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Titre : Mémoires de la Société historique, littéraire et scientifique du Cher

Auteur : Société historique, littéraire, artistique et scientifique du département du Cher. Auteur du texte

Éditeur : J. David (Bourges)

Éditeur : Just-Bernard (Paris)

Éditeur : Dumoulin ()

Date d'édition : 1887

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328133672

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb328133672/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Langue : Français

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Description : 1887

Description : 1887 (SER4,VOL3).

Description : Collection numérique : Fonds régional : Centre-Val de Loire

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5544871c

Source : Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2009-902

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 19/01/2011

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MÉMOIRES

DE LA

SOCIÉTÉ HISTORI

LITTÉRAIRE, ARTISTIQUE & SCIENTIFIQUE

DU CHER

(1887)

4E SÉRIE — 3E VOLUME

SOMMAIRE

F. Dumonteil : UNE VILLE SEIGNEURIALE EN 1789 — SAINTAMAND-MONTROND (AVEC 18 CAHIERS DRESSÉS A SAINT-AMAND EN 1789). H. Duchaussoy : LES VENDANGES EN BERRY, DE LA FIN DU XVe SIÈCLE A LA RÉVOLUTION. Bruneau ( COMPTE-RENDU DES PRINCIPALES HERBORISATIONS et FAITES EN 1886 DANS LES ENVIRONS DE BOURGES,

Duchaussoy : sous LA DIRECTION DE M. LE GRAND.

LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ ET DES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES.

BOURGES

TYPOGRAPHIE ET LITHOGRAPHIE DE H. SIRE IMPRIMEUR DE LA SOCIÉTÉ HISTORIQUE DU CHER

1887



MÉMOIRES

DE LA

SOCIÉTÉ HISTORIQUE

LITTÉRAIRE, ARTISTIQUE & SCIENTIFIQUE DU CHER


La Société laisse à chacun de ses Membres la responsabilité des Travaux publiés avec signature.


MÉMOIRES

SOCIETE HISTORIQ

LITTÉRAIRE, ARTISTIQUE & SCIENTIFIQUE

DU CHER

(1887)

4E SÉRIE — 3E VOLUME

SOMMAIRE

F. Dumonteil : UNE VILLE SEIGNEURIALE EN 1789 — SAINTAMAND-MONTROND (AVEC 18 CAHIERS DRESSÉS A SAINT-AMAND EN 1789).

H. Duchaussoy : LES VENDANGES EN BERRY, DE LA FIN DU XVe SIÈCLE A LA RÉVOLUTION.

Bruneau

et

Duchaussoy :

COMPTE-RENDU DES PRINCIPALES HERBORISATIONS FAITES EN 1886 DANS LES ENVIRONS DE BOURGES,

SOUS LA DIRECTION DE M. LE GRAND.

LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ ET DES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES.

BOURGES

TYPOGRAPHIE ET LITHOGRAPHIE DE H. SIRE

IMPRIMEUR DE LA SOCIÉTÉ HISTORIQUE DU CHER

1887



UNE

VILLE SEIGNEURIALE

EN 1789

SAINT-AMAND-MONTROND

PAR

F. DUMONTEIL (avec 18 cahiers dressés à Saint-Amand en 1789)

« Aujourd'huy le seigneur ne donne » rien. On ne lui doit rien. C'est à l'Etat » qu'on doit tout. »

(Cahiers des procureurs et des notaires de Saint-Amand.)



« Dressons l'Inventaire de la France » de 1789. »

(Discours du Ministre de l'Instruction publique à la réunion des Sociétés lavantes du 1er mai 1886.)

Au cours de recherches sur l'état de la Généralité de Bourges, en vue d'un travail sur les élections de 4789 en Berry, j'ai été amené à reconnaître que le régime seigneurial et l'organisation municipale de Saint-Amand méritaient de faire l'objet d'une étude spéciale.

J'ai entrepris cette étude et j'y ai ajouté des renseignements que j'avais recueillis sur Saint-Amand à d'autres points de vue, de façon à donner un aperçu général de la situation de cette ville à la fin de l'ancienne Monarchie.

Les Cahiers de 1789, que j'ai reproduits ensuite, étaient jusqu'ici inédits.

NOTE. — Une partie des renseignements que j'ai utilisés pour le présent travail sont extraits de pièces contenues dans des liasses déposées aux Archives du Cher, mais qui n'ont pas encore été comprises dans l'inventaire. Aussi, dans l'indication des sources auxquelles j'ai eu recours, je désigne de la façon suivante les liasses dont il s'agit : Archives du Cher, l, n. i. (liasses non inventoriées).


4 RENSEIGNEMENTS PRÉLIMINAIRES

I.

RENSEIGNEMENTS PRÉLIMINAIRES

SITUATION DE SAINT-AMAND — SA POPULATION EN 1789 — ORIGINE DE SAINT-AMAND — SA DIVISION EN DEUX SEIGNEURIES : le

Vieux-Château et le Marché de Saint-Amand — MOUVANCES DISTINCTES — DÉNOMINATIONS DONNÉES SUCCESSIVEMENT AUX DEUX PARTIES DE LA VILLE — LE CHATEAU DE MONTROND — INDICATIONS CONCERNANT LES SEIGNEURS DE SAINT-AMAND ET LES FAITS PRINCIPAUX DE L'HISTOIRE DE CETTE VILLE.

La ville de Saint-Amand, située sur les bords de la Marmande et non loin du Cher, est en 1789 le chef-lieu de l'une des Elections de la généralité de Bourges (1). Rattachée ainsi au Berry par une administration commune, elle se trouve désignée dans le règlement relatif à la convocation des Etats généraux sous le nom de Saint-Amand en Berri (2). Cependant, au point de

(1) La généralité était une division administrative analogue à nos départements.

A la tète de la généralité était placé un intendant ayant des pouvoirs plus étendus même que ceux attribués à nos préfets.

La généralité de Bourges comprenait la presque intégralité du territoire actuel des départements du Cher et de l'Indre, une partie du territoire de l'Allier, de la Creuse et du Nivernais, quelques paroisses qui font actuellement partie du Loiret et du Loir-et-Cher.

L'élection était une subdivision de la généralité analogue à nos arrondissements. — Au chef-lieu de chaque élection était établi un corps administratif et judiciaire nommé aussi élection. — L'intendant avait, au chef-lieu de chaque élection, un représentant nommé subdélègué. (Voir ci-après, § 5.)

(2) Voir la partie de ce règlement contenant l'état des villes qui doivent envoyer plus de quatre députés aux assemblées des bailliages et sénéchaussées. (Archives parlementaires, 1re série, tom. I, pag. 616.)


RENSEIGNEMENTS PRELIMINAIRES 5

V comme au point de vue judiciaire, elle fait partie de la province bonnais et elle est régie

par la coutume de cette province.

Sa population s'élève alors à 6 ou 7,000 habitants (1).

A la différence de la plupart des villes importantes de la généralité soumises depuis longues années à la seule autorité du Roi, Saint-Amand, tout en étant subordonné au pouvoir central, demeure encore en 1789 dans la dépendance d'un seigneur.

Avant de faire l'exposé de cette situation, je dois donner quelques indications sommaires sur l'origine de Saint-Amand et sur la suite des seigneurs de cette ville.

On a émis, relativement aux commencements de Saint-Amand, des appréciations contradictoires. Parmi les plus recommandables d'entre les érudits qui se sont occupés du passé de cette ville, l'un ne reconnaît pas l'existence de Saint-Amand avant la première moitié du XVe siècle (2). Un autre pense que SaintAmand a été formé par la réunion de deux villes bâties l'une près de l'autre à 250 ans d'intervalle (3), la fondation de la première remontant à la fin du XIIe siècle (4).

Si, pour contrôler ces opinions inconciliables, on

(1) C'est le chiffre qui se trouve indiqué dans une adresse des habitants de Saint-Amand à l'Assemblée nationale du 21 août 1789 (Arch. du Cher, l. n. i.).— Le texte de cette adresse se trouve reproduit dans les Recherches historiques sur Saint-Arnand-Montrond, par M. Chevalier de Saint-Amand.

Dans un état dressé postérieurement à 1787, on indique que, d'après la multiplication par 25 du nombre des naissances depuis 1782 jusqu'en 1786, la population de Saint-Amand doit s'élever à 6,095 habitants. (Arch. du Cher, L, 456.)

(2) LA THAUMASSIÈRE, Histoire du Berry, édition 1863-1871, tom. III, pag. 142.

(3) CHEVALIER DE SAINT-AMAND, ouv. cité, pag. 5.

(4) Ibid. pag. 26.


6 RENSEIGNEMENTS PRELIMINAIRES

consulte les anciens titres, on reconnaît que l mière mention impliquant e e Saint-Amand

comm ra ion urbaine (1) se trouve consignée

dans une charte d'Humbert de Prahas, seigneur de Saint-Amand, datée du mois de novembre 1256 (2). Cette charte constate qu'un seigneur de Charenton du nom de Ebbes, probablement Ebbes VI qui vivait dans la seconde moitié du XIIe siècle (3), a édifié la ville franche de Saint-Amand, c'est-à-dire a constitué Saint-Amand en lieu de franchise, en accordant aux habitants, à charge de redevances, la liberté de leurs personnes et la faculté de disposer de leurs biens (4). Renaud de

(1 ) On trouve antérieurement mention de Saint-Amand, mais sans qu'on puisse affirmer s'il s'agit d'une ville ou d'un lieu dit. M. Chevalier parle, d'après l'Histoire du Bourbonnais de Coiffier-Demont, d'un Guillaume de Saint-Amand qui vivait en 1096. Ibid., pag. 20.

(2) Cette charte est littéralement transcrite dans une charte postérieure de Renoul de Culant de 1292, dont un vidimus, dressé en 1389, existe aux Archives du Cher. J'ai reproduit ce vidimus dans la IIIe partie de ce travail. (Voir ci-après,)

Je crois que c'est par suite d'une erreur de lecture que MM. Chevalier de Saint-Amand et Raynal donnent à la charte d'Humbert de Prahas la date de 1266.

(3) Renaud de Montfaucon est indiqué comme successeur d'Ebbes de Charenton dont il est question dans la charte de 1256. Or, c'est Ebbes VI de Charenton qui eut pour gendre et successeur Renaud de Montfaucon. Ebbes VI vivait encore en 1189. (LA THAUM., Hist, du Berry, tom. III, pag. 135 et 136.)

(4) Je crois qu'il ne faut pas prendre à la lettre cette phrase de la charte de 1256 : « Cum dominus Ebbo de Carentonio edificaverit villam francham de Sancto-Amando. »

En effet, quand les seigneurs concédaient des libertés à leurs sujets, c'était principalement en vue d'obtenir de ceux-ci des avantages pécuniaires. C'eût été dès lors une opération bien mal combinée que d'attribuer la franchise à une étendue inhabitée.

D'autre part (ce point de vue m'a été signalé par M. Buhot de Kersers dont l'autorité est si grande en ces matières), Saint-Amand était le centre d'une paroisse. Or, comme les paroisses existaient bien avant le XIIe siècle, qu'il n'en a guères été établi de nouvelles ni


RENSEIGNEMENTS PRELIMINAIRES 7

n, gendre et successeur d'Ebbes, confirme la franchise de Sai - Humbert de Prahas la

confirme à son tour et, comme les seigne aient

prétexte de leur condescendance à ratifier les engagements jurés par leurs prédécesseurs pour se faire consentir de nouveaux avantages pécuniaires, nous trouvons en 1292 une nouvelle confirmation de la franchise par Renoul IV de Culant, seigneur de SaintAmand.

La ville franche renferme une église, un châteaufort, des fours banaux (1) et un emplacement où se tiennent les foires et marchés (2) ; son nom est

alors ni depuis, il y a lieu d'admettre qu'antérieurement il y avait à Saint-Amand une agglomération d'habitants.

J'ajoute que si l'on ne peut considérer la mention d'édification d'une ville franche comme une formule de style pour indiquer la constitution d'une franchise, il serait cependant difficile d'interpréter autrement qu'au sens figuré des expressions analogues consignées dans d'autres chartes de la même époque.

Ainsi, dans une charte de 1226 de Renaud de Montfaucon, confirmative de la franchise de la Perche, on indique à deux reprises qu'Ebbes de Charenton a bâti la ville franche de la Perche sous des redevances ou moyennant des redevances. (Arch. du Cher, E, 239.)

Peut-être la mention dont il s'agit a-t-elle cette signification qu'Ebbes de Charenton, en même temps qu'il affranchissait SaintAmand, aurait entouré la ville de fortifications.

(1) « Furnos sibi retinuit, etc. » Charte de 1256.

(2) Une partie des dispositions de la charte de 1256 implique l'existence de marchés à Saint-Amand,

Dans les coutumes octroyées aux bourgeois de Vesdun par Renoul de Culant, en novembre 1275, on lit : « Et je donne perdurablement lou marché ou mardy en la ville franche de Veydun, à la coutume de Saint-Amand. » (LA THAUM., Coutumes locales, pag. 103.)

M. Chevalier de Saint-Amand dit avoir trouvé dans les titres de Noirlac la preuve qu'en 1260, « le marché de Saint-Amand était établi et bâti » ; mais il émet à tort cette supposition que ce marché était sur le fonds de Saint-Amand-le-Châtel. (Ouv. cité, pag. 34.) — On verra plus loin que c'est seulement en 1550 que des marchés furent établis au Vieux-Château.


8 RENSEIGNEMENTS PRÉLIMINAIRES

alors : Chastel de Saint-Amand, Castrum Amandi.

EU i originairement partie, comme on l'a vu, des possessions des barons de Charenton, possessions considérables et qui comprenaient, entre autres seigneuries, la sirie d'Orval, la châtellenie de Bruèresur-Cher et la baronie d'Epineuil. Il paraît que ces trois terres furent distraites de la baronie de Charenton par suite d'un partage intervenu en 1250 ou 1251 et attribuées à Henry II de Sully (1) ; mais rien n'autorise à admettre que ce partage ait conféré à Henry de Sully des droits sur Saint-Amand. Depuis lors, en effet, Humbert de Prahas et ensuite Renoul de Culant semblent avoir été seuls maîtres de l'intégralité de la ville (2). Je constate, au contraire, qu'en 1321 la partie du territoire de Saint-Amand contiguë à la sirie d'Orval et où se tenaient les foires et marchés est annexée au domaine des successeurs d'Henry de Sully (3) et considérée comme faisant partie de la sirie d'Orval, sous le nom de Marché ou Grand-Marché de Saint-Amand. Le surplus de la ville où se trouvait le château demeure la propriété de Renoul et de ses successeurs barons de Culant et conserve le nom de Chastel de Saint-Amand, dénomination à laquelle se trouve fréquemment ajoutée l'épithète de Lallier, qui

(1) La Thaumassière, dans son Histoire du Berry, mentionne ce partage en lui donnant tantôt la date de 1250, tantôt celle de 1251, tom. III, pag. 134 et 142.

(2) Si le partage de 1250 eut attribué le marché de Saint-Amand a Henry de Sully, Humbert de Prahas n'eut pas, dans la charte de 1236, établi le tarif des droits qui devaient lui être payés par les étrangers qui viendraient commercer dans la ville.

(3) 1321, aveu et dénombrement rendu à Mr de Sully par Guillaume de Saint-Christophe, écuyer, des droits de leude et mesurage dans les foires de Saint-Amand, (Arch. du Cher, E, 203.)


RENSEIGNEMENTS PRÉLIMINAIRES 9

es ement une forme corrompue substituée à

Saint-Amand-l'Ailler, a e l'ail étant autrefois,

dit-on, très-répandue dans la campagn onnante

onnante

Les limites de la partie de Saint-Amand comprise dans la sirie d'Orval ne furent nettement déterminées que par une transaction passée en l'année 1400 (2). Plus tard, par suite d'un arrangement intervenu entre les bourgeois et Charles d'Albret leur seigneur, en avril 1431, la ville du marché de Saint-Amand est entourée de fortifications (3). Déjà elle était protégée par le château de Montrond édifié probablement au XIVe siècle (4), sur une éminence, à l'extrémité la plus éloignée de Saint-Amand-Lallier.

(1) Il existait encore, en 1789, à Saint-Amand, des droits de dime portant spécialement sur l'ail.

Herver de Berne, curé de Saint-Amand, qui a composé, en 1543, un panégyrique des seigneurs de Saint-Amand de la maison d'Albret, traduit Lallier par l'adjectif alliferus, productif en ail(Voir Essai de bibliographie berruyère, par M. Louis Rollet, Mémoires de la Société historique du Cher, 1885-1886, pag. 253.)

(2) Transaction du 8 janvier 1400 entre Marie de Sully, veuve de Guy de la Tremouille, au sujet d'un procès pendant entre elle et Guichard de Culant, seigneur de Saint-Amand-Lailler, au sujet des limites de leurs justices. Une copie de cette pièce se trouve dans les manuscrits de M. Haigneré, a la Bibliothèque de Bourges.

(3) Voir ci-après la copie intégrale de l'arrangement d'avril 1431.

(4) La Thaumassière, en tête des chapitres qu'il a consacrés à Henry III de Sully, mort en 1285, et à Henry IV de Sully, mort entre 1334 et 1340, leur donne, entre autres titres, ceux de seigneurs d'Orval, Montrond, Bruères, Epineuil (Hist. du Berry, tom. II, pag. 310 et 311) ; mais il n'appuie cette mention par aucun fait. Il indique, il est vrai, que postérieurement Eudes, baron de Culant et de Châteaunenf-sur-Cher, « obtint arrêt de Parlement, le 28 juil» let 1380, contre Louis de Culant, par lequel il fut condamné à lui » faire la foi et hommage du château de Montrond et dépendances » assises entre les rivières de Cher et d'Auron » (tom. III, pag. 114.); mais on ne saurait accorder confiance à cette indication, parce qu'en


10 RENSEIGNEMENTS PRÉLIMINAIRES

Cette forteresse, d'une masse imposante les alentours, devient abitants le GrandChâ

GrandChâ Petit-château celui qui, dans l'origine,

l'origine, la place (1). Cette dernière désignation fut bientôt remplacée par celle de VieuxChâteau. Ce nom de Vieux-Château finit par s'appliquer soit à la seigneurie même de Saint-Amand-Lallier, soit à la partie de la ville qu'elle comprenait et qui avait diminué d'importance au point d'être réduite à l'état de faubourg (2). Au contraire, le quartier du Marché s'était notablement accru, les habitants ayant naturellement tendance à se fixer là où ils avaient à traiter leurs affaires. On prétend, du reste, que les gens

1380 ce n'était pas Louis de Culant, mais Louis de Sully qui se trouvait seigneur du marché de Saint-Amand et de la sirie d'Orval.

M. Chevalier de Saint-Amand pense, d'après un vieux curé de Saint-Bonnet-le-Désert qui vivait à la fin du siècle dernier, que le château de Montrond aurait été bâti en 1350 par Philippe de Valois. (Ouv. cité, pag, 98.) Cette opinion est inadmissible. Au temps de Philippe de Valois, le marché de Saint-Amand et la sirie d'Orval n'appartenaient pas à la couronne, mais à Louis de Sully et la légende racontée par le curé de Saint-Bonnet-le-Désert n'est, à ma connaissance, habilitée par aucun titre ni aucun renseignement historique. Mais dans la transaction du 8 janvier 1400, dont il est question plus haut, il est expressément mention du chastel de Montrond. Ce château existait donc au XIVe siècle. M. Chevalier mentionne du reste (pag. 70) un titre du 14 mars 1374 donné au château de Montrond (Fonds de Noirlac).

(1) Voir notamment lettres du roi Charles du 26 mars 1443, décision du bailli de Saint-Pierre-le-Moutier du 14 avril 1444. (Arch. du Cher, E, 203.)

(2) Voici quels étaient, en 1777, les rues et hameaux composant la collecte du Vieux-Château qui devait correspondre à peu près à la seigneurie du même nom : rue de l'Hôtel-Dieu en partie — rue de la Montée de Jalap — rue de la Porte-Verte — la Grenouillère en partie. — Hameaux : le Vernet — rue Basclée — le Ménicart — la Gadonnerie — les Bourgeois — le Breuil-Gasteau— Grand-Village.

(Rôle des vingtièmes, pour la collecte du Vieux-Château en 1777. Arch. du Cher, E, 203.)


RENSEIGNEMENTS PRÉLIMINAIRES 11

la suite de la destruction de leur bourg par les Anglais, aurai gré au Marché de SaintAmand. Ce mouvement de la population pliquer les noms successifs donnés à l'agglomération urbaine soumise au seigneur de Montrond : Marché ou Grand-Marché de Saint-Amand, Marché et Ville de Saint-Amand, enfin Ville de Saint-Amand ou de SaintAmand-Montrond. Au moment de la Révolution, l'ancien Marché devenu la ville de Saint-Amand est, depuis longues années, considéré comme le chef-lieu de la sirie d'Orval (1).

De ce rapide examen des faits et des documents anciens, on doit, je crois, induire que Saint-Amand existait avant le XIIe siècle, que le territoire de la ville a été divisé entre deux seigneurs à la fin du XIIIe siècle ou au début du XIVe, et que la partie de la ville annexée à la sirie d'Orval a pris une extension considérable, tandis que la population s'est progressivement éloignée du centre primitif (2). N'y eut-il là

(1 ) Voici quels étaient, en 1777, les rues et lieux dits composant la collecte de Saint-Amand, qui comprenait la partie principale de la ville :

Rue Fradet — la chaume Billeron — rue du Petit-Vougon — rue aux Blanches — rue de la Nouvelle-Route — rue Bastée — les Ruelles — rue du Cheval-Blanc — rue de la Porte-de-Bourges — rue du Petit-Gréinay — Grande-Rue — rue Cordière — rue de la Porte-Mutin — rue Sainte-Barbe — rue Saint-Vitte — rue de la Prison — Place publique — rue de l'Hôtel-Dieu en partie — rue Bourguignon — rue Cornière — la chaume du moulin Bourguignon — rempart de la Blouze — rempart de l'Hôtel-Dieu — le champ Nodot — la Grenouillère en partie — le pont Pasquet — Varennes et Trois-Sabots — les Quatre-Vents,

(Rôle des vingtièmes, pour la collecte de Saint-Amand en 1777, Arch. du Cher, E, 203.)

(2) Je relève dans un aveu et dénombrement fait au duc de Bourbonnais par le seigneur de Saint-Désiré, en 1544, ces expressions caractéristiques : l'arrière fief « du châtel de Montrond et grand


12 RENSEIGNEMENTS PRÉLIMINAIRES

que des suppositions, elles seraient certain us

naturelles que l'hy ot arre d'une seconde

ville e eux siècles et demi après la fondation

fondation la première, le long des murailles de l'ancienne cité (1).

A partir de la séparation du Vieux-Château et du Marché de Saint-Amand, les deux parties de la ville se trouvent dans des mouvances féodales différentes. La seigneurie du Vieux-Château, à laquelle demeura toujours annexée une autre seigneurie, dite de Changy, située sur les paroisses de Coust et de Braize, relève du duché de Bourbonnais. Le seigneur du Vieux-Château et de Changy rend par suite hommage au Roi, et, précédemment, avant la réunion du duché à la couronne, il rendait hommage au duc de Bourbonnais (2). — Le Marché de Saint-Amand, qui ne forme qu'un seul ensemble avec la sirie d'Orval, la châtellenie de Bruère-sur-Cher et la baronie d'Épineuil, relève, comme ces trois terres, de la baronie de Saint»

Saint» de Saint-Amand auquel est de présent la ville, etc. » (Arch. du Cher, E, 177.)

(1) Je dois cependant signaler qu'il avait existé sur le territoire de la seigneurie du marché de Saint-Amand, le long du quartier du Vieux-Château, une rue dite Entre-deux-Villes. Elle portait déjà ce nom au temps de Sully, mais la division de Saint-Amand au triple point de vue féodal, judiciaire et fiscal, suffit, ce me semble, pour expliquer cette dénomination.

(2) La Thaumassière mentionne un hommage rendu par Guichard de Culant au duc de Bourbon en 1377 et relatif au Châtel et Châtellenie de Saint-Amand et à la Châtellenie de Changy. (Hist. du Berry, tom. III, pag. 116.)

Voir, de plus, aveu et dénombrement du 15 avril 1507, intégralement transcrit ci-après ; divers actes de foi et hommage au Roi, à cause de son duché de Bourbonnais, châtellenie d'Ainay par les seigneurs du Vieil-Château de Saint-Amand-Lallier et de Changy : 23 janvier 1547 — 29 mars 1548 — 10 janvier 1070 — 2 mars 1715 — 27 juillet 1717 — 24 novembre 1719. (Archives du Cher, E. 177.)


RENSEIGNEMENTS PRÉLIMINAIRES 13

Désiré et le baron de Saint-Désiré, dans l'hommage qu'il rend au duc de o s ou au Roi, à cause

du duché de Bourbonnais, comprend, à ti re fief, le château de Montrond, le Grand-Marché de Saint-Amand avec toutes les dépendances féodales possédées par le seigneur de Montrond entre les rivières de Cher et d'Auron (1). — Il est probable que, lors des arrangements qui amenèrent la division de Saint-Amand, cette ville appartenait au baron de Saint-Désiré, et ce dernier n'aurait consenti à la cession du Marché de Saint-Amand au seigneur voisin qu'à charge par celui-ci de lui rendre hommage à cause de la baronie de Saint-Désiré. Je constate, en effet, que Renoul IV de Culant est à la fois seigneur de Saint-Amand et baron de Saint-Désiré (2). C'est peut-être par suite des mêmes arrangements que les terres d'Orval, Bruère et Épineuil sont passées dans la mouvance de Saint-Désiré.

(1) Aveux et dénombrements par les seigneurs de Saint-Désiré au duc de Bourbonnais, des 30 décembre 1494 et de 1544. (Arch. du Cher, E. 177.)

Voir dans la même liasse divers actes de foi et hommage par les seigneurs de Saint-Amand au baron de Saint-Désiré, 28 septembre 1513 — 29 septembre 1541 — 27 septembre 1606 — 1er avril 1740.

Ces actes démontrent péremptoirement que le château de Montrond, le marché de Saint-Amand et les terres d'Orval, Bruères, Epineuil, étaient dans la mouvance de la baronie de Saint-Désiré. A la vérité, La Thaumassière indique dans son Hist. du Berry, tom. Il, pag. 315, que Louis de Sully fit foy et hommage des terres de Bruères, Orval et Epineuil, au duc de Bourbonnais, le 29 août 1361; mais d'autre part il donne une indication qui contredit la précédente en énonçant que Louis de Culant aurait été condamné en 1380 à faire foy et hommage à Eudes de Culant « pour le château de Mont» rond et dépendances assises entre les rivières de Cher et d'Auron. » Tom. III, pag. 114. Les renseignements fournis par La Thaumassière sur le point en question ne sauraient donc faire autorité.

(2) La Thaumassière donne à Renoul IV de Culant le titre de baron de Saint-Désiré. (Hist, du Berry, tom, III, pag. 110.)


14 RENSEIGNEMENTS PRÉLIMINAIRES

Pendant plusieurs siècles, les deux parties de SaintAmand ont eu des différents et ont, par s , comprises dans les circonscriptions de deux justices seigneuriales distinctes. J'ajoute que chacune d'elles constitue une collecte.

Cependant l'unité de la ville subsiste au point de vue religieux, le Vieux-Château et le Marché de Saint-Amand ne formant qu'une seule paroisse. Elle subsiste aussi au point de vue municipal, les habitants de l'un et l'autre quartier de la cité ne formant qu'une seule communauté.

La séparation féodale ne cesse qu'en 1753.

Jusques-là, la seigneurie du Vieux-Château appartient successivement à la maison de Culant, à celle de Castelnau, à celle de Bigny. Vers la fin du XVIIe siècle, elle devient, par suite d'un mariage, la propriété de la famille de Montmorin. En 1753, le marquis de Pontchartrain est seigneur du Vieux-Château et de Changy (1).

Le grand Marché de Saint-Amand (2) appartient aux descendants d'Henri II de Sully jusqu'à la fin du XIVe siècle. — Vers 1360, alors que Louis de Sully est seigneur de Saint-Amand, les Anglais sont maîtres de la ville et du château de Montrond (3). — Entre 1400 et 1403, par suite du second mariage de Marie de Sully avec le connétable d'Albret, Saint-Amand passe sous la domination de la famille d'Albret. — Vers 1425, du temps de Guillaume d'Albret, fils du connétable, les environs de Saint-Amand sont ravagés par des

(1) Voir, dans les documeuts et notices, la liste des seigneurs du Vieux-Château de Saint-Amand, à partir de Renoul,

(2) Voir aussi, dans les documents et notices, la liste des seigneurs du Marché de Saint-Amand, d'Orval, Bruères, Épineuil.

(3) RAYNAL, Histoire du Berry, tom. II, pag. 301.


RENSEIGNEMENTS PRÉLIMINAIRES 15

ourguignons (1).—Lors de la Ligue du Bien public, Armand m ' Ibret, petit-fils du connétable,

connétable, embrassé la cause des rebelles, SaintAmand est pris d'assaut par Louis XI en 1465 et l'occupation de la ville est suivie de la capitulation du château de Montrond (2).— Marie d'Albret, par son mariage avec Charles de Clèves, fait entrer SaintAmand dans les possessions de la maison de Nevers. De 1549 à 1606, les ducs de Nevers sont seigneurs de Saint-Amand. — Pendant les guerres de la Ligue, en 1589, Saint-Amand est pris, évacué et repris par les troupes de M. de La Châtre (3). — Le 31 août 1606, Charles de Gonzagues de Clèves, duc de Nivernais, vend, moyennant 40,000 écus, à Maximilien de Béthune, duc de Sully, les terres d'Orval, Bruères et Épineuil, avec Saint-Amand-Montrond (4). — Le 6 février 1621, Sully cède Saint-Amand et ces trois seigneuries à Henri II de Bourbon, prince de Condé. Cette vente comprenait aussi d'autres terres et, notamment, celles de Culant et du Châtelet. Le prix en était considérable (5). Pour se libérer, le prince de Condé chercha à obtenir la confiscation, à son profit, des biens de son vendeur. Il échoua dans cette tenta(1)

tenta(1) Histoire du Berry, tom. III, pag. 21.

(2) Ibid., tom. III, pag. 102 et 103.

Il parait que, quelques années après, il y eut une révolte à SaintAmand, par suite de l'augmentation des impôts. Ibid., pag. 107.

(3) Ibid., pag. 171 et 187 et renseignements extraits des notes de M. Haigneré.

(4) LA THAUMASSIÈRE, Histoire du Berry, tom. III, pag. 143.

(5) 880,000 livres, d'après La Thaumassière, loc. cit.; 1,200,000, d'après Raynal, tom. IV, pag. 268. M. Raynal indique que la vente comprenait la terre de Villebon, dans le Perche, que La Thaumassière ne mentionne pas parmi celles ayant fait l'objet du contrat.


16 RENSEIGNEMENTS PRÉLIMINAIRES

tive (1); mais il prit sa revanche sur le comte de Sancerre et les créanciers de celui-ei, en faisant maintenir par justice, malgré une énorme surenchère, l'adjudication du comté de Sancerre tranchée à son bénéfice dans des conditions anormales (2). — Sully avait favorisé le protestantisme à Saint-Amand et avait même, dit-on, supprimé la chapelle du château de Montrond. Le prince de Condé suit une politique toute contraire. Il fonde dans la ville un couvent de Capucins (3). Ceux-ci avaient été appelés spécialement en vue de la conversion des hérétiques. Leurs prédications furent d'autant plus efficaces que le prince de Condé, ayant obtenu du Roi des lettres lui permettant d'interdire l'exercice du culte réformé dans certaines villes de ses domaines, ordonna à ceux des habitants de Saint-Amand qui persisteraient dans l'hérésie de se retirera 4 lieues de leur domicile (4). — Louis de Bourbon, fils d'Henri de Condé, passa au château de Montrond les premières années de son enfance. On lui a décerné le titre de Grand, bien que son triste rôle dans nos discordes civiles ne l'ait guères rendu digne d'un surnom glorieux. La dévastation du Berry et particulièrement des environs de Saint-Amand fut la conséquence des entreprises factieuses du Grand Condé. Le 1er septembre 1652, M. de Persan, qui commandait dans Montrond pour le prince de Condé, rend le château à M. de Palluau, général de

(1) RAYNAL, loc. cit.

(2) Notes sur Sancerre et ses environs, pour servir de complément à l'Histoire de Sancerre, par l'abbé Poupart — par l'abbé P.-S. M., Revue du Centre, 1880, pag. 277.

(3) Dossiers des capucins de Saint-Amand (Arch. du Cher).

(4) Notes chronologiques contenues dans l'un des dossiers des capucins de Saint-Amand — année 1628.


RENSEIGNEMENTS PRÉLIMINAIRES 17

l'armée royale et cette capitulation met fin aux troubles de la Fronde en Berry, Le Roi fit aussitôt détruire les fortifications de Montrond qui auparavant, par suite des travaux exécutés sur les ordres de Sully et d'Henri de Condé, était une place de guerre de premier ordre (1).

Je me borne à ces renseignements sommaires sur les faits anciens qui concernent Saint-Amaad, parce que M. de Raynal, dans son Histoire du Berry, a raconté les épisodes les plus saillants du passé de cette ville.

Saint-Amand reste dans la possession de la famille des Condé pendant plus d'un siècle et demi.

Louise-Anne de Bourbon, plus connue sous le nom de Mademoiselle de Charolais, déjà propriétaire de SaintAmand-Montrond, achète, le 16 août 1753, du marquis de Pontchartrain, les seigneuries du Vieux-Château et de Changy (2) et, depuis lors, les deux parties de Saint-Amand se trouvent réunies sous une seule domination féodale, comme au temps des seigneurs de Charenton (3).

C'est Mlle de Charolais qui fit commencer, en 1736, la démolition du château de Montrond, dont on avait du reste, depuis longtemps, négligé l'entretien.

(1) Voir, dans l'Histoire du Berry, de M. Raynal, tom. IV, liv. II, chap. II, le récit des troubles de la Fronde en Berry.

(2) Acte reçu Roger, notaire à Paris, le 16 août 1753. (Indication contenue dans un aveu et dénombrement du 25 septembre 1753, Archives du Cher, E, 177.)

(3) C'est donc à tort que M. Chevalier de Saint-Amand indique, pag. 69 de son travail, « que les descendants de Joseph-Gaspard de » Montmorin ont joui jusqu'à, la suppression des fiefs de celui du » vieux château de Saint-Amand. »

2


18 RENSEIGNEMENTS PRÉLIMINAIRES

Les terres du Vieux-Château et de Changy, d'Orval, Bruère, Epineuil, recueillies avec Saint-Amand-Montrond dans la succession de Mlle de Charolais par LouisFrançois-Joseph de Bourbon-Conty, comte de la Marche, sont mises en vente par ce dernier et adjugées à la barre du Parlement le 26 février 1766 à ArmandJoseph de Béthune, duc de Chârost, déjà propriétaire des terres contiguës de Meillant et de Charenton. Le duc de Chârost est ce grand seigneur philanthrope, en l'honneur duquel a été élevée, dans le jardin de l'Archevêché de Bourges, la colonne sur laquelle on lit l'inscription méritée : « Optimo civi, grati Bituriges. »

Le 17 décembre 1778 (1), le duc de Chârost revend Saint-Amand, la sirie d'Orval et la baronie d'Epineuil, en se réservant, parmi les terres qui avaient fait l'objet de l'adjudication de 1766, la seule châtellenie de Bruères. L'acquéreur est François-Marie comte de Fougières, lieutenant général de la province du Bourbonnais, ancien sous-gouverneur des Enfants de France et premier maître d'hôtel du comte d'Artois.

En 1789, par suite du décès du comte de Fougières, survenu quelques années auparavant, sa veuve est dame de Saint-Amand.

Quelles sont alors les prérogatives du seigneur de Saint-Amand ?

Il est haut justicier.

Cette qualité lui confère, au point de vue de l'administration de la justice et de la police, certaines des attributions de la puissance publique.

(1) Acte reçu Boulard, notaire au Châtelet de Paris, le 17 décembre 1778. (Indication contenue dans les lettres-patentes du mois de mai 1779, relatives à la constitution de la justice de Meillant. Titre imprimé communiqué par M. Rollet.)


RENSEIGNEMENTS PRÉLIMINAIRES 19

Il a de plus le droit de percevoir de ses justiciables des redevance, établies pour le rofit exclusif du seigneur.

Il importe d'étudier en premier lieu ces charges pécuniaires ; car elles sont la cause principale de l'hostilité des populations d'autrefois contre l'institution seigneuriale. Cet examen nous fixera du reste sur la condition légale des bourgeois dépendant d'un seigneur.


20 LES REDEVANCES SEIGNEURIALES

II

LES REDEVANCES SEIGNEURIALES

Les redevances seigneuriales avaient, dans l'origine, tout au moins une apparence de cause légitime, parce qu'elles étaient la condition de l'affranchissement des personnes et parfois la part contributive de chacun dans des dépenses d'intérêt général. Au XVIIIe siècle, leur raison d'être échappe ou bien elle est devenue odieuse comme rappelant l'ancienne servitude et, alors que l'État a assumé la charge de la plupart des services publics, les taxes payées aux seigneurs paraissent constituer l'exploitation pure et simple de la masse par quelques privilégiés. Opinion que nous trouvons plusieurs fois consignée dans les cahiers dressés à Saint-Amand en 1789 : « On ne conçoit pas, » disent les uns, qu'il faille acheter l'air qu'on respire » dans une ville (1) », et d'autres, avec une formule plus saisissante : « Le seigneur ne donne rien; on ne lui » doit rien. C'est à l'État qu'on doit tout (2) ».

Les prélèvements des seigneurs, comme les contributions publiques, frappent les différentes sources du revenu des particuliers.

A Saint-Amand, ils s'appliquent aux personnes, aux propriétés foncières. Ils comportent aussi des impôts indirects par voie de monopole et de taxes sur les objets de consommation.

C'est un fisc véritable, mais un fisc d'intérêt privé.

(1) Voir ci-après cahier des tailleurs et cahier n° 13.

(2) Voir ci-après cahiers des procureurs et des notaires.


LES REDEVANCES PERSONNELLES 21

Les Redevances personnelles.

TAXES DE BOURGEOISIE ET DE GUET ET CORVÉES DUES EN 1789 PAR LES BOURGEOIS DE SAINT-AMAND AU SEIGNEUR DE LA VILLE. — ORIGINE DE CES DROITS SEIGNEURIAUX : LE DROIT DE BOURGEOISIE CONSTITUAIT LE RACHAT DE L'ANCIENNE SERVITUDE. — DÉBATS JUDICIAIRES, DEPUIS 1612 JUSQU'A 1783, ENTRE LES BOURGEOIS ET LE SEIGNEUR DE SAINT-AMAND, AU SUJET DES DROITS DONT IL S'AGIT.

En 1789, tout bourgeois de Saint-Amand, « chef d'hôtel ayant feu et lieu », non noble ni prêtre, doit payer au seigneur, chaque année, lors de la fête de SaintMichel, à titre de droit de bourgeoisie, 12 deniers tournois et 3 boisseaux d'avoine et, à titre de droit de guet, 3 sols tournois. II est, en outre, tenu de 3 journées de charrois, s'il a voiture, et de 3 journées de corvées à bras, dans le cas contraire, à charge toutefois par le seigneur de nourrir les corvéables pendant le temps de leur service ou de leur fournir l'équivalent de leur nourriture en argent (1).

Tout forain, c'est-à-dire tout nouveau venu, qui, dans l'an et jour de son installation à Saint-Amand, ne s'est pas, par acte formel, dit aveu de bourgeoisie, reconnu bourgeois du seigneur, se soumettant par cela même à acquitter la taxe de bourgeoisie, est déchu de sa qualité d'homme libre et devient de serve condition (2).

(1) Arrêt de la Chambre des requêtes du Palais du 4 août 1783, entre le duc de Chârost et les Maire, échevins, habitants, corps et communautés de la ville de Saint-Amand. (Arch. du Cher, E, 205.)

(2) Ibid.


22 LES REDEVANCES PERSONNELLES

La redevance en argent est peu élevée (1).

La redevance en avoine est plus lourde.

ue, en 1789, que ces deux redevances constituent une charge de 3 livres 10 sols à 4 livres par ménage (2).

Quant aux corvées, elles sont fort onéreuses, surtout pour ceux qui doivent y employer leurs attelages. Elles sont même, à plusieurs points de vue, une obligation particulièrement pénible pour les personnes qui n'exercent pas une profession manuelle. Aussi, le grand commentateur des coutumes berruyères admet qu'un notable bourgeois peut se dispenser de faire personnellement les corvées en payant leur évaluation en argent ou en fournissant un remplaçant (3).

Mais ce qui révolte les habitants de Saint-Amand, plus encore que la charge pécuniaire supportée sans compensation, c'est le caractère humiliant des taxes et redevances dont ils sont tenus envers le seigneur.

Elles sont, pour eux, un signe et un reste de la servitude et cette appréciation est exacte. Un retour sur le passé va le démontrer.

Le plus ancien document qui nous soit parvenu relativement à l'ancienne condition des habitants de Saint-Amand est la charte, dont j'ai déjà parlé, du vendredi d'après Pâques de l'année 1292, contenant des accords entre Renoul, chevalier, seigneur de Saint-Amand, et les bourgeois de cette ville.

Cette charte relate, on le sait, de précédentes conventions intervenues, en novembre 1256, entre les

(1) Le denier est la 12e partie du sou.

(2) Voir ci-après cahiers de Saint-Amand.

(3) LA THAUMASSIÈRE, Coutumes locales, pag. 14.


LES REDEVANCES PERSONNELLES 23

bourgeois de la même ville et Humbert de Prahas, précédent seigneur.

Elle constate de plus, comme je l'ai indiqué, qu'Ebbes VI de Charenton avait constitué SaintAmand en lieu de franchise.

Ni dans les accords de 1256, ni dans ceux de 1292, il n'est question, d'une façon directe, soit de la situation originaire des habitants de Saint-Amand, soit des obligations prises par eux pour obtenir leur affranchissement. Mais, sur l'un et l'autre point, nous pouvons tirer de ces deux titres des inductions puissantes qui se trouvent confirmées par les renseignements résultant de documents postérieurs.

Ebbes de Charenton a fait de Saint-Amand une ville franche. L'établissement d'une franchise implique que, précédemment, le territoire était pays de servitude. Du reste, les chartes de 1256 et 1292, en constatant que, depuis la constitution de la franchise, les habitants sont libres de leurs personnes et ont la faculté de disposer de leurs biens, montrent par cela même que ce régime de liberté est exceptionnel et le résultat de concessions récentes. Antérieurement, ceux qui occupaient la contrée n'étaient certainement pas, au point de vue de leur statut personnel, dans une situation supérieure à celle des habitants des campagnes environnantes. Or, voici quelle est encore, aux XVe et XVIe siècles, la condition d'une partie des paysans des alentours de la ville, soit dans la seigneurie du Vieux-Château, soit dans la châtellenie d'Orval. Ils sont serfs et, dans cette partie du Bourbonnais, les conséquences de la mainmorte sont les suivantes : Le mainmortable est passible, vis-à-vis de son seigneur, de la taille serve qui est de deux natures : taille à volonté et taille abonnée. La taille à


24 LES REDEVANCES PERSONNELLES

volonté (1) qui, par suite du progrès des moeurs, est devenue, de taille à merci, taille à volonté raisonnable, est fixée, eu égard aux facultés du taillable, par les officiers du seigneur, assistés parfois de quelques personnes de la localité. Elle est due une fois l'année et s'acquitte à la mi-août, jour de la fête de NotreDame (2). La taille abonnée, dont le chiffre a été déterminé par une convention, ne peut varier dans sa quotité, quels que soient les changements survenus dans la situation du taillable (3). De plus, le serf, pour me servir des expressions du temps, est charroyable ou corvéable, suivant qu'il a ou non bêtes de trait et charrettes. Dans le premier cas, il doit à son seigneur, comme le confirme la coutume du Bourbonnais, 4 journées de charrois et, dans le second cas, 4 jours de corvées (4). Enfin, le serf ne peut céder ses biens qu'à des personnes de sa condition et habitant

(1) Coutume du Bourbonnais, art. 190.

(2) Voir transaction du 15 juillet 1470 entre le seigneur de SaintAmand et Changy et deux particuliers, par laquelle ceux-ci ont reconnu être hommes-serfs du seigneur, taillables une fois l'an à volonté raisonnable. (Arch. du Cher, E, 205.)

Voir encore un rôle dressé en 1478, contenant les noms et surnoms des hommes et femmes serfs et taillables une fois l'an, à Notre-Dame de my-août, imposés suivant la volonté de dame Isabeau de la Tour, tutrice naturelle de M. Jean d'Albret, son fils, seigneur d'Orval, Bruyères-sur-Cher, dressé par les officiers de justice de la dite dame. (Arch. du Cher, E, 171.)

La même liasse contient d'autres rôles de taille serve à volonté, dressés dans les années suivantes.

Dans l'aveu et dénombrement de 1507 intégralement transcrit ciaprès, relatif au Vieux-Château, il est question d'hommes et femmes serfs taillables à voulinté.

(3) Dans l'aveu de 1507, il est question d'hommes et femmes abonnés.

(4) Coutume du Bourbonnais, art. 191.


LES REDEVANCES PERSONNELLES 25

la même seigneurie (1). A sa mort s'exerce le droit de mortaille, c'est-à-dire que, quels que soient les représentants naturels du serf, même des e s le seigneur a droit à la succession, si les héritiers ne vivaient pas en commun avec le défunt (2). J'ajoute que le mainmortable, étant l'homme de la glèbe, ne peut se marier hors de la seigneurie sans le consentement du seigneur et que celui-ci même a, en principe, le droit de suite pour contraindre le serf fugitif à réintégrer la terre de servitude.

Comment les habitants de Saint-Amand sont-ils sortis du servage ? En d'autres termes, leur affranchissement a-t-il eu lieu à titre gratuit? Au XVIIIe siècle, on l'a soutenu un instant au nom des bourgeois de Saint-Amand, pour les besoins de leur défense, dans le procès dont je parlerai bientôt ; mais cette supposition est inadmissible.

L'affranchissement par pure générosité ou par un sentiment de respect pour la dignité humaine n'est pas dans les idées de l'époque. Que l'on consulte les chartes des XIIe et XIIIe siècles relatives à la constitution de lieux de franchises dans nos contrées et l'on verra par l'ensemble de leurs dispositions et quelquefois même par les énonciations de leurs préambules, que des considérations d'intérêt personnel sont entrées, pour la plus large part, dans les concessions de libertés faites par les seigneurs à leurs sujets.

Voici l'avantage qui résultait pour le seigneur de l'affranchissement de ses mainmortables.

L'exploitation des serfs (je me sers à dessein du terme « exploitation » ; car, dans le langage de l'époque,

(1) Coutume du Bourbonnais, art. 201 et 202.

(2) Ibid., art. 207.


26 LES REDEVANCES PERSONNELLES

les serfs sont dits gens exploitables), l'exploitation des serfs, dis-je, devait être fort peu profitable. Je vois, dans s, des ouvriers ou paysans faméliques,

fort peu disposés à travailler et à économiser pour se constituer un pécule qui, soit de leur vivant, par suite de la taille, soit après leur mort, par l'effet de la mortaille, court le risque de tomber dans les mains du seigneur et, de fait, j'ai été étonné, en consultant certains rôles de taille serve à volonté, de la modicité du produit qui résulte de cet impôt arbitraire.

Au contraire, quand le seigneur élève ses mainmortables à la condition de bourgeois, restreignant ses droits à leur égard dans des limites précises, les laissant circuler et commercer à leur guise, transformant des possessions précaires en une propriété véritable, des populations précédemment apathiques et insouciantes deviennent, par l'effet de la liberté et du stimulant de l'intérêt personnel, industrieuses et économes. Leur bien-être s'accroît et le seigneur en profite ; car, non-seulement il est plus sûrement payé des redevances fixes substituées à la taille serve, mais il bénéficie du mouvement général des affaires par la perception de taxes sur les commerçants et les différents objets de consommation. Aussi les chartes de franchise consistent, pour une grande partie, dans l'énumération des prestations en nature ou en argent imposées par le seigneur comme condition de l'affranchissement.

Une redevance fixe, constitutive du droit de bourgeoisie, a été certainement stipulée par le seigneur lors de l'établissement de la franchise de Saint-Amand. Et d'abord l'accord de 1256 indique que les coutumes, comme les cens, sont payables en la ville. Or, les coutumes étaient des redevances serviles ou d'origine


LES REDEVANCES PERSONNELLES 27

s t l droit de bourgeoisie a sa cause dans

l'ancienne s rvitude.— D'autre part, lors de la convention de 1292, le seigneur de Saint-Amand se fait réserve, contre chaque personne tenant feu et lieu, d'une mine d'avoine (1) et de 8 deniers tournois et, bien qu'à s'en tenir à la lettre du document, cette redevance paraisse spéciale aux habitants de la baronie de Charenton, une interprétation rationnelle conduit à admettre que la réserve dont il s'agit était insérée à l'encontre des bourgeois de Saint-Amand, qui seuls, avec Renoul de Culant, figurent au contrat de 1292. — Enfin, ce qui achève de démontrer que le droit de bourgeoisie résulte des conventions intervenues lors de l'affranchissement de Saint-Amand, c'est que nobles et prêtres en ont toujours été exempts : les nobles, parce qu'ils étaient présumés avoir toujours été de condition libre et les ecclésiastiques, parce que, ceux d'origine serve n'ayant pu entrer dans les ordres qu'avec l'agrément de leur seigneur, ce dernier était censé avoir renoncé à leur égard à tout devoir découlant du servage (2).

Dans le contrat de 1292, il est même question de l'aveu de bourgeoisie; mais on n'en saurait tirer argument au point de vue qui nous occupe; car voici à quelle occasion l'aveu de bourgeoisie fut établi. Renoul de Culant soutenait avoir le droit de lever, tous les trois ans, une taille sur ses bourgeois de Saint-Amand. Sur cette prétention, on transigea et, au lieu d'une taille triennale dont le chiffre eût été à la discrétion du seigneur, les bourgeois s'obligèrent à payer à celui-ci,

(1) La mine était, je crois, la moitié d'un setier.

(2) Sully jugea, du reste, qu'il n'était pas convenable d'assujettir à la taxe de bourgeoisie les officiers de l'Election de Saint-Amand qui étaient des magistrats royaux. (Arch. du Cher, E, 205.)


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chaque année, pour la Toussaint, une redevanc 20 livres tournois. Mais, pour diminuer la charge qui devait incomber à chacun d'eux du chef de cette redevance, ils stipulèrent que le seigneur ne pourrait recevoir dans la bourgeoisie que des personnes taillables. Il fut convenu, de plus, que si les forains qui fixeraient leur domicile à Saint-Amand ne se déclaraient bourgeois dans l'année de leur installation, s'assujettissant par cela même aux obligations de leurs nouveaux compatriotes, ils deviendraient serfs du seigneur, par suite réduits à une condition inférieure à celle qu'ils eussent pu acquérir s'ils s'étaient avoués bourgeois. La redevance de 20 livres tournois tomba en désuétude. On oublia la raison qui avait fait édicter, à la demande des bourgeois, une pénalité rigoureuse contre les nouveaux habitants qui n'auraient pas adhéré à la bourgeoisie et, dans la suite, l'on considéra l'aveu de bourgeoisie comme une formalité uniquement exigée dans l'intérêt du seigneur.

Si les titres anciens permettent de reconnaître l'origine de la taxe de bourgeoisie, ils sont muets sur le droit de guet.

Au contraire, l'accord de 1256 porte que le seigneur ne pourra contraindre les bourgeois au service militaire. Mais il est établi, de la façon la plus certaine, que, depuis lors, soit pour la garde du Vieux-Château, soit pour celle de Montrond, les hommes de la ville et même ceux du territoire des deux seigneuries étaient dans l'usage de faire le guet à tour de rôle et même de nuit (1).— Au mois d'avril 1431, Charles d'Albret, alors seigneur des Marché et Ville de SaintAmand, fait, avec ses bourgeois, une convention aux

(1) Arch. du Cher, E, 205.


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termes de laquelle ceux-ci s'obligent à opérer la fortification de la cité, moyennant certaines concessions, la plupart temporaires, et l'exemp erpétuelle du guet de nuit quand la place serait en état de défense. Réserve était faite de la garde de jour. — Plus tard, des ordonnances de Louis XI et de Louis XII de 1479 et 1504 permettent aux habitants du royaume de s'exonérer du service du guet moyennant une indemnité pécuniaire. Mais, malgré ces ordonnances, les habitants de Saint-Amand continuent, notamment pendant les guerres de religion, à être requis personnellement pour la garde des remparts. Nous avons même, pour cette période, des rôles de guet qui donnent la composition des différentes escouades, avec les noms des caporaux qui les commandent (1). J'ai lieu de croire que c'est peu après la fin des luttes religieuses qu'on cessa d'imposer aux habitants de Saint-Amand l'obligation de faire personnellement le service du guet.

En ce qui concerne les corvées, elles étaient sans doute implicitement comprises parmi les coutumes réservées par la charte de 1256. En 1431, les gens de Saint-Amand conviennent avec leur seigneur d'appliquer les manoeuvres des habitants à l'établissement des fortifications. Plus tard du reste, en 1520, lors de la rédaction de la coutume du Bourbonnais, on consacre ce principe que, dans la province, le chef de famille, même de condition libre, mais sujet d'un seigneur haut justicier, lui doit 3 charrois par an, s'il a boeufs et charrettes et tout au moins 3 corvées à bras (2).

(1) Arch. du Cher, E, 205.

(2) Coutume du Bourbonnais, art. 339.


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Quoi qu'il en soit, il semble que taxes de bourgeoisie et de guet, charrois et corvées n'étaient plus exigés des bourgeois au commencement du XVIIe siècle, les ducs de Nevers, alors seigneurs des Marché et Ville de Saint-Amand, qui avaient donné des preuves d'un généreux intérêt pour leurs sujets, se contentant sans doute de percevoir les redevances seigneuriales foncières ainsi que les revenus des immeubles qui constituaient leur domaine particulier.

Mais, en 1606, Sully devient seigneur de SaintAmand-Montrond.

Sully apportait, dans la gestion de son patrimoine, l'esprit d'ordre grâce auquel il put rétablir les finances de l'État. Il importerait même pour sa gloire qu'il se fût montré moins soucieux de ses intérêts personnels.

Il cherche à tirer le parti le plus avantageux possible de sa nouvelle acquisition. Il donne à ses préposés des instructions minutieuses et en contrôle l'exécution. Il examine les pièces relatives aux affaires de la seigneurie. Il les annote (1) et, en prévison de difficultés judiciaires, il ne recule pas devant des recherches de jurisprudence (2).

Il n'a pas entre mains de titres obligeant les habitants de Saint-Amand à l'acquittement des taxes de bourgeoisie et de guet et au service des corvées. Il ignore certainement l'existence des chartes de 1256 et de 1292. Aussi, pour établir contre les bourgeois son droit à des redevances personnelles, il se prévaut

(1) Beaucoup de pièces relatives à Saint-Amand et déposées dans les Archives du Cher sont annotées par Sully.

(2) Je me souviens d'avoir vu dans nos archives une note de sa main relative aux droits des seigneurs Hauts Justiciers en matière de tabellionage.


LES REDEVANCES PERSONNELLES 31

d'anciens comptes des revenus seigneuriaux relatifs soit à la ville e and, soit aux terres de Bruère, Orval, Épineuil. Il invoque es on

tenues dans deux terriers dont les gens de SaintAmand ne paraissent pas reconnaître l'authenticité. Il accumule un nombre infini d'autres comptes, de reconnaissances, de chartriers concernant des terres voisines, afin de démontrer que, dans d'autres seigneuries, les habitants sont grevés de servitudes analogues à celles qu'il veut faire admettre pour Saint-Amand. Il tire même de la lacération partielle d'un vieux livre un argument peu flatteur pour ses vassaux. Ce livre, écrit par un chapelain d'un ancien seigneur de SaintAmand, relate les conditions de la franchise de plusieurs localités voisines. Rien sur Saint-Amand ; mais on remarque que, dans l'ouvrage, plusieurs feuillets font défaut. Alors, s'inspirant de la maxime : « Is fecit » cui prodest », Sully impute aux gens de Saint-Amand d'avoir fait disparaître les pages sur lesquelles auraient été consignées les obligations des bourgeois vis-à-vis du seigneur.

Embarrassé, à défaut de titres originaires et d'usages récents, pour déterminer la quotité des charges dont il prétend les habitants tenus envers lui, Sully, en ce qui concerne la taxe de bourgeoisie, se réfère à la coutume de la paroisse la plus voisine de SaintAmand, celle d'Orval. A Orval, chaque chef d'hôtel, non noble ni prêtre, doit payer au seigneur, chaque année, le jour de Saint-Michel, 12 deniers tournois. De plus, les propriétaires de maisons, lorsque ces maisons sont simplement grevées de cens, sont tenus de servir au seigneur une prestation annuelle de 6 boisseaux d'avoine, prestation réduite à 3 boisseaux lorsque les maisons sont, de plus, grevées de rentes,


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LES REDEVANCES PERSONNELLES

(différence facile à expliquer, le cens étant le plus souvent une redevance importance). Ceux ui o ez autrui ne doivent aussi que 3 boisseaux

boisseaux outre les douze deniers tournois. Sully réclame donc à chaque chef de famille, comme droit de bourgeoisie, 12 deniers tournois et 6 ou 3 boisseaux d'avoine, suivant la distinction qui vient d'être expliquée. Il prétend que ces redevances sont exigibles contre tous les bourgeois établis dans la ville et les faubourgs de Saint-Amand, contre toutes personnes qui viendraient à s'établir dans le même rayon et il se réserve même la faculté d'en réclamer le montant à ceux qui, ayant quitté la ville, fixeraient leur domicile en des terres sur lesquelles le seigneur de Saint-Amand a droit de suite pour ses serfs. De plus, comme Sully connaît, par tradition sans doute, l'obligation imposée au forain qui vient s'installer dans la ville de faire, dans l'an et jour, aveu de bourgeoisie, il demande que cette obligation soit consacrée à son profit. Il l'étend même à tous les habitants de Saint-Amand et prétend que, faute par eux de prendre, dans les trois mois, l'engagement personnel de payer la taxe de bourgeoisie en s'avouant bourgeois du seigneur, ils doivent être déclarés serfs, passibles de la taille serve et mortaillables.

Pour la redevance à titre de droit de guet, Sully se réfère aux usages suivis à rencontre des habitants des terres d'Orval, Bruère et Épineuil.

Quant aux charrois et corvées, il soutient y avoir droit dans les conditions où la coutume du Bourbonnais en accorde le bénéfice au seigneur haut justicier.

Pour établir des précédents favorables à ses prétentions, Sully adresse d'abord ses réclamations aux personnages qui, bien qu'exerçant à Saint-Amand les


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fonctions les plus en vue, sont cependant dans la dépendance particulière du seigneur : son bailli, François de Berne (1); le lieutenant de celui-ci, Antoine Bonnet; le juge gruyer et maître des eaux et forêts de la seigneurie, Josias Perrinet ; le procureur fiscal de la justice, Louis Mercier.

Résistance de ceux-ci. — Sully les destitue et, sur l'opposition de deux d'entre eux, la destitution est confirmée par arrêt du Parlement.

De plus, Sully appelle en justice ses anciens officiers, avec deux autres particuliers, afin de les faire condamner à la reconnaissance et au paiement des droits contestés. C'est le début du procès des avenages, ainsi nommé en raison de la redevance en avoine comprise dans les réclamations du seigneur.

L'instance est portée aux requêtes du palais, juridiction exceptionnelle, composée de conseillers au Parlement et de maîtres des requêtes, compétente dans la circonstance en raison de la qualité du demandeur.

Le 25 mai 1612, l'assignation est lancée. Grande émotion à Saint-Amand ! Les bourgeois se considèrent comme menacés dans leur état; il leur semble qu'on veut les réduire à une situation voisine du servage. Ils protestent « qu'ils sont francs et libres et affranchis de » toute charge personnelle, tout ainsi que doivent et peuvent » toutes personnes vivant en toute liberté et franche condi» tion dans un royaume franc et libre. » Le 27 mai, ils tiennent une assemblée composée des principaux habitants. Tout en proclamant « qu'ils n'ont volonté » d'offenser leur seigneur, voulant toujours demeurer ses » très-humbles sujets et serviteurs », ils décident d'intervenir dans la cause pour faire repousser les préten(1)

préten(1) de Berru.


34 LES REDEVANCES PERSONNELLES

tions du duc de Sully et ils déclarent, avec une grande

fermeté « qu'ils ne veulent et n'entendent tous lesdits diffé»

diffé» et procès être mis en compromis, voulant qu'ils

» soient jugés et terminés par arrêt de cour souveraine,

» ATTENDU QU'lL Y VA DE LEUR ÉTAT ET CONDITION DE LEURS » PERSONNES ET DE LEUR POSTÉRITÉ. »

Malgré l'intervention de la communauté, une sentence du 1er avril 1615 admit purement et simplement la demande et, sur l'appel interjeté par les manans et habitants de Saint-Amand, cette sentence fut confirmée par arrêt du Parlement de Paris du 24 septembre 1616 (1).

