gounod, Mors et Vita, expressément demandée par la reine Victoria.

— Bottesini, le fameux contrebassiste, dont on n'entendait plus parler depuis longtemps, s'est fait entendre la semaine passée aux Concerts Populaires de Londres, et a soulevé un véritable enthousiasme, en exécutant un Boléro de sa composition. Au même concert, le ténor Thorndike a in. terprété au milieu d'applaudissements sans fin une délicieuse mélodie de Lassen, Laisse couler tes pleurs.

— Notre correspondant à New-York nous écrit que la première des nouvelles séances populaires de M.Thomas, dites « séances des demandes », a eu lieu dernièrement dans la salle de l'Académie de musique et a obtenu un succès considérable. Le programme, rédigé, comme l'on sait, par les abonnés eux-mêmes, était des plus intéressants; tous les numéros en ont été applaudis à outrance, mais les honneurs de la soirée sont revenus sans conteste à l'ouverture du Songe d'une. Nuit d'été, à l'andante de la Se Symphonie de Beethoven, à la seconde suite du Bal costumé de Rubinstein et g, la célèbre Valse-Caprice du même auteur.

— Lé Mendslssohn Club, de Philadelphie, a fait exécuter à son dernier concert l'hymne de Faure, Sancta Maria, arrangé pour choeurs, qui a produit, nous écrit-on, un effet extraordinaire et a été accueilli par des acclamations prolongées.

PARIS ET DÉPARTEMENTS

— Suite des incidents Saint-Saôns en Allemagne : Les intendants des théâtres de Dresde et de Brème viennent, comme celui de Cassel, d'interdire au maître français l'entrée de leur théâtre. De plus, la représentation d'Henri VIII vient d'être interdite au théâtre de Prague, alors que l'oeuvre était prête à passer. C'est un acharnement vraiment inconcevable. Pendant ce temps nous applaudissons de toutes nos forces M. Joachim, directeur de l'Académie de Berlin, qui a toujours exprimé des sentiments fort hostiles à notre pays. Nous pouvons le dire, à présent que M. Joachim n'est plus notre hôte et qu'il n'a plus rien à redouter du public parisien. Nous pouvons nous enorgueillir aussi de l'attitude très correcte des auditeurs à la séance de dimanche dernier au concert Lamoureux, où on exécutait la Walhyrie. Et maintenant, demandons-le à nos voisins d'outre-Rhin, de quel côté est le calme, de quel coté est la force ? Où les manifestations de l'art et les artistes eux-mêmes sont-iJs le plus en sécurité ?


LE ftÎENESTREL

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— M. Saint-Saëns n'est pas d^ailleurs sans rencontrer en Allemagne les sympathies et le soutien des hommes de sens et de sang-froid qu'on trouve dans tous les pays. C'est ainsi que M. Edouard Hanslick, le célèbre cri.

cri. lui consacre, dans la Nouvelle Presse libre, tout un feuilleton où il prend sa défense dans les termes les plus éloquents. Les compositeurs français ont d'ailleurs toujours trouvé un ami chaleureux en la personne de M. Hanslick. A signaler aussi, dans le journal anglais the Musical Standard, un plaidoyer ardent en faveur de M. Saint-Saëns.

— Un de nos confrères de Milan, il Trovatore, s'émerveille à la pensée que M. Ambroise Thomas, « le directeur du Conservatoire, l'auteur de Mignon, » puisse consentir à composer un ballet pour l'Opéra. « Figurezvous, dit-il, Bazzini, directeur du Conservatoire de Milan, daignant écrire la musique d'un ballet ! » L'étonnement de notre confrère provient de ce que les coutumes, à cet égard, sont absolument différentes dans les deux pays. En Italie, la musique de ballet est méprisée — et le plus souvent méprisable. On la confie d'ordinaire à des musiciens de sixième ordre, qui bâclent cela n'importe comment, à grand renfort de trombones et de grosse caisse. En France, au contraire, cette musique a toujours été très estimée,, et depuis Rameau, nos plus grands musiciens ont tenu à honneur de s'y distinguer. Cherubini et Méhul, Herold et Berton, Halévy, Auber, Adolphe Adam, M. Léo Delibes ont écrit des ballets qui sont de vrais chefs-d'oeuvre, et ils n'ont jamais rougi d'employer leur temps à semblable besogne. Voilà ce que le Tiovatore ignore, sans doute, et ce qui fera cesser sa surprise.

