« sonnier au château d'If, » c'est-à-dire que M. le journaliste fait un crime au maréchal Masséna de m'avoir sauvé. M. le rédacteur quotidien d'une feuille qui a tour à tour prostitué la louange au pouvoir quel qu'en fût le dépositaire, qui a sans cesse parlé le langage en faveur à la cour, aurait-il voulu, par hasard, nous expliquer la pensée de l'autorité régnante ? Mais, même dans le vertige de ce qu'on appelle « agir dans le sens royal, » le maréchal devait-il être plus sévère que ce qu'il a été à mon égard? M'a-t-tt favorisé au détriment de son devoir? M'a-t-il même favorisé? Examinons succinctement cela. Quoi qu'en dise M. le journaliste, quoi qu'en puissent dire les Marseillais qui l'ont soudoyé pour être leur écho, je n'ai eu qu'une seule conférence avec le prince d'Essling, si on peut appeler ainsi le rapide entretien dont j'ai précédemment parlé. Mes lecteurs ont vu que cet entretien était animé par deux esprits bien différents de la part du maréchal, c'était un esprit de fidélité au Roi; de ma part, c'était un esprit de dévouement à la patrie. Nous ne restâmes pas assez de temps ensemble, ou pour que je pusse convaincre, ou pour que je pusse être convaincu. Le comte Ernouf et le vicomte de Bruges, qui certainement ne sont pas suspects à la tourbe accusatrice, peuvent attester que je ne fus pas cinq minutes seul avec le prince.
Un tête-à-tête aussi expéditif m'aurait à peine donné le temps d'examiner l'opinion du prince, si le prince ne s'était empressé de la manifester avec une énergie telle qu'il m'avait été facile d'en apprécier de suite toute la ténacité.
Le maréchal Masséna cessant d'être à mes yeux l'homme de la France, je ne vis plus en lui que l'homme du pouvoir et dès lors ma confiance fut enchaînée.