Les qualités de la sentence du 1er avril 1615 sont obscurément libellées en ce qui concerne la désignation des parties défenderesses et intervenantes et, bien qu'en fait il fût certain que la communauté des habitants de Saint-Amand eût pris part au débat, on peut se demander, à ne considérer que l'intitulé de la décision, si elle est rendue contre les six particuliers assignés originairement, ainsi que contre la communauté, ou seulement contre les six particuliers qualifiés de manans et habitants de la ville de SaintAmand.— Au surplus, devant aucune des deux juridic(1)

juridic(1) pu reconstituer les détails du procès entre Sully et le habitants à l'aide des renseignements contenus dans les pièces de la procédure relative à l'instance introduite par le duc de Chârost dont il va être ci-après question. (Arch. du Cher, l. n. i. — voir aussi E, 205.)

Des copies de la sentence du 1er avril 1615 et de l'arrêt du 24 septembre 1616 sont aux Archives du Cher. Ces décisions n'exposent pas les faits antérieurs. Elles ne contiennent que des indications très-succinctes au point de vue de la procédure et un dispositif (les jugements, sous l'ancien régime, n'étant pas motivés). J'ai donc pensé qu'il était inutile de faire imprimer ces documents.

Du reste, La Thaumassière, dans ses Coutumes locales, pag. 252, a reproduit l'arrêt du 24 septembre 1616 et M. Chevalier de SaintAmand l'a reproduit à son tour à la pag, 93 de son travail.


LES REDEVANCES PERSONNELLES 35

tion , unauté n'avait été régulièrement représentée,

représentée, échevin, ni mandataire spécial n'ayant défendu en sou nom.— D'autre part, on avait prononcé sur le litige sans audition des gens du roi.— De plus, d'après l'ancienne législation (et il en est encore ainsi à notre époque), il ne pouvait être statué en vacations sur les affaires ne présentant pas un caractère exceptionnel d'urgence. La délibération du Parlement n'était pas encore terminée au moment de l'ouverture des vacances. Sully, craignant sans doute que des juges favorables à sa cause ne fussent, à la rentrée du Parlement, attachés à d'autres chambres, obtint du roi des lettres patentes prorogeant pendant quinzaine les pouvoirs de la chambre saisie. Cependant l'arrêt n'avait été rendu que le seizième ou le dixseptième jour après la clôture des séances ordinaires du Parlement. — Enfin, il n'apparaît pas que les deux sentences eussent été signifiées aux intéressés.— Tous ces côtés critiquables de la procédure furent relevés plus lard par les bourgeois de Saint-Amand pour contester l'autorité des premières décisions intervenues dans l'affaire des avenages.

Mais, tout d'abord, à la suite de l'arrêt du 24 septembre 1616, les habitants, effrayés par la suprême gravité des conséquences que devait entraîner pour eux le refus de l'aveu de bourgeoisie, s'empressent de s'avouer bourgeois du seigneur. Dans les deux derniers mois de l'année 1616, les aveux de bourgeoisie s'élèvent déjà à 629. Ils dépassent le nombre de 1,000 en 1618 (1). Comme ils n'étaient exigés que des chefs d'hôtel, on peut considérer, comme on le soutint plus tard au nom du seigneur de Saint-Amand, que l'arrêt

(1) Arch. du Cher, l. n. i.


36 LES REDEVANCES PERSONNELLES

avait été exécuté par toutes les familles de la ville.

D'autre part, une série de baux et de comptes établit la perception des droits de bourgeoisie et de guet pendant une longue suite d'années, mais non sans résistance (1).

Les fermiers du seigneur ou son receveur sont, bien avant le commencement du XVIIIe siècle, obligés de recourir constamment à l'intervention de la justice pour contraindre les récalcitrants. On recule du reste, du côté du seigneur, devant l'application rigoureuse de la disposition de la sentence qui déclare serfs et par suite mortaillables les nouveaux venus qui n'ont pas fait aveu de bourgeoisie. En 1675 et 1676, les agents du seigneur, après avoir manifesté la prétention de s'emparer, par droit de mortaille, des successions de deux forains qui s'étaient établis à Saint-Amand sans avoir fait suivre leur installation d'un aveu de bourgeoisie, consentent à composer avec les héritiers (2). Les sentences de 1615 et de 1616 ne semblent pas du reste des titres inattaquables et on cherche à les faire corroborer par d'autres décisions judiciaires. A cet égard, je puis signaler un fait caractéristique. En 1678 décède un sieur Bertault, intéressé dans les aides. Il avait fixé son domicile à SaintAmand depuis huit ans et avait négligé de faire aveu de bourgeoisie. Le fermier de la seigneurie revendique sa succession et obtient gain de cause devant le bailli de Saint-Amand. Appel par les héritiers Bertault. Sur ce, transaction entre eux et le receveur du prince de Condé. La succession fut laissée aux héritiers moyennant l'obligation qu'ils prirent de tenir

(1) Arch. du Cher, l, n. i.

(2) Arch. du Cher, E, 205.


LES REDEVANCES PERSONNELLES 37

compte au seigneur d'une somme de 1,200 livres. Et cependant il fut convenu qu'on laisserait le Parlement rendre arrêt sur l'affaire (1). Les héritie ault

n'avaient plus intérêt à contester et ne durent pas se défendre devant le Parlement qui confirma le jugement du bailli de Saint-Amand. Plus tard, on invoqua l'arrêt contre les bourgeois, sans indiquer dans quelles conditions anormales il avait été rendu.

Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, le recouvrement des droits de bourgeoisie et de guet, que l'on désigne alors généralement sous le nom de « droits d'avenages », devient de plus en plus difficile et irrégulier.

Pour faire cesser toutes contestations, le comte de la Marche, en 1768, assigne les Maire et échevins devant son bailli de Saint-Amand, à l'effet de les contraindre à lui passer, au nom de la généralité des habitants, reconnaissance de ces droits. A cette demande, les représentants de la ville répondent d'abord par une exception d'incompétence. Puis, après le rejet de cette exception, ils réclament du seigneur la production de ses titres originaires et, comme le comte de la Marche se trouve dans l'impossibilité d'en rapporter aucun, l'instance reste en suspens. Après trois ans de discontinuation dans les poursuites, les Maire et échevins, usant du bénéfice d'une loi de procédure, font prononcer la péremption de la demande, qui est ainsi censée non avenue (2).

Les choses sont en cet état lorsque, en 1766, le duc de Chârost se rend acquéreur de la terre de SaintAmand. On lui avait expressément vendu les droits de

(1) Arch. du Cher, E, 205.

(2) Arch. du Cher, l. n. i.


38 LES REDEVANCES PERSONNELLES

bourgeoisie et avoines de la ville. Autant et plus peutêtre, comme la suite le prouvera, par esprit de régularité que par intérêt, il entend faire déterminer, d'une façon précise et définitive, quelles sont, à l'égard du seigneur, les obligations personnelles qui incombent aux habitants de Saint-Amand (1).

Après maints pourparlers, tentatives infructueuses d'arbitrage, il assigne, à la date du 21 mars 1776, les Maire et échevins aux requêtes du Palais, pour faire décider contre la communauté que tous les habitants de Saint-Amand seront tenus de lui consentir titre nouvel et reconnaissance pour les droits de corvées, guet et bourgeoisie. Il ne demande toutefois l'exécution des sentences obtenues par le duc de Sully qu'avec certaines restrictions ou modifications favorables aux bourgeois. Il ne renonce pas au droit de guet, bien qu'il soit bizarre de rappeler l'obligation pour les vassaux de garder les forteresses du seigneur, alors que le Vieux-Château n'existe plus et que Montrond est en ruines; mais il se borne à réclamer, à titre d'indemnité représentative du service du guet, la somme fixée par les ordonnances, sans se préoccuper du chiffre de la redevance dans les localités voisines. Pour la taxe de bourgeoisie, il ne fait aucune distinction entre les propriétaires de maisons et ceux qui logent chez autrui, entre les détenteurs d'immeubles grevés de cens et ceux qui supportent à la fois des cens et des rentes. Aux uns et aux autres, il ne réclame que 3 boisseaux d'avoine, outre les 12 deniers tournois. Enfin, indice caractéristique du progrès des

(1) Les renseignements qui suivent sont extraits des Archives du Cher, l. n. i. et E, 205, et aussi des délibérations de la communauté de Saint-Amand.


LES REDEVANCES PERSONNELLES 39

idées libérales, il ne conclut pas, contre les habitants lors établis à Saint-Amand, à la résolution du contrat d'affranchissement à défaut d'aveu e sie. Il admet que la déchéance résultant de l'inaccomplissement de la formalité ne doit s'appliquer qu'aux nouveaux venus.

Cette nouvelle demande révolutionne Saint-Amand, d'autant plus qu'on impute aux agents du seigneur d'avoir usé de subterfuge ou d'intimidation pour faire souscrire, par des habitants ignorants ou de situation dépendante, un acte de notoriété, espèce de certificat favorable aux prétentions du seigneur. Le Maire et les échevins sont autorisés à défendre à la demande, d'abord par la communauté, puis par l'Intendant. Un emprunt est voté pour faire face aux frais de l'instance. Puis commence, au moyen de formidables écritures, une guerre de sept ans entre les procureurs.

Dans l'intérêt des bourgeois de Saint-Amand, on propose, pour détruire l'autorité des sentences de 1615 et 1616, les critiques que j'ai déjà signalées. — On répond, au nom du duc de Chârost : si les gens du Roi n'ont pas été entendus lors du premier procès, c'est que, d'après la législation de l'époque, l'audition du ministère public n'était pas obligatoire dans les affaires intéressant les communautés. — A la vérité, l'arrêt de 1616 n'a pas été rendu dans la quinzaine de l'ouverture des vacations ; mais le jour initial et celui de l'échéance ne devant pas, d'après les règles de droit, être compris dans la computation d'un délai légal, le Parlement pouvait régulièrement statuer le seizième ou le dix-septième jour après le commencement des vacances. — Sans cloute il n'est pas justifié que les sentences de 1615 et 1616 aient été signifiées; mais elles ont été exécutées par les parties condam-


40 LES REDEVANCES PERSONNELLES

nées par suite des aveux de bourgeoisie et, juridiquement, l'acquiescement à une sentence équivaut à si ni

Mais le principal moyen de défense des bourgeois consistait dans une fin de non-recevoir contre la demande, en tant que dirigée contre les maire et échevins comme représentant la généralité des habitants. Les décisions obtenues par le duc de Sully, objectait-on au duc de Chârost, ne constituent pas de véritables titres contre la communauté. La sentence de 1615 n'est rendue que contre quelques particuliers. Ni lors de cette sentence, ni lors de l'arrêt confirmatif, les magistrats municipaux n'étaient en cause pour représenter la ville. Il n'est pas exact de dire que l'arrêt a été exécuté par la communauté ; car les habitants qui, à la suite de l'arrêt, ont fait aveu de bourgeoisie, n'ont, quel qu'ait été leur nombre, agi qu'individuellement. Votre action procède donc mal. Vous auriez dû poursuivre chaque particulier pour la reconnaissance de vos prétendus droits. — On pensait sans doute, si ce système était accueilli, mettre le duc de Chârost dans l'impossibilité morale de faire valoir ses prétentions, en le renvoyant à un procès monstre qui eût révolutionné la ville et nécessité d'énormes avances.

A cet argument, considéré comme capital, on ajoute, d'une façon subsidiaire, des moyens tirés du fond : Absence de titre primordial ; — appréciations historiques de fantaisie sur les conditions de l'affranchissement des habitants de Saint-Amand, que l'on attribue soit à l'autorité royale, soit à une concession gratuite d'un seigneur, soit à la révolution communale du XIIe siècle; — au besoin, prescription libératoire ; — le tout accompagné de protestations contre les


LES REDEVANCES PERSONNELLES 41

droits seigneuriaux, protestations que les conseils du duc de Chârost qualifient dédaigneusement de lieux communs.

Ces discussions aboutissent à une sentence rendue le 4 août 1783, aux requêtes du palais, et cette sentence s'applique même aux bourgeois du Vieux-Château, les maire et échevins ayant figuré dans l'instance comme représentant tous les habitants de SaintAmand, sans que, de part ni d'autre, on ait cherché à établir une distinction entre les gens du quartier du Vieux-Château et ceux du surplus de la ville. D'où l'on peut induire que les premiers étaient tenus autrefois, vis-à-vis de leurs seigneurs, d'une façon aussi rigoureuse que les bourgeois des Marché et ville de SaintAmand à l'égard du duc de Sully.

Je ne saurais dire quelles considérations déterminèent les juges de 1783, les décisions judiciaires, sous l'ancien régime, n'étant pas motivées. Dans son dispositif, non seulement la sentence du 4 août consacre les prétentions du duc de Chârost, mais encore elle condamne les habitants à lui payer les redevances arriérées à partir de la Saint-Michel 1765.

Cet arrêt intervenait alors que le duc de Chârost n'était plus propriétaire de la terre de Saint-Amand. Il l'avait vendue le 17 décembre 1778 au comte de Fougières, en comprenant expressément dans la vente les droits de guet, bourgeoisie, usages et corvées.

Mais aucune condamnation n'avait été prononcée au profit du comte de Fougières qui n'était pas intervenu dans la cause.

La sentence étant attaquable par voie d'appel, quelle suite convenait-il de donner à l'affaire ?

Le duc de Chârost avait, en maintes circonstances, manifesté sa grandeur d'âme et son esprit de désinté-


42 LES REDEVANCES PERSONNELLES

ressement. Aussi, une partie des habitants de SaintAmand et parmi eux les plus éclairés d'entre les bourgeois, désespérant de faire admettre par le Parlement leurs critiques contre les décisions rendues dans la première affaire, étaient d'avis d'adhérer à la sentence du 4 août, tout en faisant appel à la générosité du duc de Chârost pour obtenir un adoucissement aux condamnations relatives à l'arriéré.

Un autre groupe s'entêtait dans la résistance. Finalement, après deux délibérations, la communauté décida qu'un appel serait formé, mais seulement à un point de vue conservatoire et sauf à tenter un arrangement et, peu de temps après, une députation composée de trois officiers municipaux, du curé et de douze notables, se présentait devant le duc de Chârost qui assistait à Bourges aux séances de l'assemblée provinciale. Le duc de Chârost accueillit avec bienveillance ses anciens vassaux, mais en déclarant qu'avant d'indiquer la mesure des sacrifices qu'il lui conviendrait de consentir, il entendait que la communauté se désistât de son appel et acquiesçât formellement à la sentence.

Dans une assemblée de la communauté, du 7 novembre 1783, le Procureur du roi près la municipalité rend compte du résultat de l'entrevue. Je transcris presque intégralement son exposé. Il met en relief les causes de la longue résistance des habitants de SaintAmand. C'est en même temps un spécimen de cette phraséologie de l'époque, dont les caractères principaux, l'emphase, le pédantisme et la sensiblerie ne feront que s'accentuer dans la période qui suivra :

« Messieurs, prétendre que la servitude et la féoda» lité sont des systèmes qui ne peuvent jamais s'ac» créditer et qui répugnent à la liberté naturelle, c'est


LES REDEVANCES PERSONNELLES 43

» e purement philosophique. Dire que la ser» vitude est un abus contraire à la population et au » bonheur public, ce n'est que répéter ce qu ue

» individu sait par lui-même. L'humanité couverte de » chaînes et pouvant à peine respirer sous leur poids » est sans doute une de ces images que l'oeil nepour» rait jamais s'accoutumer à contempler.

» Telle fut, néanmoins, la Gaule soumise aux Ro» mains, subjuguée par les Francs et tels furent les » désordres qui prirent naissance dans les premiers » temps de la monarchie française. Notre patrie, » l'histoire nous en assure, ne produisait ancienne» ment que des citoyens qui portaient en naissant » l'empreinte certaine d'une servitude odieuse. Cha» que chef de bourgade ou comte en était le roi, ou » pour mieux dire, le tyran et ce n'est que par une » longue succession de temps que plusieurs provinces, » rentrées par la force des armes sous la domination » du trône, ont dépouillé la honte de leurs fers et ob» tenu l'usage de leur liberté naturelle par la bien» faisance de souverains victorieux.

» Mais tous les liens n'ont point été rompus et, » malgré que la servitude soit un malheur, disons » mieux, un outrage sanglant et barbare à l'humanité, » elle ne laisse pas d'avoir ses règles, ses principes » et ses lois. Elle tient encore sous sa domination » plusieurs provinces. La nôtre et celle du Berry, qui » l'avoisine, ne nous en présentent-elles pas les exem» ples les plus frappants et les plus douloureux?... » Des arrêts, tant anciens que récents, n'ont-ils pas » décidé en faveur de ces lois vraiment odieuses, » mais que le souverain n'a pas voulu détruire, parce » que le droit de servitude est une portion de pro» priété dans les mains du maître et que toute pro-


44 LES REDEVANCES PERSONNELLES

» priété est sacrée. Enfin notre propre coutume ne

» contient-elle pas des articles qui traitent de la ser»

ser» et de la taille et mortaille qui en sont les

» effets?

» Celle dans laquelle la ville de Saint-Amand se

» trouve enveloppée ne tient en rien au surplus de

» la barbarie des premiers temps. Elle a été com»

com» en une redevance en numéraire et n'attaque

» que nos biens, sans flétrir nos personnes. Tout ce

» qu'il y a d'affligeant, c'est que cette redevance dérive d'une

» cause aussi cruelle que celle de l'esclavage...

» O mes concitoyens, si pour vous rédimer d'un

» droit aussi exorbitant, il ne fallait qu'une victime,

» avec quel empressement vous me verriez me

» dévouer à votre bonheur et faire pour vous ce

» qu'Eustache de Saint-Pierre fit pour les Calaisiens ses

» compatriotes, dans une circonstance plus critique.

» Mais ce n'est point du sang qu'exige notre maître.

» Son coeur tendre et paternel est toujours ouvert à

» la bienfaisance et, malgré le tort qu'il peut re»

re» à la ville de Saint-Amand d'avoir résisté à

» la force de ses titres malgré l'impuissance où elle

» était d'y porter la plus légère atteinte, M. le duc de

» Chârost, charmé des premières démarches de la

» communauté auprès de sa personne, a déjà donné

» des marques de sa sensibilité sur notre sort. Et que

» ne devez-vous pas attendre de sa générosité ? Sa

» grande âme, mettant à part-tout intérêt personnel,

» ne s'occupe qu'à réparer les maux auxquels s'est

» exposée la ville de Saint-Amand et à combler les

» précipices qu'elle s'était creusés elle-même. II veut

» être arbitre de notre sort et, pleins de confiance en

» ses bontés, mettons-nous sans réserve à la merci de

» ses dispositions favorables. Croyez qu'il est déjà


LES REDEVANCES PERSONNELLES 45

» attendri sur vos calamités, qu'il se représente aisé» ment vos familles éplorées, gémissantes dans l'indi» gence, accablées sous le poids de redevance que les » temps ont accumulées et dont l'exercice ferait la » ruine des plus malheureux et réduirait aux » expédients ceux dont la fortune est un peu moins » épuisée.

» Mais pour mériter la bonté de ce seigneur bien» faisant, il faut vous présenter à lui avec un entier » dévouement, vous désister de l'appel interjeté et » acquiescer à la sentence du 4 août dernier... »

Le Procureur du Roi termine par quelques mots d'éloge dithyrambique à l'adresse du duc de Chârost. « S'il n'a pas une couronne, c'est que la fortune seule » la donne. Il lui suffit de la mériter. »

Conformément aux conclusions du Procureur du Roi, la communauté adhère à la sentence du 4 août et, le 31 décembre suivant, un arrêt du Parlement, donnant acte de l'abandon de l'appel, met fin à cette longue procédure.

Dans sa réponse à la députation des habitants de Saint-Amand , le duc de Chârost s'était implicitement engagé, pour le cas où les bourgeois ne persisteraient pas dans leur résistance, à ne pas exiger l'intégralité des redevances arriérées. Il tint sa promesse et voici dans quelle mesure. Antérieurement à son acquisition, les droits d'avenages étaient affermés ; mais le bail avait pris fin plusieurs années avant la vente consentie au comte de Fougières. Le duc de Chârost avait donc la disposition des arrérages échus pendant la période intermédiaire. Supposant que l'expiration du bail n'avait précédé que de quatre années l'entrée en jouissance de son acquéreur, il fait d'abord remise


46 LES REDEVANCES PERSONNELLES

aux habitants de Saint-Amand de quatre années d'arrérages. Puis, ayant reconnu que le dernier bail d'avenages avait cessé d'avoir effet, non pas quatre ans, mais huit ans avant le 17 décembre 1778, il étend sa remise aux arrérages de huit années. Les habitants n'avaient donc à supporter aucune partie des redevances venues à échéance, alors que le duc de Chârost eût pu jouir directement des droits d'avenages. Restaient les dépens considérables que le duc de Chârost avait dû avancer pour une procédure de sept années, suivie à Paris devant deux juridictions. Ces dépens incombaient de droit aux habitants de Saint-Amand; mais le duc de Chârost complète sa libéralité : il tient ses anciens sujets quittes de ces frais comme des redevances.

Le comte de Fougières suivit le généreux exemple de son prédécesseur et ce fut peut-être de sa part un sacrifice habile; car, en droit, il n'était pas certain que les décisions rendues depuis son acquisition pussent constituer un titre à son profit. La communauté fait solliciter auprès de lui la remise des arrérages courus depuis le 17 décembre 1778. De même que le duc de Chârost, le comte de Fougières demande d'abord qu'on ait à reconnaître à son égard les droits qui ont fait l'objet du procès et, cette reconnaissance opérée, il déclare les habitants libérés envers lui pour les redevances arriérées (1).

(1) Pour permettre d'apprécier l'importance des concessions faites par les derniers seigneurs de Saint-Amand, je dirai qu'en 1730 et 1757 les droits d'avenages étaient affermés moyennant une redevance annuelle de 1,800 livres. Plus tard, le prix de ferme avait été diminué en raison des difficultés de recouvrement des taxes en question et avait varié entre 900 et 1,200 livres par an.

Je ne pense pas que les corvées aient été jamais comprises dans les baux d'avenages.


LES REDEVANCES FGNCIÉRES 47

Mais pour l'avenir, les habitants de Saint-Amand restent astreints, et de leur propre aveu, à des prestations reconnues d'origine servile. Ils ne peuvent donc, à la veille de la Révolution, comme au début du procès contre Sully, se prétendre francs et libres à l'égard de leur seigneur. Leur véritable condition est celle d'affranchis.

Les Redevances Foncières.

FRANC-ALLEU, FIEF, CENSIVE. — DIVISION DE LA PROPRIÉTÉ A SAINT-AMAND AU TEMPS DE SULLY. — SULLY FAIT PRÉVALOIR LA MAXIME « NULLE TERRE SANS SEIGNEUR ».

En 1789, le territoire de Saint-Amand, de même qne les habitants qui l'occupent, est encore entaché de servitude. II se trouve en effet, pour la majeure partie, grevé au profit du seigneur de redevances dont le caractère ne pourra être apprécié avec exactitude qu'après quelques explications sur l'ancienne organisation de la propriété.

Au moment de la Révolution, il existe, quant aux bien fonds, deux manières principales de posséder à titre de propriétaire.

D'abord la tenure en franc-alleu. La terre allodiale ne relève que de son maître, lequel, à cause de la détention de son immeuble, n'est astreint à aucun devoir honorifique et à aucune charge pécuniaire vis-àvis d'un seigneur. C'est la propriété telle qu'elle est réglée par nos lois modernes et, s'il n'était bizarre d'appliquer à un régime nouveau des désignations d'autres temps, on pourrait dire que, sous l'empire du


48 LES REDEVANCES FONCIÈRES

Code civil, tous les immeubles de France sont possédés en franc-alleu.

Une seconde espèce de tenure, qui constitue une propriété dépendante, se subdivise en fief et en censive. Le fief est une terre noble et par suite d'une condition plus relevée que l'immeuble censuel. Mais ni le vassal ni le censitaire n'ont sur leur chose un droit entier. La jouissance du domaine utile leur appartient; mais à un autre est réservé le domaine éminent, ce qu'on appelle la seigneurie directe, et celui à qui revient la directe est, dans la quintessence juridique, le véritable seigneur de la terre. Il peut, du reste, lors de chaque mutation, réunir à la directe le domaine utile en se substituant à l'acquéreur par voie de retrait féodal ou censuel.

Il résulte de cette espèce de hiérarchie que les détenteurs de fiefs ou de censives doivent, dans certaines circonstances, avouer le droit supérieur du seigneur féodal ou censier ; ce qui a lieu, de la part du vassal, par l'acte de foi et hommage (1), suivi du dénombrement contenant l'indication détaillée des biens inféodés et, de la part du censitaire, au moyen d'une simple reconnaissance.

Il en résulte encore que les terres féodales parfois, et les censives dans tous les cas, sont grevées de redevances au profit du seigneur direct.

En Bourbonnais, le vassal ne doit à son seigneur

(1) A titre d'exemple des formalités de l'hommage en Bourbonnais, voici un extrait d'un acte du 2 mars 1715 constatant un hommage fait au Roi, à cause du duché de Bourbonnais, châtellenie d'Ainay, par Gaspard de Montmorin, seigneur du Vieil-Château. Le vassal se transporte, avec le président de la Chambre du Domaine du Bourbonnais, devant la principale porte du château de Moulins : « Ayant » posé son espée, bottes et espérons, teste nue et à genoux, a baisé » le verrou de la dite porte, en signe de foi et hommage. »


LES REDEVANCES FONCIÈRES 49

la bouche et les mains (1), c'est-à-dire la foi et l'hommag, suivi du dénombrement.

Mais le censitaire est tenu de prestations, consistant généralement en argent, céréales ou volailles. Ces prestations, le plus souvent fort modiques, sont, pour le seigneur censuel, plutôt récognitives de la seigneurie que constitutives d'un revenu. Ainsi, l'on trouve dans les terriers la mention de cens qui ont pour objet une fraction de poule ou ne s'élèvent pas au-dessus d'une pite, soit de la 48e partie du sou, de sorte qu'il fallait laisser cumuler les arrérages pendant plusieurs années pour que le paiement pût être matériellement effectué. Cependant, d'après la Coutume du Bourbonnais, les cens étaient accordables, c'est-à-dire que les conventions ou accords entraînant un changement dans la propriété des immeubles donnaient ouverture, au profit du seigneur censier, à des droits de mutation connus sous le nom de lods et ventes. Ces droits, qui n'étaient pas uniformes, s'élevaient d'ordinaire, dans la province, à 3 sols et 4 deniers par livre du prix (2). C'était là un bénéfice fort appréciable.

A s'en tenir aux règles ordinaires du droit, on eût dû admettre que tous les immeubles devaient être présumés libres et que, par suite, il incombait à celui qui soutenait avoir la directe d'apporter la justification de ses prétentions. C'était le système suivi dans plusieurs provinces, où l'on admettait la règle « nul seigneur sans titre ». Mais, sous tous les régimes, on a trouvé des légistes qui, oublieux des traditions professionnelles, ont prêté aux puissants l'appui de leur

(1) Commentaire des Coutumes du Bourbonnais, par Auroux des Pommiers, 2e édition, 1780 — voir le commentaire de l'article 368.

(2) Coutume du Bourbonnais, art. 395.

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50 LES REDEVANCES FONCIÈRES

argumentation servile. A l'encontre de la règle « nul seigneur sans titre», des feudistes ont imaginé la maxime « nulle terre sans seigneur », d'où résultait qu'un seigneur justicier, par le seul effet de sa qualité, était présumé avoir la directe et par suite faculté de lever des cens sur toutes les terres comprises dans la circonscription de sa justice. Je dois dire que la coutume du Bourbonnais (comme celle de Berry) prête à cet égard à la controverse, aucun texte de cette coutume ne consacrant d'une façon expresse la liberté des héritages. On arrivait cependant, à l'aide d'inductions, à la considérer comme allodiale (1) et, lors de l'acquisition de Saint-Amand par le duc de Sully, la maxime « nul seigneur sans titre » paraît prévaloir dans la ville.

Car voici quel était, à cette époque, l'état de la propriété dans la seigneurie du Grand-Marché de Saint-Amand. Cette portion du territoire de la cité était divisée entre 414 propriétaires et comprenait 715 parcelles qu'il faut classer en quatre catégories : 11 immeubles constituant des fiefs ; 236 terres censuelles ne relevant pas du seigneur de la ville; 161 héritages sont grevés de cens au profit de ce dernier ; les propriétés allodiales sont les plus nombreuses, elles s'élèvent au nombre de 317 (2).

Mais Sully, après avoir examiné personnellement la situation (3), juge possible d'étendre ses droits au point de vue des redevances foncières et, en invo(1)

invo(1) en ce qui concerne la Coutume du Bourbonnais, commentaire d'Auroux des Pommiers : « titre 28e, des censives et droits » de directe seigneuriale. »

(2) Archives du Cher, E, 208.

(3) Une note de la main de Sully se trouve au dos de l'état d'où sont extraits les renseignements ci-dessus.


LES REDEVANCES FONCIÈRES 51

quant la maxime « nulle terre sans seigneur », il émet, dans le procès qu'il intente en 612, la prétention de faire reconnaître, comme soumis à sa 1 ar

suite comme redevables de cens à son égard, tous les immeubles considérés jusqu'alors comme alleux. Sur ce point encore, il obtint gain de cause. La sentence du 1er avril 1615, renversant la présomption jusqu'alors acceptée, n'admet plus le franc-alleu pour les habitants de Saint-Amand qu'à la charge par eux de justifier de titres conférant ce caractère à leurs propriétés, faute de quoi ils doivent payer cens au duc de Sully, comme seigneur haut justicier et direct, et le montant des cens, en l'absence de documents qui y soient relatifs, doit être fixé d'après la quotité des redevances de même nature payées dans les terres voisines. L'arrêt du 24 septembre 1616 modifia il est vrai la sentence, mais seulement sur un point accessoire, en accordant aux détenteurs la faculté de se prévaloir à l'encontre de la réclamation des cens, non-seulement de titres spéciaux, mais encore de la prescription libératoire, suivant l'usage des lieux. Le Parlement expliqua aussi qu'il y avait lieu d'excepter du droit général reconnu au seigneur de Montrond les héritages qui, tout en étant situés dans les limites de sa justice, étaient compris dans une autre dépendance féodale ou censuelle : car un immeuble ne pouvant avoir deux seigneurs ne pouvait être grevé de deux cens.

La situation juridique résultant pour la propriété foncière de ces décisions judiciaires ne fut pas modifiée jusqu'à la Révolution.

En 1777, on évalue à 3,000 livres le revenu annuel probable que l'on pourrait tirer des cens et rentes, lods et ventes, tant pour le Vieux-Château et Saint-


52 LE MONOPOLE

Amand, que pour les seigneuries d'Orval et dé Bruère (1).

ou e, pour clore l'énumération des droits seigneuriaux relatifs aux immeubles, que tous les propriétaires de la ville, même ceux qui possèdent en franc-alleu, peuvent être tenus de fournir des déclarations constatant que leurs immeubles sont situés dans la circonscription de la justice et de reconnaître ainsi que, pour leurs biens comme pour leurs personnes, ils sont dans la sujétion du seigneur de SaintAmand.

Le Monopole

LE FOUR BANAL. — LA BOUCHERIE SEIGNEURIALE

La constitution de monopoles au profit du seigneur rentre dans les conditions de l'affranchissement de la ville.

J'ai ouï rapporter que le seigneur de Saint-Amand avait eu autrefois droit de banvin, c'est-à-dire droit exclusif de vendre du vin pendant un mois dans l'étendue de la seigneurie. Mais, au dernier siècle , la jouissance du banvin ne figure pas parmi les revenus seigneuriaux. Peut-être, en parlant de banvin, a-t-on fait confusion avec une dîme de vin qui était effectivement comprise dans les dépendances de la terre de Saint-Amand (2).

Mais il est certain que, depuis les temps les plus anciens, les habitants de Saint-Amand sont soumis à la banalité du four seigneurial. La réserve de cette banalité est mentionnée en la charte de 1256. Par suite,

(1) Rôle des vingtièmes pour 1777. — Le terrier d'Epineuil était affermé 600 livres. (Arch. du Cher, C, 231.)

(2) Rôle des vingtièmes pour 1777. (Arch. du Cher, C, 231.)


LE MONOPOLE 53

in d'établir des, fours particuliers et nécessité pour chacun de faire cuire son pain au four banal en payant, pour la cuisson, au préposé du seigneur ou à son fermier, une redevance évidemment supérieure à la rémunération qui fût revenue aux boulangers sous un régime de libre concurrence. Le système du four banal est du reste fort incommode et défectueux, en raison des dérangements qu'il occasionne, des retards qu'entraîne l'accumulation des fournées et de la corruption des pains qui est souvent la conséquence du voisinage de pâtes avariées. Aussi un commentateur de la coutume du Bourbonnais admet qu'au cas même où le seigneur a droit de four banal, les gentilshommes et tous autres possédant fiefs dans la seigneurie peuvent établir chez eux des fours pour leur usagé personnel (1).

Le premier four banal de Saint-Amand était placé au Vieux-Château. D'après la charte de 1256, les habitants doivent payer au fournier seigneurial un denier pour la cuisson d'une quantité de pain représentant un septier de blé et le fournier a droit, en outre, à une indemnité pour son bois et pour les autres accessoires qu'il peut employer pour le client.

Jusqu'en 1443, tous les habitants de Saint-Amand, non-seulement ceux du Vieux-Château, mais aussi les bourgeois des Ville et Marché sont assujettis à la banalité du four, lors inféodé et relevant non pas du seigneur du Vieux-Château mais du seigneur du Grand-Marché de Saint-Amand, situation qui, je l'indique incidemment, confirme mon opinion relativement à l'origine commune des deux quartiers de la ville.

(1) AUROUX DES POMMIERS, Commentaire de la Coutume du Bourbonnais, tit. 33 des MOULINS ET FOURS.


54 LE MONOPOLE

En 1443, Charles d'Albret s'avise de faire construire deux fours sur le territoire de sa seigneurie du GrandMarché et à les constituer en fours banaux pour cette partie de la ville. Cette entreprise ne portait préjudice qu'au fournier du Vieux-Château, ainsi privé de la majeure partie de sa clientèle ; elle était, au contraire, tout à l'avantage des habitants de la ville, qui obtenaient ainsi plus de facilités pour la cuisson de leurs pains.

Aussi l'établissement des nouveaux fours ne soulève d'abord d'autre protestation que celle du propriétaire du four du Vieux-Château (1).

Mais, plus tard, les bourgeois contestent la banalité. Ils sont déjà en difficulté à cet égard avec le duc de Sully. En 1738, tous les boulangers de la ville cuisent chez eux et des fours ont même été construits par plusieurs propriétaires.

Le 4 juillet 1738, le bailli de Saint-Amand, pour faire respecter le monopole du seigneur, rend une ordonnance prescrivant la démolition des fours particuliers et enjoignant aux boulangers et à tous autres d'aller faire cuire leurs pains aux fours banaux, à peine, en cas de contravention, de confiscation des fournées et de 3 livres d'amende pour la première fois.

La population s'émeut et les maire et échevins, pour appuyer la résistance des habitants, signifient au procureur fiscal une opposition contre l'ordonnance. De plus, sans attendre une solution régulière, ils font publier, au son de la caisse, que chacun est libre de faire cuire son pain où bon lui semble.

Ce mépris des injonctions du principal représentant

(1) Archives du Cher, E, 203.


LE MONOPOLE 55

de l'autorité seigneuriale ne pouvait demeurer impuni. Aussi, suivant l'usage alors généralement suivi à l'égard des subalternes dans les débats entre personnages officiels, le bailli, bravé par les officiers municipaux, fait emprisonner le tambour de ville.

Ces incidents donnèrent lieu à des débats judiciaires qui, par suite de décisions ou de désistements, se terminèrent à l'avantage du seigneur. Les boulangers eux-mêmes, principales parties intéressées, reconnaissent finalement la banalité des fours et un arrêt du Parlement, du 7 décembre 1741, donnant acte de cette reconnaissance, confirme l'ordonnance du 4 juillet 1738 (1).

En résumé, en 1789, il existe à Saint-Amand deux fours banaux, l'un sur la place publique, l'autre dans la rue aux Blanches. Il n'est plus question alors d'un four banal au Vieux-Château. Quant à la redevance due aux fourniers, elle est fixée, par l'ordonnance du 4 juillet 1738, à 1 sol pour la cuisson d'un pain d'un boisseau de farine, mesure de Saint-Amand. Les fourniers payent, de leur côté, au seigneur un loyer qui s'élève, en 1777, à 160 livres pour le premier four et à 150 pour le second (2).

La charte de 1256 constate que le seigneur s'était réservé les étaux des bouchers, de sorte qu'on ne pouvait exposer et vendre des chairs que dans la boucherie seigneuriale. Les bouchers cherchèrent bien, au siècle dernier, à s'exonérer de cette servitude ; mais un arrêt du Parlement, du 11 avril 1785, consacra l'ancienne possession du seigneur qui, au moment de

(1) Arch. du Cher, E, 203.

(2) Rôle des vingtièmes pour 1777. (Arch. du Cher, C, 231.)


56 DROITS DE PLACE — LEUDE — MESURAGE

la Révolution, tire partie de sa boucherie en affermant les étaux par voie d'adjudication (1).

Des Droits de place, de la leude et du mesurage (2).

On a déjà pu apprécier que, dès son origine, SaintAmand avait constitué un centre commercial. Dans la partie principale de la ville se tenaient le grand marché et trois foires par année (3). De plus, aux XVIe et XVIIe siècles, le seigneur du Vieux-Château obtint l'établissement de quatre foires et d'un marché (4). Dans les années qui précèdent la Révolution, un marché a lieu à Saint-Amand, tous les mercredis, et sept foires s'y tiennent, par année, en un emplacement dit la Chaume-Billeron, sur lequel se trouvait une halle contenant 20 arcades et 40 bancs. La plus célèbre et la plus fréquentée de ces foires, appelée la foire d'Orval, durait toute une semaine, vers la fin d'octobre (5).

Les seigneurs de la ville avaient naturellement cherché à bénéficier du mouvement des affaires et on ne saurait méconnaître qu'ils avaient, d'ancienneté,

(1) Au sujet de la boucherie seigneuriale, voir notamment : ordonnance du bailli de Saint-Amand du 19 novembre 1788. (Arch. du Cher, E, 4218.)

(2) Les renseignements contenus au présent paragraphe sont extraits des Archives du Cher l. n. i. et particulièrement d'un Mémoire dressé dans l'intérêt du comte de La Marche et d'une délibération de la communauté du 23 janvier 1774.

Voir aussi arrêt du Conseil d'Etat du 11 avril 1769. (Arch. du Cher, E, 203.)

(3) Voir, au sujet des foires, aveux de 1321 et 1343. (Arch. du Cher, E, 203.)

(4) Lettres patentes d'Henri II, de juin 1550, et de Louis XIII, de janvier 1614. (Arch. du Cher, E, 203.)

(5) De nos jours, cette foire a encore lieu à la même époque.


DROITS DE PLAGE — LEUDE — MESURAGE 57

droit de leude (1) et de mesurage et la propriété de la halle et du champ de foire. Par la charte de 1256, le seigneur se réserve le droit d'exiger, non-seulement à l'encontre des trafiquants du pays, des redevances annuelles en nature ou en argent assimilables à nos patentes, mais aussi contre tous commerçants, même du dehors, des taxes sur nombre de marchandises à l'occasion de leur vente ou peut-être simplement de leur mise en vente. Ces taxes, qui se rapprochent de nos droits d'entrée et de place, constituent la leude sur les foires et marchés. Quant au droit de mesurage, il consiste dans l'obligation imposée au marchand, avec charge de redevance, de se servir de l'aulne qui lui est fournie par le préposé du seigneur et de soumettre ses boisseaux à la marque seigneuriale. Au XIVe siècle, on voit le seigneur du GrandMarché donner en fief ses droits de leude et de mesurage. Au XVe siècle, Charles d'Albret bâtit la halle. Ses successeurs l'entretiennent et, dans les derniers temps, le fermier de la halle est dans l'usage de fournir aux marchands le bois nécessaire pour leur chauffage.

Cependant, au siècle dernier, des difficultés s'élèvent au sujet de la quotité du loyer des emplacements occupés dans la halle. En vain le duc de Chârost a recours au Conseil d'Etat pour l'approbation d'un tarif. La communauté reconnaît en principe la légitimité des droits de place à percevoir soit dans la halle, soit en raison de l'occupation du champ de foire par les bestiaux ; mais elle n'accepte pas la tarification officielle, tout en se gardant bien d'indiquer les chiffres qui lui paraîtraient devoir y être substitués.

(1) On dit aussi laude, laide, lesde.


58 LE DOMAINE IMMOBILIER DU SEIGNEUR

Toutefois, en 1777, le seigneur tire de la halle un revenu de 600 livres (1).

— Quant aux droits de leude et de mesurage, ils étaient déjà contestés au temps de Sully. Le comte de La Marche avait vainement essayé de les faire reconnaître en 1766 et le duc de Chârost n'est pas plus heureux en 1774. A l'un et à l'autre, qui ignorent la charte de 1256, on oppose le défaut de titres, ce qui n'empêche pas le seigneur de maintenir ses prétentions. Les redevances seigneuriales sur les denrées et marchandises mises en vente ou vendues dans les foires et marchés me paraissent être restées ainsi en discussion, entre le fermier du seigneur et les habitants, jusqu'au moment de la Révolution.

Le Domaine immobilier du Seigneur (2).

Les droits fiscaux du seigneur, ainsi contestés par les bourgeois d'une façon systématique, n'ont jamais formé qu'une minime fraction des revenus de la seigneurie.

Ces revenus, pour la plus notable partie, sont constitués par le produit d'immeubles ou de droits immobiliers que les seigneurs de Saint-Amand possèdent dans les conditions ordinaires.

Voici comment, en 1777 (3), se trouve composé le

(1) Rôle des vingtièmes de 1777. (Arch. du Cher, C, 231.)

(2) Les renseignements consignés au présent paragraphe sont extraits particulièrement des Rôles des vingtièmes de 1777. (Arch. du Cher, C, 231.)

(3) On sait que, par suite de la vente consentie le 17 décembre 1778 au comte de Fougières, la châtellenie de Bruère se trouva distraite des possessions du seigneur de Saint-Amand.

Je n'ai pas trouvé d'éléments suffisants pour déterminer dans quelle mesure cette division diminua les revenus du seigneur de SaintAmand.


LE DOMAINE IMMOBILIER DU SEIGNEUR 59

domai obilier du seigneur dans la ville de Saint-Amand et dans les seigneuries de Changy, d'Orval, de Bruère et d'Épineuil : les dépendances-du château de Montrond (1) ; en outre, plusieurs exploitations rurales ; des parcelles détachées, prés, terres arables ou brandes ; des étangs ; des moulins ; des maisons ; surtout de vastes parties boisées ; enfin des dîmes et des droits de terrage. J'indique, de plus, que le seigneur est propriétaire de quatre bacs destinés à la traversée de rivières : l'un d'eux, installé sur le Cher, près Saint-Amand, remplace un pont détruit peu auparavant.

Des explications sont nécessaires relativement à quelques-unes des catégories de biens que je viens d'énumérer.

Les bois de la seigneurie ont une étendue bien supérieure à celle des terres arables du domaine seigneurial, parce qu'il n'avait pas été besoin, pour en tirer parti, de les aliéner sous forme de baux à cens. Ces bois comprennent 4,000 arpents en futaie et 3,000 en taillis (2).

Au sujet des dîmes, je fais remarquer qu'elles ne constituaient pas nécessairement une propriété ecclésiastique. Par suite 'aliénations que le clergé avait pu régulièrement opérer usqu'au concile de atran et par suite probablement aussi 'usurpations féodales, de nombreuses dîmes étaient entrées dans le co1)

co1) 'ancien château de ontrond dépendait un parc clos de murs 'une contenance de 0 arpents, dont 0 en taillis. Une petite partie contenait une plantation de mûriers.

2) Il serait bien possible que les indications données à ce sujet par le contrôleur des vingtièmes fussent applicables pour partie aux bois des seigneuries de Meillant et de harenton, qui appartenaient alors 1777) au duc de Chârost, de même que Saint-Amand et les terres d'Orval, de Bruère et d'Épineuil.


60 LE DOMAINE IMMOBILIER DU SEIGNEUR

merce et sont restées possessions laïques jusqu'à la Révolution. Le seigneur de Saint-Amand est propriétaire de neuf dîmes grevant en partie les territoires de plusieurs paroisses. En 1777, ces neuf dîmes sont affermées 1,121 livres.

En ce qui concerne les droits de terrage, celui qui en bénéficie perçoit en nature une partie de la récolte provenant de l'immeuble terragier. Le propriétaire de cet immeuble est, par suite, dans la condition d'un colon qui jouit en vertu d'un bail à portion de fruits et, de même que dans le cas de métayage, le colon ne peut, de sa seule volonté, se substituer un autre exploitant, ainsi le détenteur de la terre détenue sous la charge d'un terrage ne peut vendre son immeuble sans le consentement du seigneur terragier. Aussi, bien que le droit de terrage, comme la dîme, consistât dans un prélèvement sur les récoltes, les droits du seigneur terragier étaient, à l'égard du propriétaire de l'immeuble grevé, plus rigoureux que ceux du décimateur. Le seigneur de Saint-Amand jouissait de droits de terrage sur neuf mas de terres et il tirait de ces droits un revenu de 993 livres.

Les propriétés seigneuriales étaient en partie affermées, en partie exploitées en régie.

En 1777, pour la fixation de l'impôt des vingtièmes qui grevait même les propriétés de la noblesse, on évaluait à une somme supérieure à 23,000 livres les revenus des terres de Saint-Amand et Changy, d'Orval, Bruère, Epineuil. Cette évaluation comprend les profits censuels et les rentes foncières (ce qu'on appelle les produits des terriers), les loyers des fours banaux et de la halle et quelques-unes des perceptions dont je parlerai plus loin comme rentrant dans le domaine public seigneurial ; mais on avait laissé en dehors de


LA BRETOLLE 61

l'estimation les droits de bourgeoisie, de guet et de corvées, ainsi que ceux de boucherie, qui faisaient l'objet de procès entre le seigneur et la communauté. J'ajoute que ce revenu approximatif est calculé, déduction faite de toutes charges autres que l'impôt des vingtièmes. Les charges ainsi défalquées consistent dans les réparations, les salaires de sept gardes de bois, à raison de 300 livres pour chacun, enfin dans des redevances en céréales et en argent, estimées 284 livres et grevant certains immeubles seigneuriaux au profit des abbayes de Noirlac, de Bussières et d'Orsan.

La Bretolle (1)

Il est une redevance que les seigneurs de SaintAmand ne jugeaient pas décent d'exiger pour euxmêmes et dont ils abandonnaient la perception et le bénéfice à une certaine catégorie de leurs sujets. Il s'agit du droit de Bretolle.

J'ai dit que les serfs ne pouvaient se marier en dehors de la seigneurie. Il y a même lieu de croire que, dans certains pays, les serfs n'avaient pas le droit d'entrer en ménage sans le consentement de leur seigneur et, en raison des usages suivis lors des concessions seigneuriales, on peut supposer que cet agrément n'était pas donné à titre gracieux.

Cette nécessité de l'autorisation seigneuriale pour le mariage paraît être, l'origine du droit de julie ou jonglerie, incombant autrefois aux nouveaux conjoints dans la ville de Bourges et qui, dans les dernières

(1) Au sujet de la Bretolle, voir Arch. du Cher l. n. i. et procèsverbaux dressés par le bailli de Saint-Amand les 26 décembre 1690 et 26 décembre 1756. (Arch. du Cher, B, 4131 et 4187.)


62 LA BRETOLLE

années avant la Révolution, était encore perçu, dit-on, mais au profit de l'Hôtel-Dieu et avec le caractère de prestation volontaire (1).

A Saint-Amand, les veufs et veuves étaient aussi tenus d'une redevance analogue, à raison de leur convoi ; mais les seigneurs avaient admis que cette redevance profiterait à ceux des jeunes gens de la ville qui leur paraissaient les moins délicats dans le choix de leurs plaisirs ; et ils s'étaient substitués, pour l'exercice du droit de bretolle, les garçons ignares et non lettrés.

Ce qui prouve bien que la bretolle était une redevance seigneuriale, c'est qu'en 1766 elle est encore comprise dans l'énumération des droits que le seigneur de Saint-Amand veut faire valoir contre la communauté. C'est, de plus, que les officiers du seigneur convoquaient les jeunes gens pour le tirage de la bretolle, présidaient à la cérémonie et punissaient d'une amende ceux qui n'avaient pas répondu à l'appel, comme si leur défaut eût pu avoir pour conséquence de compromettre un privilège seigneurial.

La redevance dont il s'agit consistait originairement, pour les veufs, en 13 pintes de vin exigibles contre eux le jour de Saint-Etienne qui suivait leur second mariage et, pour les veuves, en une somme d'argent fixée de gré à gré, sinon par justice et payable aussitôt après la publication du premier ban. Au

(1) Renseignement extrait de l'ouvrage de M. Labouvrie : « Faits » divers sur la ville de Bourges », pag. 175. D'après M. Labouvrie, ce droit de Julie ou droit joly « n'était établi que sur la possession et » paraît être un reste du droit de marquette ».

Voir aussi, au sujet du droit de marquette ou de Julie, l'Histoire du Berry, de M. Raynal, tom. II, pag. 209.

Je crois que l'explication que je donne du droit de Julie est plus vraisemblable que celle rapportée par M. Labouvrie.


LA BRETOLLE 63

XVIIIe siècle, il n'est plus question pour les veuves de redevance pécuniaire. Quel que soit le sexe de la personne qui se remarie, elle n'est tenue que de la redevance en nature.

Les 13 pintes de vin font le profit du roi de la Bretolle et voici à la suite de quels exercices se trouve consacré ce souverain d'un nouveau genre.

Le lendemain de Noël, les fils des manouvriers et des vignerons, lorsqu'ils sont ignares et non lettrés, sont tenus de se réunir, en présence du bailli, autour d'une perche au haut de laquelle a été placé un pot. Chacun d'eux a les yeux bandés et un bâton dans la main. Les concurrents, placés à une certaine distance de la perche, doivent s'efforcer d'abattre le pot en lançant leurs bâtons. Ils frappent en aveugles, souvent les uns sur les autres, pour la plus grande satisfaction du public. Le plus heureux ou le plus habile, celui qui a renversé le pot, est proclamé Roi de la Bretolle (1).

Ce n'est pas tout. A l'occasion de chaque mariage de veufs, le Roi de la Bretolle était autorisé, par l'usage, à donner un charivari aux nouveaux mariés. Il procédait à l'accomplissement de cette mission avec l'assistance de tous les mauvais drôles de la ville. De là des scènes de scandale et de désordre qui révoltaient la population honnête et celle-ci finit par avoir raison de l'abus.

En 1690, le surlendemain de Noël, huit jeunes gens

(1) M. Raynal parle de la façon suivante d'un droit de Bertholle dû au seigneur de Quantilly : « Le même jour (le jour du Saint» Sacrement), les nouveaux mariés y devaient au seigneur le droit » de Bertholle : c'était un pot neuf qu'on plaçait au haut d'une » perche ; le jeu finissait quand on avait pu le casser. » (Hist. du Berry, tom. II, pag, 209.)


64 LA FONDATION DES DUCS DE NEVERS

seulement se présentent pour tirer la Bretolle. Le bailli condamme chaque défaillant, même par corps, à 20 sols d'amende.

Le 26 décembre 1756, les jeunes gens non lettrés obéissent à la convocation du bailli ; mais, comme il n'est pas nécessaire de savoir lire pour avoir du bon sens et le sentiment de sa dignité, ils refusent unanimement de tirer la Bretolle, malgré les injonctions réitérées du juge.

Et cependant, plusieurs années après, au nom même du duc de Chârost, bien certainement inconscient de cette ignominie, on énumère, parmi les prérogatives seigneuriales dont on réclame la reconnaissance par la communauté, le droit de Bretolle, avec explication que ce droit comporte la faculté de faire le charivari, et ainsi, par suite de la routine d'un scribe, une coutume odieuse et ridicule est encore, à une époque rapprochée de la Révolution, l'objet d'une revendication officielle dans l'intérêt du seigneur de SaintAmand.

La fondation des ducs de Nevers (1)

Comme contre-partie de la Bretolle, il faut parler de la fondation faite par Charles de Gonzague, duc de Nevers, et Henriette de Clèves, sa femme, qui s'étaient obligés et avaient obligé, à perpétuité, leurs successeurs à doter chaque année 60 jeunes filles pauvres et vertueuses habitant, dans leurs terres, celles des paroisses qui relevaient d'eux en pleine justice.

Chaque dot était de 50 livres ; mais, sur cette

(1) Mémoires des ducs de Nevers.

Arch. du Cher, B, liasses 4238-4239-4240.


LA FONDATION DES DUCS DE NEVERS 65

somme, on retenait 5 sols pour la peau, c'est-à-dire pour le parchemin du contrat demariage que le greffier de la justice rédigeait du reste gratuitement, et 5 sols encore pour la bague d'argent destinée à la nouvelle mariée.

La fondation résultait de deux actes des 5 novembre 1573 et 14 février 1588 et comme, à cette époque, la ville de Saint-Amand dépendait du duc de Nevers, elle fut comprise, ainsi que plusieurs paroisses et hameaux des seigneuries d'Orval, de Bruère et d'Epineuil, dans le bénéfice de la libéralité seigneuriale.

Il n'avait été réservé que deux dots pour les jeunes filles résidant dans cette partie des possessions des ducs de Nevers ; aussi, vu le nombre présumé des candidatures, les fondateurs avaient imaginé de faire procéder à des élections, puis à un tirage au sort, pour la désignation des privilégiées.

Chaque année, le jour de Pâques-Fleuries, sept à neuf notables de chaque paroisse se réunissent, en présence du curé et du procureur fiscal de la justice ou de son substitut, pour élire 3 hommes et 3 femmes chargés d'indiquer la jeune fille qui leur paraîtra avoir le plus de titres au bénéfice de la fondation.

Et le surlendemain, mardi de Pâques, les jeunes filles désignées dans chaque paroisse se rendent à Saint-Amand, en l'église des Révérends Pères Carmes, devant le curé, le bailli et le procureur fiscal, pour prendre part au tirage au sort.

Le nombre des billets était bien supérieur à celui des postulantes, parce que toute jeune fille qui n'avait pas obtenu la dot en l'année de sa première élection pouvait être et était d'ordinaire réélue jusqu'à ce que la chance lui eût été favorable et elle avait droit, lors

5


66 LA FONDATION DES DUCS DE NEVERS

du tirage, à autant de billets qu'elle avait été confirmée de fois dans son élection.

Sur deux des billets était écrit « Dieu vous a élue » et, sur tous les autres, ce souhait plein de philosophie « Dieu vous console ».

Les deux jeunes filles qui avaient obtenu les billets portant la première mention recevaient l'aumône, c'està-dire la dot, le lundi de la Pentecôte, si elles se présentaient alors avec un parti sortable, sinon cette dot était consignée jusqu'à leur mariage.

Les dispositions de la fondation des ducs de Nevers furent exécutées à Saint-Amand jusqu'à la Révolution, mais non sans qu'il s'y mêlât parfois des abus qui prouvent que les constatations officielles ne sont pas toujours en rapport avec la réalité. En l'année 1789, au moment de délivrer à l'une de celles qui avaient obtenu le bon billet la récompense de sa vertu virginale, on apprend que la nouvelle rosière, six fois élue par les paroissiens de Chavannes, avait convolé depuis cinq ans.


OFFICIERS DE JUSTICE ET DE POLICE 67

III

L'AUTORITÉ SEIGNEURIALE. — JUSTICE ET POLICE

Les rapports d'intérêt privé entre le seigneur et les bourgeois étant connus, je vais examiner quelle part prend le seigneur à l'administration de la chose publique.

Nomination des Officiers de justice et de police.

En 1789, la principale prérogative d'un seigneur justicier, comme dépositaire d'une partie de l'autorité publique, consiste dans le droit de nommer des officiers chargés de rendre la justice et de veiller au maintien du bon ordre dans l'étendue de la seigneurie.

A Saint-Amand, ces officiers sont, d'une part, comme juges et administrateurs de police, le bailli et, après lui, son lieutenant et, comme ministère public, le procureur fiscal et son substitut.

Le seigneur nomme, de plus, les auxiliaires des magistrats, c'est-à-dire le greffier et les procureurs postulants.

Il peut, en outre, commettre un tabellion qui fait concurrence aux notaires royaux.

Enfin, comme Saint-Amand est le siège d'une gruerie à laquelle on donne la qualification ambitieuse de maîtrise des eaux et forêts, c'est encore au seigneur qu'il appartient d'instituer les officiers chargés de l'administration et de la juridiction en matière forestière. Au siècle dernier, du reste, les offices de la maîtrise des eaux et forêts et ceux du bailliage de


68 OFFICIERS DE JUSTICE ET DE POLICE

Saint-Amand sont occupés par le même personnel de magistrats. Ainsi, le bailli est maître des eaux et forêts et le procureur fiscal a les attributions du ministère public près la maîtrise.

Lors de la nomination de leurs officiers, les seigneurs se donnent l'illusion de la souveraineté. Ainsi, les provisions accordées aux magistrats de SaintAmand sont, suivant l'usage adopté pour les actes de l'autorité publique, intitulées au nom du seigneur suivi de cette mention : « A tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut. » Ces lettres contiennent mandement aux officiers de la seigneurie et aux justiciables d'avoir à reconnaître le nouvel institué et à lui obéir et, si le Roi seul se permet la formule : « Tel est notre bon plaisir », le seigneur de Saint-Amand termine ses provisions d'une façon analogue : « Car telle est notre intention (1) ».

(1) Voici le texte des provisions accordées en 1722 à M. Geoffrenet de Champdavid pour l'office de bailli :

« Louis-Henry, duc de Bourbon, prince de Condé, prince du sang, » pair de France, ministre de France, duc d'Enghien et Château» roux, etc., surintendant de l'éducation du Roy, gouverneur et » lieutenant général pour Sa Majesté des provinces de Bourgogne et » de Bresse,

» Tant pour nous que pour les princes et princesses nos frères et » soeurs,

« A tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut ;

» Savoir faisons :

» Que pour le bon et loyal rapport qui nous a été fait de la per» sonne de Me Pierre Geoffrenet, sieur de Champdavid, et de ses » bonnes vie et moeurs, sens, suffisance, loyauté, prud'hommie, » religion catholique, apostolique et romaine, expérience et bonne » diligence,

» A iceluy pour ces causes et autres, à ce nous mouvans, avons » donné et octroyé, donnons et octroyons, par ces présentes, l'office » de bailly de nos terres et seigneuries de Saint-Amand-Montrond, » Orval, La Perche, Beauchezal, Epineuil, Bruère-sur-Cher et


OFFICIERS DE JUSTICE ET DE POLICE 69

Le pouvoir d'un seigneur relativement à l'institution de ses magistrats est, du reste, en principe, plus

» dépendances, vacant par la mort de Me Jean Fouquet, dernier » pourvu dudit office,

» Pour dorénavant l'exercer et en jouir par ledit Geoffrenet aux » honneurs, autorités, prérogatives, privilèges, gages, droits, fruits, » profits, revenus et émoluments qui y appartiennent, tels et sem» blables qu'en a joui ou dû jouir bien et dûment le sieur Fouquet, » et ce, tant qu'il nous plaira et à condition que nous pourrons » révoquer ledit Geoffrenet et le relever de cet office toutes et » quantes fois que bon nous semblera, sans aucune formalité de » justice et en le remboursant de la finance qu'il se trouve avoir » payée en nos parties casuelles pour le prix dudit office, sans » lequelle condition nous ne lui aurions accordé les présentes et » sans que pour raison dudit office le sieur Geoffrenet soit tenu de » faire ni prêter d'autre serment que celui qu'il a fait et prêté entre » nos mains.

» Mandons aux officiers et justiciables reconnaître ledit Geoffrenet » en la qualité de bailly et lui obéir et entendre ès choses touchant » et convenant les droits et fonctions dudit office, sans difficulté,

» Car telle est notre intention.

» En témoin de quoi nous avons signé ces présentes, icelles fait » contre-signer par notre conseiller secrétaire ordinaire de nos com» mandements et apposer le sceau de nos armes.

» Donné a Paris le vingt-quatrième jour du mois de mars 1722. » Signé Louis-Henry de Bourbon. — Contre-signe par Mgr, signé » Richard. »

NOTA.— Ces provisions sont suivies d'une quittance de 2,000 livres donnée à M. Geoffrenet de Champdavid pour la finance de l'office de bailli.

(Archives du Cher, B, 4260.)

D'autres provisions accordées le 21 avril 1729 par Mlle de Vermandois, pour les offices de bailli et de procureur fiscal, sont conçues dans les mêmes termes, avec une seule modification résultant de ce que Mlle de Vermandois avait aboli dans ses possessions la vénalité des charges de magistrature. Les lettres de nomination accordées par elle portent, en conséquence, que chacun des nouveaux pourvus « pourra être destitué sans remboursement de finance, attendu » qu'il n'en a fourni aucune ».

(Archives du Cher, B, 4261.)

