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Titre : Le Front : exclusivement illustré et rédigé par les poilus de l'avant / directeur J. Pelpel

Éditeur : (Paris)

Date d'édition : 1916-07-01

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32778911c

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32778911c/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 220

Description : 01 juillet 1916

Description : 1916/07/01 (N1)-1917/03.

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k55966367

Source : Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres rares, 4-LC6-263

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 30/11/2010

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Le Front

1» Juillet 1916

THOM BARAQUIQUE A L'HOPITAL

PRÈS le coup de torchon, Tom. Baraquique, un éclat d'obus dans la cuisse, quitta la tranchée.

Il grignotait un morceau de chocolat dont il mit le restant, gros comme le pouce, dans sa musette vide, et partit de son pas clochard du temps où il pilonnait iles fermes.

Dans le boyau, il lambina. Les «narmites tombaient encore autour de lui et lorsqu'elles éclataient très près, par habitude, il se couchait. La tête au ras du sol, il dégotait ainsi un tas de choses : des biscuits, des crayons... une pipe... Elle n'avait plus de tuyaux et c'était écrit « Otto » sur le fourneau. Plus loin, il trouva une branche et, jusqu'au poste de secours, il ne pensa à rien autre qu'à percer un trou dans le bois pour s'en faire un tuyau de pipe.

Il sortit du poste de secours sans desserrer les dents et repartit vers le poste d'évacuation, à 3 kilomètres de là.

Il n'avait pas lâché son tuyau, essayant l'ajustage, sans impatience. D'autres blessés suivaient la route grasse de boue blanchâtre. Il ne leur parlait point. D'ailleurs, tous allaient la tête basse, le front plissé en accordéon, de l'horreur dans les yeux, ou bien encore un grand étonnement d'être ainsi dans le calme de cette route où il n'y avait qu'eux.

Un moment, Tom arrêta son travail. Lentement, avec des arrêts angoissants, les arbres s'abattaient sur lui, la plaine se soulevait. Regardant un point dans le ciel, il mit la main, sous sa capote à la place du coeur. Il battait très vite. Il s'étonnait d'avoir mal là, puisque c'était dans la cuisse qu'il était touché.

Il se laissa tomber, instinctivement, parce qu'il lui semblait entendre une marmite, puis d'autres, qui arrivaient. Il était si faible... il ferma les 3reux, attendant l'éclatement. Il s'imaginait qu'il était couché dans un muloh de bonne paille — un beau soir d'été très chaud... sa pipe là, tout près de lui... et puis... ça bourdonnait... ça bourdonnait... Oh! les mouches... Aïe, ma cuisse.!.

Pauvre Tom :

Comme il se réveillait, avec une chaleur au rein., il risqua un oeil ; un « moustraquet » coiffé d'un calot était près de lui. Alors, il sentit sous ses doigts la douceur tiède des draps. Il était à l'hôpital.

Il ne s'étonna pas outre mesure. 1,'infirmier le blaguait : « Alors, quoi, poilu ! Fini d'en écraser ?... »

Tom se tourna de l'autre côté du lit et, très longtemps, gratta son ventre à un endroit où les poux s'étaient acharnés. Dès lors, la journée se passa à ce jeu qui, parfois, lui tenait les yeux fermés, comme dans un grand plaisir. Il s'intéressa aussi à sa feuille de température sur laquelle la fièvre avait tracé une chaîne de pics capricieux. C'avait monté à 40°8, et maintenant, c'était à peu près statiounaire entre 370 et 38°* Des blagues, tout ça. Ce qu'il savait, c'est qu'il se sentait le coffre solide et la cuisse^souple^ maintenant que l'éclat avait été enlevé.

' Un matin, il se leva aussitôt que l'horloge eut sonné six heures, et, pendant toute cette journée, il resta le nez au carreau. La neige tombait et il ne se lassait point de la regarder voleter. Le soir, une grosse ampoule électrique s'alluma dans la cour. Les flocons s'animèrent encore plus, venus en bande des profondeurs du ciel, ils tourbillonnaient; en rond autour de la.lumière, ou bien, se pressant au pied d'une muraille^ l'escaladaient en un bond gracieux, «comme des biches », pensait Tom. Il essayait de reconnaître certains fie* cons, dont il avait cru remarquer la forme particulière : une grosse mouche blanche, surtout, qu'il suivit un instant et qu'il ne put retrouver. , '■■■•■■-. ■>-'■■;■•';..

Quand il se coucha, il était un peu triste. Dans le lit, le sommeil ne vint point. Il avait peidu l'habitude de se gratter et s'en trouvait tout désorienté. .

Alors, il prit sa pipe cachée sous le traversin et s'assura qu'elle tirait bien... Tout allait à merveille. Le fourneau était boche, mais le tuyau était son oeuvre. Un moment, il s'étonna à l'idée que les Prussiens fumaient la pipe — tout comme lui ! — ça ne les empêchait pas d'être des salops. Et pourtant, il ne leur en voulait pas, se rappelant qu'il en avait vu pleurer. Mais, pourquoi étaient-ils venus saccager la France ? ^

Tom ne possédait rien, mais il était instinctivement Français^ Ça, c'est à moi, ça, à toi, chacun sa part... Et puis, quoi ! il y a une carte des frontières. Il était honnête. Ainsi, jamais il ne lui était venu à la pensée d'aller mendigotei hors de son enclos, la France... Ailleurs, cela aurait été voler.

Puis il ne pensa plus à toutes ces choses, décidées en lui-même depuis longtemps. Il s'endormit la pipe dans la main.

Le lendemain, sa première idée fut de la remplir. Il vida ses poches et, après un tri méticuleux, il réunit de quoi bourrer sa bouffarde ; quand il alluma, le tabac prit feu eu grésillant, les miettes de pain se recroquevillaient : c'était bon pourtant...

L'infirmiei entrait. Il vit Tom, la pipe à la bouche. Il hurla : « Eh là-bas, le inuet. Faudrait voir à ne pas nous empester. On ne fume pas à l'Hosto. »

Tom considéra sa pipe, supputa mélancoliquement le nombre des bouffées perdues, mais obéissant, il la rentra dans sa poche. Très longtemps, il resta assis/sur son lit. Il dut se mettre debout. C'était aussi défendu dese mettre ainsi. Il se sentit traqué et, comme vers un refuge, il retourna à la fenêtre. Là neige ne tombait plu-? depuis la veille. C'était très gai dehors.

Timidement^ il avait ouveit la croisée, il respirait largement. Sa figure reflétait un grand plaisir intéiieur. C'était frais à la bouche cet air. Il baignait ses yeux, sa barbe, ses mains dans cette fraîcheur Mais les auties malades de la chambre, attablés autour d'une manille, commençaient à gueuler :

« Ohé ! là-bas..: la fenêtie !... la crève !... on gèle ! » I/hornme aux coliques, là gastrite, le fiévreux-tne-au-cul, se préeipitèieu? sur Tom; Il céda sans rien dire. Il s'excusa. Il n'avait pas l'habitude des hôpitaux et, prétextant une envie, il sortit dans la coun