Rappel de votre demande:


Format de téléchargement: : Texte

Vues 1 à 1 sur 4

Nombre de pages: 1

Notice complète:

Titre : Le Matin : derniers télégrammes de la nuit

Éditeur : [s.n.] (Paris)

Date d'édition : 1891-10-04

Contributeur : Edwards, Alfred (1856-1914). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328123058

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb328123058/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 123753

Description : 04 octobre 1891

Description : 1891/10/04 (Numéro 2774).

Description : Note : 2ème édition.

Description : Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail

Description : Collection numérique : La Grande Collecte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k554618j

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 08/04/2008

Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99%.


POUR LA DERNIÈRE FOIS Le lecteur, le patient lecteur, a le droit d'être agacé d'entendre encore parler du fameux général. Songez donc! Ça dure depuis plus de quatre ans. C'était d'abord une nouveaute. C'est devenu un amusement, puis une habitude, puis un ennui, puis un cauchemar, pour quelques-uns même, un remords.

D'autre part, nous ne pouvons cependant pas refuser la dernière pelletée de publicité à un homme qui a été un père pour les journaux et qui nous a fourni tant de copie. C'etait un bon client. Il avait orienté toute sa carrière en vue de la réclame; et s'il n'avait pas remporté de victoires, ce qui, d'ailleurs, n'était pas de sa faute, il avait écrit autant de bulletins que Napoléon. Sa mort môme ressemble à une dernière prévenance pour Ja presse. C'est arrangé en vue de la vents.

Ces précautions, ces préparations, ces dépêches, ces testaments, ces inscriptions, cette mise en scène, disons le mot, sont d'un homme qui avait l'habitude de se dire Attention, il y aura de la presse 1

Il me semble que si j'avais le malheur de ne croire à rien et l'idée de fausser compagnie aux devoirs et aux forces de l'existence, je ne ferais pas tant d'histoires, et; au lieu de poser comme yardanapâle sur son- bûcher, je m'en irais à l'anglaise, cherchant à dérober au reste des hommes jusqu'à ma dépouille et à disparaître comme un de ces petits oiseaux dont on ne retrouve jamais le cadavre.

Mais chacun comprend la vie et même la mort selon son tempérament. Boulanger avait besoin d'une galerie. 11 l'aura eue très nombreuse et très attentive.

La première impression qui a saisi, à l'annonce de ce suicide, s'est traduite par ces mots familiers « Pauvre b. I » Et là dedans, il y avait de la pitié pour l'homme public exilé, abandonné, renié, pour le général jeté hors de l'armée, et même pour l'amoureux, déjà un peu défraîchi, mais eperdument attaché au souvenir d'une femme charmante enlevée par la mort.

Puis, on a réfléchi; on a lu les bonnes tartines littéraires pieusement déposées sur ce cercueil, et on s'est repris. ̃ • •

On s'e'st rebiffé contre cette idée que le coup de pistolet du cimetière prouvait la bravoure du général. Argument inutile, s'il s'agit de la bravoure militaire. Un général est toujours brave. Argument dangereux, s'il s'agit de la fermeté morale. Car, si le suicide est un acte de fermeté considérable; il faut avouer que lés mansardes de Paris sont peuplées d'héroïsmes, puisqu'il ne se passe guère de jour sans qu'on y trouve une couturière qui s'est tuée, à la suite de chagrins d'amour. Elles y mettent moins d'orthographe, mais autant de résolution.

Qu'est-ce que c'est encore que cette pensée saugrenue que le pauvre général aura dans son malheur toutes les femmes pour lui ?'D'abord, il les aurait toutes que ccla ne lui ferait pas une belle jambe. Mais il ne les a pas.

La France n'est point entierement bondée de cabotines qui font de l'amour leur principale oc- cupation et qui admirent celles d'entre elles assez heureuses pour pouvoir dire « Ma chère, un jeune homme s'est tué pour moi Ainsi D Il y reste encore un certain nombre de filles d'Eve qui comprennent autrement la vie, quand. ce ne serait que nos mères,nos filles et nos sœurs. Colles-là ne comprendront pas qu'ayant une vieille mère, étant lui-même grand-père, cet homme-là n'ait pas au moins attendu pour disparaître d'avoir fermé les yeux qui ne vivaient que par lui.

Et puis, il y avait encore l'homme politique. Cet homme politique avait charge d'âmes, ayant entraîné derrière lui non pas seulement des états-majors avides et calculateurs, mais des cœurs naïfs, illusionnés, dévoués et bons. Ça ne se lâche pas, quand on a quelque chose sous la mamelle gauche.