Les termes des provisions accordées par Mlle de Vermandois sont répétés dans les provisions données postérieurement,


70 OFFICIERS DE JUSTICE ET DE POLICE

étendu que celui du Roi. Car, tandis que le souverain ne peut revenir sur une nomination qu'il a faite, le seigneur possède, en théorie du moins, le droit de destituer son juge. Cette anomalie s'explique par d'anciennes ordonnances qui édictaient contre les seigneurs une amende de 60 livres en cas de réformation des sentences de leurs tribunaux, d'où l'on avait induit, comme conséquence équitable, qu'ils devaient avoir la faculté de changer leurs magistrats. L'application d'une peine contre les seigneurs par suite de l'ignorance ou de l'erreur de leurs baillis tomba en désuétude, sans qu'en droit on étendît à leurs juges le privilége de l'inamovibilité ; mais, en fait, les magistrats seigneuriaux ne demeurèrent pas complètement à la discrétion des seigneurs, parce que les parlements, sur la plainte des officiers révoqués, s'attribuèrent le droit d'apprécier si les destitutions étaient ou non justifiées et d'annuler celles qui leur paraissaient arbitraires.

J'ajoute qu'à la fin de l'ancien régime on avait astreint les seigneurs à ne choisir leurs officiers que parmi les personnes présentant des garanties de moralité, de capacité et même d'indépendance. Ainsi, avant d'entrer en fonctions, les magistrats nommés par le seigneur doivent se faire recevoir par le juge royal et celui-ci ne prononce leur admission qu'après information de vie et moeurs, religion catholique, apostolique et romaine et examen sur les matières judiciaires (1). Il est, de plus, passé en règle qu'ils doivent posséder des biens suffisants pour répondre des fautes

(1) Je parle ici d'une façon générale. Je n'ai pu trouver les pièces relatives à l'installation de M. Louis-Pierre Bonnet de Sarzay, avocat en parlement, dernier bailli de Saint-Amand, qui dut entrer en


OFFICIERS DE JUSTICE ET DE POLICE 71

ou abus qu'ils pourraient commettre dans l'exercice de leurs fonctions.

Je complète ces observations générales par quelques remarques spéciales à la justice de SaintAmand.

Je vois bien, dans des provisions accordées par le seigneur à ses officiers, qu'il se fait réserve du droit de les révoquer ; mais je ne connais qu'un seul exemple de révocations prononcées et je l'ai déjà cité : Sully, à l'occasion de son procès pour les redevances seigneuriales, destitue le bailli, le lieutenant, le juge gruyer et le procureur fiscal de la seigneurie. Mais, plus tard, Mlle de Charolais, dans le but de réunir la justice du Vieux-Château à celle de Saint-Amand, voulant rendre vacants les offices de la première juridiction, se garde de procéder par voie d'autorité et, à la suite évidemment d'arrangements amiables, tout le corps de la justice du Vieux-Château se rend démissionnaire (1).

Du reste, j'ai pu constater qu'à défaut d'inamovibilité, les derniers magistrats seigneuriaux de SaintAmand avaient une situation personnelle indépendante.

Tous, de plus, ont des grades en droit et, lorsqu'ils ont été reçus avocats en parlement, ils ajoutent, dans les actes de leur ministère, à l'indication de leurs

fonctions en 1770 ou 1771. Je ne puis donc dire comment il fut procédé à son égard à la suite de sa nomination.

Les précédents baillis de Saint-Amand n'avaient pas été astreints à se faire recevoir par le juge royal et avaient prêté serment seulement devant le seigneur. — Le 30 mai 1736, c'est le lieutenant du bailliage de Saint-Amand qui procède à l'installation du nouveau bailli. (Arch. du Cher, B, 4262.)

(1) Provisions accordées par Mlle de Charolais, le 1er décembre 1783, pour les offices du bailliage du Vieux-Château, (Arch. du Cher, B, 4123.)


72 BAILLIAGE ET MAITRISE D'ORVAL-SAINT-AMAND

fonctions, leur qualité de membre du barreau comme un titre au moins équivalent à celui de bailli ou de procureur fiscal.

Le Bailliage et la Maîtrise des Eaux et Forêts d'Orval-Saint-Amand.

Bien que la terre de Saint-Amand eût été formée par la réunion, sous une même dépendance féodale, de plusieurs seigneuries à chacune desquelles étaient attachés des droits de haute, moyenne et basse justice, ainsi que des droits de gruerie, les seigneurs de Saint-Amand n'avaient, pour toutes leurs possessions, qu'un seul bailliage et une seule maîtrise des eaux et forêts.

De longue date, en effet, ils avaient confié les fonctions judiciaires pour leurs différentes justices à un seul personnel de magistrats résidant à Saint-Amand et ceux-ci, au lieu de se transporter au chef-lieu de chacun de leurs bailliages à l'effet de remplir les devoirs de leurs charges, avaient fait de Saint-Amand le siège de leurs différentes juridictions, s'exonérant par suite de déplacements onéreux et parvenant par ce moyen à donner à leur situation une apparence plus considérable (1).

(1) Des tentatives ont eu lieu certainement dès le XVIe siècle pour opérer légalement la réunion des justices d'Orval, Bruère et Epineuil. Il est question de ce projet de réunion dans un mémoire non daté ni signé, mais dont l'écriture paraît remonter au XVIe siècle et qui porte une annotation de la main de Sully. (Arch. du Cher, E, 236.) On voit par ce mémoire que le lieutenant général du bailliage de Saint-Pierre-le-Moûtier avait procédé à une enquête pour l'instruction de ce projet.

Mais, d'après le texte des lettres-patentes d'octobre 1771, dont il sera question ci-après, je ne crois pas que la réunion ait été approuvée avant cette époque par acte de l'autorité royale.


BAILLIAGE ET MAITRISE D'ORVAL-SAINT-AMAND 73

Ainsi, avant 1753, c'est à Saint-Amand que le bailli rend la justice non-seulement aux habitants de la sirie d'Orval, mais encore à ceux de la châtellenie de Bruère, de la baronie d'Épineuil et des seigneuries de La Perche et de Beauchezal (1). Il prend d'ordinaire le titre de bailli des bailliages d'Orval-Saint-Àmand, Bruère, Épineuil et dépendances et son greffier réunit souvent, dans le même registre, des décisions concernant ces différentes juridictions.

En 1753, Mlle de Charolais, ayant acquis les seigneuries du Vieux-Château et de Changy, choisit, comme magistrats pour le bailliage du Vieux-Château, les officiers déjà chargés de l'administration de la justice dans les bailliages d'Orval-Saint-Amand, Bruère, Épineuil (2). Il en résulte la suppression de fait de la justice du Vieux-Château et Changy qui devient partie intégrante de la justice de Saint-Amand.

Puis, le duc de Chârost, propriétaire des seigneuries de Meillant, Charenton, Champdeuil et du Pondix, s'étant rendu adjudicataire de la terre de SaintAmand, forme le projet de faire opérer la réunion de toutes les justices qui lui appartiennent dans la contrée.

Des lettres-patentes d'octobre 1771 (3), rendues sur sa demande, réunissent en un seul corps de justice les bailliages d'Orval-Saint-Amand, Bruère, Epineuil, Beauchezal et La Perche, du Vieux-Château et de Changy, de Meillant, de Charenton, de Champdeuil et du Pondix et le nouveau bailliage ainsi constitué

(1) Lettres-patentes d'octobre 1771 (voir ci-après).

(2) Provisions accordées le 1er décembre 1753, par Mlle de Charolais, pour les offices de la justice du Vieux-Château.

(3) Ces lettres-patentes sont transcrites dans un des cahiers du bailliage de Meillant. (Arch. du Cher, B, 4307.)


74 BAILLIAGE ET MAITRISE D'ORVAL-SAINT-AMAND

reçoit le nom de bailliage d'Orval-Saint-Amand, son siège étant fixé en la ville même de Saint-Amand.

Les mêmes lettres prononcent la réunion des différentes grueries dépendant des possessions contiguës du duc de Chârost en une seule maîtrise des eaux et forêts, sous le nom de Maîtrise des eaux et forêts d'OrvalSaint-Amand, ayant aussi son siège dans la même ville.

En même temps, le Roi déclare validés les jugements rendus en l'auditoire de Saint-Amand pour affaires ressortissant aux anciens bailliages ou aux anciennes grueries de Bruère, Épineuil, La Perche, Beauchezal, du Vieux-Château et de Changy ; car on eût pu arguer de nullité les sentences prononcées par les magistrats hors des territoires de leurs juridictions.

Par suite de la nouvelle organisation, trente-quatre paroisses ou collectes forment le ressort direct du nouveau bailliage, dont dix justices de paroisses relèvent par appel (1).

Mais, le 17 décembre 1778, le duc de Chârost vend au comte de Fougières la sirie d'Orval, avec SaintAmand, les seigneuries du Vieux-Château et de Changy et la baronie d'Ëpineuil, avec La Perche et Beauchezal, en se réservant les terres de Bruère, Meillant, Charenton, Champdeuil et le Pondix (2), ainsi que les droits de justice sur les seigneuries qui restaient sa

(1) Adresse des habitants de Saint-Amand à l'Assemblée nationale, en date du 21 août 1789. (Arch. du Cher, l. n. i.)

(2) Dans la seigneurie du Vieux-Château et Changy, le duc de Chârost s'était réservé un bois dit « Tailles de Culant », d'autres bois, terrains y attenant et un pavillon appelé belvédère avec ses dépendances, immeubles contigus à la terre de Meillant. (Arrêt du Parlement du 21 mai 1779.)


BAILLIAGE ET MAITRISE D'ORVAL-SAINT-AMAND 75

propriété (1). Pour l'exécution de ces arrangements en ce qui concerne les droits de justice, le duc de Chârost dut encore recourir à l'autorité royale et, en mai 1779, il obtint de nouvelles lettres-patentes, constituant, sous le nom de justice et maîtrise des eaux et forêts de Meillant, un nouveau bailliage et une nouvelle maîtrise ayant leur siège à Meillant. Par suite, la circonscription du bailliage et de la maîtrise des eaux et forêts d'Orval-Saint-Amand se trouva réduite aux terres ayant fait l'objet de la cession consentie au comte de Fougières (2).

En résumé, dans son dernier état, au moment de la Révolution, le bailliage d'Orval-Saint-Amand comprend en pleine justice, outre la ville de Saint-Amand et le Vieux-Château, quinze paroisses ou collectes (3) dépendant de la sirie d'Orval, de la seigneurie du VieuxChâteau et de Changy, de la baronie d'Epineuil et de

(1) Le duc de Chârost avait cependant cédé son droit de justice sur un terrain dépendant de la terre de Bruère. (Lettres-patentes de mai 1779.)

(2) Les lettres-patentes de mai 1779 sont transcrites dans un de ces cahiers du bailliage de Meillant. (Arch. du Cher, B, 4307.)

M. Louis Rollet m'a communiqué un exemplaire imprimé des lettres-patentes. A la suite, on lit l'arrêt d'enregistrement du 21 mai 1779 et le procès-verbal de publication des lettres-patentes du 23 juillet 1781.

(3) Paroisses ou collectes dépendant en pleine justice du bailliage d'Orval Saint-Amand, constitué par les lettres-patentes de mai 1779 :

Saint-Amand et Vieux-Château — Bouzais — Changy — Colombier — Coust — Drevant — Epineuil — la Celette — la Groute — l'Etelon — la Perche — Meslon — Orval — Saint-Vitte — Saulzaisle-Potier en partie — Soye-l'Eglise.

La paroisse de Vallon, qui avait autrefois fait partie du bailliage de Saint-Amand, en avait été distraite pour former une justice particulière.

Paroisses ou collectes formant le bailliage de Meillant :

Meillant — Allichamps — Arpheuilles — Bruère — la Celle-


76 BAILLIAGE ET MAITRISE D'ORVAL-SAINT-AMAND

ses annexes. De plus, de ce bailliage relèvent par appel sept justices inférieures (1).

Le bailliage d'Orval-Saint-Amand ressortissait à la sénéchaussée de Moulins et la maîtrise des eaux et

Bruère — Charenton — Chavannes — Farges — le Pondix — le Venon — Nozières — Rousson — Saint-Loup — Saint-Pierre-lesEtieux — Vernais — Uzay. (Etat annexé à l'adresse du 21 août 1789, Arch. du Cher, l. n. i.)

(1) Voici l'indication de 9 justices ressortissant pour l'appel aux bailliages de Saint-Amand et Meillant :

Ainay-le-Vieil ayant, en 1789, pour seigneur justicier, le comte de

Arcomps,

Bigny; seigneur haut justicier, Gabriel Le Borgne-Dulacq, chevalier ;

Crésançay,

seigneur justicier, PierreCharles, marquis de Bigny, chevalier; seigneur justicier non-seulement de Crésançay, mais aussi de Vallenay et de Bigny et de plus seigneur de la Brosse, Bornât et autres lieux ;

Faverdines,

seigneur haut justicier, Philippe de La Roche, chevalier, lieutenant des maréchaux de France ;

Loix ; Orcenais ; Saulzais-le-Potier, (en partie)

co-seigneurs hauts justiciers, François Dupeyroux, chevalier profès de l'ordre de Malte et Philippe de La Roche ;

Saint-Georges,

seigneur haut justicier, LouisCharles Boityères de SaintGeorges, avocat en parlement, à Saint-Amand :

Vallenay,

seigneur justicier, marquis de Bigny.

(Arch. du Cher, ibid. )


JUSTICE CIVILE 77

forêts d'Orval-Saint-Amand ressortissait à la table de marbre du Palais de Paris (1).

On va voir maintenant quels étaient, dans le dernier état de l'ancienne législation, les pouvoirs d'un magistrat institué par un seigneur haut justicier.

Administration de la justice en matière civile.

On peut dire, en se plaçant à un point de vue général, qu'en matière civile, les attributions du bailli d'un seigneur haut justicier sont à peu près celles dévolues aujourd'hui tant aux juges de paix qu'aux tribunaux de première instance.

Toutefois le bailli seigneurial ne devait pas connaître des litiges intéressant le seigneur lorsque le fond du droit était contesté (2). Mais ce principe était méconnu dans la pratique. Ainsi nous avons vu le bailli de Saint-Amand, malgré la contradiction énergique des habitants, se déclarer compétent pour connaître des prétentions du comte de la Marche à l'encontre de la communauté.

C'était là un abus contraire à la jurisprudence du Parlement. Mais l'organisation régulière des juridictions seigneuriales en comporte un autre qui consiste dans le système du « juge unique ». Ce système me paraît contraire à l'intérêt public parce qu'une délibération collective, lorsque les assesseurs ne sont pas des comparses, est le meilleur mode d'arriver à des solutions équitables et juridiques et que, d'autre part, une compagnie est bien moins qu'une individualité accessible aux influences locales. A l'époque

(1) Lettres-patentes de 1779.

(2) Arrêt de règlement du 8 août 1712 cité par GUYOT : Répertoire de Jurisprudence, v° JUGES DES SEIGNEURS.


78 JUSTICE CRIMINELLE

dont je m'occupe, l'unité du juge est d'autant plus fâcheuse que le magistrat n'est pas tenu de motiver sa sentence et, par suite, ses décisions ne sont soumises à d'autre contrôle moral qu'à celui des membres du barreau qui ont préparé ou entendu plaider les affaires.

Les magistrats de Saint-Amand n'ont pas de traitement fixe. Pour les actes extra-judiciaires ils sont rémunérés par vacations, le bailli taxant d'ordinaire son émolument à une somme supérieure d'un tiers à celle qu'il alloue soit au procureur fiscal, soit au greffier. Pour les jugements il s'attribue, comme épices, des honoraires qui varient suivant l'importance ou les difficultés des affaires. Le montant des vacations et des épices ne s'élève pas à un chiffre abusif; mais il excède toujours la tarification résultant d'un arrêt du Parlement de Paris du 10 juillet 1665, qui avait déterminé les droits revenant aux officiers des justices seigneuriales (1), règlement sans doute tombé en désuétude comme n'accordant pas aux magistrats une indemnité suffisante pour leurs travaux.

Administration de la justice en matière criminelle.

Dans la compétence du bailli de Saint-Amand rentrent aussi les affaires criminelles de tous les degrés. Il a donc les attributions de nos juges de simple police, de nos tribunaux correctionnels et de nos cours d'assises.

Toutefois, la connaissance de certains crimes qui troublent particulièrement l'ordre public est réservée,

(1) GUYOT, Répertoire de Jurisprudence, v° JUGES DES SEIGNEURS.


JUSTICE CRIMINELLE 79

comme constituant des cas royaux, aux juges institués par le Roi.

Le bailli de Saint-Amand est aussi chargé de la répression des délits forestiers, non pas en vertu de ses pouvoirs généraux (car, sous l'ancien régime, ces sortes de délits sont jugés par des tribunaux d'exception), mais parce qu'il est maître des eaux et forêts pour la seigneurie.

Au criminel, dans les affaires graves, le bailli ne statue qu'avec le concours de deux assesseurs qu'il choisit lui-même parmi les avocats de la barre et qui ont voix délibérative (1).

Les procédés d'investigation sont les mêmes que ceux admis à notre époque, la question préparatoire ayant été abolie par Louis XVI.

Toutefois il existe,, sous l'ancien régime,une manière spéciale de poursuivre la découverte des circonstances obscures d'un fait criminel : la contrainte morale par voie de censures ecclésiastiques. J'ai eu des exemples de ce mode de procéder en compulsant les papiers des anciennes justices, mais nulle part aussi fréquents qu'à Saint-Amand et c'est seulement dans les procédures criminelles suivies devant le bailliage de cette ville que j'ai constaté un système de progression dans les menaces de pénalités religieuses employées pour obtenir les premiers éléments d'une instruction.

Voici un exemple de la chose (2) :

En 1785, une partie du mobilier dépendant d'une succession disparut par suite de détournements. Les

(1) Voir notamment sentence rendue le 12 juillet 1783, dans une affaire de vol, par le bailli de Saint-Amand, qui s'était fait assister de deux avocats en parlement. (Arch. du Cher, B, 4218.)

(2) Arch. du Cher, B, 4219.


80 JUSTICE CRIMINELLE

héritiers déposent une plainte entre les mains du bailli de Saint-Amand, mais sans pouvoir fournir aucun indice au sujet des coupables. Le magistrat ouvre une information par une ordonnance permettant aux plaignants de solliciter monitoire. Les plaignants se retirent devant l'autorité ecclésiastique et obtiennent de l'official de Bourges la délivrance de l'acte appelé monitoire, avec faculté de le faire publier dans tout le diocèse. Dans ce monitoire, libellé sous forme d'injonction adressée aux curés et vicaires, on lit après l'exposé des faits : « A ces causes, nous » vous mandons, par ces présentes, que vous ayez à » bien et dûment admonester de notre part et auto» rite, par trois dimanches consécutifs, aux prônes » de vos premières et grandes messes, et comme par » ces mêmes présentes, nous admonestons tous cenx » et celles qui, des faits ci-dessus, circonstances et » dépendances, savent quelque chose, tout ou partie, » soit pour avoir vu, su, connu, entendu, aperçu, ouï » dire ou autrement et de quelque manière que ce » soit, de le dire et révéler à celui qui publiera ces » présentes, au moins dans les six jours après les » troisième et dernière publication d'icelles, et quant » aux quidams et quidammes (sic), coupables desdits » faits, leurs complices, participants , adhérents , » et consentants d'en faire satisfaction, au moins » aussi dans les six jours après la troisième et der» nière publication des présentes, à celui qui les pu» bliera, soit par eux, soit par autrui. Autrement » nous userons à l'encontre des uns et des autres, des » censures ecclésiastiques et, selon les formes de » droit, nous nous servirons contre eux tous de la » peine de l'excommunication. »


JUSTICE CRIMINELLE 81

La publication de ce monitoire ayant été opérée à trois reprises par le curé de Saint-Amand sans produire aucun résultat, l'official décerne une aggrave. Après avoir constaté « que les uns et les autres n'é» tant venus à révélation et n'ayant satisfait sont et » demeurent conséquemment contumaces et obstinés », il ajoute : « A ces causes, autant qu'il est en nous, » nous les excommunions par ces présentes et les » aggravons, s'ils croupissent l'espace de six jours » dans l'excommunication et, au cas que pendant six » autres jours après immédiatement consécutifs, ils » demeurent d'un coeur endurci et obstiné en ces ex» communications et aggraves, ce qu'à Dieu ne plaise, » nous les réaggravons. Pourquoi vous mandons, par » ces mêmes présentes, que publiquement, en vos » églises, vous les dénonciez excommuniés, aggravés » et réaggravés, privés de communion, des saintes » prières et suffrages de l'Église, même de la sé» pulture, comme membres pourris et séparés » d'icelle. »

Une seule personne s'étant présentée à révélation, après la publication de l'aggrave, l'official lance contre les récalcitrants les foudres suprêmes. C'est l'acte de fulmination. « Les coupables n'ayant pas satisfait et » tous ceux et celles qui savent tout ou partie desdits » faits, sauf un, n'étant point venus à révélation, » fondés apparemment sur une erreur populaire qui » persuade les faibles esprits que les excommunica» tions n'ont aucun effet si elles ne sont fulminées avec » extinction de chandelle et son de la cloche, joints à » quelques paroles de terreur, opinion fausse et qui » est préjudiciable au public et à l'autorité de l'Eglise ; » pourquoi, désirant ôter telle erreur de l'esprit et » continuer, selon notre pouvoir, de donner res6

res6


82 JUSTICE CRIMINELLE

» pect et terreur aux censures que l'Eglise a entre » mains, établies par le Sauveur de nos âmes pour » maintenir ses enfants dans l'obéissance à ses or» dres et corriger les abus qui se glissent journelle» ment, nous avons, par ces présentes, déclaré et » déclarons que les excommunications portées par nos » dits monitoires et aggraves, publiés légitimement, » ont leur effet sur les coupables, puisqu'ils ne satis» font et sur ceux et celles qui savent tout ou partie » des faits y expliqués et ne sont venus à révélation ; » qu'ils sont frappés des foudres de l'excommunica» tion, sans qu'il soit besoin d'autre cérémonie que de » la publication des présentes aux prônes des messes » paroissiales ; que les uns et les autres sont dès à » présent dans un état déplorable, frappés de l'ex» communication, membres pourris, séparés du corps » et giron de l'Eglise, incapables de la participation du » corps et sang de Jésus-Christ, des sacrements de » l'Eglise, indignes de la compagnie des fidèles chré» tiens et de leurs prières; leur défendons l'entrée de » l'église, étant dans l'indignation de Dieu Tout-Puis» sant, Père, Fils et Saint-Esprit, des bienheureux » apôtres saint Pierre, saint Paul ; les condamnons à » l'enfer, pour y brûler éternellement avec les dé» mons, mauvais anges et réprouvés, à moins qu'ils » ne sortent de l'état malheureux dans lequel ils » croupissent, qu'ils ne reviennent à résipiscence, » amendement et pénitence, qu'ils ne se disposent à » recevoir l'absolution de leurs fautes et qu'ils ne se » réconcilient avec Dieu et la sainte Eglise, en satis» faisant comme ils doivent ; enjoignons à tous curés » et autres ayant charge d'âmes d'exhorter leur » peuple d'éviter telles peines et de faire entendre ce » que dessus et l'importance de cette matière. »


LA POLICE 83

La publication de cette fulmination fait surgir deux témoins. Mais d'ordinaire, soit en raison de craintes religieuses, soit par suite du désir de certaines personnes de paraître bien informées, il est rare qu'on soit obligé d'aller au delà du monitoire pour obtenir des divulgations qui, le plus souvent du reste, consistent en rapports insignifiants ou en commérages.

La Police.

Il est admis, de nos jours, que, dans un État bien ordonné, la fonction de l'administrateur doit être distincte de celle du juge. Sous l'ancien régime, la séparation des pouvoirs est à peu près inconnue. Le juge a, dans les campagnes, la plénitude et, dans beaucoup de villes, la majeure partie des attributions relatives à la police.

A Saint-Amand où, comme nous le verrons, l'institution d'un corps de ville est de date relativement récente, le bailli, malgré quelques conflits avec les officiers municipaux, conserve, jusqu'à la suppression de l'ancienne organisation judiciaire, la prépondérance pour faire des règlements concernant l'ordre public et la commodité des habitants et il a, dans une large mesure, au point de vue de la police, la mission qui appartient aujourd'hui soit à l'autorité municipale, soit même à l'autorité préfectorale.

Dans l'intérêt de la sûreté publique, il rend des ordonnances contre la mendicité et le vagabondage.

Parfois ses prescriptions sont inspirées par un simple intérêt moral. C'est ainsi qu'il cherche à contraindre les habitants au respect et même à l'observation des cérémonies religieuses, en édictant des amendes contre ceux qui prennent l'église comme lieu de pro-


84 LA POLICE

menade et de rendez-vous (1) et même contre les gens trouvés au cabaret pendant les offices.

Il réglemente l'exercice des industries réputées insalubres, ou simplement susceptibles de causer du désagrément au public (2).

(1) Aujourd'hui 17 avril 1785, en notre hôtel et pardevant nous, Jean-Pierre Regnault de Champdeuil, licencié ès-lois, lieutenant civil et criminel du bailliage d'Orval-Saint-Amand, est comparu le procureur fiscal, qui nous a remontré que, malgré les obligations indispensables que le christianisme impose à tous les fidèles de se comporter dans les églises avec toute la modestie et la décence qu'exige le saint-sacrifice qu'on y célèbre, il a été informé par la voix publique que, sans respect ni considération pour les lieux saints, plusieurs particuliers de cette ville de Saint-Amand, de tous sexes et de tous états, se comportent avec la plus grande indécence aux messes où ils vont plutôt par rendez-vous que par le désir d'y assister, de manière qu'ils poussent l'excès de l'impiété et de l'irréligion jusqu'à tenir tout haut, pendant le service divin, des conversations suivies, capables de scandaliser les fidèles et de donner le plus mauvais exemple; que, comme une pareille conduite est très répréhensible et même punissable suivant les lois du royaume ; que, d'ailleurs, il serait du plus grand danger de garder le silence sur un objet si préjudiciable aux intérêts de l'Etat et à la religion que nous avons le bonheur de professer ; à ces causes, il requiert qu'il y soit par nous pourvu ;

Sur quoi, nous, juge susdit, faisant droit, nous enjoignons à tous les habitants de cette ville et faubourgs de Saint-Amand, de quelque condition qu'ils soient, de se comporter dans les églises, et particulièrement pendant le service divin, avec toute la modestie et la décence possibles ; leur faisons défense d'y causer et d'y tenir aucune conversation ni propos scandaleux à peine de trois livres d'amende pour la première fois et, en cas de récidive, d'être poursuivis extraordinairement comme impies, conformément à la rigueur des ordonnances ;

Et, afin que personne ne puisse prétendre cause d'ignorance de notre présenté ordonnance, nous ordonnons qu'elle sera lue, publiée et affichée aux carrefours de cette ville et faubourgs et notamment aux principales portes d'entrée desdites églises.

(Arch. du Cher, B, 4241.)

(2) Ainsi, 4 juin 1784, ordonnance du bailli prescrivant aux cirierschandeliersde fondre leurs suifs hors la ville. (Arch, du Cher, B, 4111.)


LA POLICE

85

Il proscrit les procédés jugés dangereux, comme celui de gonfler ou de maintenir les aérostats à l'aide du feu (1).

C'est à lui principalement qu'est dévolue la police rurale. Il nomme les garde-vignes sur la présentation des officiers municipaux et du procureur fiscal (2). Il détermine les conditions du pacage (3), fixe l'ouverture des vendanges et interdit les pratiques qui peuvent porter préjudice aux intérêts des décimateurs, comme l'habitude de couper du raisin pour faire du rapé avant la publication du ban de vendange (4).

Il s'occupe de voirie urbaine, en empiétant même à cet égard sur les attributions du Bureau des finances de Bourges (5). Il veille à la propreté et à la salubrité de la ville, vérifie l'état du pavage des rues et, en cas de besoin, ordonne sa réfection totale ou partielle, en répartissant d'autorité les frais des travaux entre les riverains et la communauté. Il prend même des arrêtés d'alignement (6).

(1) Arch. du Cher, B. (Année 1784 ou 1788.)

(2) Ainsi ordonnance du 30 août 1786 (Arch. du Cher, B, 4219.)

(3) Ainsi ordonnance du 26 juillet 1776 qui n'autorise le pacage des bestiaux que 24 heures après la récolte, afin de donner aux décimateurs le temps d'enlever les produits leur revenant. (Arch. du Cher, B, 4103.)

(4) Ordonnance du 14 septembre 1780. (Arch. du Cher, B, 4108.)

(5) J'ai cependant plusieurs fois trouvé la preuve que le Bureau des finances de Bourges avait pris pour Saint-Amand des mesures de voirie. (Arch. du Cher, C, notamment liasses 694 et 702.)

(6) Ainsi, le 4 février 1785, le bailli visite les rues de la ville, afin de constater l'état du pavage. Il ordonne des réparations ou des réfections et détermine qui supportera les frais des travaux. (Arch. du Cher, B, 4218.)

23 juillet 1785, ordonnance relative au cours du Chignon, ruisseau qui traverse Saint-Amand. (Arch. du Cher, B, 4218.)

En 1788, le bailli de Saint-Amand donne plusieurs alignements, (Arch. du Cher, B, 4113.)


86 LA POLICE

Il surveille aussi les foires et les marchés. Il contrôle les mesures. Il a dans sa mission la taxe du pain et de la viande, ainsi que le choix du boucher auquel est réservé, pendant le carême, le privilège de vendre de la chair aux personnes malades (1).

C'est à lui qu'en temps de disette incombe le soin de prévenir les entreprises des accapareurs. Le 17 décembre 1788, le bailli de Saint-Amand, en raison de la hausse du prix des grains, fait défense, sous peine de vingt livres d'amende, aux blâtiers, boulangers et même aux particuliers, d'aller sur les chemins au devant des cultivateurs pour acheter ou arrher les céréales que ceux-ci amènent au marché de la ville. L'accès de ces marchés est même interdit aux boulangers avant deux heures et aux blâtiers ainsi qu'aux commerçants étrangers avant deux heures et demie (2). — Le 29 juillet 1789, le bailli, sur la demande du maire de la ville, prescrit une visite des greniers pour forcer les particuliers à mettre en vente le blé qu'ils pouvaient tenir en réserve (3).

(1) Arch. du Cher, l. n. i., et fonds du bailliage de Saint-Amand, passim,

En 1775, le lieutenant du bailliage attribue la boucherie de carême, c'est-à-dire le droit de vendre de la viande pendant le carême, au boucher qui lui avait présenté le plus beau boeuf le jour du jeudi gras. A cette occasion, il taxe la viande de boeuf à raison de 4 sols 6 deniers la livre.

Le 6 février 1777, le prix de la viande de boeuf et de veau est fixé, pour le carême, à 3 sols 6 deniers la livre. (Arch. du Cher, B, 4078.)

14 mars 1783, taxe de la viande de boucherie, 5 sols 6 deniers la livre, (boeuf et veau) B, 4110.

31 janvier 1788, » » 6 sols 6 deniers.

B, 4113.

19 février 1789, » » 6 sols 6 deniers.

B, 4114.

(2) Arch. du Cher, B, 4113.

(3) Arch. du Cher, B, 4114,


DÉPENSES JUDICIAIRES 87

Pour terminer sur ce point, en donnant une idée de l'étendue des pouvoirs et des habitudes de réglementation du bailli, je dirai qu'il ne craint pas de s'immiscer dans l'appréciation de la vertu des préparations médicales. En 1783, un particulier prenant, entre autres qualités, celle de chirurgien-dentiste-botaniste, et en réalité, ce semble, commis-voyageur d'une maison de produits pharmaceutiques fondée par un nommé Comère, présente au juge de SaintAmand une requête à l'effet d'être autorisé à débiter toutes sortes de remèdes, expliquant qu'à cet effet il entend installer dans la ville un établissement provisoire qu'il désigne sous le nom de théâtre et offrant de tirer gratis sur ce théâtre les dents des pauvres gens. Le bailli, par une ordonnance, fait défense au praticien, sous peine d'amende et de confiscation de ses marchandises, de mettre en vente aucun remède. Il excepte toutefois de la prohibition une préparation dite Eau vulnéraire de Comère, donnant ainsi une consécration officielle à quelque drogue de charlatan (1).

Dépenses occasionnées par le service judiciaire.

Le seigneur justicier n'a pas seulement mission de choisir les officiers de justice et de police. Il est de plus chargé des dépenses qu'entraîne le service judiciaire.

A Saint-Amand, ces dépenses sont peu considérables.

Le seigneur est propriétaire de l'auditoire et de la prison. Il n'a donc à supporter que l'entretien des bâtiments.

(1) Arch. du Cher, B, 4110.


88 DÉPENSES JUDICIAIRES

Les procès civils ne lui occasionnent aucun frais, les magistrats, pour les instances d'intérêt privé, étant payés par les justiciables.

En matière criminelle, c'est seulement lorsque la poursuite a lieu d'office et que l'accusé est absous ou que le condamné est insolvable, que les frais de la procédure incombent au seigneur; mais je remarque que, dans la plupart des cas, les instances criminelles sont provoquées par une partie civile qui fait l'avance des dépens. Si le ministère public, contrairement à sa tendance naturelle, néglige ainsi de prendre l'initiative, c'est qu'évidemment il a des instructions pour ménager le budget du seigneur.

Quelles sont les ressources destinées aux dépenses judiciaires? On peut dire qu'ici s'applique dans toute sa précision la maxime : « Ubi onus, ibi emolumentum ». Le seigneur ayant les charges judiciaires a aussi les profits de la justice.

Ces profits consistent, en premier lieu, dans les amendes criminelles et de police (1).

Le seigneur bénéficie, en outre, des amendes consignées en matière civile par les justiciables qui font appel devant le bailliage de Saint-Amand des sentences des juges subalternes, ces amendes demeurant acquises à la caisse seigneuriale, en cas de confirmation des sentences (2).

(1) Arch. du Cher, B, 4241.

Le greffier percevait une partie des amendes et en faisait emploi dans l'intérêt du service judiciaire.

Le 9 janvier 1784, il paye 7 livres pour réparations du poêle de l'auditoire.

Le 3 janvier 1785, il paye 14 livres pour même cause.

(2) Arch. du Cher, B, 4241.

Les amendes de fol appel étaient de 3 livres,


DÉPENSES JUDICIAIRES 89

De plus, le seigneur tire un avantage pécuniaire de son droit de nomination à certaines fonctions judiciaires ou qui se rattachent à l'administration de la justice.

Il est probable qu'au temps des ducs de Nevers, toutes les magistratures seigneuriales de Saint-Amand étaient constituées en offices vénaux (1). Il en était certainement ainsi de la charge de procureur fiscal ; car le procureur fiscal nommé par un duc de Nevers et révoqué en 1612 par Sully obtint contre ce dernier, ainsi que contre l'officier qui lui avait été donné comme successeur, une condamnation au paiement de la somme de 1,200 livres qu'il avait déboursée pour la finance de son office. Il ne put, du reste, rentrer dans cette somme qu'après maintes tribulations et trois arrêts du parlement dont le dernier est du 2 juillet 1622 (2).

Je constate qu'en 1729 la vénalité des offices de judicature existe encore à Saint-Amand. Mais Mlle de Vermandois, alors dame de Saint-Amand, l'envisageant comme un abus, fait rembourser la somme de 2,900 livres, montant de la finance des offices de bailli et de maître des eaux et forêts et celle de 1,200 livres, montant de la finance de l'office de procureur fiscal (3). Depuis lors, l'institution des magistrats de SaintAmand n'est subordonnée à aucune condition pécuniaire.

Mais le greffe continue à être donné à ferme (4).

(1) Je ne parle ici que pour le bailliage d'Orval-Saint-Amand.

Je n'ai pas trouvé trace que la vénalité des offices de judicature ait existé pour le bailliage du Vieux-Château.

(2) Arch. du Cher, E, 236.

(3) Arch. du Cher, B, 4261.

|4) Le greffe du bailliage et de la maîtrise des eaux et forêts était


90 LES ENFANTS ABANDONNÉS

Il en est de même du tabellionage de Saint-Amand. Plusieurs seigneurs de Saint-Amand, pour tirer un gros revenu de leur droit de tabellionage, avaient cherché à faire interdire aux notaires royaux de la ville la faculté d'instrumenter entre justiciables du bailliage de Saint-Amand. Un procès s'ensuivit (1) et je suppose qu'il ne tourna pas à l'avantage du seigneur; car, bien des années après, les notaires de SaintAmand continuaient à recevoir des actes entre justiciables et le tabellionage seigneurial était affermé à l'un d'eux moyennant un prix infime (2).

Les Enfants abandonnés (3)

Outre les dépenses du service judiciaire, le seigneur haut-justicier a la charge des enfants abandonnés. Cette charge est considérée comme la contre-partie du droit qui lui appartient de bénéficier des épaves, c'est-à-dire du produit de la vente des bestiaux égarés qui n'ont pas été réclamés dans le délai fixé par la coutume, les enfants trouvés étant ainsi, par une comparaison barbare, assimilés à des épaves onéreuses.

Toutefois, au point de vue de la protection des nouveaux-nés, les représentants du seigneur , du moins à la fin du siècle dernier, ne se tiennent pas à leurs obligations strictes et, en prenant charge d'enfants dont les parents sont connus, ils font prévaloir

affermé 180 livres par suite d'un bail du 3 novembre 1773, en cours en 1777. (Arch. du Cher, C, 231, rôle des 20es.)

(1) Arch. du Cher, E, 203.

(2) Le tabellionage de Saint-Amand était affermé 50 fr. en 1777, (Rôle des 20es, Arch. du Cher, C, 231.)

(3) Arch. du Cher, B, 4242.


LES ENFANTS ABANDONNÉS 91

les devoirs d'humanité sur l'intérêt du fisc seigneurial.

Ainsi, en août 1786, le curé de la paroisse de Saulzais prend l'initiative de prévenir un abandon d'enfant, en envoyant au procureur fiscal de Saint-Amand un petit bâtard dont venait d'accoucher une domestique. « J'ai craint, dit-il dans sa lettre d'avis, qu'on » exposât la vie de cet enfant en le portant nuitam» ment à quelque porte et au loin. » Le procureur fiscal se contenté de cette raison et accepte l'enfant sans difficulté.

Dans un cas d'urgence, le procureur fiscal se fait autoriser par le bailli à placer en nourrice un petit malheureux trouvé dans une paroisse dont le comte de Fougières n'avait pas la haute-justice. Le placement est ordonné aux frais du seigneur de Saint-Amand, sauf, bien entendu, son recours contre le seigneur du lieu.

J'ai compté que du 21 juin 1772 au 22 août 1786, vingt enfants exposés soit dans la ville, soit dans les seigneuries d'Orval, d'Epineuil et de Bruère (1), avaient été présentés au procureur fiscal de la justice de SaintAmand. Ce magistrat les confie d'ordinaire à des nourrices, moyennant une allocation mensuelle de 6 livres. Quelquefois il les fait porter à un établissement de Bourges appelé te Berceau.

Mais nulle autorité n'est chargée de contrôler l'exécution des obligations du seigneur à l'égard des enfants abandonnés, de sorte que bien des négligences coupables ont pu demeurer ignorées.

(1) A partir de la vente consentie par le duc de Chârost au comte de Fougières, les enfants exposés en la châtellenie de Bruère que s'était réservée le duc de Chârost, ne durent plus être à la charge du seigneur de Saint-Amand.


92 ORGANISATION MUNICIPALE — HISTORIQUE

IV LA COMMUNAUTÉ ET L'ORGANISATION MUNICIPALE

Historique.

Sous l'ancien régime, il n'existait pas de corps municipaux dans la majeure partie des paroisses de notre région, les officiers de justice étant chargés de la police locale.

Cependant toute agglomération a des intérêts collectifs, qu'on peut dire d'ordre intérieur, dont la gestion n'implique pas la nécessité de l'intervention des magistrats dépositaires de l'autorité publique. Il en est ainsi notamment de l'administration des biens communs, des travaux d'utilité commune, de la répartition entre les particuliers des taxes seigneuriales et royales. Il importe même, lorsqu'il s'agit d'arrangements à prendre avec le seigneur, que la population puisse délibérer et arrêter un parti en dehors de l'influence seigneuriale.

Aussi, lorsque les habitants d'une paroisse rurale ou d'une ville, à défaut de corps municipal, n'ont pas de représentants attitrés, la décision sur les affaires locales appartient, par la force des choses, à la généralité des habitants, qu'on désigne sous le nom de communitas dans les anciennes chartes et sous celui de communauté dans un langage plus récent.

Les assemblées de communauté, en Bourbonnais du moins, ne pouvaient se réunir qu'avec l'autorisation du seigneur justicier ou de son bailli, sauf aux habitants, en cas de refus, à se pourvoir devant le juge


ORGANISATION MUNICIPALE — HISTORIQUE 93

supérieur (1). Au surplus, nulle règle ne détermine la composition des assemblées, la forme de leur tenue et les conditions de validité pour leurs délibérations (2). Je suis porté à croire, sur ce dernier point, qu'à l'origine ces délibérations n'étaient pas considérées comme des actes d'autorité publique, ayant force exécutoire à l'égard de tous, mais qu'assimilées à des contrats, elles n'avaient effet qu'à l'égard de ceux qui y avaient adhéré ou étaient censés y avoir donné une adhésion tacite.

Remontant aux origines de Saint-Amand, je ne trouve, dans les premiers siècles qui suivent la fondation de la cité ou sa constitution en ville franche, aucune trace d'organisation municipale, mais seulement des assemblées de communauté.

En 1292 (3), pour arrêter avec leur seigneur les arrangements dont j'ai déjà parlé, les bourgeois sont convoqués par le sergent-juré du lieu. C'est évidemment le sergent baillial, agissant d'après les instructions du seigneur ou de son juge.

L'avis pour la réunion est donné à domicile et de plus par cri public.

L'assemblée a lieu devant l'église.

A une époque plus rapprochée, nous verrons le juge seigneurial diriger les délibérations des habitants; mais en 1292, comme il s'agit de conclure des conven(1)

conven(1) du Bourbonnais, titre Ier, art. 9 et 10.

(2) Une déclaration du 2 août 1687 précise, pour un cas déterminé, les conditions de la tenue des assemblées de communauté. « Nous avons, porte cette loi, fait très expresses défenses aux syndics » des communautés, d'intenter aucune instance qu'en vertu d'un » acte d'assemblée tenue en bonne forme, à l'issue de la messe de » paroisse, ladite assemblée préalablement indiquée au prône. » GDYOT, Répertoire de Jurisprudence, v° ASSEMBLÉES.

(3) Voir ci-après la copie faite le 13 juin 1389 de la charte de 1292.


94 ORGANISATION MUNICIPALE — HISTORIQUE

tions avec le seigneur, l'assemblée se tient devant un notaire royal délégué par le garde-scel de la prévôté de Dun-le-Roi.

Dans le procès-verbal dressé par cet officier, on indique d'une façon générale, comme participant à la délibération, « les bourgeois de Saint-Amand », c'est-àdire l'ensemble de la population, et le rédacteur de l'acte a soin d'ajouter que les bourgeois sont d'avis unanime, « unanimes et in unam sentenciam et concordiam existentes ».

L'accord de 1292 prévoit l'élection de quatre jurés par la communauté ; mais il ne faut pas voir dans cette disposition une concession libérale faite par le seigneur aux habitants. Ces quatre jurés sont uniquement nommés dans l'intérêt du seigneur, n'ayant d'autre mission que celle de répartir une contribution seigneuriale et dénommer deux collecteurs pour lever la somme imposée sur chaque contribuable.

C'est aussi par une interprétation erronée qu'on a pensé que de la charte de 1256 résultait, au profit des bourgeois, une délégation de partie du pouvoir judiciaire (1). Le seigneur, qui se réservait les voleurs, les faux monnayeurs, les adultères et les homicides, c'est-à-dire les bénéfices pécuniaires, amendes et confiscations pouvant être la conséquence de la condamnation des criminels, renonce simplement à ses profits judiciaires, lorsque les bourgeois parviendront à faire donner à l'amiable satisfaction à la partie lésée. Mais, ni alors, ni depuis, n'apparaît une magistrature municipale participant à l'administration de la justice.

En 1431, les propositions faites par le sire d'Albret

(1) CHEVALIER DE SAINT-AMAND, OUV, cité, pag. 39.


ORGANISATION MUNICIPALE — HISTORIQUE 95

en vue de la fortification de la ville, sont acceptées, non par des officiers, municipaux, mais par dix-sept bourgeois qui stipulent et promettent, « tant pour eux » que pour les autres bourgeois et habitants de la ville et » marché de Saint-Amand, absents (1). » Ces dix-sept comparants avaient sans doute reçu de leurs concitoyens un mandat spécial dans une assemblée de communauté.

Le 20 juin 1580, au cours des guerres civiles, les bourgeois, convoqués au son du tambour en la manière accoutumée, est-il dit, se réunissent en l'audiditoire. Ils donnent au commandant de la garnison décharge des clefs de la ville et s'entendent entre eux pour la garde des portes. C'est encore une assemblée tenue par le général des habitants, sans qu'aucune personne s'y présente en qualité de magistrat communal. Elle est présidée par le plus ancien avocat et praticien de la ville de Saint-Amand, procédant par suite de l'absence du bailli et de son lieutenant (2).

En 1605, dans des procédures relatives aux fours banaux, je vois figurer deux représentants des habitants, qualifiés de « procureurs syndics de cette ville et » communauté de Saint-Amand », ou « procureurs syndics » de cette ville et faubourgs de Saint-Amand (3). » Je retrouve encore deux procureurs syndics en 1612.

Mais ces procureurs syndics n'étaient peut-être chargés que de missions spéciales.

Et en effet lorsque, dans une réunion du 27 mai 1612 (4), les habitants décident la résistance aux prétentions du duc de Sully, l'assemblée se constitue sans

(1) Voir ci-après le texte de l'arrangement d'avril 1431.

(2) Arch. du Cher, E, 206.

(3) Arch, du Cher, E, 203.

(4) Arch. du Cher, l. n.i.


96 ORGANISATION MUNICIPALE — HISTORIQUE

intervention d'aucun procureur syndic. Il semble tout au moins que les représentants que pouvait se donner la communauté à cette époque n'avaient pas de titre bien défini; car la délibération du 27 mai 1612 indique que les habitants feront valoir leurs moyens par leurs échevins ou AUTRES ayant charge de leurs affaires communes.

Cette assemblée du 27 mai 1612 avait été tenue d'une façon anormale et à l'improviste. Le matin, en l'auditoire royal (celui de l'élection ou du grenier à sel), il avait été question des réclamations du seigneur et de l'assignation qu'il avait fait signifier l'avant-veille à six particuliers. D'urgence, des bourgeois font annoncer par le curé, au prône de la messe paroissiale, une réunion de la communauté et la réunion a lieu, devant l'église, à l'issue de la messe. Aussi l'assemblée ne compte que 157 délibérants, qui néanmoins déclarent procéder « tant pour eux que » comme représentant la plus saine, majeure et entière » partie des habitants ». Ils prennent au surplus leurs résolutions « tous d'une même voix », suivant le procèsverbal de la séance.

La coutume du Bourbonnais défendait, sous peine d'amende arbitraire, aux justiciables d'un seigneur, « lorsqu'ils n'avaient corps commun ni consulat », de s'assembler sans l'autorisation du juge seigneurial et cette autorisation n'avait pas été sollicitée par les bourgeois pour l'assemblée du 27 mai 1612. Aussi, dans le procès des avenages, Sully prend des conclusions particulières pour faire consacrer, spécialement à son égard, les prescriptions de la coutume et il demande même qu'une condamnation pénale soit infligée à ses sujets, en raison de l'infraction par eux commise. L'arrêt du 1er avril 1615 admet, sur ce point encore,


ORGANISATION MUNICIPALE — HISTORIQUE 97

les prétentions de Sully. Dans sa partie finale, il porte inhibition aux bourgeois de s'assembler en corps pour aucune affaire, sans congé du seigneur et permission des officiers locaux ou, à leur refus, du juge supérieur, sous peine d'amende arbitraire et, pour l'avoir fait, les habitants de Saint-Amand sont condamnés à 60 sols parisis d'amende. Il n'eût sans doute pas été ainsi statué aux requêtes du palais, si un corps de ville eût été alors constitué à Saint-Amand, avec consuls ou autres officiers communaux et cette décision porte à penser qu'au commencement du XVIIe siècle la ville de Saint-Amand n'a pas encore d'organisation municipale régulière.

Mais je constate que, le 18 novembre 1621, un Maire et des échevins et même des conseillers de ville assistent à une assemblée de communauté, convoquée à la diligence du procureur de la ville et corps commun, dans laquelle assemblée l'avocat de la ville propose l'établissement d'un couvent de capucins à SaintAmand (1); mais je n'ai pu découvrir dans quelles conditions ces différents officiers avaient été nommés, ni leurs attributions.

A partir de 1687, je relève de nombreux procèsverbaux d'assemblées de communauté (2).

Ces assemblées sont tenues sous la présidence du bailli, en l'auditoire seigneurial, après convocation des habitants au son du tambour. Le nombre des délibérants n'est pas indiqué. On trouve d'ordinaire dans les actes cette mention, qui paraît de style, que les habitants présents forment la plus grande et saine partie

(1) Archives du Cher. Fonds des capucins de Saint-Amand. Cahier contenant des notes et copies de documents concernant le couvent.

(2) Archives du Cher. Fonds du bailliage de Saint-Amand.


98 ORGANISATION MUNICIPALE — HISTORIQUE

de la population. Le nombre des signataires est toujours fort peu considérable.

Dans l'assemblée du 1er janvier 1687 (1), les bourgeois appelés à nommer un Maire et un échevin décident d'abord « que pour le bien et l'utilité de la commu» muté et pour éviter à frais » (la communauté payait sans doute des honoraires au bailli et au greffier à raison de l'acte d'assemblée), il y a lieu de fixer à trois années les pouvoirs des magistrats. Puis on procède à l'élection, les suffrages étant, je crois, donnés oralement. Le bailli « adjuge » les fonctions de Maire et d'échevin aux candidats ayant obtenu la pluralité des voix, à la charge par eux de prêter serment.

Les délibérations prises par les habitants à cette époque et au commencement du XVIIIe siècle, sont principalement relatives à des nominations de collecteurs des tailles, à des réclamations en matière d'impôts, la communauté donnant son avis sur le point de savoir si le contribuable réclamant a été ou non surchargé et prenant parfois parti dans l'instance portée devant l'Élection. Je note aussi des votes de fonds pour le traitement des maîtres d'école, pour l'entretien de l'horloge, pour les frais d'un service pour le repos de l'âme du seigneur (2).

Quant aux Maire et échevins, ils avaient certainement une mission d'exécution et d'administration, mais, je crois, fort restreinte. En 1690, les Maire et échevins, voulant faire des arrangements pour l'entretien de l'horloge de la ville, ne traitent avec un nouvel horloger qu'en présence et sous l'autorisation du bailli (3).

(1) Archives du Cher, B, 4127.

(2) Archives du Cher, Fonds du bailliage de Saint-Amand.

(3) Archives du Cher, B, 4131.


ORGANISATION MUNICIPALE — HISTORIQUE 99

En 1692, un édit ayant établi la vénalité des offices municipaux, personne, à Saint-Amand, ne se présente pour lever l'office de Maire qui, par suite, demeure vacant ; mais l'autorité royale laisse les habitants de la ville de Saint-Amand procéder, comme par le passé, à l'élection d'un échevin. Dans le quartier du VieuxChâteau, au contraire, un particulier achète l'office de syndic perpétuel (1).

Alors s'élèvent des contestations de préséances, d'une part, entre l'échevin et le syndic perpétuel (2), d'autre part, entre l'échevin et le juge seigneurial.

Les conflits entre ces derniers dégénèrent en scènes de brutalité.

Le 6 juin 1700, les habitants étaient réunis afin de nommer des officiers pour la milice que l'on voulait mettre sous les armes en raison de l'arrivée prochaine de Mgr l'Intendant. Le bailli présidait, assisté de son lieutenant et du procureur fiscal, tous en robes de palais. Les suffrages avaient été recueillis. Survient Daniel Duchet, échevin, accompagné de Jean Duchet, son frère, greffier au Grenier à sel. Ce dernier revendique, pour le représentant élu de la population, la présidence de l'assemblée et demande que les assistants soient appelés à trancher la question par un vote. Il s'ensuit du tumulte. Le bailli veut expulser de la salle l'auteur de la proposition. L'échevin vient

(1) Archives du Cher, B, 4147. Voir l'ordonnance qui précède l'acte d'assemblée du 2 décembre 1717.

(2) 25 avril 1706, assemblée commencée sous la présidence de Palienne de Lapras pour donner un avis sur une réclamation en matière d'impôts, « auquel instant est comparu M. Marchand, syndic » de ladite ville de Saint-Amand, qui empêche formellement que je » dressasse mon acte en ma qualité d'échevin, ce que j'ai pris à » trouble pour la juridiction à nous attribuée ». (Arch. du Cher, » B, 4140.)


100 ORGANISATION MUNICIPALE — HISTORIQUE

au secours de son frère, saisit le bailli à la gorge et cherche à le frapper de sa canne et à le renverser. On parvient à séparer les deux magistrats et l'échevin quitte la salle en engageant les assistants à se rendre sur la place publique pour tenir une assemblée sous sa présidence (1).

Le 5 mars 1703, nouvel incident. Cette fois, l'échevin Pallienne de Lapras avait pris les devants et, quand le bailli arrive pour présider l'assemblée, il trouve la place occupée. Sur l'injonction du juge, l'échevin se retire, mais en invitant les bourgeois à en faire autant. L'un d'eux, Jean Duchet, celui-là même qui avait provoqué la scène du 6 juin 1700, suit l'échevin, en se livrant à des démonstrations ironiques à l'égard du bailli. Ce dernier le condamne à 3 livres d'amende. De plus, il fait défense, sous pareille peine, à Pallienne de réunir aucune assemblée, aux habitants de la ville d'assister aux réunions que pourrait convoquer l'échevin et même au tambour de ville de faire aucune convocation sans permission du juge (2). Et cependant, quelques années après, nous voyons le même Pallienne présider plusieurs assemblées de communauté (3).

Jusqu'en 1717, les fonctions de Maire furent remplies, à Saint-Amand, par l'échevin élu et le syndic perpétuel du Vieux-Château, qui devaient agir conjointement (4).

Mais des édits de 1714 et 1717 ayant supprimé les charges municipales vénales et rétabli les villes dans

(1) Archives du Cher, B, 4134.

(2) Archives du Cher, B, 4136.

(3) Archives du Cher, B, 4140 et liasses suivantes.

(4) Archives du Cher. Voir, notamment, procès-verbal d'élection d'un échevin du 18 janvier 1714, B, 415, et requête présentée au bailli par le procureur fiscal le 26 décembre 1717, B, 4147.


ORGANISATION MUNICIPALE — HISTORIQUE 101

leurs droits anciens pour la nomination de leurs magistrats, il y avait lieu d'élire, à Saint-Amand, un Maire et un échevin comme avant 1692.

Quelles formes seraient suivies pour cette élection ? La loi n'en déterminait aucune. Chaque localité pouvait adopter un usage particulier ; car, dans l'ancienne France, formée par l'adjonction successive au domaine de la Couronne de provinces régies par des coutumes différentes, on n'avait nullement nos idées d'uniformité en matière d'administration.

Aussi le procureur fiscal se crut autorisé à proposer de faire procéder à la nomination du Maire et de l'échevin par une réunion composée de douze principaux habitants nommés par leurs concitoyens et d'un délégué de chaque corps de métiers. C'était un système d'élection à deux degrés.

Le procureur fiscal expliquait en outre que les douze notables pourraient former un Conseil de ville chargé de donner son avis sur les affaires municipales, les syndics des métiers devant avoir séance dans ce Conseil « pour faire leurs remontrances ».

Le projet du procureur fiscal fut accepté par la communauté, dans une assemblée du 27 décembre 1717 (1) et, de ce jour, s'établit à Saint-Amand un régime municipal oligarchique qui dura près de cinquante années.

Les douze notables qui, en dehors de leurs pouvoirs pour l'élection du Maire et de l'échevin, ne devaient avoir qu'une mission de conseil à l'égard des officiers municipaux, s'attribuent le pouvoir de décider des intérêts communs. Par suite, les assemblées de communauté ne sont plus convoquées.

(1) Archives du Cher, B, 4147.


102 ORGANISATION MUNICIPALE — HISTORIQUE

La durée de leur mandat n'ayant pas été détermiminée, les notables se considèrent comme institués à vie et, en cas de décès de l'un d'eux, les survivants font choix eux-mêmes d'un nouveau conseiller de ville.

Ils en arrivent à nommer les syndics des corps de métiers.

Les réunions des notables sont presque toujours présidées par le juge seigneurial, rarement par le Maire. Parfois le procureur fiscal et le subdélégué de l'Intendant assistent aux séances du Conseil de ville. Les votes pour la nomination du Maire et de l'échevin ont lieu au scrutin secret à partir de 1732 (1).

Cet état de choses est modifié, dans une certaine mesure, par un édit du mois de mai 1765 qui prescrit l'élection des assemblées de notables par certaines catégories de citoyens et détermine ainsi la composition du corps de ville dans les localités de l'importance de Saint-Amand : un Maire, deux échevins, quatre conseillers, le Maire devant être nommé par le Roi, sur la présentation de trois sujets désignés par l'assemblée des notables.

Cette organisation dure peu et un édit de novembre 1771 rétablit la vénalité des charges municipales.

A la suite de cet édit, le duc de Chârost achète les offices municipaux de Saint-Amand (2). C'est depuis

(1) Voir d'une façon générale pour cette période, Archives du Cher, fonds du bailliage de Saint-Amand.

(2) Minutes de lettres adressées par la municipalité à l'Intendant en 1782. (Archives du Cher, l. n. i.)

Dans les provisions de procureur du Roi près la municipalité, accordées le 12 décembre 1780 par le comte de Fougières à M. Pierre Chevalier, il est expliqué que le duc de Chârost avait levé les offices municipaux créés en la ville de Saint-Amand par édit de novembre 1771, suivant quittances de finances à lui délivrées le 13 mai 1772 par le sieur Bertin, trésorier des parties casuelles de Sa Majesté, enregistrées au contrôle général des finances le 24 juillet 1772.


ORGANISATION MUNICIPALE — HISTORIQUE 103

lors au seigneur de Saint-Amand qu'appartient la nomination des magistrats qui composent le corps de ville.

Cet édit, abolissant d'une façon complète les élections en matière municipale, entraîne de plus la suppression des conseils de notables, puisque, d'après le régime créé en 1765, ces conseils étaient des corps élus et, comme leurs attributions n'avaient pas été transférées aux officiers municipaux, les assemblées de communauté se trouvent naturellement rétablies à Saint-Amand.

Les assemblées de communauté subsistent à SaintAmand jusqu'à la Révolution, malgré l'édit du mois de juin 1787, par lequel le Roi avait annoncé son intention de modifier le régime municipal dans les pays qui n'avaient pas d'états provinciaux.

En vertu de cet édit, des règlements furent arrêtés pour la plupart des provinces, prescrivant la constitution, dans les villes' et paroisses, de conseils composés de délégués des habitants et dont le seigneur et le curé étaient membres de droit. Mais aucun règlement de cette nature n'existe pour le Berri et le règlement adopté le 10 août 1788 pour la province du Bourbonnais n'était pas, je pense, applicable à la ville de Saint-Amand, comprise dans la circonscription de la généralité de Bourges. En tout cas, il n'y fut pas appliqué.

Ces préliminaires historiques exposés, nous pouvons étudier quels sont en dernier lieu, à SaintAmand, la composition et les attributions tant des assemblées de communauté que du corps de ville et dans quelles conditions s'exerce l'autorité municipale.


104 ASSEMBLÉES DE VILLE — CORPS MUNICIPAL

Composition des Assemblées de communauté, des Assemblées de collectes et du Corps municipal.

INDICATIONS GÉNÉRALES SUR LEURS ATTRIBUTIONS (1)

Quand il s'agit de réunir la communauté, les officiers municipaux convoquent par billets la noblesse, les corps de magistrature, les avocats, procureurs, notaires, les bourgeois les plus considérés, les principaux d'entre les marchands, artisans et vignerons, environ 70 à 80 personnes.

Cependant, le droit de prendre part aux délibérations concernant les affaires de la ville n'appartient pas seulement à des notables, mais à tout habitant et, de fait, ce sont des personnes non invitées qui forment la majorité dans les assemblées, « gens ineptes pour la plupart », suivant l'appréciation des officiers municipaux, « passionnés et partiaux », qui viennent trop souvent dans un intérêt de coterie ou pour faire tapage (2).

On avait bien cherché, en 1779, à atténuer l'influence de l'élément populaire en faisant élire des syndics chargés de représenter dans les assemblées de ville les vignerons ainsi que les ouvriers de même métier (3); mais, différentes catégories d'artisans, qui s'étaient d'abord soumises à ce système, finirent

(1) D'une façon générale, les renseignements contenus au présent paragraphe sont extraits : 1° des Archives de Saint-Amand, registres dés délibérations de la communauté de Saint-Arnaud, et 2° des Arch. du Cher, l. n. i.

(2) Correspondance des officiers municipaux de Saint-Amand avec l'Intendant en 1782. — Minutes des lettres des officiers municipaux. (Archives du Cher, l. n. i.)

