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Titre : Coup-d'oeil sur les médailles de plomb, le personnage de fou et les rébus dans le Moyen âge / par M. C. Leber...

Auteur : Leber, Constant (1780-1859). Auteur du texte

Éditeur : J.-S. Merlin (Paris)

Date d'édition : 1833

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb341970250

Type : monographie imprimée

Langue : français

Format : 1 vol. (156 p.) : pl. ; 23 cm

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Description : Avec mode texte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5576959q

Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LJ22-133

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 29/06/2009

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COIIP-D'OEIL

Sun ■

LES MÉDAILLES DE PLOMB,

l.E PERSONNAGE HE FOU, ET LES RÉBUS, DANS LE MOYEN AGE.


IMPRIMERIE DE M"'" HUZARD (ni* YALLAT LA CHAPELLE), RUE DE L'ÉVEIIOH , f.


COUP-D'OEIL

SUll

LES MÉDAILLES DE PLOMB,

LÉ PERSONNAGE DE FOU, ET LES RÉBUS, ' DANS LE MOÏEN AGE,

"—• -4,

PAR M. C. I.EBER;

POULl SERYIR D'IN'L'HODUCTION A L'ESSAI SUR LES MONNAIES INCONNUES DES ÉVÉQCES DES FOUS ,

PAR M. R., D'AMIENS.

« MuisLrc Guillaume est peinL en ce labioau. »

[7royagc de Mv Guillaume en Vautre monde.')

PARIS,

J.-S. MEBLIN, LIBRAIRE,

QUAI DUS AUGUSTIKS, 7.



COUP D'OEIL

sun

L'USAGE DES MÉDAILLES DE PLOMB,

LE PERSONNAGE DE FOU, ET LES RÉBUS ,

DANS LE MOYEN AGE.

Des associations d'une origine fort ancienne , et dont la civilisation a fait depuis long-temps justice, ont laissé dans beaucoup de localités des traces plus ou moins bizarres de l'empire qu'elles exercèrent en France sur des esprits simples et religieux. La famille en est nombreuse, et presque oubliée j il n'est pas facile d'en reconnaître les diverses branches dans leur dégénération actuelle; elles attendent encore un généalogiste ; pourquoi n'en trouveraient-elles point? Les traditions qui en sont restées ont cela de remarquable qu'elles

a


appartiennent également à l'histoire du culte et à celle des divertissemens de nos pères, qu'on ne peut cependant accuser d'impiété. Était-ce une contradiction? Je ne sais ; mais la solution de ce problème est sans doute écrite au livre de nos moeurs, et peut-être y trouverait-on une leçon dont le philosophe, aussi bien que l'historien, pourrait faire son profit.

Sous ce point dé vue, des monumens de la barbarie la plus grossière, les vestiges d'une association insensée , et qui se glorifiait de ce titre, pourraient n'être point indignes de l'attention d'une génération plus éclairée, je n'ose dire plus sage.

D'anciennes traditions nous représentent les temples des chrétiens, envahis par des mascarades, et livrés sans scrupule à la profanation, par les ministres mêmes du culte dont une orgie burlesque parodiait les, plus saints mystères. Uri temps fut, nous dit-on, où l'on voyait le bâton pastoral se croiser avec la marotte de Momus, et le bandeau dés princes de l'église ceignant le


— 3 — front d'un Triboulet. Cela est-il croyable? Si le fait est sans importance dans l'histoire politique d'un grand peuple, il a au moins de quoi piquer vivement notre curiosité ; il mérite d'être vérifié dans ses rapports avec l'état moral de la société qui le produisait, et delà religion qui en subissait les conséquences.

Ces étranges cérémonies, ou, si l'on aime mieux, ces farces connues sous les dénominations àç,jetés de l'Ane, clés Fous, des Innocens, des Sous-Diacres, et autres analogues, ont déjà donné lieu à des recherches spéciales qui ont porté leurs fruits. De graves ecclésiastiques, de doctes académiciens, Savaron ('), Théophile Raynaud (J), Thiers(3), du Cange, Lebeuf (4), et d'autres érudits du dernier siècle n'ont pas dédaigné de s'en occuper. Du Tillot, dont l'abbé d'Artigny

(i) Traité des Masques.

(2) Heteroclita spiritualia et anomala cozlestium, terresIrium et infemorum.

(3) Divers écrits. •— Lettres insérées dans le Mercure.

(4) Mémoires de littérature.


-4 —

accrut l'héritage, du Tillôt vint ensuite, qui, dans un recueil connu, joignit au produit des premières explorations quelques circonstances nouvelles, et. les pièces qu'il avait découvertes dans les cabinets de Dijon ('). Un des volumes les plus intéressans d'une collection moderne semblait réunir sur ce sujet tout ce qu'il avait été possible de dérober à l'oubli, en interrogeant les rituels, les diptyques, les registres de paroisses, et les divers statuts qui révèlent l'antique existence de ces folles pratiques {'■). La matière, en un mot, paraissait à peu près épuisée; et voilà que tout à coup, frappant du pied la terre de Picardie, asile ouvert jadis à tant de pieuses joyeusetés, un curieux en fait jaillir un fait absolument nouveau, un monument inconnu de l'histoire des Fous, une monnaie qui lui appartient incontestablement, et dont il n'existe aucune trace dans aucun fragment imprimé de cette histoire. Ce ne sont,

(i) Mémoires pour servir à l'Histoire de la fêle des Fnii.v. ( 2) Le t. IX delà Collection des meilleurs dissertations et mémoires relatifs à l'Histoire de France.


r5~ r*

il est vrai, que de petits morceaux de plomb, djnt l'empreinte est à peine reconnaissable dans quelques uns; mais la découverte d'une monnaie dé plomb, indépendamment de sa destination, est N déjà en soi un fait des plus remarquables (' ).

Les pièces dé plomb portant le titre de monnaie ne sont, en effet, que des exceptions dans l'histoire numismatique de l'Europe; on ne les voit apparaître que fort rarement, et presque toujours sous des formes qui doivent lés faire exclure de l'ordre des monnaies proprement dites. Le caractère distinctif delà vraie monnaie, chez un peuple civilisé, est d'être frappée au coin du prince ou du gouvernement qui l'a mise en circulation , d'avoir un cours forcé dans les limites du

(]) L'existence de monnaies de plomb chez les anciens a fait long-temps question : mais des médailles de plomb réellement antiques , des pièces: de l'espèce des nummi plumbei, dont parlent Plaute et Martial, recueillies en assez grand nombre dans le dernier siècle , ne permettent plus de conserver aucun doute sur la réalité de ces monnaies , qui n'avaient, au reste, qu'une bien mince valeur. (Voyez les Remarques sur le Traité de la Science des médailles, du P. .Tobert, t. I, p. 64 et suiv. édit- de 1739.)


»•». .. -?-

pay£ soumis à cette autorité, et d'y être reçue pour la valeur commerciale qu'elle représente^ indépendamment de toutes conventions privées.

Si cette définition est exacte, on peut douter qu'il ait jamais été fabriqué en France aucune monnaie de plomb (*) ; mais on connaît des pièces de plomb qui ont tenu lieu de monnaie réelle, dans des circonstances extraordinaires où cet objet d'échange n'empruntait sa valeur et son titre que de conventions du moment.

Telles sont les pièces ohsidionales, auxquelles l'isolement et les besoins d'une ville assiégée for(i)

for(i) n'en excepte pas les pièces obsidionales , dont il va être question, parce qu'on n'y reconnaissait point le caractère d'une monnaie réelle.

Le marquis de Surville, gouverneur de Tournay pendant le siège de 1709, avait fait graver son effigie sur des pièces du moment, auxquelles il avait employé sa vaisselle d'argent. Cette témérité, dont il n'existait pas d'exemple, ayant déplu à la cour, les ministres consulter rent l'Académie des BeHes-Lettres ; et la-réponse fut que les pièces obsidionales ne pouvaient jamais être appelées qu'improprement monnaies, qu'on ne pouvait y voir que de véritables méreaux. (Voyez la Dissertation de de Boze, et le Recueiïàe Tobiesen Duby, ci-après indiqué. ).


~ 7 "" . '

cent de recourir, à défaut de monnaie usuelle ; tels pouvaient être aussi les produits de quelques grandes nécessités publiques, dont le prince luimême aurait subi la loi.

Dans une position extrême ou désespérée, on a pu faire de la monnaie de plomb, comme de toute autre matière plus vile encore.

C'est ainsi que, pendant la prison du roi Jean , on vit, dit-on, circuler en France de lâmonnaie de cuir ('), et qu'aune époque bien plus rapprochée de nous, ausiégedeBouchain, en septembre 1711, de simples morceaux de carton suppléèrent, comme monnaie, à toute autre ressource (2). Cependant le plomb et l'étain étaient plus ordinairement employés en ces circonstances, que caractérisent bien les deux légendes suivantes : « Quid non cogit nécessitas ! »

« Nil restât reliqui. •>

(1) Ce fait a paru douteux.

(*) Recueil général des Pièces obsidionales et de nécessité, par Tobicsen Duby, p. 12, nos 4 et 5.


» ... ~8~

Ces inscriptions appartiennent à deux pièces de plomb, frappées dans la ville d'Ypres, assiégée par les Espagnols en i583. Pressé par un besoin semblable, quoique dans une position différente,, Jacques II, roi déchu d'Angleterre, eut recours au même moyen pour payer les troupes qui soutenaient son parti en Irlande. Il fit fabriquer, en 1691, une monnaie de plomb où il était représenté à cheval, tenant un bâton de commandement, avec la légende : Jacobus II, D. gratiâ niag. Brit., Francioe et Hibernice rex ; et au Revers : Realis hispanici vâloris. 24 martii (■)-. Cette pièce représentait, comme on voit, la valeur d'un réal d'Espagne.

On a aussi quelques exemples de pièces de plomb émises en vertu de privilèges particuliers , et qui tenaient lieu de monnaie dans certaines localités. Le chapitre des chanoinesses de Maubeuge jouissait, à ce qu'il paraît, du droit de

(1) Il est permis d'attribuer à des circonstances semblables la monnaie de plomb qui, suivant Érasme, aurait eu cours de son temps en Angleterre.


frapper un nombre déterminé de Mittes, sorte de petite monnaie. Celles-ci étaient de plomb , à l'effigie de sainte Aldegonde; elles avaient cours dans tout le Hainaut jusqu'à Bruxelles, et comme il en fallait douze pour représenter un denier, on conçoit que cette exception souffrit d'autant moins de difficultés, qu'elle ne pouvait compromettre de bien graves intérêts (l).

Quant à la fausse monnaie, les espèces de plomb ne sauraient entrer dans aucune classe de monnaies réelles, par cela même qu'elles sont fausses, qu'elles n'ont de la monnaie que l'apparence. On conserve, dans les cabinets de médailles, quelques pièces de cette nature dont les empreintes rappellent des monnaies connues, et qui n'en sont pas moins l'oeuvre de faussaires.

Cette Criminelle industrie a été pratiquée dans tous les temps, et plus particulièrement sous les règnes où le changement et l'altération continuels

(') Traité des Monnaies des prélats et des barons, par Tobiesen Duby.


io

des monnaies rendaient la contrefaçon plus facile et moins dangereuse; aussi en trouve-t-on de nombreux témoignages dans les actes publics du quatorzième siècle. Les ordonnances de cet âge sont remplies de dispositions relatives aux faux-monnayeurs, et l'on voit par des actes spéciaux que le plomb servait, en général, de base à leur fabrication. C'est d'une monnaie de cette espèce qu'il est question dans des lettres de rémission de i3g6, où l'on remarque le passage suivant : « Comme le suppliant eust acheté certaine monnoye deplotitde huit et de quatre deniers parisis pour pièce, pour le prix et somme de huitblancs; huit jours après ou environ, eust icelle monnoye àeplont vendue a un nommé Jehan Michau, le prix et somme de cinq sous tournois.... et d'icelle monnoye eust été saisi.... en la ville de Lille Bouchart, et pour ce eust été emprisonné au dit lieu ('). » L'auteur de l'Essai dont je m'occupe, M. R., possède une pièce de plomb, frappée

(') Littcr. remis., an. i3oy6; Bibl. reg., ancienne t'ràd.


II — au nom de Philippe de Marigny, évêquedeGàmbray, mort en 151 o : mais bien que cette pièce lui ait paru semblable à une monnaie d'argent gravée dans l'ouvrage de M. Tribon P), il la regarde comme l'oeuvre d'un faux-monnayeur. On sait, au surplus, que l'usage de mutiler ou marquer les pièces de monnaie fausses remonte à une époque fort éloignée. Des lettres de Philippe-le-Bel, du mois d'octobre i 5;o9, portent que « dans les foires et marchiez—, toutes manières de gens queU conques qui voudront bailler, prendre ou recevoir pour quelque cause que ce soit, monnoye d'or, seront tenues à montrer à certaines personnes convenables ladite monnoye , avant qu'ils la baillent, mettent, preignent ou reçoivent, pour resgarderet esprouver se il yen a nul contrefait ne faits; et se lesdites personnes... trouveront aucuns deniers contrefaiz ou faits, il lés perceront ou trancheront., et perdes ou, tranchiès les rendront franchement avec la bonne

([) PI. 3, n° 2 , des Recherches historiques sur les Monnaies du Cambrésis, 1806.


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monnoye à ceus à qui seront, sans rien prendre ne retenir ( '). »

Mais, d'après la même ordonnance, ceux qui effectuaient, un paiement, en foire, sans avoir montré leurs espèces aux inspecteurs, étaient mis à l'amende, s'ils se trouvaient avoir donné quelques pièces fausses ; et, dans ce cas seulement, les pièces étaient confisquées au profit du roi. Il suit de là qu'un assez grand nombre de pièces reconnues fausses par les agens du fisc ont pu demeurer dans les mains des'détenteurs privés, puisqu'il suffisait de les déclarer pour les conserver : il en résulte aussi que la plupart de ces pièces doivent être faciles à reconnaître par la mutilation qu'elles ont éprouvée ; mais toutes n'ont pas été perciées ou Iranchiées.

Hors des circonstances que je viens de rappeler, îa fausse monnaie étant écartée de la question , toutes les pièces de plomb anciennes, même celles qui portent le nom de monnaie, ne sont, à

(') Recueil du Louvre, t. I, p. 16g.


— 13 — proprement parler, que le produit de conventions particulières, de faits indépendans de la volonté publique, sans authenticité ni autorité comme valeur d'échange commerciale. On ne peut y voir que des signes de ralliement ou de reconnaissance, le témoignage ou la garantie d'un fait, une image ou un symbole religieux, la représentation de quelques privilèges, ou des ob^ jets de pure fantaisie. Ce ne sont donc que des jetons, des sceaux, des tessères, des méreaux, des agnus, ou d'autres médailles de ce caractère.-

Les sceaux de plomb de diverses origines sont nombreux, et trop connus pour qu'il soit utile d'en citer ici des exemples. La même observation s'applique aux médailles de simple dévotion. Qui ne se rappelle la fameuse Notre-Dame de plomb attachée au chapeau de Louis XI, et qui pourrait assurer que le très puissant, très rusé et très superstitieux confrère ne la préférât point au plus beau diamant de sa couronne ?

Comme signes de ralliement, les médailles dis-


i4

tinctives des différens partis qui déchirèrent la France sous le règne déplorable de Charles VI, et la régence anglaise, sont assurément des plus curieuses, et peut-être les plus rares qui puissent se recommander à notre intérêt.

Peu de personnes ignorent les causes et les principales circonstances de ce drame politique, qui a rempli la moitié d'un siècle de ses horreurs. On sait que la France, Paris surtout, se divisait alors en deux grands partis : celui des Armagnacs unis aux Orléanistes, qui tenait pour le dauphin, depuis Charles VII; et la faction du duc de Bourgogne, ligué avec le roi d'Angleterre, Henri V, auquel la France avait été sacrifiée. Quel que fût le parti dominant à Paris, la faction contraire y avait toujours de nombreux partisans qui préparaient sourdement les moyens de secouer le joug, et qu'unissaient entre eux des liens occultes, d'où ils tiraient leur force et leur sécurité. Il était naturel qu'en cette position chaque parti eût un signe de ralliement, des moyens de réunion et de reconnaissance. Ces signes étaient de


i5 — deux sortes : les uns, tels que la bannière, devaient se montrer au grand jour, pour la manifestation publique des entreprises ou de la domination actuelle d'une faction;, les autres, plus obscurs, plus simples, étaient plus faciles à soustraire aux regards soupçonneux du parti régnant. Des confréries durent aussi se former pour fortifier l'union des partisans d'une même cause, par la sainteté du serment, dont on abusait si facilement alors , et par la protection d'un patron, qu'on ne manquait jamais d'invoquer, même dans les intentions les plus criminelles.

La confrérie des Armagnacs, qu'on désignait sous le nom de Bandés (l), se forma dès l'année 14J 4 • (( Le 3 aoust, fut commencée par les Bandez une confrairie Saint-Laurent aux Blancs

(i) « Le duc de Berry et ceux de son party portaient une bande , dont ils furent appelez les bandez, ou ceux de la bande. » {Journal de Paris, sous Charles WJ, année i410.) Cette bande descendait transversalement de l'épaule droite à la hancbe gauche : d'où le nom de bandés, et, par suite , bandolliers, bandoulières ( Traité des Marques nationales.)


i6 — Manteaux..., et n'osait homme ne femme estre au moustier ne à leur feste, s'il n'avait la bande (*'). »■ De leur côté, les Bourguignons avaient établi aussi une confrérie, sous Finvocation de saint André, dont les exercices de piété se faisaient à St.-Eustache (*). Ces saints patrons se trouvaient eux-mêmes enrôlés dans leurs bandes, et chaque parti revêtait le sien de son écharpe. Un jeune homme eut le poing coupé a pour avoir arraché la bande unie à l'imaige de monseigneur S. Huistace (3). .»

On remarquera que les bandes ou écharpes

(') Journal de Paris sous Charles T^J,~\>. a3 de l'éclit. in~4° {seule complète).

(«) Ibid., juin i4-i8.

(3) Jbid., octobre i4i4Dans

i4i4Dans suite, le malheureux connétable d'Armagnac n'en fut pas quitte à si bon compte : les Bourguignons , après l'avoir massacré, étendirent son cadavre sur la table de marbre du Palais; « et, pource qu'il portoiten ses livrée et devise une bande, les dictz séducteurs luy levèrent une courroye de sa peau , depuis l'espaule jusques augenouil, et la luy meirent en bande au travers de son corps. » {Chron. de Nie. Gilles, an. Ï4I8, p- 64,t. 2 de l'in-folio.)


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n'ont pas toujours conservé la même forme ni les mêmes empreintes. La couleur des Bourguignons était, en général, le rouge; et le blanc, celle des Armagnacs ou du dauphin ; mais ces couleurs ont varié dans les différens signes de ralliement appropriés aux circonstances. En 1411 , année où se formèrent les bandes de paysans que l'on nommait brigands (l), les Bourguignons adoptèrent la couleur verte. « Ceux de Paris prirentle chaperon pers (a) et la croix Saint-Andrieu, et au milieu de la croix un escu à la fleur de lys ; et en moins de quinze jours y avait au dict Paris, cent milliers qu'hommes qu'enffens signez devant et derrière de la dicte croix, et nul n'estoit du dict lieu quine l'avoit(3).» Aumois de mai 1418, après la rentrée de Vilhers de l'Isle-Adam à Paris,

(i) On appelait ainsi les paysans armés pour la guerre. On trouve des brigands de cette espèce à une époque antérieure : il en est fait mention dans Froissard.

(a) Bleu foncé ou verdâtre , ou simplement vert.

(3) Histoire de Charles VI, par .Tuvénal des Ùrsins., p. 498 de l'édit. de Godefroy, in-folio. Ext. du Journal.

b


i8 — (( Ceux.... du party du due de Bourgogne qui estoient de la ville, prinrent la croix Saint-Andrieu blanche ('). » Plus tard, on revoit la croix rouge des Bourguignons, Après Tassassinat de Jean-sans-Peur sur le pont de Montereau, les Parisiens, généralement indignés de cet attentat, prirent la bande rouge; et vers l'a fin de la guerre civile, tous les gouverneurs dévoués au duc de Bourgogne et aux Anglais , portaient une large bande blanche semée de croisettes rouges sans nombre. Les couleurs des Armagnacs ont également subi plusieurs variations. A leur retour à Paris, en mai i4*3> « la ville prit chaperons blancs, mesme le roy (a) et les princes ; et avant la fin du mois, tous en avoient tant hommes que femmes.»

(i) Chron. de Saint-Denis, t. 3, f° 92 de l'édit. de I5I4. — La croix des Bourguignons, dite de Saint-André, était penchée, et formait des angles inégaux ; c'est en quoi, lorsqu'elle était Manche comme dans le cas présent, elle se distinguait de la croix royale de même couleur, qui était droite ou traversée à angles droits. {Voyez aussi la Chronique de Gagfrin, en franc., in-4°, goth., f° I5I.)

O Le roi Charles VI.


— 19 — Cependant, au mois d'avril de la même année, « furent commencez Hucquez (l) de drap violet par ceux qui gouvernoient ( les Armagnacs ) ; on y àvoitmis foison de feuilles d'argent, et en escrit d'argent, le droit chemin (2). » En i4r8, le noir et le rouge furent employés, parle même parti, à des signes dé ralliement qui devaient d'abord demeurer secrets. On voit, enfin, qu'à la rentrée de Charles VII à Paris, les bourgeois prirent, les uns la croix blanche droite, les autres la croix de St.- André, qui était celle des Bourguignons (3).

(1) Vêtement de dessus , qui servait de mantelet et de chaperon, et qui était fort court.

« Armets luisans, briquotetz, capelines, Hucques de pris, très riches mantelines, Venant sans plus }usqu'au dessus des faudes *.»

{Le Verger d'honneur, d'Octavièn de Saint-Gelais.)

(2) Journal de Paris, p. 18.

(î) Journal de Paris, an. i436. — Ces variations se font remarquer dans tous les temps de guerres civiles et d'anarchie. Bien que le blanc n'eût pas cessé" d'être la couleur nationale depuis Charles VII, les troupes royales catholiques de Charle IX et de Henri III portaient

* Faillies, haiiLs-de-chausse.s


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J'ai fait observer qu'indépendamment de ces marques d'éclat qui signalaient le parti dominant ou quelque coup de main de son ennemi, chaque faction avait encore des signes de ralliement occultes, dont ses partisans se prévalaient au besoin. C'étaient ordinairement des figures accompagnées de légendes, estampées sur des pièces de plomb, ou peintes sur un morceau d'étoffe de couleur sombre, et telles qu'il était facile d'en fabriquer secrètement et à peu de frais un assez grand nombre, pour en munir tous les hommes d'un même parti. Les Armagnacs venaient de faire frapper et de distribuer à leurs agens une quantité considérable de médailles de plomb de cette espèce, au moment où Perrinet le Clerc livra la capitale aux Bourguignons ('). D'après le journal

l'écharpe rouge, laissant le drapeau blanc au roi de Navarre, depuis Henri IV, et aux calvinistes , qui l'avaient arboré. (D'Aubigné, Ilist., liv. II, c. 18.—-Traité des Marques nationales, par Beneton.)