Et la patrie Je sais bien que la patrie peut parfaitement se passer de Boulanger. Mais Boulanger ne croyait certes pas qu'elle pût se passer de lui. Alors pourquoi, ayant déclaré maintes fois qu'il l'aimait par dessus tout, l'abandonnet-il N'est-ce pas une sorte de désertion ? Allons alions 1 ne justifions pas, n'excusons pas ce suicide. 11 est inexcusable.

C'est bien l'acte d'ailleurs d'un garçon essentiellement moderne, dont les exemplaires poussent par milliers sur notre fumier moral et qui est caractérisé par ce fait qu'il ne croyait en rien. Pas de croyances. Pas de croyances religieuses, bien entendu, puisqu'il déclare tranquillement qu'il va entrer dans le néant. Pas d'autres croyances non plus. Il ne croyait pas aux hommes. Il ne croyait pas à la nécessité et à la beauté des sentiments qu'il mettait dans ses proclamations. Il n'avait pas cette folie du bien des hommes qui inspire parfois, même en dehors de l'idée religieuse, des sacrifices sublimes. Il ne croyait pas en lui-même: il n'avaitpas son propre fétichisme, ce sentiment fait d'orgueil et d'ambition, pour lequel on risque sa peau.

S'il avait cru à sa mission, s'il avait cru en lui, au lieu de ce trépas bête, il aurait fait quelque chose, n'importe quoi. Les républiques du sud de l'Amérique sont farcies de généraux qui ont plus de ressort moral que ce pauvre homme. Lui, il n'a su que jouir de la vie et du dévouement des autres; et quand la vie n'a plus eu de jouissances, quand les dévouements deçus sont rentrés chez eux, il s'en est allé, infligeant une désillusion nouvelle à ceux qui avaient confiance en lui. Voilà.

Maintenant, Boulanger a-t-il été inutile? Que Mon pas. Il a rempli ici-bas le rôle de mannequin qu'on pose dans les vergers pour chasser les oiseaux pillards. Il a fait aux républicains une peur atroce; il leur a causé une telle venette que, s'ils étaient capables de sagesse, il les aurait rendus sages.

Son aventure leur a fait toucher du doigt l'insanité de dix ans de politique anti religieuse et de luttes intestines. Il a fallu qu'il surgît pour que les ministères durassent. Il a fallu qu'il surgît pour que les républicains comprissent que leur gouvernement se casserait le cou en irritant les consciences. Ils ont mis une sourdine momentanée à leurs divisions. Ils ont laissé, un instant, souffler les pauvres curés. Ils se sont assagis.

Cette crainte de l'animal qui cache Sa tête entre ses épaules et oublie de mordre parce qu'il a peur des coups, a été prise pour une conversion, par un certain nombre d'entre nous qui se montrent disposés à se rallier à cet abominable régime. Mais s'il est vrai qu'il y ait, enxe moment, un mouvement des républicains vers lès idées conservatrices et un mouvement de quelques conservateurs vers les idées républicaines, c'est en définitive à Boulanger qu'on le doit. Si M. Carnot, après avoir dit à Versailles

« La. Droite est l'ennemi », a dit à Reims « Je veux travailler à l'union de tous les Français », s'il a tellement changé, c'est encore à Boulanger qu'on le, doit.

Il n'y a pas de raison pour lui en être reconnaissant, car il a obtenu ce résultat en en cherchaqt un autre tout personnel. Il a été bienfaisant sans le savoir. Mais il est bon de le constater.

Tant qu'il vivait, on pouvait craindre quelque coup de tête ceux du moins qui ne le connaissaient point, et la sécurité des républicains n'étant point intacte, leur sagesse se maintenait tant bien que mal.

Boulanger était encore pour eux un croquemitaine. Cela, ils ne l'avoueront jamais. Mais cela est, tout de même.

Aujourd'hui, ce croquemitaine est enterré. Ceux à qui il faisait peur vont se rassurer petit à petit, et nous allons assister certainement à la reprise des folies républicaines un instant ou- bliées pour un intérêt supérieur, celui de l'exis- tence.