(3) 11 mai 1779. — Registre des délibérations de la communauté de Saint-Amand,


ASSEMBLÉES DE VILLE — CORPS MUNICIPAL 105

par refuser de nommer des syndics et l'Intendant n'autorisa pas le corps municipal à leur en désigner d'office. Quant aux marchands, ils n'avaient jamais voulu accepter le régime de la représentation par délégués (1).

Les discussions violentes et les désordres qui se produisaient dans les réunions, où intervenaient des particuliers d'habitudes grossières, amenaient fréquemment l'abstention des bourgeois instruits, « des honnêtes gens qui pensent » (c'est le langage des magistrats municipaux) (2). On constate en 1782 que, depuis longtemps, les officiers du Grenier à sel et de l'Election ne prennent plus part aux délibérations. Cette même année, les Révérends Pères Carmes, en difficulté avec la ville pour une question de voirie, ayant organisé une cabale contre les officiers municipaux, le corps du bailliage qui, jusque-là, avait rempli exactement son devoir civique, juge prudent de ne plus compromettre sa dignité dans des assemblées tumultueuses. Nombre de bourgeois suivent son exemple. Sur 77 personnes qui avaient été convoquées pour assister à la réunion où devait être discutée l'affaire, 9 seulement se présentent et forment l'assemblée avec 8 énergumènes, tous gens à la dévotion du couvent. Les officiers municipaux se plaignent d'avoir été, dans cette circonstance, victimes d'indécences de la part des membres de l'assemblée, et il paraît que ce n'était pas la première fois que le corps de ville subissait des avanies au cours des délibérations de la communauté ; car ils rappellent que

(1) Correspondance des officiers municipaux de Saint-Amand avec l'Intendant en 1782.

(2) Ibid,


106 ASSEMBLÉES DE VILLE — CORPS MUNICIPAL

« leurs prédécesseurs, rebutés du désordre qui ré» gnait dans les assemblées générales et indignés des » propos de la populace qui n'a pas de frein, prirent » sagement le parti de se retirer et donnèrent leur » démission (1). »

Les assemblées de communauté, même quand les gens paisibles n'en sont pas éloignés par la crainte du tumulte, sont rarement nombreuses et, eu égard à l'importance de la population de la ville, elles ne comprennent jamais qu'un nombre infime de personnes lettrées. D'ordinaire il ne se trouve pas plus de 17 à 30 assistants en mesure de signer le procèsverbal de la séance. J'ai relevé cependant 50 signatures au bas d'une délibération relative à l'affaire des avenages.

J'ai lieu de croire que, conformément aux usages suivis dans ces sortes d'assemblées, les votes sur les questions en délibération avaient lieu à haute voix.

Les réunions se tenaient à l'Hôtel du fait commun, c'est-à-dire à l'Hôtel-de-Ville.

L'assemblée de la communauté décide, sauf dans certains cas l'approbation de l'Intendant ou du conseil du Roi, de toutes les affaires intéressant la communauté : travaux à entreprendre pour l'utilité commune ; — actions judiciaires à intenter ou à contester au nom de la ville ; — taxes locales. — Elle désigne le receveur des deniers communs. — Elle s'occupe de l'assistance publique. Une délibération du 23 janvier 1783 établit un bureau de charité dont les administrateurs sont renouvelés périodiquement par la communauté. Toutefois, les ressources de ce bureau ne proviennent que de cotisations volontaires. — On

(1) Correspondance des officiers municipaux de Saint-Amand avec l'Intendant, en 1782.


ASSEMBLÉES DE VILLE — CORPS MUNICIPAL 107

verra plus loin que l'instruction publique est à SaintAmand, dans une certaine mesure, affaire municipale. — Je constate que dans une circonstance la communauté fait acte d'autorité à l'égard de la milice bourgeoise, en prescrivant des patrouilles. Elle semble, du reste, avoir une espèce de droit de contrôle sur le choix des officiers de cette milice, ces officiers devant être nommés par le corps municipal dans une assemblée de ville.

Outre les réunions de communauté auxquelles la généralité des habitants a droit de prendre part, il existe à Saint-Amand une autre catégorie d'assemblées.

J'ai dit que la ville était divisée en deux circonscriptions fiscales ou collectes, correspondant à chacun des quartiers de la cité : Collecte du Vieux-Château et Collecte de la ville de Saint-Amand.

Les contribuables de chaque circonscription sont appelés à former l'assemblée de la collecte (1).

Cette assemblée est chargée des opérations préliminaires relatives à la répartition de la taille et d'autres impôts directs revenant au Trésor royal. Elle enrôle, c'est-à-dire elle décide que seront portées sur les rôles les personnes se trouvant depuis l'année précédente dans les conditions prévues par les lois pour être imposées comme taillables. Elle désenrôle, c'est-à-dire elle ordonne qu'on supprimera des rôles les noms des personnes décédées, de celles qui ont acquis le privilège de l'exemption de l'impôt, enfin des contribuables qui ont quitté la collecte.

(1) Au sujet des assemblées de collectes, voir, outre les registres des délibérations de la communauté de Saint-Amand, les registres des décisions de l'Election de cette ville.


108 ASSEMBLÉES DE VILLE — CORPS MUNICIPAL

De plus, l'assemblée nomme parmi les taillables plusieurs habitants qui, sous le nom de collecteurs, ont mission de fixer les cotes des contribuables et de recouvrer le montant de leurs impositions.

Les assemblées de collectes ont encore d'autres attributions. On leur soumet les réclamations des contribuables avant qu'elles soient portées devant les juges de l'Election et, non-seulement elles donnent un avis sur ces réclamations, mais elles prennent parfois parti dans les instances fiscales. Il en est ainsi quand elles avouent l'assiette de la taxe et alors la demande en décharge ou en dégrèvement est contestée au nom de la communauté. Quand, au contraire, l'assemblée désavoue la taxe, c'est aux collecteurs seuls qu'il incombe de faire statuer à leurs frais et risques sur la réclamation.

Les assemblées de collectes sont encore plus désertées que les assemblées de communauté et cela pour deux motifs.

D'abord elles ne comprennent que des taillables. Or, comme le clergé, la noblesse et un très grand nombre de ceux qui exercent des fonctions publiques ne sont pas assujettis à la taille, il ne reste pour composer les assemblées de collectes que cette partie de la population qui n'a guère la disposition de son temps.

D'autre part, le montant de la cote de chaque taillable étant déterminé, non d'après une base certaine comme le loyer, mais d'après l'appréciation arbitraire qu'inspire aux collecteurs et, en cas de réclamation aux autres contribuables, la situation apparente de leur concitoyen, il n'est pas sans inconvénient de prendre part aux délibérations de la collecte ; car, en donnant son avis sur les facultés de son voisin, en contestant des demandes en dégrève-


ASSEMBLÉES DE VILLE — CORPS MUNICIPAL 109

ment, on s'expose à des inimitiés de la part de gens qui peuvent rendre la réciproque.

Aussi les délibérations relatives aux impôts sont le plus souvent arrêtées par un très petit nombre de contribuables. A différentes reprises, il arrive que les officiers municipaux ne parviennent pas à constituer l'assemblée. Le cas se présente deux fois en 1782, deux fois en 1786. Dans cette dernière année, après deux convocations infructueuses, une troisième assemblée ayant été annoncée, quatre contribuables seulement se présentent pour la collecte de la ville et trois pour la collecte du Vieux-Château. Autre fait : le 30 mars 1788, les officiers municipaux étant parvenus à réunir treize contribuables de la collecte du VieuxChâteau leur soumettent une réclamation formée par un taillable contre le taux de son imposition. Dix des habitants s'esquivent pour ne pas être mêlés à un débat d'une nature compromettante et les trois autres refusent de donner un avis, en faisant remarquer, fort judicieusement du reste, qu'ils n'étaient pas en nombre suffisant pour prendre une délibération au nom de la collecte. Le procureur du Roi près la municipalité porta ce résultat à la connaissance de l'Intendant en faisant observer que ce n'était pas la première fois que les membres de l'assemblée opéraient ainsi de prudentes retraites. Aussi, pour prévenir de telles abstentions, qui entravaient l'instruction d'affaires intéressant les finances publiques, l'Intendant rendit une ordonnance enjoignant aux habitants d'assister aux assemblées de leur collecte sous peine de dix livres d'amende (1). Ce n'est pas le seul exemple qui soit à ma connaissance de pénalités pécuniaires édic(1)

édic(1) du Cher, C, 28.


110 ASSEMBLÉES DE VILLE — CORPS MUNICIPAL

tées par l'ancienne administration pour contraindre les particuliers à délibérer sur les affaires communes.

Le droit de convoquer les assemblées de communauté et de collectes appartenait aux officiers municipaux. Toutefois on sait que les sentences de 1615 et de 1616 imposaient à ceux-ci l'obligation de se munir préalablement de l'autorisation du seigneur ou de ses officiers et, en cas de refus de la permission du juge supérieur et ces prescriptions avaient été confirmées par l'arrêt du 4 août 1784 ; mais, en fait, à la fin du XVIIIe siècle, il n'apparaît pas que le Maire de SaintAmand demandât l'agrément du bailli seigneurial avant de réunir les habitants et je ne vois même pas que, conformément à la loi générale du royaume, l'autorisation de l'Intendant fût sollicitée à cet effet. J'ai, du reste, souvent eu occasion de faire cette remarque que, sous le régime de l'autorité absolue, on était beaucoup moins strict que de nos jours pour l'application de règles qui paraissent tenir à l'ordre public.

Les officiers municipaux étaient chargés de l'exécution des décisions des assemblées de communauté et de collectes. — Ils avaient l'administration des deniers communs, pour l'emploi desquels ils devaient se conformer à l'usage et aux délibérations de la communauté. — J'expliquerai plus loin quels étaient leurs pouvoirs à l'égard de la milice bourgeoise.

Le corps municipal se composait d'un Maire, d'un lieutenant de Maire, de deux échevins, de deux assesseurs, du procureur du Roi et du secrétaire greffier.

Il n'est pas nécessaire de définir la mission du secrétaire greffier. Le procureur du Roi, par ses réquisitions, provoque l'adoption, par ses collègues ou par la communauté, des mesures que nécessite la


RECETTES ET DÉPENSES MUNICIPALES 111

gestion des intérêts locaux. Je n'ai pu découvrir si les autres officiers municipaux avaient des attributions spéciales. Il est probable que le corps de ville prenait ses décisions à la pluralité des voix, le Maire présidant. Il semble que le Maire et les échevins sont particulièrement chargés de représenter la ville en justice; mais les indications qu'on trouve à cet égard dans les procédures sont peut-être pure affaire d'habitude et de formule.

Comme je l'ai déjà indiqué, la nomination de ces différents officiers appartenait au seigneur de SaintAmand, non pas à titre de prérogative seigneuriale, mais parce qu'à la suite de l'édit de 1771 le duc de Chârost avait acheté les offices municipaux de la ville. Aussi le seigneur retenait pour lui les gages que le Trésor public devait servir aux officiers et, dans les provisions qu'il leur accordait, il se réservait la faculté de les révoquer à son gré (1).

Je complète par quelques détails spéciaux ces indications générales sur l'organisation municipale de Saint-Amand.

Recettes et Dépenses municipales (2).

Le budget d'une ville est toujours une source fort importante de renseignements sur les affaires municipales.

A la fin de l'ancien régime, Saint-Amand n'a d'autres biens patrimoniaux, c'est-à-dire d'immeubles qui

(1) Voir, dans la 3° partie de ce travail, une note contenant les noms des officiers municipaux de Saint-Amand jusqu'en 1789.

(2) D'une façon générale, les renseignements contenus au présent paragraphe sont extraits des Arch. du Cher, l, n. i.


112 RECETTES ET DÉPENSES MUNICIPALES

lui appartiennent à titre de domaine privé, qu'une maison à destination de caserne pour les troupes de passage.

Quant aux droits de place, on a vu que ceux qui sont exigibles dans les foires et marchés sont perçus au profit du seigneur. Il n'apparaît pas qu'il en fût perçu dans d'autres endroits au profit de la communauté.

Les revenus municipaux consistent uniquement dans des droits d'octroi levés sur le vin et d'autres denrées à l'entrée et à la sortie de la ville (1). L'impôt local étant indirect, il en résulte que les privilégiés eux-mêmes en supportent leur part.

Ces droits reviennent alors pour moitié seulement à la ville, l'autre moitié étant attribuée au Trésor royal.

La municipalité cède, par voie d'adjudication, moyennant une redevance fixe, la perception de la portion des taxes d'octroi dont elle bénéficie.

D'après le bail en cours en 1789, le fermier de l'octroi verse annuellement dans la caisse municipale une somme de 950 livres. Précédemment, c'est-à-dire

(1) L'octroi de Saint-Amand avait été établi par lettres patentes du 9 septembre 1645.

Ces lettres patentes portaient que les droits prévus au tarif seraient perçus « sur les denrées et marchandises passant sur les ponts de » Marmande et entrant dans ladite ville, faubourg et paroisse de » Saint-Amand. »

Or, en 1772, il arriva qu'un particulier qui avait amené 2 sacs de blé au marché, sans passer par les ponts de la Marmande, soutint qu'il n'était pas tenu des droits d'octroi, parce que ces droits ne devaient grever que les marchandises ayant traversé lesdits ponts.

L'Election lui donna provisoirement raison, en renvoyant toutefois le prévenu et l'adjudicataire de la perception des droits d'octroi devant le Conseil du Roi en interprétation des lettres patentes.

Je ne sais quelle fut la solution définitive donnée à l'affaire.

(Arch. du Cher, C, 669.).


RECETTES ET DÉPENSES MUNICIPALES 113

avant 1786, la ferme de l'octroi rapportait à la ville 1,265 livres.

Voici maintenant les charges municipales normales. La nomenclature que j'en donne se réfère particulièrement à l'année 1781.

La principale dépense concerne l'ins- livres sols deniers truction publique. Elle s'élève à 200 » »

Viennent ensuite des allocations dans un intérêt religieux :

Honoraires du prédicateur de carême 130 » »

Office et luminaire le jour de la Saint-Sébastien, en exécution d'un voeu fait au nom de la ville 44 » »

Les sommes spécialement affectées au service municipal sont bien modestes :

Frais relatifs à l'entretien de l'horloge de la ville 30 14 11

Gages du tambour et du valet de ville 36 » »

Frais d'huissier pour les Maire et échevins 15 » »

Le traitement du receveur des deniers communs, les impôts incombant à la communauté et les frais de vérification des comptes municipaux par le Bureau des finances et la Chambre des comptes forment un total de.. 209 19 11

Le revenu provenant des octrois dépasse donc les dépenses ordinaires.

Mais la ville a, de plus, à supporter d'autres charges qui, sans offrir un caractère de périodicité, se représentent cependant à intervalles assez rapprochés.


114 RECETTES ET DÉPENSES MUNICIPALES

Voici les principales :

Entretien du pavé dans la ville et les faubourgs sur une surface de plus de mille toises ;

Entretien de trois ponts sur la Marmande ; l'un d'eux, appelé le Pont-Pâquet, était, en 1781, dans un état nécessitant une réfection totale dont la dépense est évaluée à plus de 3,000 livres

Entretien d'une plantation de peupliers sur les bords de la grande route de Saint-Amand à Montluçon ;

Fourniture de costumes aux tambour, valet de ville et au fifre (dépense triennale) ;

Frais de réparations extraordinaires à l'horloge de la ville ;

Fourniture d'une corde pour la grosse cloche des RR. PP. Carmes, afin qu'ils puissent sonner le sermon ;

Subventions pour réjouissances publiques ;

Secours aux pauvres gens dans les temps calamiteux ;

Frais de procédure (1).

En cas d'insuffisance des revenus de l'octroi pour couvrir les charges que je viens d'indiquer, la communauté s'imposait extraordinairement, sous l'agrément du conseil du Roi.

Quant aux dépenses normales ou à celles qui n'excèdent pas le montant des recettes ordinaires, elles n'étaient pas soumises à l'approbation de la commu(1)

commu(1) l'état des dépenses extraordinaires faites pendant une période de dix années, de 1771 à 1780 :

1771.— Réparation du pont de pierre du Vieux- livres sols déniers Château, y compris frais du devis et

de réception de l'ouvrage 1604 » »

Dépense pour la nourriture des pauvres. 600

1772. — Néant.


RECETTES ET DÉPENSES MUNICIPALES 115

nauté. Du moins, je n'ai pas trouvé trace qu'il y eût, chaque année, vote d'un budget par la population.

Si les indications qui précèdent amènent à penser que les dépenses locales de cette époque sont, toutes proportions gardées relativement à la valeur de l'argent, inférieures à celles qu'entraîne aujourd'hui l'administration d'une ville, il ne faut pas oublier que l'action de l'autorité publique s'est considérablement étendue et, de plus, qu'une partie des attributions conférées par nos lois aux municipalités appartenait, avant la Révolution, aux officiers de justice, c'est-àdire, dans une ville seigneuriale comme Saint-Amand, aux agents du seigneur.

1773.— Réparation du pavage par ordre du Bureau des finances 40 1 8

1774. — Réparation du pont Paquet 26 12

Achat de drap pour les habits des valets

de ville 80 18

Façon desdits habits 18

Nettoyage d'un égout 8

1775.— Frais d'un feu de joie à l'occasion du

sacre du roi 248 13 6

Réparation du pavage 14

Plantation de peupliers 268 6 6

Réparations de chemins 42 3 6

Honoraires d'une consultation demandée à Paris 120

1776. — Plantation de peupliers 45

1777. — Réparation faite à l'horloge 192 8 4

Plantation de peupliers, réparation au pont Pâquet, entretien du pavage.... 102 13

1778.— Plantation de peupliers, entretien des

ponts et du pavage 113 15

1779.— Pour mêmes causes et pour habillement

des valets de ville 203 1 6

1780.— Néant.


116 L'INSTRUCTION PUBLIQUE

L'Instruction publique (1).

On a vu que, parmi les dépenses ordinaires, la principale est relative à l'instruction publique.

Mais la somme de 200 livres qui figure de ce chef dans les comptes annuels n'est pas affectée à l'enseignement primaire. Je me sers des termes « enseignement primaire » pour mieux préciser ma pensée, bien que cette expression soit absolument étrangère au langage du temps.

Cet enseignement n'est pas alors considéré par l'État comme affaire d'intérêt général et d'ordre tout à fait supérieur. L'État s'en désintéresse et, quant aux communautés d'habitants, elles ne s'occupent de l'instruction populaire que si bon leur semble et dans telle mesure que bon leur semble, c'est-à-dire sans aucune contrainte du pouvoir central.

J'ai trouvé trace, dans des documents relatifs à Saint-Amand, de l'existence d'un enseignement primaire public, un instituteur agréé par la communauté étant chargé d'apprendre aux enfants la lecture, l'écriture et le calcul ; mais il me paraît que ceux-là seulement étaient admis dans l'école dont les familles étaient en mesure de faire un sacrifice pécuniaire. Jusqu'en 1773, la ville ajoute une subvention aux rétributions payées par les élèves; mais, malgré l'allocation municipale, le maître avait peine à vivre, en raison de la concurrence qui lui était faite par des particuliers tenant classe ouverte ou donnant des leçons dans les familles. Les officiers municipaux

(1) D'une façon générale, les renseignements contenus au présent paragraphe sont extraits des Arch. de Saint-Amand, registre des délibérations et des Arch. du Cher, l. n. i.


LA MILICE BOURGEOISE 117

s'adressèrent bien au Contrôleur général pour faire interdire à cette catégorie d'instituteurs la faculté d'enseigner; mais j'ai lieu de penser qu'ils échouèrent dans cette tentative.

Dans les dernières années qui précèdent la Révolution, la subvention municipale est exclusivement réservée, en vue de l'enseignement de la langue latine, à un grammairien décoré du titre de Principal du collège. Des conventions approuvées dans des assemblées générales et qualifiées de baux, comme s'il s'agissait d'un louage de services, déterminent quelles sont les obligations du professeur agréé par la communauté. Il ne peut exiger de ses élèves une rétribution supérieure à 3 livres par mois et, de plus, il doit admettre gratuitement dans son cours trois écoliers qui lui sont présentés par les officiers municipaux. Il est défendu au principal de donner plus d'un congé par semaine et les vacances scolaires ne peuvent durer que pendant le mois d'octobre.

Tels sont les renseignements, malheureusement trop rares, que j'ai pu recueillir au sujet de l'organisation de l'instruction publique à Saint-Amand.

La Milice bourgeoise (1).

La milice bourgeoise de Saint-Amand était une institution purement municipale, bien que, dans les dernières années précédant la Révolution, un représentant de l'autorité royale intervînt pour confirmer les nominations d'officiers.

(1) D'une façon générale, les renseignements consignés au présent paragraphe sont extraits des registres des délibérations de la communauté de Saint-Amand et des Arch, du Cher, l. n, i.


118 LA MILICE BOURGEOISE

La composition de cette milice ne me paraît déterminée par aucun règlement. Pour former les compagnies, les officiers ou la municipalité choisissent, semble-t-il, qui bon leur convient parmi ceux des habitants à qui leur situation ne confère pas la dispense des charges de ville. Les gens du peuple tirent vanité d'être incorporés dans la garde urbaine, comme s'ils se trouvaient, par cela même, revêtus d'un caractère officiel. Les bourgeois, au contraire, quand ils ne figurent pas parmi les gradés, considèrent le service de la milice non-seulement comme une perte de temps, mais encore comme une humiliation. Un marchand de drap et soie de Saint-Amand, capitaine de la milice bourgeoise, envoyait, de parti-pris, à deux de ses confrères, des convocations réitérées pour les réunions de la milice ; il avait même fait mettre l'un d'eux en prison pour n'avoir pas répondu à un ordre de service. Sur ce, plainte adressée à l'Intendant par les deux subordonnés. « Dans toutes les villes du « royaume, font-ils observer, même celles les mieux » policées, les six corps des marchands ne sont jamais » commandés par les officiers des milices bourgeoises. » Ils sont au-dessus des arts et métiers et même, » lorsque la police commande les communautés pour » assister aux processions ou autrement, les six corps » des marchands en sont exempts. Et dans une ville » comme Saint-Amand on veut assujettir un négociant » qui n'a jamais un quart-d'heure à lui, ayant tou» jours des écritures considérables à faire, pour lui » faire passer des journées entières sous les armes » avec toute la petite populace, et le tout, pour donner aux » suppliants des mortifications, tandis qu'il ne manque pas » d'habitants qui désirent y être appelés ! Enfin les sup» pliants en sont exempts en raison de leur com-


LA MILICE BOURGEOISE 119

» merce. » L'Intendant trouva les raisons bonnes et dispensa les deux négociants du service de la milice (1).

Dans une autre circonstance, je vois un procureur au bailliage, qui faisait en même temps partie du corps des officiers de la milice bourgeoise, se démettre de son emploi de lieutenant, parce qu'il lui semble qu'accompagnant une compagnie judiciaire, il occupera, dans les cérémonies publiques, un rang plus distingué que s'il était sous les armes (2).

Il ne paraît pas que les miliciens fussent assujettis au port d'un uniforme ; car, à défaut de sous-lieutenant, c'était, suivant un règlement, l'homme le mieux vêtu qui devait porter le drapeau de sa compagnie.

La milice bourgeoise était divisée en quatre compagnies.

Le cadre se composait d'un major, de 4 capitaines, 4 lieutenants, 4 sous-lieutenants nommés aussi enseignes.

Au milieu du XVIIIe siècle, le commandement supérieur de la garde bourgeoise n'appartenait pas à un major, mais au Maire de la ville, qui prenait le titre de colonel.— A la même époque, il est pourvu aux autres grades par voie de véritables conventions de famille. Le 18 juin 1754, les officiers arrêtent entre eux que, pour l'emploi d'enseigne ou sous-lieutenant, le capitaine pourra désigner son fils ou son gendre. Le lieutenant succédera au capitaine, l'enseigne au lieutenant. L'enseigne devait être choisi par le corps d'officiers si le capitaine ne proposait aucun parent pour remplir la place.

(1) Arch. du Cher, C, 10.

(2) Registre des délibérations, 21 mai 1787.


120 LA MILICE BOURGEOISE

Plus tard, les officiers sont nommés par les assemblées de communauté et de perpétuels conflits s'élèvent entre eux et le corps municipal, les attributions respectives n'étant pas bien définies.

En 1782, le corps municipal, pour mettre un terme à ce qu'il appelle l'indiscipline des officiers de la milice bourgeoise, obtient de l'Intendant l'approbation d'un règlement conférant à la municipalité la nomination dés officiers et lui attribuant la haute direction du service de la milice. Mais, par suite des réclamations des officiers, le Roi modifie le règlement en décidant qu'il ne sera pourvu par le corps municipal aux emplois vacants que sur la présentation de candidats faite par les officiers dans une assemblée de communauté, les nominations devant être confirmées par le prince de Gonti, gouverneur de la province.

La milice bourgeoise n'a pas seulement pour mission de contribuer, dans certaines circonstances, au maintien du bon ordre, mais aussi et surtout de rehausser l'éclat des cérémonies publiques. — A l'occasion d'une fête du Saint-Sacrement, le Maire fait commander 16 hommes, savoir : 4 tambours, 4 portedrapeaux, 4 sergents pour porter le dais et 4 fusiliers pour l'escorter. — Voici, d'autre part, un article du règlement de 1782 qui montre quel était le rôle de la milice bourgeoise lors des solennités officielles : « Les » drapeaux continueront à être déposés dans la maison » du Maire ou du premier échevin, chez lequel le » corps municipal se trouve assemblé aux jours de » cérémonies. Les quatre compagnies seront tenues » de venir chercher lesdits drapeaux et le corps muni» cipal, lequel se placera à volonté au centre ou à la » tête, d'après la cérémonie. Les quatre compagnies » conduiront le corps municipal au lieu d'où il sera


UNE ÉMEUTE A SAINT-AMAND 121

» parti. Il y sera fait une décharge générale lorsque » la cérémonie l'exigera. »

Le service de la milice bourgeoise n'a aucun rapport avec l'obligation où s'étaient trouvés les bourgeois au temps de la féodalité ou pendant les guerres civiles, de faire le guet au Vieux-Château ou à Montrond.

J'ajoute qu'il ne faut pas confondre les habitants incorporés dans une milice urbaine avec les miliciens ou soldats provinciaux, levés par voie de tirage au sort et qui faisaient un service analogue à celui des troupes de ligne.

Une Émeute à Saint-Amand

Par les renseignements qui précèdent, on a pu se rendre compte qu'à Saint-Amand un système qui attribue aux habitants eux-mêmes la délibération et la décision sur les intérêts communs aboutit, trop souvent, à l'abstention des gens éclairés et paisibles et à la prépondérance de quelques particuliers turbulents. J'ai constaté du reste, pour d'autres localités de la Généralité, des plaintes fréquentes au sujet des désordres qui se produisaient dans les assemblées de communauté.

Il serait cependant téméraire d'induire de ces précédents que la désertion des affaires publiques par les meilleurs citoyens soit la conséquence nécessaire du régime qui, en théorie, paraît le plus libéral. J'ai, au contraire, de fortes raisons de croire que si, dans l'ancienne France, les assemblées de communauté étaient parfois dominées par des minorités désordonnées, la cause en était surtout dans l'absence de règlement pour la discipline des réunions et probable-


122 UNE ÉMEUTE A SAINT-AMAND

ment aussi dans l'ignorance et la rudesse d'une partie de la population.

Voici un exemple qui va faire apprécier quelles étaient encore, peu d'années avant la Révolution, les singulières imaginations et l'exaltation du populaire.

Il existait dans le couvent des Carmes un timbre appartenant à la ville et destiné à la sonnerie du tocsin. Les artisans et les vignerons de Saint-Amand avaient pris l'habitude de sonner le tocsin dans les conditions les plus diverses et pour les causes les plus contraires : en été, par les temps d'orage, afin de chasser les nuages ; en hiver, pour réchauffer l'air et, quelle que fût la saison, pour amener soit la pluie soit le beau temps, suivant qu'on avait besoin d'eau ou de sécheresse. Le tintement de ce timbre était pour eux une panacée au point de vue météorologique. Les officiers municipaux prirent le parti de mettre un terme à ce vacarme. Le son d'une cloche, au cours des orages, leur sembait, du reste, susceptible de fendre les nuages et par suite de provoquer la chute de la foudre. De plus, ces appels bruyants étaient entachés d'impiété, puisqu'ils avaient pour but de lutter contre les décrets de la Providence. Ils faisaient valoir enfin une raison plus pratique, c'est qu'il convenait, qu'il était même d'intérêt public de réserver le tocsin pour les circonstances exceptionnelles, telles qu'incendies, qui nécessitent une concentration immédiate de la population. Ils obtinrent du bailli une ordonnance interdisant à tout particulier de frapper sur le timbre de la ville, à peine de dix livres d'amende. La publication de cette ordonnance excite dans le peuple une émotion extraordinaire. Le 10 juin 1781, 5 à 600 personnes se portent au couvent des Carmes. On fracture la porte du local où se trouve


UNE ÉMEUTE A SAINT-AMAND 123

renfermé le timbre et, pendant deux heures et demie, on tape à coups redoublés sur ce timbre, aux applaudissements de la foule. Les officiers municipaux et le bailli, qui veulent intervenir, sont conspués, même menacés de mort, et le bailli, poursuivi par les huées des manifestants, est obligé de chercher un refuge dans une maison voisine (1).

Les magistrats municipaux voyaient dans cette émeute le résultat « de l'esprit d'indépendance et de » révolte qui a toujours animé la populace contre » tous les officiers chargés par état de veiller à la » police et au bon ordre (2) ». L'épithète populace effrénée revient souvent dans leur langage officiel quand ils veulent désigner la majeure partie de leurs administrés.

De leur côté, ces derniers, d'accord du reste en cela avec les plus notables bourgeois, formulent contre le corps de ville un reproche capital, celui de ne pas représenter la population, puisqu'il tire ses pouvoirs non de l'élection par les habitants, mais d'une désignation par le seigneur, désignation qui est elle-même la conséquence du régime abusif de la vénalité des charges. Aussi voyons-nous, en décembre 1788 et janvier 1789, des assemblées de communauté arrêter à l'unanimité que la comtesse de Fougières sera sollicitée de laisser les habitants élire eux-mêmes leurs magistrats, sauf ratification des choix par cette dame, en sa qualité de seigneur de Saint-Amand (3). Une commission composée de quatre avocats en Parlement

(1) Arch. du Cher, B, 4215, requêtes des officiers municipaux et procès-verbal du bailli.

(2) Ibid.

(3) Arch. de Saint-Amand, registre des délibérations, — délibération du 8 janvier 1789.


124 UNE ÉMEUTE A SAINT-AMAND

prépare un mémoire en ce sens. Quelques mois plus tard, lors des élections pour les états généraux, un voeu tendant à la nomination des officiers municipaux par les citoyens sera fréquemment reproduit dans les cahiers des électeurs de Saint-Amand. Souhait promptement réalisé ! car, avant la fin de l'année 1789, la Constituante adoptait l'élection pour base du régime communal et, comme l'élection implique le système représentatif, elle supprimait ainsi du même coup et les charges municipales vénales et les assemblées de communauté.


LES FONCTIONNAIRES ROYAUX 125

V LES FONCTIONNAIRES ROYAUX

On a vu qu'en théorie la communauté est subordonnée à l'autorité seigneuriale, puisque régulièrement les habitants ne peuvent s'assembler qu'avec l'agrément du seigneur ou de son juge. En réalité, à la fin de l'ancien régime, c'est seulement au pouvoir royal que se trouve soumise la communauté. L'usage de demander le congé du seigneur pour la réunion des assemblées de ville est tombé en désuétude, tandis que le principal délégué du gouvernement dans la Généralité, l'Intendant, possède ou s'attribue sans contradiction un droit supérieur de contrôle sur toutes les affaires locales. Notamment les délibérations les plus importantes de la communauté, avant d'être mises à exécution, doivent être revêtues de son approbation ou présentées par lui à l'homologation du conseil du Roi.

En outre, il existe à Saint-Amand, comme dans toutes les villes de pareille importance, des représentants de l'autorité royale ; mais il importe de faire remarquer à leur sujet que, par suite du régime de la vénalité des charges, l'organisation administrative d'alors diffère notablement de celle en vigueur à notre époque. La plupart des fonctionnaires royaux se trouvant, non pas en droit, mais en fait, propriétaires de leurs charges, l'Etat a des agents qu'il ne peut révoquer sans paraître porter atteinte au principe de la propriété et dont il n'a même pas la faculté de stimuler le zèle par la perspective de l'avancement, de sorte que, sans les pouvoirs à peu près


126 LE SUBDÉLÉGUÉ

illimités dévolus à l'Intendant, l'action du pouvoir central, avant la Révolution, eût été bien moins énergique qu'à notre époque.

A Saint-Amand, le personnel administratif se compose principalement du subdélégué, des officiers de l'Election et de ceux du Grenier à sel.

Le Subdélégué (1).

Le subdélégué a une mission analogue à celle de nos sous-préfets. Il informe l'Intendant. Il transmet ses ordres et veille à leur exécution.

A la fin du règne de Louis XIV, le subdélégué, titulaire d'un office vénal, avait rang parmi les officiers de l'Election et voix délibérative dans leurs séances. Nous voyons, le 21 août 1710, le corps de l'Election de Saint-Amand procéder à l'installation de Me Pierre Geoffrenet de Champdavid qui, après avoir traité de la charge de subdélégué, vacante par suite du décès de Me Jacques Thévenin, avait été définitivement pourvu de cette charge par lettres de provisions obtenues en la chancellerie du Roi (2).

Dans la suite, toute liberté est laissée aux Intendants pour le choix de leurs auxiliaires. Les subdélégués deviennent alors et restent jusqu'à, la Révolution des agents de l'Intendant, révocables à la seule volonté de celui-ci et qui n'étaient pas dans l'usage de correspondre directement avec le Ministre.

(1) Il existait des subdélégués, non-seulement aux chefs-lieux des Elections, mais encore dans d'autres villes importantes,

(2) Arch. du Cher, C, 586.

Après M. Geoffrenet de Champdavid, je trouve comme subdélégué M. Pierre Bonnet, sieur de Sarzay et de Gâteau, qui était en même temps bailli de Saint-Amand.


LES OFFICIERS DE L'ÉLECTION 127

Les fonctions de subdélégué sont gratuites, mais, par faveur administrative, le subdélégué jouit de l'avantage d'être traité avec une modération excessive dans la répartition des impôts. L'Intendant, jusqu'à l'établissement de l'assemblée provinciale, règle d'office la cote de ses collaborateurs, en tenant compte du concours qu'ils lui donnent à titre gracieux. Plus tard, l'administration provinciale suit à l'égard des subdélégués les mêmes errements (1). En 1781, des habitants de Saint-Amand, dénonçant au contrôleur général des finances la façon abusive dont il est procédé à la répartition des taxes publiques, signalent parmi les contribuables les plus favorisés M. Geoffrenet des Reauxplains, subdélégué, qui, possédant 5 à 6,000 livres de rente et n'ayant presqu'aucune charge de famille, ne supporte que 18 livres de taille (2).

Le subdélégué, en sa qualité de représentant de Mgr l'Intendant, est un important personnage. Ne recevant aucun traitement, il ne peut être choisi que parmi les notabilités locales. J'ai remarqué (mais l'observation n'est pas particulière à Saint-Amand) que parfois les rapports des subdélégués sont empreints d'esprit de coterie.

Les Officiers de l'Election (3).

L'Election est une des divisions de la Généralité qui forme le ressort d'une juridiction spéciale et tire sa

(1) Lettre de l'administration provinciale au contrôleur des finances. 1782. (Arch. du Cher, C, 1114.)

(2) Plainte adressée au contrôleur général par quelques habitants de Saint-Amand en décembre 1781. (Arch. du Cher, C, 1142.)

(3) L'un des fonds des Arch. du Cher est spécial à l'Election de Saint-Amand,


128 LES OFFICIERS DE L'ÉLECTION

désignation du nom même de cette juridiction. Parmi les circonscriptions de cette catégorie faisant partie de la Généralité de Bourges, celle dont Saint-Amand est le chef-lieu comprend 98 paroisses ou collectes (1).

Le corps constitué qu'on appelle aussi Election a des attributions fiscales d'ordre administratif et judiciaire.

Les officiers de l'Election, après s'être rendu compte par des tournées périodiques des facultés des paroisses faisant partie de leur ressort, déterminent la portion du brevet de la taille qui doit incomber à chacune d'elles.

Ils statuent sur les réclamations en matière de tailles et d'impôts assimilés, même quand les réclamants excipent de privilèges ou d'exemptions. Ils connaissent des demandes en décharge de la collecte et au besoin nomment d'office des collecteurs, quand les communautés ne se sont pas conformées aux règlements relativement à la désignation des contribuables qui doivent être chargés du recouvrement de l'impôt.

Les instances civiles qui se rattachent à ce recouvrement rentrent dans leur compétence. Il en est ainsi des procédures de saisie-arrêt formées par les collecteurs des tailles ou les employés des aides.

Ils sont chargés de la répression des contraventions en matière de droits d'aides, de droits d'octroi et de celles relatives aux règlements sur le monopole du tabac.

Ils sont en outre juges criminels des délits de droit

(1) Voir Arch. du Cher, C, 722. — M. Raynal ne compte, pour l'Election de Saint-Amand, que 97 paroisses. (Histoire du Berry, tom. 1, préliminaires, pag. LXXI.)


LES OFFICIERS DE L'ÉLECTION 129

commun qui se produisent à l'occasion de la perception de l'impôt, notamment des rébellions contre les agents du fisc (1).

Ils jugent en dernier ressort lorsque l'intérêt en litige ne dépasse pas la somme de 30 livres, à moins que le procès n'engage une question de privilége ou d'exemption. Les appels de leurs sentences sont portés devant la Cour des Aides.

Nous les voyons encore, comme magistrats de police, faire procéder, sur la plainte des officiers municipaux de Saint-Amand, à la vérification des tabacs déposés chez l'entreposeur de la ville (2).

Enfin les employés subalternes, tels qu'huissiers des tailles et garnisaires, établis en vue de procéder par voie de contrainte au recouvrement des impôts, ne peuvent, ainsi que les commis des aides, entrer en fonctions qu'après avoir été agréés par l'Election (3).

Le corps de l'Election se compose d'un président, d'un lieutenant, de quatre conseillers, d'un procureur du Roi et d'un greffier. De plus, en 1789, un ancien Elu, ayant obtenu des lettres de vétérance, fait partie de la compagnie à titre de conseiller honoraire (4).

Les magistrats en exercice ont acheté leurs offices. Les charges se transmettent d'ordinaire en famille. L'un des Elus a succédé à son père. Le président

(1) Voir, pour les attributions contentieuses de l'Election, Arch. du Cher, fonds de l'Election, registres d'audience.

Voir notamment, au sujet d'une instruction criminelle à laquelle il est procédé par l'Election, Arch. du Cher, C, 636.

(2) Arch. du Cher, C, 636.

(3) Arch. du Cher. — Réceptions et installations du personnel, C, 587.

L'Election procède aussi, en 1768, à la réception de BarthélémyFrançois Rollet le Jeune, pourvu de l'office de changeur.

(4) Ibid.

9


130 LES OFFICIERS DE L'ÉLECTION

Josset a remplacé son oncle. Il est le gendre d'un de ses assesseurs, M. Geoffrenet de Rodais, de sorte que quand, dans une délibération, les deux officiers sont du même avis, leurs voix, se confondent (1).

Après avoir obtenu du Roi leurs provisions, les membres de l'Election prêtent serment à la Cour des Aides de Paris et au Bureau des finances de Bourges.

Ils ont rang après le bailli seigneurial, mais avant les officiers municipaux et les juges du Grenier à sel.

Ils sont exempts de la collecte et de la taille, ainsi que du logement des gens de guerre, et ces privilèges profitent aux conseillers honoraires et s'étendent même aux veuves des magistrats.

En ce qui concerne la capitation, la commission intermédiaire de l'assemblée provinciale est dans l'usage d'accorder, chaque année, aux Elus de SaintAmand, décharge de la majeure partie de leurs cotes (2).

J'ajoute que le duc de Sully les avait exemptés du paiement de la taxe de bourgeoisie.

Je ne puis indiquer quel était le traitement servi par le Trésor royal aux différents officiers de l'Election. Les épices revenant à la compagnie sont d'ordinaire fixées à 15 livres par chaque décision, d'où il ne devait résulter pour les juges de l'Election qu'une rémunération annuelle bien modique ; car ils sont rarement appelés à exercer leurs attributions contentieuses. J'indique, à titre d'exemple, que le registre d'audience de l'Election de Saint-Amand, pour 1786, ne contient que 14 jugements et 5 procès-verbaux relatifs à des installa(1) Arch. du Cher, C, 1144.

(2) Arch. du Cher, C, 1163.


LES OFFICIERS DU GRENIER A SEL 131

tions de magistrats ou à des enregistrements d'édits (1).

Des procureurs sont attachés à la juridiction dont nous nous occupons. Vu le petit nombre d'affaires portées devant l'Election, les fonctions de ces procureurs ne sont guère que des sinécures. Aussi les uns postulent en même temps devant le bailliage, les autres exercent comme notaires royaux. En 1789, la même personne est à la fois titulaire d'une charge de notaire et de celle de greffier en chef près l'Election (2).

Le Grenier à sel.

Une juridiction royale, connue sous le nom de Grenier à sel, est chargée de statuer en premier ressort, sauf appel devant la Cour des Aides, sur les contraventions en matière d'impôt sur le sel ainsi que sur les affaires criminelles concernant la gabelle. Le Grenier à sel de Saint-Amand est composé d'un président, d'un grenetier, d'un contrôleur, d'un procureur du Roi et d'un greffier. Le grenetier a des attributions à la fois judiciaires et de police ; car, non-seulement il prend part à la décision des litiges, mais il est aussi chargé de procéder à l'inspection du sel et de veiller à la régularité de sa distribution.

Les charges d'officiers du Grenier à sel sont vénales. Les titulaires ne sont pas tenus d'être gradués.

Les magistrats du Grenier à sel sont exempts de la collecte (3), mais ils sont passibles de la taille.

Le receveur et les gardes du Grenier, qui sont des

(1) Arch. du Cher, C, 674.

(2) Arch. du Cher, C, 587.

(3) Arch. du Cher, C, 585.


132 MULTIPLICITÉ DES FONCTIONS PUBLIQUES

employés de la ferme et reçoivent le premier 800 livres et les autres 280 livres d'appointements (1) sont dispensés de la taille et de la collecte (2).

Multiplicité des fonctions publiques.

Outre les magistrats seigneuriaux, le subdélégué et les membres des deux juridictions dont je viens de parler, Saint-Amand compte quelques autres personnes chargées de missions d'intérêt général, les unes nommées par l'administration de la ferme, les autres procédant en vertu de commissions royales.

Parmi les agents de la première catégorie, il faut placer les employés des aides ; pour la ville de SaintAmand : un directeur, un receveur et trois commis (leurs attributions sont analogues à celles dévolues de nos jours aux employés des contributions indirectes), un entreposeur des tabacs, un contrôleur d'actes qui remplit le rôle de nos receveurs d'enregistrement.

Parmi les fonctionnaires civils royaux, le plus rémunéré, si l'on en juge par le chiffre élevé de sa capitation, paraît être le receveur des tailles qui centralise les recouvrements faits par les collecteurs.

Un maître de poste et un inspecteur des haras résident à Saint-Amand.

La force publique y est représentée par un souslieutenant, un brigadier et deux cavaliers de maréchaussée.

Tout ce monde est privilégié. Le contrôleur n'est

(1) Renseignements se référant à l'année 1784 (Arch. du Cher, C, 1186).

(2) Arch. du Cher, C, 585 et 615.


MULTIPLICITÉ DES FONCTIONS PUBLIQUES 133

dispensé que de la collecte. Les autres sont exempts même de la taille.

Il faut noter enfin que Saint-Amand réunit trois corps d'officiers ministériels d'institution royale : notaires, huissiers, procureurs, ces derniers postulant devant le bailliage en vertu de provisions du seigneur, mais obligés d'obtenir des lettres royales pour représenter les parties devant l'Élection ou le Grenier à sel. La compagnie des notaires compte au moins 6 membres, celle des procureurs au moins 7 membres et 16 huissiers ont droit d'instrumenter dans la ville.

On voit, par les indications qui précèdent, que les fonctions publiques sont alors plus nombreuses qu'à notre époque. Pour nous en tenir à l'ordre judiciaire, nous trouvons à Saint-Amand trois juridictions : le Bailliage, l'Election et le Grenier à sel, ces deux dernières avec un nombre de magistrats supérieur à celui qui compose nos tribunaux et chacune avec ses auxiliaires. Le nombre des charges publiques est alors si considérable que, dans les petites villes, il eût été impossible de recruter un personnel suffisant pour les remplir si l'on n'eût admis le cumul pour des missions qui nous semblent aujourd'hui incompatibles. Certains officiers ministériels sont en même temps notaires, procureurs et greffiers. Enfin, trait plus caractéristique, le dernier contrôleur de SaintAmand établit les perceptions fiscales et recouvre les droits du Trésor à l'occasion des contrats de son ministère; car il est à la fois notaire royal, tabellion seigneurial et contrôleur d'actes.


134 PRINCIPALES ESPÈCES D'IMPOTS DIRECTS

VI

L'IMPOT ROYAL

Des principales espèces d'Impôts directs.

La plupart des agents de l'autorité que j'ai mentionnés plus haut ont des attributions fiscales.

C'est, en effet, particulièrement par la perception de l'impôt que, sous l'ancien régime, l'État fait sentir son action aux populations.

Parmi les impôts directs, c'est-à-dire parmi ceux qui sont recouvrés contre les redevables au moyen de. rôles nominatifs, le principal est la taille, contribution qui, en droit, est censée proportionnelle aux ressources de toute nature de ceux qui en sont tenus.

Les taillables supportent, en outre, les impositions accessoires qui sont réparties entre eux au marc la livre de leurs cotes de tailles. Ces impositions, qu'on peut comparer à nos centimes additionnels, sont affectées aux dépenses de services publics déterminés.

Ils supportent aussi l'impôt représentatif de la corvée pour les chemins, les travaux d'établissement ou de réfection des routes ne s'exécutant plus, dans les dernières années de l'ancien régime, au moyen de prestations en nature.

Enfin taillables ou non taillables, sauf les ecclésiastiques, payent la capitation et les vingtièmes.

La capitation est un impôt personnel gradué, non suivant la fortune, mais suivant la profession ou la condition sociale des contribuables, de sorte que, si l'on eût observé la loi, la quotité de cette taxe, à l'égard de deux personnes du même état, eût été iden-


PRIVILÈGES EN MATIÈRE D'IMPOTS 135

tique, y eût-il eu de notables différences dans leur situation pécuniaire.

Les vingtièmes consistent en des taxes sur les revenus des biens fonds, les bénéfices de l'industrie, les traitements des fonctionnaires pourvus d'office. Suivant les besoins de l'État, le Roi ordonne la perception d'un ou de plusieurs vingtièmes et de sous par livre du principal de l'impôt.

Des Privilèges en matière d'impôts (1).

La noblesse et le clergé sont exempts de la taille, des impositions accessoires et de l'impôt pour les chemins.

Le tiers-état comprend lui-même un nombre notable de privilégiés. A ceux que j'ai énumérés dans le chapitre précédent et qui appartiennent en général à la catégorie des magistrats et fonctionnaires, il faut ajouter d'anciens officiers pensionnés, des soldats invalides, des soldats provinciaux libérés du service, l'exemption pour ces derniers n'étant toutefois que temporaire.

Voici, au surplus, la nomenclature des habitants de Saint-Amand qui, dans les dernières années avant la Révolution, étaient exonérés du paiement de la taille et des impositions accessoires. Cette énumération ne comprend que les chefs de famille ou personnes de situation indépendante.

CLERGÉ :

Le curé et ses vicaires, plus trois ou quatre ecclésiastiques;

Les Carmes ;

(1) D'une façon générale, pour les renseignements contenus au présent paragraphe, voir Arch. du Cher, C, 584, 585, 615, 1109.


136 PRIVILÈGES EN MATIÈRE D'IMPOTS

Les Capucins ;

Les Soeurs de Charité ;

Trois commandeurs de l'ordre de Malte. NOBLESSE :

Environ six à sept personnes. TIERS-ÉTAT :

Huit officiers de l'Élection, y compris un conseiller honoraire et le greffier ;

Trois veuves d'anciens officiers de l'Élection ;

Le receveur particulier des finances;

Le directeur, le receveur et trois commis des aides;

Le receveur et les deux gardes du Grenier à sel ;

Le sous-lieutenant, le brigadier et les deux cavaliers de maréchaussée ;

L'inspecteur des haras ;

Environ dix personnes de conditions diverses : conseiller du point d'honneur, pensionné du Roi, invalides, soldats provinciaux ayant terminé leur service.

Le clergé s'était racheté de la capitation et des vingtièmes.

Quant aux membres de la noblesse et aux privilégiés du tiers-état, ils sont passsibles de la capitation ; mais leurs noms ne sont pas confondus sur les rôles avec ceux du commun des roturiers. Leurs impositions sont consignées sur des états distincts (1).

Dans les rôles des vingtièmes pour 1777, les seuls relatifs à ce genre d'impositions que je connaisse pour Saint-Amand, nobles, privilégiés et roturiers sont portés sur le même état; mais les deux premières catégories de contribuables figurent en tête du rôle (2).

(1) Arch. du Cher, C, 1142 et 1144.

(2) Arch. du Cher, C, 231.


LES COLLECTEURS 137

De l'assiette et du recouvrement des impôts (1).

LES COLLECTEURS

A Saint-Amand, la taille, les impositions accessoires et la capitation sont, à l'égard des non-privilégiés, réparties et recouvrées par les collecteurs.

Ceux-ci sont au nombre de quatre pour la collecte de la ville et de deux pour la collecte du Vieux-Château. L'un d'eux est collecteur porte-bourse, qualification qui indique suffisamment la nature de ses attributions.

La mission des collecteurs est des plus délicates, puisqu'ils sont appelés à arbitrer les ressources de chaque contribuable, sans avoir d'autre base d'évaluation que l'opinion vague que peut se former un habitant d'une ville au sujet de la situation pécuniaire de ses concitoyens. Dans ces conditions, la charge d'asseoir l'impôt expose nécessairement à des récriminations incessantes ceux qui ont été justement dénommés « appréciateurs dans les ténèbres ». Elle les expose aussi à des difficultés judiciaires ; car, lorsqu'à la suite de la réclamation d'un contribuable, la communauté désavoue l'assiette d'une taxe, le procès est suivi aux frais des collecteurs.

D'autre part, les collecteurs sont assujettis à des démarches multiples et rebutantes pour arriver au recouvrement des taxes qu'ils ont imposées.

Ils sont, du reste, responsables de la rentrée des deniers publics et les registres constatant les écrous des collecteurs, les décomptes des frais des garnisaires

(1) D'une façon générale, les renseignements contenus au présent paragraphe sont extraits des délibérations de la communauté de Saint-Amand. Voir aussi Arch. du Cher, C, 584, 585, 615,


138 LES COLLECTEURS

installés à leurs domiciles ainsi que les états des commandements qui leur sont signifiés montrent qu'ils sont parfois traités avec une rigueur extrême (1).

Aussi, malgré l'allocation de six deniers pour livre attribués aux collecteurs comme compensation de leurs peines et de leur responsabilité, les particuliers influents cherchent et parviennent presque toujours à s'exonérer de la collecte.

D'après les règlements, tous les contribuables présentant des garanties de solvabilité devaient être portés, à tour de rôle, sur la colonne, c'est-à-dire sur le tableau des collecteurs qui, à certaines époques, était établi, pour plusieurs années, dans une assemblée de collecte.

A Saint-Amand, la colonne ne comprend que les plus anciens mariés, probablement parce qu'on jugeait que, pour les opérations de la répartition de l'impôt, il importait d'avoir recours à des particuliers expérimentés.

De plus, (outre les non taillables, parmi lesquels se trouvent, comme on l'a vu, nombre de notabilités locales), on considérait, soit par application de la loi, soit par suite d'anciens usages, comme dispensés de la collecte, non-seulement les personnes qui, en raison de leur état de santé ou de charges exceptionnelles de famille, n'eussent pu remplir que difficilement une charge publique, mais encore les officiers municipaux, les magistrats du Grenier à sel, le maître de poste, le contrôleur d'actes, le contrôleur des vingtièmes, les avocats, médecins, chirurgiens et si, par hasard, un bourgeois se trouve en rang pour être collecteur, on lui découvre à point quelque infirmité opportune.

(1) Arch. du Cher, C, 623, 626, 627.


LES COLLECTEURS 139

On arrivait ainsi à ne mettre en présence du fisc que des collecteurs n'offrant qu'une responsabilité pécuniaire illusoire, ce qui, depuis l'abolition des contraintes solidaires, n'avait plus d'inconvénient pour les communautés.

Mais, d'autre part, il résultait de la facilité avec laquelle on admettait, en faveur des principaux habitants, des exemptions de collecte, qu'une mission qui n'eût dû être confiée qu'à des citoyens ayant l'habitude des affaires et une situation indépendante, était dévolue d'ordinaire à des contribuables sans instruction et de condition précaire, inhabiles à dresser les rôles, incapables de résister aux menaces ou aux suggestions d'hommes passionnés ou aux recommandations de personnes influentes, ménageant les bourgeois aisés et la clientèle des privilégiés, fermiers, locataires et chepteliers des nobles et bénéficiers, tandis qu'ils surchargent les petites gens sans défense (1).

(1) Voici l'indication de la profession de chaque collecteur portebourse, à partir de 1776 pour la collecte de Saint-Amand et à partir de 1783 pour la collecte du Vieux-Château, suivant les colonnes établies pour ces deux collectes :

Collecte de Saint-Amand : 1776, un chapelier; 1777, un vigneron; 1778, un vigneron; 1779, un voiturier ; 1780, un vigneron ; 1781, un huilier ; 1782, un menuisier (remplacé depuis par un vigneron); 1783, un tanneur; 1784, un vigneron; 1785, un garde; 1786, un serrurier; 1787, un chamoiseur ; 1788, un voiturier; 1789, un taillandier.

Collecte du Vieux-Château : 1783, un vigneron; 1784, un vigneron; 1785, un meunier; 1786, un vigneron; 1787, un vigneron ;; 1788, un vigneron; 1789, un vigneron.

J'ajoute que ceux des rôles que j'ai consultés sont arrêtés, non par les collecteurs, mais par un tiers sans qualité, probablement quelque huissier des tailles, auquel les collecteurs ont eu recours pour l'accomplissement de leur mission et ils se terminent d'ordinaire par la mention que les collecteurs ne savent signer.


140 LES COLLECTEURS

Le fait suivant montre sur quels pauvres hères on rejetait parfois le fardeau de la collecte. En 1776, un vigneron de Saint-Amand demande à ses concitoyens de rapporter une délibération par laquelle il avait été nommé collecteur porte-bourse pour l'année suivante. Il expose qu'il n'a pas les connaissances nécessaires pour asseoir ni recouvrer la taille, ne sachant ni lire ni écrire. Il ajoute que ses consorts sont également ineptes. Il ne saurait, du reste , confier la garde de sa maison à sa femme, qui est abrutie. Il obtient sa décharge comme porte-bourse; mais il reste assujetti aux fonctions de collecteur consort (1).

Quelques années après, dans une assemblée du 9 septembre 1781, le procureur du Roi près la municipalité demande, pour le corps municipal, l'autorisation de se porter collecteur de la taille. « Le corps muni» cipal, dit-il, voit avec douleur que, depuis bien des » années, la répartition de la taille, qui est la partie » la plus importante du bonheur des peuples et » qui exige des hommes intègres et éclairés, a été » confiée à la discrétion de personnes dont la con» dition, les moeurs et l'éducation ne pouvaient que » faire supposer leurs opérations serviles ou con» sommées dans une classe d'hommes peu délicats » ou vindicatifs... Une foule de malheureux gémit » sous l'oppression des charges, tandis que, par un » contraste qui saisit et révolte, l'opulence ne sup» porte qu'une faible partie d'un fardeau mal par» tagé (2). » La proposition du corps municipal fut agréée par la

(1) Arch. de Saint-Amand ; registre des délibérations de la communauté ; délibération du 1er décembre 1776.

(2) Arch. de Saint-Amand ; registre des délibérations de la communauté.


LES COLLECTEURS 141

communauté (1). Elle était au surplus habilitée par les circonstances : car le porte-bourse nommé pour l'année 1782 (c'était un vigneron) réclamait luimême l'intervention de la municipalité dans les opérations de la collecte, en faisant remarquer qu'il ne savait pas lire et que ses trois consorts, un tailleur, un jardinier et un vigneron ne savaient pas écrire (2). Cependant, par suite d'une lutte d'influence entre les officiers municipaux et les magistrats de l'Election et aussi par des raisons d'ordre politique et administratif, le Ministre refusa d'homologuer la délibération de la communauté. L'administration provinciale lui avait représenté qu'il pouvait être dangereux de confier la répartition des impôts à des officiers municipaux dépendant d'un seigneur. Elle faisait aussi valoir, en réponse aux doléances du porte-bourse, une considération qui jette un jour curieux sur le degré d'instruction des habitants de nos campagnes du Berry à la fin de l'ancien régime : « Si ne savoir lire » ni écrire était un moyen admissible pour se dis» penser de faire ou la répartition ou la levée d'un » impôt, nous ne pouvons vous dissimuler que le recouvre» ment d'aucune espèce de deniers royaux ne pourrait se » faire dans cette Généralité. Nous regardons comme » dangereuses la représentation et l'admission d'un tel » moyen, parce que tous les collecteurs des campa» gnes pourraient s'en prévaloir pour demander la » décharge de la collecte et la demanderaient avec » d'autant plus d'avantage qu'ils diraient avec vérité » qu'ils ont moins de ressources pour se faire aider (3). »

(1) Arch. de Saint-Amand, registre des délibérations de la communauté. — Voir aussi Arch. du Cher, C, 1114.

(2) Arch. du Cher, C, 1114.

(3) Ibid.


142 LES COLLECTEURS

Bref, jusqu'à la Révolution, on continue à Saint-Amand à suivre les anciens errements en ce qui concerne la collecte.

Le système que je viens d'exposer pour l'assiette et le recouvrement de l'impôt s'appliqua à la taille, aux impositions accessoires, à la capitation des taillables et aussi à des taxes extraordinaires, dites impositions militaires.

Les rôles de la capitation pour les nobles et les officiers de judicature non taillables sont arrêtés par le bureau de l'administration provinciale (1).

Au point de vue de la répartition des vingtièmes, on tente, en 1777, un essai de cadastre dans les deux collectes qui forment la ville de Saint-Amand. Un contrôleur des vingtièmes, assisté des collecteurs de l'année, des fermiers des dîmes et de plusieurs anciens habitants, classe les différentes natures d'immeubles en plusieurs catégories à chacune desquelles correspond un revenu présumé. On applique ensuite ce tarif aux possessions des contribuables (2). — Plus tard des commissaires, nommés par les habitants, interviennent dans la répartition des vingtièmes. Mais l'insuffisance des renseignements recueillis ne me permet pas d'entrer dans de plus grands détails à cet égard.

(1) Arch. du Cher, C, 1142, 1144, 1148, 1163.

(2) Arch. du Cher, C, 231.


QUOTITÉ DE L'IMPOT 143

Quotité de l'impôt (1).

En 1789, les habitants de Saint-Amand non privilégiés payent :

Dans la collecte de Saint-Amand :

Pour la taille 5.034 livres

Pour les impositions accessoires 2.697

Pour la capitation 2.801

Total 10.532

Dans la collecte du Vieux-Château :

Pour la taille 1.365 livres,

Pour les impositions accessoires 731

Pour la capitation 760

2.856

Soit en tout 13.388 livres

En 1784, les taillables de Saint-Amand avaient été dans l'obligation de verser au fisc (en outre des trois espèces de contributions ci-dessus), à titre d'impositions militaires, la somme de 735 livres 15 sols pour la collecte du Vieux-Château et celle de 2,713 livres pour la collecte de Saint-Amand.

Au principal des impôts, il faut ajouter les honoraires alloués aux collecteurs, ainsi que le montant des réimpositions, les sommes dont certains contribuables ont obtenu décharge étant réimposées l'année suivante sur la communauté.

La taille est répartie pour 1787 entre 322 feux pour le Vieux-Château et entre 879 pour la collecte de Saint(1)

Saint(1) renseignements contenus au présent paragraphe sont extraits des Archives du Cher, C, 231, 613, 615, 1108, 1109 et L, 456.


144 QUOTITÉ DE L'IMPOT

Amand, un seul feu comprenant d'ordinaire plusieurs contribuables.

On évalue alors que la moyenne de la taille est, par feu, pour la collecte du Vieux-Château, de 4 livres 4 sols 10 deniers et, pour la collecte de la ville, de 5 livres 14 sols 6 deniers.

En la même année, dans la collecte du VieuxChâteau, un contribuable paie 41 livres 10 sols de taille ; — deux habitants paient de 33 à 34 livres 10 sols de taille ; — cinq de 30 livres 5 sols à 37 livres ;

— trois de 20 livres 10 sols à 21 livres ; — vingtquatre de 10 livres 2 sols à 19 livres ; — deux cent quatre-vingt-sept paient moins de 10 livres.