(|) Le 29 mai 14.18.—Personne n'ignore que.Perrinet le Clerc, dont le père, marchand de fer sur le Petit-Pont, était quartenier et chargé de la garde de la porte Saint-


— 21

de Paris, que Villarèt a cru pouvoir suivre, mais dont le témoignage n'est pas toujours une autorité (l), il paraîtrait que, réduit aux dernières extrémités, le comte d'Armagnac avait résolu de faire massacrer tous les Bourguignons qui se trouvaient dans Paris (f), que les hommes devaient être égorgés, les femmes et les enfans noyés dans des sacs (3), et que les médailles dont il s'agit

Germain, pour se venger des mauvais traitemens qu'il avait reçus dés domestiques d'un ministre, et du refus que le prévôt de Paris avait fait de lui rendre justice , déroba les clefs de la ville sous le chevet du ht de son père, et livra les portes à l'Isle-Adam , commandant d'un corps de Bourguignons, dans la nuitdu 28 au 29 mai 14.181

■(■') L'auteur, dévoué à la faction de Bourgogne, exagère les crimes du parti opposé, et lui prête quelquefois des intentions qui n'étaient que des bruits populaires, ou des inventions de la police du temps.

(») Villarèt, Histoire de France, t. VII, p. 218, in-4°.

(••>) Le JoztraaZ rapporte que les Armagnacs avaient fait enlever de force les toiles qui se trouvaient chez les marchands de Paris , sous le prétexte de fabriquer des tentes et des pavillons pour le service du roi, mais que ces toiles étaient destinées à faire des sacs pour noyer lès femmes et les en fans.-Voilà de ces bruits populaires que l'auteur du


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étaient destinées à servir de sauf-conduit à ceux qu'on voulait épargner, ou qui n'avaient des Bourguignons que le masque. « Vray est, dit le journal, qu'ils (les Armagnacs) avoient fait faire monnoye de plont très-grant foison, et dévoient bailler aux dizainiers de la ville de Paris j selon ce qu'ils avoient de gens en leurs dizaines qui estoient de la bande, et n'en dévoient avoir nul autre que eulx, et dévoient aller parmy les maisons lesdits bandez par tout Paris à force de gens armez portant ladite bande, disant partout, avezvouspoint de telle monnoye? S'ils disoiênt Veez en cy, ils passoient oultre sans plus dire; s'ils disoient nous n'en avons point, ils dévoient tous être mis à l'épée, et les femmes et enffens noyez ; et estoit la monnoye telle ung pou plus grant que un blanc de 4 deniers parisis (l). » On remarque dans ce fait la différence et le concours des deux

Journal-de Paris ne manquait pas d'inscrire sur. ses tablettes , quand ils étaient à la charge des Armagnacs.

(i) Journal de Paris, p. 44 de l'édition in-4°- L'in-folio de Godefroy ne contient qu'un extrait de ce Journal.


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sortes de signes de ralliement dont j'ai d'abord établi la distinction : le signe apparent et solennel , c'est la bande; le signe occulte et individuel qui ne se manifestait que d'homme à homme, c'est la plaque de plomb. On ne l'attachait au chaperon ou au bonnet, en guise de cocarde, que quand le danger n'existait plus, et alors elle avait rempli sa principale destination. Tel était, sous une autre forme, Yescu noir chargé d'une croix rouge, dont la même faction avait fait fabriquer plus de seize milliers, qui furent trouvés chez les Armagnacs après le coup de main de Perrinet le Clerc. S'il faut en croire le journal déjà cité, tous ceux qui n'auraient pas eu cet écu devaient être massacrés sans miséricorde. Les mémoires contemporains font encore mention d'une autre médaille de plomb frappée à l'occasion du fameux frère François Richard, dont les sermons avaient, si bien édifié tout Paris, que pour déférer à ses pressantes exhortations, les damoiselles ardoient sans ménagement, (l'histoire ne dit. pas sans regrets), dez, caries, truffes, baleines, bour-


-24reauoc

-24reauoc cornes decoeffures («), et autres objets d'accoutremens et de plaisirs mondains. Ce prédicateur ayant passé dans- le parti du roi Charles VII, la chance tourna aussitôt contre lui. A la vénération qu'il avait inspirée, succéda dans l'esprit des mêmes damoiselles un sentiment de mépris, une sorte d'indignation réactive, dont la coquetterie suthabilement profiter. Le moine leur avait été infidèle, et les sermons d'un traître devaient être considérés comme non avenus : ainsi

(i) Les truffes ou truffaux étaient des ornemens de tête propres aux femmes. Les bourreaux consistaient en pièces de cuir ou de baleines, dont les coquettes se servaient pour dresser leur chaperon, et le maintenir dans la forme qu'elles voulaient lui donner.

(«) Les bonnets les plus à la mode étaient alors surmontés de deux espèces de cônes , formant un angle obtus, et dont la base répondait aux deux oreilles. Quelques années après, ces deux cônes réunis devinrent un énorme pain de sucre , dont la mode ceignit le front des clames de la cour de Charles VII {vojezles miniatures de ces temps). De là le nom de cornette, qui servit depuis à désigner des coiffures plus communes , et que conserve encore le bonnet de nos paysannes. L'élégant édifice du bonnet cauchois rappelle encore, bien qu'imparfaitement, la coiffure pyramidale du quinzième siècle.


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firent-elles. Au premier bruit qui courut de la désertion du frère Richard, « ceux de Paris le maudirent de Dieu et de ses saints,-. et qui plus est les jeux de tables, boules, dez et tous autres jeux qu'il avoit deffendus, recommencèrent en dépit de lui, et mesme un meriau d'estain où estoit empreint le nom de Jésus, qu'il leur avoit fait prendre, laissèrent-ils, et prindrent tretous la croix de Saint-André ('). »

Ne perdons pas de vue le meriau (mereau) d'estain, sur lequel nous reviendrons bientôt.

La réunion complète de tous ces monumens de nos anciennes discordes serait d'autant plus précieuse potir nous , que les chroniques ne les font qu'imparfaitement connaître. Mais où trouver une pareille collection ? En attendant le résultat de recherchés plus spéciales sur ces plombs, si vils en apparence, et pourtant si curieux , je regarde comme une bonne fortune de pouvoir offrir ici les empreintes de plusieurs pièces bien caracté{')

caracté{') de Paris, in-4°, année 1429.


— 26 -,

risées, comme signes de ralliement, et dans lesquelles est représenté chacun:des trois partis dont il vient d'être question. '

Elles sonttoûtes de plomb, estampées d'un seul côté, et munies au revers d'une agrafe ouattache qui servait à les fixer sur le çhâpëfôh, ©^quelque autre partie moins apparenté du vêtement, selon les circonstances. '-■'■':-:

I. .

L'écu de France couronné, avec la légende AVEMARI A • GRACIA • PLÈNÂ

Cette médaille paraît devoir être, attribuée au parti des Armagnacs ou du Dauphin, depuis Charles VII. ■'-■';„

' :::;N^'II.i .

Une croix chargée d'une fleur de lis, et cantonnée de fleurs de lis et de lions; pour légende : AVE'MARIA. GRACIA PLENA ,.;,

Cette plaque appartenait au parti dès Bourguignons, qu'indique le lion de Bourgogne (d'abord de Flandre), associé aux fleurs de lis.


#1:2,

PayxxTa:.



N°IIL

Plaque des Anglais, dont l'effigie est exactement conforme à celles des nobles d'or frappés à Paris au nom de Henri VI, roi d'Angleterre, soi-disant roi de France (').

On y reconnaît le jeune Henri VI debout dans un vaisseau, portant d'une main l'épée nue, et le bras gauche couvert d'un éeu éçartelé de léopards et de fleurs de lis. La légende est la même que la précédente.

La conformité des trois légendes appliquées à des signes de ralliement différens s'explique par les sentimens, ou du moins par les dehors de piété qui étaient alors communs aux hommes de tous les partis, et par l'usage où l'on était dé donner aux jetons,.pour légende, les premiers mots delà salutation angélique. Cet usage dérivait d'une dévotion qui avait pris, dans le quinzième siècle, un caractère de ferveur et de prosélytisme tout particulier. Le culte de la vierge fut, en général, pour les rois et les reines de France, l'objet d'une vénération qui se manifestait avec éclat dans les gran(')■

gran(')■ le Traité des Monnoies de le Blanc, p. 244.


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des calamités, et dans l'expression solennelle de leurs voeux pour la conservation de leur famille ou de l'Etat ('). Des synodes tenus en France avaient ordonné de réciter Y Angélus le soir, au couvre-feu, ad ignitegium, gallicè COUVRE-FEU Q. Cette pratique et l'usage dé réciter 1!ace. Maria à la fin de l'exorde des sermons subsistaient déjà du temps deGerson, qui en fit la remarque dans son sermon sur la Cène : salutatio angelica solita ■videretur, et qui s'y conforma dans le panégyrique de Saint-Louis, qu'il prononça au collège de

(■') Voyez Mémoires et recherches de laDévotiq/i, piété et charité des illustres roynes de France, etc., par M. Houel. Paris, i586, in-8°; et la notice insérée dans le AJercurc de novembre 1^38, sur la Dévotion des rois de France à la sainte Vierge.

(«) Don Malienne en rapporte deux exemples du commencement du quatorzième siècle. «Item, Proecipimusut ipsi faciant liorâ consuetâ pulsari campanas in ecclesiis suis, ad ignitegium, gallicè couvre-feu, et praîçipiant parochianis ad pulsationemhujusmodi clicere,genibus flexis, verbum salutationis ab angelo gloriosoe Virgini Maria;, AVE MARIA; et ex hoclucrantur decem dies indulgentioe.» ( Ex slat. D. Simonis, quondam Episc. Nannetensis, art.V.)


— 29 — Navarre, n'étant encore que bachelier ('). On en trouve l'application aux monnaies, sous le règne de Charles VI, où l'on frappa des nobles d'or appelés saluts, du nom donné à l'Annonciation, gravée sur le revers avec le mot ave. Le malheur des temps accrut, l'ardeur de cette dévotion, sous le règne de Charles VII ; et l'on pourrait dire qu'elle fut portée à l'excès par le roi Louis XI, qui établit en France la coutume de sonner l'angelus à midi (2). C'est à cette dernière époque que le père Texte, savant dominicain, crut pouvoir rappor(

rappor( ) Gersoii, né en 1363, docteur de Paris en 13g2, depuis chancelier de l'Université;..

(-) « Et le dit premier jour de may 1442 ) fut f*^ à Paris une moult belle et notable procession en l'église, ei: fait ung preschement bien solemnel par ung docteur en théologie, nommé maistre Jehan Brete, natif de Tours, lequel dit et cléclaira... que le roi avoit singulière confidence en la benoiste Vierge Marie, prioit et exhortait son bon populaire, manants et habitants de la cité de Paris , que doresenavant, à l'heure de midi que sonneroit à l'église du dit Paris la grosse cloche, chacun feust fléchi ung genouil en terre , eu disant ave Maria, pour donner bonne paix au royaume de France. »{Chron. du greffier de l'Hotel-de-Ville ( Jean de Troyes), p. 172, in-4°.)


— 3o — ter l'origine d'unjeton de cuivre à l'écu de France, ayant pour légende ave Maria; dont il donna l'explicatioxi dans le Mercure de juîù 17:35. Mais son opinion trouva desVcontradiéteurs^-Vun de ses adversaires prétendit que des naonùmens, qu'il ne désigne pas, et qui avaient échappé a lasagacité del'auteury prouvaient une existence plus ancienne du fait dont: il s'agissait (a).; A^ait-il en vue les médailles de plomb frappées dans les circonstances dont nous nous occupons en ce mo- : ment? Quoi qu'il en soit, s'il n'est pas ;absolument impossible que notre plaque à l'écu de France . n" 3 soit un produit dé la.dévotion singulière de Louis XI à la Vierge, il n'est pas .non plus prouvé que le jeton du P. Texte ne soit point un signe de ralliement dé l'espèce et de l'époque des nôtres.

L'empreinte de la pièce n° V est trop altérée, pour qu'il soit facile de la reconnaître dans tous ses détails, Elfe diffère des précédentes, en ce qu'elle est estampée dès deux côtés comme les je^

(i) Lettre insérée dans le Mercure d'avril 1744•


FI. S

FayXXX.



3i — tons ou méreaux, et qu'on n'y voit ni trou ni crochet qui indique une destination pareille à celle des plaques. Je n'oserais affirmer que cette médaille se rapportât à la vengeance que les dames de Paris tirèrent du frère François Richard; mais la conformité parfaite de l'écu avec celui des monnaies franco-anglaises de Henri VI(l)> et le nom de Jésus inscrit dans la légende, rappellent si naturellement le Meriau d'estain mentionné dans le journal dont j'ai cité le texte, qu'il est permis d'admettre l'identité de notre médaille avec ce méreau, comme une chose au moins fort vraisemblable. L'un des. côtés de cette pièce est indéchiffrable. De l'autre côté, on lit dans le champ les mots vo, vo, FRA, FRA, FRA : entre ces mots, l'écu chargé d'une croix, avec la fleur de lis et le lion de Bourgogne, qui est presque entièrement effacé. Pour légende, AUCTORE JESU PETRUS. .....,

c'est du moins tout ce qu'on en peut lire. Ce méreau étant, suivant toute apparence, un eoc voto

{') Voyez le Blanc, Traité des Monnaies, p. 24.4, et la planche.


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du moine qui l'avait répandu dans Paris, on pourrait chercher l'expression de ce voeu dans l'espèce de jeu de mots que forment les abréviations vo. vo. fra. fra. fra. Si. le frère François, cordeiier, conséquemment franciscain, n'a pas voulu dire : Kôlum vovit frater Franciscus franciscaiius, ou quelque chose d'aussi baroque, dans le même sens, je laisse l'énigme à deviner à de plus habiles que moi.

La médaille n° IV doit être de l'espèce des

jetons de chapitre ou. d'église, désignés sous la

dénomination de Méreaux ('). D'un côté, figure

un personnage, qu'on prendrait d'abord pour un

roi de cartes, et dont les attributs indiquent un

martyr ou un bienheureux d'un sang illustre ; au

revers est le monogramme de Jésus-Christ. Cette

pièce appartenait peut-être à une église placée

sous l'invocation de Saint-Louis-, dont la mort

en pays étranger, dans le cours d'une croisade,

(i) On en trouvera plusieurs modèles sous les nos VI, VII, VIII, IX.


— 33 — aurait été considérée comme un véritable martyre. C'est dans cet ordre dé médailles, c'est parmi les méreaux ou jetons d'église, que nos Monnaies des Évéques des Innocens et des Fous me paraissent devoir être classées, malgré la supposition contraire que M. R. fonde sur le sens littéral de la légende moneta. On pardonnera au possesseur d'une aussi curieuse collection d'avoir soumis un esprit aussi éclairé que le sien à cet amour trop complaisant, trop vif de la propriété, qui nous entraîne presque toujours au delà du vrai dans l'appréciation de nos richesses et de nos bonnes fortunes d'amateurs ; mais on lui accordera difficilement que les médailles dont il nous révèle l'existence soient de véritables monnaies, ou même qu'elles aient été destinées à aucun échange commercial. La légende moneta n'est pas d'elle-même la preuve du fait que M. R. en déduit.

Moneta, dans l'ancienne acception de ce mot, signifiait l'image ou l'empreinte même de la pièce, abstraction faite de la matière métallique qui l'a-


-54vait reçue (').' De là cette comparaison d'un vieux moine impotent àun denier dont le temps vivait effacé la mônnoie. Alors on disait d'un homme usé, quoique "chargé d'embonpoint, que c'était un écu de; poids, mais qui n'était plus recevable dans le commerce, parce que la monnaie en avait disparu (2). 11 est si vrai, en effet, que le latin moneta, oule vieuxfrançais monnaie j n'impliquait pas toujours l'idée de valeur d'échange commerciale, que, dans les écrits du moyen âge, cette dénomination est souvent appliquée à des espèces qui étaient évidemment- étrangères au commerce. Le texte du Journal de Paris sous Charles FI, que j'ai déjà eu occasion de rapporter, en fournit une preuve sans réplique. L'auteur y donne le nom de monnaie à une plaque

(') « MONETA : mpnetoe ipsius character ac figura. — MONETA, similiiudo.n { Glas. Cang., v° MONETA, col. 898.)

(:) « Is autem monachus qui adeô est senex, ut antè vel retrô jam nequeat inclinai-e, denario illi • est similis cujus monetam temporis antiquitas jam delevit. — Rursùm : Assimilatur nummo ponderoso, monetam tamen non habenti, et ideo non a;què vehali. » ( Ubi sup.)


— ■55 — de plomb dont la forme et la destination connues excluent: absolument l'idée d'une monnaie réelle dans l'acception actuelle de ce mot. ;

La légende moneta ne déciderait donc pas la question.

Si l'on examiné ensuite l'origine et le caractère de nos pièces, indépendamment de leur qualification , on y trouve de nouveaux motifs: pour douter que ces espèces puissent être exactement classées au nombre des monnaies.

Toute monnaie émane de l'exercice d'un droit ou d'un pouvoir quelconque; c'est le produit d'une convention publique, qui ne peut obliger que par le droit de l'autorité qui l'a établie et le sceau qui la constate. Comment un Éyêque des Innoeens ou des Fous, un membre de la dernière classe des gens d'église, et le plus souvent Un enfant, aurait-il pu remplir cette condition? Supposerait-on que l'association qui l'élisait eût, en elle-même assez de consistance ou de poids, et jouît, dans l'ordre ecclésiastique ou civil, d'une assez grande faveur pour être aussi magnifique-


— 36 — ment dotée? L'histoire de nos modernes Saturnales ne laisserait aucun fondement à cette supposition.

Les fêtes des Fous et des Innocens, quoique d'origine religieuse, n'ont jamais pu être considérées comme des exercices de dévotion. C'étaient de purs divertissemens, et, à ce titre, un vrai scandale, parce qu'on ne pouvait y voir qu'une profanation des lieux, des personnes et des choses sacrées qu'on y employait. Non seulement l'Église riè les a point reconnues, mais elle les a condamnées et proscrites. Il en fut de même des pouvoirs temporels qui, tout en tolérant l'effet d'une longue coutume, et se bornant à corriger dans leurs excès des moeurs qu'ils ne pouvaient changer, appuyaient par leurs actes le principe de l'Église, et l'aidaient à le faire respecter. La pragmatique sanction de Charles VII (L) contient à ce sujet une disposition fort remarquable dans

(|) Sous la'date du 7 juillet i438. {Recueil du Lotivre, t..XIIIj p. 267 et suiv.)


-5'7l'acceptation du décret du concile de Baie (xfô5), intitulé De spectaculis in ecclesiâ nonfaciendis ('). L'adoption pure et simple, par le chef de l'état, d'un canon qui menace des foudres de l'Église les acteurs et fauteurs des fêtes des Innocens et des Fous, est la preuve la plus eonvain(i)

eonvain(i) le texte de cette disposition curieuse, quia été omise dans la plupart, des écrits sur cette matière s « Acceptât decretum de spectaculis in ecclesiâ'.nonfaciendis+ qùod incipit : turpem etiahi illum abusum in quibusdam frequentatum ecclesiis , quo in certis anni celebritatïbus, nonnulli cum mitrâ, baculo* ac vestibus pontificalihus, more episcoporum benedicunt ; alii ut reges ac duces induti, quod festum Fatuorum vel Innocentium seu puerorum in quibusdam regionibus nuncupatur ; aliilarvales ac théâtrales jocos, alii choreas ac tripudia marium ac muliérum' facientes, ut homines ad spectaculum et cachinnatipnes moveant ; alii commessationes et convivia ibidem préparant ; hec {sic) santa synodus detestans, statuit et jubet tam ordinariis qùàm ecclesiarum decaiiis et rectoribus, sub poenâ suspensionis omnium proventuum ecclesiasticorum trium mensium. spacio {sic) , ne hec, aut

similia ludibria in ecclesiâ.... 1, et etiam in cimeterio

exerceri ampliùs permittant ; transgressoresqùe per censuram ecclesiastiçam, aliaque juris remédia punire non negligant, etc.. » (Ex, Concil. Basil., sess. XXI, §XI, apudUaxà., t. VIII, col. 1199.)


— 38 — cante du concours des deux pouvoirs dans la voie de l'opposition où les pères de l'Église avaient toujours marché.

Les associations des Fous et des Innocens n'étaient donc proprement qu'un fait, sans autorité, sans consistance, sans aucun droit positif qui puisse donner lieu de supposer en elles la faculté de battre monnaie; et sous ce point de vue, on ne saurait les comparer à la Basoche, dont l'institution était reconnue, qui jouissait de certains droits par délégation, qui était une sorte de magistrature subâlterneet toute spéciale,faisant etpouvantfaire des actes de juridiction. Je doute fortquèla Basocheait jamais eu le privilège de frapper une monnaie qui lui fûtpropre, comme on l'a dit et répété depuis dés siècles, sans aucune preuve (') ; mais, cette opinion fût-elle fondée, on n'en ppui-rait rien conclure à l'égard de la monnaie des Évêqùes des Fous, parce que la Basoche, émanée d'un pouvoir réel, exerçait, avec une juridiction déter(')

déter(') la note , page 4 des Monnaies des Innocens.


' - 39minée, une certaine autorité de-.police et de discipline dont les confréries dés FoUs n'ont jamais) été revêtues, et qui-pourrait seule étaj^er la supposition d'une monnaie à .l'usage de ces associations. Pardonnez, cher et respectable collaborateur, cette digression hasardée «outre une opinion que vous avez dû caresser, et dont, au surplus, je suis loin de vous demander le sacrifice. Ce n'est point là, Dieu merci ! une question de vie ou de mort pour l'ouvrage ni pour l'auteur. Je ne puis, je n'ose recevoir vos espèces comme monnaies de bon aloi ; mais je n'en vénère pas moins ces eulieuses reliques d'un âge dont l'étude a tant d'attraits pour nos jeunes contemporains; et j'ajouterai que, monnaies ou non, ellesdoivent tirer un assez vif^intérêt delà singularité de leur origine et de leur nouveauté actuelle, pour n'avoir pas besoin de plus sérieuse recommandation...-,'.

Quoiqu'il en soit, il s'agit ici de folies et de burlesques débauches. Les héros de nos médailles seront donc, en général, des têtes folles et de joyeux confrères. L'esprit, la politesse, la valeur soute-


-4onue

-4onue un vif sentiment de la gloire, sont, diton, le partage des Français, et l'on peut s'honorer de l'être à ce prix. Mais nous ne nous sommes pas toujours piqués d'être sages (l). Amis du plaisir et de la galanterie; moins éclairés, mais plus heureux peut-être dans leurs passe^temps naïfs, nos pères raisonnaient un peu moins, et s'amusaient beaucoup plus, je ne dis pas mieux que nous. Voilà pourquoi les Fous, les Couards, et les mauvais plaisans jouent un si singulier rôle dans notre histoire. Outre les mascarades ecclésiastiques , les sotties de la Basoche et les farces de notre ancien théâtre, personne n'ignore que nos princes eurent pendant long-temps, près de leur personne, des fous en titre d'office, comme ils avaient des conseils et des ministres; et qu'ils trouvaient quelquefois, ce qui était vrai, que l'avis du fou en valait bien un autre.

Dreux du Radier a publié sur ce sujet des recherches spéciales, qui forment l'une des parties

(l) n'Les Français paraissent fous, et sont sages. « Il y a quelque chose de vrai dans cette réflexion de Charles-Quint.


