CHAPITRE I
LA LÉGENDE DES ORIGINES
Les textes. — « L'ile Saint-Barthélémy, à peu près grande aujourd'hui comme ce qu'on appelle à Paris le quartier de l'île Notre-Dame, n'est pas d'ancienne date ; elle n'est au monde que depuis vingt-deux ou vingt-trois siècles, ayant, comme vous te savez, commencé à se former par l'amas des gerbes provenues de la récolte des terres appartenant au roi Tarquin te Superbe, que le peuple jeta dans la rivière en cet endroit, où elles s'arrêtèrent sur un bas-fond 1. » C'est en ces termes que le président de Brosses racontait, d'après les écrivains anciens, la naissance do l'île tihérine. La légende qu'il rapporte, non sans quelque scepticisme, semble avoir eu grand crédit dans l'antiquité. Tite-Live, Denys d'Ilalicarnasse, Plutarque, qui nous l'ont fait connaître, la tiennent pour véridique. Il est intéressant de comparer leurs narrations ; s'ils se font tous les trois les dociles interprètes de l'opinion populaire, s'ils paraissent croire également à la formation artificielle et tardive de l'île tibérine, les détails plus ou moins abondants qu'ils ajoutent au fonds commun de la tradition diffèrent de l'un à l'autre ; chacun d'entre eux,; à son insu, laisse percer son caractère même et trahit ses goûts et sa méthode.
Tite-Live. — Tite-Live est le plus bref, et le seul aussi qui prenne des précautions oratoires pour faire accepter la légende. Après l'expulsion de Tarquin te Superbe, le Sénat livra les
1. DE BROSSES, Lettres familières écrites d'Italie (1730-1740), éd. H. Badon, Paris, 1S5S, t, 11, p. 131.