On compte alors, dans la collecte de Saint-Amand, une cote de 83 livres de taille, — trois cotes de 40 à 46 livres, — neuf cotes de 30 à 37 livres, — trenteneuf de 20 à 29 livres, — cent vingt de 10 à 19 livres,

— et sept cent sept au-dessous de 10 livres.

Parmi les cotes inférieures à 10 livres, certaines ne dépassent pas un sol de taille.

Les indications qui précèdent ne sont relatives qu'à la taille. Les impositions accessoires et la capitation s'élèvent réunies à une somme au moins égale au montant de l'impôt principal, de sorte que, pour apprécier la charge fiscale supportée par chaque habitant du chef de ces trois contributions, il faut au moins doubler les chiffres que je viens de donner.

Les impositions accessoires, la capitation et les impositions militaires sont, à l'égard de chaque taillable, proportionnées à sa cote de taille. Il y a lieu de faire observer à ce sujet que ce mode d'établiszement de l'impôt n'était pas légal, en ce qui concerne la capitation, dont le taux eût dû être basé sur la qualité des personnes et non sur leurs facultés.


QUOTITÉ DE L'IMPOT 145

Je ne donnerai pas les résultats des rôles de la capitation des non taillables, à cause des décharges considérables accordées chaque année à nombre d'entre eux.

Quant à l'impôt sur le revenu des biens fonds, il monte, en 1778, pour 2 vingtièmes et 4 sols pour livre du premier vingtième, savoir :

Pour la collecte du Vieux-Château, à 1,870 livres 6 sols 3 deniers.

Et pour la collecte de Saint-Amand à.... 6,960 — 15 — 6 —

Total pour la ville... 8,830 —21—9 —

Les vingtièmes s'élèvent, en 1787, pour les deux collectes, à 8,241 livres 15 sols 9 deniers (1).

Dans la même année, les taxes spéciales aux travaux publics et qui comprennent, je pense, l'impôt représentatif de la corvée, montent à 2,092 livres.

Les impositions extraordinaires pour dépenses locales donnent, pour huit années, de 1780 à 1787, un total de 1,523 livres 6 sols.

Il n'était pas sans intérêt de relater les indications qui précèdent. Malgré leur aridité, les chiffres nous éclairent souvent, bien mieux que des généralités, sur la situation des populations d'autrefois.

(1) Je n'ai pu recueillir, en ce qui concerne Saint-Amand, aucun renseignement sur les 20es relatifs aux produits de l'industrie.

En ce qui concerne les 20es sur les revenus des offices, ils étaient imposés à Saint-Amand sur les greffiers, notaires et procureurs.

10


146 LA GABELLE

La Gabelle.

On lira, dans les cahiers de Saint-Amand, de nombreuses et vives protestations contre les aides et droits réservés, ainsi que contre le monopole du tabac. Mais, au sujet de ces divers impôts, les renseignements spéciaux à la localité ne sont pas suffisants pour qu'on puisse en faire l'objet d'une partie de cette monographie.

En ce qui concerne la gabelle, je puis dire que depuis 1668 (1) jusqu'en 1723, le Grenier à sei de SaintAmand avait été de vente volontaire pour tous les ressortissants de ce Grenier, c'est-à-dire que ces derniers étaient libres de se faire délivrer telle quantité de sel que bon leur semblait, tout en payant la marchandise à un prix de monopole.

Comme il résultait de cette situation des facilités pour le faux saunage, parce que la circonscription du Grenier à sel de Saint-Amand était limitrophe de pays rédimés de la gabelle, une déclaration du 5 janvier 1723 transforma le Grenier à sel de Saint-Amand en Grenier d'impôt, les contribuables (sauf ceux qui avaient le privilége du franc-salé) (2) étant tenus de retirer une quantité de sel déterminée. Mais cette déclaration et un arrêt rendu le 6 septembre 1723 par le conseil du Roi (3) maintinrent les deux col(1)

col(1) du Roi du mois de septembre 1668.

(2) Ce privilège donnait droit à la délivrance d'une provision de sel, sans paiement d'impôt.

(3) Je donne ici le texte de la requête qui précède l'arrêt du 6 septembre 1723, parce que cette requête établit que, tout au moins à cette époque, le Vieux-Château et Saint-Amand, bien que compris dans des circonscriptions féodales, judiciaires et fiscales différentes, ne formaient cependant qu'une seule communauté.

« Sur la requête présentée au Roy en son conseil, par les habitants


LA GABELLE 147

lectes de Saint-Amand sous le régime de la vente volontaire.

Au Grenier de Saint-Amand, le sel est vendu, en 1789,14 sols la livre.

La consommation annuelle du sel, dans cette ville, occasionne une dépense de 20,370 livres 4 sols 3 deniers (1).

» de la paroisse du Vieux-Château Saint-Amand, contenant qu'encore » que l'étendue de ladite paroisse soit divisée en deux justices et col» lectes, l'une appelée Vieux-Château Saint-Amand et l'autre Saint» Amand, néanmoins ces deux justices et collectes ne font et n'ont » toujours fait qu'un même corps de communauté soit par l'unité

» de paroisse, soit par le gouvernement et la police exercés par des » officiers municipaux communs aux suppliants et à la ville de » Saint-Amand ; que les octrois pour la dépense commune de la » ville de Saint-Amand se payent par les suppliants et par les habi» tants de ladite ville en commun et enfin, lorsqu'il y a des troupes » en quartier à Saint-Amand, les Maire et échevins les logent dans » toute l'étendue de la paroisse et font contribuer les suppliants à » l'ustensile et autres charges, de même que les habitants de ladite » ville; que les choses en cet état et, Sa Majesté ayant, par déclara» tion du 5 janvier dernier qui convertit le Grenier a sel de ladite » ville cy-devant de vente volontaire en Grenier d'impôt, excepté » dudit impôt les habitants de ladite ville et ordonné que le sel » continuera de leur être délivré par vente volontaire, les habitants » sont en droit de présumer qu'ils sont compris sous la dénomina» tion générale des habitants de ladite ville et que, par conséquent, » ils demeurent comme eux soumis à la vente volontaire comme

avant la déclaration. » Arrêt conforme.

(1) Arch. du Cher, L, 453.


148 LA PAROISSE

VII LA PAROISSE

Dans les paroisses rurales d'autrefois, le curé a une situation prépondérante, non-seulement en raison de l'influence qu'il tire de l'exercice de son ministère, mais aussi parce qu'il est entre le gouvernement et les populations un intermédiaire plus éclairé et plus écouté que le syndic nommé par les communautés.

A Saint-Amand, où se trouve réuni un personnel nombreux, trop nombreux de magistrats et de fonctionnaires, le curé, si l'on fait abstraction de quelques publications au prône opérées à la demande de l'autorité publique, est restreint à ses attributions ecclésiastiques qui comprennent au surplus, comme on sait, la rédaction des actes constatant à la fois les faits principaux de la vie religieuse et l'état civil des habitants.

Du reste, tous ses soins sont réclamés par l'administration d'une paroisse considérable, l'une des plus importantes du diocèse de Bourges, puisqu'elle comprend les deux collectes du Vieux-Château et de SaintAmand, tandis que la ville de Bourges, dont la population n'est peut-être pas plus de trois fois supérieure à celle de Saint-Amand, est alors divisée en quinze circonscriptions paroissiales.

Le curé de Saint-Amand, M. Damont, avait déjà, en 1789, un assez long exercice, ayant été promu aux fonctions pastorales en 1752 (1). Par qui avait-il été

(1) Pouillé général du diocèse de Bourges, dédié à Mgr Georges-


LA PAROISSE 149

pourvu de sa cure? Je ne saurais répondre sur ce point d'une façon bien certaine; car, sous l'ancien régime, il n'existe pas pour la nomination aux cures de règles uniformes analogues à celles établies par le Concordat de l'an IX. Le droit de conférer le bénéfice curial appartient, avant la Révolution, suivant les titres qui diffèrent pour chaque localité, soit à des chapitres, soit à des communautés religieuses ou à des dignitaires ecclésiastiques qui étaient censés représenter les prêtres chargés, dans l'origine, du service paroissial et qui, pour ce motif, s'intitulaient curés primitifs. On trouve aussi, parmi les collateurs, des personnages laïques qui tirent leur qualité de ce que leurs auteurs sont réputés avoir été fondateurs, bienfaiteurs ou protecteurs de l'église de la paroisse. Or, en ce qui concerne Saint-Amand, le comte de La Marche, dans un mémoire dressé vers 1762 à l'occasion de ses démêlés avec la communauté, énumère, parmi les droits résultant de sa qualité de seigneur, la faculté de nommer le curé de la ville (1). Mais des documents autrement probants que les allégations émises par une partie dans un débat judiciaire me paraissent démontrer que le prieur du Montet-auxMoines, en Bourbonnais, était à la fois curé primitif de la ville et collateur de la cure de Saint-Amand (2). Quoi qu'il en soit, le curé de Saint-Amand n'est pas, au point de vue pécuniaire, dans la condition précaire

Louis Phélypeaux, par M. de Labrugière, secrétaire général de l'archevêché. Bourges, 1772. — Manuscrit déposé à la bibliothèque de Bourges.

(1) Arch. du Cher, l. n. i.

(2) Induction tirée d'un arrangement intervenu le 1er juillet 1488 entre le prieur de Saint-Amand, au nom du monastère de Montetaux-Moines, et les Carmes de Saint-Amand. — Une copie de ce docu-


150 LA PAROISSE

de beaucoup de pasteurs du second ordre, réduits à la portion congrue ou à une maigre dotation par suite de la rapacité des curés primitifs qui, en se déchargeant sur de pauvres prêtres des obligations du ministère, ont soin de retenir pour eux la majeure partie des profits matériels attachés aux fonctions curiales.

Outre la jouissance du presbytère et de quelques immeubles constituant le patrimoine de la cure, le curé de Saint-Amand bénéficie d'un casuel important et du produit de diverses fondations. Il possède enfin plusieurs droits de dîmes et, en comparant les revenus des différents décimateurs de la paroisse, j'apprécie que la dîmerie du curé comprend environ la moitié des terres cultivables de la circonscription paroissiale. Le surplus du territoire de Saint-Amand, au point de vue de la perception de la dîme, est divisé en plusieurs autres dîmeries qui appartiennent au prieur de Saint-Amand, le plus fort décimateur de la paroisse après le curé, aux religieux de Noirlac, à l'abbaye d'Ahun, aux Carmes de la ville, enfin au titulaire d'une vicairie dite de Saint-Hilaire (1). Celte division de la dîme entre plusieurs ayant-droits, peut,

ment se trouve dans les manuscrits de M. Haigneré, à la bibliothèque de Bourges.

Le Pouillé du diocèse de Bourges de 1648 (du Père Labbe) indique comme collateur de la même cure le prieur du Montet-aux-Moines.

A la vérité, Chenu, dans son Pouillé de 1603, attribue cette même qualité au prieur de Saint-Michel de l'Ecluse, du diocèse de Limoges; mais cette indication parait résulter d'une confusion, le prieur de l'Ecluse étant lui-même collateur du prieuré du Montet-aux-Moines.

Je fais remarquer que le prieur du Montet-aux-Moines était collateur du prieuré de Saint-Amand.

(1) Arch. du Cher, C, 231. Vérification du revenu des biens-fonds pour l'établissement de l'impôt des 20es.


LA PAROISSE 151

je crois, s'expliquer par ce fait, qu'au moyen-âge les droits de dîmes avaient été souvent l'objet d'aliénation (1).

Je suppose que le curé devait subvenir, dans une large mesure, tout au moins au moyen du casuel, à l'entretien de ses vicaires, les vicairies de la paroisse n'étant pourvues que de dotations infimes.

De plus, le curé était tenu, de droit, avec ceux des décimateurs participant comme lui à la perception des grosses dîmes, c'est-à-dire des dîmes à prélever sur le blé, le vin et le gros bétail, de supporter les frais des réparations à effectuer au choeur de l'église et quelques-unes des dépenses du culte. Le surplus de ces dépenses est à la charge de la fabrique qui possède quelques immeubles, mais dont les revenus proviennent principalement de la location des bancs et chaises et du produit de la liève, c'est-à-dire de droits de cens et rentes et de lods et ventes (2).

Le clergé séculier de Saint-Amand ne se compose que des ecclésiastiques attachés au service de la paroisse et de trois ou quatre prêtres retirés dans la ville. Le curé jouit de l'avantage de n'être point contrecarré par un chapitre; car, à cette époque, dans les églises collégiales, curés et chanoines sont d'ordinaire en perpétuelles discussions d'intérêts ou de préséances.

(1) Certaines dîmes demeurent indivises ; ainsi le curé, le prieur du lieu et les Carmes possèdent en commun le droit de lever, dans une certaine étendue, la dîme de l'ail, de l'échalotte et de l'oignon, (Bail du 1er juillet 1789 Arch. du Cher, l. n. i.)

(2) « 1er octobre 1787. Compte que rend par-devant vous M. l'abbé » des Beauxplains, archidiacre du diocèse de Bourges, Me Barthé» lemy Vallet de Nouan, ancien marguillier de l'église paroissiale » de Saint-Amand, à M. Geoffrenet du Suchet, ancien marguillier » de ladite église, de l'administration qu'a faite ledit sieur Vallet


152 LA PAROISSE

Mais Saint-Amand compte deux communautés de Réguliers, un couvent de Carmes et un couvent de Capucins.

Les Capucins avaient été installés à Saint-Amand par Henri II prince de Condé, en l'année 1621 (1). La

» des revenus de la fabrique de ladite église, à commencer du » 1er janvier 1783 jusqu'au dernier décembre 1784 qui sont les deux » années de son exercice, ensemble de la dépense qu'il a faite jus» qu'au 8 avril 1787 :

» 1° Reçu du prédécesseur 1,390 livres 7 sols 4 deniers.

» 2° Bancs et chaises en 1783 et 1784 746 2

» 3° Revenus casuels, droits de draps mor» tuaires 37 liv. 10

» Prix de noix et herbes du ci» metière pendant deux années.. 8

» Droits de lods et ventes à l'oc» casion de l'acquisition de 5 mo» duriers de terres par un sieur » Gosset 30

75 10

» 4° Produit de la liève. 626 7 10

Total de la Recette 2,838 17 2

La dépense s'élève à la somme totale de.. 1,671 lit. 15 sols 3 deniers.

Les principaux articles de cette dépense sont les suivants :

Sommes payées au curé pour acquittement

de fondations 507 livres.

au même pour entretien et fourniture du luminaire 240

Gages du sacristain et des bedeaux 208

" Chantres 80

Entretien des cordes des cloches 60

Blanchissage et racommodage du linge... 60 12 sols.

Papier des registres des actes de baptêmes, mariages et sépultures 18 litres 1 sol 6 deniers.

Les autres articles concernent principalement des réparations et le paiement de fournitures diverses.

(Arch. du Cher, fonds de la cure de Saint-Amand.\

(1) Arch. du Cher, fonds des capucins de Saint-Amand, Ce fonds ne se compose que de 2 liasses. On y trouve peu de renseignement» sur la situation du couvent en 1789.


LA PAROISSE 153

fondation du couvent des Carmes remonte à une époque bien antérieure (1). Différents indices me font supposer que ces deux couvents ne renfermaient à la fin de l'ancien régime qu'un très-petit nombre de religieux (2). Les Capucins ayant fait voeu de pauvreté ne possèdent que leur maison et un enclos (3). Quant aux Carmes, ils ont, outre leur habitation conventuelle, des terres, vignes et prés et jouissent de redevances diverses (4).

Ces ordres monastiques sont alors considérés avec peu de faveur par la partie bourgeoise de la population. En 1782, à l'occasion d'un procès entre la ville et les R. P. Carmes, les officiers municipaux s'expriment d'une façon fort irrévérencieuse à l'égard de ces derniers, leur imputant même d'abuser, pour soutenir les intérêts pécuniaires de leur couvent, de l'in(1)

l'in(1) les Recherches historiques sur Saint-Amand-Montrond, de M. Chevalier, on lit (pag. 65), au sujet du monastère des Carmes : « Si l'on ignore l'époque précise de sa fondation, on peut du moins » assurer qu'il existait avant 1341. En effet, le P. Robert de Rupert, » qui professa la théologie à Paris en 1341, avec beaucoup de suc»

suc» était profès du couvent des Carmes de Saint-Amand en Berry. » Mais, d'autre part, Coquille indique, dans son Histoire du Nivernais (pag. 297), qu'Ysabeau de la Tour, veuve d'Armand Amanieu d'Albret, avait bâti et fondé le couvent des Carmes de Saint-Amand. Ysabeau de la Tour mourut en 1488.

(2) En 1790, après la suppression des communautés, on ne compte à Saint-Amand que 22 anciens religieux et religieuses pensionnés.

Dans les baux consentis par les Carmes ne figurent qu'un très petit nombre de religieux ; mais je ne puis dire s'ils composaient toute la communauté.

M. Delacodre, dans le manuscrit dont je parlerai ci-après (notice bibliographique), indique que le couvent des Carmes n'a jamais contenu plus de 10 religieux.

(3) Arch. du Cher, C, 231, vérifications faites par le contrôleur des 20es.

(4) Ibid.


154 LA PAROISSE

fluence que leur donne leur participation aux fonctions sacerdotales. « Nous ne pouvons pas vous » laisser ignorer. Monseigneur, écrivent-ils à l'Inten» dant, que les R. P. Carmes, qui ont la direction des » consciences de presque toute la ville et particuliè» rement des nôtres, ont mis tout en usage pour » indisposer les faibles contre notre projet et era» pêcher l'effet de notre délibération. Cette cabale » paraît odieuse à tous les honnêtes gens qui pensent » et est bien digne de moines qui cherchent à en venir à » leurs fins par quelque voie que soit (1). » Cette réflexion montre quel est alors le courant des idées à l'égard des communautés religieuses. On trouvera du reste, à leur sujet, dans les cahiers de Saint-Amand, des appréciations plus sévères.

Par contre, le curé reçoit des habitants des témoignages de confiance et de respect. Ainsi, lors de l'établissement d'un bureau de charité, la communauté constitue le curé administrateur-né de ce bureau, en sa qualité de père des pauvres (2).

C'est ici le lieu de noter qu'il existe à Saint-Amand un Hôtel-Dieu où étaient reçus non-seulement les malades pauvres de la ville, mais aussi ceux du Châtelet et d'Ainay-le-Château (3). Si l'administration de cet hospice appartient à des laïques, la direction du service dans l'établissement est confiée à trois Soeurs de Charité. — On estime, en 1777, que les revenus de l'Hôlel-Dieu de Saint-Amand dépassent 2,600 livres dont

(1) Minute d'une lettre du 16 mars 1782, écrite par les officiers municipaux à l'Intendant. (Arch. du Cher, l. n. i )

(2) Archives de Saint-Amand. Registre des délibérations de la communauté. Délibération du 23 janvier 1783.

(3) Adresse des habitants de Saint-Amand à l'Assemblée nationale.


LA PAROISSE 155

il fallait déduire 767 livres 12 sols pour dépenses ordinaires (1), l'excédant pouvant ainsi être employé au traitement des malades.

Après avoir mentionné les personnes appartenant à l'état religieux qui sont chargées dans la ville de missions d'ordres divers, il faut dire qu'à Saint-Amand les fidèles ne sont pas exempts du triste spectacle de bénéfices auxquelles nulles fonctions ne sont attachées; du moins, les titulaires s'acquittent du service dont ils sont tenus, par l'intermédiaire d'autres prêtres et au moyen d'arrangements au rabais. — Ainsi, le prieur de Saint-Amand, sans remplir dans la paroisse aucun des devoirs du ministère, sans même y résider, perçoit des revenus supérieurs à ceux de plus d'un curé de campagne (2). — Il faut ranger dans la même catégorie de bénéficiers le titulaire de la chapelle établie sur la place du Marché, dédiée à sainte Marie-Magdelaine et connue sous le nom de Chapelle-Peron (3), ainsi que le titulaire de la chapelle fondée en l'église paroissiale sous l'invocation de sainte Catherine. Ce dernier, tenu de dire, chaque semaine, une messe avec libéra, se décharge de son obligation ainsi que de

(1) Arch. du Cher, C, 231.

Voici l'état des dépenses ordinaires en 1777 :

Pension de 3 soeurs 450 liv.

Desserte de la chapelle 194 12 sols.

Gages des domestiques 102

Rentes dues à la fabrique et à la cure d'Ardenais 21

Total 767 liv. 12 sols.

(2) Arch. du Cher, C, 231. Vérifications faites par le contrôleur des 20es.

(3) Ibid. — Notes manuscrites de M. Haigneré à la bibliothèque de Bourges et Pouillé de 1772.


156 LA PAROISSE

l'entretien de l'autel, sur le curé de la paroisse, moyennant une redevance annuelle de 33 livres (1). — D'autre part, l'abbé et les Bernardins de Noirlac, le prieur de Meillant, le curé de Bouzais, l'abbesse et les religieuses de Bussières de Bourges, les religieuses de la Congrégation de Bourges ont des possessions à SaintAmand, mais de très-médiocre importance (2).

Passant maintenant à l'examen de l'état religieux de la population, j'indique que, dans cette ville où le protestantisme avait compté de nombreux adhérents au temps des guerres de religion, je ne trouve trace, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, que d'une seule personne faisant profession de calvinisme. C'était une vieille fille dont le décès arrive le 7 mars 1778. Le corps d'une hérétique ne pouvait reposer en terre sainte. Le bailli ordonne que le cadavre sera inhumé dans une des caves de la maison où habitait la défunte (3).

Non-seulement il n'existe pas à Saint-Amand de groupe appartenant à une religion dissidente, mais l'observation des prescriptions du culte catholique relativement à la fréquentation des sacrements est dans les habitudes de la majorité de la population. Du reste, les pratiques religieuses font alors partie des obligations officielles, si bien que, dans l'ordre judiciaire, un candidat n'eût pas été admis à l'exercice du plus mince emploi, sans avoir établi par voie d'enquête, outre sa

(1) Pouillé de 1772 et Arch. du Cher, L, 491.

Le Pouillé de 1772 mentionne de plus l'existence à Saint-Amand de deux autres chapelles, l'une dite du Cimetière et l'autre de SaintAntoine.

(2) Arch. du Cher, C, 231.

(3) Arch, du Cher, B, 4107.


LA PAROISSE 157

capacité et sa moralité, sa qualité de catholique et sa régularité dans l'accomplissement de ses devoirs religieux. On appelait cette enquête l'information de vie et moeurs, de religion catholique, apostolique et romaine.

Je n'insiste pas davantage sur la situation religieuse de Saint-Amand ; car, par suite de l'insuffisance des archives de l'ancienne cure de cette ville, ce n'est pas la paroisse de Saint-Amand qu'il conviendrait de prendre comme type pour donner une idée complète de l'organisation ecclésiastique d'autrefois.


158 NOBLES ET ROTURIERS

VIII

OBSERVATIONS SUR LA CONDITION DES HABITANTS DE SAINT-AMAND

Nobles et Roturiers. — Corporations d'Arts et Métiers. — Division de la Propriété.

J'ai parlé du clergé de Saint-Amand. Cette ville compte aussi des représentants de la noblesse.

L'idée qu'on se fait généralement de la situation respective de la noblesse et du tiers-état n'est pas tout à fait exacte. Parce que gentilhommes et roturiers faisaient partie de deux ordres distincts, on est porté à supposer qu'il existait entre eux une démarcation bien tranchée. Cette appréciation est trop absolue.

Sans doute, entre un gentilhomme et un campagnard ou un artisan, la différence est énorme au point de vue des charges et des avantages sociaux. Mais, en 1789, dans une petite ville, les principales familles de la bourgeoisie et celles appartenant à la noblesse sont dans une condition légale presque identique. On a vu, en effet, que des magistrats et fonctionnaires, quoique d'origine roturière, jouissent d'exemptions d'impôts qui constituent précisément le plus notable privilège de la noblesse. D'autre part, les riches bourgeois peuvent acquérir des terres nobles et, bien que tenus pour cette cause d'un impôt spécial appelé droit de franc fief, ils ne rentrent pas moins dans la hiérarchie féodale. Des bourgeois de Saint-Amand tiennent ainsi en fief un certain nombre de domaines dans les localités environnantes et l'un d'entre eux, avocat en


NOBLES ET ROTURIERS 159

parlement, est même seigneur d'une des paroisses voisines (1).

La noblesse locale fait du reste, à Saint-Amand, très-mince figure. Le seigneur, qui est un grand personnage, se garde bien de faire séjour habituel dans une ville de troisième catégorie, de sorte que la classe aristocratique ne se compose que de quelques vieilles dames et de quelques gentilshommes retirés du service militaire : — noms ignorés, — possessions de médiocre importance, du moins dans la ville, — train de vie modeste et nul souci de se mêler à l'administration des affaires locales (2).

La bourgeoisie comprend plus de 100 familles : fonctionnaires, — gens de justice, — chirurgiens, — propriétaires ou rentiers; tous habitent la collecte de Saint-Amand (3). Beaucoup sont privilégiés ; mais, comme l'ancienne organisation n'est qu'un ensemble de situations plus ou moins favorisées, parmi les privilégiés, certains ne sont dispensés que de la collecte et du service de la milice bourgeoise, les autres sont exempts même de la taille.

Environ 100 familles exercent des professions commerciales. Le commerce local est alors de peu d'importance. Les principaux négociants sont, en 1782, un marchand de drap et soie qui tient en même temps une espèce de bazar et un autre particulier qui a établi le centre de ses affaires à Saint-Amand, mais dont

(1) M. Boityères, seigneur de Saint-Georges (Saint-Georges, commune qui fait actuellement partie du canton de Saulzais-le-Potier).

(2) Cependant, un gentilhomme, M. Lelarge de la Coudre, chevalier de Saint-Louis, devint maire de Saint-Amand au début de la Révolution.

(3) Arch. du Cher, C, 1114.


160 CORPORATIONS D'ARTS ET MÉTIERS

la profession consiste à vendre ses marchandises dans les réunions foraines (1).

Près de 300 familles représentent l'industrie ou le travail manuel.

Mais la majeure partie de la population (environ 570 familles) est adonnée aux occupations agricoles et spécialement à la culture de la vigne (2).

C'est ici le lieu de rechercher s'il existait à SaintAmand en 1789 et s'il avait existé antérieurement dans cette ville des corporations d'arts et métiers.

Je fais d'abord remarquer à ce sujet que le régime des jurandes est loin d'avoir été aussi général que pourrait le faire supposer le texte des anciens édits et qu'il ne s'appliquait ni à toutes les localités, ni même, dans les villes jurées, à. toutes les catégories de commerçants et d'artisans. Il était, du reste, de principe et de jurisprudence, même avant 1776, époque de la première suppression des communautés, qu'une corporation d'arts et métiers n'avait une existence légale et le monopole de l'exercice d'une profession qu'autant qu'elle avait été constituée par lettres-patentes enregistrées au Parlement. C'est ce qui avait été jugé, notamment en 1754, contre les

(1) Minute d'une lettre des officiers municipaux à l'Intendant. (Arch. du Cher, l. n, i.)

(2) Les renseignements statistiques consignés ci-dessus, relativement aux bourgeois, commerçants, artisans et vignerons, sont extraits de différentes pièces qui comportent quelques différences dans les chiffres (notamment Arch. du Cher, L. 450) ; aussi je ne donne que des indications approximatives.

En 1790, on compte à Saint-Amand 50 domestiques mâles et

162 femmes en service.

On y compte à la même époque 50 chevaux de selle et 6 chevaux

de carrosse ou de cabriolet.

tArch. du Cher, ibid.)


CORPORATIONS D'ARTS ET MÉTIERS 161

vinaigriers de Rheims organisés cependant en communauté depuis plus de deux siècles et à qui même le bailli de Rheims avait accordé des statuts en 1582 (1). Je ne connais pas, pour la période antérieure à 1776, de lettres-patentes ayant autorisé l'établissement à Saint-Amand de communautés d'arts et métiers; mais j'estime qu'il existait en cette ville de pareilles communautés régulièrement constituées et voici le motif principal de mon opinion. L'ancienne administration, très ingénieuse en fait d'expédients financiers, avait, par édit de février 1745, créé des offices d'inspecteurs et contrôleurs des maîtres et gardes dans les corps des marchands et d'inspecteurs et contrôleurs des jurés dans les communautés d'arts et métiers, non pas pour établir un service de surveillance dans l'intérêt public, mais uniquement en vue de mettre à contribution les communautés, intéressées à s'exonérer d'une surveillance gênante. On les autorisa en effet à acheter ou, suivant l'expression d'alors, à réunir les nouveaux offices pour l'exercice desquels elles étaient censées devoir commettre des personnes de leur choix. On finit même par leur imposer cette réunion (2). Or nous voyons qu'en 1751 les offices dont il s'agit furent acquis à Saint-Amand « par la communauté des marchands et artisans de toute espèce », c'est-à-dire apparemment par l'ensemble des corporations de la ville (3) et la rente de la somme déboursée à cette

(1) DENISART, Collection de décisions nouvelles et de notions relatives à la jurisprudence actuelle — édition 1768 — v° ARTS ET MÉTIERS,

(2) LEVASSEUR, Histoire des Classes ouvrières en France, tom. Il, pag. 350.

(3) Voici au surplus copie intégrale de la quittance délivrée à cette occasion :

Offices d'inspecteurs et contrôleurs des maîtres et gardes dans les

11


162 CORPORATIONS D'ARTS ET MÉTIERS

occasion est encore, en 1774, servie par l'Etat aux officiers municipaux agissant pour le compte de ces corporations, en vertu des pouvoirs donnés par les syndics d'arts et métiers (1). Evidemment la mesure en question n'eût pas été applicable à Saint-Amand s'il n'eût existé en cette ville des corporations légalement organisées.

Je trouve, du reste, d'autres traces de l'existence de ces corporations.

corps des marchands et d'inspecteurs et contrôleurs des jurés dans les communautés d'arts et métiers du royaume, créés par édit du mois de février 1745.

Avec exemption de la milice et autres privilèges portés par ledit édit.

J'ai reçu de la communauté des marchands et artisans de toute espèce de Saint-Amand la somme de 834 livres 18 sols, savoir : celle de 759 livres en principal et celle de 75 livres 18 sols pour livre de ladite somme, pour réunion des offices d'inspecteur et contrôleur, créés à ladite communauté par édit du mois de février 1745, registre où besoin a été, pour jouir par elle de la somme de 37 livres 19 sols de gages, sur le pied du denier vingt, dont l'emploi sera fait dans les états des finances de Sa Majesté à commencer le 26 juin 1749 et le paiement d'iceux sur sa simple quittance, en rapportant pour la première fois seulement copie collationnée de la présente, lesquels gages demeureront déchargés du 10e ordonné être levé par la déclaration du 29 août 1741 et être mise ladite communauté en possession et jouissance desdits offices, sans être tenue d'obtenir aucunes lettres de provisions, et jouir en outre des droits de visite énoncés au tarif attaché sous le contre-scel de cet édit, de l'exemption de la collecte des tailles, du service de la milice pour ceux des maîtres de ladite communauté qui seront commis par elle aux fonctions desdits offices et pour l'ainé de leurs enfants, de tutelle et curatelle, nomination à icelles et autres charges publiques, le tout ainsi qu'il est plus au long expliqué par ledit édit, sans que, pour raison de ce, ils puissent être augmentés à la taille qu'au marc la livre de l'augmentation de leurs biens ou de celle qui pourrait être faite sur l'imposition générale.

Paris, 20 mars 1751. (Arch. du Cher, l. n. i.)

(1) Arch. du Cher, l. n. i. — Dans une délibération du 4 janvier 1753 prise pour cet objet figurent 10 syndics d'arts et métiers.


CORPORATIONS D'ARTS ET MÉTIERS 163

En 1700, l'administration, agissant toujours dans un but de fiscalité, impose d'office des armoiries à deux communautés, celle des marchands de draps, épiceries, merceries et quincailleries et celle des pâtissiers, cabaretiers et boulangers (1).

Je constate ensuite que, de 1717 à 1771, les délibérations du conseil de ville et les élections d'officiers municipaux ont lieu en présence ou avec le concours des syndics d'arts et métiers. Ces syndics sont alors nommés, non par leurs compagnies, mais par le conseil de ville. Les corporations ainsi représentées dans les assemblées de ville sont, outre celles des marchands et des boulangers, les communautés des chirurgiens, — barbiers-perruquiers, — maçons et tailleurs de pierre, — charpentiers, — menuisiers, — serruriers et autres ouvriers travaillant le fer, — tailleurs, — cordonniers, — aubergistes, — enfin la communauté des vignerons (2). Je ne puis affirmer qu'il n'existât pas d'autres compagnies.

M. Boyer, président de la Société historique du Cher, à l'aide de précieux documents conservés dans nos archives locales et avec l'autorité que lui donne sa connaissance approfondie du passé, nous initie, pour

(1) « La communauté des pâtissiers, cabaretiers et boulangers de » la ville de Saint-Amand : d'argent à 2 pelles de four de gueules » passées en sautoir, accompagnées de trois barils de sable cerclés » d'or, posés deux aux flancs et un en pointe.

» La communauté des marchands de draps, épiceries, merceries » et quincailleries de la ville de Saint-Amand : d'azur à des balances » d'or suspendues à un cordon de gueules et une aune d'argent, » marquée de sable, perie en bande, brochante sur le tout ». (Extrait de l' Armoriai général de France (partie relative à la Généralité de Bourges), publié par la Société des Antiquaires du Centre, pag. 322.)

(2) Arch. de Saint-Amand, registres des délibérations, passim,


164 CORPORATIONS D'ARTS ET MÉTIERS

Bourges, aux détails de l'organisation des anciennes communautés et nous fait apprécier, par l'expérience des siècles précédents, les désordres multiples qui sont, au point de vue économique et social, la conséquence du monopole (1). Au sujet du régime du travail à Saint-Amand, les renseignements que j'ai pu recueillir sont extrêmement rares et, pour les compléter, je me garderais bien de raisonner par analogie; car, sous l'ancienne monarchie, il existe, suivant les localités, des différences considérables, non-seulement dans les usages, mais dans l'application même des édits généraux. Ces renseignements me paraissent, du reste, concerner plutôt l'exécution des règlements de Colbert relatifs aux manufactures (2) que les privilèges et l'administration des corporations. A Saint-Amand, à la fin du XVIIe siècle, pour obtenir des lettres de maître drapier, il faut exécuter un chefd'oeuvre, le faire accepter par les gardes de la draperie comme conforme à l'ordonnance des manufactures, obtenir l'agrément de l'autorité municipale et prêter devant elle un serment professionnel. Après quoi, le nouveau maître peut vendre, les étoffes (draps et droguets de sa fabrication), pourvu toutefois qu'elles aient été marquées par les gardes de la draperie (3).

(1) M. Boyer a fait, dans les séances de la Société historique du Cher, de nombreuses communications sur les communautés d'arts et métiers de Bourges.

Un fragment de son ouvrage, « le Corps des Marchands à Bourges», a été inséré dans le volume publié par la Société historique du Cher en 1882.

(2) M. Levasseur, dans son Histoire des Classes ouvrières, tom. II, pag. 212, constate que Colbert établit à Saint-Amand une fabrique de bas tricotés.

(3) Procès-verbal du 3 novembre 1698. (Arch. du Cher, B, 4132.)


CORPORATIONS D'ARTS ET MÉTIERS 165

Ces gardes sont choisis par les drapiers et parmi leurs confrères, en présence des officiers municipaux. Ils ont le contrôle non-seulement des étoffes fabriquées dans la ville, mais aussi de celles qui y sont introduites. Leur marque porte d'un côté ces mots : « Manufacture de Saint-Amand » et, d'autre part, leur nom en abrégé et leur surnom en entier, avec la date de leur entrée en fonctions. En 1742, je constate encore l'existence des gardes de la draperie (1).

En 1776, Louis XVI, à l'instigation de Turgot, établit la liberté du travail ; mais, après la chute de Turgot, l'édit d'abolition des jurandes est lui-même rapporté. On ne revient pas cependant d'une façon pure et simple à l'ancienne organisation industrielle et voici les différences principales qui existent entre le régime d'avant 1776 et celui inauguré par des édits rendus en 1777 et dans les années suivantes.

Les corporations d'arts et métiers ne sont rétablies que dans certaines villes énumérées par les édits. — Un grand nombre de métiers, précédemment organisés en jurandes et dont par suite le monopole appartenait à des communautés, peuvent être exercés librement par tous particuliers. — Pour éviter, entre les corps d'état, au sujet de l'étendue de leurs privilèges, des conflits qui, avant 1776, étaient des causes de procès incessants, les professions ayant le plus d'analogie entre elles ont été réunies dans les nouvelles communautés. — Enfin l'admission dans les corporations est singulièrement facilitée par une diminution considérable des droits de réception à la maîtrise. On a du reste supprimé les charges pécuniaires abusives et les épreuves rebutantes imaginées

(1) Arch. du Cher, l. n. i.


166 CORPORATIONS D'ARTS ET MÉTIERS

par l'égoïsme corporatif pour écarter de la maîtriseles ouvriers qui ne sont pas fils de maîtres.

Un édit d'août 1777 crée à Bourges vingt communautés d'arts et métiers. Un édit du 30 janvier 1778 établit dans cette ville une vingt-unième corporation (1).

Mais, ni alors, ni depuis, aucun acte de l'autorité publique ne constitue des corps de métiers à SaintAmand. Donc, en droit, à Saint-Amand, le travail est libre ; chacun peut exercer en cette ville une profession touchant au commerce ou au travail manuel, sans se faire incorporer dans une compagnie de commerçants ou d'ouvriers. Ces compagnies n'ont aucun caractère légal et constituent peut-être même des agrégations illicites. Cependant, entre le droit et e

(1) Voici la nomenclature des corporations créées à Bourges par les édits indiqués ci-dessus :

1° Fabricants d'étoffes de soie, laine, fil et coton; 2° merciers, trapiers ; 3° épiciers, ciriers et chandeliers ; 4° orfèvres, joailliers, lapidaires, horlogers ; 5° bonnetiers, chapeliers, pelletiers, fourreurs ; 6° tailleurs et fripiers d'habits en neuf et en vieux ; 7° cordonniers en neuf et en vieux ; 8° boulangers ; 9° bouchers, charcutiers ; 10° traiteurs, rôtisseurs et pâtissiers; 11° cabaretiers, aubergistes, cafetiers, limonadiers ; 12° maçons, couvreurs, plombiers, paveurs, tailleurs de pierres et tous constructeurs en pierre, plâtre et ciment ; 13° charpentiers et autres constructeurs en bois ; 14° menuisiers, ébénistes, tourneurs, layetiers, tonneliers, boisseliers et autres ouvriers en bois; 15° couteliers, armuriers, arquebusiers, fourbisseurs et autres ouvriers en acier; 16° maréchaux ferrants et grossiers, serruriers, taillandiers, ferblantiers, éperonniers, ferrailleurs, cloutiers et autres ouvriers en fer ; 17° fondeurs, épingliers, balanciers, chaudronniers, potiers d'étain et autres ouvriers en cuivre, étain et autres métaux, excepté l'or et l'argent ; 18° tapissiers, vendeurs de meubles en neuf et en vieux et miroitiers ; 19° selliers, bourreliers, charrons et autres ouvriers en voitures ; 20° tanneurs, corroyeurs, hongroyeurs, peaussiers, mégissiers et autres fabricants en cuir et peaux; 21° teinturiers.


CORPORATIONS D'ARTS ET MÉTIERS 167

fait, contraste singulier, mais qui peut s'expliquer par le sans-gêne qu'on apportait alors dans l'interprétation ou l'application des lois, on trouve à Saint-Amand, après 1777, un nombre de communautés d'arts et métiers supérieur à celui qui y existait avant cette époque et au moins égal au nombre des corporations établies dans la ville de Bourges (1). Le classement des métiers entre ces communautés n'est pas toujours en rapport avec celui établi par les édits et notamment les cultivateurs, qui ailleurs ne sont pas organisés en jurandes, forment à Saint-Amand une corporation spéciale, sous le nom de communauté des vignerons. Ces corporations ont une organisation acceptée par l'autorité locale, qui les provoque du reste à nommer des syndics pour représenter les compagnies dans les assemblées de communauté. Elles sont même, en 1789, appelées par l'autorité royale à faire acte politique ; car le règlement sur les élections aux Etats-Généraux leur confère le droit d'envoyer des délégués spéciaux à l'assemblée qui doit nommer les députés de la ville (2).

Pour moi, j'estime que les dernières corporations de Saint-Amand n'avaient pas été établies dans un but de monopole ou en vue de la réglementation du travail, mais plutôt dans un intérêt de police, les officiers municipaux ayant trouvé avantageux, notamment au point de vue de la discipline des assemblées de communauté, d'amener les personnes de même métier à s'y faire représenter par délégués. C'est en

(1) Voir au chapitre suivant la nomenclature des corporations d'arts et métiers qui existaient à Saint-Amand en 1789.

(2) Voir au chapitre suivant les indications relatives aux élections dans les communautés d'arts et métiers de Saint-Amand.


168 CORPORATIONS D'ARTS ET MÉTIERS

effet sur l'invitation du corps de ville qu'en mai 1779 seize catégories d'ouvriers, ainsi que les vignerons, procèdent à l'élection de syndics (1). Les officiers municipaux considèrent du reste, plus tard, qu'ils n'ont aucun moyen légal de contraindre les commerçants de procéder à une pareille élection (2).— D'autre part, tandis qu'à Bourges les poursuites pour exercice illégal d'une profession, c'est-à-dire pour violation du monopole d'une corporation, sont très-fréquentes, je n'en constate pas à Saint-Amand, si ce n'est de la part des barbiers-perruquiers qui, en leur qualité de titulaires d'offices, étaient et n'avaient jamais cessé d'être privilégiés pour l'exercice de leur industrie (3). — Il y a donc lieu de penser qu'à partir de 1777, à SaintAmand, l'affiliation à une corporation n'est plus une condition indispensable pour l'exercice d'aucun métier ou négoce.

On trouvera dans quelques-uns des cahiers dressés à Saint-Amand, lors des élections de 1789, un tableau assez sombre de la condition matérielle des classes ouvrière et rurale. Les couleurs sont peut-être un peu forcées, ce qui ne saurait surprendre ; car les populations, invitées à formuler leurs plaintes et doléances, ont naturellement pris soin de mettre en relief les plus tristes côtés de leur situation et d'étaler toutes les misères qui pouvaient être prises en consi(1)

consi(1) de Saint-Amand, registre des délibérations de la communauté (voir délibération du 11 mai 1779).

(2) Minute d'une lettre des officiers municipaux. (Arch. du Cher, l. n. i.)

(3) 8 mai 1789, décision du bailli de Saint-Amand interdisant à un particulier d'exercer le métier de perruquier au mépris du privilège des maîtres perruquiers. (Arch. du Cher, B, 4114.)


DIVISION DE LA PROPRIÉTÉ 169

dération pour amener à leur profit l'atténuation des charges publiques.

Ce qui me fait supposer que le travail des petites gens était déjà assez rémunérateur pour leur permettre l'épargne, c'est qu'à cette époque la majeure partie du sol est possédée par l'élément populaire.

En effet, il résulte de mes calculs, basés sur les résultats des vérifications opérées en 1777 par les contrôleurs des vingtièmes et sur les rôles dressés à cette époque (1), que le revenu net des biens fonds et droits immobiliers s'élevait alors, pour les deux collectes de Saint-Amand, à 85,314 livres ou à un chiffre approximatif. Il s'agit ici d'un revenu imposable, de ce que nous appelons aujourd'hui le revenu cadastral et, bien certainement, le produit réel de la propriété foncière devait être supérieur.

Or j'apprécie, d'après les mêmes bases, que cette somme doit être ainsi décomposée :

Revenu des biens ecclésiastiques dans lesquels j'ai compris le patrimoine de l'Hôtel-Dieu. 5,438 livres.

Revenu des biens appartenant soit à la noblesse, soit à la bourgeoisie privilégiée 28,743 —

Les propriétaires de cette catégorie, résidant ou non dans la ville, sont au nombre de 12, et la somme que je viens d'indiquer est afférente pour plus des trois quarts aux immeubles possédés par le seigneur de Saint-Amand.

Revenu des biens appartenant à des roturiers non privilégiés 51,1301ivres.

Ce qui montre que le tiers-état et, dans le tiers(1)

tiers(1) du Cher, C, 231.


170 DIVISION DE LA PROPRIÉTÉ

état le peuple, possède plus de la moitié, soit les douze vingtièmes du sol.

Les cotes foncières relatives à des contribuables de cette catégorie sont, en 1777, pour les deux collectes, au nombre de 1,054, une partie de ces cotes s'appliquant, il est vrai, à des propriétaires externes et d'autres à des habitants qui sont imposés à la fois dans les deux collectes. Le chiffre des cotes foncières est donc supérieur au nombre des propriétaires roturiers résidant dans la paroisse; mais la déduction à faire ne saurait être considérable et l'on peut dire qu'à Saint-Amand, qui comprend alors 1,000 à 1,200 familles, le plus grand nombre possède soit une maison, soit un lopin de terre.

Cet exemple, auquel d'autres pourraient être ajoutés, montre que, dans nos pays, la division de la fortune immobilière ne date pas de 1789. Elle existait déjà, comme je l'ai indiqué, au temps de Sully. Elle était, sous l'ancien régime comme de nos jours, la conséquence de règles légales, la coutume du Bourbonnais, de même que celle du Berry, prescrivant le partage égal entre enfants et n'admettant le droit d'aînesse pour les successions nobles que dans une mesure très restreinte. Toutefois, si la propriété foncière avait commencé, bien avant la Révolution, à entrer, pour une notable partie, dans le patrimoine populaire, il faut dire que c'est la Révolution qui a rendu le peuple pleinement propriétaire en dégageant le sol de la charge des cens et des servitudes imaginées par la féodalité.


LES ÉLECTIONS DE 1789 171

LES ÉLECTIONS DE 1789 A SAINT-AMAND

Je vais compléter l'enquête que j'ai entreprise au sujet de la situation d'une ville seigneuriale à la fin de l'ancien régime, en reproduisant, à la suite du présent travail, les cahiers dressés à Saint-Amand lors des élections de 1789.

Ces cahiers sont une source de renseignements d'autant plus précieuse que le système électoral, alors appliqué à Saint-Amand, assurait l'expression des sentiments non pas seulement de l'ensemble de la population, mais aussi de chaque groupe d'habitants unis par une communauté d'intérêts professionnels.

Mais, avant d'entrer dans le détail de l'organisation adoptée pour les élections, je dois dire que SaintAmand prit part au mouvement d'opinion qui, à la nouvelle de la convocation prochaine des États-Généraux, amena nombre de villes à manifester en faveur du doublement du tiers et du vote par tête, de l'indépendance des roturiers dans le choix de leurs représentants et de l'attribution à chaque contrée d'un chiffre de députés proportionnel à sa population.

Le procureur du Roi près la municipalité, « au désir » du voeu général des habitants », convoque, pour le 22 décembre 1788, une assemblée de communauté. L'assistance est nombreuse. On y remarque les officiers municipaux, le subdélégué, les membres du Bailliage, les officiers du Grenier à sel, le directeur des Aides, des avocats, des officiers ministériels, d'an-


172 LES ÉLECTIONS DE 1789

ciens maires et échevins, de notables bourgeois. A l'unanimité, on arrête la délibération suivante :

« La communauté, considérant que Sa Majesté n'a » ordonné la prochaine convocation des Etats-Géné» raux que par un effet de sa bonté et de sa justice ; » qu'elle a déjà considéré que le tiers-état formait la » plus grosse portion de ses sujets et celle par consé» quent qui, par ses propriétés et son industrie, ver» sait le plus dans ses coffres ; qu'elle ne pourrait ». souffrir que le tiers-état fût devancé et, pour ainsi » dire effacé par le voeu des deux ordres privilégiés » (le clergé et la noblesse), dont l'intérêt réuni ne » pourrait que rendre illusoire la réclamation du » tiers-état ; qu'elle a déjà jeté un regard protecteur » et approbatif sur les mémoires qui lui ont été pré» sentes pour parvenir à cette égalité si essentielle » pour l'harmonie et la paix de l'État et du peuple,— » a arrêté unanimement qu'elle adhère aux voeux des » provinces du Dauphiné, de la Bretagne, de la Nor» mandie, du Lyonnais et autres, tendant à ce que : » — 1° dans la convocation des prochains États-Géné» raux, les députés de la ville et district de Saint» Amand en Berry soient admis, en nombre propor« tionnel, à la richesse et à la population de son ter» ritoire, relativement à la richesse et à la population » des autres districts qui députeront ; — 2° que, dans » le nombre général des députés qui seront envoyés » aux États-Généraux, ceux qui seront élus par le » tiers soient en égalité de nombre avec les députés » des deux ordres privilégiés ; — 3° que les députés » qui représenteront le tiers-état ne puissent être pris » et élus que parmi les citoyens de cet ordre, sans » qu'ils puissent être choisis ni parmi les nobles, ni » parmi les anoblis, ni parmi ceux qui jouissent des


LES ÉLECTIONS DE 1789 173

» privilèges de la noblesse; — 4° et qu'afin de con» server au tiers-état la justice que présente sa » demande, tendant à avoir autant de députés que le » clergé et la noblesse ensemble, justice qui cesserait, » malgré la parité du nombre, si chaque ordre délibé» rait à part dans l'assemblée des États-Généraux, il » soit ordonné par Sa Majesté que les ordres se tien» dront réunis, délibéreront en commun et voteront » par tête, sauf à l'assemblée à se distribuer en bu» reaux, dans chacun desquels l'égalité des voix sera » toujours conservée entre le tiers-état et les deux » autres ordres et à réunir les bureaux soit par com» missaires, soit même en assemblée générale pour » former en commun des résultats définitifs (1). »

Le règlement électoral tint compte du chiffre de la population dans la fixation du nombre des députés. Il donna satisfaction, dans une certaine mesure, aux voeux du tiers-état, en admettant que cet ordre serait représenté par un nombre de députés égal à celui des deux autres ordres réunis ; mais il ne rendit pas les nobles et privilégiés inéligibles par l'ordre du tiers et laissa indécise la question du vote par tête.

Ce règlement est bizarre et manque de simplicité.

Adoptant les divisions judiciaires comme circonscriptions électorales, il sépare, pour les élections, des pays unis par une longue communauté d'intérêts.

Saint-Amand, qui fait partie de la Généralité de Bourges, qui, pour les affaires administratives, n'a de rapport qu'avec l'Intendant de Berry ou la commission intermédiaire de l'assemblée de cette province, envoie ses députés à Moulins, parce que le bailliage

(1) Arch. nationales, BA, 24.


174 LES ÉLECTIONS DE 1789

seigneurial de Saint-Amand est compris dans le ressort de la sénéchaussée de Moulins.

D'autre part, le nombre des degrés d'élections n'est pas le même dans toutes les circonscriptions. Ainsi, il diffère dans les bailliages composant l'ancienne province féodale de Berry et dans la sénéchaussée de Moulins.

De plus, dans une même circonscription électorale, le mode d'élection varie suivant le plus ou moins d'importance des localités. Ainsi, tandis que dans la plupart des paroisses l'assemblée générale des habitants nomme directement ses délégués, il est, à SaintAmand, procédé, par groupes, à des élections préliminaires. Les corps constitués, c'est-à-dire les trois compagnies judiciaires de la ville (Bailliage — Election — Greniel à sel), les communautés d'arts libéraux qui comprennent les compagnies d'officiers ministériels et parmi lesquelles on classe la corporation des barbiersperruquiers en leur qualité de titulaires d'offices, les communautés d'arts et métiers, enfin les bourgeois non compris dans les corps constitués et communautés forment autant d'assemblées électorales distinctes ayant pour mission de nommer les électeurs du second degré chargés de composer l'assemblée de la ville.

Les compagnies judiciaires et les communautés d'arts libéraux ont droit chacune à deux délégués, quel que soit du reste le nombre de leurs membres. Le Bailliage, qui ne comprend que le bailli, son lieutenant, le procureur fiscal et le greffier, sera ainsi représenté par un nombre de délégués égal à celui attribué à l'Election, qui compte 9 officiers.

Les communautés d'arts et métiers n'ont droit qu'à un délégué, à moins qu'il n'y ait plus de cent électeurs présents.


LES ÉLECTIONS DE 1789 175

Les bourgeois non compris dans les corporations sont représentés par deux délégués par cent électeurs et au-dessous.

Tous les habitants, français, faisant partie du tiersétat, âgés de vingt-cinq ans, sont appelés à prendre part aux opérations électorales dans une des assemblées préliminaires, pourvu toutefois qu'ils soient portés sur un rôle d'impositions-; mais, comme à SaintAmand il n'y a qu'une quarantaine de mendiants qui ne soient pas inscrits sur les états du fisc, on peut dire qu'en fait c'est par le suffrage universel que sont nommés les électeurs du second degré. Toutefois, le suffrage universel fonctionne dans des conditions peu démocratiques, puisque le. nombre des représentants est proportionné à la qualité des mandants plutôt qu'à leur nombre. Il y a même lieu de faire observer qu'en raison du système d'élection par corporations, certains citoyens ont le privilège du double vote. Le cas se présente pour certains notaires de Saint-Amand dont deux sont en même temps procureurs, un troisième greffier du Bailliage et un autre greffier de l'Election.

Chacune des réunions particulières est non-seulement appelée à nommer des électeurs du second degré, mais encore à consigner dans un cahier ses plaintes contre les abus et ses propositions de réformes. Cette mission est parfois remplie par le délégué qu'elle a élu.

Quant à l'assemblée de la ville, elle est formée parles délégués choisis par les différents groupes. Elle nomme les députés qui représenteront Saint-Amand à l'assemblée de la sénéchaussée de Moulins et qui prendront part eux-mêmes, dans l'ordre du tiers, à l'élection des députés de la sénéchaussée aux EtatsGénéraux. Il appartient, de plus, à l'assemblée des élec-


176 LES ÉLECTIONS DE 1789

teurs du second degré de dresser le cahier de la ville, et pour cela elle doit réduire, c'est-à-dire résumer en une oeuvre d'ensemble, les cahiers des corps et communautés.

Dans les assemblées primaires et dans celle du second degré, les suffrages sont donnés oralement.

L'organisation dont je viens de rendre compte ne s'applique qu'aux élections du tiers-état. Les nobles ont le droit de figurer personnellement ou par mandataire à l'assemblée tenue par leur ordre au cheflieu de la province. Il en est de même des curés et des ecclésiastiques possédant bénéfices, les communautés religieuses ne pouvant figurer que par procureur dans l'assemblée du clergé.

Le règlement électoral est notifié en la forme judiciaire aux officiers municipaux qui le font publier au prône par le curé de la paroisse et, à l'issue de la messe, à la porte de l'église. Puis la municipalité invite tous les chefs de corps et syndics des communautés à réunir leurs compagnies. Elle convoque individuellement par billets les habitants non compris dans les corporations et, dans les journées des 1er, 3, 4 et 5 mars 1789, plus de 650 citoyens de Saint-Amand procèdent aux élections du premier degré dans les réunions formées par au moins 33 groupes (1).

(1) 1er mars : Assemblées des tanneurs — chamoiseurs — cordonniers — cordiers.

3 mars : Assemblées du Bailliage — des officiers de l'Election — des drapiers-cardeurs — des tisserands — des tailleurs — des chapeliers-teinturiers — des selliers-bourreliers — des boulangers et meuniers — des bouchers et charcutiers — des épiciers — des huiliers — des aubergistes et cabaretiers — des maçons — des serruriers — des charpentiers — des vignerons,

4 mars : Assemblées des officiers du Grenier à sel — des apothi-


LES ÉLECTIONS DE 1789 177

Je donne ici la liste de ces 33 assemblées (1) et pour la plupart d'entr'elles le nombre des électeurs présents, enfin les noms des délégués choisis par chaque groupe. J'ai pensé qu'il n'était pas sans intérêt de noter, de plus, pour les vignerons et les groupes d'artisans, le nombre des signatures apposées au bas des procès-verbaux d'élections, en expliquant que la majeure partie des signataires tracent leur nom d'une façon pénible, suivant l'usage des gens illettrés (2).

COMMUNAUTÉ DES VIGNERONS (3)

Présents : 329 électeurs.

caires — des marchands de drap et soie — des toilliers-guétriers — des tuiliers et potiers en terre — des vitriers — des Bourgeois non compris dans les corporations.

5 mars : Assemblées des notaires — des procureurs — des huissiers — des chirurgiens.

Toutes ces assemblées sont tenues en l'auditoire de la ville servant d'hôtel-de-ville, moins celle du Bailliage et du Grenier à sel, des notaires et des procureurs et probablement aussi celle de l'Election. Les membres du Bailliage se réunissent en l'hôtel du bailli, les officiers du Grenier à sel au bureau ordinaire de la juridiction, Les assemblées des notaires et des procureurs ont lieu chez les syndics de ces deux compagnies,

(1) Je pense qu'il y a eu une autre assemblée dont je n'ai pu trouver le procès-verbal : l'assemblée des avocats et des médecins réunis.

Une liste déposée aux Archives de Saint-Amand dans les papiers électoraux (série P, liasse 31), mentionne les avocats et les médecins comme ayant formé un groupe spécial lors des élections de 1789 ; mais cette liste ne donne pas les noms des députés élus par ce groupe.

(2) Les renseignements dont il s'agit sont extraits de 31 procèsverbaux d'élections contenus dans une des liasses non inventoriées relatives à Saint-Amand et déposées aux Archives du Cher.

Je n'ai pas trouvé les procès-verbaux des élections opérées par la corporation des barbiers-perruquiers et celle des menuisiers, mais les noms des députés de ces deux compagnies sont inscrits dans la liste conservée aux Archives de Saint-Amand et dont il est question en la note précédente.

(3) Voir ci-après le cahier de cette communauté. — Cahier n° 1.

12


178 LES ÉLECTIONS DE 1789

Députés : Michel Boileau — Pierre Sadrin —

François Chantellinat — Philippe Valligny. 11 signatures sur le procès-verbal.

COMMUNAUTÉS D'ARTS ET MÉTIERS

Drapiers-cardeurs (1) : Présents : 12 maîtres drapiers ou maîtres cardeurs. Député : François Robin, maître drapier. 10 signatures sur le procès-verbal.

Maîtres selliers-bourreliers (2) : Présents : 6 délibérants : 3 maîtres selliers, 1

bourrelier, 1 bâtier. Député : François Collin, maître sellier, chef de la

communauté. 4 signatures sur le procès-verbal.

Maîtres tisserands (3) : Présents : 19 maîtres tisserands. Député : Gilbert Charolais. 6 signatures sur le procès-verbal.

Maîtres marchands toilliers et guêtriers : Présents : 6 maîtres toilliers et guêtriers. Député : Michel Teste, maître toillier. 4 signatures sur le procès-verbal.

Maîtres tanneurs (4) : Présents : 4 tanneurs. Député : Nicolas Berthomier. 4 signatures sur le procès-verbal.

(1 ) Voir ci-après le cahier des drapiers-cardeurs. — Cahier n° 2.

(2) Voir ci-après la note relative au cahier n° 3, lequel est le cahier des maîtres selliers.

(3) Voir ci-après le cahier des maîtres tisserands. — Cahier n° 4.

(4) Voir ci-après le cahier des maîtres tanneurs. — Cahier n° 5.


LES ÉLECTIONS DE 1789 179

Maîtres chamoiseurs (1) : Présents : 8 maîtres chamoiseurs. Député : Charles Duret. 5 signatures au procès-verbal.

Maîtres cordiers :

Présents : 7 maîtres cordiers.

Député : Antoine Collas.

3 signatures sur le procès-verbal.

Maîtres cordonniers :

Présents : 10 maîtres cordonniers. Député : Etienne Brossard.

3 signatures sur le procès-verbal.

Maîtres chapeliers et teinturiers :

Présents : 8 délibérants dont 6 maîtres chapeliers

et 2 maîtres teinturiers. Député: Antoine Guérinat, chef de la communauté. 2 signatures sur le procès-verbal.

Maîtres tailleurs (2) :

Présents : 15 maîtres tailleurs.

Député : François Cuzin.

8 signatures sur le procès-verbal.

Maîtres boulangers et meuniers :

Présents : 21 délibérants : 15 maîtres boulangers

et 6 meuniers. Député : Jean Bonnichon, meunier.

4 signatures sur le procès-verbal.

(1) Voir ci-après le cahier des maîtres chamoiseurs. — Cahier n° 6

(2) Voir ci-après le cahier des maîtres tailleurs. — Cahier n° 7.


180 LES ÉLECTIONS DE 1789

Maîtres bouchers et charcutiers (1) :

Présents : 10 bouchers et charcutiers.

Député : Nicolas Audebrand.

5 signatures sur le procès-verbal.

Marchands épiciers (2) :

Présents : 14 marchands épiciers.

Député : Jean-Baptiste David.

13 signatures sur le procès-verbal.

Maîtres huiliers :

Présents : 7 maîtres huiliers. Député : Louis Dubois.

4 signatures sur le procès-verbal.

Maîtres aubergistes et cabaretiers :

Présents : 7 délibérants, savoir : 3 aubergistes (3)

et 4 cabaretiers. Député : François Bonnichon.

5 signatures sur le procès-verbal.