D'abord, nous verrons très rapidement la rentrée du groupe boulangiste dans les rangs de l'Extrême-Gauche, d'où il est sorti,comme le général lui-même, d'ailleurs. Ce groupe boulangiste contient une notable quantité de personna- ges qui n'ont été élus que par la grâce du général. Ils voudront, et je le comprends, être réélus. Pour obtenir cet événement, important à leur point de vue, il leur faudra se ranger dans l'un des compartiments de la politique française, le leur n'existant plus. Ils n'ont pas le tempéra- ment opportuniste; ils n'ont pas le tempérament conservateur. Ils ont, au contraire, le tempérament radical et ils reviendront au bercail du radicalisme, où ils retrouveront les amis de jadis. Amsi renforcé, le radicalisme cessera de se traîner à la remorqua de l'opportunisme et les batailles d'autrefois recommenceront. Saint Tranquille, qui a été extraordinairement cultivé depuis trois ans par les républicains, et qui ne s'était jamais trouvé à pareille fête, perdra beaucoup de fidèles.

Aussi, je ne serais pas étonné que les politiques du parti républicain, ceux qui, en somme, ont profité du boulangisme, considérassent sa disparition sinon comme un malheur, du moins comme une source de difficultés.

Et s'ils pouvaient faire connaître leurs idées de derrière la tête, ils avoueraient qu'ils eussent donné beaucoup d'argent pour que cet événement n'arrivât point.

On était si bien avec le général à Bruxelles, avec ce prétexte â invoquer pour imposer la patience et la résignation aux républicains qui trouvent que la République de M. Carnot n'est point la véritable République.

Enfin, la question Ilochefort va se poser à nouveau. Ce n'est pas une très grosse question, mais c'est une question ennuyeuse. Il est très naturel d'amnistier Rochefort et Dillon, maintenant que le général est mort. Ils n'ont brûlé aucun monument public, ils n'ont' exécuté aucun otage et, quand on s'est fait comme les républicains actuels un tremplin de l'amnistie en faveur des communards, il est bien difficile de la refuser à ces deux condamnés.

Voilà pourquoi le suicide du général est un événement moins insignifiant qu'on s'est plu à le dire.

Il est déplorable pour la mémoire de ce malheureux homme. Il pourrait, jusqu'à un certain point, être déplorable aussi pour la République elle-même.

J. Cornély.

LE MATIN publiera demain un article de M. EMMANUEL ARÈNE

A L'HOTEL DES INVALIDES

Un hommage de la République Décret présidentiel Translation des restes du général Lasalle Le cortège

-Les honneurs.

Nous avons dit ce que fut le général Lasalle. Le gouvernement de la République n'a point hésité à faire droit à la demande de la famille quand il fallut exhumer du cimetière de Saint-Marx, près de Vienne, les restes du héros de Stettin, et, sur un rapport motivé de M. de Freycinet, M. Carnot a signé, le juillet dernier, un décret accordant la sépulture à la dépouille du général Lasalle dans l'hôtel national des Invalides.

Cette cérémonie a eu lieu hier avec une grande solennité.

En tête du cortège marchaient le général Saussier, gouverneur militaire de Paris, le général de Kermartin, représentant le ministre de la guerre, et le commandant Courtes, représentant le président de la République. Puis venaient les membres de la famille, parmi lesquels on remarquait le lieutetant-colonel Yermolof, de l'armée russe, arriére-petit-flls du général Lasalle, dont la fille unique a épousé le grand-père de cet officier. L'armée et les sociétés d'Alsace et de Lorraine avaient envoyé de nombreuses délégations.

La brigade des 27e et 280 régiments de dragons, les cavaliers du premier rang armés de la lance, rendait les honneurs.

Le convoi s'est rendu de l'église Sainte-Clotilde l'hôtel des Invalides, où il a été reçu par le général Arnoux, commandant de l'hôtel.

Après une messe basse, le cercueil, recouvert d'un drapeau tricolore, a été placé sur un char funèbre orné de faisceaux de drapeaux voilés de crêpe, et le général Saussier a prononcé une éloquente allocution puis le corbillard a été ensuite .ramené, devant la grille d'honneur de l'hôtel; les deux régiments de dragons, avec leurs fanfares et leurs étendards, commandés par le général Rothwiller, ont défilé en saluant les cendres de Lasalle qu'entouraient les officiers et les délégués des sociétés alsaciennes et lorraines. Une foule nombreuse réunie sur l'esplanade des Invalides assistait à cette imposante manifestation patriotique.

Aprés le défilé, le cercueil a éte ramené dans l'hôtel et placé, en présence des membres de la famille de Lasalle, dans un caveau.

Le commandant de la cavalerie d'avant-garde de là grande armée y reposera désormais à côté de Jourdan, Moncey, Sérurier, Oudinot, Molitor, Bessières, Duroc, Mouton, Exelmans, Lariboisière, et d'autres encore qui furent ses compagnons d'armes. Etrange coïncidence.