-4iles

-4iles intéressantes de ses Récréations historiques ; mais on y remarque des inexactitudes et des lacunes, dont on' ne paraît pas s'être occupé depuis. J'éviterai les unes, et quelques pages curieuses de mes manuscrits me mettront à même de remplir les autres, au moins en partie. Le nombre des Fous en titre d'office , connus, sera doublé dans la liste qui va suivre. Je ne la ferai pourtant point remonter au delà du règne de Charles V, où commence la dissertation de du Radier. Ce critique prétend que les Fous en titre datent des premiers siècles de la monarchie, quoique l'histoire n'en parle pas ; et il fonde cette opinion sur ce que le jeu dés Echecs, où deux Fous accompagnent le Roi, était connu du temps de Charlemagne : mais ce fait ainsi posé ne prouve rien. Les échecs ont une origine bien plus ancienne que le règne de Charlemagne, plus ancienne même que l'existence du premier roi chrétien (i ), ce qui

(]) Ce jeu.était connu des Grecs , des Romains et des anciens Perses. C'est, à ce qu'il paraît, de l'Orient,qu'il est passé en Europe, où il existe depuis bien des siècles.


-4?-

ne veut pas dire qiieClovis et Dagobert aient eu deshouffons en titré d'office. La question serait de savoir à quelleépoque réçhiquierparut enFrance pour la première fois, et. d'où viennent les deux pièces appelées Fous, dont l'invention peut être postérieure à l'origine de ce jeu; c'est ce que j^ignorè, et du Radier était dans le même cas,'

CATALOGUE HISTORIAt, DES l'ODS EN TITRE D'OFFICE (').

THÉVENIN , Fou de Charles V.- N (2), autre Fou du même roi.

(') On a distingué par des italiquesles noms des Fous et Folles qui rie se trouvent point dans l'ouvrage de du Radier, et ceux qui ne devraient pas y être.

(?) Le nom de ce Fou , prédécesseur de Thévenin , ne m'est pas connu ; niais on ne peut douter de son existence, d'après unêlettre autographe de CharlesV, du dernier jour de février 1364 > Par laquelle ce prince ordonne aux gens de ses comptes « d'allouer et compter et de rabattre de la

recepte de Jean Luissier la somme de 1200 r, dont

1000 f étoient destinés aux oeuvres du chastel du Louvre, .et-IIe. (200) francs pour envoyer querre un fol pour nous, lequel est au pais de Rourbonnois. » {Lettre-autographe inédite de Charles V.) Il ne faut donc pas conclure, comme du Radier, d'une lettre du même roi, adressée pour le


-mArlaude

-mArlaude Puy (i), Folle de la reine Jeanne;, fémine deCharlesV. . .. : ■ : 'i ,:,-, vuMaistre

vuMaistre (2), Fou du dauphin, depuis Charles VI,

"N ( i), Fou de Louis, XI.. , . ;., .'...... .-,

TRIBOBLET , Fou de Louis XII et de François Ie*.. ; CAILLETTE (4), autre Fou de la cour' de François P''.

même objet aux échevins de Troyes, que « la Champagne avoit apparemment l'honneur exclusif de fournir dés Fous à nos rois (p. 2 de sa Dissert.).y On voit que le Rourbonnais pouvait revendiquer sa part de la même prérogative.

(') A la date du 3 janvier i3>j3, le roi ordonne à ses trésoriers de payer à Jean Mandole, pelletier et bourgeois de Paris, la somme de cent soixante-dix-neuf francs d'or, « pour certains draps pennez cendaulz, boutonnerez et fermanlz d'or et d'argent, et pour la façon, pour Arlaude du Puy, Foie de nostre très-chière compaigne royne^ » {Lettre autographe inédite de Charles V.) Dans une autre lettre du même prince {aussi autographe inédile),datée du 3 mars i3^5, il est fait encore mention de la même Arlaude du Puy,Asais les mêmes termes.

("') Par la lettre ci-dessus, du 3 mars 13^5, Charles V déclare augmenter de cent francs une somme affectée chaque mois à divers services , et il y est question de Maistre Jehan, « Fol de riostre ditainsné fils. »

(") Brantôme parle de ce Fou sans le noinmer.Il paraît que du Radier n'a pu en découvrir le nom.

(4) Suivant la Monnoye, Caillette (comme tous les noms de Fous) était un sobriquet « tiré de celte tripe de veau,


-44Polite{i)....

-44Polite{i)....

Jouan (2), Fou de Madame...

d'agneau ou de mouton, d'où, par mépris, les benêts ont été appelés Caillettes. (Note sur le deuxième Conte àeàes Périers, t. Ier, p. 18 de l'édit. de Holl. 1735.)

(1) Du Radier, accolant Polite à Caillette, dit que c'étaient deux autres Fous de la cour de François I 01. Cela n'est pas exact: Caillette était bien fou du roi, mais le bouffon Polite appartenait à l'abbé de Bourgueil, selon Bonaventure des Périers (lieu cité, deuxième Conté). Il est étonnant que du Radier, qui n'a connu Polite que par le conte de des Périers, n'ait pas fait cette distinction.

(2) « Prince, ce Griffon qui me gronde Semble à Jouan qui se mordait. » (Cl. Marot.)

Et ailleurs :

« Je fus Jouan, sans avoir femme, Et Fol jusqu'à la liaiite game : Tous Fols, et tous Jouans aussi, Venez pour moi prier ici, Etc.... »

(Cl. Itlarot, JSpith. de Jouan, Fol de Madame.)

Ce Jouan, ou Joan, appartenait, sans doute, à la mère de François Ier, Louise de Savoie, qu'on, appelait communément Madame, et qui prit elle-même ce titre dans ses Mémoires : « C'est Madame qui réduit à mémoire plusieurs choses, etc. » {Journal de Louise de Savoie.)—« Se partist ce jeune adventureux de Rlois, pour venir vers M. d'An-


-■45Maistre

-■45Maistre (i), Foudu roi Henri II. Thonin(»), Fou du même roi.

goulesme et Madame à Amboise. » {Mémoires de Fleuranges.) — « Depuis ce temps de la mort de Madame, le roy ne yacqua à autre chose, etc. » ( Gestes de François Ier, par Est. Dolet.)

(i) « Gages, pensions, gratifications des médecins, historiographes, gardes du cabinet et des livres, écrivains, confesseurs, astrologues , Foûx et Folles du roy, etc... » {Ex— traits des comptes de l'épargne, depuis François Ier jusqu'à Louis' XIII, manuscrit du temps, inédit.) .

On trouve singulier de voir couché sur le même registre, et, pour ainsi dire, de pair, un Miron, premier médecin du roi, et un Pierre Dupré, « ayant la charge du dogue barbet de S. M.; » mais ce rapprochement cesse de surprendre quand on lit,, dans le Journal de Louise de Savoie, immédiatement après la relation d'uu événement qui faillit coûter la vie à son fils, héritier du trône : « Le petit chien Hapeguai, qui estoit de bon amour et loyal à son maistre, mourut à Rlevé. »

Le prince des poètes, l'Apollon de la source des Muses, Ronsard, chantait en même temps le roi, sa petite chienne, son lévrier Beaumont, et la barbiche de madame de Villeroy. (Voyez le t. X des Poésies de Ronsard; édit. de i6o'4, in-12.) ■

(2) Ce Thonin, figurant dans les registres' de 1556, est sûrement le même que Thohy, dont le nom se retrouve dans les comptes de i56g. Suivant Brantôme, le roi aurait ordonné à. Ronsard de faire l'épitaphe de ce Fou. DuRa-


-4STHONY,

-4STHONY, de Henri II, Françôis'll et Charles IXi Le greffer de Lorris {■>)', Fou duroi'GharlesIX. Estieiïne Doyïiïë (2), Fou du même roi. - -■■-■

La Jardinière (3), Folle de la reine {sûrement) Catherine deMédicj.s.

dier, ignorant l'époque de sa- mort, ajoutêique ce roi c'est Charles IX, suivant les apparences, et toutefois qu'il n?a pas trouvé l'épitaphe dans son Ronsard (ni moi non plus); Le fait de l'épitaphe est facile à vérifier. Quant à la mort du sujet, voici ce que j'en puis dire : Thoni est porté dans le compte de 15yl, sous la qualité de ci-devant,fol du roy, et, dans celui de i573, il est qualifié feu fol du roy {mèmeManuscril). Thoni serait doncmort à la fin de 15^2, ou au commencement de 15^3 : if avait donc perdu son emploi un an ou deux avant son décès : il se pourrait donc que Brantôme se fût trompé en disarit que le roi avait ordonné son épitaphe, à moins que ce ne fût une pure plaisanterie.

(1) Ibid., Compte de 1664. —CeFouétait mort en i566, car bh lit à. cette date : « Le greffier de Lorris, en son vivant Fol du roy. » Le nom de ce greffier était devenu proverbe, et,il en est souvent question dans les facéties du seizième siècle : « Les griffes du comte Huon de Bordeaux , estiméez par le greffier de Lorris à dix-huit mil de quarts dé ducats d'or; » {Blanque de pièces rares, dans les Triomphes de l'abbaye des Canards.)

{■■■) Même Manuscrit, Compte de 1566.

('>)Ibid., Compte dei56i.—-Charles IX, qui n'avait


—47 -

Des Rozières {>)j Fou du roi Charles tX. -'"■-._

RRDSQUET,FOU des rois Henri II, François II et Charles IX. <u-, -,-.-.

Jacquet le,{^) Plaisante {aliàs)i Folle: de la reine/Gâljherine de Médicis.

SiniLOT,-Foû'deHenriIII. ■; ■'' ::; . •-

MAÎTRE GuiLLÂuBtE (:>), Fou de Henri IV.

alors que onze ans, ne fut marié qu'en 1570. Après la; mort deFrariçois/II, qui arriva au mois de décembre i56o, il n'y avait -, pas en France de reine régnante; mais on; comptait deux reines douairières, Catherine de Médicis et Marie Stuart. Comme Marie se retira de la cour, avec le cardinal de Lorraine, très peu' de temps après la mort de François , pour aller dans sa famille maternelle, et de Lorraine repasser en Ecosse, il n'y avait plus à la cour de France, en I56I, qùela reine nière à qui pût se rapporter la qualification de Folle de la roy ne. ha. Jardinière était donc Folle de Catherine de Médicis.

(1) Même Manuscrit, Compte de 156'].

(2) Ibid. — Jacqueïte est désignée sous le titre de Plaisante de la roynè dans les comptes de ï 568 ; elle appartenait donc à la reine.mère, puisque Elisabeth d'Autriche, femme de Charles IX, n'a paru à la cour de France qu'en iS^o. La même Jàequélle est qualifiée Folle de la roy ne dans les comptes de cette année rô^o. On la retrouve encore dans ceux de 15^2, avec le nîême titre.

(•>) Voyez, sur Maître Guillaume et Chicot, la suite de ce discours.


-48JEAN

-48JEAN CHICOT, ou GICQUOT, Fou du même roi. MATHURINE, Folle delà cour du même roi.

Angoulevent ( 2) ou Engoullevent {Joubert)

L'ANGELI, Fou(derriier connu) dé Ja cour de Louis XIV.

Aux noms de maître Guillaume et de Chicot, on pourrait ajouter celui de Pierre du Four l'Évêque, non pas comme fou en titre d'office, mais à raison du rôle que ces trois personnages ont joué sous le même masque, et dans les mêmes circonstances. Pierre du Four l'Évêque était aussi

(') C'est le prénom que se donne ce maître Fou, dans son avis {supposé) à Henri IV repoussé parla Ligue: « Sire, croyez le conseil de maistre Jean Cicquot, qui est homme d'esprit. Le conseil est que... vous mariez vostre soeur (Catherine) au roi d'Escosse (Jacques VI), et que vous espousiez la royne d'Angleterre (Elisabeth), et meniez au bal tous vos ministres. Que la France demeure toujours franche en sa religion catholique, et que vous et vos subjectz hérétiques puissiez vivre hbrement en vostre hérésie d'outre-mer. Ainsi soit-il. » ( Paraboles de Cicquot, p. 64, in-8°, i5g3.)

(") Fou présumé de la cour, selon du Radier, dont je ne partage pas l'opinion à cet égard. ( Foyez les observations qui suivent cette liste.)


-49un

-49un qui courait les rues de Paris, et servait de plastron aux laquais et aux en fans, ce qui arrivait souvent à maître Guillaume, ci Tout passe, disait celui-ci , par Testamine mal percée de ces personnes à riottes, de ces gens maLostrus qui veulent faire les controsleurs généraux de l'assiette des maisons; et quand, faute de matière sortable à la portée de leur cervelle, vous les voyez courir après le pauvre maistre Guillaume, comme lacquaiz déchaussez , comme pages mal habillez > et quand je suis absent de la compagnie, ils se ruent sur ma friperie comme si je n'avais rien cousté à nourrir à mon amy (')..»

Sous la ligue, les noms de Pierre du Four l'Er vêque et de Chicot servaient de manteau à des

(') Voyage de niaistre Guillaume en l'autre monde, vers Henry le Grand, 1612, p. 6.

Ce bouffon appelait le roi son ami, On lui donnait pour armoiries deux flacons mipartis, l'un de blanc, l'autre de clairet, et pour devise :

Tout est de caresme-prenant.

d


- 5o — pamphlétaires ('), et même à des écrivains d'un ordre plus élevé, qui n'osaient se montrer au grand jour, comme celui de maître Guillaume figura plus tard, en tête de brochures politiques auxquelles ce bouffon était complètement étranger. C'est à quoi il faisait allusion en parlant de sa friperie sur laquelle on se ruait. Les bouffonneries, quels qu'en soient les auteurs, sont sans importance; mais il existe des pièces sérieuses, d'un haut intérêt,; des écrits de main de maître (f); où le nom de Chicot et celui de Pierre du Four sont accompagnés de qualifications ( 3) qui ont fait croire,

{>) Voyez les Paraboles de Cicquot, auquel l'auteur attribue ce quatrain :

« Cicquot au temps jadis faisoit toujours la besle ; Hais changé maintenant en docteur de la"loy, Reprend on gaudissant les vices de son roy ; C'est signe que Cicquot est bien tourné déteste, »

(y) Par exemple, le Mémoire à ceux qui vont, aux Estais, par M. Pierre du Four l'Evesque , i588. Cette pièce séditieuse, mais forte de raison, est d'autant plus remarquable, que l'injure et les personnalités en sont absolument bannies, circonstance rare dans les libelles de tous les temps.

Q) Pierre du Four l'Evesque, dans le préambule de


5'j — dans la suite, que ces noms appartenaient à des magistrats ou à d'autres personnes de;distinction. Comme P>audelot, le Duchat et Baylé lui-même s'y sont trompés, bien d'autres pourraient s'y tromper encore. Cette observation, qui est d'ailleurs à sa place:, peut donc avoir son utilité, bien qu'elle ait déjà été faite (').

Quant au dernier Fou, supposé d'Henri IV, du Radier nie paraît n'avoir pas bien compris le personnage ôHAngoulevent. Ce nom n'était pas propre au Joubert dont il parle,, et,qui est, en effet, l'Angoulevent le plus connu. C'était Un sol'Avertissement

sol'Avertissement indiqué, figure comme officier de justice, et Cicquot signe-le mémoire à la place de l'avocat. ( Advertis sèment et premières escritures du procès contre Henri de Vullois)..^.. pour raison de l'assassinat du duc et du cardinal de Guise (i 58g).

Ces pièces et les: précédentes sont d'une grande rareté : c'est parce que la plupart des historiens et des critiques ne les ont connues que de nom, qu'ils se sont mépris sur leur véritable caractère.

(') Voyez le Dictionnaire de Prosper Marchand, article Au comté de.Permission.


— 52 -

briquet de confrérie, Comme Angoùleveisne('), Plate-Bourse, Pont-Alletz, Gayacle, Plat d'Argent (2), Màlespargne, et cent autres semblables. Il y a lieu de présumer qu'on le donnait de préférence aux Princes des Sots de la Basoche, qui n'étaient pas des Fous en titre d'office ( 5) ; et c'est en cette qualité de Sot que le farceur Joubert ou Jobert prenait le nom d'Angoulevent, qui n'avait rien de nouveau sous Henri IV. Plus

(i) Angoùleveisne, pour Angouleves.., dans le Triomphe de l'abbaye des Conards.

{■*) Personnages du Jeu du prince des Sots et. mère Sotte, par P. Gringore , i5i i.

(;î) Ce n'est pas que les bouffons de cour aient conservé leurs.noms de famille. La plupart de ceux que nous leur connaissons n'étaient que des sobriquets, suivant l'usage adopté dans toutes les associations joyeuses qui lie se manifestaient que par des bouffonneries et dés travestissemens: Triboulel, Brusquet, Turlupin, sont des sobriquets. On fait venir Triboulet de taboulé, qui a l'esprit troublé :

« Et sont foule/.

Et par fortun c Iribolez. » (Alain Charlier.)

( T^oyez les Remarques de le Duchat sur le chap. 36 du liv. III de Rabelais, p. 485, t. I, del'édit. deHoll., in-4°.)


.— 53 — d'un demi-siècle auparavant, Rabelais l'avait appliqué à un capitaine de chevaux-légiers du roi Picrochole Q), chargé d'aller à la découverte, c'est à dire de humer, ou comme on disait alors, à'angoulèr le .vent, en attendant le gibier. L'Angoulevent de la Satire ménippée, dont on a fait un niais renforcé, occupé à courir les rues dé Paris, pour savoir ce qui s'y passait, est évidemment une allusion à la mission de T Angoulevent de Rabelais, limier de Picrochole (à). Là, le triste Angoulevent n'est qu'un bouffon du plus bas étage : on le suppose espion, ligueur, crapuleux,- méprisable, et qui pis est imbécille et dupe f). On ne

(.') Gargantua, liv. I, chap. 26..,..■:" (■■») Voyez, dans la Satire ménippée, les deux pages qui précèdent la harangue de d'Aubray : « Là dessus se leva un des députés, nommé le sieur Angoulevent', qui fit entendre tout haut qu'il avoit •charge; de la noblesse nouvelle , et dé la part des hoiinestes hommes- et inaisires de l'Union, etc.... » Sur, quoi du Puy fait observer que le mot maître: ne doit se prendre ici que dans le sens où on l'applique à des gens de néant. ,..■.:

Ç>) Angoulevent n'est guère mieux traité par sonpropre défenseur, dans les Plaidoyers pour lé Prince des Sots.


-54-.

lui permet pas de prononcer une harangue •de crainte de blesser la vraisemblance, tant on le croit au dessous de son rôle; s'il ouvre la bouche, c'est pour dire une sottise, et s'il veut continuer, on menace de l'envoyer à l'hôpital. L'homme que ses contemporains nous représentent sous'les dehors d'un sot et misérable ligueur aurait-il pu réunir à dé pareilles qualités celle de Fou pensionné d: Henri IV? Joubert, farceur de l'hôtel de Bourgogne, avait incontestablement le titre de Prince dès Sots basochiens, dont il 1 exerçait lés burlesques fonctions; et ce titre, bien établi, serait peut-être une! raison de plus pour lé distinguer des Fous delà cour, auxquels rien ne le rattache dans les facéties qui ont parti sous son nom (■). Je n'en excepte que l'acte réel ou supposé

Peleus convient qu'il-est né aupays des grosses bêtes, que c'est une tête creuse, une citrouille éventée ; vide de sens comme une canne, un'çcrvedudémonté; qui n'a ni ressort, ni T.Ofie. entière dans la tête. {Plaidoyer quatrième de Julien Peleus , prononcé le jour du mardi gras 16084)

(') Je ne prétends pas les connaître toutes ; mais j'en ai recueilli un certain nombre, tant en vers qu'en prose, et


— 55 — intitulé ■'■: Sentence de M. le Prévost de Paris contre Angoulevent. Joùbert y prend la qualité de valet de chambre du roi ; mais il s'y donne aussi celle de îïoble, et je crois, pour mon compte, que l'une n'était pas plus vraie que l'autre. Voici, au surplus, lés passages les plus curieux de cette pièce rare, qui vient d'être signalée pour la première fois dans les nouvelles recherches de M. Brunet, et que lés biographes d'Angoulevent. n'ont pas tous été à même de consulter.

« A tous ceux qui ces présentes lettrés verront, Jacques d'Aumont... garde de la prévOsté de Paris.... savoir faisons qu'aujourd'hui sur la requeste

requeste . par maistre Esprit le Marquant,

procureur de Maclou Poulet, seigneur et guidon de la Sotie,... demandeur à l'encontre

de maistre Pierre le Meneau, procureur de noble homme, Nicolas Jobert, sieur d'Angoulevent, valet de chambre du roi, prince des

je n'y ai trouvé rien d'où l'on pût inférer qu'Angoulevent ait jamais été F6u du roi en titre d'office.


— 56 — Sots et premier chef de la Sottie en l'Isle de France et hostel de Boùrgongne, présent en personne, deffendeur d'autre part : et requis jugement... qui ordonne que ledit deffendeur sera tenu promptement deprendre jour pour faire entrée sotte en cette ville de Paris.... y despendre les largesses,. et faire les cérémonies accoustumées;.... et ouy le dist Meneau.... faisant droit sur la requeste des dicts demandeurs et gens du Roy, avons le dict Angoulevent condamné et condamnons de faire son entrée en habit décent dans le premier jour du mois de may prochain , venant par les lieux, portes et places ordinaires avec ses officiers, suppôts et sujets... lesquels lui rendront les honneurs qu'ils sont tenus, sur peine de descheoir de sa grâce, privation de leurs chapperons et radiation de leurs gaiges. Avons enjoinct et enjoignons aux maistres des cérémonies des places et lieux les plus éminens, les marquis, comtes, barons et gentilshommes de sa suite, tenir fidelle registre des présens, pour sur icelui, décréter contre les absens.... Et pour


- 57 - fournir aux frais de l'entrée, nous avons à iceluy Angoulevent prince des Sots, permis et permettons d'engager et vendre tous et un chacun ses biens prësens et advenir, tant meubles que immeubles, mesme sa seigneurie d'Angoulevent...

sans chercher autre émologation de sa sottie

et à faute de satisfaire par le dict Angoulevent, et faire son entrée dans le dict premier jour de may, faute de droits non payez, et desboursez non faits suivant l'ordonnance de la Sottie, avons dès à présent comme dès lors, et dès lors comme à présent..., déclaré et déclarons la dicte principauté des Sots tombée en commise, et icelle vacante et impétrable par personnes plus capables que le dict Angoulevent; lequel en ce faisant, sera rayé du registre et matricule authentique des Sots, privé des honneurs, droits et privilèges imaginaires par lui prétendus; deffensesà toutes personnes de le reeognoistre ne luy porter aucun honneur , respect ny révérence en la dicte qualité, en laquelle les portes de Thostel de Bourgongne luy seront fermées, sa loge donnée à son successeur


— 58 - plus capable, ses armes abbatuesd'ieelle, ses chancelier, advocats et conseil rayez sur l'estatde ses gaiges, et deffenses à eux de se qualifier à l'advenir, ses officiers, n'y se servir des marottes et. chapjjerons qui leur ont esté par luy baillez.... Ce futfaict et donné en jugementpar François Miron...., prévost des marchands.... Le samedi dixneuvième jour de mars i6o5 (1). »

Cette sentence n'eut rien de fâcheux pour Angoulevent : il paraît même qu'elle fut annulée sur appel, par un arrêt du Parlement (a), qui termina

{i)La Sentence de monsieur le prevost de Paris, donnée contre Angoulevent, pour faire son entrée de prince des Sots, avec ses héraulx, suppôts et officiers. Paris, David le Clerc, i6o5, in-8°. (Titre exact de mon exemplaire.)