— De notre confrère Victor Roger, de la France : Nous avons annoncé, ces jours derniers, qu'on venait de poser une plaque commémorative sur la maison où est mort Berlioz. Croirait-on que son monument au cimetière Montmartre'vient d'être seulement achevé? Il se compose d'une haute dalle de marbre, dressée au chevet de la pierre tombale, et sur laquelle sont inscrits les noms des principales oeuvres du musicien. Au-dessus de l'inscription rayonne un demi-soleil d'or, du milieu duquel émerge en lettres noires le nom de Berlioz. Le médaillon, qui représente le maître, est encore voilé. Le jour de l'inauguration n'est pas fixé.

— Nos grands confrères annoncent que le Comité des inscriptions parisiennes va faire placer, avec l'autorisation du conseil municipal, sur la maison qui porte le n<> 2 de la rue de la Chaussée-d'Antin, une plaque commémorative dont la légende sera ainsi conçue :

GIACOMO ROSSINI compositeur de musique habita cette maison jusqu'en 1869. Nous féliciterons vivement le Comité d'avoir songé à perpétuer ainsi le souvenir du long séjour de Rossini à Paris, mais nous ne lui adresserons pas les mêmes éloges au sujet du texte de l'inscription projetée, car si ce texte est tel que nos confrères l'ont publié, il serait deux fois fautif. Rossini, en effet, ne s'appelait pas Giacomo (Jacques), mais bien Gioacchino (Joachim). D'autre part, il n'a pu habiter la maison en question jusqu'en 1869, car il y est mort le 13 novembre 1868. Nous livrons à qui de droit cette double et importante rectification.

— De notre confrère Jules Prével, du Figaro: - « Nouvelle invention: le Piano à coudre. Il s'agit d'une machine à coudre musicale, qui bientôt trouvera sa place dans toutes les familles. Elle coud pendant qu'on la touche. Les aiguilles sontjmises en mouvement quand on frappe les touches, lesquelles exécutent toutes espèces d'ouvrages à l'aiguille. Dans ce but, plusieurs morceaux de piano ont été composés pour manteaux, jerseys, waterproofs, tabliers et mouchoirs. Dès que le morceau est fini,

t 1 article désire se trouve couché sur la table d'harmonie. C'est une bonne fumisterie, je pense. »

— L'audition officielle et solennelle du Chant de la Cloche, de M. Vincent d'Indy, oeuvre couronnée au dernier concours de composition musicale de la Ville de Pans, aurajieu à l'Éden-Théâtre, le jeudi 25 février, à deux heures. C'est M. Lamoureux qui, sur la demande du compositeur, dirigera1 exécution. Le Chant de la Cloche sera, en outre, donné au Concert-Lamoureux le dimanche suivant.

— La Concordia nous fera entendre le 4 mars une oeuvre d'un des musiciens anglais les plus en vue, M. Frédéric Cowen ; c'est une cantate intitulée la Belle au bois dormant, déjà populaire chez nos voisins d'outremer. Le Musical Standard, qui nous apporte cette nouvelle, nous apprend également qu'une suite d'orchestre du même auteur, le Langage des Fleurs, va être exécutée prochainement au concert Colonne.

— Nous nous bornerons à annoncer aujourd'hui l'apparition, à la librairie luschbacher, d'un livre de MM. Albert Soubies et Charles Malherbe, publie sous ce titre : l'OEuore dramatique de Richard Wagner, dont nous avons déjà donné la préface à nos lecteurs. Nous reparlerons de ce volume intéressant, qui pose la question wagnérienne sous un jour particulier, celui de la valeur purement scénique des productions du prétendu reformateur.

— Deux frères : l'un est musicien, l'autre est poète. Les lecteurs de ce journal connaissent le nom de l'un d'eux, M. Alexis Rostand, un artiste de grande ^ envolée, qui prendra sa place un jour au grand soleil de l'art, et qui s'est fait remarquer déjà par plusieurs oeuvres importantes, dun beau souffle et d'une rare élégance. L'autre, son collaborateur,

M. Eugène Rostand, qui lui a fourni le texte et le sujet de la plupart de ces oeuvres, l'oratorio Ruth, la cantate Gloria Victis, l'opéra Bianca Nera, est un poète délicat, au vers souple et libre, qui chante pour chanter; par amour du rythme et de l'harmonie, sans s'inquiéter de savoir si la poésie doit être scientifique, ou pessimiste, ou névrosiste, ou autre chose encore. M. Eugène Rostand vient de publier sous ce titre: les Sentiers unis, à la librairie Hachette, un volume de jolis vers, pleins de grâce et de fraîcheur, d'une allure libre, d'une forme châtiée et d'un doux sentiment. Nous ne saurions analyser ici toutes les qualités de ce livre, mais nous le recommandons sans crainte à tous ceux qui aiment la poésie saine, inspirée et réconfortante. — A. P.