Par une eoïncidence étrange avec un autre décès, dans un livre de M. Robinet de Cléry, livre qui a paru hier et qui est consacré à « Lasalle. D'Essling à Wagram nous trouvons relaté le fait que voici

« Madame de Lasalle apprit la mort de son mari par un crieur de journaux qui annonçait sur le boulevard la victoire de Wagram. »

Gela se passait en juillet 1809.

FRANÇOIS-JOSEPH

Vienne, 3 octobre, D'un correspondant. L'empereur est arrivé à onze heures et demie du soir à Schoenbrunn. Toutes les rues de cette localité étaient brillamment pavoisées et illuminées. L'accueil a été enthousiaste.

L'empereur, qui était attendu par l'intendant du château, s'est retiré aussitôt dans ses appartements.

FUNERAILLES

L'ENTERREMENT DU GÉNÉRAL BOULANGER A IXELLES

Scènes de désordre Mesures de police insuffisantes Un bourgmestre imprévoyant De la rue Montoyer au cimetière -Attitude de la foule

Pas de discours.

Bruxelles, 3 octobre. Par téléphone. Les funérailles ont été marquées par des scènes scandaleuses dont la responsabilité incombe au bourgmestre d'Ixelles qui, malgré les avertissements, a cru pouvoir contenir, avec quarante agents de police, une foule immense accourue de toutes parts pour voir défller le cortège funèbre.

Deux heures avant le départ du convoi, les abords de l'hôtel, rue Montoyer, étaient littéralement bloqués par des milliers de curieux. Des rues qui aboutissent rue Montoyer et dans les rues environnantes, affluait encore une foule considérable qui venait s'entasser derrière les rangs serrés des premiers badauds. On devait prévoir ce qui est arrivé ensuite: c'est-à-dire que le cordon d'agents serait rompu, que la chaussée où devait passer le convoi serait envahie. Le bourgmestre, au lieu d'écouter les sages avis des témoins des premières bousculades, s'est néanmoins refusé à requérir la gendarmerie; ce qu'il a été contraint de faire au dernier moment.

Les agents ont d'abord fait leur devoir avec calme; mais on s'échauffe le sang à lutter avec impuissance contre une marée humaine débordante. Et alors, on a vu suppléer à l'insuffisance du nombre par des voies de fait. Des femmes se sont évanouies, des hommes ont été blessés. Quelques arrestations ont été inutilement opérées. Après avoir requis de prêter main-forte à la police quelques sous-officiers et soldats remarqués dans la foule, le bourgmestre s'est vu réduit iL mander, par téléphone, des gendarmes tl cheval. Il était alors deux heures quarante. En attendant les bonnets à poils, des scènes scandaleuses n'ont cessé d'impressionner péniblement les assistants.

Aucune précaution n'avait été prise pour permettre aux invités de pénétrer dans la maison mortuaire aussi, plusieurs membres des comités boulangistes n'ont-ils pas réussi Il arriver à bon port d'autres n'y sont parvenus qu'en ayant leurs vêtements'déchirés.

La chapelle ardente.

Dans la maison mortuaire, le vestibule est trans- formé en chapelle ardente. Au fond est élevé l'autel sur lequel brille un grand crucifix. Des cierges sont disposés à profusion.

La bière est déposée sur le carreau, recouverte d'un drapeau de soie tricolore français sur lequel sont déposées l'écharpe de député, les épaulettes et l'épée du général. Devant le cercueil, sur un coussin de velours noir, sont épinglées les décorations. A droite et à gauche, on voit des couronnes innombrables et gigantesques, parmi lesquelles on remarque particulièrement la couronne de la Ligue des Patriotes, de deux mètres de diamètre, en oeillets rouges et marguerites; sur le ruban est écrit « Au général Boulanger, il l'ancien ministre de la guerre, au soldat de, Turbigo, Trai-Dau, Champigny. Qui vive? France. L. D. P. »

La couronne dus députés, en roses blanches, porte comme inscription e. Au général Boulanger, les députés du parti républicain national

La couronne envoyée par Rochefort est composée d'oeillets rouges, de roses blanches et d'orchidées et porte ces mots «A mon cumpagnon d'exil u. Il y a là encore les couronnes des comités et des collèges électoraux qui ont donné leurs voix au général, des journaux du parti, des amis personnels, etc., etc.