,.----. ! .'■-.-■ ......

(2) L'arrêt sérieux, du 1 g juillet 1608, rapporté dans les preuves de Y Histoire de Paris, t. V. — Joubert n'y est désigné.que spus son nom de .famille : il n'y est question ni di Angoulevent, ni de sa seigneurie, ni de ses prétendues, qualités de noble et de valet de chambre du roi; ce qui porte à penser que la sentence dont on vient de lire l'extrait n'est, comme beaucoup d'autres pièces de cette classe , qu'un travestissement, en style de facéties , d'un acte réel dont on n'a conservé que le fond.


_59— l'affaire de l'entrée ; mais on voit qu'une simple décision municipale pouvait compromettre l'existence du prince et de sa principauté : tant il est vrai que le théâtre des grandeurs a toujours été un terrain glissant, même pour ceux dont le rôle n'y peut être qu'une pantalonnade ou une chimère.

Cependant, et malgré les doléances de' maître Guillaume contre les pages et les laquais de Paris, c'était un bon métier, je dirais presque un emploi supérieur que celui de bouffon, quand les rois s'en amusaient, quand les sages donnaient aux fous tant d'occasions de les ramener eux-mêmes à la raison , d'où ils s'écartaient sous la toge et l'hermine. Si ce métier avait ses humiliations et ses dangers, il avait aussi ses prérogatives, ses avantages, son ambition et son éclat. La condition des Fous en titre d'office était de faire rire à tout prix. Ils jouissaient donc de la plus grande liberté de tout faire et de tout dire ; c'était à eux d'en user avec l'esprit qu'ils devaient toujours mettre dans leurs sottises, dont le succès couvrait la turpï-


6o-~ tude ('). Hors de la loi commune en matière de discrétion et d'étiquette, ils pouvaient hasarder des réflexions d'une haute sagesse, qui n'en eussent pas moins paru insolentes dans toute autre bouché ; et, à cet égard, la vie était pour eux une Saturnale perpétuelle. J'en trouve un témoignage dans ces vers du Triomphe des Conards, autres Fous du même temps :

UMBRE DE FOLIE.

« Sous umbre de faire le Fol, On entre aussitost aux maisons Qu'un aussi sage que saint Pol , Avec sa prudence et raison : Fols trop plus estourdis qu'oisons

■ Et Conards sont permis tout dire, Tant en ces jours qu'en ro'uvaisons , Sans encourir du prince l'irè ('■'-). »

(') u Ce resveur feinct en discours lanternois,

Nous faisant voirie trie et trac de France , Monstre qu'il n'est resveur qu'en apparence , Mais en effect un dessalé matois. Qui veut, etc.... D

(Sonneth maistre Guillaume.)

(a) Le Triomphe de l'abbaye des Conards, scène des

ombres.


6ï—'■■

Quant à la fortune, les Fous en titre n'auraient

eu rien a envier aux.,courtisans les plus favorisés

du prince, si l'on en juge par ce trait satirique

de Boileau, parlant de la cour de Louis XIV :

« Et l'esprit le plus beau, l'auteur le plus poli, N'y parviendra jamais au sort de YAngéli (i).»

Les Bouffons étant devenus des personnages de cour, la bouffonnerie dut avoir ses privilèges, ses attributs, sa décoration, sa livrée. On lui tailla son pourpoint sur le patron du vieux Momus ; elle reçut pour sceptre une marotte; la jaquette découpée en angles aigus lui tint lieu de manteau ducal; une épée de bois dorée, ou en d'autres termes, une épée pour rire ceignit le côté de la bouffonnerie ainsi personnifiée ; et ce qui la distingua surtout du commun des Fous non enrôlés sous ses bannières, ce fut le coqueluchon pointu, décoré de longues oreilles et garni de grelots,, qui caractérisaient assez plaisamment le caquetage bruyantd'un évaporé vide de sens et d'instruction.

(i) Poésies de Boileau, Satire Jrc.


— 62 —

Telle était aussi la ■ signification emblématique d'une vessie de porc bien gonflée , renfermant une poignée de pois secs, et attachée à l'extrémité d'une baguette blanche, dont l'agitation concertée avec la secousse des grelots complétaitl'idée d'une tête folle et de tout ce qu'on en peut attendre (l).

{') D'où le proverbe , Pisa in utre perstrepentia, pois résonnant dans une vessie, pour signifier un flux de paroles qui ne disent rien. (C. Bouilli, Proverbia, p. i56 de l'édit. de i53i.) Rabelais , dans son chapitre sur Triboulet, ne manque pas de lui faire donner par son héros Panurge « une vessie de porc bien enflée et résonnante, à cause i les pois qui dedans estoient ; plus une espée dé bois, dorée ; plus une petite gibecière, faite d'une coçque de tortue ; plus une bouteille clissée pleine de vin breton, et un quarteron dé pommes blandureau... > (Liv. III, chap. 43 > p. 5o6, in-4°.) De là cette réflexion satirique de Hotman contre Matharel, dans son livre intitulé : Matagonis de Matagonibus : « Crede mihi Matharelli, si rex fiam, quôd tu eris primus in matriculâ meôïuni Stipendiatorum, lion ut te faciam meum procuratorem generalem... sed meum avchifaluum sicut, Tribuletlus fuit régi Ludovico. Et ut isto feudo solemniter ih'vestiai'is, dabô tibi, pro dono invéStitursé , unum pulchrum bàcillum album cui alligata erit iina vesica cum pisis ab inlus canorc rcsonantibus.» {Voyez aussiMoisant.de Brieux-, Façons de parler triviales, etc. , p. 8g.)


— 63 —

Mais quel était la couleur ou le bariolage de l'habit de Fou, que le burin n'a pu reproduire, que nos plombs nous laissent ignorer, et dont les peintures modernes n'offrent le plus souvent qu'une image, inexacte.

Cet habit était jaune et vert, d'après un témoignage qui ne peut nous tromper; c'est Angoulevent, le Prince des Sots, l'oracle même de la folie, qui nous l'apprend dans son épîtreà Yarchipoèle des pois pillez (*).

« Que cette guirlande {■'-)

A l'ostel Bourguignon où ma grandeur commande,

(i) La Guirlande, et Responce d'Angoulevent à l'archipoële des pois pillez. Paris, Hubert Velut, avec permission, i6o3, petit in-4°. Pièce rarissime, et à peu près inconnue. M. Brunet, dans ses Nouvelles recherches bibliographiques, au mot ANGOULEVENT, n'a fait que pressentir l'existence de cette facétie, que j'ai oublié de lui communiquer. Après avoir rappelé là Surprise' et Fustigation: d'Angoulevent, il ajouté que lé bouffon a dû répondre à cette satire, puisqu'on connaît une autre pièce intitulée : Réplique à la responce du poète Angoulevent. M. Brunet a raison ; cette réponse existe ; mon exemplaire en est la preuve.

(->) Une houssine en cercle.


-64Par

-64Par main de mes Sots , dont tu crois le monceau, Soit mise dextremerit sur ton docte cerveau ; Qu'après dedans le char de la troupe idiotte, Ayant pour sceptre en main une peinte marotte, Tu sois parmi Paris pourmené doucement, Vcstu de jaune et vert en ton accoustrement ,• Qu'à chacun carrefour, au son de la trompette, L'on crie à ton agu, Messieurs voicy le poète Héroïque, gaillard du prince Angoulevent, Etc.... (')->

Quant au bariolage et à la forme de l'habit complet, j'en trouve la description dans une pièce historique assez rare pour être demeurée inconnue aux bibliographes modernes, et trop curieuse pour ne pas mériter un instant d'attention. C'est le procès-verbal en date du 7 janvier 1614, contenant la relation de la piteuse aventure de le Jau de Vertau, conseiller, trésorier général des finances pour la Champagne. Le duc de Nevers le fit enlever à Chàlons, et ensuite promener sur un âne, revêtu d'un habit de Fou, dans toutes les villes de sa principauté du Réthelois, pour venger l'affront qu'il prétendait en avoir reçu dans la pu(0

pu(0 1.


— 65 — blicatîon d'un arrêt du conseil, qui n'était pourtant que l'exécution obligée des ordres du roi. Laissons parler le pauvre lé Jau, tondu, rasé, battu, conspué, à peine sorti de son rôle de. fou, et jetant feu et flammes contre le duc de Nevers , qui n'en fait que riré> et la cour aussi (L).

« Et le dimanche douzième du dit mois (de

{') L'habit de Fou, dans les choses sérieuses ^dégradait celui qui en était revêtu, comme s'il er\t servi à manifester un état d'imbécillité ou de démence réelle. Voilà pourquoi un ecclésiastique condamné à une peine capitale ou infamante pouvait en être affublé au moment de son exécution. Le ig avril 153o , un vicaire assassina son curé, qui était alors à Paris au collège d'Autun, « devant Saint Andry des Ars ; pour lequel meurtre fut le dict vicaire desgradé au Puis Nostre Dame le 4 lnai ; et abillé en habit de fol, délivré fut à maistre Jehan Morin, lieutenant-criminel ; et par sa sentence fut condamné à avoir le point coupé, et attaché à une potence avec le braquemart dont il avait faict le dit meurtre.... et puis bruslé tout vif, etc.... » {Chron.de Gaguin, continuée,ixi~£", goth.,t.2, f° 245.) On supposait sans doute , ou plutôt on voulait donner lieu de supposer qu'un prêtre , jouissant de sa raison, n'aurait pu commettre un pareil crime ; mais alors, comment maistre Jehan Morin pouvait-il condamner mi fou au gibet, sans se rendre lui-même criminel ?

c


— 66 — mars 161.4), environ les 6 heures du malins comme nous étions encore au lict, l'un des dits cinq hommes ( qui l'avaient enlevé et conduit dans un château du duc ) nous aurait dit qu'il y avait des nouvelles du dit sieur duc— et peu après un qui commande dans la cassine nous serait venu trouver, et dit (sic) que lé gouverneur nous mandait qu'il avait reçu commandement du dit sieur duc de Nevers, de nous faire vestir un habit qu'il nous montra, qui estoit faict par bandes de serge, moitié de couleur verte et l'autre de jaune; et là où il y avoit des bandes jaunes, il y avoit dés passemens verts, et sur les vertes des passemens jaunes : entre les bandes, il y avoit aussi du tafetas jaune et vert qui estoit cousu entre les dites bandes et passemens. Les bas de chausses cousus avec le haut estoient, l'un, tout de serge verte et l'autre de jaune; et un bonnet aussi moitié de jaune et vert, avec des oreilles, etc.» Viennent ensuite les chevauchées, qui sortent de notre sujet. On voit que ce grave magistrat savait son habit de Fou par coeur. Remercions-le, pour


_67notre compte, de nous avoir si bien instruit ('). Cependant il s'agit ici d'un événement arrivé en i6î5 : alors les Fous commençaient à déchoir de leur ancienne splendeur ; et l'on pourrait Supposer que leur costume ; jadis plus en rapport avec leur fortune, était aussi déchu de sori antique éclat. Oh se tromperait; ce serait niai connaître l'espèce dont je crayonne l'histoire. Il est trop vrai que les Fous de tous les temps se ressemblent, et qu'à l'exception de ceux qui peuvent me lire ou m'entendre, dont la couleur est peut-être moins gaie, tous, et depuis les plus anciens connus en France, ont porté la livrée verte et jaune, comme le bien amé conseiller trésorier général des finances pour la province de Champagne. Que l'on consulte les manuscrits du Roi du quatorzième et du quinzième siècle ; qu'on ouvre le Froissard; si renommé pour sa magnificence, ou la Cité de Dieu de Saint Augustin, manuscrit non moins pré■

pré■ Requestes présentées au Roy et à MM. de la cour du Parlement et des Ëstats,par le S. de Vértau, avec plusieurs procès-verbaux, arrcsts, etc.. Paris, i6o5,in-4°.


— 68 — cieux, et pour plus de certitude, le livre de la Danse des Morts, dont les peintures remontent au règne de Louis XI, partout on verra le vert et le jaune, ou l'or qui le représente, exclusivement affectés à l'image de la Folle et du Fou. La tunicule, la jaquette, le haut-de-chausses, et le capuchon à oreilles d'âne, se présentent toujours sous cette livrée (lJ.

On voudra savoir à présent d'où vient cette prédilection séculaire des Bouffons et des Fous pour le jaune et le vert. J'en suis bien fâché pour l'honneur de l'espèce, mais l'impartialité de l'historien ne me permet pas de dissimuler le peu de considération dont ces couleurs jouissaient dans

(i) La tunicule de la Folle de la Danse des morts est mipartie jaune et vert. Les deux Fous en pied du Froissard sont, l'un tout jaune, l'autre tout bleu, couleurs élémentaires du Yert. Celui de la Cité de Dieu est vert et or. Les grotesques à capuchon pointu dé mes manuscrits sont aussi vert et or ou jaune. On remarque, il est vrai, des jaquettes de Fous de diverses couleurs dans les Heures imprimées sur peau de vélin, du commencement du seizième siècle ; mais ce sont des habits de fantaisie , et leur diversité même en est la preuve.


-69un

-69un où la livrée faisait l'homme, où une couleur était toute une histoire.

Le safran contient une substance éthérée, abondante, subtile, qui, agissant fortement sur les nerfs, excite le rire, produit la gaîté, et peut même causer des accès de folie dans les personnes qui eh respirent trop long-temps le parfum. De cette propriété du crocus, sur laquelle la médecine moderne s'accorde sans réserve avec l'ancienne, est dérivé le proverbe : Cr'oco stultus non eget, le fou n'a que faire de safran, et l'expression : crocum edisse, avoir mangé du safran (') ; c'est à dire éclater de rire à tout propos, se livrer à une gaîté folle v Ce rapport du safran avec le Fou semblerait mettre hors de question la moitié de son trousseau ; sa couleur n'aurait été que la réflexion de sa gaîté, et l'on n'est pas déshonoré pour être gai. Je conçois que nos bouffons n'auraient rien de mieux à dire, s'ils étaient ici pour se défendre; mais je crains bien de ne

(') Caroli Bouilli Proverbia. Lut., i53i, pp. 69 et to3.


— 7o — pouvoir, en conscience, les tenir quittes à si bon compte. Pour un proverbe équivoque, dont ils détourneraient le sens à leur profit, que de présomptions fâcheuses s'élèvent contre leur robe çt ternissent leur dorure !

Lefaune, à quelques exceptions près, fut toujours,: dans le moyen âge, une marque de félonie, de déshonneur, de bassesse où de mépris. La main du bourreau imprimait à la maison d'un criminel de lèse-majesté le cachet de l'infamie, en la barbouillant de jaune (^.C'était la couleur des laquais (2), et plus particulièrement des valets employés aux exécutions de la haute justice; on en fit le symbole de la prostitution et de ses auxiliaires ( 3) ; elle devint même pour un

(') Voyez les pièces du procès de Charles, connétable de Bourbon, et Sauvai, Antiquités de Paris, t. 2, liv. 7, p. 209.

: ' (2) Le Blason des couleurs, \>w Sicille, héraùlt d'armés, goth., deuxième partie.

(3) Est cupidisflavus color, est et amantibus aplus Et scôrlis....

(Alciati Embl. in colores, Embl. 1 i7.)


7I—

peuple entier le sceau de - l'humiliation et de la servitude : la cupidité ménageait les Juifs ") ; le préjugé, les flétrissait. Le concile d'Arles tenu en 1234.('•*) avait décrété qu'ils porteraient sur l'estomac une marque ronde qui les distinguât des chrétiens (3), et saint Louis voulut que cette marque fût d'étoffe jaune ( 4) : voilà pourquoi.les Juifs sont quelquefois représentés dans les miniatures du quatorzième et du quinzième siècle, non pas seulement avec la pièce jaune, mais en habit complet de cette couleur (E), qui passades

(1) Le douaire de Marguerite de Provence, veuve de saint Louis, était assigné sur les Juifs, qui lui payaient deux cent dix-neuf livres sept sous six deniers par quartier. {Registres de la chambre des comptes.)

(a) Sauvai, Antiquités de Paris, t. 2, dit: le concile de Latran de I2i5;mais il se trompe. Ce concile ordonnait que les Juifs porteraient un habit particulier; c'est celui d'Arles qui borne la distinction à une simple marque.

■(3) Voyez de la Mare, Traité de la police, t. 1, liv. 2.

(i) Ordonnance de 1269.

(5) La casaque, le chaperon, et jusqu'aux pantoufles du Juif de la Danse des morts de Baie, sont de couleur jaune dans un exemplaire unique dont les figures ont été peintes sur le monument, et qui m'appartient.


— 72 —

Israélites aux hérétiques (l ), des hérétiques aux saltimbanques, des saltimbanques aux Fous, et de ces derniers aux maris notoirement victimes de l'infidélité conjugale (2). Il faudrait être habile comme d'Hozier, et menteur comme une généalogie, pour tirer de celle-ci un bon titre de noblesse : je ne m'en charge point. D'ailleurs, il me resterait encore une tâche assez difficile à remplir; ce serait de prouver l'illustration du vert, qui n'a pas toujours été le langage exclusif de l'espérance et de l'amant de Flore.

Cette couleur était aussi considérée comme un

(i) Le sanbenit (sorte de Dalmatique) des Juifs et des hérétiques condamnés au feu par l'Inquisition était un fond jaune chargé d'une croix de Saint-André rouge (Marsollier, Hist. des inquis.). Les hérétiques pénitens pouvaient être condamnés à porter, toute leur vie, « un scapulaire de moine sans capuchon, avec des croix jaunes devant et derrière, longues de deux palmes » {Manuel des inquisiteurs, p. 126), et c'était pour une famille la dernière marque d'infamie.

C) Voyez Tratlalo de' colori di M. Coronato, i568, pet. in-8°, p. /\5, et pussim.


_73emblème de ruine, d'affiictionLet de déshonneur. Une croix verte, entourée d'un crêpe noir, figurait ordinairement dans là procession d'un autoda-fé; elle servait de bannière aux princes et aux personnes de qualité qui la suivaient, couverts de manteaux--croisés de blanc et de noir (*•). Dans l'ordre civil, le vert rappelle la couleur du bonnet dont on coiffait un banqueroutier au pilori des halles (") : telle était encore la calotte du galérien relaps, ou qui avait tenté de s'évader. C'était alors une marque de flétrissure; et, à ce titre, le vert n'a pas dégénéré en se mariant avec le jaune dans la parure d'un Fou.

(') Hist. des inquis., t. i01', p. 10.

( 2) Voyez Sauvai, Antiquités de Paris, sur le fait; et, quant au droit, Traité sur les cessions et banqueroutes, cl les causes qui ont meu le souverain sénat de Paris à confirmer le jugement qui condamne un cédant aux biens à porter le bonnet ou chapeau vert; et savoir si aux femmes... on peut donner le chapperon vert. Par Bounyn. Paris, i586, UITS 0. Cet usage nous était venu d'Italie. Le Statuloromano fait mention du chaperon comme d'une marque de mépris et de flétrissure. (Dom de Vaines, Diplom.)


-, 7q - Quant au symbole de tristesse, l'idée de cette convention appartient aux anciens. C'est parce que le vert était pour eux une marque d'affliction et de regrets, qu'à différentes époques on a trouvé dans leurs tombeaux des anneaux d'or enrichis d'émeraudes. La plante potagère, cette espèce de persil que nous nommons ache, était aussi consacrée au culte des morts : non seulement les Romains en répandaient sur les sépulcres des personnes dont la mémoire leur était chère,; mais ils en tressaient des couronnes pour les poètes qui avaient fait les plus beaux vers à leur honneur (l) ; et, par suite du même système, leurs matrones, qui étaient des modèles de modestie, se montraient en public dans un carpentum drapé de vert \), comme un témoignage de

(■') Pline, Hist; nat., 1. XX, cap. II. — Undè ctproverbiuinnatum Apio egere, quipericulosè oegrotet. (Kiïcliman, de Fùneribus Rom., lib. IV. ) — \2Iride sacra spicgata nci' colori dcgli abiti ecclesiastici. Roma, 1682, in-8g, p. 279.

( 3) 121 ride sacra, p. 280. — Le carpentum était un cha-


-75_ leur renonciation aux plaisirs et aux vanités du monde. Quelque opposées que soient entre elles ces idées de printemps et de ruine, d'espérance et de tristesse, elles paraîtront assez exactement résumées dans les vers suivans, d'Alciat :

« Nos speràre docét viridis ; spes dicitur esse In viridi, quoties irrita rétro cadit (i). »

Mais ces vers ont eux-mêmes besoin d'une explication, que n'ont pas donnée les commentateurs d'Alciat; ils rappellent une expression proverbiale fort ancienne, dont l'origine ne se trouve pas non plus dans nos livres de proverbes; voici donc le fait :

L'introduction des torches et des flambeaux dans les cérémonies du culte remonte à une haute antiquité. Les cierges que les prêtres'des Romains offraient à leurs dieux étaient fixés sur

riotà deux roues, tiré par deux mules, principalement à l'usagé des matrones. Telle était aussi la carruqUe à quatre roues. (Montfaucon, Antiq. expl., t. IV, part. 2> p. 191.)

{') Embl. 118.


-76~ des pieds de bois vert; et cet usage passa, comme beaucoup d'autres, dans l'église chrétienne, qui en conserve encore des traces (')'.. Elle admet en certaines circonstances, par exemple dans la quinzaine de Pâques, des cierges qu'une souche verte distingue de ceux dont elle use ordinairement: tel est le cierge pascal, dont la base est peinte en vert, et qui s'élève sur un pied de même couleur. Comme cette bande verte répond à la partie creuse du flambeau, quand la lumière s'en approche, elle touche à sa fin, la mèche va manquer, le flambeau est près de s'éteindre. De là cette expression proverbiale du moyen âge, appliquée au dissipateur voisin de sa ruine : Il est réduit au vert, ou ruiné jusqu'au vert; en d'autres termes, il est près de s'éteindre faute d'alimens, ou de perdre sa dernière ressource. C'est dans le même sens que l'amant de Laure, présageant la fin de sa maîtresse, disait :

{')UIride sacra, cap. XX, Dcll'usà e mislcrodel Vcrde. p. 278.


_ 77 _

« Quando mia speme già condotta al verde. « {Quand l'espérance, est près de /n'abandonner.).{')

Or les vers cités d'Alciat, faisant allusion à ce proverbe, sont comme le sommaire de son histoire.

Nous reconnaîtrons toutefois que les destinées du vert ont éprouvé bien des vicissitudes, et que si cette couleur fut long-temps Un signe de tristesse, on l'a considérée aussi comme un symbole d'affranchissement et de liberté Q. C'est, dit-on,

(') Littéralement: Quand mon espérance, déjà conduite au vert. (Petraica, SON. G ici fammegiava, p. 6 de l'in-4°. Venise, i584••) " ^"' condotta al verde, già condotta presso al fine ; li giunse nel cuore pigliando la similitudine cleïl' accesa candela ilcuilumealliorae presso al fine, che s'approssima al suo verde. » {Spositione di Velutello.) i • .

La même pensée a reçu tout son développement dans ces vers de L. Dolce , poète du seizième siècle. {Dial. de' colori.)

