CHARLES LE CHAUVE. 115
« Ne vous ociray mie à un cop seulement ;
« N'est mie bien vengiés cis à qui on mesprent
« Quant il ocist celi que het parfaitement ;
« Mais languir il le face à duel et à tourment...
« Ahanner vous feray pour semer le fourment,
« Et vous ferai porter et mortier et ciment...
« Soufrir paine et labeur sans nul reposement... »
Là furent li baron en paine grandement,
Portant caillous et pierres et le terre souvent ;
N'eurent que pain et eaue toute jour vraiement,
Et quant ce vint à nuit d'estre à reparaiment,
Il sont en une fosse jetés vilainement,
Desus un pau d'estrain ; n'ont autre ajournement,
Si ont des horions assés et larguement.
Dans cette situation, le défaut de bonne nourriture leur était surtout insupportable; Dieudonné regrettait moins sa femme que les vertus passées de sa nappe et de sa coupe :
« Car si tost que j'aloie cestui hanap signant,
« Il emplissoit de vin si fort et si poissant
« Qu'il n'avoit point meilleur de ci qu'en Orient :
« J'avoie une touaille où de vertus ot tant
« Que lorsque je l'aloie devant moi estendant,
« Il i venoit viande du tout à mon cornant,
« Et tout chou ay perdu! »
Pendant qu'ils sont ainsi durement menés, le roi d'Acre, leur maître, entend vanter la beauté de la sultane Corsabrine de Damas, devenue mère d'un enfant qu'elle devait à Dieudonné, et dont elle attribuait la paternité au sultan de Damas, son défunt mari. On fit aisément entendre au roi Abel qu'en épousant la dame il obtiendrait la tutelle du jeune enfant :
« Vous auriés la plus bele, selon m'intencion, « Qui oncques fu creée, de nostre dieu Mahon : « Car elle est aussi blanche que laine ne coton, « Et aussi colourée que rose de saison. « S'a la bouche petite et fourchelé menton, « Li oeil li sont ou chief aussi vairs que faucon; « S'a cheviaus reluisans que panne de paon. »
Pour mieux assurer le succès de ses voeux , Abel alla demander l'appui du roi d'Aumarie, auquel Corsabrine devait sa couronne. Grâce à cet intermédiaire, la proposition fut accueillie sans trop de regrets, bien que la sultane n'eût pas, comme la reine Supplante d'Aumarie, un anneau préservaXIVe
préservaXIVe
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