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flagellée., Anaslasie brûlée, Marie l'Egyptienne faisant pénitence au désert.. Madeleine portant le vase de parfum. D'autres, d'autres encore défilaient, une terreur et une piété grandissaient à chacune d'elles, c'était comme une de ces histoires terribles et douces, qui serrent le cu.-'-ur et mouillent les yeux de larmes.
Mais Angélique, peu à peu, fut curieuse' de savoir au juste ce que représentaient les gravures. Les deux colonnes serrées du texte, dont l'impression (Mail restée 1res noire sur le papier jauni, l'effrayaient, par l'aspect barbare des caractères gothiques. Pourtant . elle s'y accoutuma, déchiffra ces caractères, comprit les abréviations et les conlraclions, sut deviner les tournures et les mois vieillis; et elle linil par lire couramment, enchantée comme si elle péuêlrail un mystère, triomphante à chaque nouvelle difficulté vaincue. Sous ces laborieuses ténèbres, tout un monde, rayonnant se, révélait. Elle entrait dans une splendeur céleste. Ses quelques livres classiques, si secs et si froids, n'existaient, plus- Seule, la Légende la passionnait, la tenait penchée, le front entre les mains, prise foule, au point de ne plus vivre de la vie quotidienne, sans conscience du temps, regardant mouler, du fond (h; l'inconnu, le grand épanouissement du rêve.
Dieu est débonnaire, et ce sont d'abord les saints et les saintes. Us naissent prédestinés, des voix les annoncent, leurs mères ont, des songes éclatants. Tous sont beaux, forts, victorieux. De grandes lueurs les environnent, leur visage resplendit. Dominique a une étoile au front. Ils lisent dans l'intelligence des hommes, répètent à voix haute ce qu'on pense. Ils ont le don de prophétie, et leurs prédictions toujours se réalisent. Leur nombre est infini, il y a des évoques et. des moines, des vierges et des prostituées, des mendiants cl des seigneurs de race royale, des ermites nus mangeant des racines, des vieillards avec des lâches dans des cavernes. Leur histoire à tous est la. môme, ils grau-