— A Bordeaux, très belles représentations du Siguul de M. Ernest Reyer. Cette remarquable partition a été bien accueillie des dilettantes bordelais. Les interprètes, MM. Lestellier (Sigurd), Guillemot (Gunther), et Mme Laville-Ferminet, ont été fort applaudis.

— Le Chevalier Jean, l'opéra de Victorin Joncières, vient d'être représenté pour la première fois, au Grand-Théâtre de Nantes, avec un grand succès. Rappels chaleureux pour tous les interprètes.

CONCERTS ET SOIRÉES

— Le concert du Châtelet de dimanche dernier offrait un ensemble de pièces très intéressantes. La symphonie en si bémol de Schumann est une oeuvre des plus remarquables, pleine de finesse et d'art. Le finale, surtout, abonde en détails imprévus et de la touche la plus exquise. Mais, comme la plupart des : oeuvres de Schumann, la tonalité manque d'éclat: le maître abuse du médium ; sa musique est loin de donner l'impression lumineuse que l'on ressent à l'audition des maîtres coloristes comme Beethoven, Weber toujours et souvent Mendelssohn,— Le 4e poème symphonique de M. Saint-Saëns (la Jeunesse d'Hercule) est une oeuvre estimable, qui sent un peu le travail et l'effort. Nous en dirons autant de la pièce vocale intitulée le Galop, due à la plume de Mme de Grandval, très bien chantée par M. Maurel.. — M. Colonne a fait entendre le ravissant choeur des fileuses du Vaisseau-Fantôme de Wagner, bien supérieur au second fragment : le duo du Hollandais et de Seuta, qui abuse un peu des formules italiennes. Wagner, dans la dernière période de sa carrière musicale, affichait une sainte horreur de la musique italienne. On en trouve pourtant de nombreuses traces dans Rienzi, dans le Vaisseau-Fantôme, voire même dans le Tannhâuser. Les morceaux d'ensemble à grand succès du concert ont été le Choeur des Fileuses, celui des Jeunes Sabéemies, de Gounod,- et celui de Psyché, d'Ambroise Thomas (ces trois choeurs bissés comme ils méritaient de l'être), et enfin les variations du 4e quatuor de Schubert, avec tous les instruments à cordes, une merveille. Nous nous demandons souvent pourquoi, dans les concerts du dimanche, on ne nous fait jamais entendre l'admirable Octuor de Schubert avec tous les instruments à cordes. Ce morceau est superbe, et serait d'un merveilleux effet M. Maurel a dit avec une perfection rare l'air à'Hébé, de Mendelssohn, f l'air i'Anacréon, de Grétry. Il a obtenu un grand et légitime succès.

H. BARBEDETTE.

— Programmes des concerts d'aujourd'hui dimanche : Conservatoire : fragment de Struensée (Meyerbeer) ; choeurs i'Obéron

(Weber); symphonie en ut majeur (Beethoven); Psaume, choeur (Marcello); ouverture du Carnaval romain (H. Berlioz). — Le concert sera dirigé par M. J. Garcin.

Châtelet : Ouverture de Benvenuto Cellini (H. Berlioz) ; suite en si mineur (J.-S. Bach), le solo de flûte par M. Cantié; Scènes alsaciennes (Massenet), les soli de clarinette et de violoncelle, par MM. Boutemy et Mariotti, le Désert, ode-symphonie de Félicien David, soli par M. Bosquin. — L'orchestre sera dirigé par M. Ed. Colonne.

Éden-Théâtre : Ouverture de Jessonda (Spohr); allegretto de la Symphonie-cantate (Mendelssohn); deuxième audition du prélude et des première et troisième scènes de la Valkyrie (Richard Wagner), version française de M. Victor AVilder ; ouverture de Freischiltz (Weber). — L'orchestre sera dirigé par M. Lamoureux.