Maîtres maçons, tailleurs de pierres et plâtriers (4) :

Présents : 24 maçons et tailleurs de pierres.

Député : Philippe Dumoulin.

3 signatures sur le procès-verbal.

Maîtres serruriers, taillandiers, maréchaux, poëliers, chaudronniers, coutelliers et cloutiers (5).

Présents : 28 délibérants, savoir : 8 maîtres ser(1)

ser(1) Voir ci-après le cahier des bouchers et charcutiers. — Cahier n°8.

(2) Voir ci-après le cahier des marchands-épiciers. — Cahier n° 9.

(3) Les aubergistes de l'Image, de la Croix-d'Or et du Lion-d'Or.

(4) Voir ci-après le cahier des maîtres maçons. — Cahier n° 10.

(5) Voir ci-après le cahier des serruriers et autres ouvriers travaillant le fer. — Cahier n° 11.


LES ÉLECTIONS DE 1789 181

ruriers, 8 maîtres maréchaux, 6 maîtres taillandiers, 2 maîtres poëliers, 2 maîtres coutelliers, 2 maîtres cloutiers.

Député : Antoine Féaux, maître taillandier.

13 signatures sur le procès-verbal.

Maîtres charpentiers, scieurs de long, charrons (1) :

Présents : 29 délibérants, savoir : 7 maîtres charpentiers, 10 maîtres scieurs de long, 4 maîtres charrons, 8 maîtres couvreurs.

Député : François Dupuy, maître charron.

6 signatures sur le procès-verbal.

Maîtres menuisiers et tourneurs :

Député : Jean-Baptiste Verrier. Maîtres tuiliers et potiers en terre :

Présents : 5 maîtres tuiliers et potiers.

Député : Jean Magniant.

1 signature sur le procès-verbal.

Maîtres vitriers :

Présents : 3 maîtres vitriers.

Député : François Germain.

3 signatures sur le procès-verbal.

Maîtres marchands de drap et soie :

Présents : 8 marchands. Député : Pierre Huard.

Apothicaires et droguistes :

Présents : 3 apothicaires.

Député : François-Barthélémy Rollet.

(1) Voir ci-après le cahier des charpentiers, scieurs de long et charrons. — Cahier n° 12.


182 LES ÉLECTIONS DE 1789

COMPAGNIES D'OFFICIERS MINISTÉRIELS ET COMMUNAUTÉS D'ARTS LIBÉRAUX

Notaires royaux (1) : Présents : 6 notaires (2). Députés : Bignon et Dubois.

Procureurs (3) : Présents : 7 procureurs (4). Députés : Blain et Denizot.

Huissiers royaux :

Présents : 12 huissiers (5). Députés : Thévenard et Estève.

Maîtres chirurgiens jurés : Présents : 4 chirurgiens (6). Députés : Maugenest et Aury.

Perruquiers :

Députés : Emonnot et Roffin.

(1) Voir ci-après le cahier des notaires.

(2) Pierre Bignon, syndic — Etienne Dubois, doyen — GuyDésiré Meillet, — Jean-Baptiste Blanc, — Martin-Auguste Legrand,

— Charles-Bonaventure Thiphénat.

(3) Voir ci-après le cahier des procureurs.

(4) Roger Charrier, syndic, — Pierre Bignon, — Jean-Louis Auclerc, — Jean-Baptiste Blanc, — Charles-Dominique Charrault,

— Jean-Désiré Denizot, — François Testé.

(3) Gaspard-Edme Baudry, archer, garde du point d'Honneur en la connétablie et maréchaussée de France ; — Jean-Pierre Thévenard, premier huissier audiencier en l'Election de Saint-Amand, — François Sacrot et Michel Berchon, huissiers audienciers en la même Election ; — Antoine Gaudet, Pierre Estève, Jean Gaudet et Jean Blanc, huissiers aux tailles en l'Election ; — Denis Nodot, premier huissier audiencier du Grenier à sel; — Jean Nodot, René Blanc et AndréAlexandre Maréchal, huissiers au même Grenier.

Absents : 4 huissiers.

(6) Martial Aury, — Jean-Baptiste Maugenest, — Jean-Baptiste Girault et Claude Magniant,


LES ÉLECTIONS DE 1789 183

COMPAGNIES JUDICIAIRES

Bailliage seigneurial (1) : Présents : 4 officiers du Bailliage (2). Députés : Louis-Pierre Bonnet de Sarzay, bailli

de Saint-Amand, et Regnauit de Champdeuil,

lieutenant du bailli.

Election : Présents : 9 officiers de l'Election (3). Députés : Josset de Vougon, président, et Geoffrenet de Rodais, doyen des conseillers.

Grenier à sel : Présents : 5 officiers du Grenier à sel (4). Députés : Nicolas-Jean-Baptiste Bonnet de Sarzay,

président, et Tabouet des Marets, avocat en

parlement, grenetier.

ASSEMBLÉE DES HABITANTS NON COMPRIS DANS LES CORPS ET COMMUNAUTÉS

Présents : 33 habitants appartenant à la classe bourgeoise, propriétaires, rentiers, gens exerçant des fonctions publiques ou des professions libérales.

(1) Voir ci-après le cahier du Bailliage.

(2) Louis-Pierre Bonnet de Sarzay, avocat en parlement, bailli; — Jean-Pierre Regnauit de Champdeuil, licencié ès-lois, lieutenant du bailli ; — Pierre Chevalier, avocat en parlement, procureur fiscal ; — Charles-Bonaventure Thiphénat, greffier.

(3) Jean-Charles Josset de Vougon, président; — Béguin, lieutenant; — Geoffrenet de Rodais, Grangier-Deboisdechamp, Luylier, Villatte, ces quatre derniers Elus ; — Bussière, Elu honoraire ; — Robin, procureur du Roi ; — Dubois, greffier.

(4) Nicolas-Jean-Baptiste Bonnet de Sarzay, président; — JeanBaptiste-Elie Tabouet-Desmarets, avocat en parlement, grenetier ; — Charles Gommetaud, sieur des Pitais et de Mombout, contrôleur; — Jean-Baptiste-Louis Combas des Chaumes, procureur du Roi ; — Antoine Gosset, greffier.


184 LES ÉLECTIONS DE 1789

La réunion des gens du tiers-état, non compris dans les corporations, a lieu en présence de M. Gommetaud, premier échevin faisant fonctions de Maire.

Députés : MM. Geoffrenet du Suchet, ancien officier municipal, et Joseph-Denis Vincent, bourgeois.

Par le dépouillement des procès-verbaux relatifs aux élections du 1er degré, on voit que l'assemblée chargée de nommer les députés de la ville se composait d'au moins 45 délégués : 6 d'entre eux représentant les corps de magistratures, 10 les communautés d'arts libéraux, 2 les bourgeois non compris dans les corporations, 4 les vignerons, 23 les commerçants et les artisans.

Les électeurs du second degré députent six de leurs concitoyens à l'assemblée de la sénéchaussée de Moulins : MM. Bonnet de Sarzay, bailli ; Chevalier, procureur fiscal et procureur du Roi près la municipalité ; Louis-Charles Boityères de Saint-Georges, avocat (1) ; Bignon, procureur et notaire ; Geoffrenet du Suchet et Vincent, bourgeois (2) ; la plupart ayant adhéré expressément à la délibération du 22 décembre 1788 et, l'un d'eux même, M. Chevalier, ayant pris l'initiative de la convocation de la communauté en vue de cette délibération.

Ainsi une assemblée où la majorité appartenait à l'élément populaire n'avait fait porter ses choix que sur des notabilités locales et spécialement sur les premiers magistrats de la ville.

(1) M. Boityères de Saint-Georges était peut-être l'un des députés du collège des avocats. J'ai expliqué dans une note précédente que je n'avais pu trouver le procès-verbal d'élection pour ce collège.

(2) Je n'ai pas trouvé le procès-verbal de l'assemblée tenue par les électeurs du second degré. — J'ai relevé les noms des députés de Saint-Amand sur le procès-verbal de l'assemblée de la sénéchaussée de Moulins. (Arch. nationales, B III, 36, registre.)


LES ÉLECTIONS DE 1789 185

Un pareil résultat qui s'explique facilement par la prépondérance que donne le système du scrutin public aux principaux habitants d'une ville, surtout quand ils occupent des positions officielles, était loin d'être contraire aux intérêts du tiers-état. Car, au début de la Révolution, c'est particulièrement la bourgeoisie qui possède les lumières et l'assurance nécessaires pour donner un programme et une direction au mouvement de rénovation politique et sociale. Cela apparaît d'une façon bien saillante pour Saint-Amand, si l'on compare par exemple le projet de réforme de la constitution de l'Etat que contient dans sa brièveté le cahier du bailliage, avec les doléances présentées par les vignerons et les artisans sur quelques objets particuliers.

Je ne chercherai pas, dans une monographie relative à Saint-Amand, à dégager les caractères principaux du mouvement de 1789 dans la Généralité de Bourges. Ce sera peut-être la conclusion d'un autre travail.

Je n'analyserai même pas les cahiers dressés en 1789 à Saint-Amand. Il faut les lire en entier pour avoir une impression exacte des tendances des différents groupes d'électeurs. J'ajoute qu'il faut lire les doléances des vignerons et des artisans dans leur imperfection ou, si l'on veut, dans leur naïveté, pour saisir sur le vif les sentiments populaires.

Les cahiers de ces doléances ne sont pas, en effet, des copies servilement transcrites de modèles répandus dans le public, mais des oeuvres pleines de spontanéité (1) où les cultivateurs et les ouvriers formulent dans une langue presque barbare, mais ex(1)

ex(1) est toutefois certain que plusieurs communautés d'arts et


186 LES ÉLECTIONS DE 1789

pressive, et avec une orthographe plus incorrecte encore que le langage, les objets principaux de leurs préoccupations et leurs voeux en vue d'un ordre meilleur.

Je vais donc clore cette étude en donnant le texte des cahiers de Saint-Amand, du moins de ceux que j'ai pu découvrir.

Je compte seize cahiers dont la provenance ne saurait faire doute : cahier des vignerons, — cahiers de onze compagnies d'arts et métiers, — cahiers du bailliage, des procureurs et des notaires.

Je reproduirai trois autres pièces de même nature conservées dans les Archives de Saint-Amand (1). Ce sont d'abord deux cahiers qui ne portent pas les indications nécessaires pour permettre de reconnaître de quels groupes d'électeurs ils émanent, mais qui me paraissent avoir été rédigés par des compagnies d'arts et métiers (2) ; — enfin un autre cahier intitulé « Projet » de doléances pour le tiers-état de Saint-Amand (3). »

Ce cahier, qui contient trace de diverses modifications apportées à un texte primitif, porte la seule signature Bujon des Brosses. M. Bujon (4) exerçait, en 1789, la profession d'avocat à Saint-Amand. Il avait été, le 22 décembre 1788, avec trois autres de ses

métiers se sont communiqué leurs cahiers. Plusieurs voeux sont reproduits dans des termes identiques en différents cahiers.

(1) Archives de Saint-Amand, série P, liasse 31.

(2) Voir ci-après cahiers nos 13 et 14.

(3) Voir ci-après cahier n° 18.

(4) M. Bujon des Brosses, dont il est question ci-dessus, ne doit pas être confondu avec un autre Bujon (Jacques-Vincent) qui figure au procès-verbal de l'assemblée de la sénéchaussée de Moulins parmi les représentants du tiers-état. Ce dernier n'habitait pas Saint-Amand et était député d'Ainay-le-Château. (Arch. nationales, B III, 36, registre.)


LES ÉLECTIONS DE 1789 187

confrères, notamment M. Boityères de Saint-Georges, chargé par la communauté de rédiger un mémoire pour obtenir de la comtesse de Fougières l'autorisation pour les habitants dé nommer eux-mêmes leurs officiers municipaux (1). Il n'est pas téméraire de supposer que M. Bujon aurait été chargé, en mars 1789, d'une mission analogue à celle qu'il avait remplie quelques mois auparavant et que le travail préparé par lui, après avoir été examiné et modifié par les électeurs du second degré, serait devenu le cahier même de la ville de Saint-Amand. On expliquerait du reste difficilement d'une autre façon comment ce cahier se trouve dans un dépôt public, associé à des documents de même nature dont l'authenticité est incontestable. Ces indications données, je laisse la parole aux électeurs de 1789.

(1) Voir délibération du 8 janvier 1789, Archives de Saint-Amand.



CAHIERS

DRESSÉS A SAINT-AMAND

EN 1789

Parmi les cahiers dressés à Saint-Amand, ceux des corporations d'arts et métiers sont libellés avec tant d'imperfection que j'ai dû, pour en faciliter la lecture, apporter parfois quelques modifications à la rédaction primitive, modifications du reste de pure forme. Les cahiers ainsi retouchés sont marqués d'un astérisque *.

Au surplus, pour qu'on puisse apprécier par un exemple la portée des changements opérés, je donne, dans une note relative au cahier des vignerons, le texte original de ce cahier qu'on pourra comparer au texte rectifié.


190 CAHIERS DE SAINT-AMAND

N° 1. * Cahier des Vignerons (1)

DOLÉANCES DES VIGNERONS (2)

Taille.

Pour la taille, nous demandons à Sa Majesté :

Il est à observer que la répartition des rôles n'a jamais été faite dans toute son équité, attendu que les protégés ne sont que faiblement taxés, tandis que l'individu qui n'est pas protégé est accablé sans pouvoir se plaindre.

Aides.

Pour les droits d'aides, c'est un impôt bien rude que de payer pour la boisson où il y a deux tiers d'eau ainsi que pour l'entrée des bois et des foins. Nous demandons que cela soit supprimé.

(1) Arch. du Cher, l. n. i. Ce cahier se trouve au dos du procèsverbal de l'assemblée des vignerons.

(2) Voici une copie de ce cahier complètement textuelle, c'està-dire faite sans même modifier l'orthographe du rédacteur :

« DOLANCE DES VIGNERON

» Pour la taille nous demandon a sa mageste il est a observé » que la repartition des rolles n'a jamais été faitte dans toutte » son équité atandu que les protege ne sont que foiblement taxés » tandit que lindividu qui n'est proteges est accables sant pouvoir » se plaindre,

» Pour le droits des aides sest une ainpos bien rude que de » payer de la boisson nous il y a deux tier dos aincy que pour » l'antré des bois et dus foin nous demandon que sela soit su» primé.

» Que la taille et capitasion dixsiême et vingtiene et le droits » des aides que tout sela soit reunis ensembles et qui nut quen » seul reseveur pour le tout et que la nobblesse et privilegé et les » eclesiastique couvant et abeis de religieu et religieuse quis soit » mis a la taille comme ceux dus tier état atandu qu'il jouisse » des trois quard des melieur bien les gense du tier état seraient » soulagé peyeron tout les ainpos que sa magesté jugera a propos » avec un grand plaisir. »


CAHIERS DE SAINT-AMAND 191

Unité l'impôt.

Que la taille et la capitation, dixièmes et vingtièmes et les droits d'aides soient réunis ensemble et qu'il n'y ait qu'un seul receveur pour le tout.

pression

privilèges

niaires.

Que la noblesse et les privilégiés et les ecclésiastiques, couvents et abbayes de religieux et religieuses, soient mis à la taille, comme le tiers-état, attendu qu'ils jouissent des trois quarts des meilleurs biens. Les gens du tiers-état seraient soulagés et paieraient tous les impôts que Sa Majesté jugerait à propos, avec un grand plaisir.

* Cahier des Drapiers-Cardeurs (1)

MÉMOIRE DES DOLÉANCES DU DÉPUTÉ DE L'ASSEMBLÉE DES MAITRES DRAPIERS ET CARDEURS, CONCERNANT LA RÉFORME D'UN GRAND NOMBRE D'ABUS.

ides.

Article 1er. — La suppression des Aides, qui causent une grande crainte et surfloquent et jutivoquent cent fois le jour le menu peuple et qui ôtent toute circulation des vins et eaux-de-vie et gênent en toutes espèces de choses.

A l'égard du vin, qui est toute la fortune du menu peuple, il est grandement fâcheux de n'être pas maître de le vendre et même presque de le boire.

On gêne même les malheureux qui veulent boire l'eau qu'ils tirent de leur puits pour mettre sur leur grappe et on leur fait payer un tribut aussi considérable que si c'était du meilleur vin.

(2)

(1) Arch. de Saint-Amand, série P, liasse 31.

(2) Passage incompréhensible.


192 CAHIERS DE SAINT-AMAND

Si le malheureux qui boit sur sa grappe a la faiblesse de tirer une seule berne de cette eau, les commis et contrôleurs, ou autres personnes employées dans l'État, font un procès à ce malheureux et il est renvoyé d'un supérieur à l'autre et on le condamne à une somme qu'il est incapable de payer.

Gabelles.

Art. 2. — La suppression des gabelles.

Un grand nombre d'hommes ne cherchent qu'à surprendre le menu peuple, voltigent d'une campagne à une autre, la nuit comme le jour, et causent, dans différentes circonstances, la perte de plusieurs ménages et celle d'une famille entière.

Droits seigneuriaux.

Art. 3. — La suppression des suffrages (1) que les seigneurs imposent sur un grand nombre de malheureux et manants et qui causent un grand tumulte dans le peuple.

Huissiers-priseurs.

Art. 4. — La suppression des huissiers-priseurs qui causent une grande gêne dans un grand nombre d'affaires et qui, dans les inventaires et discussions (2), causent la ruine de la veuve et de l'orphelin...

Le débiteur (3) se trouve toujours redevable de la même somme après avoir perdu sa fortune et celle de ses enfants.

Suppression

des privilèges

en matière

d'impôts.

Art. 5. — Il serait à propos qu'un grand nombre de seigneurs et communautés, prieurs, bénéficiers, curés et autres personnes qui possèdent des charges

(1) Il s'agit des redevances seigneuriales.

On donne encore de nos jours la qualification de suffrages aux redevances en nature payées au propriétaire par le fermier.

(2) La discussion est la vente judiciaire des meubles du débiteur.

(3) On a écrit dans le cahier créancier au lieu de débiteur.


CAHIERS DE SAINT-AMAND 193

et les plus beaux biens du monde fussent imposés à toutes les impositions auxquelles le menu peuple se trouve imposé.

éformes diciaires.

Art. 6. — Il serait à propos que toutes les petites justices (1) fussent réunies au Bailliage et qu'on ne pût entraîner une partie d'un tribunal à un autre qu'au-dessus de la somme de 2,000 livres.

ppression

des ecteurs de

raperie.

Art. 7. — La suppression des inspecteurs établis sur la draperie dont ils n'ont aucune connaissance.

Leurs appointements, qui sont considérables, entraînent une augmentation d'impôts qui retombe sur le peuple.

N° 3.

Cahier des Selliers, Oourreliers, Bâtiers (2).

Ce cahier reproduit d'une façon presque textuelle les doléances des drapiers-cardeurs.

On n'y trouve pas cependant l'article 7 du précédent cahier (3).

bus

rnant la lecte.

* Cahier des Maîtres Tisserands (4). N'y a-t-il rien de plus fâcheux pour les personnes

(1) Ce cahier et le suivant donnent aux petites justices le nom de Bourque.

(2) Arch. de Saint-Amand, série P, liasse 31.

(3) Le député des drapiers cardeurs termine son cahier en émettant le regret suivant : « Et il est fascheux que le momant » été trope proche, jore charche les moyen dan écrire plus lon. »

On lit aussi à la fin du cahier des selliers bourreliers : « Il » est fascheux que le momant a été trop presse Jaurès charcher les » moyens dans écrire plus long. C'est ce que je vins davoir l'hon» neur de vous annoncer. »

(4) Arch. de Saint-Amand, série P, liasse 31.

13


194 CAHIERS DE SAINT-AMAND

qui ont le malheur d'être nées dans le tiers-état que de voir à la discrétion d'un collecteur la répartition des rôles des taille et capitation et de ceux relatifs aux travaux publics ? (1) Plusieurs personnes en charge se vengent du collecteur qui met à juste titre une augmentation sur leur taux ou sur les taux de leurs métayers ou laboureurs ou autres personnes leur appartenant. Souvent ils ulcèrent ce collecteur contre un pauvre malheureux qui a peine à vivre avec sa famille. Le collecteur vient avec un ou plusieurs huissiers et ce pauvre homme a le désagrément de voir enlever son lit et plusieurs autres effets. Ce malheureux voit aussi détacher sa vache qui souvent allaite (2) un ou plusieurs enfants et beaucoup de personnes malades.

Huissiers-pri - seurs.

N'avons-nous pas une nouvelle douleur de voir que les huissiers-priseurs multiplient les écritures inutiles, de sorte qu'il ne reste rien aux personnes qui voudraient disposer de leurs meubles?

Sa Majesté ne verra-t-elle pas d'un coup d'oeil de justice qu'un homme doit être libre de vendre ses meubles lui-même, sans payer un huissier-priseur pour en faire la vente?

Ce qu'il en coûte lui servirait à payer les différents impôts qui lui sont commandés par l'autorité supérieure.

Privilèges

en matière

d'impôts.

Ne. voit-on pas, sans se tromper, qu'il n'y a que les gens du tiers-état qui paient les contributions, quoiqu'ils n'aient pas de biens, et que le clergé et la noblesse, qui possèdent tous les biens et les meilleurs héritages, ne payent rien ?

(1) Ici plusieurs phrases incompréhensibles,

(2) Atelle dans l'original.


CAHIERS DE SAINT-AMAND 195

Sa Majesté reconnaîtra que le tiers-état est le seul qui lui paie de considérables impôts et que le clergé et la noblesse, qui ont des possessions et grande fortune, ne payent rien.

Nous avons aussi le désagrément d'entendre dire par la noblesse et par les privilégiés et autres personnes en charge, qui traitent les malheureux avec rigueur, que l'on n'est sûr d'être bien servi.

des.

Nous avons aussi le désagrément de voir, à journée (1), des commis aux Aides qui viennent visiter nos maisons et y font des faux continuels (2).

elle.

Ne voyons-nous pas avec douleur des employés qui parcourent nos campagnes pour empêcher le commerce du sel qui deviendrait la meilleure branche du commerce?

rôle.

N'éprouvons-nous pas tous les jours de grands désagréments par les contrôles C3) qui sont d'un prix exorbitant et qui souvent sont la nourrice de plusieurs procès?

ession vilèges iaires, s et de elle, huisiseurs.

tes.

Les peuples du tiers-état ne se trouveraient-ils pas heureux, s'il avait plu à Sa Majesté d'ordonner que ce serait le clergé et la noblesse et ceux qui possèdent les biens qui paieraient les impôts et si elle avait voulu supprimer les aides et la gabelle et les huissiers-priseurs?

Voeu fort obscurément libellé pour l'achèvement des routes, commencées depuis plusieurs années et dont les malheureux ont payé depuis longtemps l'établissement par suite des taxes pour travaux publics. Signé : CHAROLAIS.

(1) A journée faite.

(2) Faux procès-verbaux pour constater de prétendues contraventions.

(3) Les droits de contrôle sont nos modernes droits d'enregistrement.


196 CAHIERS DE SAINT-AMAND

* Cahier des Maîtres Tanneurs.

La communauté des marchands tanneurs de la ville de Saint-Amand a l'honneur de représenter au Roi :

Impôts royaux

1° Que nous (maîtres tanneurs) sommes surchargés d'impôts comme taille, capitation, vingtièmes, taxes pour les grandes routes, pour la marque des cuirs et peaux ;

Que nous sommes tenus dans la gêne par les commis qui nous exercent et qui sont continuellement chez nous pour nous ravager et sans cesse nous faire de mauvais procès, nous ôtanf ainsi le courage de travailler avec ardeur.

Ecorçage des bois.

2° Plainte très-obscurément libellée sur les entraves apportées à l'écorçage des bois.

Corvées, droits de guet

et de bourgeoisie.

3° Que nous sommes écrasés par les droits du seigneur, comme corvées et droit de trois boisseaux d'avoine et 4 sols de git (1) et bourgeoisie par chaque feu, et nous n'avons que l'air pour respirer. Ces droits ne sont payés que par le menu peuple, par les malheureux dont la plus grande partie ne paie que 5 sols de taille.

Aides-Gabelle

4° Que nous sommes accablés par une quantité de mallôte qui gêne beaucoup le commerce, comme gabelles, aides et autres droits.

Exemptions d'impôts.

Comme il y a beaucoup d exempts, le petit peuple est écrasé par des vexations continuelles, par des gens de finance et autres.

En conséquence, nous supplions Sa Majesté de

(\) Git au lieu de guet.


CAHIERS DE SAINT-AMAND 197

vouloir bien mettre ordre à de tels abus et faire en sorte qu'il y ait une justice distributive universelle.

En conséquence, nous nous prêterons de toutes nos forces à subvenir aux besoins de l'Etat.

C'est ce qu'ont l'honneur de vous assurer les plus soumis de vos sujets.

Fait en l'Hôtel (1) de Ville dudit lieu, le 6 mars 1789.

Signé : BERTHOMIER.

* Cahier des Maîtres Chamoiseurs (2)

DOLÉANCES DES MAITRES CHAMOISEURS DE CETTE VILLE DE SAINT-AMAND.

ailleecteurs.

Pour la taille, il est à observer que la répartition des rôles n'a jamais été faite que sur l'impression donnée aux collecteurs par les personnes chargées de les vérifier. Alors les protégés ne sont que faiblement taxés, tandis que l'individu qui n'est pas protégé est accablé.

utes.

Les grandes routes sont négligées. Nous donnons de l'argent pour les faire. Personne n'en rend aucun compte. Les chemins sont donc mal faits. Le commerce est arrêté. Cependant nous payons de grosses sommes. Que deviennent-elles ?

trôle.

Le contrôle des actes est nécessaire ; mais il faudrait qu'il fût soumis à un tarif clair et non pas à des taxes le plus souvent arbitraires.

(1) Lautelle en l'original.

(2) Arch. de Saint-Amand, série P, liasse 31.


198 CAHIERS DE SAINT-AMAND

Gabelle.

La gabelle présente les mêmes inconvénients. Nous désirons tous faire pour la patrie et le Roi les plus grands sacrifices. Mais cet impôt demande de l'allégement, une réduction et plus de liberté, ou bien à être remplacé par une taxe quelconque moins désolante.

Aides.

Les droits d'aides, onéreux par eux-mêmes, deviennent une inquisition d'autant plus fâcheuse, qu'elle est exercée par une multitude de commis qui, la plupart, aspirent à monter en place. C'est ce qui les pousse à nous faire des procès-verbaux, fort souvent mal à propos, et à nous exercer avec toute la sévérité possible. C'est ce qui nous ôte la liberté de notre commerce et, par les gros droits que nous payons, nous réduit à l'impossibilité de pouvoir travailler.

Officiers municipaux.

Il est inconcevable que la ville ne puisse nommer ses officiers municipaux. C'est un droit trop ancien et trop précieux pour les communautés. Nous demandons à y être réintégrés. La confiance n'est agréable et douce qu'autant qu'on obtient des officiers municipaux éclairés et nommés à haute voix.

Huissierspriseurs.

Il n'y a que l'huissier-priseur qui ait le droit de faire toutes les discussions ou encans de meubles et, fort souvent, il arrive qu'après ces opérations, il perçoit pour ses paiements plus de la moitié des sommes qu'il a pu faire du mobilier. N'est-ce pas ruiner les familles? Autrefois, un autre huissier faisait les discussions et prenait 30 sols par jour.

Pont du Cher.

Le pont du Cher n'existe plus, ce qui fait à la ville un tort très-considérable, attendu que les denrées ne peuvent venir qu'avec grande difficulté


CAHIERS DE SAINT-AMAND 199

aux foires et aux marchés. On désire beaucoup

que ce pont soit rétabli. Ce serait le bien de la

ville.

Signé : DURET.

* Cahier des Maîtres Tailleurs (1).

Ce cahier reproduit, dans des termes presque identiques, toutes les doléances consignées dans le cahier n° 6, sauf l'article relatif aux huissiers-priseurs.

On trouve de plus dans le cahier n° 7 l'article suivant :

perçus eigneur de Amand.

Il existe un impôt désastreux perçu par le seigneur. Cet impôt est de trois boisseaux d'avoine payés par chaque ménage et, de plus, de quatre sols de guet. On ne conçoit pas que, pour respirer l'air dans une ville, il faille l'acheter. Si ce droit inconcevable est ancien, il est de l'avantage de la communauté de faire tous ses efforts pour le racheter du seigneur. Il s'agit de prendre du temps et des époques pour en faire le rachat.

N° 8.

* Cahier des Bouchers et Charcutiers (2).

ation uchers e Amand.

Le soussigné a l'honneur de vous représenter, Messieurs, que nous sommes dix de notre état, tant boucliers que charcutiers, ne nous faisant pas

(1) Arch. de Saint-Amand, série P, liasse 31.

(2) Ibid.


200 CAHIERS DE SAINT-AMAND

le moindre revenu, payant des droits très considérables qui nous écrasent et nous empêchent d'élever nos familles.

Tarif

des droits

payés par tête

de bétail.

Vu que nous payons :

par boeuf ou vache la somme de 5 livres 12 sols » deniers.

par veau ou génisse 1 13 6

par mouton ou chèvre » 12 6

et par porc 1 9 10

Vexations

des employés

de la régie.

Nous avons encore le malheur d'être bien des fois vexés par les contrôleurs et commis de la régie qui sont, à tout moment, non-seulement à nos élaux, mais encore dans nos maisons, où ils ne cessent de faire des perquisitions qui deviennent bien insupportables par leur multiplicité.

Suppression

de l'ancien

abonnement.

Pour parer à cela, nous avions, dans le passé, un abonnement de ces droits avec le Directeur de la Régie générale de cette ville pour une somme de 4,240 livres par an Cet abonnement a eu lieu, il y a quatre années passées. Au renouvellement du bail courant, nous avons fait des représentations à M. le Directeur pour obtenir un peu de diminution. I! en a écrit à la Régie, qui n'a pas voulu y consentir, de sorte que nous sommes soumis à déclarer journellement et il se trouve que nous payons encore beaucoup plus cher.

Droits d'entrée.

Il faut joindre a cela les autres droits d'entrée, tant sur les vins et boissons que sur les bois et foins.

Impôts royaux

Il n'est pas possible, avec encore la taille, les capitations et les autres impositions et finalement les corvées, il n'est pas possible, je vous le répète, Messieurs, que l'on puisse de notre étal faire la moindre épargne.


CAHIERS DE SAINT-AMAND 201

pression rivilèges atière

mpôts.

équences cette ression.

Il serait nécessaire que MM. les curés et MM. de la noblesse payassent partie des impositions dont le commun du peuple se trouve chargé.

Par ce moyen, nous serions vraisemblablement diminués de notre quote-part d'impositions et le Roi augmenterait de beaucoup ses revenus.

Et nous, par notre allégement des droits et impositions, nous pourrions donner de la viande à plus bas prix. Les malheureux subsisteraient plus facilement. Le commerce fleurirait et toutes les choses n'en iraient que bien mieux.

Ce sont là, Messieurs, les justes réflexions que je fais et que j'ai l'honneur de vous transmettre pour remplir le voeu de ma mission.

Signé : AUDEBRAND.

N° 9. Cahier des Marchands Epiciers (1).

Cahier contenant les doléances et plaintes du député soussigné, choisi par le corps des marchands épiciers des ville et faubourgs de Saint-Amand, et ce, conformément aux ordres du Roi donnés à Versailles le 24 janvier 1789, à l'ordonnance de M. le lieutenant-général en la sénéchaussée de Bourbonnais rendue à Moulins le 14 février dernier et à l'avertissement donné par MM. les officiers municipaux de cette ville le 3 du présent mois.

ssion iléges tière ôts.

A l'honneur de représenter que la classe du clergé, celle de la noblesse et autres privilégiés non taillables n'ont jamais supporté le fardeau de la taille et accessoires; que c'est le tiers-état qui l'a

(1) Arch. de Saint-Amand, série P, liasse 31.


202 CAHIERS DE SAINT-AMAND

toujours payée avec des frais multipliés par les huissiers. Cependant ces deux premières classes jouissent chacune du tiers des biens du royaume. Ne serait-il pas juste que, pour adoucir la peine des malheureux, elles payassent aussi chacune un tiers de cette même imposition, en établissant une taille réelle et universelle? Sa Majesté soulagerait par ce moyen tout son peuple. Il est raisonnable que ceux qui jouissent des biens payent cette imposition.

Unité

de l'impôt.

Ses avantages.

Il est impossible de ne pas apercevoir le peuple écrasé sous le poids des impôts de toute nature. Ce même peuple ne se trouverait-il pas heureux s'il n'avait qu'un seul impôt à supporter? Il saurait du moins à quelle somme il serait imposé.Par ce moyen il s'efforcerait d'en accélérer le payement. Il disposerait pour cela de la vente de ses denrées à sa volonté et suivant ses facultés, observant de plus que, quoique l'impôt fût plus considérable que ceux auxquels il est imposé, il se trouverait toujours fort content de se voir exempt, pour ainsi dire, de la captivité. Il n'aurait pas le désagrément de se voir journellement vexé par des commis aux aides, des gabeleux et autres gardes qui sont à tout instant à le poursuivre pour tâcher de le capturer, ce qui ruine une infinité de misérables.

Taille réelle et universelle.

Que ces impôts sont lourds à supporter par le tiers-état! Ne vaudrait-il pas mieux, dis-je, que tout le peuple fût réduit à une taille réelle universelle et sans exception?

Abus commis

par les collecteurs.

Ce peuple ne se trouverait plus à la discrétion d'une infinité de collecteurs ignorants et timides qui font leurs rôles de taille et autres impositions accessoires, sans aucune justice, parce qu'ils craignent un nombre infini d'exempts de ces im-


CAHIERS DE SAINT-AMAND

203

pots. Par là ils n'osent les asseoir sur les créatures mêmes de ces exempts, parce qu'ils sont leurs colons, lougiers (1) ou chepteliers. Hélas ! cependant, c'est un abus qui se fait annuellement. Ce collecteur n'agit donc que par crainte, vengeance ou ignorance. En soulageant les uns, il écrase les autres.

res ations les ages ité de ôt.

S'il y avait un seul impôt et que nul n'en fût exempt, le menu peuple prendrait de nouvelles forces et travaillerait avec beaucoup de courage et d'agrément, parce qu'il dirait : Hé bien ! je n'ai qu'un seul impôt à payer ; si je ménage, mes épargnes et mon travail me serviront à payer ce que je dois à mon Souverain ; je n'aurai pas la disgrâce de le dissiper avec des gableux, gardes et commis qui sont toujours chez moi à faire des perquisitions et qui,sous le litre d'employés, se font craindre et forcent par là le malheureux à les recevoir et à leur offrir, comme malgré lui, un aliment qui lui serait très nécessaire. Si une suppression aussi nécessaire au tiers-état arrivait, combien Sa Majesté aurait-elle d'appointements épargnés !

Les exempts contribuant suivant leurs biens aux impôts que Sa Majesté jugera bon être, le menu peuple sera par là très soulagé ?

ues

ions ôts t aux

aux rdres ux.

1

es.

Il s'étonne de plus que le clergé, qui possède la majeure partie des biens du royaume, ne paye que de faibles décimes. Malgré cela, les sieurs curés de villes et campagnes ne se font point de délicatesse de faire payer aux malheureux comme aux aisés, soit pour mariages, baptêmes et enterrements, des droits de sépultures et autres différents droits. Tout cela est un fardeau pour le misérable,

(1) C'est-à-dire locataires.


204

CAHIERS DE SAINT-AMAND

qu'il est forcé de payer avec répugnance et chagrin. Ne serait-il pas juste que les religieux de différents ordres rentes et jouissant de revenus considérables et qui ne paient nulles autres impositions que les décimes, contribuassent aux impôts de tout le peuple?

Justice.

On s'aperçoit encore avec peine que la justice ne se rend que très nonchalamment ; que les procureurs et avocats ne se lassent pas de faire des écrits sans nombre, ce qui met une véritable entrave aux affaires qui ne finissent qu'après un long temps ; que les frais multipliés absorbent souvent quatre fois le principal et encore a-t-on bien de la peine à faire juger ses procès, Il serait donc essentiel, pour le bien public, que Sa Majesté fixât, pour faire juger les affaires, tel délai qu'elle jugerait bon, en fixant les honoraires des avocats, procureurs, huissiers, etc.

Droits seigneuriaux

spéciaux à St-Amand.

Les seigneurs des villes et paroisses qui jouissent de très-gros biens ne sont point compris à supporter partie des impôts du tiers-état. Ils ont cependant la dixième partie des blés, vins, chanvres, pois et autres légumes, lainage et charnage que chaque particulier peut cueillir. Malgré cela, chaque habitant de Saint-Amand paye à son seigneur trois boisseaux d'avoine, quatre sols argent et de plus trois corvées par chaque année.

Ce sont là les doléances et plaintes qu'ose faire celui qui ne cessera de former et adresser des voeux au Ciel pour la conservation des jours de Sa Majesté bienfaisante.

A Saint-Amand-en-Berry, le 6 mars 1789.

Signé : DAVID.


CAHIERS DE SAINT-AMAND 205

N° 10.

Cahier des Maîtres Maçons, Tailleurs de pierre et Plâtriers (1).

DOLÉANCES DES MAITRES ENTREPRENEURS MAÇONS DE LA VILLE DE SAINT-AMAND

bus

pagnant ollecte.

I. — Ils ne peuvent s'empêcher d'exposer combien il est fâcheux pour le tiers-état de voir la répartition des tailles à la discrétion des collecteurs, ce qui occasionne une infinité d'abus, parce qu'ils n'ont pas le courage de répandre l'augmentation sur les métayers, locataires ou autres gens des personnes privilégiées dont ils craignent les reproches ou même le ressentiment. Ils chargent souvent des particuliers qui ont peine à vivre de leur travail.

stations

ntre

mpôts.

II. — Ce n'est qu'avec douleur qu'ils se voient forcés de payer une infinité de droits pour les choses mêmes de la vie, sans avoir la liberté de les vendre ou de les acheter à leur gré : tels sont les droits d'entrée, inventaire du vin, consommation et autres impôts sur le sel même qui est un présent gratuit de la nature.

sierseurs.

III. — Ils remontrent encore que rien n'est plus gênant pour le public que l'emploi des jurés-priseurs. Qui pourrait, sans être indigné, calculer les frais qu'ils occasionnent par des répétitions inutiles dont ils remplissent leurs écritures ? Il arrive de là que les sommes qui proviennent des ventes suffisent à peine pour leurs frais. Dans cette crainte on n'ose faire les ventes, ce qui est, pour la suite, une source de querelles et de procès.

(1) Arch. de Saint-Amand, série P, liasse 31.


206 CAHIERS DE SAINT-AMAND

N° 11.

* Cahier des Serruriers et autres ouvriers travaillant le fer (1).

DOLÉANCES DES MAITRES SERRURIERS, TAILLANDIERS, MARÉCHAUX, CLOUTIERS, COUTELLIERS, CHAUDRONNIERS DE CETTE VILLE DE SAINT-AMAND COMPOSANT LE MÊME CORPS.

Abus

accompagnant

la collecte.

Nous, député par les ci-dessus dénommés, Disons qu'il est à observer que la répartition des rôles n'a jamais été faite que sur l'inspiration donnée aux collecteurs par les personnes chargées de les vérifier. Et alors les protégés ne sont que faiblement taxés, tandis que l'individu qui n'est pas protégé est accablé.

Suppression

des priviléges

en matière

d'impôts.

Ne serait-il pas juste que les deniers fussent répartis en partie sur le clergé et la noblesse, puisqu'ils possèdent les deux tiers des biens, et le reste sur le tiers-état, le tout avec justice, au prorata de la valeur des biens? — Plus de privilégiés, plus de taxés d'office (2).

Aides.

Demandons la suppression des Aides, lesquelles prélèvent des sommes exorbitantes sur nos denrées de toutes espèces, savoir : sur l'eau-de-vie, sur le vin, pour entrer le bois, le foin, le fer, sur le papier, la poudre et les liqueurs, sur les cuirs de toutes espèces, pour les boeufs, vaches, moutons, porcs, chevaux et veaux que l'on tue. Les commis en exercice, dont le nombre est trop grand, font

(1) Arch. de Saint-Amand, série P, liasse 31.

(2) Les taxes d'office sont celles faites par l'Intendant ou la commission intermédiaire.


CAHIERS DE SAINT-AMAND 207

des procès, à droite et à gauche, à des malheureux qu'ils prennent en contravention, lesquels, faute d'argent, s'exposent en ne faisant aucune déclaration au bureau. Ne serait-il pas mieux que chacun fût libre de faire de ses denrées ce qu'il jugerait à propos, sans craindre aucun événement ?

11e.

La gabelle présente les mêmes inconvénients. Nous voyons les employés ravager les campagnes, désoler les pauvres laboureurs et leur faire des procès injustes. Nous désirons que cette denrée devienne commune ou bien soit taxée à un prix plus modique.

ge

ques.

Le bureau des hypothèques occasionne beaucoup de coquinerie de la part d'un vendeur et d'un acquéreur, par la vente d'un fonds sur lequel d'autres personnes ont hypothéqué. Les parties conviennent incognito du prix de l'objet, gardent le secret, tandis que le contrat est déposé audit bureau le temps qu'il doit y être. Ensuite, l'hypothèque se trouve purgée. Le vendeur et l'acquéreur sont-ils fripons ou non? Au moyen de ce bureau, un coquin devient riche aux dépens d'un honnête homme.

le.

rsrs.

Le contrôle des actes est nécessaire ; mais il faudrait qu'il fût soumis à un tarif clair et non pas à des taxes le plus souvent arbitraires, ce qui empêche plusieurs personnes de faire des contrats, d'où il résulte ensuite des procès dans les familles.

Il n'y a que l'huissier-priseur qui ait le droit de faire toutes les discussions ou encans de meubles et, fort souvent, il arrive qu'après ces opérations il emporte, comme bénéfice, la moitié, pour ne pas dire les trois quarts de la somme. N'est-ce pas ruiner les mineurs et, bien souvent, les personnes


208 CAHIERS DE SAINT-AMAND

qui sont obligées de vendre par besoin? Il serait très-prudent que cet huissier fût taxé par journée et à plus juste prix.

Contribution pour les chemins.

Il n'y a que les roturiers qui paient gros pour faire les routes. Ce n'est pas nous qui les usons. Elles sont très-négligées. Personne ne rend compte de l'argent. Que devient-il ?

Pont du Cher.

Il y a environ vingt-huit ans que le pont du Cher s'est écroulé. De ce pont, il existe encore deux arches et les levées qui sont bonnes. Il est à désirer qu'il soit rétabli, attendu que les denrées ne circulent plus à cause de la gêne de ce passage. On assure que cela fait tort à la ville d'au moins 18,000 livres par an.

Receveurs des tailles.

Enfin, est-il nécessaire que les receveurs des tailles, à qui on donne 12 à 15,000 livres d'appointements par an, soient si multipliés? On pourrait corriger cet abus, attendu que les collecteurs pourraient porter les deniers à la ville capitale.

Signé : FÉAUX.

N° 12.

* Cahier des Charpentiers, Scieurs de long et Charrons (1).

DOLÉANCES DES MAITRES CHARPENTIERS, CHARRONS, COUVREURS ET SCIEURS DE LONG DE CETTE VILLE DE SAINT-AMAND-EN-BERRY.

Messieurs

Plaintes Nous voyons et supportons journellement les

au sujet des impôts les plus affreux pour des personnes qui

impôts.

(1) Arch. de Saint-Amand, série P, liasse 31.


CAHIERS DE SAINT-AMAND 209

sont réduites à gagner de si pauvres journées. La plus haute est de 20 sols, sur lesquels il faut nous entretenir d'outils.

ille.

Je parle d'impôts affreux : d'abord la taille, d'un chargement effroyable, n'étant imposée que sur les malheureux comme nous.

des.

Les droits des aides sont vexatoires et montent à des sommes considérables. Ainsi, nous payons 58 sols 6 deniers pour un méchant poinçon de grappe foncée qui est rempli d'eau et les commis aux aides ainsi que leurs supérieurs nous forcent, au premier poinçon de vin que l'on est dans le cas de vendre, à payer l'inventaire et la consommation de tout le vin que l'on peut avoir. Ce qui fait, Messieurs, qu'il ne nous reste pas un seul denier dans notre ménage pour avoir du pain.

entrée

Nous payons pour (1) un pauvre chariot de bois 27 sols 9 deniers et pour (2) un méchant chariot de foin 28 sols.

Ile.

Un autre impôt (et le plus effroyable) est de payer une livre de sel 14 sols, ce qui nous réduit souvent à nous passer de manger la soupe. D'ailleurs, les employés des gabelles nous vexent souvent, ainsi que les campagnes.

ges ière

ts.

Il serait donc à désirer, Messieurs, que ces impôts fussent tournés à l'avantage de beaucoup de malheureux comme nous.

Nous pensons d'ailleurs, Messieurs, que tous ces impôts si désagréables sont causés par l'exemption de toutes les personnes qui sont privilégiées et qui jouissent de revenus très-considérables, comme les

(1) Le mot pour n'existe pas dans l'original. Je l'ai ajouté pour rendre plus clair ce qui suit.

(2) Même observation.

14


210 CAHIERS DE SAINT-AMAND

communautés de Bénédictins, Bernardins (1) et toutes les Élections (2). Les Élus (3) mettent le pauvre collecteur des tailles et de la capitation dans le cas de vexer nombre de gens tant de cette ville que

des campagnes (4). Si ce pauvre collecteur

a le malheur d'augmenter un de leurs colons, ils le menacent de ne point vérifier son rôle (5)

Huissierspriseurs.

Autre chose plus pitoyable, Messieurs, est l'établissement des huissiers-priseurs qui, par leurs vexations, ruinent les pauvres mineurs et souvent les mettent dans le cas de renoncer à des successions paternelle ou maternelle. Ils vendent quelquefois, dans une journée, pour un louis ou 30 livres au plus et ils prennent 20 sols par heure, ce qui fait souvent que l'huissier a le tout (6).

Contribution

pour les grandes routes

Une autre imposition aussi désagréable est la contribution pour les grandes routes qui n'est payée que par des personnes de métier et cependant, si l'on excepte les rouliers, elle ne se consomme que par les privilégiés qui jouissent chacun de leur voiture.

Nous espérons, Messieurs, que l'exposé que nous avons l'honneur de représenter vous fera jeter la vue sur tous les objets que nous vous démontrons. C'est la grâce que nous espérons aux États-Généraux.

Signé : DUPUY DES FAUGÈRES.

(1) Les moines de Noirlac, de l'ordre de Citeaux, étaient appelés aussi Bernardins.

(2) On a vu que les officiers des Elections étaient privilégiés.

(3) Le mot Élus n'existe pas dans l'original. Je l'ai ajouté pour rendre plus clair ce qui suit.

(4) Membre de phrase obscur.

(5) Même observation.

(6) Même observation.


CAHIERS DE SAINT-AMAND 211

N° 13. Doléances et Remontrances (1).

Abus pagnant ollecte.

1° Il est à faire observer que, dans l'impôt de la taille, la répartition des cotes et du rôle entier ne se fait guère que par l'impression donnée aux collecteurs de la part des personnes chargées de vérifier ces rôles. Alors le protégé n'est que faiblement taxé, tandis que l'individu qui se trouve sans patron est accablé, sans pouvoir faire entendre sa plainte et son indigence.

des.

2° Les droits" d'aides, onéreux par eux-mêmes, deviennent une inquisition d'autant plus fâcheuse qu'elle est exercée par une multiplicité de commis avides de procès qui jettent le faible dans la misère.

elle.

3° La gabelle présente les mêmes inconvénients. Nous sommes tous portés à faire pour la Patrie et pour le Roy les plus grands efforts et les plus grands sacrifices. Mais cet impôt demande de l'allégement, une réduction et plus de liberté. Ne pourrait-on pas le remplacer par une taxe quelconque moins vexante et désolante ?

rôle.

4° Le contrôle des actes est fort nécessaire et important pour la tranquillité des familles; mais il conviendrait qu'il fût soumis à des tarifs clairs, précis et non pas à des taxes le plus souvent arbitraires.

des es.

5° Les grandes routes de la province sont négligées ou mal faites. Nous donnons de l'argent pour

(1) Arch. de Saint-Amand, série P, liasse 31. Je n'ai pu découvrir par quel groupe d'électeurs a été dressé le présent cahier.


212 CAHIERS DE SAINT-AMAND

les faire; personne n'en rend compte, ou du moins nous l'ignorons. Le commerce devient stagnant. Nous payons. Que devient notre argent ?

Pont sur le Cher.

6° Nous demandons la reconstruction d'un pont sur la rivière de Cher. Depuis que l'ancien s'est écroulé, les denrées ne parviennent qu'avec peine, en payant des tributs aux bateaux des seigneurs, ou prennent une autre route.

Officiers municipaux.

7° Il est inconcevable que notre ville ne puisse nommer ses officiers municipaux. C'est un droit précieux et ancien, obtenu par toutes les villes. Nous demandons à y être réintégrés. La confiance n'est douce et agréable qu'autant qu'on obtient des représentants fidèles, éclairés, notés par la bonne réputation et nommés à haute voix. Au reste, ce sont les intentions de Sa Majesté.

Droits seigneuriaux

perçus à St-Amand.

8° Il existe pour les habitants de la ville un impôt désastreux, contraire à la population. Cet impôt consiste en trois boisseaux d'avoine payés par chaque ménage et de plus en quatre sols de guet. On ne conçoit pas que, pour respirer l'air dans une ville, on soit obligé de l'acheter. Si ce droit est ancien (son seul titre sans doute), il n'en est pas moins tyrannique. Il est donc de l'avantage de la communauté d'en faire connaître l'affligeante pesanteur et qu'elle réunisse tous ses efforts et ses moyens pour le racheter du seigneur. Ne pourrait-on pas demander et obtenir du temps et des époques pour en faire le rachat?

Maîtrises

d'arts et métiers.

9° Les lettres de maîtrise accordées pour une somme d'argent aux différents artisans, pour les autoriser à exercer un métier, sont un tribut qui enlève le fruit du labeur. Il serait de l'intérêt du gouvernement d'abolir toute taxe onéreuse à l'in-


CAHIERS DE SAINT-AMAND 213

dustrie, d'extirper les jalousies, les procès qui se fomentent entre les différents artisans et qui les empêchent de réunir leurs affections du côté du travail.

uissiersriseurs.

10° On ne peut se plaindre de l'établissement des 4 sols par livre qui, lors de leur allocation, étaient perçus par les contrôleurs des actes sans frais ; mais il s'élève une espèce de maltôte en justice, exercée par une sorte de sangsue nommée huissierpriseur qui, dans les inventaires et ventes de meubles, impose une rétribution exorbitante et onéreuse pour la veuve, l'orphelin et le créancier.

On ne peut trop se presser de faire connaître combien de semblables offices prêtent au dol et à la mauvaise foi et de prier les personnes chargées du code des lois civiles d'en prononcer la suppression.

ouanes 'rieures.

11° Supplier S. M. de supprimer les traites qui sont dans l'intérieur du royaume et qui gênent le commerce et de les renvoyer aux frontières.

éages.

12° Supplier S. M. de supprimer les péages qui sont également dans l'intérieur du royaume et qui gênent le commerce entièrement.

PIÈCE ANNEXÉE AU CAHIER CI-DESSUS

abac.

Autrefois, la ferme générale fournissait ses entrepôts de tabac loyal et marchand dont on usait avec confiance. Aujourd'hui, par un raffinement d'intérêt, elle a changé de régime. Elle fait râper ses tabacs dans sa manufacture de Paris et, après les avoir soumis à plusieurs mouillures nommées vulgairement sores (?), on les renferme dans des ton-


214 CAHIERS DE SAINT-AMAND

nes où, tout imbibés d'eau et pressés, ils subissent une fermentation qui, comme l'on sait, est le premier degré de la putréfaction. On sera heureux s'il ne contracte qu'une odeur de moisissure. Les tonnes sont envoyées dans les provinces où souvent on administre encore à cette poudre déjà altérée une seconde préparation aussi malsaine que la première. Qu'est-ce qui en souffre ? le citoyen paisible qui, en donnant son argent, ne songe qu'à faire usage d'une poudre récréative qui, changée plusieurs fois, altérée, peut devenir un poison lent. Sa Majesté est suppliée de faire cesser un régime si pernicieux. Ce serait peut-être une justice de faire réprimander par la loi le publicain qui en est l'inventeur.

Education nationale.

L'éducation nationale ne devrait-elle pas entrer comme premier motif dans les projets qui concernent le bien public? Plus la masse des hommes est instruite, plus on doit en attendre de vertu. Il manque aux villes, aux petites villes surtout, aux paroisses de la campagne, des maîtres d'école qui, sous l'inspection des pasteurs, enseigneraient la pratique des vertus religieuses, à lire, à écrire, à compter. Le laboureur, plus instruit, deviendrait meilleur cultivateur. En élevant l'âme des êtres qu'on se plaît trop à dégrader par le mépris, on doit espérer faire aimer et sentir la nécessité du travail. On doit aussi espérer abolir ou au moins diminuer cette mendicité qui naît de la paresse et de la nonchalance.


CAHIERS DE SAINT-AMAND 215

* Cahier (1). Messieurs,

Il n'est pas question d'un discours académique, ni d'un prix à remporter, mais seulement des idées que chacun doit donner puisqu'il en a liberté. Peutêtre n'auront-elles pas la justesse précise, ni les phrases bien détachées, ni la ponctuation bien observée. Mais encore, Messieurs, quoique vous ayez beaucoup plus de lumières que nous, il se pourrait faire qu'il vous échappât quelqu'unes des idées que nous voudrions vous exposer. Puissent-elles mériter vos suffrages.

ression

ivilèges

iaires.

Nous commençons par dire que nous avons un Monarque et qu'il faut le soutenir dans tous ses droits et coopérer à la dépense de l'État, pour qu'il veille à notre sûreté contre nos ennemis; qu'en conséquence tous ses sujets sont dans ce cas sans aucune exception, tels que la noblesse et le clergé. N'est-il pas prouvé que ces deux corps possèdent les deux-tiers des fonds et revenus du royaume et ne payent rien ?

ue des nautés euses des iciers.

Quel service, s'il vous plaît, rend le clergé à l'État pour jouir de tous ces privilèges? Et tant de communautés d'hommes qui ont été instituées pour servir à l'éducation de la jeunesse, qui n'ont eu des donations qu'à cette condition et qui actuellement ne se donnent aucune peine, à moins de fortes pensions que les trois-quarts des pères et mères ne

(1) Arch. de Saint-Amand, série P, liasse 31. Je n'ai pu découvrir par quel groupe d'électeurs a été dressé le présent cahier.


216 CAHIERS DE SAINT-AMAND

peuvent payer, ce qui fait que les enfants nés malheureux restent dans l'ignorance et qui pourraient faire de grands sujets ? En conséquence, il serait à désirer que presque toute cette classe d'hommes ne restât pas inutile et fut employée comme il est dit ci-dessus. Il est aussi des abbés qui jouissent de revenus immenses, qui n'ont que ce seul titre à cause des revenus (1).

Noblesse.

Revenons à la noblesse. Nous serions bien d'avis de la distinguer des autres classes d'hommes ; mais ne rien payer est trop fort. Il serait à désirer qu'il n'y eût d'autre noblesse que celle qui s'acquérerait par le mérite et par les services rendus à l'État de différentes manières et qu'elle ne passât pas à la postérité ; que si les descendants désiraient jouir des mêmes faveurs, qu'ils cherchent à se signaler pour les mériter. Alors on verrait l'émulation s'accroître et la patrie mieux défendue.

Chiffres excessifs de

certaines pensions de

retraite.

Nous disons encore que l'État se fait bien des charges à plaisir. Aux Intendants de généralité, contrôleurs de finances et autres, on passe des 20, 30, jusqu'à 40,000 livres de retraite, pour quelques années qu'ils auront servi, pendant lequel temps ils ont très souvent obéré l'État, tandis qu'un gentilhomme qui aura blanchi sous les drapeaux 27 ou 30 ans sera forcé de se retirer avec une croix et 5 ou 600 livres au plus. Les récompenses ne sont donc pas égales aux services rendus.

Abus

accompagnant

la collecte.

N'est-il pas fâcheux pour le tiers-état de voir à la discrétion des collecteurs, qui souvent ne connaissent pas leurs droits, la répartition du rôle des

(1) Cette phrase signifie probablement que les abbés dont il s'agit n'ont d'autre raison d'être que de toucher les revenus de leur mense abbatiale.


CAHIERS DE SAINT-AMAND 217

tailles, vu les abus qui se commettent? Ce collecteur, craignant les réprimandes des personnes privilégiées et autres, ne veut pas répandre l'augmentation sur les métayers, locataires ou chepteliers de ces privilégiés et c'est avec la plus grande injustice qu'il la répand sur le malheureux, souvent c'est sur des particuliers qui ont peine à vivre de leur industrie.

ides.

Une multiplicité d'impôts nous opprime, comme les Aides. N'est-ce pas une grande vexation de voir des employés faire des recherches chez les particuliers et de ne pas avoir liberté de vendre ou d'acheter ses denrées et qu'on fasse payer pour les boissons qui ne sont que de l'eau passée sur les grappes les mêmes droits que pour le bon vin ?

ité des pôts.

Il est très facile à prouver que chaque individu, même dans la plus petite classe, paye annuellement au Roi plus d'un tiers de son revenu.... (1).

elle.

Disons que ce droit est plus onéreux à l'État qu'il ne rapporte de bénéfice par le grand nombre d'employés qui troublent nos campagnes ; qu'il serait à désirer qu'on supprimât ce droit.

ac.

N'est-ce pas odieux que MM. les Fermiers généraux nous le vendent tout mouillé et pourri, nous fassent payer l'eau 3 livres 12 sols la livre et que chacun ne soit pas libre de le consommer à sa fantaisie ?

iersurs.

Les jurés-priseurs ne mettent-ils pas les particuliers à contribution par le nombre des répétitions qu'ils font dans leurs écritures et la lenteur de leurs opérations, calculée pour augmenter leurs frais ? Souvent le montant des ventes ne suffit pas pour les remplir. Ne serait-il pas plus juste de faire

(1) Passage obscur.


218 CAHIERS DE SAINT-AMAND

vendre les effets par d'autres huissiers qui n'ont pas de si gros droits à prétendre ?

Unité de l'impôt.

Combien l'État gagnerait, si ces droits multipliés et perçus par une infinité d'officiers étaient réunis en un seul et même impôt, et combien le peuple gagnerait aussi d'avoir sa liberté ! Il payerait avec plaisir au Roi l'impôt, suivant ses facultés.

Contrôle. Hypothèques.

Comme il se glisse des abus jusque dans les droits les mieux fondés, comme les contrôles (qui sont très utiles, puisqu'ils nous assurent la propriété de nos acquisitions), ainsi que les hypothèques (qui donnent la conservation de nos créances), il serait à désirer qu'il y eût un tarif fixe. Pour lors, les particuliers sauraient à quoi s'en tenir et cela éviterait de supplier M. l'Intendant pour obtenir la remise de ce qu'on a pris injustement, ce qui arrive souvent.

Réformes judiciaires.

Il serait à désirer, pour le bien général, que la justice fût plus prompte en ses exécutions. Combien de personnes, à l'appareil d'une longue et dispendieuse procédure, abandonnent leurs droits? Il serait à propos que les jugements fussent limités suivant les cas et que les procès fussent terminés dans l'année et, par là, il n'y aurait pas des fatras d'écritures et il y aurait moins d'abus. Pour une demande de 100 sols, on fait pour 100 livres de frais.

Droit seigneurial

spécial à St-Amand.

Si nous étions affranchis de beaucoup de droits seigneuriaux comme nous, habitants de SaintAmand, qui payons annuellement trois boisseaux d'avoine au seigneur et 4 sols de guet et de bourgeoisie, sans avoir aucun usage en échange. Un malheureux qui ne paye que 10 sols au Roi est forcé de payer 3 livres 10 sols ou 4 livres pour cette redevance et souvent il lui arrive qu'on lui enlève jusqu'à sa couche pour le faire payer.


CAHIERS DE SAINT-AMAND 219

ciers cipaux.

Nous demanderions qu'il fût permis à toutes les communautés de se choisir des officiers municipaux, sauf l'approbation du seigneur.

Nous croyons, Messieurs, que c'est là le désir de la nation.

M° 15. Cahier des Notaires (1).

ARTICLES DE DOLÉANCES, PLAINTES ET REMONTRANCES DE LA COMMUNAUTÉ DES NOTAIRES DE LA VILLE DE SAINT-AMAND-EN-BERRY, PROVINCE DU BOURBONNAIS, POUR ENVOYER AUX ÉTATS-GÉNÉRAUX.

ices riales

Art. 1er. — Suppression des justices seigneuriales. Leur réunion à un bailliage royal établi dans la ville de Saint-Amand. Beaucoup de justices seigneuriales sont sans officiers. Celles qui en sont pourvues ne les ont point sur les lieux. Ils demeurent, ainsi que les curiaux (2), en la ville de SaintAmand. En sorte que la justice se rend très-lentement et jamais sur les lieux.

aux tion.

Art. 2. — Les tribunaux d'exception réunis aux juges ordinaires qui suffiront pour remplir toutes les fonctions; leurs privilèges pèsent visiblement sur le peuple.

tibilitrôle s avec riat.

ssion

Art. 3. — Incompatibilité du contrôle des actes avec le notariat. Les inconvénients en sont si frappants qu'il est inutile de les développer ici.

