LES ROI] G O N-M A COU A R T
La cathédrale, explique tout, a tout, enfanté et conserve tout. Elle est la mère, la reine, énorme au milieu du petit tas des maisons basses, pareilles à une couvée abritée frileusement sous ses ailes de pierre. On n'y habite que pour elle et par elle; les industries ne travaillent, les boutiques ne vendent que pour la nourrir, la vêtir, l'entretenir, elle et son clergé; et, si l'on rencontre quelques bourgeois, c'est qu'ils y sont les derniers fidèles des foules disparues. Elle bat au centre, chaque rue est une de ses veines, la ville n'a d'autre souille que le sien. De là, cette âme d'un autre âge, cet engourdissement religieux dans le passé, cette cité cloîtrée qui l'entoure, odorante d'un vieux parfum de paix et de foi.
Et, de toute la. cité mystique, la maison des Hubert, où désormais Angélique allait vivre, élail, la plus voisine de la cathédrale, celle qui tenait à sa chair même. L'autorisation de bâtir là, entre deux contreforts, avait du être accordée par quelque curé do jadis, désireux de s'attacher l'ancêtre de cette lignée de brodeurs, comme maître chasublier, fournisseur de la sacristie. Du côté du midi, la.masse colossale de l'église barrait l'étroit jardin : d'abord le pourtour des chapelles latérales dont les fenêtres donnaient sur les plates-bandes, puis le corps élancé de la nef que les arcsboutants épaulaient, puis le vaste comble couvert de feuilles de plomb. Jamais le soleil ne pénétrait au fond de ce jardin, les lierres et les buis seuls y poussaient vigoureusement; et l'ombre éternelle, y était pourtant très douce, tombée de la croupe géante de l'abside, une ombre religieuse, sépulcrale et pure, qui sentait bon. Dans le demi-jour vcrdùtrc, d'une calme fraîcheur, les deux fours ne laissaient descendre que les sonneries de leurs cloches. Mais la maison entière en gardait le frisson, scellée à ces vieilles pierres, fondue en elles, vivant de leur sang. Elle tressaillait aux moindres cérémonies; les grand'messes, le grondement des