« Mondani la candela è giunta al verde, Non c'èpiù ccra; il lumicino manca; Ed ogni bel pensier consuma e perdu. » (*) V. Color verde à la divina Cclia, por M. Fernandez Villareal; Madrid, 1637.


-78ce que signifiaient la cire verte et les lacs de soie de même couleur employés au sceau des lettres de concession de privilèges, d'exemptions et de grâces ('). La toilette verdoyante de nos Fous aurait-elle quelque rapport avec leur allure naturelle, avec cette liberté de paroles et d'actions qu'ils portaient jusqu'à la licence? Mais le jaune aussi eut un reflet brillant : c'était la couleur du grand sceau de l'État, qui, des empereurs de la seconde race, passa aux rois capétiens ( 2) ; et l'on aurait, peine à se persuader que le sceau royal eût quelque chose de commun avec la casaque d'un bourreau 1 ou d'un Fou. Disons plutôt que la livrée de la Sottie n'avait rien que de méprisable, et que, si nos pères s'amusaient des bouffons, ils savaient au moins les mettre à leur

(•) Les lettres de concessions dé privilèges perpétuels étaient scellées en cire verte, et celles de concessions temporaires en cire blanche. (Tome III de la Collection des ordonnances du Louvre, passim, et IsiPréface du même vol., p. VIII.)

(*•) Tessereau, Histoire de la Chancellerie, t. I. — Le Laboureur, Histoire de la Pairie, p. 121,.et lechap. XVIII.


— 79 — place, et les prendre pour ce qu'ils valaient.

C'est ici le lieu de faire observer que le capuchon du Fou n'était pas, dans l'origine, une coiffure singulière , exclusivement propre à ce personnage, et qu'il ne devint plaisant que parce qu'il représentait en charge une mode ancienne passée depuis long-temps, (l). Les mots cueillie, coule, capuce, capuchon, coqueluchon et même coqueluche, sont tous de la même famille. Ils servaient à désigner la partie supérieure du mantel et de la saie du moyen âge, ou le couvrechef séparé du manteau, qui n'enveloppait que la tête et les épaules. La cuculle. ou coule, dont le camail ecclésiastique actuel est une dégénération, s'entendait aussi delà robe ou tunique entière garnie d'un capuchon, comme celle que conservent

'(') La coiffure de nos Fous ne doit rien à l'antiquité ror maine. Le capuchon, né en France, où plutôt dans les Gaules, appartient à notre costume national le plus ancien connu. H n'a commencé à distinguer essentiellement l'habit claustral de l'habit civil que dans le quinzième siècle. ( Voyez la note P à la suite des Monnaies des Innocens.)


— 8o — encore les Chartreux et. les Bénédictins. Paysans, bourgeois, grands seigneurs, princes, tous portaient la cueulle, au temps du roi' Jean et de Char - lesV. Des magistrats, des guerriers, des courtisans et le roi lui-même sont représentés en capuchon, dans les miniatures du quatorzième siècle ('). C'est du nom du couvre-chef appelé coqueluchon ou coqueluche, qu'est dérivé celui d'une maladie à laquelle les enfans sont principalement sujets. Et en effet, ce nom de coqueluche n'a pas été inventé en i5io, comme on pourrait le croire d'après ce que Nicole Gilles rapporte de l'épidémie qui régna en France à cette époque Q. Il y avait alors un siècle qu'on en avait usé dans une circonstance

(i) Je possède une collection assez nombreuse de costumes français fidèlement. peints d'après les monumeris. Les coqueluchons et les robes, dont les moines ont conservé l'usage, forment la partie la plus remarquable des habits séculiers de l'époque ci-dessus indiquée.

(a) « Laquelle maladie fut appelée par aucuns bons compagnons la coqueluche, parce qu'elle saisissoit les gens à la tête, etc. » — Année i5ïo. {Chronique de France, par Nicole Gilles, t. 2, p. 122, édit. de Paris, 1557, in-f°.


— 81 — semblable.- Il servit, en mars r4i 3, à désigner une maladie « moult griève, qui généralement courait dans Paris, par laquelle tous les membres doloient, et souffroit l'on moult fort romexé ('). » Cent mille personnes furent atteintes de ce catarrhe extraordinaire, qui reçut d'abord le nom de tac ou horion. Le malaise général qui en résultait n'empêchait pas « les petits enffens allant au vin ou à la moustarde » de chanter dans les rues :

« Votre C a la toux, commère, V otre C.. a la toux , a la toux ('). »

mais il obligeait les malades de se bien couvrir la tête et les oreilles, pour ne pas aggraver leur indisposition. Des milliers d'enrhumés de tout âge portaient donc le coqueluchon relevé, au lieu de

(') Registres MSS. du Parlement. — Mézeray, Histoire de France.

{") Journal de Paris sous Charles VI, mars 1412, avant Pâques (I4I3). —C'étaient les petits enfans qui chantaient cela dans les rues de Paris , en i4-i3 , et c'est un curé qui nous l'apprend ! Voilà le quinzième siècle.

/


— 82 —

le laisser rabattu sur leurs épaules, suivant le mode le plus ordinaire; d'où lé nom de coqueluche fut donné au mal qui mettait en l'air tant de coquelûchons. C'est cette coiffure, modifiée par l'addition de longues oreilles et de grelots, qui est demeurée affectée au personnage, de Fou, lorsqu'elle cessa d'être d'un usage commun à toutes les classes de la société. Marotl'a dit ;

« Attachéz-moy une sonnette Sur le front d'un moine crotté, Une oreille à chacun côté Du capuchon de sa caboche, Voilà un sot de la Bazoche ('). »

Déjà Pierre Gringore avait chanté sur le même ton l'épidémie de iôio, dans son poëme delà Coqueluche -, où il recommande aux ençoqueluchez de bien se garantir du froid :

« Le vent coulis , soit à tort ou à droit. ,• ■'■•',.■■ Fait eslargir le panicule estroit ; »

"'(') Clément Màrot, Coq à l'asile à Lyon Jamet. '-—Un Sot de la Basoche, ou un Fou, c'était tout un.


— 83—. et surtout de résister à l'aiguillon d'amour (-). On vit naître aussi des mêmes circonstances la Confrérie des coqueluchers, ainsi nommée parce qu'ils portaient le coqueluchon des Fous, et que, suivant toute apparence, ils n'étaient guère plus sages. On en peut juger par les prouesses de leurs successeurs, messsieurs de Y Abbaye des conards ou cornards, dont la joyeuse bande remplaça l'association des coqueluchers, avant le milieu duseizième siècle (2). J'irai plus loin, les cornards eux-mêmes, et tous ceux que la

(") « Gens qui esté de ce mal trébuchez,

Ne trolez point, ne bougez d'une place , Soyez joyeux d'estre ençoqueluchez, Compaignie pour passer tempskuchez; Au temps qui court est. requis qu'on le fasse : Fuyez des dames le train, l'amour, la grâce, Car par ce point tout homme se confond ; Tisons prochains souvent grant flamme font. »

{La Coqueluche, composée par Pierre Gringore, dit Mère Sotte. Pierre LeDru, aoust îôio.)

(*). Voyez les Triomphes de l'Abbaye des Conards, etc. Rouen, i587, pet. in-80.. —- Taillepied, Antiquités de Rouen,]): 56. — Carpentier, Glossaire français, au mot COQOTXUCHER.


-84voix publique proclamait dignes de leur affiliation , pouvaient bien n'être dans l'origine que des coqueluchers, ou porteurs decoqueluchons. L'habit de Fou a toujours été une marque de dégradation ou de dérision pour tous autres que les Bouffons de profession et de confréries. Il est vraisemblable que les mauvais plaisans du quatorzième siècle ne manquaient pas ^occasion d'en affubler un mari trompé, ou celui qui le représentait, comme le voisin du mari qui se laissait battre par sa femme, dans la chevauchée de l'âne à rebours. D'un chaperon cornu à l'épithète de cornard, la transition était facile et toute naturelle. Ce mot cornard, dont l'étymologie a donné lieu à tant de suppositions incroyables ou absurdes, nous viendrait donc encore du coqueluchon de Fou ou de Sot; l'un vaut l'autre. Le rapport du Sot-Fol avec le cornard se trouve clairement établi dans un acte de 13g i, où l'une des parties en querelle traite son adversaire de coquart et de sol; car, s'il faut l'en croire, il n'est


— 85 — si mauvaise conardie que sotie ('). Alors coquari équivalait à cocu : et puisque ce vilain mot, que j'aurais voulu retenir, a glissé de ma plume, il ne m'en coûtera pas plus d'ajouter que je le soupçonne frère de cornard, en ce sens qu'il serait, comme lui, sorti de notre coqueluchon. On m'opposera sans doute l'opinion commune, qui s'est déclarée pour la paternité de cuculus', coucou; mais cette autorité n'est pas si absolue qu'il ne reste plus qu'à s'incliner devant elle. J'ai lu quelque part, ou peut-être, assoupi sur un du Cange, j'ai rêvé que le mot cocu nous était venu en ligne directe, soit de l'espèce de capuchon qu'on appelait capot, cuculle, coule, ou coqucia, coqusse; soit du coquibus, autre sorte de chaperon dont le nom, comme ceux de coquart et coquillart ('), étaient aussi l'équivalent de ce mot que

(') Litt. remiss., an. i3gi. Ap. Carpent., Gloss., v° COQUIBUS.

{") On disait aussi coppau, coupaut, coup ou cop, mais plus particulièrement du mari qui favorisait les désordres


— 86 — je ne veux plus répéter ('). Enfin, quand je nie rappelle qu'une teinte safranéé a toujours distingué nôtre capuchon de tous ses confrères, et que c'est aussi la livrée que l'on prêté à la postérité des coquar ts ou Coquibus, je ■sens presque tenté de croire que mon étymolôgie en vaut bien une autre. Voilà, dirà-t-on, une cuculle bien souple, bien féconde en données historiques; dom Cajot n'a rien vu de tout cela dans les coqueluchons dont il nous a laissé l'histoire (').:.j'en conviens; et pourtant;, je n'ai pas

de sa femme. C'est alors qu'on allait chanter sous ses fenêtres là chanson du Cbpère. (Càïpent., Gloss., v° Cbr-Âuuus. — Dictionn. de Nicot et de Borel. — Roman du Rcnart, t. II, édit. de Méon , etc.)

(')« COQUIBUS, species caputii atque indè fortassis

accersenda vocum coquart et coquillard origo', quibiis significatur vir cujus uxor moechabatur. (Caipent., Gloss. ) — Voyez aussi, sur cette sorte de-chaperon, les Origines de plusieurs coutumes et façons déparier triviales, par Moisaht dé Brieùx -, Caen , 1672, article : A QUI VENDEZ-VOUS

VOS COQUILLES? p. 3] . »

{') Histoire critique des Coqueluchons, 1762. — Il n'est guère question, dans ce livret', que de l'habit de moine.


—'87tout dit; mon sujet n'est pas si simple qu'on a pu se l'imaginei" : si j'avais promis d'être court, je n'aurais pas entamé le chapitre des Sots et des Fous.

Stultorum infinilus est nulnerus {').

11 y a près de trois mille ans que ces mots sortirent de la bouche d'un sage, et le monde ne paraît pas encore disposé à le démentir. Ce n'est pas nous, du moins, qui querellerons Salomon sur son irrévérence ; car enfin ce dix-neuvième siècle, si fier dans son allure, si grave dans ses enseignemens, cet âge mûr de la raison, subit, ni plus ni moins que ses aînés, la folle et joyeuse influence du coqueluchon. Au moment où je fais cette réflexion (.a février), lesonrauquedu cornet à bouquin annonce à la jeune France le retour de l'éternel carnaval. C'est le doyen des Fous, et chacun s'apprête à le fêter de son mieux; et fidèles à son culte, s'oubliant eux mêmes, voilà

(') Salomon, Eccles. Cap. 1, v. i5.


— 88 — que des milliers de Gracques et de Comélies courbent à l'envi leurs fronts sous la cornette de Mère-Sotte ou le capuce d?Angoulevent. Il est évident que cette coiffure n'a pas cessé d'être le patron de nos costumiers. Le domino n'est au fond qu'un habit de Fou qui a perdu ses oreilles, je ne sais quand , ni pourquoi.

Un coqueluchon plus complet, le capuce modèle, remplace la mitre sur le front de la plupart de nos Evêques des Innocens et des Fous. Il sert aussi à la parure de sujets plus modestes ou plus nobles qui n'aspirèrent point à cette dignité, mais qui s'en trouvèrent investis, bon gré mal gré, comme on vit plus tard les nombreuses recrues du régiment de la calotte recevoir des brevets d'illustration dont elles étaient loin de s'enorgueillir. En effet, le capuchon des Fous volontaires ou de profession , et en général des personnages qui figurent dans notre galerie , n'avait rien d'offensant pour ceux qui en étaient affublés : nous ne trouverons guère ici que le côté plaisant de ce singulier attribut; mais on l'a vu sur une scène


- 89 - plus vaste perdre ce caractère inoffensif. Né de la malice et de la gaieté, ainsi que notre vaudeville, cet autre favori de Momus devint hostile, audacieux, cruel même avec le temps. La satire y puisa parfois ses traits les plus acérés, et l'on pourrait citer plus d'une circonstance grave où le fanatisme et la politique se firent d'un bonnet de Fou un instrument de flétrissure et de vengeance. Au nombre des figures relatives à l'association de la Mère Folle de Dijon, publiées dans le recueil de du Tilliot ( '), on remarque deux têtes accolées par leur base, l'une de cardinal, l'autre de fou, sur un plan vertical, avec la légende: slulti aliquan.db sapientes. Cette empreinte, qu'on dit provenir du sceau de la Mère folle, appartient à une médaille des plus satiriques contre la cour de Rome, et qui ne peut être attribuée qu'au parti protestant. Le revers, que du Tilliot ne donne pas, qu'il n'a peut-être pas connu, représente une au(')

au(') pour servir à l'Histoire de la fête des Fous, pi. Ildel'édit. in-8°.


— 9° — tre tête double; celle d'un pape portant la thiare,

et du côté opposé, en hauteur, une tête de diable à cheveux hérissés et à longues oreilles, avec la légende :'& Ecclesiâ perversatenetfaeiem diaboli. J'âï sôtis lés yeux cette médaille,.qui n'est; certainement point un sceau (wjr.fig. X'':).'Comme lesujët principal n'a rien de Commun avec les farces idè la Société dijonnaise, il est permis de douter dé l'authenticité du sceau, où du moins de l'empreinte ainsi qualifiée par du Tilliot.

La parodie ou contre-partie de cette même médaille /publiée par les catholiques., présente également deuxOtêtès doubles; d'un côte, Calvin mitre et le diable ; légende : JOAN . CALVINUS HÈREsiAR^ni PÈBsiMUS; au revers, un cardinal et ùh Fou; légende i ET STULTI ALIQUÂNDÔ -SAPITÉ. rsAL, xcm( 1) (voy. fig. XI).

A- ces exemples, qui rentrent dans l'histoire des

C) Je possède ces deux médailles, grâce à la généreuse obligeance de M..'Paulin Paris, qui à bien voulu s'en priver à mon intention. Il n'en fait pas d'autres.


PU

j/acr.^î{?.



— g, _querelles

_querelles religion y j'en ajouterai un second puisé dans la politique du même temps. Lé duc d'Albe, lieutenànt-gënëràl de Philippe II dans les Pays-Bas, s'y était rendu également fameux par son orgueil > ses talens militaires et ses cruautés. Un coqueluchon suffit à la vengeance de ceux dont il avait menacé la fortune ou là vie. Ce castillan si plein de lui-même, le superbe Ferdinand Alvarez de Tolède, sévit représenté dans plusieurs dessins en forhie de soucoupe, sous lès emblèmes de la Folie, au milieu d'un cercle,de figures grotesques, et comme présidant à des extravagances que Rabelais semble avoir animées de son esprit. Au centre dél'uhe de ces compositions satiriques, gravées par Théodore de Brie, on reconnaît le portrait du duc, ayant pour- cuirasse une tête de Fou, avec la légende : Le capitaine des Folies. Le médaillon d'une autre soucoupe de même origine est formé d'une tête double, dont là partie supérieure est couverte d'une sorte de pot figurant un bonnet de Fou, garni de grelots; du côté opposé, on voit une face bouffie en chargé;.


— 92 — d'où sortent des oreilles d'âne ; et la légende Orgueil et Folie achève le portrait.

Ce caractère satirique ne se découvre que dans un très petit nombre des médailles que nous donnons ici. Tel est le sceau de Pinon ( fig. XII) représentant un singe crosse, mitre, et dont la chape laisse à découvert un corps velu et tigré. Les autres rentrent dans la classe des parodies, ou des imitations bouffonnes des choses sérieuses, qui n'ont pour but. qu'un pur divertissement. Aussi le mode de composition de ces figures se ressent-il un peu de la bizarrerie de leur origine et de leur destination. La plupart des sujets y sont présentés sous des formes énigmatiques, et ces énigmes sont tout simplement des rébus. En seraient-elles moins dignes d'occuper un instant l'attention d'un homme de goût? On n'attend pas de moi, sans doute, une pareille conclusion. J'avouerai, à ma honte si l'on veut, que, satisfait de la tâche dont je m'occupe en ce moment, je n'abandonnerais pas sans regrets mes innocens rébus au mépris qui semble les réclamer de toutes


-93parts; que j'oserais même les préférer à des sujets plus piquaris ou plus graves d'une autre école, et qu'enfin je ne rougirai pas de m'y intéresser. Les choses les plus futiles en apparence peuvent se recommander par leurs excès; et je crois qu'en fait de sottises, les plus grosses sont les meilleures. Quelque prévenu qu'on puisse être contre les rébus, il serait difficile de les placer au dessous des plus grosses sottises. Or il y a tels, rébus dont la conception est si plate, si extravagante, ou si sérietisement bouffonne, qu'il est impossible de les deviner sans éclater de rire, tant le sujet en est ridicule et l'exécution pitoyable : d'autres présentent une image tellement compliquée ou si bizarrement chargée de figures informes, que les facultés intellectuelles y trouvent de quoi s'exercer long-temps avant d'en pénétrer le mystère; alors l'esprit qu'il n'a pas fallu pour les faire, devient souvent indispensable pour les deviner. Les rébus, même les plusmauvais, peuvent donc être bons à quelque chose; car c'est quelque chose, pour le commun des hommes, de


-94trouver

-94trouver occasion de rire ou de s'exercer l'esprit.

D'un autre côté, il semble que les règles du goût ne devraient, pas plus que les lois civiles, avoir d'effets rétroactifs; dans les jugemens que nous portons sur les faits antérieurs. Pour apprécier.exactement les choses d'un autre temps, il fatit les voir dans leur siècle, en étudier les rapports avec l'état de la société où ils ont. pris racine, et surtout se garder de les condamner d'.après les conventions nouvelles d'un monde qui leur est devenu étranger. Loin de moi l'intention de réhabiliter un goût barbare dans l'opinion d'une génération éclairée; il n'y a pas ici de question de goût. Nos plombs sont des monumens d'une époque déjà ancienne. Ils me paraissent offrir la matière d'une page amusante, et peut-être originale de notre histoire. C'est, cette page qui me reste à écrire, Pour cela, je ne fais que me replier sur le siècle des rébus; j'examine ce qui s'y passe, et j'oublie, sans scrupule, ce qu'on en pense dans le nôtre.


- 95 ~ Je conviendrai d'abord que M-. R., cet honorable et trop consciencieux collaborateur, dont j'ai presque accusé la partialité dans son interprétation de la légende Moneta, montre maintenant une sévérité qui m'effraie pour les énigmes qu'il s'est proposé d'expliquer: Appréciant les rébus à leur valeur actuelle, sans tenir compte de la différence des temps et des circonstances, il rappelle le mépris que Rabelais en faisait ('), et il laisse les siens, ses. enfans d'adoption, sous le,coup de cet hypocrite-anathème. Comme lui,, j'ai pitié des faiseurs de rébus ; mais je ne m'en indigne pas plus que je ne m'indigne des satires ordurières du curé de Meudon. De bonne foi, appartenait-il bienà l'auteur des Songes drolatiques de fulminer contre les rébus une pareille sentence? Cette sainte fureur de maître Rabelais, à propos de compositions bizarres et de mauvais goût, ne serait-elle pas une facétie déguisée, comme tant d'autres; dont ses livres sont remplis ?

(') Voyez page 5^ des monnaies des Innocens.'


- -96Le premier poëte de son temps; moins difficile et d'une autorité tout aussi imposante que la sienne, Clément Marot, son estrille à la main (l), aurait pu l'envoyer dans Y Ile des Lanternes faire le dégoûté. Que Chinon s'honore d'avoir Vu naître Rabelais, à la bonne heure. S'il faut en croire le chantre des amours d'Agnès, les Tourangeaux sont d'excellens conseillers en certaine occurrence; mais il est évident qu'ils n'entendent rien à la poétique des rébus. Ce sont les Picards, juges compétens en cette matière, qu'il faut consulter. Les auteurs sont tous d'accord sur ce point,

(') On se rappellera ces vers de Marot :

« Vous dites vrai de cela, sire , Une estrille, une faux, un veau, C'est à dire estrille Fauveau, En bon re'bus de Picardie. »•

{Coq a l'asne a Lyon Jamct.)

Cependant, je ferai observer qu'on s'est trompé, et le père Méiiestrier comme d'autres, en attribuant ce rébus à Clément Marot. Il ne lui appartient point. C'était la devise de Durand Gerlier, libraire-imprimeur de Paris, dont le nom figure à ce titre dans des. livres datés de 1489) et années suivantes. Clément .Marot n'est né qu'en i4ç)5.


— 97 — que la composition des rébus eut jadis un attrait

tout particulier pour les beaux esprits de la Picardie ; que cette province peut même, jusqu'à un certain point, revendiquer l'honneur de leur invention, et que sa fécondité dans cette branche de littérature tenait du prodige. C'était moins le produit de l'esprit naturel des Picards, qui en valent bien d'autres, qu'une sorte de propriété singulière du sol ou du climat. Les rébus surgissaient en Picardie comme les pommes chez un peuple voisin. Nos médailles, trouvées en grande partie dans les environs d'Amiens, en sont une preuve convaincante. Aussi, pour me servir de l'expression d'un vieil éplucheur de rébus ('), « n'at-on pas failli à lès baptiser du nom de cette na'(r)-

na'(r)- Touches du seigneur des■Accords, t. Il, p. 8 de l'édition de Paris, 1662. Il serait difficile de parler rébus sans invoquer Tabourot, qui a comme épuisé cette matière. Mon intention n'est pourtant pas d'abuser du droit de le consulter. Les réflexions qu'on trouve ici m'appartiennent; et, quant aux faits, on chercherait inutilement les plus remarquables dans le livre fort curieux, mais connu ,.du seigneur des Accords.


_98tion. On les appelle rébus de Picardie, ainsi que l'on dit bayonnette de Bayonne, ganivet de Moulins, peignes de Limôux, ciseaux de Tholose, moustarde de Dijon. » Ce nom, suivant l'opinion commune, viendrait, de l'usage où étaient anciennement les clercs delà Basoche, de composer et de lire au peuple pendant les jours gras, des écrits satiriques et bouffons contenant une sorte de revue ou de résumé de ce qui se passait dans les villes de Picardie où ils résidaient. Ces facéties étaient, à ce qu'il paraît, intitulées en latin de rébus quai gerunlur, titre, équivalant à nouvelles, du jour, et le nomdere^w leur en serait demeuré (l). Je ne contesterai pas l'exactitude de cette origine ; mais, si elle est vraie, il faudra en induire que les premiers rébus de Picardie participaient du caractère satiri que des pièces de carnaval qu'on nommait ainsi, ou bien , ce qui rentrerait dans la même supposition, que les pam(i)

pam(i) Furetière , Ménage, Ménestrier rappellent cette origine, sans contradiction.