âges.

Suppression des tabellionages. Les seigneurs donnent ces offices à des gens qui ne sont pas instruits

(1) Arch. de Saint-Amand, série P, liasse 31.

(2) Officiers ministériels attachés à une juridiction.


220 CAHIERS DE SAINT-AMAND

et, en campagne, leurs notes sont presque toujours perdues à leur décès.

Révision du

tarif du contrôle.

Art. 4. — Révision du tarif du contrôle des actes. Les préposés, surtout par rapport aux contrats de mariage, perçoivent les droits arbitrairement, puisqu'ils peuvent assimiler un misérable laboureur à deux boeufs dans un mauvais pays et qui n'a jamais rien à lui, avec un gros laboureur et fermier, et le plus mince artisan d'une ville avec ce que le tarif appelle un notable artisan.

Droits seigneuriaux.

Art. 5. — Suppression des corvées et autres droits seigneuriaux, à moins qu'il n'y ait concession justifiée. Rien de plus odieux que la corvée au milieu de l'hiver. On prend un pauvre laboureur avec ses quatre boeufs et on lui fait faire souvent sept ou huit lieues dans des chemins perdus. Cela pouvait convenir dans le temps de la féodalité, parce que le seigneur accordait protection à ses vassaux; mais aujourd'hui le seigneur ne donne rien, on ne lui doit donc rien. C'est à l'État qu'on doit tout.

Restriction

des privilèges

des

Universités

quant à

la juridiction.

Art. 6. — Demander que le privilège des Universités, quant à la juridiction, soit restreint. Il est aussi abusif que ridicule qu'un particulier, avec une feinte donation faite au balayeur d'une Université, puisse attirer et attire un autre particulier de vingt ou trente lieues, lorsque même il est déjà en instance devant son juge naturel, comme, par exemple, en matière de saisie-arrêt où il y a déjà assignation.

Juréspriseurs.

Art. 7. — Suppression des jurés-priseurs, vendeurs de biens meubles. Leurs fonctions sont aussi inutiles qu'abusives et onéreuses. Dans les campagnes ou contre un pauvre particulier de ville, ils


CAHIERS DE SAINT-AMAND 221

absorbent ordinairement tout, de sorte que le créancier n'a rien. D'ailleurs, lorsqu'il s'agit d'inventaire dissolutif, le juré-priseur se trouve faire pour tous. Il est le maître de favoriser la veuve et de porter un grand préjudice aux mineurs, puisqu'il n'y a point de contradicteur. D'ailleurs, en quoi un commis préposé ou fermier d'un juré-priseur est-il capable d'estimer des bestiaux, des glaces et autres meubles précieux ?

ssion dres 'eux , nt des onds.

Art. 8. — Suppression des Bernardins, Bénédictins, Chartreux et autres ordres possédant des biens fonds. L'existence actuelle d'aucun de ces ordres est aussi inutile que scandaleuse. La vente de leurs biens jetterait à l'État, sur-le-champ, beaucoup d'argent, et ces biens devenus libres en produiraient encore beaucoup par les diverses mutations.

es dîmes.

Art. 9. — Les mariages, baptêmes et sépultures sans rétribution. Toutes les dîmes attribuées aux seigneurs, sous la charge de payer à chaque curé au moins douze cents livres et quatre cents livres pour chaque vicaire dans les cures qui les comportent.

ayés orne.

Art. 10. — Plus de dispenses, d'annates et autres droits en cour de Rome. Il est ridicule d'y porter tous les ans tant d'argent qui ne rentre plus dans le royaume.

de la e.

Art. 11. — Liberté de la presse.

de t.

le.

Suppression des lettres de cachet.

La vente du sel libre. Il est odieux de voir une guerre intestine au sein d'un royaume où la philosophie et les lumières ont fait tant de progrès.


222 CAHIERS DE SAINT-AMAND

Vote par tête.

Art. 12. — Insister pour que, aux Etats-Généraux, on vote par tête et non par corps.

Etats provinciaux.

Art. 13. — Demander que la province répartisse elle-même et fasse la levée de ses impositions ; qu'elle soit érigée en pays d'Etat.

Degrés de juridictions.

Art. 14. — Demander que les bailliages royaux qui seront établis dans des chefs-lieux et auxquels les justices seigneuriales seront réunies dans certains districts ressortissent nuement en la Cour.

Suppression

des privilèges

pécuniaires.

Art. 15.—Point de privilèges tendant à exempter des contributions pécuniaires. Toutes supportées par le clergé, la noblesse et le tiers-état, en raison de leurs facultés.

Suppression des ordres mendiants.

Art. 16. — Suppression des ordres mendiants des deux sexes. Il est indécent de voir vagabonder par les chemins des religieuses.

N° 16.

Cahier des Procureurs (1).

Ce cahier reproduit, dans un ordre différent, la presque intégralité des doléances des notaires.

L'art, 1er du cahier des procureurs est l'art. 7 du cahier des notaires.

L'art. 5 — — 1er —

L'art. 6 — — 2 —

L'art. 8 — — 4 —

L'art. 9 — — 5 —

L'art. 10 — — 6 —

L'art. 11 — — 8 —

L'art. 12 — — 9 —

L'art. 13 — — 10 —

L'art. 14 — — 11 -

(1) Arch. de Saint-Amand, série P, liasse 31.


CAHIERS DE SAINT-AMAND 223

L'art. 15 du cahier des procureurs est l'art. 12 du cahier des notaires.

L'art. 16 — — 13 —

L'art. 17 — — 15 —

L'article 7 du cahier des procureurs ne reproduit l'article 3 du cahier des notaires qu'en ce qui concerne l'incompatibilité du contrôle des actes avec le notariat.

Le contenu des articles 14 et 16 du cahier des notaires n'est pas reproduit dans le cahier des procureurs.

On lit dans le cahier des procureurs les trois articles ci-après, qui ne se trouvent pas dans le cahier des notaires.

ession

viléges

iaires.

Art. 2. — Que la noblesse et le clergé seront assujettis à toutes les impositions auxquelles le tiersétat est assujetti.

nes ures.

Art. 3.— Que les traites qui sont dans l'intérieur du royaume et qui gênent entièrement le commerce soient renvoyées aux frontières.

es.

Art. 4.— Que les péages qui sont dans l'intérieur du royaume et qui gênent entièrement le commerce seront supprimés.

N° 17. Cahier du Bailliage (1).

CAHIER DES PLAINTES, DOLÉANCES ET REMONTRANCES DU TIERS-ÉTAT DE LA VILLE DE SAINT-AMAND, ARRÊTÉ PAR LES OFFICIERS DU BAILLIAGE D'ORVALSAINT-AMAND.

tion oirs.

1° Demander que la Nation assemblée ait, con(1)

con(1) du Cher, l. n. i.


224 CAHIERS DE SAINT-AMAND

jointement avec le Roi, le pouvoir législatif, et le Roi seul le pouvoir exécutif;

Doublement du tiers.

2° Que le tiers-état sera toujours, dans les assemblées de la Nation et dans les Etats provinciaux, en nombre égal aux deux autres ordres réunis, la noblesse et le clergé, et que, pour cet effet, il sera porté aux prochains Etats-Généraux une loi invariable et permanente ;

Vote par tête.

3° Que, dans les prochains Etats-Généraux, les trois ordres voteront par tête et non par ordre ;

Suppression

des priviléges

en matière

d'impôts.

4° Que la noblesse et le clergé paieront leur part contributive de toutes les impositions auxquelles le tiers-état sera assujetti ;

Corvée pour

les grands

chemins.

5° Que la corvée pour les grands chemins sera toujours payée en argent et que la noblesse et le clergé y contribueront avec le tiers-état à raison de leurs propriétés ;

Retour périodique des Etats - Généraux.

6° Que les Etats-Généraux s'assembleront tous les cinq ans et même plus tôt si les besoins de l'Etat et le Roy l'exigent ;

Vote de l'impôt par la nation

7° Qu'il ne sera mis aucun impôt ni fait aucun emprunt par le Roi, sous quelque prétexte que ce soit, sans le consentement de la nation assemblée qui en fixera la quotité et la durée ;

Etats provinciaux.

8° Demander aussi à Sa Majesté de vouloir bien accorder à toutes les provinces du royaume des Etats provinciaux conformes aux Etats de la province du Dauphiné et sous le même régime, avec le pouvoir de faire la répartition et le recouvrement de toutes les impositions auxquelles elles seraient assujetties ;

Gabelle.

9° Que le régime des gabelles soit changé, de manière qu'il n'existe plus de faux saunage ni ce grand nombre d'employés qui absorbent une grande


CAHIERS DE SAINT-AMAND 225

partie des revenus de cet impôt et qui causent une petite guerre intestine dans l'intérieur du royaume;

trôle.

10° Qu'il soit fait un nouveau tarif des droits de contrôle sur tous les actes quelconques, de manière qu'ils soient clairs, précis et positifs, et qu'ils ôtent aux traitants et contrôleurs des actes les moyens de les percevoir arbitrairement et de vexer le public ;

anes ieures.

11° Supprimer les traites dans l'intérieur du royaume et les renvoyer aux frontières, de manière que le commerce soit libre et sans entrave dans l'intérieur du royaume ;

ession iviléges atière diction.

13° Supprimer le droit de committimus, comme un privilége injuste et onéreux au peuple, ainsi que les évocations au Grand Conseil concédées en faveur de différents ordres ecclésiastiques, les droits de scolarité des Universités et tous autres de cette espèce, en sorte que les citoyens ne puissent plaider en première instance que pardevant leur juge naturel ;

e des

ivil et

inel.

ication

la

dure.

14° Réformer le code civil et le code criminel ;

Simplifier les formes de la procédure le plus que faire se pourra ;

s frais.

Etablir un nouveau tarif clair et précis sur tous les droits des juges, des avocats, des procureurs, des greffiers, des notaires et des huissiers.

iersurs.

15° Supprimer les huissiers-priseurs, comme absolument inutiles et très à charge à tous les citoyens et particulièrement à la classe la plus malheureuse ;

c.

16° Demander la suppression des tabacs râpés, envoyés par les fermiers généraux dans des tonnes,

15


226 CAHIERS DE SAINT-AMAND

qui sont très mauvais et nuisibles à la santé des citoyens, et obliger lesdits fermiers à n'envoyer dans les provinces, à leurs entreposeurs, que des tabacs en carotte, pour être distribués au public comme il se pratiquait auparavant ;

Ecoles nationales.

17° Demander l'établissement d'écoles nationales, tant dans les villes que dans les paroisses, pour l'instruction de la jeunesse ;

Dette publique

18° Demander aussi que les intérêts que le Roy paye au-dessus de 5 % soient réduits à 5 %, avec la retenue du vingtième, au moyen de quoi les EtatsGénéraux assemblés soient autorisés à consolider la dette de la Nation ;

Pouvoirs des prochains EtatsGénéraux.

19° Qu'il ne soit consenti dans les Etats-Généraux à l'établissement d'aucun impôt et emprunt quelconque, demandé par le Roy et par le gouvernement, qu'il n'ait été statué préalablement sur les plaintes, doléances et remontrances qui seront présentées au Roy de la part des trois ordres de l'Etat ;

Suppression

des lettres de

cachet.

20° Demander la liberté individuelle des citoyens et la suppression des lettres de cachet qui doivent être regardées comme une inquisition ;

Liberté de la presse.

21° Demander la liberté de la presse.

N° 18.

Projet de doléances pour le tiersétat de la ville de Saint-Amand. (1)

Retour périodique des EtatsGénéraux.

Art. 1er. — Le retour périodique des Etats-Généraux; que leur forme soit invariablement fixée, ainsi que la représentation légitime des trois ordres

(1) Arch, de Saint-Amand, série P, liasse 31.


CAHIERS DE SAINT-AMAND 227

par tête.

et que les voix s'y comptent par tête et non par ordre, chaque fois qu'il s'agira des intérêts particuliers de l'un d'eux.

ression

rivilèges

maires.

Art. 2. — L'abolition de tous les privilèges pécuniaires; qu'il soit fait une masse de toutes les impositions généralement quelconques perçues tant sur la noblesse et le clergé que sur le tiers-état, et la répartir ensuite sur tous les individus de chacun de ces trois ordres, suivant et en raison de leurs propriétés et facultés respectives, et qu'à cet effet, il n'y ait qu'un seul et même rôle.

e l'impôt nation

Art. 3. — Qu'il ne puisse être établi aucun impôt sans le consentement de la nation assemblée qui en fixera la durée et la quotité.

Art. 4. — Que tout enregistrement d' impôt qui pourrait être fait par la suite, dans quelque cour que ce soit, sans l'aveu préalable de la nation, soit regardé comme illégal et les membres de ces cours poursuivis et traduits par la Nation assemblée devant telle cour de justice qu'elle jugera convenable, sans cependant qu'en vertu de cet enregistrement la Nation puisse être tenue de payer l'impôt y porté qu'il n'ait été statué à cet égard par la Nation assemblée.

'tion

s

d'aides

de

elle.

Art. 5. — L'anéantissement de tous droits connus sous le nom d'aides, gabelles, droits réservés ou sous autres dénominations quelconques, de manière cependant que cette suppression ne nuise point aux intérêts des villes qui ont leurs revenus affectés sur iceux, ou sauf leur remplacement par une autre imposition quelconque, plus ou moins considérable, en raison de leurs charges respectives.

tion

uanes

ures.

Art. 6. — Le reculement des barrières vers les frontières du royaume, en sorte que le commerce


228 CAHIERS DE SAINT-AMAND

intérieur soit absolument libre d'une province à l'autre et dégagé de toutes les entraves que l'esprit du fisc a inventées.

Le sel rendu marchand.

Art. 7. — La vénalité du sel dans toutes les provinces du royaume et l'ouverture des salines à tous les sujets.

Suppression des priviléges

en matière

de contribu -

tions pour

les travaux

publics.

Art. 8. — Que l'imposition représentative de la corvée, que les frais de construction de casernes et fournitures de casernement par forme d'impositions pécuniaires ou en nature soient également supportés par les trois ordres, en raison de leurs propriétés et facultés respectives.

Diminution du nombre des

charges qui confèrent

la noblesse.

Art. 9. — La diminution des charges qui confèrent la noblesse; que cette distinction flatteuse et honorable ne soit accordée qu'à celui qui l'aura méritée par des services essentiels rendus à la nation et qu'elle ne soit plus le prix des richesses.

Responsabilité des ministres.

Art. 10. — La responsabilité des ministres et que la nation assemblée puisse les traduire devant les cours de justice, lorsqu'ils auront sacrifié les droits de la Nation ou dissipé les deniers dont la manutention leur aura été confiée.

Liberté de la presse.

Art. 11. — La liberté légitime de la presse, sauf à répondre des écrits répréhensibles après l'impression.

Réforme judiciaire.

Art. 12. — La réforme de la justice civile et criminelle et la simplification de la procédure actuelle absolument ruineuse pour la nation.

Diminution de l'étendue

du ressort

du Parlement

de Paris.

Art. 13. — L'établissement d'une ou plusieurs cours supérieures dans le ressort du Parlement de Paris, afin de rapprocher la justice des justiciables. L'éloignement de cinquante, soixante, cent lieues et plus, tel que l'offre ce parlement à partir de l'extrémité de son ressort, ne permettant pas tou-


CAHIERS DE SAINT-AMAND 229

jours au citoyen poursuivi par la cupidité de donner à son procureur les instructions nécessaires pour sa défense et encore moins de subvenir aux frais de route et séjour.

issiersiseurs.

Art. 14. — Observer que la création d'huissierspriseurs pour les provinces est une des opérations du fisc des plus ruineuses pour les malheureux et pour le citoyen en général; que ces huissiers, lors des inventaires, multiplient les articles, au point qu'un lit garni leur offre autant d'articles qu'il y a d'objets qui le composent, ainsi des autres, ce qui augmente prodigieusement leurs droits et les frais de discussion, parce que, lors d'icelle, ils exposent en vente chacun de ces articles séparément; que tel est le comble du désordre qui règne dans cette partie de l'administration que, sur une discussion de 172 livres au total, l'huissier-priseur en a retiré, pour lui ou pour le paiement des droits perçus lors des inventaires ou discussions auxquels ces créations ont donné lieu, une somme de 60 livres ; que ce fait, pris à travers une multitude sans nombre qu'offre le travail journalier de ces huissiers, est consigné dans les papiers déposés chez un officier public de cette ville de Saint-Amand.

Demander en conséquence l'extinction de ces charges d'huissiers-priseurs dans toute l'étendue des provinces, ainsi que de tous les droits auxquels ces créations ont donné lieu.

trôle.

Art. 15. —.Observer que les ordonnances en vertu desquelles se perçoivent les droits de contrôle des actes notariés offrent quelquefois une telle ambiguité, que tel commis perçoit tel droit tandis que tel autre en perçoit tel autre. Observer que le fisc a rendu cet établissement, utile et avan-


230 CAHIERS DE SAINT-AMAND

tageux en lui-même, très onéreux en même temps par l'augmentation successive des sols pour livre qu'il a ajoutés au principal ; de sorte qu'une partie de la Nation préfère faire ses actes sous signatures privées, quelque risque qu'elle prévoie ou que l'expérience lui ait démontré qu'elle pourrait encourir.

Demander, en conséquence, la simplification des droits de contrôle, insinuation et autres perçus par les contrôleurs des actes notariés et leur réduction, de manière à ce que chaque classe de citoyens puisse profiter de cet établissement.

Admission des citoyens du tiers-état

à tous les emplois.

Art. 16. — Demander que le tiers-état soit admis dans toutes les places civiles, politiques et militaires ; que les exclusions odieuses, qui ont été anciennement ou nouvellement prononcées, soient levées, les places ne devant se donner qu'au mérite. Ces exclusions du tiers-état, en faveur de la noblesse, anéantissant, même parmi elle, toute émulation, tendent au détriment de la Nation et à l'avilissement du tiers-état qui a fourni dans tous les temps et dans tous les genres des grands hommes à la Nation.

Vénalité des offices municipaux.

Art. 17. — Observer que la justice patrimoniale est essentiellement inhérente au domaine des villes; qu'elle leur appartient ipso jure; qu'à ce titre, elles ont le droit de se choisir des officiers municipaux, sauf l'approbation du Roi ou des seigneurs particuliers auxquels ce droit d'approbation ou de confirmation a été concédé ; que l'érection des places municipales en titre d'office anéantit ce droit précieux des villes ; qu'elle leur porte un préjudice des plus considérables, surtout à celles qui n'ont pu acquérir ces offices, en ce qu'elles se


CAHIERS DE SAINT-AMAND 231

voient gouvernées par des officiers qui souvent n'ont pas de droit à leur confiance, qui tirent tout 'eur mérite de la place qu'ils occupent et qui, ne craignant pas une destitution toujours déshonorante, négligent les intérêts de leurs propres concitoyens ou les sacrifient pour leurs avantages particuliers.

Observer que la nécessité où le fisc a mis les villes d'acheter ces offices est une imposition indirecte mise sur les habitants, imposition renouvelée par chaque édit de suppression et de nouvelle création ; que quoique ces deniers soient pris dans la caisse des villes, leur emploi à d'autres objets qu'à ceux de leur destination primitive n'en est pas moins préjudiciable pour elles, en ce que leurs revenus se trouvant arriérés, elles ne peuvent faire face aux charges dont elles sont grevées.

Observer qu'au moyen de la vente qui a été faite de ces offices aux seigneurs particuliers, ces seigneurs se croient en droit de nommer qui bon leur semble pour les remplir, sans consulter les villes et même sans égard pour leurs représentations ; que ces officiers, pour l'ordinaire dévoués aux seigneurs qui sont intéressés à les soutenir contre toute réclamation, leur sacrifient les droits, les privilèges, les prérogatives de leurs concitoyens.

Demander, en conséquence, que les villes rentrent dans un droit qui leur appartient exclusivement de choisir leurs officiers municipaux et qu'ils ne puissent être nommés que sur leur présentation.

its

riaux boursie).

Art. 18. — Observer que, sous le régime féodal, les seigneurs étaient tenus de défendre leurs vassaux contre les incursions de l'ennemi, de veiller à


232 CAHIERS DE SAINT-AMAND

la conservation de leurs propriétés ; que, par réciprocité, les vassaux s'étaient obligés envers leurs seigneurs à faire le guet, monter les gardes, prendre les armes pour leur défense et celle du seigneur, à leurs propres dépens ; que, depuis la réunion de la monarchie sous un seul et même chef, ce contrat des seigneurs envers leurs vassaux avait été annulé; que le Roi s'était chargé de remplir envers ces derniers les obligations des seigneurs ; que ces mêmes vassaux ayant reconnu ce pacte et consenti au Roi des impositions pour remplir à leur égard les mêmes charges dont étaient tenus les seigneurs, toute obligation qui naissait de ce contrat primitif avait dû être et avait été nécessairement annulée par ce contrat subséquent fait entre le Roi, les seigneurs et leurs vassaux ; que, dès lors, l'obligation de faire le guet, monter la garde, devoirs de milice ou impositions à cet effet, étaient annulés ; que cependant les seigneurs, abusant de leur crédit, de leur autorité et plus encore des circonstances critiques où s'est trouvée la monarchie dans différents temps, ont forcé ces mêmes vassaux de reconnaître ces droits de guet, garde, milice, bourgeoisie (1) et, pour leur en tenir lieu, de leur payer de fortes redevances en argent, blé ou avoine, en sorte que tel malheureux qui ne peut payer au Roi que cinq, dix, jusqu'à vingt sols de taille ou autre imposition, est obligé de payer à son seigneur trois livres dix sols et quatre livres pour l'indemniser d'une obligation dont le Roi l'a déchargé.

(1) Pour les besoins de son argumentation, le rédacteur du cahier donne ici au droit de bourgeoisie une origine de fantaisie.


CAHIERS DE SAINT-AMAND 233

Demander, en conséquence, l'anéantissement de tous droits et devoirs perçus par les seigneurs représentatifs des devoirs de guet, garde, milice et autres qui tirent leur origine du contrat primitif fait entre les vassaux et leurs seigneurs sous le régime de la féodalité; annuler toutes reconnaissances qui auraient été consenties à l'effet de relever ce droit.

itudes cières.

Art. 19. — Demander l'abolition de toutes servitudes en France connues sous le nom de glèbes, tailles, marciage (?) et autres devoirs dont les terres sont chargées. Faculté accordée à chaque propriétaire d'icelles d'en faire le rachat.

nopole abac. ise quade la andise.

Art. 20. — Observer que le régime pour le tabac, qu'a adopté la ferme générale sous prétexte de prévenir la fraude y donne lieu au contraire et est en même temps nuisible aux consommateurs ; que le tabac, râpé, enfermé dans des tonneaux et envoyé dans les entrepôts à soixante, quatre-vingts lieues et plus de l'endroit où il se prépare, contracte une odeur forte qui porte au cerveau ; que les fréquents mouillages qu'on lui donne,.avant et après sa préparation, ne contribuent pas peu à augmenter cet effet ; que ce régime tourne au seul profit de la ferme ; que chaque tonneau de tabac contient au moins 7 à 8 livres d'eau que la ferme vend 3 livres 12 sols la livre ; que ce qui prouve cette vérité, c'est qu'il est de fait et d'expérience démontré que ces tabacs perdent considérablement à l'ouverture des tonneaux qui les renferment, ce qui doit mettre et mettra nécessairement ces entreposeurs dans la nécessité de faire euxmêmes la fraude, ou de donner un autre mouillage considérable à leur tabac, avant de l'exposer au


234 CAHIERS DE SAINT-AMAND

débit, afin de n'être pas eux-mêmes la victime de l'opération de la ferme générale.

Demander, en conséquence, dans le cas où la Nation assemblée ne croirait pas devoir rien changer à cette branche de commerce, que la ferme générale soit tenue d'envoyer dans tous les entrepôts les tabacs en carotte, pour y être préparés et délivrés aux consommateurs, sauf aux entreposeurs à répondre en leur propre et privé nom de la fraude qu'ils pourraient commettre ; autoriser, en conséquence, les juges ordinaires des lieux à faire telles visites qu'ils croiront nécessaires dans lesdits entrepôts, pour les entreposeurs qui seront trouvés en fraude être poursuivis à la requête du procureur de Sa Majesté et punis suivant l'exigence des cas.

Etats provinciaux.

Art. 21. — Demander que toutes les administrations provinciales soient changées en états provinciaux modelés sur ceux du Dauphiné.

Reconstruction du pont du Cher.

Art. 22. — Observer que, depuis Montluçon a Châteauneuf, c'est-à-dire dans une distance de quinze lieues, il n'y a pas un seul pont sur le Cher ; qu'il y en avait un anciennement à Saint-Amand, dont il subsiste encore une arcade ; que ce pont, dont cette ville n'a pu obtenir le rétablissement, est de la plus grande utilité ; qu'il ouvrirait les communications entre le Berry, la Marche et cette partie du Bourbonnais qui tient à la première de ces provinces; que le passage, souvent interrompu par les crues d'eau auxquelles la rivière du Cher est sujette, nuit considérablement au commerce ;

Etablissement d'un canal.

Demander en conséquence le rétablissement et la reconstruction de ce pont. Art. 23. — Longues observations sur l'utilité de


CAHIERS DE SAINT-AMAND 235

Couverture d'un canal qui irait du Veurdre au Cher par la Marmande.

lition iviléges ermett de ire une de ses aturels

Art. 24.— Demander l'abolition des committimus, droits de scolarité, des droits d'évocation en général, qui ne tendent qu'à anéantir les justices subalternes, à distraire les justiciables de la justice ordinaire, à obliger souvent de malheureux colons ou de pauvres propriétaires à plaider à soixante et quatre-vingt lieues et plus de leur domicile, devant un tribunal où souvent leurs parties adverses ont la plus grande influence, tandis qu'eux manquent souvent de défenseurs, parce qu'ils ne connaissent point ceux auxquels ils doivent, de préférence, confier la défense de leurs intérêts, ou parce qu'ils n'ont pas les ressources qu'exige l'éloignement des lieux.

sance ative nation Roi.

ibilité

ges.

Art. 25. — Etablir que, dans la Nation assemblée et dans le Roy à la tête de la Nation, réside seule la puissance législative.

Art. 26. — Observer pour principe fixe et invariable l'inamovibilité des juges, tant royaux que seigneuriaux ; demander en conséquence que tout juge ne puisse être destitué que pour des causes graves et prouvées telles; qu'il ne soit plus permis à un seigneur de destituer ad nutum un officier de judicature, souvent parce qu'il n'aura pas adhéré à un ordre injuste.

ients

ices

'aies.

Art. 26 bis. — Observer que la police est en général mal observée dans les justices seigneuriales; que les officiers préposés par les seigneurs à son maintien sont gênés dans l'exercice de leurs fonctions ; que leurs sentences restent souvent sans exécution; parce que les seigneurs au profit desquels les sentences sont prononcées ne veulent pas toujours


236 CAHIERS DE SAINT-AMAND

suivre pardevant le juge supérieur l'appel qui est interjeté de la sentence rendue par leurs juges ; que l'inexécution de ces premiers jugements entraîne de nouvelles prévarications, ce qui rend la justice languissante et ôte au juge ce respect que la multitude ne rend qu'à l'autorité.

Destination des amendes

prononcées dans le cas de

contraventions.

Observer également que les amendes prononcées par la police, soit au profit du Roy, soit au profit des seigneurs particuliers, offrent une suprême injustice ; que les contraventions tournant au détriment des particuliers, il est de la plus exacte justice que les amendes qui en proviennent tournent à leur avantage.

Modifications à apporter dans le régime des justices seigneuriales.

Demander, en conséquence, ou que l'appel des sentences rendues par les juges des seigneurs soit suivi dans les cours supérieures à la requête du procureur de Sa Majesté, ou que les seigneurs abandonnent l'exercice de la police et qu'alors il soit établi dans toutes les villes seigneuriales des officiers royaux pour le maintien de la police, ou que, dans le cas où les seigneurs ne voudraient pas consentir à cet abandon de leurs droits, il soit établi dans chaque chef-lieu de leur justice des officiers royaux qui connaîtront de la police concurremment avec ceux des seigneurs.

Nouvelle

observation

relativement

aux

amendes.

Education nationale.

Et dans tous les cas demander que, par la suite, toutes les amendes qui seront prononcées, tant par les juges seigneuriaux que royaux, soient versées dans les mains du trésorier-receveur des villes pour être employées à la décharge des habitants.

Art. 27. — L'établissement d'une Ecole nationale à laquelle puissent participer toutes les classes de la société, les revenus de l'Etat, le produit des impôts devant être appliqué pour l'utilité générale


CAHIERS DE SAINT-AMAND 237

de la Nation et non affectés, comme ils le sont, à l'instruction, à l'illustration et à l'avancement d'une seule classe privilégiée.

ition oit de -fief.

Art. 28. — En ôtant toutes distinctions pécuniaires entre les trois ordres, demander l'abolition des droits de francs-fiefs qui ne sont supportés que par le tiers-état.

La loi qui ordonne que celui qui possède un fief donnera la vingtième année de son revenu et qu'il en sera de même à chaque mutation contenant en elle-même une suprême injustice, puisque le particulier qui n'a souvent que ce bien-là pour vivre donne tout le revenu de son bien et paye en outre des impositions à raison du revenu de ce bien, revenu qui n'existe plus, puisque c'est le Roy qui le perçoit.

ons.

Art. 29.— Que toutes les pensions accordées par le Roy jusqu'à ce jour soient assujetties à la retenue des dixièmes ; — qu'il n'en soit accorde qu'à ceux qui auront servi l'Etat et qu'elles soient fixées en raison de leurs services.

s des

es

tat.

Art. 30. — Que les intérêts des rentes que doit l'Etat soient réduits à un taux fixe.

e des ents.

Art. 31. — La police de tous les corps, des Parlements surtout, tant dans leur régime intérieur que dans leurs rapports soit avec le Souverain qu'ils doivent toujours respecter, soit avec la Nation qu'ils ne doivent plus tromper.

asse e.

Art. 32. — La chasse libre à tous les sujets.

Signé : BUJON DES BROSSES.



DOCUMENTS & NOTICES

SUR SAINT-AMAND

CHARTES DE 1256 ET 1292

RELATIVES A LA FRANCHISE DE SAINT-AMAND (Vidimus de 1389) (1)

Universis présentes licteras inspecturis, Michaël Barbitonsoris, presbiter, custos sigilli castellanie de Castro Sancti Amandi, salutem in Domino. Notum facimus quod nos vidimus, tenuimus, palpavimus et de verbo ad verbum transcribsisse fecimus, per dominum Petrum Pelerini, presbiterum, dicti sigilli juratum et notarium loco nostrî, cui ad hoc commisimus vices nostras, quasdam pactentes licteras autentiquas, sub sigillo prepositure Duni Régis confectas et sigillatas, non rasas, non corruptas, nec in aliquo viciatas, sed omni vicio et suspicione carentes ; quarum licterarum tenor talis est in verbis latinis modo et forma que sequitur : Universis présentes licteras inspecturis, Pelerinus Bricii, custos sigilli regis in prepositurâ Duni Régis, salutem in Domino. Noveritis quod presentes coram magistro Johanne

(1) Arch. du Cher, E, 205.


240 CHARTES DE FRANCHISE DE SAINT-AMAND

Bruni, canonico dunensi, jurato regis notario, vice et auctoritate nostrâ et a nobis habente mandatum super hoc speciale :

Nobilis vir dominus Renulphus, dominus de Cullento et de Castro Novo et Castri Sancti Amandi, miles, certus, prudens et consultus, ut dicebat, ex unâ parte ;

Et burgenses de Sancto Amando, vocati et citati hostiatim per sèrvientem loci juratum et per clamorem factum sollempniter et decenter, ut moris est, ut dicebant, et ante ecclesiam Castri Sancti Amandi, unanimes et in unam sentenciam et concordiam existentes, ut dicebant.

Publicè et in jure recognoverunt dicte presentes ordinaciones, statuta, composiciones et convenciones subtùs scriptas, habuisse, Armasse et factas amicabiliter de bonorum consilio concordasse in hunc modum :

Videlicet, quod idem dominus piis parentum et predecessorum suorum vestigiis cupiens inherere et insequi, libertates, privilegia, munimenta, consuetudines et confirmaciones, burgensibus dicti Castri Sancti Amandi concessas, seu donatas, à nobili viro domino Humberto de Praellis, milite deffuncto, et ab antecessoribus dominis Castri Sancti Amandi, prout idem miles confirmavit et sigillavit in quibusdam licteris, et quas licteras dictus juratus affirmat se vidisse, valuit et concessit idem dominus Renulphus, laudavit et auctoritate suâ tanquam dominus confirmavit, prout in eisdem licteris dicti domini Humberti, sigillo suo et contrasigillo sigillatis, prout prima facie apparebat, continetur ; quarum licterarum tenor sequitur in haec verba :

« Ego, Humbertus de Praellis, miles, dominus de Castro Sancti Amandi, notum facio omnibus lias vi-


CHARTES DE FRANCHISE DE SAINT-AMAND 241

suris quod, cum dominus Ebo de Karentonio edificaverit villam francham de Sancto Amando, et dominus Regnaudus de Montefalconis, successor suus, dictam franchisiam dicte ville confirmaverit, ego similiter dictam franchisiam confirmo, sicut inferiùs est expressa.

» Furnos sibi retinuit, ut sextarius annone coquetur pro uno denario, exceptis lignis et mercede furnerii. Et lesda annone et salis, more silviniacensi.

» Unusquisque macellarius dabit semel in anno coxam vacche, vel sex denarios. — Quisque suctor, sotulares vel sex denarios. — Quisque pellifex, quatuor denarios. — Quisque panifex, duos denarios,

» Mensas nummulariorum et macellariorum et omnium emencium atque vendencium retinuit sibi; et latrones, et falsam monetam portantes, et adulteros, et homicidas.

» Et de uno quoque caballo, quatuor denarios. — Et de asino, unuin denarium. — De bove vel vaccà, unum denarium. — De porco, precii de duodecim denariis vel ampliùs, obolum. — De sex ovibus , obolum. — De sex coucionibus, obolum. — De unaquaque somma ferri, unum denarium. — De unoquoque trossello dissoluto, quatuor denarios. — De unoquoque caballo qui erit ad carettam, quatuor denarios. — De unoquoque mercerio, semel in anno, quatuor denarios. — De unoquoque cervisiario, quatuor denarios. — Quisque fardellarius qui forum frequentaverit, quatuor denarios.

» De unâ quarretâ vini quod erit ad tabernam, medium sextarium vini. — De somma vini, obolum.

» Quisque suctor extraneus, sex denarios, — Panifices extrauei, quatuor denarios. — Quisque faber, quatuor denarios. — Macellarius extraneus, sex dena16

dena16


242 CHARTES DE FRANCHISE DE SAINT-AMAND

rios. — Pellifices extranei, quatuor denarios.— Qui lesdam furto surripuerit dabit tres solidos et le chatal.

» Qui alium pugno percussent, si clamor ante dominum venerit, dabit tres solidos, et percussus suum rectum. Qui sanguinem extraxerit, septem solidos et dimidium ; si os exierit, quindecim solidos.

» Si clamor priùs ante burgenses quam ante dominum venerit et pacificare per eos poterit, nihil habet ibi dominus.

» Qui gladium ad litem iratus portaverit, quindecim solidos.

» Burgenses libere ville non dabunt peages in totâ terra suâ, si li peages fuerit domini. Quisquid ibi vendiderint non dabunt lesdam nisi sale.

» Non hospitabitur ibi. Non habebit ibi reciedensam. Neque cogerit burgenses quod eant in suo exercitu, nisi sponte suâ. Neque faciet illis vim plusquam alter peregrinus.

» Si pignus ab aliquo extraneo burgensis habuerit, tenebit illud quindecim diebus ; ultrà, nisi redimatur, vendiderit burgensis pignus, et retinebit suum capitale, et reliquum reddet debitori.

» Si quis extraneus, sive miles, sive rusticus, illis pecuniam debuerit et reddere noluerit, vel rectum facere, si iuvenerit infrà villam, pignorabit eum, sive velit, sive nolit.

» Miles vel cliens non habet ibi stare, nec esse pretor.

» Census ville et terrarum quas homines ville colent, reddentur in ipsà villa cum aliis consuetudinibus.

» AEdificavit dominus Ebo de Karentonio villam francham Sancti-Amandi ; qui autem ad villam cum pecunià suâ venerit, libéré veniat, et redeat si voluerit.

» Omnibus autem qui post eum venerit, qui dominus


CHARTES DE FRANCHISE DE SAINT-AMAND 243

ville esse voluerit, hos conventus faciat cum hominibus ville ; quod si non fecerit, non habeat partem in villa.

" In omnibus nemoribus suis dedit eis lor chalfar et lor bastir, excepta la forest de Gros-Boc : eo pacto, quo burgenses Silviniacenses se deffendunt, deffendent se cum his consuetudinibus. Juravit dominus Ebo et Gaste-Gloere.

» Et lias omnes consuetudines juravit dominus Ebo et Guillelmus Gastegloyre; et dominus Humbertus, dominus de Castro Sancti-Amandi, confirmavit. Juraverunt dictus Hunbertus de Praellis predictus cum duobus aliis militibus suis.

» Datum anno Domini M°. CC°. Lm° sexto mense novembris. »

Item, cum dictus dominus Renulphus peteret à dictis burgensibus questam de triannio in triannium ad voluntatem suam, super dicta questâ fuit, inter dictum dominum Renulphum et dictos burgenses, amicabiliter compositum et concordatum quod dicti burgenses solvent et solvere tenebantur dicto domino Castri Sancti-Amandi, ex nunc et in perpetuum, racione illius queste de triannio in triannium, vigenti libras turonenses annuatim, tantùmmodo ad festum Omnium Sanctorum, annis singulis,

Et voluit idem dominus et concessit quod omnes convencionarii de baroniâ de Karentonio sint de aspectu, seu agart, et statu burgensie aliorum burgensium Castri Sancti-Amandi, et quod illi se possint gaudere de franchisiâ et costuma aliorum burgensium dicte franchisie, sicut continetur in privilegie Et promisit dictus dominus quod, à modo seu de cetero, non recipiet hominem nec feminam nisi tantùmmodo in burgensiâ, vel hominem tailliabilem sine fraude. Et


244 CHARTES DE FRANCHISE DE SAINT-AMAND

hoc erit in voluntate illius, qui voluerit esse burgensis, vel servus et poterit eligere hoc, vel choesir infra annum et, exinde anno dou choesir transacto, si non eligerit franchisiam infra annum, remanebit servus domino in perpetuum.

Item, cum dictus dominus peteret à dictis burgensibus questam racione sue milicie quam habebat super eos, ut dicebat, ordinatum et compositum inter dictum dominum et burgenses predictos, extiti in hunc modum, videlicet, quod ratione queste pro miliciâ, ipsi burgenses redderent u-nâ vice, seu semel, dicto domino, tempore suo, cum dominus ville erit novus miles, trigenta libras turonenses; nec remanebit ppt predictas vigenti libras turonenses, annui redditûs, quos debent dicti burgenses, ex suâ confirmacione ; et salvis dicto domino Castri Sancti-Amandi mina avene et octo denariis turonensibus, quam avenam et dictos octo denarios, annuatim ad festum sancti Michaëlis, solvere tenebitur domino predicto quilibet tenens focum et locum, masculus et femella, in baroniâ predictâ; salvâ dictis burgensibus paretâ (1)

(1) M. Chevalier de Saint-Amand fait de pareta l'équivalent de prandium, coena, de sorte que, d'après lui, les bourgeois se seraient fait réserve du droit à un repas, réserve vraiment incompréhensible.

Je crois qu'il s'agit là, au contraire, d'une réserve faite par le seigneur à rencontre des bourgeois, du droit de parée, c'est-à-dire d'un droit de suite, de sorte que les bourgeois ayant quitté la seigneurie auraient été néanmoins tenus de payer au seigneur la taxe de bourgeoisie.

La Thaumassière, dans ses Coutumes locales, chap. XIII, pag. 14, traite du droit de parée ; mais il ne s'en explique qu'au sujet des serfs. D'après lui, ce droit " n'est autre chose que la convention » mutuelle entre divers seigneurs, pour suivre leurs serfs en la » terre l'un de l'autre, sans qu'ils se puissent prétendre affranchis » pour s'être retirés de la terre de leur seigneur. »


CHARTES DE FRANCHISE DE SAINT-AMAND 245

prout antiquitùs ab ipsis et cum ipsis est hactenus observata.

Et sciendum est quod dicte vigenti libre, quas dicti burgenses debent dicto domino annuatim et dicte trigenta libre, cum casus evenerit, erunt pregaiate et assignate per quatuor juratos quos communitas eliget annuatim; et illi quatuor eligent supercommunitatem duos qui pregniabunt la gan (1) illis quatuor, et ad hoc faciendum dominus illos compellet ad requisicionem burgensium ; et communitas debet realiter tradere dicto domino, vel castellano suo, vel preposito, dictos juratos, per quindecim dies ante festum Omnium Sanctorum : et nisi hoc fecerint, dominus poterit eos compellere ad reddendum dictas vigenti libras ad terminum supradictum.

Et sciendum est quod dicti burgenses poterunt de omnibus bonis suis mobilibus et immobilibus, in morte et in vitâ, suam facere voluntatem, cuique voluerint dare, vendere, alienare et plenam facere voluntatem ; et se poterunt mariare liberè ipsosmet et liberos suosmasculos et femellas; et facere mansionem ubicunque voluerint; salvâ et retentâ dicto domino obligatione suâ de dictis vigenti libris redditualibus, et de trigenta, quum casus evenerit super eos et super omnibus bonis suis presentibus et futuris ; quia sic voluerunt dicti burgenses ; et confessus fuit dictus dominus se jurasse ad sancta Dei evangelia se servaturum omnia superiùs nominata.

Et voluit idem dominus quod, quicunque erit dominus Castri Sancti-Amandi teneatur semel jurare, presentibus burgensibus, se teneri, cum militibus, ad

(1) M. Chevalier traduit gan par recette. Dans le glossaire de Ducange, je trouve le mot gant avec cette signification : « droit qui » est dû au seigneur à chaque mutation ».


246 CHARTES DE FRANCHISE DE SAINT-AMAND

tenendum et servandum privilegia et costumas, unâ vice tempore suo. Et omnes alie lictere quas dominus et burgenses habent, nullius sint valoris, que tangunt dominum et burgenses super fide burgensie et super premissis ; salvâ domino jurisdictione suâ et salvis burgensibus privilegiis suis et contentis in eisdem in quantum jus dabit. Et ad observanciam premissorum, dominus predictus obligavit se et heredes suos et omnia bona sua, mobilia et immobilia, presentia cum futuris, jurisdictioni dicti sigilli supponendo.

Datum ad relacionem dicti jurati, cui credimus, sigillo predicto sigillatum, anno Dni M° CC° nonagesimo secundo die Veneris post Pascha.

In cujus visionis et rerum omnium et singularum supradictarum testimonium sigillum predicte castellanie Castri Sancti-Amandi presentibus licteris duximus apponendum, die Lune post festum Trinitatis Dni xiiija die mensis junii anno Dni millesimo ccc° octagesimo nono.

P. PELLERINI, presb.


ARRANGEMENT D'AVRIL 1431 247

ARRANGEMENT D'AVRIL 1431

ENTRE LE SIRE D'ALBRET ET LES BOURGEOIS DES VILLE

ET MARCHÉ DE SAINT-AMAND, AU SUJET DE LA

FORTIFICATION DE SAINT-AMAND (1).

A tous ceux qui ces présentes lettres verront, Pierre Péron, garde du scel de la chastellenie d'Orval, salut en Nostre Seigneur :

Savoir faisons que Jean Reigle, clerc juré et notaire dudit scel, usant de nostre pouvoir et autorité et de nous commis quant à ce :

Nous a relaté, testifié et témoigné luy avoir veu, tenu et leu de mot en mot, les articles accordés, appointements et obligations faits, dits, passez, donnez et accordez entre très noble et puissant seigneur Monsieur d'Albret, comte de Dreux et de Gauve, seigneur d'Orval, Bruyère-sur-Cher et Épineuil, et les bourgeois, manans et habitans de la ville et marchez de Saint-Amand, sains et entiers, non corrompus ne raturez, ne en aucune manière d'iceux vicieux, scellés en cire vermeille ès-armes de mondit sieur, à simple queue, desquels la teneur s'en suit :

C'est l'appointement qui a esté pris avec très hault et puissant seigneur Monsieur d'Albret, comte de Dreux et Gauve et son conseil, sur le fait de la fortification et édification de la ville du Marchez-Saint-Amand, avec ses bourgeois et habitants d'icelle.

Et premièrement a esté appointé :

(1) Archives du Cher, l, n. i., copie non signée. Une autre copie de cet acte se trouve à la Bibliothèque de Bourges parmi les manuscrits de M. Haigneré. Je crois que ce document n'a pas encore été publié.


248 ARRANGEMENT D'AVRIL 1431

Que mondit seigneur ou son conseil pourchassera devant le Roy d'avoir la maille sur le pain blanc vendu en détail ès-châtellenies d'Orval, Bruyère-surCher et Épineuil et ressort d'icelles et le profit qui en sera venu, au profit de la fortification de ladite ville jusqu'à dix ans ;

Item, durant lesdites dix années, d'avoir prendre et lever sur chacun chariot chargé passant par lesdites châtellenies et ressort d'icelles, 20 deniers tournois ; pour chacune charrette simple à deux roues, 10 deniers tournois ; pour bêtes chargées, 5 deniers tournois ; pour chacune bête à pied rond, 2 deniers tournois; pour celle à pied fendu, 1 denier tournois ; pour chacun pourceau, obolle; pour 400 de moutons, 2 sols 6 deniers tournois ;

Item, que tous les aides, fouages et octrois dorénavant au Roy notre Sire, à M. le duc de Bourbonnais, ou à M. le comte de Clermont, jusqu'à dix ans, seront auxdits bourgeois et habitants, hormis ce que mondit sieur prendra le tiers desdits fouages, octrois, auxdits seigneurs, durant le temps dessus dit ;

Item, a été appointé qu'au cas que lesdits habitants desdites châtellenies feraient et octroiraient aucun subside ou aide à mondit seigneur, pour quelque cause que ce soit, lesdits bourgeois et habitants de ladite ville et fauxbourgs en demeureraient quittes durant lesdites dix années ;

Item, a été dit et appointé que mondit sieur fera avoir auxdits bourgois et habitants, du Roy, le droit de huitième du vin vendu en détail en ladite ville et fauxbourgs, jusqu'à 40 ans, dont Mr a délaissé le droit qu'il a en ladite petite mesure de vin, qui s'étendra en ladite ville et fauxbourgs dorénavant, pour convertir en la fortification d'icelle ;


ARRANGEMENT D'AVRIL 1431 249

Item, mondit sieur leur donne la moitié du bois qui sera nécessaire en ladite édification, au regard de ses officiers présents, en ses biens aux moins dommageables, et fera fournir mondit sieur, par les habitants de sa terre qui ont boeuf, chacun un charoy en l'an, si lesdits habitants et subjets se y veulent consentir ;

Item, a été dit que lesdits bourgeois et habitants puissent prendre pierre de taille et autres menues pierres, là où bon leur semblera par toute la terre de mondit sieur ;

Item, a été dit que lesdits bourgeois et habitants seront et demeureront francs et exempts de faire port et arreguet, à toujours, mais sinon de guet de jour, après que ladite ville sera en défense ;

Item, demeureront les manoeuvres des habitants de ladite ville, fauxbourgs d'icelle et tous les profits qui en issiront dorénavant pour employer et convertir à la fortification d'icelle ville, depuis qu'ils commenceront et toujours continueront ;

Item, a été appointé que mondit sieur devra licence à un homme qui sera commis pour contraindre les rebelles à cause de l'édification de ladite ville et pareillement soit mis en mandement du Roy, lequel commis lesdits bourgeois éliront avec un procureur ou plusieurs, tant qu'il plaira à mondit sieur ;

Item, a été appointé que tous les profits et émoluments qui issiront des fossés qui seront faits à l'entour de ladite ville seront et demeureront auxdits bourgeois et habitants jusqu'à dix ans, à compter du jour que lesdits fossés seront accomplis ;

Item, a été appointé que mondit sieur fera bastir et édifier une halle de laquelle il prendra profit et jusqu'à ce que lesdites halles soient accomplies, lesdits


250 ARRANGEMENT D'AVRIL 1431

bourgeois et habitants prendront le profit des places ;

Item, a été appointé que, avant toute oeuvre, mondit sieur fera ôter le cimetière de là où il est, à ses dépens, et baillera terre ailleurs pour faire cimetière;

Item, a été appointé que lesdits bourgeois et habitans auront tous les profits et émoluments de ce que les places dudit cimetière seront par eux ou pourront être accensées, avec ce, de toutes autres places que mondit sieur a ou pourra avoir en la clôture de ladite ville, et aussi tout le profit et augmentation de toute la ferme que mondit sieur a en ladite ville, outre et pardessus le prix qu'elles sont ou seront accensées au jour qu'elle sera en défence, apellé en ladite accense le procureur et receveur de mondit sieur et par eux baillées ;

Item, a été appointé que tous les profits et émoluments de tous les hommes et femmes qui viendront demeurer en ladite ville demeureront ès-dits bourgeois dès le commencement de ladite édification et commencement desdites trois cents livres tournois;

Item, a été appointé que lesdits bourgeois auront la prévôté d'Orval et du Marché-Saint-Amand, le four bannier, avec les profits et émoluments dessus dits, hormis ce que lesdits bourgeois et habitants soient tenus de payer à mondit seigneur, chacun an, la somme de 300 livres tournois, monnaie courant èspaiements ;

Item, a été appointé que lesdits bourgeois ne seront tenus payer lesdites trois cents livres sinon au jour que ladite ville sera fortifiée et en défense et aussi ne prendront rien desdites fermes ;

Item, et seront remis les foires et marchés en ladite ville toutes fois et quantes que bon leur semblera et que licite sera ;


ARRANGEMENT D'AVRIL 1431 251

Item, sera appointé qu'il sera à l'élection de mondit seigneur, quand ladite ville sera fortifiée ou défensable, de prendre lesdites trois cents livres tournois sur lesdits bourgeois, par an, comme dit est dessus, ou prendre ou avoir les profits et émoluments de ladite prévôté, four bannier, places et autres choses dessus dites.

Lesquels appointements et choses dessus dites contenues en un chacun article cy-dessus escrit, nous, Charles d'Albret, comte de Dreux et de Gauve et seigneur d'Orval, Bruyère-sur-Cher et Epineuil, promettons, par notre foy, tenir, faire et accomplir par nous et les nostres et nosdits bourgeois et habitants de nostre ditte ville de Saint-Amand, tout et tout le contenu cy-dessus en un chacun article, sans rien corrompre ny diminuer, auxquels nosdits bourgeois et habitans avons donné pouvoir et puissance de prendre et avoir, ceuillir et recevoir et faire les choses dessus dites, en la forme et manière que dessus est dit et déclaré ès-dits articles et en oultre, avons donné science, pouvoir et autorité à nos dits bourgeois et habitans de faire taille sur eux, une ou plusieurs, pour convertir en ladite édification de ladite ville et non ailleurs et de faire le mur et fossez de ladite ville par où ils verront qu'il sera le plus profitable pour nous et lesdits bourgeois et habitants, nonobstant choses ou empêchements quelconques.

Mandons et commandons à tous nos officiers de nos dites terres et chastellenies d'Orval, Bruyère-sur-Cher et Épineuil, et à chacun d'eux que auxdits bourgeois et habitants obéissent et entendent diligemment et leur donnent conseil, confort et ayde, s'y mestre en ont et par requis en seront en faisant et accomplissant les choses dessusdites,


252 ARRANGEMENT D'AVRIL 1431

Donné en nostre chastel de Montrond, en témoin de ce, sous notre scel, le mardy après-midy, le 17me jour d'avril, l'an 1431, et estait écrit en soubscription par Mr; présents Messice Simon de Rochechouart et Mre Girault de Goultaire, chevalier, et estait signé au bas de chacun article, appointements et obligations : J. LETARD.

25 avril 1431, autre acte portant approbation des conventions ci-dessus, tant par le sire d'Albret que par « honorables hommes, Mes Estienne Prévost, » bachelier ès-loys, Pierre Péron, Jean Penin, Jean " Barbe ou autrement Moutin, Pierre Cadeau, Jean » Pourseval, Guervin d'Osme, Pierre Mayet, Guillaume » Martin, Pierre Pelerin, Pierre Martin, Thévenin » Boytière, Guillaume Fidé, Pierre Denis, Bertrand

» Dumonteil, Pierre Gaudinat et Pierre Cornu

» pour eux et les autres bourgeois habitants de ladite » ville et marchez de Saint-Amand, absents. »


AVEU ET DÉNOMBREMENT DE 1507 253

AVEU ET DÉNOMBREMENT

CONCERNANT LES SEIGNEURIES DU VIEUX-CHATEAU DE SAINT-AMAND ET DE CHANGY

(Du 20 avril 1507) (1).

A tous ceulx qui ces présentes lettres verront, Jehan Prévost, garde du scel de la chastellenie du chasteau de Saint-Amand, salut,

Savoir faisons que, pardevant Gilbert Portebedien, clerc juré et notaire de ladite chastellenie et dudit scel, usant de notre pouvoir et autorité et en lieu de nous commis quant ad ce personnellement estably honorable homme et saige maistre Hervier Prévost, licencié-ès-lois, au nom et comme procureur de noble et puissant seigneur Jaques de Castelnau, seigneur des terres et seigneuries du chastel de Saint-Amand et de Changy, souffisamment fondé de lettres de procuration dactées du huitième jour de juing l'an mil cinq cent et deux, signées J.Prévost et scellées du scel de la chancellerie d'Orval à double queue et cire verte, Desquelles est deument apparu audit juré, Lequel maistre Hervier Prévost, audit nom, de sa certaine science a congneu et confessé, congnoist et confesse tenir en foy et hommage de très haulte et puissante dame Madame Anne de France, duchesse de Bourbonnois et d'Auvergne, à cause de ses chastel et chastellenie d'Ynay-le-Chastel,

Lesdites terres et seigneuries de Saint-Amand et de Changy en toute justice haulte, moienne, basse, avecque les appartenances et appendances d'icelle en la forme et manière qui s'en suit :

(1) Archives du Cher, E, 177. — Document inédit.


254 AVEU ET DÉNOMBREMENT DE 1507

Et 1° ledit maistre Hervier Prévost audit nom confesse tenir de madicte dame, à cause de sesdits chastel et chastellenie d'Ynay, audit Saint-Amand, la prévosté dudit lieu qui puit valoir par communes années de ferme et adcence la somme de quinze livres tournois ou environ ;

Item, plus le greffe des bailliage et prévosté dudit lieu qui puit valoir par communes années la somme de quinze livres tournois ou environ ;

Item, les cens que ledit de Castelnau a droit de prendre sur plusieurs personnes tant audit chastel, Colombier, Drevant que ailleurs peuvent monter par chacun an la somme de six livres tournois ou environ ;

Item, plus les rentes que ledit de Castelnau a droit de prendre ès-lieux dessusdits se montent par communes années la somme de vingt-cinq livres tournois ou environ ;

Item, plusieurs hommes et femmes abonnés estant ès-lieux dessusdits se montent par chacun an la somme de cent sols tournois ou environ ;

Item, plusieurs hommes bourgeois que icelui de Castelnau a ès-dits lieux peuvent monter la somme de quinze livres tournois ou environ ;

Item, certain droit de taille qui s'appelle taille et au cas qu'il a droit de prendre une fois l'an sur aucuns des subjects dudit lieu de Saint-Amand puit monter, par chacun an, la somme de quinze sols tournois ou environ ;

Item, plusieurs hommes et femmes taillables à voulinté une fois l'an puit monter par an la somme de cent sols tournois ou environ ;

Item, plusieurs hommes guectables audit chastel se peuvent monter à valoir par chacun an la somme de quatre livres tournois ou environ ;


AVEU ET DÉNOMBREMENT DE 1507 255

Item, plus un sien molin, appelé le molin de la Cornière, qui puit valoir par communes années de ferme et adcense de huit à neuf sextiers de blé, seigle et froment, mesure dudit chastel de Saint-Amand ou environ ;

Item, ung autre molin, appelé le molin neuf, puit valoir par adcense par communes années quatre sextiers de blé par moitié froment et seigle ou environ, mesure dudit chastel de Saint-Amand ;

Item, le droit de terrage de certaines terres estant assises en ladite terre et seigneurie dudit SaintAmand peuvent valoir par adcense par chacun an un sextier et demy seigle, mesure dessusdite, ou environ ;

Item, les rentes de blé que icelluy de Castelnau a droit de prendre sur aucuns de ses hommes dudit Saint-Amand se peuvent monter dix boisseaux de blé, tant froment que seigle, ou environ ;

Item, un boys, appelé le boys de Culant, qui puit valoir par communes années en temps de paisson et autrement, par chacun an, la somme de 60 sols tournois ou environ ;

Item, ledit Prévost audit nom et comme procureur dessusdit, confesse tenir de ma dicte dame, à cause de sesdits chastel et chastellenie d'Ynay-le-chastel, la prévosté dudit lieu de Changy, qui puit valoir par ferme et adcence par chacun an la somme de huit livres tournois ou environ ;

Item, le greffe des bailliage et prévosté dudit lieu se monte et se adcence ès-communes années de six à sept livres tournois ou environ ;

Item, les rentes et cens dudit Changy peuvent monter par an la somme de quatre livres tournois ou environ ;


256 AVEU ET DÉNOMBREMENT DE 1507

Item, les hommes et femmes serfs taillables à voulinté montent par chacun an la somme de vingt-cinq sols tournois ou environ ;

Item, les hommes guectables dudit lieu vallent et se peuvent monter par communes années la somme de soixante-dix sols tournois ou environ ;

Item, les abonnés dudit lieu de Changy se montent par communes années la somme de dix sols tournois ou environ ;

Item, un dixme appelé le petit dixme de Meslon se adcence et peut valoir par chacun an de deux à trois sextiers de blé, par moitié seigle et avoine, mesure dudit Changy, ou environ ;

Item, le terrage appelé le Terrage des Murailles et pendans, appartenant audit de Castelnau, se peuvent monter communes années à ung sextier et demy de seigle, mesure dessusdite ;

Item, les terrages appelés les Censifs, desquels ledit de Castelnau ne prent que la moitié, peuvent valoir par adcence et an de deux à trois sextiers de blé par moitié seigle et avoine ou environ, mesure dudit Changy;

Item, un pré appelé Badefon, qui puit valoir par adcence chacun an la somme de trente sols tournois ou environ ;

Item, deux autres préz dont l'un est assis audit Drevant et l'autre en la prairie de Virelay, qui peuvent valoir chacun la somme de vingt sols tournois ou environ ;

Item, ledit procureur audit nom confesse tenir en rièrres fiefs de madite dame, à cause desdites terres et seigneuries de Saint-Amand et Changy, les lieux nobles qui s'en suivent, c'est à savoir :

Le lieu noble de Vernay du Chêne que tient à pré-


AVEU ET DÉNOMBREMENT DE 1507 257

sent Antoine de La Chastre, escuyer, sieur dudit lieu;

Item, le lieu et maison noble de Columbier que tiennent de présent François et Jehan de Sainct-Amet, escuyers, seigneurs dudit lieu ;

Item, les lieux nobles de Meslon assis en ladite terre et seigneurie dudit Changy, que tiennent François et Jehan Barbarin, escuyers, seigneurs desdits lieux, avec le lieu chevance appelé Naudon ;

Et généralement toutes et chacunes les choses autres estant assises et situées ès-dites terres et justices desdits lieux de Saint-Amand, Changy et ailleurs ;

Et si aucune chose ledit maistre Hervier Prévost audit nom avait obmis aucune chose à mettre et rédiger en présent adveu, il supplie très humblement à madicte dame et aux gens de son conseil l'en faire advertir et il est prest d'en faire semblable confession et adveu, toutefois et quantes qu'il plaira à madicte dame, promectant icelui maistre Hervier audit nom que contre ces présentes lettres d'aveu et confession il ne voudra aller ne venir fera par lui ne paraistre en aucune manière ; ains les choses des susdites tiendra et accomplira sans corrumpre nullement, si comme ledit juré auquel nous croyons fermement et adjoustons pleine foi que les choses dessusdites nous a rapportées estre vraies, à la relation duquel et en tesmoing de ce, Nous, garde dessusdict, ledit scel de ladite chastellenie avons mis et apposé à cesdites présentes faites et passées en présence de prudents hommes Loys Boesseau et Loys de Montenay demourans à Saint-Amand, tesmoings à ce appelez par ledit juré, le vingtième jour d'avril l'an 1507 après Pasques.

Signé : PORTEBEDIEN.

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258 SEIGNEURS DU VIEUX-CHATEAU

SEIGNEURS DU VIEUX-CHATEAU-ST-AMAND

DEPUIS RENOUL IV DE CULANT (1292) JUSQU'A L'ACQUISITION DE LA SEIGNEURIE DU VIEUXCHATEAU PAR Mlle DE CHAROLAIS (1753)

GAUCELIN DE CULANT,

Fils de RENOUL,

Vivait encore, d'après La Thaumassière,en 1353 (1).

