LA ROUSSE
PROLOGUE
I
ENTRE ÉPOUX
C'était l'heure où les ouvriers et les ouvrières, les commis et les demoiselles de magasin, tous les travailleurs enfin, fatigués d'une laborieuse journée, regagnent hâtivement leur demeure où le repas attend, où le lit est prêt.
Une belle soirée de mai. L'atmosphère était tiède, et tous les malheureux que le travail avait obligés do passer leur longue journée dans l'atelier empesté respiraient à pleins poumons, reprenant de la vie dans l'air printanier*
Les petites demoiselles, lés gentilles ouvrières remontaient, par groupes riants et babillards, le faubourg Saint-Denis.
Les ouvriers causaient haut en hâtant le pas. À mesure que le flot montait, il se répandait par toutes les artères qui traversent le vieux faubourg.
11 faisait gai : tous ces gens emplissaient l'ancienne rue de leurs rires; ils rentraient heureux du devoir accompli, du pain honnêtement gagné, insouciants du lendemain, avec l'espoir que chaque jour leurs bras pourraient les nourrir.
C'était, en somme, un vivant tableau, joyeux d'aspect, que ces groupes turbulents dont les rires retentissaient.