—■99 — phlets de la Basoche étaient des compositions du

genre de celles qui ont exclusivement retenu le nom de rébus.

D'un autre côté, la Basoche picarde n'auraitelle pas usurpé le mérite de l'invention? Je serais fort porté à croire qu'elle n'a fait que développer et perfectionner un art des plus anciens. L'idéemère des rébus doit venir de plus loin : elle appartient vraisemblablement à l'enfance de la société. Le premier alphabet né des besoins de la civilisation n'était guère qu'une chaîne de rébus, c'est à dire une image matérielle, non de la pensée, mais des objets mêmes dont la pensée n'est que la réflexion. Tel fut, évidemment, dans son origine, l'art de peindre la parole chez les deux peuples les plus anciens du monde connu. Les caractères si nombreux, si compliqués de l'écriture chinoise, ne pouvaient être primitivement que des rébus : tout annonce aussi que les hiéroglyphes vulgaires de l'Egypte antérieure aux temps historiques participaient plus ou moins de cette nature d'images. Rien ne ressemble plus à cer-


Ioo '— laines tombes picardes, que certaines inscriptions égyptiennes, qui pourraient néanmoins avoir une tout autre portée; mais ici l'apparence justifie la présomption, sauf la preuve contraire, et le difficile serait d'en trouver une qui fût sans réplique. Pour comprendre ces antiques débris deMemphis et de Thèbes, pour y lire les leçons que renferment sans doute les figures d'animaux, de plantes, et de divinités bizarres dont ils sont couverts, il faudrait en connaître les originaux, et ne pas ignorer la langue usuelle du peuple qui laissa de pareilles archives. Que de rébus, prétendus hiéroglyphes, ne figurent dans nos musées, décorés de ce docte titre, que parce que l'esprit et. les types en sont perdus pour nous, et qu'il ne nous reste dans leurs images que des énigmes indéchiffrables, où l'on voit tout ce que l'on veut depuis qu'onne sait plus y reconnaître ce qui s'y trouve. Le séjour des croisésen Orient, l'introduction dans nos moeurs des exercices chevaleresques, l'invention des marques distinclives des familles privilégiées, les figures et les livrées adoptées comme signes de


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reconnaissance ou de galanterie dans les tournois, ont dû contribuer beaucoup à répandre le goût des rébus, qui, sympathisant d'ailleurs avec l'esprit de ce temps, devenaient une sorte de besoin delà société où ils renaissaient. Alors, c'étaitprincipalement aux sens qu'il fallait s'adresser pour frapper l'esprit, ou imprimer dans la mémoire ce qu'il lui était utile de retenir. Les rébus, faits pour les sens, ont pu devenir les livres d'hommes qui ne'savaient pas lire. C'est, une image qui ne parle qu'aux yeux ; elle est à la vue ce que les énigmes communes sont à la faculté intelligente : ce genre d'énigmes était plus à la portée du peuple que les compositions emblématiques, dont l'explication est une étude, et suppose une certaine connaissance des choses auxquelles elles font allusion. Le goût des rébus devait donc précéder celui des emblèmes et des devises modernes, comme il était naturel que le dernier naquît de l'autre; et c'est ce qui arriva. Les emblèmes et les devises, en vogue dans le seizième siècle, suivirent les rébus, mais sans les remplacer, La


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preuve s'en trouve encore dans nos médailles, qui sont toutes d'une époque à laquelle les librairies de la France et des Pays-Bas étaient inondées de recueils de devises et de figures emblématiques.

Considérés en eux-mêmes, et d'après les diverses applications qui en ont été faites, les rébus conservent encore quelques droits à notre intérêt comme sujet d'observations historiques.

On a déjà vu que ces compositions n'ont pas toujours été lepartage exclusif des désoeuvrés et des cervelles à double rebras ( i ). Elles firent les déli ces des beaux esprits d'un autre âge; les Français, surtout, s'y sont infiniment plu et délectés, et des provinces entières y ont trouvé le fondement d'une renommée séculaire, qui vit encore dans leur histoire. Plus d'une bonne ville revendiquerait, pour son propre compte, ce que le seigneur des Accords nous apprend sur ce sujet. Il nous assure que « ces subtilités furent long-temps en vogue et

(i) Synonyme de sot, dans l'ancien langage.


io3 — de non moindre réputation que les hiéroglyphes des Égyptiens envers nous; de sorte qu'il n'estoit pas fils de bonne mère qui ne s'en mesloit. » C'était, comme on voit, une fureur. Personne ne peut nier, en effet, que les rébus n'aient eu, dans l'Europe moderne, une célébrité réelle qu'un Français, moins que tout autre, serait admis à contester. Pour mettre cette vérité dans tout son jour, il suffirait de rappeler qu'une nation de trente millions d'hommes, modèle d'urbanité, de délicatesse et de goût, est représentée par un rébus : un Coq est l'emblème de la France, ancienne patrie des Galli, des coqs ('). Mais ce serait prendre

(i)Le pays des Galli, en latin; en notre langue, des Gaulois, des Français , des coqs ; en celtique , des Galles, Galloud ou Galloudec, mots qu'on a traduits par puissant, valeureux, intrépide, ressemblant au coq. Ainsi la figure du coq, représentant la nation gauloise, était un véritable rébus relativement à la dénomination latine gallus, qui signifie également coq et Gaulois ; mais cette figure n'était qu'un emblème par rapport à la langue des Gaulois, dont le nom celtique ne.faisait que rappeler les principales qualités du coq, sans être commun au coq et au Gaulois. 11 est vraisemblable , d'ailleurs, que c'est l'analogie du


io4

les choses de trop loin ou de trop près, et le sujet est assez vaste pour ne pas me réduire à ces extrémités.

Gardons-nous de l'erreur de ceux qui ne voient dans les rébus que le produit d'un goût futile ou d'un caprice du moment. L'amoureux paladin empruntant leur langage dans les circonstances les plus solennelles, la beauté fière de

caractère et du nom des Gaulois avec le gallus latin , qui les a fait désigner par les Romains sous la dénomination de Galli. On ne comprend pas aussi facilement pourquoi les bourgeois de la ville de Dormans avaient pour devise un coq. On disait les coqs de Dormans, et ce dicton était peint sur la bannière des chevahers de l'arquebuse, avec les vers suivans :

« Servons Bacchus, servons l'Amour, Servons aussi Mars tour à tour,

Dans ce beau jour de fête, Aussi vigilant que le coq, A qui bientôt la poule est hoc, En faisant sa, En faisant sa, En faisant sa conquête, »

C'est apparemment par antiphrase que le symbole de la vigilance et du réveil est devenu l'emblème de Dormans.


— io5 — l'hommage qu'elle en recevait à la face de- plus d'une rivale, avaient, n'en doutons point, une tout autre idée de ce moyen de Communication précieux pour des amans qui n'osaient parler, et ne pouvaient écrire. Les rébus brillèrent alors de l'éclat des tournois et des cours plénières où ils étaient reçus. Plus tard , changeant de théâtre, et passant des lices chevaleresques dans les champs de sépulture, ils devinrent l'objet d'une vénération singulière, d'un culte tout nouveau. Nos pères trouvèrent plaisant de travestir les épitaphes en rébus (') : il appartenait à la naïveté de ces temps de provoquer le rire jusque sur la tombe des morts. Si ces monumens ont péri, la gravure nous en a conservé d'autres qui peuvent nous consoler de leur perte. Sans avoir rien de commun avec l'oeuvre dû génie , les rébus ont partieipé à des honneurs qui ne sont dus qu'à lui. Les artistes les plus fameux n'ont pas dédaigné

(|) Les anciens cimetières de la Picardie offraient de nombreux exemples de ces bizarres monumens.


— 106 — de leur prêter le charme de leur talent. A leur exemple, celui dont-le pinceau fit revivre sur la toile tant d'animaux divers, Oudry, en dessinant des rébus, ne croyait pas avilir un art qu'il avait employé à décorer les palais de nos rois ('). Des rébus accueillis dans les cercles de Florence et de Paris avaient été en quelque sorte immortalisés parlapointedes Bosse et des la Belle (2). Le superbe blason n'a pas rougi, non plus, d'associer les rébus à ses mystérieux emblèmes, dont la plupart sont des titres d'illustration, de véritables monumens. Les armoiries parlantes ne sont au fond que des rébus ; mais une platitude couverte d'un grand nom, ne peut plus être un objet de mépris. Guillaume, prince d'Orange, était camus. Comme on l'appelait Guillaume au cort (court) nez, il prit

(i) Ce fut lui qui peignit , entre autres sujets, les chasses du château de la Muette. Ses fables sont assez connues : je reviendrai sur ses rébus.

(2) Outre plusieurs feuilles de rébus italiens, gravés par la Belle, en forme d'écran, les amateurs de ce genre en conservent beaucoup d'autres , publiés sous Louis XIV et: Louis XV, par les Bonnard, les Mariette, les Crépy, etc.


— 107 — pour armoiries un cornet, et la princesse d'Orange trouva qu'il avait raison. Plus près de nous, dans un siècle doté de tous les trésors du génie et du goût, un ministre illustre, Colbert, de récente noblesse, adopta pour blason un reptile, dont le nom (coluber) , ressemblait au sien ('). L'écureuil plus noble, plus piquant de Fouquet, fut moins heureux que la guivre Q de son ennemi : un rébus perdit Fouquet. Et comment la raison des cours se serait-elle montrée supérieure à la sagesse même de l'Église? Les rébus lui avaient paru un précieux moyen d'enseignement. Dans sa simplicité apostolique, la religion les appela à son aide; elle sanctifia les rébus. Enfin, quelques années se sont à peine écoulées depuis que ces énigmes pittoresques ont perdu leur ancienne faveur. Il est vrai que le monopole de la rue des Lombards date d'un peu plus loin, et que les ré(i)

ré(i) la mort de Colbert, il parut, entre autres satires , une brochure intitulée le Serpent écrasé.

( 2) Guivre, ou bisse, en terme de blason , signifie couleuvre ou serpent.


— ro8 — bus n'ont plus guère d'asile que chez les confiseurs; mais malgré l'humilité de cette condition, ils s'y montrent encore associés aux traits les plus piquans de l'esprit des Chaulieu, des Bernard et desParny; on a vu le chef-d'oeuvre de notre SaintAulaire se fondre tout entier dans un rébus ('); et. l'on ne peut que s'honorer en si bonne compagnie. Le lecteur me dispensera d'arrêter son attention sur ces derniers -débris d'une antique splendeur, d'une gloire que flétrit chaque jour un insolent dédain , et qui pourtant devrait trouver grâce parmi tant d'admirateurs des vieilleries gothiques. Il me reste à lui offrir quelques exemples de ces variétés de fleurs, non de bien dire, mais de parler aux yeux, que je n'ai fait qu'indiquer dans ma briève esquisse. Ce n'est pas aux archives de la confiture que je compte les emprunter.

(') Le quatrain si connu,

« La divinité qui s'amuse, etc., » qu'il improvisa en jouant au secret avec la duchesse du Maine.


— io9 —

Les tournois et le blason se présentent d'abord dans l'ordre de l'ancienneté.

Nos preux étaient, en général, d'assez pauvres clercs : ils ne connaissaient.guère que l'art d'attaquer un ennemi d'estoc et détaille, de désarçonner un rival dans la licè, et l'art moins dangereux, plus doux, de vaincre les rigueurs d'une belle. Cependant, ils faisaient des rébus qui devenaient quelquefois la circonstance la plus remarquable d'un tournoi ou d'une cour d'amour. Il n'est pas sûr que l'impression qu'ils y laissaient fût plutôt un sentiment d'admiration, qu'un mouvement d'hilarité universelle. On en jugera par les exemples suivans : un chevalier dont le palefroi s'était abattu dans un pas d'armes parut le lendemain avec une andouille et une plante de joubarbe peintes sur son écU, ce qui voulait dire, en italien, sempre vivo in doglio (l), je vis toujours

(|) Sempre vivo, de Sempervivuin, nom latin de la Joubarbe ; in. doglio est ici pour andouille, mot qui n'a pas son équivalent en italien.


110

dans la douleur. Un autre chevalier, dans un cas semblable, pour exprimer l'amertume du chagrin que lui causait sa chute, se montra revêtu d'un habit burlesque, et portant sur sa tête, au lieu de sa devise habituelle, un fromage dur, caso duro, mots qui signifiaient également, sort cruel, fatal accident, et fromage dur, dans le sens italien ('). La poésie a sans doute produit de plus belles images ; mais les chevaliers du moyen âge n'y regardaient pas de si près dans leurs travaux littéraires.

En matière héraldique, les maîtres de l'art n'admettent pas que les armoiries parlantes soient de véritables rébus i On conçoit bien que ces sortes de jeux et de pointes n'ont pas toujours le caractère de dignité qui convient au blason, et que tout en les tolérant de fait, la science les désavoue pour arrêter l'usurpation de son domaine, par

(') Caso, en italien, signifie cas, sort, fortune , et fromage , si on le prend, comme ici , pour cacio. {Voyez la Philosophie des images, par le père Menjestrier, p. 180 et suiv. )


— 111 — de pareils sujets. Les rébus lieront donc qu'une branche bâtarde du blason; mais ces bâtards n'en participent pas moins aux honneurs et aux privilèges des enfans légitimes dans la nombreuse famille des armoiries.

Le rébus estla figure naturelle, l'image propre, simple et directe de l'objet qu'il représente; il montré au doigt, pour ainsi dire, la chose telle qu'elle est, sans rappeler l'idée d'aucune autre. C'est en quoi il se distingue essentiellement de l'emblème et de la devise, qui ne sont que l'expression indirecte d'une pensée plus ou moins déguisée sous une image analogue, et dont l'essence est dans l'allusion. Il y a encore cette différence entre ces deux sortes d'images, que l'emblème est toujours un tableau de la pensée rendue sensible sous une forme d'emprunt, tandis que le rébus-nepeintle plus souvent que le mot, et ne rend la pensée que par des équivoques (').

(') Bans ce cas, le rébus n'est véritablement qu'un jeu


112

Si pour exprimer l'idée de pierre vive, je peins trois paux de gueule, en chargeant chaque pal d'un diamantd'argent (l), ou de toute autre couleur; sans faire un grand effort de génie, je composeun blason de bon aloi, parce que mes diamans ne sont pas l'image exclusive de pierre vive, parce qu'on ne lira pas-nécessairement pierre vive en les voyant. J'aimeraismieux, toutefois, le nom de Le Gendre,

de mots. Par exemple, si l'on travestit comme il suit ce vers de La Fontaine :

Un jour un- coq dé tour na une perle

I io\ir,jlgured'im coq, un.dé, une tour, na,I, figure cl'uneperle,

on distinguera deux sortes d'images ; les unes représentant la pensée ou la chose , celle de un coq, une perle; les autres ne peignant que dé, tour, et ne rendant l'idée de détourna que par l'équivoque ou le double sens des images de dé et de tour.

Ce qu'il y a de fâcheux pour l'honneur du rébus , c'est qu'il n'est amusant que par son imperfection , et qu'en ne peignant que le mot, il fait équivoque ; car, lorsqu'il présente une image exacte de la pensée ou de la chose , on le lit couramment ; il cesse d'exercer l'esprit : il ne signifie plus rien. ■

(') Armoiries de la maison italienne de Pictra Viva.


ii 3 —

rendu par trois têtes de filles, faisant allusion au proverbe : qui a des filles aura des gendres ('). Mais, si au nom de Chabot je substitue la figure du poisson appelé chabot, et rien de plus, je ne fais qu'un plat rébus (2), moins dégoûtant, il est vrai, que lès sangsues de la maison de Sayye, en Bourgogne, où sayve signifie sangsue, niais non moins rébus.

Eh'..comment qualifier les souris ou les rats de l'antique cité d'Arras? On n'a jamais porté plus loin la grossièreté des rébus; on ne s'est jamais montré moins difficile sur le rapport dû signe avec la chose signifiée; car, il faut en convenir, l'exécution de l'image était le plus souvent si imparfaite, que le rébus n'avait pas même, comme portrait, le mérite delà ressemblance : c'est alors qu'en vérité, ces débauches de goût ne ressem(')

ressem(') Gendre.—D'azur àla fasce» d'argent, accompagnée de trois têtes de filles échevelées d'or, par allusion au proverbe , etc.

(a) La maison de Chabot porte d'or à trois chabots montans de gueule. Le chabot est un poisson dont la tête est plus grosse que le corps.

h


-ii4blaient

-ii4blaient rien. Telles étaient ces grotesques armoiries de la ville d'Arras , qui firent tant de bruit dans le monde, et qui n'ont pas encore cessé d'être un sujet de controverse parmi les érudits et les critiques w Je me félicite de pouvoir leur offrir quelques pièces inédites, ou fort peu connues, de ce grand procès.

Arras portait d'azur à la fasce d'argent chargée de trois rats de sable, accompagnée en chef d'une mitre d'or, et en pointe de deux crosses de même, passées en sautoir.

L'ombre de conformité matérielle qu'on avait cru apercevoir entre le nom de rat et celui d'Arras (f) avait suffi pour justifier le rébus dans l'esprit de l'inventeur. Suivant un ancien dicton des Artésiens faisant allusion à ces armoiries, et que les Impériaux ainsi que les Espagnols aimaient à répéter (a), les Français devaient prendre Arras,

(') En latin , Atrebates, Atrebatinh, Arabatum, Alrahatum, Atrabates.

(a) Arras fut pris en 1477 par Louis XI, en i4g3 par


— 115 —

quand les rats mangeraient les chats : on prétend même que ee dicton avait été inscrit sur l'une des portes dé la ville, après la conquête que l'empereur Maiximilien en fit dans l'année 149^ ; mais Harduin, dans ses mémoires sur l'Artois, nie le fait, dont il n'aurait trouvé nulle part aucune trace historique. Cependant la même tradition a été adoptée par de bons écrivains modernes, notamment par l'abbé d'Expilly, dans son article Arras, où je lis que l'inscription fut mise sur l'une des portes de la ville, lorsque les Français en firent le siège en 1640 ('). Et, en effet, soit que cette inscription n'ait été alors que renouvelée, ou que l'ancien dicton en ait, pour la première fois, suggéré l'idée, on la trouve dans une estampe du siège et de la prise d'Arras, qui parut à l'époque de

l'empereur Maximilien , qui avait des intelligences dans la place , et repris en 164o par les Français , auxquels cette ville est restée , en vertu du traité des Pyrénées.

(') Dictionnaire géographique des Gaules et de la France. — J^oyez aussi, sur le dicton des Artésiens , les Mémoires dePuységur, p. 181 de l'édition d'Amsterdam, 1690.


— n6 — f

l'événement (x). Je joins au n° XIII la figure de ce mbhùinérit singulier; dont l'original estfôrtTafe et non moins recherche dés curieuxilïardûin^ ;qui' gardelesifence sur cette gravure, parle d'unie aù-^ tre estampe également rare, publiée après le même siège, et intitulée : La défaite 'et prise générale des chats d'Espagne par'-hsrMs ifrançais devant là cite d!Arras. J'ajouterai que'dans une troisième estampe, de date postérieure, et qu'appareminent Hàrduin ne connaissait point, les Espagnols prirent leur revanche en représentant un château fort assiégé par des. rats et défendu par dés chats, sous le-commandemeritVdei2to?7imagrd^ ôw::(«c)-,'-;ddnt-'la valeur fit lever: le siège (*)'.

X')'*l?Trin du siegé'd'Arras, pris'.par les armes du roy de France, le \o d'août 1640, feuille iri-f°.

(2)Voicile titre-exact de cette pièce: « Le fort des chats assiégé par mer et par terre', pariés rats et les souris, où il ëstimort du'temp's:jadis plus de' dix-liuit:eent mil rats et souris:, dbiuvles clïats ont remporté une grande victoire sur .eux , 'leui- ayant-, fait lever -le siège, et les.aiant contraints "de ne.p^^ ■•.(in-ft.-:. :..:;,: .

Les cliàtSLdpiyent;s':entendré'ici; des Espagnols -, et la


PI.s.

Puy. CJtri



iiy — L'existence de ces pièces étant hors de doute, puisque je les ai dans mon cabinet, elle peut concourir à prouver celle de l'inscription, avec les médailles qui accompagnent la figure de la porte gravée en 1640.

Ces médailles, au nombre de trois (fig. XIII, XIV,XV), présentent, à peu près, les mêmes empreintes.

En champ, le chiffre III, et, au lieu de légende, trois rats courans, formant un cercle.

Pievers — CAP liés (sans doute lé chiffre du chapitre ou de la confrérie à laquelle cette sorte de méreaux appartenait ), et pour légende : ECCLESIiE ATREBATEN.

remarque n'est pas sans utilité, car nous avions aussi des chats français : on disait les chats de Meaux; à quoi les bourgeois de cette ville répondaient par ces vers, inscrits sur leur bannière :

« Ne craignez point l'égratignurc , Notre devise vous rassure , Nous ferons patte de velours, Enchantés de vous satisfaire ; Et.nous vous prouverons toujours Qu'il n'est que chats de Meaux pour plaire. »

(Relation des fûtes des chevaliers de VArquebuse.)


-~ 118 —

Au reste, quelque ignoble que nous paraisse ce trio de rats artésiens, l'idée n'en est pourtant pas plus ridicule que la composition des armoiries de même nature, dont il plaisait au fameux comte de Permission, chevalier des ligues des treize cantons suisses, de gratifier les provinces et les villes de France qu'il honorait de son attention particulière.

C'était pour le POITOU , un baril de poix qui brûle, parce que, suivant notre comte, Poitou signifie brûlement, et que la poix ne sert que pour brûler.

BOURGOGNE : Un honteux qui se bouche la face, parce qu'il ne se peut dire Bourgogne, qu'on ne dise vergogne !

GASCOGNE : une presse, parce qu'une chose qu'on cogne est une chose pressée.

PÉIUGORD : un homme qui tombe dans un puits, parce qu'une chose qui périt est en danger.

NANTES : une ante, parce que Nantes doit signifier greffe, et qu'on ante les greffes.

ROUEN : une potence et une roue avec une


n9 — échelle, parce que cette ville doit s'appeler justiciable , et qu'il ne se peut parler de rouer que la justice n'y passe ! ! !

La capitale du royaume est plus favorablement placée dans l'esprit de M. le comte que celle de la Normandie. « PARIS veut dire tentation, parce que notre premier père Adam a esté tenté au paradis terrestre. C'est une damoiselle avec force escus : qui veut estre bien tenté, il faut venir à Paris ('). » Et ces lumineuses observations sont accompagnées d'une petite figure en bois, où l'on croit reconnaître la demoiselle aux écus, substituée à l'antique vaisseau de Lutèce dans l'armoriai du visionnaire.

Cette passion, j'allais dire cette manie des ré(*)

ré(*) gi du Recueil des OEucres de Bernard de Bluet Darbcres, comte de Permission, chevalier des ligues des treize quantons de Suisse, Paris, de 1600 à i6o5, environ, in-12.—Les imaginations du comte sont toutes de la force de celles que je viens de rappeler, ou à peu près. Quel dommage que son livre soit si rare , et surtout si cher !