Citons les trois suivantes une en immortelles noires, envoyée par un groupe anarchiste une autre, en pensées et en millets rouges, avec cette dédicace « A mon parrain envoyée par le fils de .l'ouvrier Vincesses, que Boulanger, alors qu'il était ministre de la guerre, avait agréé comme pupille une troisième enfin, en immortelles et en œillets rouges, avec cette inscription « A notre ex-colonel, les anciens sous-officiers et soldats des 109°, il/Le et 132e de ligne. »

On pénètre dans la maison mortuaire, entre deux haies de policiers qui font circuler les invités qui défilent devant la bière, puis traversent les salons où se trouvent Mlle Grifllth, Mme et Mlles Barbier, et plusieurs autres dames en grand deuil, ainsi que les membres de la famille et les amis personnels et politiques du défunt.

Citons M. de Vogelsang, neveu du général MM. Barbier, Dutens et Mouton, Déroulède, Laur, Barrés, Chiché, Leverrier, Laisant, Boudeau, Paulin Méry, Dugué de la Fauconnerie, Le Senne, Dumonteil, Richard, Révest, Le Hérissé, Goussot, Castelin, Léouzon-Ledue, Rochefort, Susini, Elie May, Labruyère, Mme Séverine, et une partie de la rédaction de Intransigeant, 'Jourde et Mme Millevoye, remplaçant son mari.

Le départ.

Cependant, le char funèbre (char ordinaire des inhumations d'Ixelle)s, surmonté d'une croix et attelé de deux chevaux, était venu se placer à proximité de Ufaôtel et à la tête de la file des voitures de deuil alignées dans la rue voisine.

Les compatriotes du général s'étonnent de la simplicité du char ils espéraient mieux pour conduire a sa dernière demeure les restes de leur chef. On répond que l'ancien ministre a exprimé le vœu que ses obsèques fussent réglées comme celles de Mme de Bonnemain.

Les boulangistes s'étonnent aussi de la curiosité inconvenante, do l'attitude peu décente de quelques personnes qui apparaissent aux fenêtres voisines. Des dames en toilettos claires s'amusent des bousculades et des bagarres et rient aux éclats. A trois heures précises, heure fixée pour le départ du convoi, on commence à placer les couronnes funéraires sur le corbillard, dans des voitures et sur une série de brancards de deuil improvisés. Ces préparatifs ne font qu'accroître la cunosité de la foule qui, devenue de plus en plus houleuse, envahit la chaussée, tandis que les rues voisines regorgent de monde..

L'impression unanime est que jamais le cortège ne pourra traverser l'épouvantable cohue. Le bourgmestre d'Ixelles fait prier la famine d'attendre la gendarmerie, craignant, même avec, l'assistance des bonnets à poil, de ne pouvoir frayer le chemin au char; on songe un moment à proposer un changement d'itinéraire et à diriger le cortège vers la place du Luxembourg, par la rue de Trêves. au lieu de la rue d'Arlon; mais on remontre que la manœuvre pourrait augmenter le,désordre au lieu de l'apaiser. On patiente donc: Les photographes prennent force instantanés des bagarres, dont la reproduction, si elle a lieu, sera édifiante.

Arrivée de" là gendarmerie.

Enfin, à trois heures et demie, on voit, dans le lointain, apparaître les gendarmes à cheval; ils descendent avec, calme la rueMontoyer; la vue seule des braves pandores produit un effet magique quoiqu'ils avancent lentement, la foule s'écarte avec précipitation pour leur livreur passage. On en prolite pour former le cortège. La bière est placée sur le corbillard qui s'ébranle, précédé de l'ordonnateur des pompes funèbres et de quelques agents de police. On se presse pour voir. Il se produit une formidable poussée, mais la trouée est laite -et le convoi s'engage rue d'Arlon.

tant sur un coussinet les décorations.

M. de Vogelsang conduit le deuil. A côté s'avancent MM. Barbier et Dutens les députés boulangistes suivent; ils ont ceint leurs écharpes et portent à la boutonnière un œillet rouge.

Les délégués des comités de Paris et des départements viennent ensuite tous ont l'oeillet rouge àla boutonnière; quelques-uns, la médaille militaire. Le cortège, s'avance avee peine dans le sillage

tracé par les chevaux des gendarmes dans la cohue grouillante.

A certains moments, les personnes faisant partie du cortège sont obligées de faire elles-mêmes la police et d'écarter les curieux les plus rapprochés. Néanmoins, l'attitude du public est généralement décente et respectueuse.

Les cris de « Vive Rochefort! » partent de temps en temps des rangs de la foule.

Rochefort dit « La foule est bruyante parce qu'elle est curieuse, mais elle me paraît pleine de respect. »

La place communale d'Ixelles est envahie par une multitude de flacres et de voitures de maîtres sur lesquels sont montés des centaines de curieux. Aux fenêtres, de véritables grappes humaines. De distance en distance, on voit des photographes braquant leurs objectifs sur le cortège. Quelques arrestations sont opérées. Un individu, ayant insulté un brigadier de gendarmerie, est empoigné par la police et mené au commissariat; mais on n'a à signaler aucun incident important.

