TRISTAN DE NANTEUIL. 265
Le bras destre son pere fist ester maintenant, Va la brace trenchée au mongnon resoudant. Ansois qu'en fust allé un demi tret courant, Oncques ne lui parut qu'on lui allast trenchant ; Si l'estraint et remue, amont le va levant. Adont se va le peuple trestout agenoullant.
Mais ce n'était guère la peine d'attendre si longtemps; car, le lendemain de ce beau miracle, comme les assiégeants, pour fêter l'arrivée de Tristan et de Blanchandin, avaient passé la nuit dans la joie et s'étaient retirés tout à fait ivres, Garsion, le supposé fils de Guiteclin de Saxe et le défenseur d'Aufalerne, faisait une sortie et les surprennait tous endormis, à l'exception de saint Gilles, qui seul ne s'était pas grisé :
Par devant Aufalerne furent nostre princier,
En joie et en deduit, pour Tristan le guerrier.
Le roi tient court pleniere, et fist appareillier
Noblement à mangier pour son souper paier.
Par l'ost sonoient trompes et mainent grant tempier.
Garsion de Tresmoigne s'est allé apuier
A la plus maistre tour, ou grant chastel plenier,
Et voit contreval l'ost caroller et danser,
Et mener grande joie, chanter et festoier.
« Male gent, dist le ber, vous irai resvider ;
« Trop menés bele vie, il le vous fault lessier. »
Au milieu de ce joyeux souper, Tristan s'était confessé et il avait raconté à saint Gilles, non sans hésitation, comment il avait passé jadis une nuit avec sa cousine germaine, Clarisse. Gilles, à son tour, lui avait appris que Garsion, le jeune chef des Sarrasins, qui défendait Aufalerne avec Guiteclin de Saxe et Clarion, était son fils et celui de Clarisse, épousée par Guiteclin, après la conception de cet enfant. Tristan, quand il a tout dit, tout appris, se remet au souper :
Saint Gilles le rassout, puis rallerent mengier, Oncques n'i ot la nuyt carolle ne tresquier ; Car tant burent de vin ne se porent aidier, Et par force d'ivresse se lessent tresbuchier.
C'est alors que Garsion paraissant à l'entrée du camp ne trouve personne qui essaye de l'arrêter. Tristan, avant d'avoir pu revêtir son hoqueton, reçoit de Garsion le coup mortel; mais il a le temps d'apprendre à celui qui l'a frappé
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XIVe SIÈCLE.
V. 22485.
V. 22562.