LE RÊVE
confiée, le 20 juin 1860, à Thérèse, femme de Louis Franc-homme, tous les deux fleuristes, demeurant à Paris.
— Bon! je comprends, dit Hubertine. Tu as été malade, on t'a ramenée à Paris.
Mais ce n'était pas encore ça, les Hubert ne surent toute l'histoire que lorsqu'ils l'eurent, tirée d'Angélique, morceau à morceau. Louis Franchomme, qui était le cousin de maman Nini, avait dû retourner vivre un mois dans son village, afin de se remettre d'une lièvre; et c'était alors que sa femme Thérèse, se prenant d'une grande tendresse pour l'enfant, avait obtenu de l'emmener à Paris, où elle s'engageait à lui apprendre l'état, de fleuriste. Trois mois plus tard, son mari mourait, elle se trouvait obligée, très souffrante elle-même, de se retirer chez son frère, le tanneur Rabier, établi à Beaumont. Elle y était morte dans les premiers jours de décembre, en confiant à sa belle-soeur la petite, qui, depuis ce temps, injuriée, battue, souffrait le martyre.
— Les Rabier. murmura Hubert, les Rabier, oui, oui! des tanneurs, au bord du Ligneul, dans la ville basse... Le mari boit, la femme a une mauvaise conduite.
— Ils me traitaient d'enfant de la borne, poursuivit Angélique révoltée, enragée de fierté souffrante. Ils disaient, que le ruisseau était assez bon pour une bâtarde. Quand elle m'avait rouée de coups, la femme me mettait de la pâtée par terre, comme à sou chat; et encore je me couchais sans manger souvent... Ah! je me serais tuée à la fin !
Elle eut un geste de furieux désespoir.
Le matin de la Noël, hier, ils ont bu, ils se sont jetés sur moi, en menaçant de me faire sauter les yeux avec le pouce, histoire de rire. Et puis, ça n'a pas marché, ils ont fini par se battre, à si grands coups de poing, que je les ai cru morts, tombés tous les deux en travers de la chambre... Depuis longtemps, j'avais résolu