Même cohue place Sainte-Croix, d'où l'aspect du cortège, avec une profusion de couronnes d'ceillets rouges, entremêlés de- crêpe, est véritablement curieux.

A la descente de la' pente raide de la chaussée d'Ixelles, des individus sont juchés jusque dans les arbustes qui avoisinent les étangs. La police écarte les badauds installés trop près de l'eau et qui courent un danger.

Au cimetière.

On arrive ainsi au cimetière. Aux abords, il y a foule. A l'arrivée du convoi, le monde se lève et se découvre.

Le cimetière avait été évacué depuis denx heures de l'après-midi et la gendarmerie avait été requise pour garder l'enceinte et prévenir une tentative d'escalade.

A trois heures et demie, il s'y trouve une cinquantaine de personnes, dont deux Anglais portant un œillet rouge à la boutonnière. L'un est M. Frédéric Phillips, conseiller et avocat de la reine d'Angleterre l'autre est le correspondant du World. Quelques privilégiés pénètrent encore dans le cimetière. 1 Arrivent successivement le. bourgmestre, M. Leemans Féchevin Verhaeren et certains députés boulangisles qui, séparés du cortège, se rangent autour de la tombe. Derrière le monument, se trouve un photographe, prêt à opérer.

Il est quatre heures trente-cinq lorsque le cortège arrive.

A ce moment, la foule est tellement compacte que des scènes graves se produisent. On entend les clameurs et les plaintes des gens piétines. II y a de nombreux blessés. Les gendarmes s'efforcent do frayer un passage: l'un est jeté à bas de son cheval; un agent de police qui s'élance au secours du gendarme est renversé et piétiné lorsqu'on le relève, il a un bras cassé. Transporté chez M. Marchai, inspecteur du cimetière, il reçoit les soins du docteur. Le patron du café Français il Bruxelles est tellement piétiné qu'on doit le transporter évanoui hors de la cohue.

Le corbillard pénètre enfin dans l'enceinte. Dès que lafamille et les députés sont entrés, on permet au public de pénétrer a son tour dans le champ du repos. Mais la foule se précipite avec un tel desordre et une telle violence que l'on est obligé de refermer les grilles.

Un incident.

Le corbillard s'avance dans l'allée centrale, à l'ëxtrémité de laquelle se trouve le tombeau où repose Mme de Bonnemain. La bière- est retirée du char. L'instant suprême approche aussi les assistants sont fort émus.

M. de Vogelsang sanglote, et on doit le soutenir. Rochefort et Déroulède pleurent abondamment. Au moment où les fossoyeurs se disposent à dégager le cercueil du drapeau qui l'enveloppe pour le descendre dans le caveau, M. de Vogelsang se précipite sur la bière et baisse à plusieurs reprises le couvercle de chêne sur lequel se détache un crucifix. On entraîne le neveu du général, et la bière est descendue aussitôt.

Un assistant demande alors que le drapeau tricolore soit jeté sur le cercueil et enfoui avec lui. M. Déroulède répond que ce désir est unanimement approuvé, et saisit le drapeau, qu'il lance dans le caveau. Tout aussitôt, le président de la Ligue retire de sa poche un petit sachet en cuir, dont il jette le contenu dans la fosse en s'écriant: « Voici de la terre de Franco »

Les fossoyeurs présentent aux membres de la famille la pelle traditionnelle chargée d'un peu de terre que les assistants déversent successivement dans le caveau.

M. de Vogelsang, en jetant la première pelletée, prononce ces paroles « Adieu je ne t'oublierai jamais »

Pendant l'inhumation, la foule, massée aux abords du cimetière, s'est montréé recueillie. Les cris de « silence 1 » et « chapeau bas! » imposaient le respect aux turbulents.

Aucun discours n'a été prononcé, ni à la chambre mortuaire, ni au cimetière.

M. Déroulède annonce que les boulangistes organiseront, dès leur retour à Paris, une grande manifestation à Champigny en l'honneur du général Boulanger, dont l'anniversaire sera commémoré chaque année, le 2 décembre, date de la bataille.

Le nombre des blessés n'est pas connu; on en compte une vingtaine.

De nombreux pickpockets ont profité de la cohue pour opérer.

Plan de conduite.

Les députés boulangistes séjourneront jusqu'à lundi il Bruxelles, afin de se concerter sur la conduite à tenir.