Mme Essipoff a donné son premier concert à la salle Erard, " vendredi, 12. Un nombreux public était venu l'applaudir. Nous ne critiquerons que deux morceaux de son programme, FHumoreske de Schumann, oeuvre diffuse, dont on suit difficilement l'enchaînement, et la huitième rapsodie de Liszt, dont le sens également nous échappe. Tout le reste (neuf morceaux), était admirablement choisi, et admirablement exécuté. Nous ne connaissons p"às d'artiste qui ait, au même degré que Mme Essipoff, le don de charmer. On l'entendrait indéfiniment sans éprouver la moindre lassitude. Le piano a, sous ses doigts, des sonorités exquises. Jamais de violences ; un son qui se prolonge sans qu'on devine l'emploi du moindre artifice, une tendresse communicative, une netteté qui fait percevoir avec leur valeur propre toutes les parties qui constituent la trame harmonique. Dans la fugue qui termine les variations ,de Paderewski, Mme Essipoff a produit un effet vraiment extraordinaire. Elle interprète également la musique de Chopin avec une perfectien rare. Et quelle simplicité augmentant encore le charme de ce beau talent ! — H. BARBEDETTE.

— Nous lisons dans le Courrier de la Champagne : « C'était une véritable décentralisation musicale que le dernier concert de la Société Philharmo-


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LÉ MÉNESTREL

aique de Reims. Un maître, renommé parmi les plus célèbres, venait avec une phalange des meilleurs solistes de l'Opéra, des concerts du Conservatoire et des concerts Colonne, nous faire entendre des fragments de ses deux oeuvres les plus importantes : le ballet de la Farandole et l'opéra Aben-Hamet. Les pensionnaires du Théâtre de Reims, M1Ie Narbonnet et M. Giraud, se sont chargés de la partie vocale. On a bissé l'air d''Aben-Hamet, chanté par notre baryton avec beaucoup d'expression, et d'une voix fraîche et sympathique. Le grand duo final du deuxième acte de ce même opéra a également valu à notre charmante . dugazon et à M. Giraud plusieurs salves d'applaudissements mérités. Le principal attrait de cette magnifique audition musicale, c'était la présence parmi nous de notre éminent compatriote, M. Dubois, dirigeant en personne. C'était un honneur précieux pour notre ville. Et toute la salle, par ses enthousiastes acclamations, saluait à la fois l'enfant du pays et le grand compositeur. »

— Dimanche dernier, chambrée complète au Théâtre des Nations, à . Marseille, pour le concert de Mme Krauss. — C'était pitié de penser que cette vaste salle, qui peut contenir 4,000 auditeurs et où ont eu lieu de si brillantes manifestations artistiques, va bientôt être mise à prix. — Le beau style de Mme Krauss, ses élans dramatiques, sa profondeur de sentiment, l'ampleur et la noblesse de sa déclamation lyrique ont fait merveille dans l'admirable air à'Alceste et ces stances de Sapho, où semble passer un souffle des grands tragiques grecs. Certains côtés très particuliers de son talent, — une tendresse caressante, une expression rêveuse, voilée, apposées à des emportements dans lesquels la cantatrice semble n'avoir aucun souci de déchirer la trame de sa voix, — ont remarquablement mis en valeur le Rêve du Prisonnier, de Rubinstein; enfin la populaire Berceuse de Gounod, murmurée à fleur de lèvres avec une grâce exquise, a achevé de conquérir le public. Rappelée après chacun de ces morceaux, Mme Krauss a dû répéter le Boléro des Vêpres Siciliennes, et a obtenu un succès considérable. A côté d'elle, M. Illy a honorablement concouru à la variété du programme, avec l'arioso de Françoise de Rimini, et des mélodies de Faure ; M. Paul Viardot a fait chaleureusement applaudir une manière pure, sobre, un archet sur, que les délicats ont appréciés surtout dans la poétique Légende et la Mazurka endiablée de Wienawski; M. Raoul Pugno a interprété avec une belle sonorité les variations pour deux pianos de Saint-Saëns sur un thème bien connu de Beethoven, dans lesquelles M. Livon lui donnait heureusement la réplique, et a produit deux élégantes pièces de sa composition, — Impromptu-Valse, Farandole, — qui ont été fort goûtées. — A. R.

— Francis Planté a passé par Bourges et, comme partout, son succès y a été des plus grands. Tous les journaux de l'endroit sont remplis de ses éloges. Bourges est conquis, comme le reste de la France.

