LE CANOT DE L'AMIRAL.
Perfide comme l'onde !
A l'époque où l'escadre de l'amiral Le Prédour était devant Buénos-Ayres pour régler la fameuse affaire de la Plata, je me trouvais moi-même dans cette ville, et j'y avais rencontré un de mes amis d'enfance, lieutenant de vaisseau à bord de la frégate la Junon, portant pavillon amiral et mouillée à deux lieues au large de Buénos-Ayres.
Mon ami m'avait invité plusieurs fois à venir dîner avec lui à bord de la Junon, et diverses circonstances m'avaient jusque-là empêché d'accepter, lorsqu'un jour—c'était le 23 septembre 1 851, il m'en souviendra toute ma vie, — m'ayant rencontré vers une heure, il renouvela son invitation : je ne demandais pas mieux, et il fut convenu qu'à trois heures nous nous retrouverions à l'embarcadère.
Je rentrai chez moi pour prendre une valise où je mis des effets de rechange, du linge de nuit et des ustensiles de toilette : je devais coucher à bord, en effet, et il fallait prévoir, indépendamment du cas où quelque lame me mouillerait de la tête aux pieds, celui où le commandant me ferait l'honneur, le lendemain, do me re-