MM. Le Senne et Dumonteil m'ont déclaré qu'il ne s'agit que d'un simple échange de vues.

Les députés semblent résolus à ne choisir aucun nouveau chef. Plusieurs annoncent qu'ils vont consulter les comités sur la politique à suivre; ils proposeront d'entamer la lutte contre le gouvernement dès la rentrée des Chambres, qu'ils prévoient mouvementée.

Les conférences ont lieu à l'hôtel Mongolie, où ils déjeunent chaque jour midi.

A NEWCASTLE

Droit de bourgeoisie conféré à M. Gladstone Discours de remerciement.

LONDRES, 3 octobre. Par fil spécial. Le droit de bourgeoisie de la cité de Newcastle a été solennellement conféré ce matin à M. Gladstone. En adressant ses remerciements, M. Gladstone rappelle que les villes, par le fait de s'administrer elles-mêmes, étaient devenues des écoles de législateurs et d'homme d'Etat.

L'Angleterre, qui a été la première à adopter les principes de la liberté dans les institutions politiques et sociales, est encore la seule qui ait défendu la liberté commerciale. Elle en a donné l'exemple au monde entier; les Etats-Unis ont donné, au contraire, celui du retour en arrière en ce qui concerne le libre-échange, mais cette politique commerciale ne peut durer longtemps.

La fermeté avec laquelle la Grande-Bretagne se maintient dans la voie de la liberté influencera l'Europe et l'Amérique.

M. et Mme Gladstone ont ensuite déjeuné ehez 1 • lord-maire puis ils sont repartis pour Haward«» au milieu des manifestations enthousiastes. EN EGYPTE

LE cVmË, octobre. D'un correspondant. Devant l'attitude résolue du représentant de la France, l'Egypte semble résolue à appliquer aux Français les décrets sanitaires.

L'Allemagne, l'Angleterre et l'Italie, profitant de la résistance de la France, réclament des adoucisse·meûts pouf leurs nationaux.

L'INCIDENT DE HOME

UNE GAMINERIE RAMENÉE A SE' VÉRITABLES PROPORTIONS

Pas d'exagération! Enfantillage unanf moment réprouvé Un acte isolé-

Démonstrations inutiles -Le de-

voir des deux gou-

vernements. 0 •

Il n'est personne en France, quelle que soit croyances, quelle que soit son opinion politique, qui n'ait été indigné de l'outrage fait par trois mêlés au pèlerinage français, à la mémoire de Victor Emmanuel, devant la tombe du Panthéon.

L'acte est d'autant plus absurde que le gouverne. ment italien avait, dans la circonstance, accompli tout son devoir envers les pèlerins, et que le Saint-' Siège avait été le premier à reconnaître la correction parfaite des mesures prises pour faire respecter, en môme temps que leurs personnes, l'ordre public au milieu des grandes manifestations de Saint-Pierre L'un des chefs du pèlerinage, M. Harmel, a été le premier a présenter ses regrets au ministère italien.II est également -naturel que la population romaine, dans un premier mouvement de colère ait manifesté, avec une ardeur voisine de la violence, des sentiments légitimes contre une insulte gratuité et unanimement réprouvée.

Le principal caupable est aux mains de la justice italienne. Ce n'est pas nous qui le défendrons.

De leur côte, les ministres français, qui n'avaient pas eu à intervenir dans l'organisation de ces grandes caravanes religieuses, a pris, hier matin, les mesures nécessaires pour éviter que ces noieranages dégénèrent en manifestations politique de nature à troubler nos relations avec un peuple voisin.

Mais, ici et là-bas, il convient de ne rien exagérer L aîné des trois jeunes gens compromis dans cette triste affaire n'a pas vingt ans. L'acte a été isolé. Il est le produit d'une exaltation juvénile, que rien ne saurait excuser, ni môme expliquer. Mais il n'y a pas là, une fois la première indignation passée matiore à engager aucune responsabilité, ni celle du Saint-Siège, ni celle des conducteurs des pèlerinages, encore moins celle de la France.

Il semble, au contraire, qu'il s'est rencontré à Rome des citoyens mal intentionnés, dont les démonstrations excessives ont tenté, à propos d'un incident sans portée, d'envenimer des haines inavouables, de susciter des querelles internatioQu'est venue faire^devant le palais Farnèse, résidence de notre ambassade auprès du Quirinal, cette bande de hurleurs que la police a dû disperser? Les relations des deux peuples ne peuvent être compromises à l'occasion d'une impardonnable ga- Nous sommes sûrs que le gouvernement italien, avec la même fermeté que le nôtre, saura empocher qu'une partie de la population romaine ne compense par des torts plus graves le tort dequelques enfants- perdus do notre nation.