— LE HAVRE. — Au sixième et dernier concert Gogue, belle chamLi'ée d'amateurs, attirés en grande partie par la perspective d'entendre

tamcore M. Ch. René, qui- a su depuis deux ans se créer tant d'admirateurs Slcc de sympathies parmi nous. L'intérêt principal de la séance consistait no: ns la première audition du trio en fa de Saint-Saëns, parfaitement exéQu' té par MM. Gogue, René et Van Hemelryck, avec un entrain et une verve remarquables.

— Mercredi dernier, M, et Mme Diémer ont rouvert leurs salons et reçu avec leur affabilité habituelle leurs nombreux invités. Au programme nous relevons les noms de Moees Conneau, Masson et Blouet-Bastin, de MM. Diémer, Marsick, Delsart, Turban, Van Waefelghem, et Edouard Mangin, comme accompagnateur. Parmi les morceaux les plus applaudis nous citerons une valse de M. Lalo, détaillée très finement par M. Delsart; un air ancien de Rossi, et une très belle mélodie de Tchaïkowski admirablement chantée par Mme Conneau ; une Sonate nouvelle, de M. SaintSaëns, exécutée par MM. Marsick et Diémer ; une Grande valse de concert, nouvelle composition de M. Diémer, que l'auteur a enlevée avec un brio extraordinaire ; un fragment de Gallia, de Gounod, interprété par Mme Masson, accompagnée au piano par M. Masson, à l'orgue par M. Lamothe et au violon par Mme Blouet-Bastin. — P.-E. C.

— Soirée musicale des plus attrayantes et des mieux réussies, samedi dernier, chez Mme Marie Sasse. Plusieurs de ses meilleures élèves s'y sont fait entendre et on les a fort applaudies. Citons Mlles Bloch, de Lafertrille, Maindron, Barre, Durand, Dumont et de Riveire; on ne saurait trop féliciter la brillante cantatrice du résultat qu'obtient son enseignement.

— Dimanche dernier, nouvelle réunion chez Mme Rosine Laborde, l'éminent professeur de chant. Constatons les succès toujours croissants de l'enseignement de Mme Laborde et citons parmi ses élèves les plus applaudies : M»« de la Blanchetais, du Bovet, Sax, Laisnée, Ohrstrôm, Mme la baronne de Harden-Hickey et Mme Jeunehomme, très applaudie dans les stances de Lakmé. M. Fournets, de l'Opéra-Comique, prêtait le concours de son beau talent à cette matinée, dont l'intérêt consistait surtout dans l'audition de Wilda, scène avec choeurs, de M. Pfeiffer, qui accompagnait en personne et a partagé le succès de sa charmante interprète, MUe Ruelle. On a entendu aussi avec plaisir plusieurs très jolies mélodies de M. Clément Broutin, entre autres Revenez, douces Hirondelles, qui a été tout un succès pour Mme la baronne de Harden-Hickey.

— Brillante matinée, dimanche dernier, à la salle Erard, où M. G. Falkenberg faisait entendre quelques élèves de piano, artistes déjà, ou se destinant à la carrière artistique. On a chaleureusement applaudi M. Falcke, qui a exécuté avec beaucoup de sentiment et de correction la première ballade de Chopin, un fort joli scherzando de son maître, et d'autres pièces encore. Deux jeunes fillettes ont aussi fait admirer leur précoce virtuosité. Mlle M'agdeleine Godard et M. Dérivis, qui prêtaient à cette séance le concours de leur talent, ont été vivement fêtés, ainsi que MM. Falkenberg et Falcke après l'exécution, à deux pianos, de la belle Marche héroïque de Saint-Saëns.

— M. Lebouc a fait entendre à ses dernières matinées des artistes éminents qui ont exécuté d'excellente musique; M. Alphonse Duvernoy a fait valoir ses belles qualités de pianiste classique dans la sonate appassionala de Beethoven et dans le quatuor de Schumann. Mme Terrier-Vicini a ravi l'auditoire, surtout avec la belle mélodie de M,ne Viardot : J'en mourrai. M. Nadaud, dans de nouvelles pièces pour violon de M. Broutin, a eu plein succès. M. Taffanel, notre éminent flûtiste, a fait entendre, avec l'excellent harpiste Hasselmans, le délicieux andante du concerto de Mozart pour flûte et harpe. Inutile de dire qu'avec ces deux artistes l'exécution a été merveilleuse. Lundi dernier, grand succès pour le quintette en la de Mozart, fort bien joué par MM. Gh. Turban, Mendels, Tourey, Prioré et Lebouc ; puis pour les variations artistiques à deux pianos de M. Georges Pfeiffer ; l'exécution par Mlles Poitevin et Halmagrand a été parfaite. Le bel adagio en sol de Franchomme, joué par M. Lebouc, diverses pages de Chopin et de Saint-Saëns rendues sur le piano par MUe Poitevin avec une superbe qualité de son et un style parfait, enfin de jolies mélodies fort bien chantées par Mme Alice Drevet, complétaient cet intéressant programme.