—- 120 —.

bus, a duré plus long-temps et avec bien plus d'empire qu'on ne le croit communément. Le quartier Saint-Jacques en était encore pavoisé dans le dernier siècle 5 les Mignot de l'imagerie et de la décoration en mettaient partout.

S'agissait-il pour un honnête marchand de dorures et d'argenterie d'églises, nommé Collier, de faire faire son enseigne, l'artiste, au lieu de tracer tout bonnement le nom et la qualité de son client, lui peignait un superbe coq dont l'une des pattes relevée était liée à une colonne par un fil de perles, et tout cela voulait dire au collier de perles. Des milliers d'épreuves de ce rébus, gravé in-4c en forme d'adresse, en ont transmis la mémoire à la postérité ('). Ce n'était pas assez pour un autre marchand du même temps de publier un Almanach des rébus de format gigantesque, il fallait que le rébus envahît jusqu'au fron(')

fron(') conserve une de ces épreuves dans nies collections. Ce bon monsieur Collier demeurait rue de la Verrerie, en face de Saint-Merry. C'était en 1735 qu'il avait tant d'esprit.


121

tispice de ce plaisant in-folio. Le titre, les noms du peintre et de l'éditeur, l'adresse même du marchand, ont dû s'aligner et se faire comprendre comme ils ont pu dans un vaste rébus. Heureusement pour le public, et plus encore pour le marchand qui attendait pratique, la traduction se trouvait au bas de l'image, qui porte cependant le nom à'Oudrj (').

On pourrait croire que de se nommer dans un rébus était alors un acte de modestie, une manière de garder l'anonyme, comme si, au lieu d'un ours, le peintre Oudrj avait dessiné trois étoiles ; mais ndn, cet abus d'un genre trop facile n'était qu'une imitation de ses premiers chefs-d'oeuvre. Indépendamment des épitaphes picardes, où les noms des défunts devaient être singulièrement travestis, on trouve plus d'un nom propre défi(')

défi(') plusieurs feuilles, et notamment le titre de cet almanach, dont voici la traduction : u Dessiné par Oudrj, monsieur Morlain vend le présent almanach des rébus sur le pont Notre-Dame, à main droite, du côté de la pompe, au service de tout le monde. »


[22

guré en rébus dans lés livres du quinzième et du seizième siècle. Je citerai, avant tout, le recueildes chansonsfrançoises imprimé à Venise, aveclesairs notés, en 1556, parce que ce livre n'est pas connu, et que mon exemplaire passe pour être unique à Paris (');' il est intitulé : La courone et fleur des chansons à troys. Ce titre, seule ligne occupant le haut de la page, est suivi d'une grande image représentant 5 couronnes gravées sur bois, et on lit au bas : Stampato in T^enetia in realto novo, per Anthoine de (u ne note de musique, qui est un la ) bâte, con gratta e privilegio. Celui-ci est du moins assez clair. On devine, tout d'abord, que l'énigme, ainsi que l'édition, est de la façon del signor de VAbbate. Peut-être Monsieur l'Abbéne voulait-il pas risquer son nom en toutes lettres à la tête de pareilles chansons.

(') Petit in-4° oblong , gothique, décrit par M. Brunet dans son dernier ouvrage. Outre la musique, ce qui distingue ce recueil de quelques autres du même genre, c'est que tous les auteurs y sont nommés, malgré le caractère de gaillardise qui aurait pu les porter à ne pas avouer leurs productions.


■ 123

Les exemples de cette sorte de chiffres sont nombreux, disons même imposans.

Des rébus, devenus les marques distinctives d'hommes qui avaient acquis plus ou moins de célébrité dans les arts, s'identifièrent, pour ainsi dire, avec l'oeuvre du génie. Étrange contradiction! rapprochement bizarre! C'est à un quolibet, à une bêtise qu'on reconnaît encore plus d'un çrand homme du seizième siècle.

Si l'on voulait énumérer tous les noms fameux de cette époque qui se sont blottis et comme ensevelis dans des rébus, il faudrait d'abord interroger la biographie des peintres, des graveurs , des imprimeurs, des libraires surtout ; et la liste serait longue, sans compter celle des noms condamnés à périr sous un masque impénétrable. Il suffit de savoir que le mot allemand zuber signifie baquet, pour comprendre la marque de Jacques ZuberHn, peintre et graveur sur bois, qui se compose d'unZ lié avec un J, flanqués d'un petit baquet. On devine aussi, au premier coup-d'oeil, qu'une grappe de raisin, en tiers avec les lettres


124 —

H.W., signifie Hans Wjner, peintre de paysage célèbre. Une rose épanouie dans un coeur gravé sur un frontispice de livre vous arrache un sourire accompagné d'un mouvement d'épaule, précisément parce que cette niaiserie vous révèle un Gilles Corrozet, libraire, dont le coeur rosé vous prévient quelque peu contre son esprit. Vous lisez plus couramment encore le cavalier de Pierre Chevalier, les longs chevaux de Claude Chevallon, les 'grands joncs de Grand]on, les deux brocs de Pierre le Brodeux, le chêne vert de Nicolas Chesneau, le corbeau de Georges Rabb (alias) Corvin de Francfort, le griffon de Griffe, la galiote de Galliot du Pré, le mûrier de Morel, la Samaritaine de Jacques du Puy, l'arrosoir de RigaudQ), la lance de Jean Longis (*), etc.; etc., etc. (3). Mais combien d'autres

(') Allusion au latin rigo, j'arrose , ou riguus, qui arrose.

(') La lance de Longis, nom de celui qui perça le côté de notre seigneur sur la croix.

( 3) Il me serait facile de porter cette nomenclature beaucoup plus loin ; mais ces exemples suffiront.


125

marques de cette espèce sont indéchiffrables; et pourtant, c'était beau, fort beau, moult plaisant à veoir : voilà du moins ce que semblent décider les organes de l'esprit et du goût faisant alliance avec les rébus, prenant leur livrée et leur langage, et marchant avec eux, l'un portant l'autre, à l'immortalité.

Quant à la religion, bien que les rébus n'aient jamais pu être qu'un sujet d'amusement et de plaisanterie, les livres les plus graves, l'oeuvre même de l'Eglise n'a pu se dérober à leurs frivoles atteintes, et cela se conçoit. Les anciens livres de prières sont remarquables, beaucoup plus par le nombre et la richesse que par le choix des ornemens dont, ils sont surchargés. Les rébus sont des images; ils pouvaient passer inaperçus dans la foule; et d'ailleurs quelle raison aurait empêché qu'on ne les admît pour ce qu'ils étaient ? Un rébus ne pouvait sembler plus déplacé dans les Heures d'un courtisan ou d'un guerrier que l'indécente figure astronomique dont le calendrier de ces livres est toujours précédé, et que tant


d'autres nudités plus que naïves, qui nous paraissent aujourd'hui si étranges. Qu'importait un hors-d'oeuvre déplus ou de moins, dans un encadrement d'oremus et de psaumes, où un prélat vénéré se trouvait face a face avec un porc dressé sur ses pieds de derrière, et décoré comme lui des insignes de l'épisçopat; où l'on voyait figurer de compagnie les saintes femmes et les sybylles, les chérubins et les sirènes, Judith et Mélusine, les apôtres ceints d'un cordon de grotesques , ou de monstres risibles, ou quelque chose de pis? Alors que l'homme du monde n'avait pour toute bibliothèque qu'un livre, qui était ses Heures, il fallait bien qu'il y eût dans ce livre un peu de tout, pour que sire tel ou tel sût quelque chose. C'est ainsi, du moins, qu'on croit pouvoir expliquer ce bizarre mélange de pieuses et de mondaines joyeusetés, qui caractérise les anciens livres de prières.(').

(') On est surpris du reproché que N. Cathérinot fait aux anciens libraires d'Italie, d'avoir profané leurs édi-


— )27—'

Quant aux grotesques, où nous ne trouvons plus que de pures et gratuites profanations, ces monstruosités avaient aussi leur côté religieux, partant leur excuse, aux yeux des simples qui s'en délectaient. On avait voué une sorte de culte à l'âne de saint Joseph ; pourquoi n'aurait-on pas honoré de même le fidèle porte-soie, Gazée (') dirait le pieux compagnon de saint Antoine? Cette question n'en était point une pour un peintions

peintions substituant aux lettres peintes des manuscrits les amours de Jupiter « et d'autres figures honteuses ; au lieu que les imprimeurs des autres pays se sont attachés à n'y représenter que des personnes ou des traits de l'Ecriture-Sairite, de l'histoire, de la morale , etc.. » ( P. 3 de la pièce qui a pour titre : Art d'imprimer. )

Ce bon Cathérinot connaissait peu , sans doute , les Aornements des bibles imprimées dans les Pays-Bas , de 155o à 1660 environ. Mieux vaut encore Vénus pudique, que certaines Suzanne à la flamande , et les Thamar de Van Sichem. —Voyez surtout les pages 82 ,88 , 128 , i4-o , 4-72 , e^c• > du Trésor de la Bible, ou le Paradis de Pâme, représenté en fig. gravées par Cristophe van Sichem. Amst., 1646 , in-4°. (En hollandais.)

(') L'auteur des Pieuses récréations, oeuvre remplie de sainctes joyeusetés (dans le goût des images dont il s'agit).


— 128 —

tre à capuchon. Il n'était pas encore venu le temps où im moine devait pourrir dans un culde-basse-fosse, pour avoir rajeuni l'image du cochon mitre (')•

On me croira donc sans hésiter, lorsque j'ajouterai que le texte même des offices n'était pas à l'abri de ces grossiers travestissemens. On a mis en rébus le Pange lingua.

Le frontispice, gravé en bois, du livret intitulé Tractatus colloquii peccatoris, in-8 goth., est une image tirée de cette prose.

Celui d'un exemplaire fort ancien, que j'ai dans mon cabinet, représente deux artisans travaillant de leurs métiers, un savetier d'un côté, un chamoiseur de l'autre; entre eux est un écusson chargé d'un compas de cordonnier en guise de lambel; au dessus, deux mains unies, emblème de la bonne foi ; sur le tout, deux notes de musi(')

musi(') connue , dont l'auteur, arrêté par ordre de Louvois , fut jeté dans une cage dite de fer, où il languit trente ans, selon M. Barbier (seize, suivant des recherches qui ' me sont propres ).


— 129 —

que, un sol et un /«, et à côté le. mot ficit placé

au dessous de fides, ce qui signifie sola fides

suffcit (').

Le père Menestrier cite ce rébus comme un

des plus baroques ; mais il y a mieux que cela. S'imaginerait-on qu'un assemblage de figures

grossièrement contournées, et à peu près informes, telles que celles dont se compose la fig. XVI, fût un acte de la plus sérieuse dévotion, une prière complète, et une prière en vers français, bons ou mauvais? Ce curieux rébus a cependant été calqué sur un feuillet d'Heures imprimées vers i5oo, et ornées d'un grand nombre de figures bibliques, comme les livres sortis des presses d'Hardouin et de Pigouchet. C'est un monument de l'art dans son espèce. Voici la traduction interlinéaire de ce chef-d'oeuvre, dont les beautés originales pourraient n'être pas à la portée de tous les lecteurs.

(') Devise de Guyot Marchand, imprimeur-libraire de la fin du quinzième siècle; et non pas Gui Marchand (selon Lottin).


— i5o — PRIERE A LA VIERGE.

Premier vers. ■ ' ' ' '■•-

IMAGE. •+- Un salut (f): (monnaie), Un os, NS, Vierge priant TRAD. — S.alu ..-.. ' .-;. o ns Mavie priant

IMAGE, T—devant un crucifix. -...,.. TRAD. — Jésus en croix (3).

(') Nom d'une monnaie d'or,- frappée sôùs Charles VI, dont un côté représentait'là Salutation angélique.oix l'Annonciation. De l'autre côté (celui qu'on yoitici) figurait une croix pleine entre deux lis. (Le Blanc, Traité des monnaies,-fi: a38.)-•-'■' •■ ' ■■•' - ■'■' : '■' ■•' •' ■ :

(*) On remarquera • que le .mot-croix rime ici avec paix et soit, ce qui n'a rien, de contraire à l'usage du temps.!En général, dans lé quinzième'et lé seizième siècle j :tbus'les mots etxois, dont nous avons, fait û,is{é), se prononçaient alors oç, comme le mot oie. Un Français était un François (çoë); on disait ]'aimeroë, je seroe, pour j'aimerais', je serais. L'oMvographe particulière delà Ramée, qui rend les sons de la langue parlée, ne:peut laisser aucun doute à ce sujet (voyez Grammaire de la Ramée ou Ran^s). Mais il est certain aussi que les poètes n'étaient pas rigoureusement soumis à cette règle , et qu'ils'faisaient rimer avec ois et oie(pd), les mots alors terminés en ai et aye, quoiqu'on dût les: prononcer aé 1. Màistrè, qù?ôiv prononçait hMubitablement mètre ou jiièstpé,r\me avec connaître,- dont la prononciation était connoëtre, dans les vers suiyatts : '■■


Fi.6. Pac/XXSX



i3i

Second vers.

IMAGE.—N ('), un os, une sorte de 9 (")., une scie, TRAD. — En nos con sci

«. L'un d'eux s'approcha du maistre D'hostel et se fist recongnoislre. »

(Repuesfranches, de Fr. Villon.)

Le même poète fait rimer foy avec confesserai ; et ailleurs :

« B.Hee, monsieur de Malle Paye,

Qui peult trouver soubz quelque amant Deux ou trois mille escus, quelle proye. » (Dialogue de Malle Paye et de Baillevent. )

(')La lettre N, que le peuple prononçait anne, conserve souvent cette prononciation dans les rébus. Il en est de même de l'M.

N, s, s, i, t, M,i, est q (sic), u. « lin nécessité ami est con nu. »

(Tabourot.)

(') 9, ancienne note tironienne, employée dans le moyen âge comme signe d'abréviation. Elle remplace la finale us dans la plupart des livres latins du seizième siècle : nihilpminQ ; et, plus anciennement, elle tenait quelquefois heu delà syllabe con au commencement des mots; c'est le cas présent. Cependant l'abréviation la plus usitée de cette syllabe, dans les éditions du quinzième siècle,

est un C renversé 0 : Jn îpsa Dfcssione habui 0placedam

0placedam D sensu. (Liber Ms" Thome de Aquino, in-4", circà i4-7°0


l52

IMAGE. — une anse, des éperons (') , un sac, une paix d'éTRAI). ■— ences espérons sa (') paix, [glise.

'Troisième vers.

IMAGE.— G, A (3), une figure de Dieu, un mont, TRAD. —J'ai en Dieu mon

IMAGE. — un coeur, un mi de musique. TRAD.— coeur mis.

Quatrième vers.

IMAGE. — G, une poire(4), un parcde pêcheur (5), A, X(c). TRAD. — J'cspoire (père) par a dis.

(') Eperons , qu'on pouvait écrire espérons, comme le mot représenté.

( 2) Sac se prononçait comme sa. Nos paysans suppriment encore le C dans beaucoup d'endroits.

( 3) Cet A , pour signifier en avec le son de an, doit être supposé marqué d'un trait d'abréviation "a. On sait que les finales ant et am s'abrégeaient de cette manière.

C 1) Ployez les précédentes observations, note 2, p. cxxx.

(') Cette figure n'est pas facile à comprendre : elle ne peut représenter qu'un parc, mot où le c pouvait être omis dans la prononciation , comme Vf de cerf et de nerf Mais quel parc? Il y a toute apparence que c'est l'espèce de filet que les gens de mer et les pêcheurs nomment ainsi. La même syllabe par est rendue par une figure du même genre dans les rébus d'Oudry.

( 6) X, pour le nombre dix.


— 133 —

Cinquième vers.

IMAGE. — Un loup, un ange, A, une figure de Dieu, C. TRAD. — Lou ange à Dieu soit (').

AMEN.

On me permettra, enfin, d'ajouter à ces détails un dernier exemple d'un intérêt plus réel, d'un caractère plus imposant, le seul, peut-être, que des esprits graves jugeront digne de leur attention. Il m'est fourni par tin livre également rare et fameux, et qui passe, en effet, pour un des plus anciens monumens de l'enfance de la gravure sur bois. Cet ouvrage fut d'abord publié sous le titre de Ars memorandi notabilis per figuras quatuor evangelistarum (f). C'est un composé

(') Soit., avec le son de set, comme nous prononçons encore quelquefois, puisque ce mot est ici représenté par un C : il en résulte que le mot croix du premier vers doit être prononcé croix, pour rimer avec paix, qui rime avec set (soit).

(') Ce livre est signalé par le baron de Heinecken ( Idée générale d'une coll. d'estampes), comme le premier recueil de gravures sur bois qui ait paru avec un texte , et


— 154 —

de quinze gravures représentant l'aigle , l'ange, le lion et le boeuf, attributs dés quatre évangélistes. Chacune de ces figures principales, plusieurs fois répétées, se complique d'un certain nombre d'autres images secondaires, toutes chiffrées, dont l'objet est dépeindre aux yeux les circonstances les plus essentielles de chaque Evangile, et dont le sens , plus ou moins vague et incomplet dans cette expression pittoresque,, est indiqué par des sommaires latins répondant aux chiffres de la gravure.

Ce livre paraît avoir eu beaucoup de vogue en France et en Allemagne depuis son origine jusque vers le milieu du seizième siècle. On y rece

rece est également gravé dans les deux premières éditions du quinzième siècle. Il a été reproduit quelque temps après, sous divers autres titres, avec les mêmes figures réduites, mais exactement conforrriès aux originaux, et gravées sur bois comme les premières. Celle que je donne ici a été calquée sur l'une des planches réduites, les plus anciennes, des deux suites que je possède. Chaque suite se compose de quinze figures et d'autant de pages de texte.


i35 — trouve tout le système de la mnémonique de l'époque; elle n'avait qu'un petit inconvénient, qui est devenu commun à la plupart des méthodes modernes du même genre ; c'est que le moyen était beaucoup plus compliqué que la chose même qu'il tendait à simplifier; c'est qu'il était bien plus facile d'apprendre à lire l'Évangile que de comprendre les images destinées à remplacer cette leéture.

Quoi qu'il en soit, la figure ci-jointe, n° XVII, vient à l'appui d'un fait que j'ai avancé dâlis cet aperçu. J'ai dit que l'usage des rébus fit naître le goût des emblèmes dès que le commun des hommes put en comprendre le langage. Et, en effet, la figure qu'on voit ici, comme toutes celles de l'ouvrage dont elle fait partie, constate en quelque sorte la transition du premier de ces modes à l'autre. Elle participe à la fois du rébus et de l'emblème : du rébus > en oe qu'elle est une image substituée à la parole écrite ; de l'emblème, parce que cette image représente, non des mots , mais des pensées ou des faits. C'est le second ta-


-^ .136 — bléau.jdes ; jrois où est, reproduit' le lion ; de .saint: Marc. Pour le bien comprendre, il faxit mettre en rapport: les figures dé ;■ détail;avec . les .sommaires.latinsqui en sont séparés'dans l'imprimé}; et^approcher: ces sommaires du texte de 1?Évàn- ' gilé ; dont ils ne donnent que la : substance • en deux ou trois, mots. Tel; est l'objet de l'explication Suivante : . .,.■;. :;;:::■

-.:•'. /...'■■■..-.. ■ .. . .... \. ■ ■

SECUNDA MARCI IMAGO. ..,:-.-

■ VlI-.-('):« De rioii lotis mtoibùs,.deque filiâ Çhanarieaî inulierculoe.,)) ,(,v. 27,et suivans.) ... ...•

C'est à dire : Des mains non lavées ayant le repas, ce qui était contraire à l'usage des Juifs, (y. UNE MAIN/ÉTENDUE.') ^—'■De la Ghaiîdnèennc guérie par Jésus—Ghrist. '{ rj-.-viii.

TÊTE DE.FEMME.) ■ ' ' ■.■ '\ '■ t '■

Ajoutez^) : Il n'est pas juste de prendre le pain des en— fans pour le jeter aux chiens, (i. UNE TÊTE'D'ANIMAL TENANT

UN PAIN DANS SA GUEULE;') ' .': . ' ;

(') Les chiffres romains sont ceux des chapitres de l'Evangile. Le chiffre du-verset n'est point; exprimé ; il sera porté ici à la fin de chaque chapitre.

(.') Le mot AJOUTEZ indique une addition de texte dont là substancen'èstpas contenue dans lé sommaire imprimé, qubiqii'èllé'soit rappelée dans la gravure.


PI.J.

Paf/.r.rxxn

Secunda Marri imago



i37

VIII. «Depanibus septem, et confitetur Christus à Petro. » ( v. 29 et 3o. )

C'est à dire : Du miracle des sept pains (8. SEPT PAINS

LONGS, GROUPÉS AVEC ART EN FORME DE TULIPE ). (*).. Et

Pierre reconnaît Jésus pour le Christ. (8. UNE CLEF, ATTRIBUT DE SAINT PIERRE , CHEF DE L'ÉGLISE. )

IX. « De Christi transfiguratione, ubi demonium ejici-r tur jejunio et orationibus. » (v. 1,2, 16 et suiv. )

C'est à dire : De la transfiguration de Jésus, « dont les vêtemens parurenttoutbrillans de lumière. » (g. UN SOLEIL ARDENT. )— Jésus force le démon à quitter le corps d'un jeune possédé, et dit à ses disciples qu'un pareil miracle ne peut s'opérer que parle jeûne et la prière, (g. UN DÉMON

SOUS LA FORME D'UN MONSTRE SORTANT DU VENTRE DU LION.)

X. « De unione matrimonii , et divite cum camelo. » (v. 8,9,25.)

C'est à dire : Du lien du mariage. Jésus a dit : « L'homme » et la femme ne sont plus deux, mais une seule chair. » Que l'homme donc ne sépare point ce que Dieu a joint. »

(10. DEUX MAINS UNIES, COMME LE SYMBOLE DE LA BONNE FOI.)

— De la comparaison du riche avec le chameau. « Qu'il est » plus aisé qu'un chameau passe par le trou d'une aiguille » qu'il ne Test qu'un riche entre dans le royaume des

11 CieUX. » (lO. UNE GROSSE AIGUILLE TRAVERSANT LA CUISSE DU LION.)

(

(') On retrouve ici la forme des pains du quinzième' siècle.


i38 ~-

XI. « De asinâ (')., et quomodo pullo vectus intravit civitatem Hierosolymam obvio puerorum concentu. » (v. i à IO. )

C'est à dire : De l'ânesse, et comment Jésus, monté sur un ânon, entra dans Jérusalem, au milieu des acclamations du peuple, qui criait : « Hosanna! béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. » ( 11. UN ANE DRESSÉ SUR SES PIEDS DE DERRIÈRE , et qu'on pourrait prendre pour un lièvre. )

XII. « De vinitoribus hoeredem occidentibus, deque censu Coesari reddendo. » (v. 8, 12, 16, 17.)

C'est à dire : Des vignerons qui, s'étant saisis du fils de leur maître, le tuèrent et le jetèrent hors de leur vigne, dont il venait réclamer le loyer. ( 12. UNE HACHE ET UNE GRAPPE DE RAISIN.)— Du tribut à payer à César. (12. DES PIÈCES DE

MONNAIE DANS UNE SORTE DE BASSIN. )

Il me serait facile de multiplier ces exemples d'imagination gothique, mais je ne me dissimule point la frivolité du sujet auquel j'ai donné place, trop de place, peut-être, dans cet écrit. Je veux vivre en paix avec ma conscience/ si elle m'a per(')

per(') asinâ. Saint Marc ne parle que de l'ânon; c'est saint Mathieu qui désigne l'un et l'autre. Les tableaux propres à un évangéliste ne contiennent donc pas exclusivement ce qui lui appartient.