Il se gardera surtout de profiter du prétexte pour faire revivre, non plus devant nous seuls, mais devant Je monde entier, les difficultés que la loi des garanties a laissé subsister, et les antinomies de la question romaine.

Au conseil des ministres.

Le conseil réuni, hier matin, sous la présidence de M. de Freycinet, a décidé qu'en présence des incidents de Rome, les prélats français seraient invi. tés à s'abstenir, jusqu'à nouvel ordre, de se rendro en Italie pour s'associer aux pèlerinages, ainsi que c'est actuellement le cas de M. Langénieux. Le garde des sceaux, ministre des cultes, a été clrarge d'informer de cette décision les archevêques et évêques.

Rappelons d'ailleurs que l'article 20 des lois organiques interdit aux prelats de quitter la France et mime leur diocèse, sans en avoir obtenu l'autorisai tion du gouvernement.

La journée d'hier.

Rome, 3 octobre. Par service spécial. Lei ambassadeurs de France auprès du Quirinal et du Vatican ne sont pas intervenus.

Au Vatican, on déplore que la gaminerie d'un étu, diant appartenant au groupe de la jeunesse catholi- que ait provoqué une manifestation contre le pèlerinage ouvrier qui, on commence à le reconnaître n'y était pour rien. On croit que les deux étudiants compromis dans l'affaire du Panthéon et qui ont été relâchés, hier,' partiront aujourd'hui pour la France.

Quant au troisième, bien que les charges relevées contre lui fournissent amplement matière à poursui- tes, il est probable qu'il sera purement et simple- ment reconduit à la frontière.

Des démonstrations ont eu lieu dans diverses villes de province. A Bari, toutes les classes de la population réunies ont parcouru les rues en criant « Vive le roi 1 vive l'Italie! vive Rome intangible. »

A Bologne et à Casserte, on a pavoisé spontanément.

Ce matin a eu lieu à l'aube, par prudence, le départ des pèlerins de Nantes et des diocèses voisins, arrivés la 28 octobre et qui devaient repartir hier soir.

Le Popolo romano dit que M. l'abbé Boulay, di- recteur de cette caravane, en abordant M. Lucca," sous-secrétaire d'Etat à l'intérieur, présent à la gare, a remercié le gouvernement des attentions qu'il a eues pour les pèlerins. Il a déploré, au nom de la' caravane, l'incident du Panthéon.

LaVoce della Verita dit que l'incident qui s'est passé hier au Panthéon est déplorable.

L'Ossetyatore romano, paru ce matin au lieu d'hier soir, dit que les trois pèlerins ont agi avec une légèreté déplorable.

Apaisement.

ROME, 3 octobre. D'un correspondant. On, s'attend ce soir à une grande manifestation vers onze heures.

♦ M. Bonghi; dans la Cultura, sa revue, paraissant demain, se félicite de l'état pacifique euro: péen.

« On arme, on, se prépare, dit-il, à en venir aux mains mais on n'y viendra pas, au moins d'ici' longtemps. »

Le départ des jeunes gens appartenant au pèlerinage de la jeunesse catholique semble avoir tout apaisé ici et le pèlerinage ouvrier peut compter sur la liberté entière dont il jouissait avant le regretta-' ble incident du Panthéon, auquel il n'a pris aucune part.

LES THÉATRES

Comédie-Française– L' « Ami de la Maison comédie en trois actes, de MM. H.

Raymond et M. Boucheron.

Pour une pièce mal jouée, voilà une pièce mai jouée Si MM. les sociétaires du Théâtre-Français, ne sont paf capables d'interpréter des vaudevilles»1 pourquoi en reçoivent-ils Car l'Ami de la Maisoni n'est pas autre chose qu'un vaudeville, qui aurait' peut-être réussi ailleurs. Mais le moyen de s'amuser en écoutant des gaudrioles débitées par desr personnages qui ont l'air de porter le diable en' terre 1 Je ne crois pas, d'ailleurs, que l'oeuvre der MM. Raymond et Boucheron, qui sont des gens; d'esprit, soit restée telle qu'ils l'ont présentée; ella' a dû subir des modifications qui en ont dénaturé la* sens et la portée. Il en est résulté quelque chose de; vague et d indécis dans l'action et dans les carae« tères qui gêne le spectateur. S'agit-il d'une comédis de mœurs, ou simplement d'une bonne plaisanteriei' sans autre prétention que celle de distraire le pu" blie? Les,allures compassées des acteurs semblent indiquer que nous sommes en présence de ce qu'o*