— Une intéressante séance musicale a eu lieu, la semaine dernière, chez M. et Mms Victor Maurel. Ce concert était donné par MUes Douste de Fortis, deux jeunes virtuoses de talent et d'avenir. On a paru vivement goûter leur exécution élégante et colorée. On a fort applaudi également Mlle Ohrstrôm, et les choeurs des Victorieuses, très habilement dirigés par Mme Victor Maurel.

— Voici la saison des concerts qui revient envahissante. Malgré toute notre bonne volonté, nous n'avons réellement ni le temps ni la place de rendre compte de chacun d'eux et nous prions qu'on nous excuse : Signalons en quelques mots les concerts du pianiste Breitner, du violoncelliste Burger, de M. Edmond Guion, de MUe Jeanne Teilliet, la charmante pianiste et de Mlle de Pierpont, l'organiste distinguée. On sait que ces artistes ont tous le plus grand talent. Nous n'apprendrons donc rien à. nos lecteurs en le leur répétant encore une fois. — De même en province nous devons mentionner la très intéressante séance donnée à Lyon par l'excellent professeur Holtzem ; à l'étranger les concerts très suivis de M. Holmann en Angleterre; à Bruxelles, plusieurs soirées où s'est signalée Mme Caussade en chantant les gracieuses mélodies de son mari.

— CONCERTS ANNONCÉS, — Mardi 23, salle Pleyel, troisième séance de la Société de musique française, fondée par M. Ed. Nadaud, avec le concours de MM. de Bériot, Taffanel, Widor, Chevillard, Cros Saint-Ange, Laforge et Prioré. — Mercredi 24, salle Pleyel-Wolff, à neuf heures précises, Mlle Marthe Ruelle, avec le concours de MM. Théodore Ritter, Lauwers, de M 118 Magdeleine Godard et de MM. Guillot et Rivière. — Jeudi 25 février, à la salle Albert-le-Grand, 222, rue du Faubourg-Saint-Honoré, séance d'orgue et de musique religieuse donnée par M. Georges Mac-' Master, organiste de l'église américaine et des concerts du Trocadéro, avec le concours de Mlle Jenny Howe, de MM. Auguez, A. Brun, E.Boussagol et R.. Marthe, de l'Opéra. — Jeudi 25 février, salle Pleyel, à 8 heures 1/2, M. Georges Papin, violoncelliste, avec le concours de M" 13 Marie Jaëll, de Mlle Frémaux et de M. Auguez. — Jeudi, 25, salle Erard, à 8 heures 1/2, M. J. Philipp, pianiste, avec le concours de l'orchestre de M. Broustet. — Vendredi 26,, salle Erard, à 9 heures, MUe Jeanne Teilliet, avec le concours de Mlle Panchioni, de MM. Marais, Nadaud, Albert Renaud et Bourgeois. — Jeudi 4 mars, salle Pleyel, à 4 heures, 2e séance de la Société de musique de chambre pour instruments à vent: MM. Taffanel, Turban, Giliet, Espaignet, Garrigue, Brémond, etc.

— La quatrième séance publique du cours Pasdeioup aura lieu samedi prochain, 27 février, à 3 heures, salle Pleyel, avec le concours de M. Blumer, qui débuta au Concert populaire il y a doux ans avec un grand succès. Les élèves de M. Pasdeioup exécuteront le programme suivant : Trio en si bémol de Bee'thoven ; Sonate de Mendelssohn pour piano et violoncelle ; Trio de Schubert. M. Blumer jouera le trio en sol mineur de Rubinstein et des pièces classiques.

HENRI HEUGEL, directeur-gérant.

— A CÉDER, dans une ville du Nord, très bonne maison de Musique, Pianos et Instruments. — S'adresser aux bureaux du journal.

— Laval, Mayenne, 2 mai 1886, concours d'orphéons, d'harmonies et de fanfares.

IMPRIMERIE CEÏTRALE DES CUEMLVS DE FER. - IMPRIMERIE CIIAIX. - RUE BERGERE, 20, 1-ARIS.