_.i59 — mis quelques réflexions hasardées en faveur d'êtres faibles confiés à mes soins, elle me crie maintenant : c'est assez, il est temps d'en finir avec les rébus ; et je crois qu'elle a raison.

C. LEBER.



NOTES ET ADDITIONS.

Depuis l'impression de cet opuscule, dont la publication a été long-temps retardée par la gravure, j'ai retrouvé, en m'occupant dé tout autre chose, plusieurs faits qui appartiennent étroitement à l'histoire des Fous, e_; qu'en conscience je ne puis garder pour moi seul. Les uns m'ont paru neufs et curieux; d'autres serviront à compléter, ou même à rectifier quelques unes de mes précédentes assertions. Tel est l'objet de ce supplément : chaque paragraphe y sera

k


CXLII NOTES ET ADDITIONS.

mis en rapport avec le texte qu'il modifie ou complète.

(Page ig.) Sur les signes de ralliement des Bourguignons et des Armagnacs. — Après l'assassinat du duc d'Orléans, les habitans d'Orléans , de Gien et des villes voisines, furent obligés de prendre les armes et de marcher contre Jean Sans Peur, pour venger leur prince. Cette troupe portait pour devise, au bout d'une lance dorée, un bâton d'or noueux et raboteux, représentant l'instrument de la vengeance que les Orléanistes prétendaient tirer du duc de Bourgogne, avec ces mots : Je l'envie. De leur côté, et par opposition, les Bourguignons prirent pour devise un dicton flamand qui signifie je le tiens, avec un rabot, voulant dire par là qu'ils sauraient bien aplanir et redresser le bâton noueux dont on les menaçait. (Extrait des anciens registres de la ville d'Orléans.)

Un compte de la même ville, de l'an it\.iz, porte :

Payé 5 sous à pour avoir copé la main au pilori ,

de...... l'un des meurdriers du duc d'Orléans ( qui fut

ensuite exécuté à mort).

(Page 42.) Sur l'origine des Fous. — Quoiqu'on ne puisse pas exactement conclure de l'antiquité de l'échiquier à l'antiquité des fous en titre d'office, on doit pourtant convenir que l'usage bizarre des bouffons, gagés par les rois et les princes souverains , a une origine fort ancienne, et que les races bouffonnes partici-- pent au moins de cette illustration qui naît du temps.


NOTES ET ADDITIONS. CXLIII

L'an g43, Hugues le Grand, duc de Neustrie, père de Hugues Capet, dans l'expédition qu'il fit, avec Louis d'Outremer, contre les Normands, était accompagné d'un bouffon, mimus , joculator , suivant l'expression d'Orderic Vital. Ce maître fou était, à ce qu'il paraît, un esprit fort du dixième siècle. Excité par d'autres mauvais plaisans qui se trouvaient avec lui à la table du duc, il osa parler, dans des termes peu révérencieux, des dépouilles mortelles de quelques personnages qui passaient pour être morts en odeur de sainteté ; mais la vengeance du ciel suivit de près la profanation : un orage éclata pendant la nuit; le tonnerre fit entendre d'affreux roulemens, et un même coup de foudre écrasa le malheureux bouffon et ses complices. ( Ord. Vit. Ecoles. Hist. , L. iv; ap. du Chêne, Hist. Norman, script., p. 622.) Voilà donc un fou à gages du dixième siècle, plus fou que tous ceux qui nous étaient connus.

Mais le fait le plus curieux de l'histoire inédite des fous de cour, c'est, à notre avis, celui d'un bouffon royal, non point en titre d'office, mais exerçant ses fonctions à titre féodal, et, en cette qualité, possesseur d'un beau domaine grevé, pour toute redevance, de quolibets et de bons mots. Telle était la position de Guillaume Piculphe ou Picolphe, fou de Jean Sans Terre, roi d'Angleterre, qui tenait de son maître une


CXLIV NOTES ET ADDITIONS.

terre avec ses dépendances, à la charge de remplir près de lui, sa vie durant, les fonctions de fou. Après la mort de Picolphe, le même domaine devait passer à ses héritiers, moyennant la redevance annuelle d'une paire d'éperons d'or.

On croira, peut-être> que c'est ici le roi qui fait le bouffon; mais non, rien de plus sérieux que cette donation; en voici la preuve :

« Joannes..., D.. G., etc., scialis nos dédisse et pre» senti ckarla confirmasse Will. Picol., folio nostro, » Fontem Ossanne (forte Menil-Ozenne, pays de Mor» tain), cum omnibus perdnenciis suis, habende et tc» nende sibi et heredibus suis, faciendo inde nobis annua» tim servicium unius Folli quoad vixeritj et post ejus » deccssum, lieredes sui eam de nobis tenebunt et per ser» vicium unius paris calcarium deaurator. nobis annua» tim reddendo. Quare volumus et firmiler precipimus » quod predict. Piculfus et heredes sui habeant et teneant » inperpetuum, bcne et inpace, libers et quiète, predictam » terrain, elc (Char, circà 1200, Bibl. reg.) »

Ce messire Picolphe , bouffon d'un prince étranger, ne figure ici qu'à raison de son ancienneté et de la bizarrerie de son titre. Mais voici d'autres personnages, bons et joyeux Fran-


NOTES ET ADDITION». CXLV

çais, qui entreront de droit dans notre catalogue

historial des Fous en titre d'office de nos rois.

Ce sont encore de vieux comptes de dépenses qui

nous révèlent leurs noms et leurs fonctions.

(Ext. des reg. Mss. de la Chamb. des Comptes.)

(Page 4^.) Ajoutez au catalogue, avant THÉVENIN :

lue fou et le grimacier, ou rechigneur, du roi Jean II. ( Ces messieurs ne sont pas nommés, mais on trouve dans un autre compte les noms et les détails ci-après : )

Me Johan, fou du roi Jean.

Mitton, fou du Dauphin, fils de Jean,

( « Pour faire une cotte hardie fourrée d'aigneaux, » mantel et chaperon doublés et chauces pour M" Jo» han, le fol du Roy. — Item, Mitton, le fol de M. le >i Dauphin. » — u Riche chapel fourré d'hermine, cou» vert d'un rosier dont la tige estoit d'or de chypre et >> les feuilles d'or ouvré..., les roses ouvrées de grosses » perles... Lequel chapel garni de boulons de perles et » menus orfrisiers.... d'esmaux.... et de grosses perles* » M. le Dauphin commanda à l'argentier....., pour don» ner à M* Johan, le fol du Ruy.n— Compte d'Est, de la Fontaine, argentier du Roy, pouf l'an i35o. Vol. L, p. 10g et 110 de notre col. de la Cli. des Comptes.)

N..., fou de Charles V, dont le tombeau (suivant Sauvai ) aurait servi de modèle à celui de Thévenin , mort en 13-J4- ( Serait-ce le Johan de i35o? Rien n'esf moins vraisemblable.)


CXLVI NOTES ET ADDITIONS.

Après THÉVENIN. Grand Johan le fol, autre bouffon de Charles V. (Voilà bien des fous titrés, du nom de Jean. Celui-ci ne peut être le même que maistre Johan, fou de Charles VI, puisque M" Johan appartenait à Charles, dauphin, dès l'année 13^5, et qu'il n'est mort qu'en i382. Grand Johan a dû remplir l'intervalle entre la mort de Thévenin, i^7]^, et celle de Charles V, i38o. Jean de France, duc de Berri, frère de Charles V, avait aussi à son service plusieurs bouffons, qui sont portés dans l'état de sa maison. — Jb. et Sauvai, Anl. de P., t. m, p. 34-) Après maistre Johan, Hancelin Coc, fou du même roi, Charles VI. ( Les comptes de 14o4 contiennent un article de quarante-sept paires de souliers pour ledit fol, et sept paires pour son varlet. Hancelin était habillé à'iraigne, comme la chaise percée de son maître. Il paraît que les fous et les nains faisaient grande dépense en chaussures. Un compte de i3ig porte : Item, pour le nain de la Roy ne, trentedeux paires de souliers. ■— Vol. D, p. 124 de notre Col. de la Ch. des Comptes. — Les mêmes registres indiquent encore sous le règne de Charles VI, Collin d'Armenliere , fol du comte de la Marche ; Collin, maistre fol de mongr. le mareschal de Sancerre. — On remarque enfin des articles de fous de différens maîtres , dans les comptes de Charles VIII ; mais les noms n'en sont pas connus.)

(Page 46.) Note sur Thony, ou Thoni. — « Je ne fus < jamais Italien, encore que je sois un peu poltron, " comme disait ce bon compagnon de Thony , qu'il faut » aller en Italie pour apprendre à poltroniser. (Discours


NOTES ET ADDITIONS. CXLVII

duvrai Mathaut, naguère retourné du purgatoire... 1616.)

(Page 47 •) Noie 2 sur la folle de Catherine de Médicis. — Elisabeth, fille de Catherine, reine d'Espagne, avait, à ce qu'il paraît, un fou nommé Légal, dont l'humeur grivoise osait tout, même devant une des •princesses les plus vertueuses de son temps. Brantôme raconte qu'un jour Elisabeth, écartant uni peu les jambes, disait qu'elle voudrait toucher d'un pied le palais de Madrid , et de l'autre celui de Valladolid ; à quoi Légat répondit : « Eh moi je voudrais estre au beau mitan » (milieu), con un carajo de bourrico para encargar y » planlar la raya. » (Fem. gai., t. 3, p. 4^8, édit. delà Haye.)

On. retrouve la même anecdote, mais avec des différences, dans les Mémoires de Tallemant des Réaux, dont les éditeurs ont pu ne pas se rappeler Brantôme. Tallemant attribue Y écart à Catherine de Médicis, et le bon mot (plus piquant, parce qu'il est moins ordurier) à Bassompierre. (Historiettes, t. 3, p. i5.)

On voit que les reines ne se contentaient pas de plaisantes ; il leur fallait une part plus égale des plaisirs du roi; et, cependant, rien ne prouve que nos princes aient eu des folles à leur service ; j'entends des folles en titre d'office.


CKLVIII NOTES ET ADDITIONS.

Nous porterons sur la liste des fous de ces dames, Guérin, bouffon de la reine Marguerite, femme de Henri IV, dont il est question dans une facétie de 1623. Guérin, jadis plaisant de la reine Marguerite, comparaissant devant le* lieutenant du petit criminel, demande à être payé de ce qui lui est dû par la succession de sa maîtresse, afin de pouvoir garnir son lit de paille fraîche, et aller s'habiller à la friperie avec sa femme. Mais le juge lui répond : « Re» tirez-vous, Guérin , et allez vendre des pom» mes, puisque vous avez vendu la soutane de » velours que la reine Marguerite vous avait » donnée. » (Estats tenus à la Grenouillière, p. 25 et suiv.)

(Pages 47, 4^0 Sur Chicot et Sibilot. —r On lit dans le Discours sur les faits advenus en l'an 1587. Paris, Bichon, 158^, « Et comme dit Chicot, bouffon du Roy, au « baron de Dothna, quand M. d'Espernon le festoya, » qu'il n'avoit mangé allouette qui ne lui eust cousté « un reistre. » Chicot, bouffon durai en 1687! Ou il faut lire : du roi de Navarre ; ou il faut croire que ce bouffon appartenait alors à Henri III. Quoi qu'il en soit,


NOTES \ET. ADDITIONS. CXLIX

les écrivains contemporains de Chicot s'accordent tous à le représenter comme un homme d'esprit, ayant son franc-parler avec tout le monde, et l'un des plus braves et des plus fidèles serviteurs du roi Henri IV. Il eut cinq chevaux tués sous lui dans les guerres de la ligue, et mourut, en i5g2, d'un coup d'épée que lui porta le comte de Chaligny, son prisonnier. La circonstance la plus remarquable de la vie de Chicot, c'est qu'il s'enrichit à dire aux grands leurs vérités.— Sibilot, fou de Henri III, n'existait plus en i58g. L'auteur de la Harangue du recteur Rose , dans la Satyre Menippée, fait dire à l'orateur qu'il ne manque au duc de Mayenne que les Hoquetons et Sibilot pour être roi (t. icr, page g2 , édition de 1709); comme si le service d'un bouffon avait été aussi nécessaire à la royauté de ce temps , que celui d'un chancelier ou d'un connétable. Cependant, s'il était possible d'ajouter foi au témoignage d'un pamphlétaire , nous tiendrions Sibilot pour un monstre de nature, au physique et au moral. Le ligueur Boucher en fait un portrait horrible dans son livre De justâ Henrici Terlii Abdicatione, p. 182 ; mais le portrait du roi , plus affreux encore, permet de douter de la fidélité de l'autre.

« Hoc Henrici ingenium utfuerit ostendit nuper im»

im» beslioe., ac truculentissimi monstri Sibilotti » (hoc enim ejusfaluo, nunc defunclo, nomen erat) spec» taculum , quo citm nihil aspectu, foedius, nihil ad cbrie» tatem ac iibidinem projectius, ad blasphemiam atrocius » esset, ab hoc, si superis placel, rabiosi canis instar spu» mas emittente, lupi in morem ululante, oculis igneis ac » furentibus, defluente ex ore sanie, scipionc durissimo


CL NOTES ET ADDITIONS.

» obvium quemqueferiri ac fugari, in regiâ, inforo, in » publico, effusus risu loetabatur. » (An. i58g.)

Eh bien! le bon curé de Saint-Benoît aurait passé toutes ces fantaisies à sou roi ; ce qu'il ne lui pardonne pas, c'est d'avoir livré des religieuses nues comme la main, à la brutalité de ce monstre difforme , blasphémateur, ivrogne, loup, hagard, furieux, enragé ; tel, en un mot, qu'a pu le faire le miroir de l'auteur.

(Page 48.) Voici le bouffon Marais qui prétend avoir le pas sur son cadet YAngeli, en vertu du brevet de fou de Louis XIII, que lui délivre. Tallemant des Réaux dans les Mémoires déjà cités. Marais disait au roi : « Il y « a deux choses à votre métier dont je ne me pourrais « accommoder. — Hé quoi? — De manger seul, et de » ch... en compagnie. » (Histor., t. 2, p. 72. ) Quel était le plus sale de Légat ou de Marais ? J'aime mieux l'esprit de l'Angeli, qui n'allait pas au sermon parce qu'il n'aimait pas le BRAILLER , et qu'il n'entendait pas le RAISONNER. Ce fou n'a pas eu de successeur près du trône ; mais sa race ne s'est pas éteinte avec lui; ce reste de barbarie qui , selon Voltaire , a duré plus long-temps en Allemagne qu'ailleurs, faisait encore les délices d'un prince français après le long et glorieux règne de Louis XIV. Voltaire oublia, ou, peut-être, il ignora que le comte de Toulouse eut, comme son père, un fou en titre, et qu'un seul trait de la vie de ce fou, effaçant le prince, suffirait pour venger l'espèce entière des mépris dont nous la couvrons.

L'anecdote est inédite et piquante, mais elle


NOTES ET ADDITIONS. CLI

ne m'appartient pas; c'est tout ce que je puis dire en ce moment.

(Page 68.) Note i, sur le jaune et le vert, couleurs des jongleurs et. des fous. — Le procureur fiscal de la Mère folle de Dijon, ou Infanterie dijonnaise , était qualifié fiscal vert, sans doute parce qu'il portait une robe verte. Le greffier de la même confrairie signait le Griffon vert. (V. du Tilliot, Mém. pour servir à l'hist. de la Fête des fous.) Le prince d'Amour, de Tournay, portait un chapeau vert. (Ib. p. 87.) — L'habit de Tabarin était jaune et vert. « Ayant depuis un an trois cartz et demy fait le » circuit de toute la terre universelle sur une nasselle de » verre, mon hoqueton jaune vert me servant de boussolle, « ma marotte de baston de Jacob, mon bonnet rond d'as» trolabe, et le derrière de ma chemise de voiles, etc..» (Estren. univer. de Tabarin pour l'an 1621.)

Le malheureux Charles VI, en proie aux premières agitations d'une folie trop réelle, fut gardé dans un château situé sur l'Oise, près de Creil en Beauvoisis (13g2). L'enseigne des chevaliers de l'Arquebuse deCreil était jaune, et l'habit du porteur, vert. Ceux de Beaumont, leurs voisins, avaient adopté le jaune pour livrée, et leur lieutenant était habillé de taffetas vert.


CI.II NOTES ET ADDITIONS.

( Pièce de 1615 sur une fête donnée au prince deCondé. ) Ces faits n'ont, sans doute, rien de commun entre eux ; mais le rapprochement est singulier. — Je conviendrai, au surplus, que le rouge cramoisi entrait quelquefois dans la composition de la livrée, essentiellement jaune et verte, des fous. On trouvera ici quelques feuilles d'anciens rébus de Picardie, extraits d'un manuscrit du xve siècle, où des bouffons sont revêtus de casaques bariolées, jaunes, vertes et rouges. Les confrères de la Mère folle de Dijon portaient un habit semblable dans leurs réunions et leurs cérémonies grotesques : « Qui» que sericeâ veste tricolori induti, viridi, ru» brâ et croceâ... » (De Stultor. Sodal. Divion. Disquis. ) Tel était aussi le sceau de cette société, à lacs pendans de mêmes couleurs. ( Mém. de Du Tilliot, p. i56. ") Cependant, les lettres-patentes de l'institution de la société du Fou de Glèves étaient scellées de trente-cinq sceaux de "cire verte, couleur de fous, selon la remarque de Du Tilliot, qui rapporte ce fait.


NOTES ET ADDITIONS. CLIH

(Ib., p. 83.) Enfin, le guidon de la Mère jolie dijonnaise figurait dans les jeux avec une paire de manches rouges cousues à un corps de pourpoint de velours vert. (Ib., fzg. 8.)

( Page 117.) Sur les rats d! Arras. — Les trois estampes auxquelles j'ai borné mes citations ne sont pas les seules que le burîn satirique ait produites à l'occasion de la prise d'Arras, en 1640, et dti dicton des rats opposés aux chats. Je possède plusieurs autres pièces gravées de cette époque, où les Espagnols ne sont pas mieux traités que dans l'image citée par Harduin; voici les principales : le Charron, YEsperonnièr, le Teinturier, le Bonnetier espagnols, représentant (en quatre pièces) le Roupieux, le Morveux, le Teigneux et le Baveux. — Un Espagnol couché au milieu des rats, qui en font leur proie; d'un côté, un chat qui n'ose approcher; de l'autre, une inscription terminée par ce vers :

C'est le ressouvenir de la perte d'Arras.

Le dicton, quand les Français prendront


CLIV NOTES ET AUDITIONS.

Arras, etc., sert encore d'explication à une caricature de 1640, où figure un chat dressé sur ses pattes de derrière, avecl'épéeau côté, la fraise au menton, et harcelé par les rats, dont l'un lui mord le bout de la queue. Mais de toutes ces bouffonneries gravées, la plus piquante et Ta plus rare, c'est assurément la Prise et Deffaicte des Chatz d'Espaigne par les Rats François, devant.... Arras.

Une autre caricature, du même temps, représente la ville de Hesdin en perspective, et, au premier plan, la truie qui file, avec le dicton :

Quand les François prendront Hesdin, Cette truy (sic) aura fille son lin.

On lit ensuite la réponse :

Les François ont prius Hesdin (iG3ç)), Gy cette t.ruy n'a pas fille son lin.

(Page 122, à la fin.) Plus anciennement Aubri de Cinqcenz,, conseiller de Marguerite, comtesse de Flandre, signait AUBRI DE Ve (de 5oo) (Quittance de i^o.)

Page 128.) Sur les peintures grotesques des heures manuscrites. — La sculpture n'était ni plus chaste ni plus réservée que le pinceau des moines, dans le choix des ornemens dont elle dotait nos vieilles basiliques. Les portiques et les boiseries de la plupart de ces temples


NOTES ET AUDITIONS. CLV

étaient couverts de rébus et de figures emblématiques, dont la décence nous paraîtrait au moins fort équivoque. (V. les descriptions particulières de nos cathédrales, et le chap. des Alchimistes, de Sauvai, Antiq. de Paris.)

Le même Sauvai (ib.) cite plusieurs enseignes en rébus, qui sont eonséquemment connues ; et il en existe encore à Paris. Je n'ai rappelé celle du Collier, p. 120, que parce qu'elle n'a point encore eu les honneurs de l'histoire.

(Page i33.) Figure d'un ancien rébus. — J'ai donné de préférence, comme exemple de rébus, l'image d'une prière en sept vers, non point à raison de son étendue, mais à cause de son caractère religieux et de la naïveté de ce pieux badinage. Il existe des rébus en vers, beaucoup plus longs, ou, du moins, dont la mesure est ordinairement celle du sonnet ou du rondeau. J'en ai vu plusieurs de ce genre dans des recueils de poésies et d'autres livres gothiques de la première moitié du xvie siècle. Un des plus curieux, rimé soiis le titre de Rondeau d'amour, composé par signification, se trouve à la fin du recueil intitulé : Opéra jocunda Johannis Georgii Alioni Astensis métro macharronico materna et gallico composita. Ast. (sic) i52i, pet. in-8° très-rare, dont je dois la communication à l'obligeance de M. Brunet.

Un autre rébus, moins ancien, et par cela même plus remarquable encore, exprime les doléances des royalistes contre les excès de la ligue. Ce sonnet, en faveur


CfcVI NOTES ET ADDITIONS.

de-Henri ÏV,est dé l'année 1692. Voici les; vers emprisonnés, torturés, disloqués dans Timage'in-fol., gravée sur bois, qu'on en conserve à la Bibliothèque royale. Lesimots imprimés en italiques sont des figures.

Qui veut dé pein dre au vif ta pauvre France Peigne un navire à la mercy des flots, Une vipère, un embrouille chaos Où la dis corde ore a toute puis sance.

Comme Actéon, par ra ge et viol ence, , . : J£lie est des siens la proie à tous pro pos,\ ' -, ■■ ,

Et les petits pas tissent pour les gros : ■ Ain si tout tombe en grande dé ca dence. ':

On a chas se du tout amour de Dieu ; Là charité vers le prochain n'a li eu ; Tousjours croissant lé vice y prend racine. Comme au déluge aiis si Dieu veut 05 ter ■'■■ ■

' ' Les vermiceàux nez pour la tour mentor; ; ;

.:..].. Et paixn'au 7'à jamais qu'en.sa ru ync. ■ ] . • ■ ' ■

ERRATA.

Pages LXVI, lig. 1, au lieu de mars, lisez janvier 1614. XXVII, lig. 2, au lieu dé I6I5, lisez I6I4; et

note 1, 1615 au lieu de i6o5. CVII, lig. 9, Ëh! au Heu de et. CXXV, pénultième ligne, astrologique, au lieu rV astronomique.

GXXVI et CXXVH, Catherinot, au lieu de Gaihé;■■'•■>.,,

Gaihé;■■'•■>.,, rinot. ■:■..'•::■■ : ■. " -, r.~J

GXXXVHI, au lieu à'imagination gothique,- lisez:

•;.< • , imaginations gothiques. '. .'.-..:.; , . :'