350 P. SYNAVE, O. P.
4. — Cum admixtione multorum errorum.
A suivre Maimonide dans les Sentences, dans le De Trinitate et dans leDe veritate,S.Thomas ne pouvait signaler que les deux caracteres qui s'attachent d'apres le Guide des indecis a la recherche de la sagesse superieure : la metaphysique est le privilege d'une elite et cette eiite n'y arrive qu'au terme d'une lente preparation.
Ce sont bien, en effet, les deux points de convergence des cinq arguments que nous trouvons exprimes dans le De veritate (Q.XIV, art.10). On y lit : « Ex quibus omnibus apparet quod, si oporteret per demonstrationem solummodo accipere ea quae necessarium est cognoscere de Deo, paucissimi ad hoc possent, et hi etiam non nisi post longum tempus».
Ni dans les Sentences, ni dans le De Trinitate, S. Thomas iVavait ainsi resume en deux mots les inconvenients rapportes a la suite de Maimonide.
Et voici qu'a la reflexion S. Thomas en decouvre un troisieme qu'il se hate totit aussitot d'ecrhe dans son Contra Gentiles : cum admixtione multorum errorum.
La ceiebre triade est inventee : pauci, post longwn tempus, cum admixtione multorum errorum.
Or, sur quoi se fonde ce troisieme inconvenient ? Precisement sur la seconde des cinq causes indiquees par Maimonide : brevitas intellectus humani in initio suo ; cette cause est reprise, on le sait, par S. Thomas sous cette forme : imbecillitas intetlectus humani a principio (De Trinitate) ; debilitas humani intellectus in sui principio (De veritate).
Neanmoins, dans le Contra Gentii.es, S. Thomas introduit un changement qui est des plus importants : il ne parle plus de la faiblesse de Pintelligence humaine en ses debuts, mais de 1'infirmite de l'intelligence en son jugement (a quoi il ajoute le melange des images). Et pour corroborer cette opinion peu favorable sur les efforts de 1'homme laisse a lui-meme dans sa recherche intellectuelle,leDocteur Angelique fait appel a 1'experience : beaucoup de philosophes laissent dans le doute les verites les plus certaines et ceux qtie l'on designe sous Ie nom de sages enseignent les doctrines les plus opposees.
II y a la une transposition manifeste des observations de Maimonide et une vue plus pejorative sur les demarches de 1'esprit humain. L'intelligence de 1'homme est infirme en elle-meme ; ses jugements sont boiteux ; les images sur lesquelles elle s'appuie sont