GUICHARD DE CULANT, Fils de GAUCELIN.

La Thaumassière mentionne un hommage rendu par lui au duc de Bourbonnais, en 1377, pour le châtel et la châtellenie de Saint-Amand (2).

Il meurt avant 1413 (3).

CHARLES DE CULANT et PHILIPPE DE CULANT,

Ce dernier maréchal de France,

L'un et l'autre petits-fils de Guichard de Culant, paraissent avoir été co-seigneurs du Château-SaintAmand-Lallier, de même qu'ils furent co-seigneurs de Culan (4).

Dans un titre du 14 février 1433, il est question de

(1) LA THAUMASSIÈRE, Hist. du Berry, tom. III, pag, 115.

(2) Ibid., pag. 116.

(3) Ibid.

(4) En ce qui concerne Culan, voir LA THAUMASSIÈRE, Coutumes locales, pag. 106.


SEIGNEURS DU VIEUX-CHATEAU 259

Charles de Culant, comme seigneur de la châtellenie du château de Saint-Amand (1).

La seigneurie du château de Saint-Amand-Lallier a dû être attribuée en définitive à Philippe de Culant, qui mourut avant 1454 (2).

La Thaumassière, dans son Histoire du Berry, consacre un chapitre à Charles de Culant (3) et une note à Philippe de Culant (4). Il n'indique pas que Charles de Culant ait été seigneur du château de Saint-Amand.

ANNE DE BEAUJEU,

Veuve de Philippe DE CULANT, Epouse en secondes noces de Pierre DE BEAUVOIR ou DE BEAUVEAU, mariée en troisièmes noces à Jehan

DE BEAUDRICOURT.

A joui comme usufruitière de la seigneurie du châtel de Saint-Amand-Lallier, dont Marie de Culant, sa fille, avait la nue-propriété (5).

D'après différents titres déposés aux Archives du Cher, elle posséda cette seigneurie tout au moins de 1454 à 1491 (6).

MARIE DE CULANT,

Fille de Philippe de CULANT et d'Anne DE BEAUJEU (7).

Epouse de Jacques DE CASTELNAU,

Il est question de Jacques de Culant comme seigneur

(1) Arch. du Cher, E, 205.

(2) Voir titre du 8 mars 1434, Arch. du Cher, E, 205.

(3) Tom. 111, pag. 119.

(4) Tom. III, pag. 118.

(5) Titre du 8 mars 1454 cité plus haut et pièces diverses, Arch. du Cher, E. 204.

(6) Arch. du Cher, E, 172, 204, 205, 213.

(7) Titre du 8 mars 1454, déjà cité.


260 SEIGNEURS DU VIEUX-CHATEAU

du château de Saint-Amand, dans deux titres de mai 1505 et avril 1507 (1).

FAMILLES d'APCHER, DE CULANT et DE CAUMONT.

Jacques DE CASTELNAU et Marie DE CULANT eurent entre autres enfants :

A. Marthe ou Marie de Castelnau qui épousa Jacques, seigneur d'Apchier ou d'Apcher, en Auvergne (2). Ceux-ci eurent une fille, Gabrielle d'Apcher, qui épousa Charles, baron de Culant et de Saint-Désiré (3).

B. Catherine de Castelnau, qui épousa Ernaud de Caumont, sieur de Lauzon (4).

La seigneurie du château Saint-Amand-Lallier resta dans l'indivision entre Jacques d'Apcher, puis Charles de Culant, à cause de leurs femmes, d'une part, et Ernaud de Caumont, à cause de sa femme, puis ses descendants, d'autre part, ainsi qu'on doit l'induire des énonciations des actes de foi et hommage faits par Gilbert de Bigny en 1547 et 1548.

FAMILLE DE BIGNY

La Thaumassière, dans son Histoire du Berry (5), donne la généalogie de la famille de Bigny; mais il indique à tort que Claude de Bigny, père de Gilbert, dont il va être question, aurait été seigneur du Château de Saint-Amand et de Changy.

(1) Arch. du Cher, E, 208 et 177.

(2) LA THAUMASSIÈRE, Hist du Berry, tom. Il, pag. 426, et tom. III, pag. 124.

(3) Ibid., tom. III, pag. 126.

(4) Ibid , tom. II, pag. 426,

(5) Tom. IV, pag. 55.


SEIGNEURS DU VIEUX-CHATEAU 261

GILBERT DE BIGNY, Écuyer.

Le 23 janvier 1547, il fait hommage au Roi pour les terres et seigneuries du château de Saint-AmandLallier et Changy, « dont moitié lui appartient par indivis » comme acquéreur de François de Caumont, chevalier, » seigneur et baron Lauzon » (4).

Le 9 mars 1548, il fait hommage au Roi pour l'autre moitié desdites terres « lui appartenant, par acquisition qu'il en a faite de Charles de Culant » (2).

En juin 1550, il obtient du Roi des lettres patentes portant création de foires et d'un marché au VieuxChâteau (3).

PHILIPPE DE BIGNY, Chevalier,

Fils du précédent.

Il est seigneur du Vieux-Château de Saint-Amand en 1578 et 1584, ainsi que le constatent des terriers de l'époque (4).

JEAN DE BIGNY,

Fils de Gilbert (et non fils de Philippe, comme l'indique La Thaumassière).

En janvier 1614, il obtient du Roi des lettres patentes pour la création de foires au Vieux-Château (5).

LOUIS-ARMAND DE BIGNY,

Fils du précédent,

Rend hommage au Roi, le 10 janvier 1670, pour la seigneurie du Vieux-Château-Saint-Amand (6).

(1)Arch. du Cher, E, 177.

(2) Ibid.

(3) Arch. du Cher, E, 203.

(4) Arch. du Cher, E, 181 et 178. (3) Arch. du Cher, E, 203.

(6) Arch. du Cher, E, 177.


262 SEIGNEURS DU VIEUX-CHATEAU

LOUISE-FRANÇOISE DE BIGNY,

Fille de Louis-Armand DE BIGNY, Epouse de Joseph-Gaspard DE MONTMORIN, marquis DE SAINT-HÉREM.

JOSEPH-GASPARD DE MONTMORIN.

Après la mort de sa femme, il jouit de la seigneurie du Vieux-Château-Saint-Amand comme tuteur de ses enfants mineurs. Je constate cette situation en 1705 (1).

FRANÇOIS-GASPARD DE MONTMORIN,

Fils du précédent et de Louise-Françoise DE BIGNY.

Rend hommage au Roi, les 2 mars 1715 et 27 juillet 1717, pour la seigneurie du Vieil-Château et dépendances (2).

JÉROSME PHÉLIPPEAUX, Comte DE PONTCHARTRAIN.

Achète de François-Gaspard de Montmorin la seigneurie du Vieux-Château de Saint-Amand, et le 24 novembre 1719 rend hommage au Roi pour cette seigneurie (3).

JEAN PHILIPPE, Comte DE PONTCHARTRAIN (4).

Vend, le 16 août 1753, les seigneuries du VieuxChâteau et de Changy à Mlle de Charolais, qui possédait déjà Saint-Amand-Montrond (5).

(1) Arch. du Cher, E, 185.

(2) Arch. du Cher, E, 177.

(3) Ibid.

(4) Voir un terrier du Vieil-Château de 1732, Arch. du Cher, E, 186.

(5) Indication contenue dans un aveu et dénombrement du 25 septembre 1753, Arch. du Cher, E, 177.


SEIGNEURS DE SAINT-AMAND 263

SEIGNEURS DE SAINT-AMAND

(MARCHÉ — GRAND MARCHÉ — VILLE DE SAINT-AMAND)

D'après La Thaumassière, Henry II de Sully, lors du partage de la baronie de Charenton, en 1250 ou 1251, eut, pour sa part, les terres d'Orval, de Bruères et d'Epineuil (1).

Henry II de Sully mourut en 1269 (2).

Il eut pour successeur Henry III de Sully, qui mourut en 1285 (3).

C'est seulement à partir d'Henry IV de Sully, fils et successeur d'Henry III, que le territoire de SaintAmand paraît être entré dans les possessions de la maison de Sully (4).

HENRY IV DE SULLY (5), Mort en 1335 (6).

JEAN DE SULLY (7),

Fils d'Henry IV DE SULLY, 1335 — mort avant 1340.

(1) Hist, du Berry, tom. III, pag. 134 et 142. (2; Ibid., tom. II, pag. 308.

(3) Ibid., tom. II, pag. 310.

Pour l'histoire des seigneurs de Saint-Amand, à partir d'Henry III de Sully jusqu'en 1588, on peut consulter, dans le tom. VII des Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre, la notice historique sur Châteaumeillant, par M. Chénon, Châteaumeillant et les terres d'Orval, Bruères et Epineuil ayant été possédées par les mêmes seigneurs depuis Henry III de Sully jusqu'à Louis de Gonzague.

(4) Aveu de 1321, déjà mentionné, Arch. du Cher, E, 203.

(5) LA THAUMASSIÈRE, Eist. du Berry, tom. II, pag. 311.

(6) CHÉNON, ouv. cité, pag. 87.

(7) LA THAUMASSIÈRE, ouv. cité, tom. II, pag. 313.


264 SEIGNEURS DE SAINT-AMAND

MARGUERITE DE BOURBON,

Veuve de Jean DE SULLY (4).

Elle était certainement, comme ayant la garde de ses enfants mineurs, dame de Saint-Amand entre 1340 et 1357 (2).

Louis DE SULLY (3),

Fils de Jean DE SULLY et de Marguerite DE BOURBON, Mort en 1382 (4).

MARIE DE SULLY (5),

Fille de Louis DE SULLY,

Epouse de Guy DE LA TRÉMOUILLE (6), puis du connétable D'ALBRET (7).

Son second mari, le connétable D'ALBRET, meurt en 1445.

GUILLAUME D'ALBRET,

Second fils du connétable d'ALBRET et de Marie DE SULLY. 1415 - 1429 (8).

(1) LA THAUMASSIÈHE, Eist. du Berry, tom. II, pag. 314.

(2) Aveux de 1340,1343, 1357, Arch. du Cher, E, 173 et 203.

(3) LA THAUMASSIÈRE, ouv. cité, tom. II, pag. 314.

(4) CHÉNON, ouv. cité, pag. 89.

(5) LA THAUMASSIÈRE, OUV. cité, tom, II, pag. 318, et CHÉNON, OUV, cité, pag. 90.

(6) Actes de foi et hommage ou aveux faits à Guy de la Trémouille à cause de sa femme en 1380, 1384, 1385, 1386, 1395, Arch. du Cher, E, 172 et 176.

(7) Le second mariage de Marie de Sully a eu lieu entre 1400 et 1402.

Acte de foi et hommage à M. d'Albret du 29 juin 1414, Arch. du Cher, E, 172.

(8) Voir divers aveux et dénombrements de 1423, Arch. du Cher, E, 172.

M. Haigneré, dans ses notes, indique que Charles d'Albret,


SEIGNEURS DE SAINT-AMAND 265

CHARLES II D'ALBRET (1)

Fils de Marie DE SULLY et de Charles connétable D'ALBRET, — frère aîné de Guillaume D'ALBRET.

Succède à ce dernier en 1429.

Il donne à l'un de ses fils, Armand-Amanieu d'Albret, les terres d'Orval, Bruères, Epineuil, en 1455 d'après certains, en 1460 d'après d'autres (2).

ARMAND-ARMANIEU D'ALBRET 1455. — Mort avant 1478.

YSABEAU DE LA TOUR,

Veuve d'Armand-Amanieu D'ALBRET,

Dame de Saint-Amand, comme tutrice de son fils Jean D'ALBRET (3).

Elle meurt au château de Montrond le 8 septembre 1488 (4).

JEAN D'ALBRET (5)

Fils d'Armand-Amanieu d'ALBRET et d'Ysabeau DE LA TOUR, Mort en 1524.

deuxième du nom, frère de Guillaume, aurait été, avec ce dernier, co-seigneur de Saint-Amand jusqu'en 1421,

(1) Voir aux Archives du Cher différents titres concernant Charles d'Albret, E, 172 et 203. C'est avec lui que les bourgeois de SaintAmand firent l'arrangement de 1431.

(2) M. Chevalier de Saint-Amand indique qu'Armand Amanieu d'Albret n'aurait recueilli les terres d'Orval, Bruères et Epineuil qu'en 1471, par suite du décès de son père.

(3) Voir rôles de tailles de 1478 et 1479, Arch. du Cher, E, 171 et 178.

(4) COQUILLE, Hist. du Nivernais, pag. 297.

(5) Voir aux Archives du Cher différents actes où il est question de Jean d'Albret, E, 172, 173, 177.


266 SEIGNEURS DE SAINT-AMAND

CHARLOTTE D'ALBRET, Femme d'Odet DE FOIX, vicomte DE LAUTREC,

Et MARIE D'ALBRET, Femme de Charles DE CLÈVES, comte DE NEVERS,

Toutes les deux filles de Jean D'ALBRET. Saint-Amand reste dans l'indivision entre elles jusqu'au 1er juillet 1525 (4).

CHARLOTTE D'ALBRET, femme d'Odet DE FOIX. 1er juillet 1525-1527.

ODET DE FOIX, vicomte DE LAUTREC, Pendant la minorité de ses enfants.

CLAUDE DE FOIX (2),

Fille d'Odet DE FOIX et de Charlotte D'ALBRET, Épouse en premières noces de GUY, comte DE LAVAL (3) et en secondes noces de Charles DE LUXEMBOURG, Morte en 1553.

FRANÇOIS DE CLÈVES, DUC DE NEVERS (4),

Fils de Marie D'ALBRET et de Charles DE ClÈVES. 1553-1562.

(1) Le partage intervenu entre les deux soeurs à cette date est transcrit dans l'ouvrage de M. Chénon, pag. 224.

(2) M. Haigneré indique dans ses notes qu'Henri de Foix, frère de Claude de Foix, aurait été seigneur de Saint-Amand, J'ai constaté que Claude de Foix était dame de Saint-Amand du vivant de son frère.

(3) Voir aux Archives du Cher différents actes où il est question de Claude de Foix et de Guy de Laval. E, 174, 177.

(4) Le comté de Nevers avait été érigé en duché.


SEIGNEURS DE SAINT-AMAND 267

JACQUES DE CLÈVES, DUC DE NEVERS (1),

Fils du précédent. 1562-1564.

HENRIETTE DE CLÈVES, DUCHESSE DE NEVERS,

Fille de François DE CLÈVES et soeur de Jacques DE CLÈVES,

Épouse de Louis DE GONZAGUES, prince DE MANTOUE. 1564-1601.

CHARLES DE GONZAGUE DE CLÈVES, DUC DE NEVERS,

Fils du précédent. 1601-1606.

MAXIMILIEN DE BÉTHUNE, DUC DE SULLY. 1606-1621.

HENRI II DE BOURBON, PRINCE DE CONDÉ. 1621-1646.

PRINCESSE DOUAIRIÈRE DE CONDÉ. 1646-1650.

Louis DE BOURBON (DIT LE GRAND CONDÉ),

Fils d'Henri DE CONDE. 1650-1686.

HENRI-JULES DE BOURBON-CONDÉ,

Fils du précédent. 1686-1709.

(1) Jacques de Clèves devint duc de Nevers par la mort de son frère.


268 SEIGNEURS DE SAINT-AMAND

Louis III DE BOURBON-CONDÉ (1),

1709-1710.

Après être restées dans l'indivision entre les enfants de ce dernier, les seigneuries d'Orval, Bruères, Epineuil avec Saint-Amand, sont attribuées à

HENRIETTE-LOUISE DE BOURBON-CONDÉ, Dite Mademoiselle DE VERMANDOIS,

Abbesse de Beaumont-les-Tours,

Fille de Louis III DE BOURBON-CONDÉ.

Elle était encore dame de Saint-Amand en 1729 (2).

LOUISE-ANNE DE BOURBON, Dite Mademoiselle DE CHAROLAIS,

Soeur de Mademoiselle DE VERMANDOIS, qui lui aurait vendu les terres d'Orval, Bruères, Epineuil et SaintAmand (3).

Morte en 1758.

LOUIS-FRANÇOIS-JOSEPH DE BOURBON-CONTI, Comte DE LA MARCHE,

Légataire universel de Mademoiselle de Charolais. 1758-1766.

(1) Renseignements extraits des notes de M. Haigneré.

(2) Provisions données aux officiers de la justice de Saint-Amand le 21 avril 1729, Arch. du Cher, B, 4261.

(3) Notes de M. Haigneré, qui paraît avoir puisé le renseignement en question dans un mémoire sur Saint-Amand écrit par M. Bonnet de Sarzay, avant-dernier bailli de Saint-Amand, mémoire que je n'ai pu retrouver.


SEIGNEURS DE SAINT-AMAND 269

ARMAND-JOSEPH DE BÉTHUNE, DUC DE CHAROST. 1766-1778.

FRANÇOIS-MARIE, Comte DE FOUGIÈRES.

1778-1787.

La Comtesse DE FOUGIÈRES,

Veuve du précédent,

1787-1789.

Le 16 décembre 1807, Louis-Joseph de Fougières, fils du dernier seigneur de Saint-Amand, vendit à Antoine Regnault les restes du château de Montrond et les dépendances de ce château (4).

(1) Notes de M. Haigneré,


270 OFFICIERS MUNICIPAUX DE SAINT-AMAND

OFFICIERS MUNICIPAUX

DE SAINT-AMAND

Je donne dans cette note les noms des officiers municipaux de Saint-Amand, du moins les noms de ceux dont j'ai trouvé l'indication notamment dans le fonds du bailliage et dans les délibérations de la communauté.

23 avril 1605 Procureurs syndics : Claude Bazin et Hugues Rousset.

25 nov. 1605 Procureurs syndics : Claude de Foullenay et Loys Mestenier.

18 août 1612 Procureurs syndics : François Cornabé et Just Berthomier.

18 nov. 1621 Maire : Bonnet ou Brunet, officier de l'Élection.

— Procureur syndic : Claude Larcevesque.

— Avocat de la ville : Pierre Labbe. 1686 Maire : Marie-Philbert Guillot.

— Echevin : François Massay.

1690 Maire : Claude Chopin, sr du Petit-Sauzais.

— Echevin : Guy Thévenin, sr du But. 1697 Echevin : Nicolas Bonnet.

1698 Echevin : Gilbert-François Piaud de Villers,

président au Grenier à sel. 1700 Echevin : Daniel Duchet. 1703-1706 Echevin : Pallienne de Lapras.

1706 Syndic du Vieux-Château : Marchand.

1743 Echevin : Jean Libault, docteur-médecin et

officier de l'Élection.

1714 Echevin : Claude Lheureux, maître des

Eaux et Forêts.


OFFICIERS MUNICIPAUX DE SAINT-AMAND 271

1716 Syndic : De Foullenay.

1717 Maire : Marie Fouquet de la Preugne.

— Echevin : Josset le Jeune. 1724-1725 Maire : Béguin de Beigneux.

— Echevin : Fouquet du Treuil. 1726 Maire : Regnault de la Motte.

— Echevin : Bignon.

1728 Maire : Pierre Geoffrenet, officier de l'Élection.

— Echevin : Antoine Rollet.

1730 Maire : Jean Pallienne de Lapras.

— Echevin : François Jouvet.

1732 Maire : Gilbert Geoffrenet des Beauxplains.

— Echevin : Louis Lheureux. 1738 Maire : Charles Ragot.

— Echevin : Louis Rollet.

1740 Maire : De Foullenay, procureur.

— Echevin : Antoine Collas.

NOTA. — Ce dernier avait été nommé le 10 janvier 1740 à la suite de la démission de Pierre-François Guillemenot, médecin. Guillemenot motivait sa démission parce qu'il n'était pas convenable que lui, maître ès-arts, licencié et docteur, par conséquent gradué avec dis Onction, n'eut été nommé qu'échevin, alors que de Foullenay, procureur et non gradué, avait été nommé maire. — Arch. du Cher, B, 4172.

1746 Maire : Pierre Bignon. 1747-1750 Maire : Bord des Moreaux, conseiller du Roi, grenetier.

— Echevin : Regnault, bourgeois, remplacé

par suite de démission par Roger Charrier, bourgeois. 1752 Maire : Barthélemy Rollet, docteur en médecine.


272 OFFICIERS MUNICIPAUX DE SAINT-AMAND

1752 Echevin : Jean-Pierre Picquet, notaire royal.

1754 Echevin : François Dubois.

— Echevin : Pierre-Bonaventure Duchet.

1755 Maire : Jean-Pierre Regnault de Champdeuil,

Champdeuil, du Bailliage.

1756 Echevin : Jean-Baptiste Vallet, greffier au

Grenier à sel. 1758 Maire : Soumard de la Cour.

— Echevin : Nicolas Dauvil, bourgeois. 1759-1761 Maire : Louis-Antoine Fouquet, procureur

du Roi au Grenier à sel. 1761 Echevin : Charles-Dominique Berchon, notaire royal.

1762 Echevin : Pierre David, bourgeois.

1763 Maire : Pierre Geoffrenet, sieur des Beauxplains,

Beauxplains, en parlement.

1764 Maire : Geoffrenet de Rodais.

— Echevin : Guy-Désiré Meillet.

1765 Maire : Lerasle. 1766-1768 Maire : Rollet.

— 1er échevin : Charles Josset des Bruères.

— 2e échevin : Louis-Pierre Bonnet de Sarzay,

avocat en parlement. 1768 Echevins : Regnault et Piaud de Villers. 1769-1771 Maire : Piaud de Villers. 1770 Echevin : Lerasle.

Officiers municipaux nommés par le duc de Chârost.

1772 Maire : Josset de Vougon.

Lieutenant de Maire : Lerasle.

Echevins : Villatte du Peu, de l'Election


OFFICIERS MUNICIPAUX DE SAINT-AMAND 273

(remplacé plus tard par Thibault) ; Regnault de Fleuret.

Conseillers assesseurs : Thibault des Alliers, du Grenier à sel (remplacé plus tard par Piaud de Villers) ; Vallet fils.

Procureur du Roi : Robin, de l'Élection.

Secrétaire-greffier : Dubois, notaire.

Officiers municipaux nommés ou maintenus par le comte de Fougières :

1780 Maire : Josset de Vougon.

Lieutenant de Maire : Nicolas-Jean-Baptiste Bonnet l'aîné.

1er échevin : Charles Gometaud.

2e échevin : Jean-Alexis Denise de Vitry.

1er assesseur : Basile Duchet.

2e assesseur : François-Barthélémy Rollet.

Procureur du Roi : Pierre Chevalier, avocat.

Secrétaire-greffier : François Chassaigne. 1781-1782 Maire : Nicolas-Jean-Baptiste Bonnet, ancien secrétaire d'ambassade, président au Grenier à sel.

Lieutenant de Maire : Pierre-André Geoffrenet du Suchet.

1er échevin : Charles Gometaud, conseiller du Roi, contrôleur au Grenier à sel.

2e échevin : Pierre-Basile Duchet.

1er assesseur : François-Barthélémy Rollet, remplacé par suite de démission par Louis-Joseph-Jérôme Piaud, avocat en parlement.

2e assesseur : Antoine Duret.

Procureur du Roi : Chevalier.

18


274 OFFICIERS MUNICIPAUX DE SAINT-AMAND

1785 Secrétaire-greffier : Charles-Bonaventure Tiphenat, notaire.

NOTA. — M. Bonnet ayant donné sa démission de Maire le 21 juin 1783 et d'autres emplois municipaux étant devenus vacants par suite de décès ou de retraite de plusieurs officiers, le comte de Fougières nomma le 1er mars 1786, comme Maire de Saint-Amand, M. Gometaud, précédemment 1er échevin, — et, comme lieutenant de Maire, M. Piaud de Villers, précédemment 1er assesseur; mais MM. Gometaud et Piaud de Villers ne firent valoir leurs provisions et ne prirent possession de leurs charges que les 16 et 20 février 1789, c'est-à-dire après les délibérations des 22 décembre 1788 et 8 janvier 1789, par lesquelles la communauté avait demandé l'autorisation de désigner elle-même les officiers municipaux,

Receveurs des deniers communs :

1726-1738 Jean David. 1738-1775 François Rollet.

1775-1779 Barthélémy-François Rollet, fils du précédent. 1779 Claude Mousse.


NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE 275

NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE

Il n'a jusqu'ici été publié aucune étude ayant spécialement pour objet d'exposer la situation de quelqu'une des villes de la Généralité de Bourges en 1789.

Je n'ai donc en vue, dans la présente notice, que les travaux relatifsaux faits anciens concernant St-Amand.

On ne saurait traiter de l'origine d'une localité de notre région sans recourir tout d'abord à La Thaumassière. Un chapitre de son Histoire du Berry est intitulé : « De la sirie d'Orval, ville de Saint-Amand et » château de Montrond ». (1) Les renseignements donnés par La Thaumassière sur Saint-Amand sont incomplets et en certains points inexacts. La Thaumassière ne connaît pas les chartes de 1256 et 1292.

J'ai dit que, dans son ouvrage sur les Anciennes et Nouvelles Coutumes locales, La Thaumassière avait relaté l'arrêt du 24 septembre 1616 (2).

Du grand érudit berrichon il faut passer à un bien modeste narrateur, Jean-Thomas Héraut, curé de St-Bonnetle-Désert, né à St-Amand en 1724, mort dans les premières années du XIXe siècle. M. Hérault a employé ses loisirs, pendant 37 années (1er mai 1761 au 1er octobre 1798), à rédiger un manuscrit de 52 pages qui contient une description de l'ancien château de Montrond et, à la suite de cette description, des observations et notes sur des sujets fort divers (3). Le manuscrit est déposé à la Bibliothèque publique de Bourges (4). Un courtextrait

(1) Tom. III, pag. 142,

(2) Pag. 152.

(3) Ces notes sont relatives aux origines de Saint-Amand — au pont du Cher — au duc de Chârost — à des faits de la Révolution — a des évènements locaux.

(4) Il se trouve dans les papiers de M. Haigneré.


276 NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE

de ce travail a été publié par M. Chevalier, à la suite de ses Recherches sur Saint-Amand. On trouvera de plus, dans le volume de la Société historique du Cher de 1868 (1), la description de l'ancien château de Montrond en entier et, partiellement, quelques-unes des notes qui l'accompagnent. On a joint à cette publication la reproduction d'un dessin de M. Hazé représentant les ruines de l'ancien château. —M. Hérault est nul au point de vue de la critique historique (2). Il est de plus si novice en l'art d'écrire, qu'on a dû, lors de l'impression, faire subir à son récit maintes coupures et corrections (3).

En l'an V (1797), M. Delacodre, ancien receveur de la régie à Bourges (4), offre à la municipalité de SaintAmand un manuscrit contenant des notes sur les antiquités de Montrond, d'Orval et de Drevant. Ce manuscrit, resté inédit, se trouve à la Bibliothèque publique de Bourges (5).

Plus tard, sous la Restauration, M. Branger, ancien colonel en retraite, qui habitait Vierzon, écrit un mémoire historique, resté aussi inédit, relatif au

(1) 1er volume de la 2e série.

La majeure partie des notes historiques qui se trouvent à la suite n'émane pas du curé Hérault.

(2) Ainsi, sans se préoccuper si Philippe de Valois aurait jamais été ou non, seigneur d'Orval ou de l'emplacement de Montrond, il énonce avec assurance, au début de son travail, que c'est par Philippe de Valois que les fondements du château de Montrond auraient été jetés en 1350. Ce prince aurait même mis 30 ans pour édifier la forteresse et aurait dépensé pour cette construction la somme de 40 millions, vraiment phénoménale pour l'époque.

(3) C'est par euphémisme que, dans une note d'éditeur qui se trouve page 285 du volume cité, on indique que l'on s'est borné à corriger le style de quelques phrases.

(4) M. Delacodre est mort à Orval en l'an VI.

(5) Papiers de M. Haigneré.


NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE 277

vallon de Saint-Amand (1). — Ouvrage sans valeur.

En 1836, M. Labouvrie publie « La relation de la » Monstre du Mystère des S. S. Actes des Apostres, » et la fait suivre d'une compilation qu'il intitule : « Re» cueil de faits divers sur la ville de Bourges et les dépar" tements de l'ancien Berry ». Dans cette dernière partie, il donne sur Saint-Amand quelques renseignements qu'il a extraits de La Thaumassière (2).

Les Recherches sur l'histoire de Saint-Amand entrent dans une phase nouvelle, par suite de la découverte qui paraît avoir été faite, en 1836 ou 1837, du vidimus de 1389 relatant les chartes de 1256 et 1292.

Le premier, dans le numéro de l'Annonciateur du Cher du 15 janvier 1837 (3), M. Robertet, avocat et maire de Saint-Amand, signale cet important document et non-seulement affirme l'ancienne division de Saint-Amand, mais encore émet cette opinion que la cité actuelle n'est que la réunion de deux villes bâties à des époques différentes (4).

Le vidimus de 1389 est reproduit (avec traduction) dans le numéro de l'Annonciateur du 22 janvier suivant.

Quelques jours après (29 janvier), le même journal

(1 ) Ce mémoire m'a été communiqué par M. Boyer, président de la Société historique du Cher.

(2) Pag. 264 et 265.

(3) Le numéro dont il s'agit et ceux dont il sera question ci-après, se trouvent à la Bibliothèque de Bourges, dans les papiers de M. Haigneré.

(4) « Saint-Amand, tel qu'il existe aujourd'hui, est la réunion de » deux villes bâties à des époques éloignées et que nos ancêtres dis» tinguaient par des appellations différentes. L'une, la plus ancienne, » se nommait Saint-Amand-le-Château, villa Castri-Sancti-Amandi. » C'est le Vieux-Château. L'autre, plus moderne, était connue sous » la désignation de Saint-Amand-le-Marché. C'est l'enceinte comprise " entre les murs de ville. Elles n'ont commencé à avoir une existence " commune que vers le milieu du XVIIe siècle et n'ont été véritable» ment confondues qu'en 1789. »


278 NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE

insère les observations d'un anonyme (4) au sujet des origines de Saint-Amand. L'auteur, d'après ce qu'il appelle l'histoire écrite et l'histoire traditionnelle, dénie l'existence d'une forteresse seigneuriale dans le quartier du Vieux-Château.

A cette époque et depuis 1829, résidait à SaintAmand M. Haigneré, receveur-entreposeur des contributions indirectes, fort curieux des choses du passé et qui apportait dans ses recherches sur l'histoire locale les habitudes de patiente investigation que lui avaient données ses fonctions administratives. J'ai lieu de croire que c'est à lui que revient l'honneur d'avoir mis au jour le vidimus de 1389 et j'ai reconnu que les renseignements notés par lui pouvaient en général être acceptés avec sécurité. M. Haigneré se proposait de publier sur Saint-Amand une étude qui aurait porté le titre de Recherches sur l'histoire de Montrond, du Vieux-Château et de Saint-Amand. Le prospectus relatif à celte publication fut même inséré dans le numéro de l'Annonciateur du Cher du 24 décembre 1837. Cette étude devait être divisée de la façon suivante : 1re partie : Montrond, — la Promenade, — les Seigneurs, — le Trésor (2). — 2me partie : Une Promenade au Vieux-Château-Saint-Amand. — 3me partie : Dictionnaire topographique, statistique, étymologique,

(1) Une indication manuscrite, mise au bas de l'article, attribue à M. Rousselet les observations dont il s'agit.

M. Rousselet, en 1830, a publié, sous le pseudonyme de Pierre Vermond, un ouvrage intitulé : « Chroniques populaires du Berry ».

(2) C'est-à-dire l'inventaire du mobilier de Montrond, inventaire dressé de 1621 à 1634.

Une copie manuscrite des documents composant cet inventaire est déposée à la Bibliothèque de Bourges. Ce manuscrit est relié et porte le titre suivant : " Splendeur de Montrond ». Cette copie me paraît avoir été prise sur des documents déposés aux Archives du Cher.


NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE 279

biographique et historique de Saint-Amand. — Mais M. Haigneré quitte Saint-Amand vers le milieu de l'année 1838 et ne donne pas suite à son idée de publication. — J'ajoute qu'il n'y a pas lieu de regretter beaucoup que son oeuvre soit restée manuscrite. Comme nombre de ses contemporains, M. Haigneré envisageait l'histoire surtout comme un recueil de dates et de généalogies, si bien que le titre du premier projet de son travail promet la série des seigneurs de Montrond « jusques et compris Louis-Philippe Ier, Roi des Français (4). » Il a eu le bon esprit, lors de la rédaction définitive, d'abandonner cette étiquette plus que bizarre, sans cependant modifier son point de vue et la partie principale de l'ouvrage constitue non pas une histoire de Saint-Amand, mais une liste des seigneurs de la ville, avec détails sur leur vie se rattachant à l'histoire générale. Les renseignements sur Saint-Amand sont rares, présentés incidemment et sans méthode (2). Quant au dictionnaire Saint-Amandais, il contient des indications susceptibles d'intéresser les personnes qui tiennent à être au courant des menus faits de l'histoire locale ; mais il est surchargé de détails insignifiants et de citations poétiques prudhommesques (3). Les manus(1)

manus(1) la période qui suit la Révolution, le titre en question visait les propriétaires de l'emplacement du château de Montrond.

(2) M. Haigneré reproduit un long mémoire sur le droit de bretolle, ce qui constitue une digression hors de toute proportion avec le cadre de son travail. Il donne, sans aucun commentaire, l'extrait d'un mémoire rédigé dans l'intérêt du duc de Chârost, pour l'affaire des avenages, sans indiquer quelle fut la solution de cette affaire.

(3) Voici un spécimen de cette poésie. Le morceau concerne un sous-préfet de Saint-Amand :

Quand pour représenter dans cet arrondissement Le premier magistrat de ce département


280 NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE

crits de M. Haigneré sont déposés à la Bibliothèque de Bourges (4).

Après M. Haigneré, M. Pierquin de Gembloux, inspecteur d'académie à Bourges, dans son Guide complet de l'antiquaire et du voyageur dans Bourges et le département du Cher, publié en 1840, consacre quelques pages à Saint-Amand-Montrond. Il reproduit la traduction du vidimus de 1389 et donne copie d'un factum relatif au droit de Bretolle (2).

Je trouve ensuite quelques mots sur le château de Montrond dans le Mémoire de M. de Bengy de Puyvallée sur le Berry et particulièrement sur quelques châteaux du département du Cher, mémoire rédigé en 1810 et imprimé pour la première fois dans l'Annuaire du Berry de 1843 (3).

L'étude de M. de Bengy de Puyvallée m'amène à signaler un travail de même nature qui se trouve à la Bibliothèque de Bourges. C'est un manuscrit intitulé : « Renseignements sur les châteaux, abbayes et monu» ments qui existent dans le département du Cher. » On l'attribue à M. de Barral, ancien préfet du Cher. Il contient un chapitre sur la sirie d'Orval et la ville

On fit un noble choix, B.... eut l'avantage. Les dons les plus heureux forment son apanage. Il est sage, éclairé, bon administrateur. Les nombreuses vertus qui siégent dans son coeur Sont, de notre bonheur, les causes fortunées. Puisse le Ciel veiller longtemps à ses années !

(1) Je connais, comme publications de M. Haigneré : 1° un ouvrage de 89 pages, d'un format minuscule, imprimé en 1835 à St-Amand, et intitulé : " Itinéraire étymologique de Saint-Amand à Bourges, par » un amateur d'antiquités » (Bibliothèque de Bourges, E, 1361) et 2° une Notice biographique sur le duc de Béthune-Chârost, de 7 pages in-8° (Bibliothèque de Bourges, E, 1478).

(2) Pag. 376 et suiv.

(3) Ce mémoire a été réimprimé depuis,


NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE 281

de Saint-Amand (1.) et un autre sur le château de Montrond (2).

Ces trois derniers travaux ne contiennent au sujet de Saint-Amand et du château de Montrond que des renseignements déjà consignés dans les ouvrages antérieurs.

J'arrive aux Recherches historiques sur Saint-AmandMontrond que M. Chevalier (de Saint-Amand), bibliothécaire de la ville de Bourges, fit publier d'abord dans l'Annuaire du Berry de 1845 et qui furent rééditées la même année en dehors de ce Recueil. Jusqu'à ces derniers temps, j'avais attribué à M. Chevalier l'honneur d'avoir commencé à faire la lumière sur les origines de Saint-Amand ; mais, après avoir pris connaissance des notes de M. Haigneré et des observations de M. Robertet sur le vidimus de 1389, j'ai reconnu que M. Chevalier avait tiré parti des travaux d'autrui sans indiquer les sources auxquelles il avait puisé (3). Sa principale découverte me paraît être celle du manuscrit de M. Hérault et c'est sans doute par amourpropre d'inventeur qu'il attribue une valeur historique aux appréciations légendaires du vieux curé. L'ouvrage de M. Chevalier sur Saint-Amand est loin d'avoir la valeur de ses notices biographiques. Il est rédigé d'une façon confuse et comporte bien des lacunes et des erreurs, même en ce qui concerne la suite des seigneurs de Saint-Amand qui est, avec l'origine de la ville, l'objet principal des Recherches sur Saint-Amand. L'auteur ne se réfère guère qu'à des documents

(1) Pag. 56.

(2) Pag. 57.

(3) M. Chevalier indique seulement (pag. 59) que le vidimus de 1389 a paru, pour la première fois, dans l' Annonciateur du Cher du 22 janvier 1837.


282 NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE

imprimés et ses investigations dans les Archives me paraissent s'être bornées au fonds de Noirlac. Mais M. Chevalier (ou son éditeur) a eu le bon esprit de reproduire, à la suite de Recherches sur Saint-Amand, diverses pièces intéressantes au point de vue de l'histoire de la Fronde en Berry (1), ainsi qu'une adresse des habitants de Saint-Amand à l'Assemblée nationale du 21 août 1789. Le vidimus de 1389, avec une traduction, et l'arrêt du 24 septembre 1616, déjà transcrit dans les Coutumes locales de La Thaumassière, se trouvent intercalés dans le corps de l'ouvrage.

En même temps que paraissaient les Recherches historiques sur Saint-Amand-Montrond, M. de Raynal publiait son Histoire du Berry et, comme l'oeuvre du savant Maître relate, parmi les faits importants concernant le passé de Saint-Amand, tous ceux qui se rattachent à l'histoire générale ou à celle de notre province, j'ai dû, dans le présent travail, me borner à l'étude de l'organisation intérieure de cette ville.

(1) Ces pièces sont :

1° Relation véritable contenant les articles accordés à Mme la princesse et à M. le duc d'Anguien, en conséquence de la paix de Bordeaux, publiée le 13 octobre 1650, — Réimpression ;

2° Relation de l'arrestation et de la captivité de M. Claude Biet au château de Montrond (2 octobre 1651 — 16 avril 1652), écrite par lui-même, — pièce jusqu'alors inédite;

3° Réduction du château et forteresse de Montrond. Paris 1652, — Réimpression ;

4° Les véritables nouvelles arrivées de Bourges, 1652, — Réimpression ;

5° Lettre de M. Biet de Maubranche, lieutenant général au bailliage du Berry et maire de Bourges, aux échevins de la même ville, du 27 août 1652, — jusqu'alors inédite.

FIN.


TABLE DES MATIÈRES

PAGES

Avertissement 3

I. Renseignements préliminaires.

Situation de Saint-Amand. — Sa population en 1789. — Origine de Saint-Amand. — Sa division en deux seigneuries : Le Vieux-Château et le Marché de Saint- Amand. — Mouvances distinctes. — Dénominations données successivement aux deux parties de la ville. — Le château de Montrond. — Indications concernant les seigneurs de Saint-Amand et les faits principaux de l'histoire de cette ville 4

II. Les Redevances seigneuriales 20

Les Redevances personnelles. — Taxes de bourgeoisie et de guet et corvées dues en 1789 par les bourgeois de Saint-Amand au seigneur de la ville. — Origine de ces droits seigneuriaux : Le droit de bourgeoisie constituait le rachat de l'ancienne servitude. — Débats judiciaires, depuis 1612 jusqu'à 1783, entre les bourgeois et le seigneur de Saint-Amand au sujet des

droits dont il s'agit 21

Les Redevances foncières. — Franc-alleu, fief, censive. — Division de la propriété à SaintAmand au temps de Sully. — Sully fait prévaloir la maxime « nulle terre sans seigneur ». 47 Le Monopole. — Le four banal. — La boucherie

seigneuriale 52

Des Droits de place, de la leude et du mesurage 56

Le Domaine immobilier du seigneur 58

La Bretolle 61

La Fondation des ducs de Nevers 64


284 TABLE DES MATIÈRES

PAGES

III. L'Autorité seigneuriale — Justice et Police— 67

Nomination des officiers de justice et de police 67 Le Bailliage et la Maîtrise des Eaux et Forêts

d'Orval-Saint-Amand 72

Administration de la justice en matière civile 77 Administration de la justice en matière criminelle 78

La Police 83

Dépenses occasionnées par le service judiciaire 87

Les Enfants abandonnés 90

IV. La Communauté et l'Organisation municipale 92

Historique 92

Composition des assemblées de communauté, des assemblées de collectes et du corps municipal. — Indications générales sur leurs

attributions104

Recettes et dépenses municipales 111

L'Instruction publique 116

La Milice bourgeoise 117

Une émeute à Saint-Amand 121

V. Les Fonctionnaires royaux 125

Le Subdélégué 126

Les Officiers de l'Election 127

Les Officiers du Grenier à sel 131

Multiplicité des fonctions publiques 132

VI. L'Impôt royal 134

Des principales espèces d'impôts directs 134

Des privilèges en matière d'impôts 135

De l'assiette et du recouvrement des impôts.—

Les Collecteurs 137

Quotité de l'impôt 143

La Gabelle 146


TABLE DES MATIÈRES 285

PAGES

VII. La Paroisse 148

VIII. Observations sur la condition des habitants

de Saint-Amand.

Nobles et roturiers. — Corporations d'arts et

métiers. — Division de la propriété 158

IX. Les Elections de 1789 à Saint-Amand 171

Cahiers dressés à Saint-Amand en 1789 189

N° 1. Cahier des vignerons 190

N° 2. Cahier des drapiers-cardeurs 191

N° 3. Cahier des selliers-bourreliers, bâtiers 193

N° 4. Cahier des maîtres tisserands 193

N° 5. Cahier des maîtres tanneurs 196

N° 6. Cahier des maîtres chamoiseurs 197

N° 7. Cahier des maîtres tailleurs 199

N° 8. Cahier des bouchers et charcutiers... 199

N° 9. Cahier des marchands épiciers 201

N° 10. Cahier des maîtres maçons, tailleurs

de pierre et plâtriers 205

N° 11. Cahier des serruriers et autres ouvriers travaillant le fer 206

N° 12. Cahier des charpentiers, scieurs de

long et charrons 208

N° 13. Doléances et remontrances. (Cahier dressé à Saint-Amand, mais ne portant pas l'indication du groupe d'électeurs par lequel il a été rédigé.) 211

N° 14. Cahier (Même observation) 215

N° 15. Cahier des notaires 219

N° 16. Cahier des procureurs 222

N° 17. Cahier du bailliage 223

N° 18. Projet de doléances pour le tiers-état

de la ville de Saint-Amand 226


286 TABLE DES MATIÈRES

PAGES

Documents et Notices sur Saint-Amand.

Vidimus de 1389 des chartes de 1256 et de

1292, relatives à la franchise de Saint-Amand 239 Arrangement d'avril 1431 entre le sire d'Albret et les bourgeois des ville et marché de Saint-Amand, au sujet de la fortification de

Saint-Amand 247

Aveu et dénombrement du 20 avril 1507 concernant les seigneuries du Vieux-ChâteauSaint-Amand

Vieux-ChâteauSaint-Amand de Changy 253

Seigneurs du Vieux-Château-Saint-Amand.. 258

Seigneurs de Saint-Amand 263

Officiers municipaux de Saint-Amand 270

Notice bibliographique 275


LES

VENDANGES

EH BERRY De la fin du XVe siècle à la Révolution française

PAR

H. DUCHAUSSOY



LES

VENDANGES EN BERRY

De la fin du XVe siècle à la Révolution française.

La date des vendanges à Bourges, Soye, BouySaint-Georges et Sainte-Solange, nous a permis d'établir que le climat du Berry n'a pas varié d'une façon appréciable depuis plus de deux cents ans (1).

Cette conclusion est confirmée par les documents nombreux que nous avons trouvés dans le fonds des Bailliages, aux Archives départementales du Cher.

Tout le monde sait que la bannie avait pour but " d'empêcher que les fruits ne fussent récoltés avant leur maturité, d'obvier au danger du pillage où serait exposé un propriétaire si son voisin était libre de récolter avant lui, et surtout de prévenir les fraudes dans le payement de la dîme, et de garantir le droit du décimateur en facilitant les opérations de ses collecteurs » (2).

Généralement, les habitants étaient assemblés devant le bailli, afin de nommer un certain nombre de vignerons chargés de visiter les vignes et d'apprécier

(1) Voir les Mémoires de la Société Historique du Cher, 4e série, tom. Il, pag. 237, et le Bulletin de la Commission centrale de Météorologie (année 1886,).

(2) Rapport de M. de Benoist sur les bans de vendange et de fauchaison, tom. II de l'Enquête agricole de 1862.

19


290 LES VENDANGES EN BERRY

la maturité du raisin. La date des vendanges était ensuite fixée pour les différents clos, suivant le rapport des délégués.

Ainsi, en 1722, on commence les vendanges à Vierzon le 28 septembre dans le clos des Franchises, et le 30 dans le clos des Buissons. Il en est de même à Mehun-sur-Yèvre, Massay, Graçay, Saint-Amand, Châteauneuf-sur-Cher, etc. De sorte que les arrêtés de bannie permettent de savoir la date précise de la maturité du raisin dans les différents vignobles. Les nombres ci-dessous se rapportent toujours au commencement de la vendange ; ils intéressent non-seulement les viticulteurs, mais aussi les météorologistes, puisque les époques de maturité varient non-seulement avec les conditions topographiques, mais aussi avec la température plus ou moins variable de la région.

On a remarqué aussi que les vignes jeunes mûrissent plus tard que les vieilles. L'influence des cépages n'est pas moins considérable. Les pinots de Bourgogne et le sauvignon du Sancerrois mûrissent plus tôt que le sirah et les gamais ; le côt est encore plus tardif, ainsi que la serine noire (4).

Il importe donc de fixer la nature des cépages, pour mieux faire connaître les conditions de végétation. Nous savons, d'après les « Eclaircissements donnés à Messieurs de la Société royale d'agriculture de Bourges », qu'en 1762, on cultivait à Coulon-les-Graçay « le petit genoilleret, le noir tendre, le corps, l'auvernat blanc, le chaumoreau, le bourdelas et le gouche » (2). Dans

(1) Classification des cépages, suivant l'ordre de maturité, dans l'Ampélographie universelle du Comte ODAET.

(2) Archives départementales du Cher,fonds de l'Intendance, C, 1318.


LES VENDANGES EN BERRY 291

les paroisses de Saint-Baudel, Villecelin, Condé, Montlouis, Ineuil, Chambon, Vallenay et Saint-Symphorien, les vignes étaient plantées, à la même époque, « avec le cépage ordinaire du Berry » ; celui-ci est connu sous les noms de cors, grand noir ou franc-moreau, dans les différentes localités du Cher : il se cultive dans le Bordelais sous le nom de pied-de-perdrix ou de côt à queue rouge.

Le genoilleret des environs de Graçay se nomme genouillet dans le département de l'Indre, où il forme le fonds des vignes d'Issoudun. L'auvernat blanc est peu cultivé aujourd'hui.

Les cépages préférés par nos pères ne se maintiennent plus partout. Ainsi, lors de l'enquête agricole de 1862, les principales variétés cultivées dans le Cher étaient les suivantes : « 1° EN NOIR, le pineau, le gamet, le lyonnais, le genouillet, le jacquot et le cors ou grand noir ; 2° EN BLANC, le muscadet, le sauvignon, le blanc fumet, le blanc meyier, le goire et le verdin. » (1)

Nous rappellerons ici que le sauvignon du Berry est le même que celui de la Nièvre, dont on connaît deux variétés : le vert et le jaune ; c'est celui-ci que nos vignerons appellent blanc fumet, dont le vin a un goût de pierre à fusil plus prononcé que celui du sauvignon vert.

Le lyonnais ou la lyonnaise du Berry est le petit gamais du Beaujolais, dont M. Massé possède cinq variétés qu'il a répandues généreusement dans notre pays depuis vingt ans. Ce savant viticulteur a aussi introduit dans le Cher plusieurs cépages excellents, et notamment les plants fins du Médoc : le petit cabernet, le merlot, le malbec, les plants de Sauterne,

(1) Tome de la VIIIe circonscription de l'Enquête agricole de 1862.


292 LES VENDANGES EN BERRY

sauvignons de Bordeaux, semillons et muscadets. Ceux-ci diffèrent complètement par le vin qu'ils donnent, leur port, le feuillage et les fruits, de l'ancien muscadet, originaire dos bords de la Loire, où il est cullivé depuis Saumur jusqu'à Nantes.

Le verdin du Cher est le verdet d'Indre-et-Loire, c'est-à-dire une variété des pineaux de la Loire, qui n'ont rien de commun avec les pipeaux de Bourgogne. Ceux-ci, qui ont pour type le franc-pineau ou noirien de la Côte-d'Or, sont peu recherchés dans le Cher, parce qu'ils donnent peu de fruits; cependant on les cultive plus volontiers dans le Sancerrois, qui doit à cette circonstance la supériorité de ses vins.

D'après une note qui nous a été communiquée par M. Valois, les hommes d'Hervé Ier, de Vierzon, détenèrent en 1183 un fief relevant du prieuré de Mennetousur-Cher. Le fief fut rendu aux religieuses, qui abandonnèrent en échange plusieurs biens, et notamment les Plantes de Pinaud (1). Ce nom de lieu, qui se retrouve encore aujourd'hui à Mennetou, est celui des meilleurs vignobles de la contrée. Faut-il en conclure, avec M. Valois, que le pineau de Bourgogne (2) a été importé en Berry dès le XIIe siècle ? N'est-ce pas plutôt le pineau de la Loire? Il nous semble bien difficile de déterminer aujourd'hui le cépage des vignes de Mennetou, qui a dû changer plusieurs fois depuis 700 ans.

Les gamais ou gamets, qui ont pour type le gros gamai ou «déloyal» du duc Philippe, se sont, répandus à cause des ceps qui donnent beaucoup de vin de qua(1)

qua(1) inédite, aux Archives d'Indre-et-Loire, Beaumont-lèsTours; liasse non classée. (Valois.)

(2) On trouve dans les auteurs les formes orthographiques suivantes : pinos, pinoz, pinot et pineau (Odart),


LES VENDANGES EN BERRY 293

lité inférieure. Par contre, le teinturier de la tribu des grolleaux a insensiblement disparu de nos vignobles.

Les cépages désignés sous les noms de gouche et de goire, cultivés exclusivement à Menetou-Salon, donnent un vin qui n'est bon qu'à faire du vinaigre (1).

Par ce qui précède, on voit que si quelques plants se sont maintenus en Berry depuis plusieurs siècles, nos vignobles sont en voie de transformation, sous l'heureuse impulsion de quelques viticulteurs distingués. Nos vins gagnent en qualité et ne font pas regretter celui avec lequel se grisaient volontiers les soldats romains (2).

D'après M. Marié-Davy, les premiers mouvements de la vigne n'auraient lieu que lorsque la température moyenne diurne atteint 12° d'une manière un peu durable (3). La vigne des environs de Paris exigerait 300 degrés du départ des bourres à la feuillaison, 450° de la sortie des feuilles à la floraison, et 1925° de celle-ci à la maturité du raisin, en négligeant dans ces sommes toutes les moyennes inférieures à 12 degrés. Pour apprécier la quantité de chaleur utilisée, M. Angot retranche 9° de toutes les températures moyennes et fait la somme des restes positifs. En opérant ainsi, il trouve 1250° pour les vignes du Centre, du commencement de la végétation à l'époque des vendanges (4).

(1 ) Nous empruntons la plupart des renseignements ci-dessus à une lettre de M. Massé sur les cépages du Cher (23 janvier 1887).

(2) Au temps de Pline et de Columelle, on recherchait en Italie une vigne du nom de Biturica.

(3) Annuaire de l'Observatoire de Montsouris (année 1886).

(4) Etude sur les vendanges, par ANGOT, dans les Annales du Bureau central météorologique de France (année 1883).


294 LES VENDANGES EN BERRY

Mais si les savants s'entendent peu sur la méthode de calcul, tous admettent que « pour une même région et une même variété, chaque végétal nécessite pour mûrir une certaine somme de chaleur qui lui est spécifique » (1).

Ce principe montre l'importance de toutes les observations concernant les phénomènes périodiques de la végétation. C'est pourquoi Duhamel notait déjà à Denainvillers, de 1741 à 1770, le temps de la fleur des pêchers, pruniers, poiriers et pommiers, et l'époque de la maturité du froment, du seigle, de l'avoine, des abricots, des cerises et des raisins (2). C'est pour la même raison que nous avons cru utile de fouiller, aux Archives du Cher, plusieurs centaines de liasses, dans le but de retrouver les arrêtés de bannies, et par suite l'époque précise de la maturité des raisins dans l'ancienne province du Berry.

Avant d'exposer les résultats de nos nouvelles recherches, nous rappellerons, d'après notre Etude climalologique du département du Cher, la date du commencement des vendanges aux environs de Bourges au XVII 9 siècle, en y joignant trois dates du XVIe siècle (3).

(1) Météorologie agricole, par F. CANU et Albert LARBALÉTRIER.

(2) Traité de Météorologie, de COTTE. (Imp. royale, 1774.)

(3) Archives de l'Hôtel-de-Ville de Bourges, série BB, 16 à 21.


LES VENDANGES EN BERRY

295

DÉBUT DES VENDANGES DÉBUT DES VENDANGES

ANNÉES à ANNÉES à

BOURGES BOURGES

1541 1er octobre. 1648 8 octobre.

1561 4 septembre. 1633 13 octobre.

1600 19 octobre. 1634 15 octobre.

1612 8 octobre. 1655 4 octobre.

1619 3 octobre (1). 1656 2 octobre.

1620 8 octobre. 1687 24 septembre.

1621 21 octobre (2). 1658 7 octobre.

1622 3 octobre. 1667 3 octobre.

1623 2 octobre. 1673 10 octobre.

1624 16 septembre. 1674 3 octobre.

1625 9 octobre (3). 1675 25 octobre.

1626 12 octobre. 1676 18 septembre.

1627 21 octobre. 1677 30 septembre.

1628 24 octobre. 1678 29 septembre.

1629 1er octobre. 1679 2 octobre. 1637 9 septembre. 1680 23 septembre. 1647 30 septembre. 1681 29 septembre.

Entre les dates extrêmes (4 septembre 1561-25 octobre 1675), il y a un écart total de 51 jours ; la moyenne des 34 dates correspond au 4 octobre.

(1) En 1619, on vendange les 3,4 et 5 octobre dans les vignobles des Basses et Hautes-Fortunes, de. Pontarnaut, des Bouloises, des Grand et Petit-Beauregard, des Pijaulins et de Touraille, communes de Bourges, Saint-Eloy-de-Gy, etc. On ne commence dans les autres clos que le lundi 7 octobre (BB, n° 16).

(2) On commence le 21 octobre par le quartier Saint-Privé ; dans les autres vignes, on vendange à partir du 25.

(3) Pour l'année 1625, la bannie de Bourges est le 9 octobre pour les vignes d'Auron et Saint-Privé ; le 13 pour les vignes de Bourbonnoux, le clos du Puy-Saint-Etienne et le quartier Saint-Sulpice.


296 LES VENDANGES EN BERRY

Nous avons cherché vainement dans les Registres des actes et délibérations de l'Hôtel-de-Ville de Bourges, des renseignements analogues à ceux qui précèdent pour le XVIII 8 siècle (1). Cela tient évidemment à un changement de juridiction. En effet, d'après une communication de M. Boyer, président de la Société historique du Cher, la bannie fut proclamée en 1699 par le lieutenant-général succédant au prévôt; celui-ci avait d'ailleurs été autorisé à s'adjoindre au corps de ville, à la suite d'une sentence du prince de Condé, portant la date du 3 août 1646 (2).

C'est donc aux Archives départementales, dans le fonds des Lieutenants généraux, qu'on pourra trouver la date des vendanges à Bourges au XVIIIe siècle.

En 1727, la bannie commença le 24 septembre à Auron, le 25 à Bourbonnoux, et le 29 à Saint-Sulpice et à Saint-Privé (3).

Les dates des premières entrées de vendanges sont quelquefois utiles à connaître. C'est ainsi qu'en 1761, la première entrée eut lieu le 11 septembre à la porte d'Auron, et le 28 à la porte Bourbonnoux (4). Par celle-ci, il est entré 166 voitures à un cheval, 183 à deux chevaux, 50 à trois et 359 hottées. Les droits perçus par le bureau de la porte d'Auron s'élevèrent à 249 livres 11 sous 6 deniers, ainsi répartis :

(1) Les registres BB, 31 et 32 renferment quelques notes sur les intempéries des saisons. On demande des prières à la Cathédrale, on expose les reliques de saint Ursin ou de sainte Solange et. l'on fait des processions pour avoir du beau temps en 1692,1693,1779 et 1789.

(2) La Vigne et les Vignerons dans les environs de Bourges sous l'ancien régime, notice lue par M. H. BOYER dans la séance du 5 février 1886 de la Société historique,

(3) Note de M. BOYER, archiviste en chef du département du Cher(4)

Cher(4) de l'Eôtel-de-Ville de Bourges, CC, 104 et 105.


LES VENDANGES EN BERRY 297

262 voitures à 1 cheval, à 3 sous, ci 39 livres 6 sons

424 voilures à 2 chevaux, à 4 sous 6 deniers, ci. 95 8

422 voitures à 3 chevaux, à 5 sous 3 deniers, ci. 110 15 6 deniers

2 voilures à 4 chevaux, à 6 sous, ci » 12 »

420 hottées à 2 deniers, ci 3 10 »

TOTAL 249 livres 11 sous 6 deniers

Exposons maintenant les renseignements que nous avons recueillis sur les vendanges dans le Cher et notamment dans les bailliages de Graçay, Massay et Vierzon, dans le marquisat de Châteauneuf-sur-Cher et dans les justices d'Hautrive et de Beigny.

Pour le taux de la journée des vignes et le règlement des heures de travail, pour la louée des vendangeurs, le prix du vin et les droits exorbitants perçus alors, nous signalons au lecteur les études si complètes que notre savant collègue, M. Boyer, prépare sur les corporations ouvrières de Bourges sous l'ancien régime, et dont nous avons pu consulter une partie dans le manuscrit (1).

La plupart des dates de vendanges indiquées ciaprès peuvent être divisées en quatre groupes :

I. Vierzon, Massay, Graçay, Genouilly, Mehun-surYèvre et divers ;

II. Châteauneuf-sur-Cher et La Celle-Condé ;

III. Saint-Amand et environs ;

IV. Crésancy et autres paroisses du Sancerrois.

Ier GROUPE. — Vierzon, Graçay et divers.

Le tableau suivant donne le commencement des vendanges dans quatre communes des cantons de Graçay et Vierzon.

(1) Voir aussi aux Archives de la ville, BB, 11, et HH, 2.


298 LES VENDANGES EN BERRY

VIERZON MASSAY GENOUILLY GRAÇAY

1694 20 S " »

1693 17 0 " » »

1696 » 8 0 » »

1702 27 S » » »

1703 8 0 » "

1704 22 S » » »

1707 27 S » » »

1708 1er 0 » » » 1711 22 S » » »

12 26 S 26 S »

13 16 0 9 0 » »

14 30 S 1er O » » 1715 30 S » » »

17 1er O 28 S » "

18 19 S » » »

19 12 S 11 S »

1720 26 S 30 S » »

21 7 0 » » »

22 28 S 30 S " »

23 20 S » " »

24 28 S » » » 1725 » 2S O » »

27 » » » 22 S

28 20 S » » » 34 » " » 20 S

1735 » » » 12 0

36 24 S » » 28 S

37 23 S » » » 39 28 S » » »

1740 20 0 » » »

41 23 S » » 25 S

42 11 0 » » 80

43 7 0 » » » 1745 14 0 » » 18 0

46 3 0 4 0 » »


LES VENDANGES EN BERRY

299

VIERZON MASSAY GENOUILLY GRAÇAY

1747 9 0 9 0 » 6 0

48 7 0 » » 4 0

49 29 S » » 27 S 1750 » » » 5 0

51 » » » 11 O

52 » » » 1er O

53 1er 0 28 S » »

54 » 9 0 " » 1755 29 S 1er O »

56 11 0 » »

57 10 0 » » 1760 » 27 S »

61 26 S » »

62 » 16 S » »

63 » 12 S » »

64 » 26 S « » 1765 » 1er O » »

66 » 14 0 » 13 0

67 » » " 19 0

68 7 0 " 10 0

69 » 6 0 » 9 0 1770 » 16 0 » 19 0

71 » » » 7 0

72 » » » 5 0

73 » 12 0 » 15 0

74 » 70 » 7 0 1775 » " » 30 S

76 » » 11 0 9 0

77 » 13 0 10 0 13 0

78 » 2 0 25 S 2 0

79 « 30 S 24 S 1er O 1780 » 21 S 25 S 22 S

81 " 14 S » 17 S

82 » 40 70 70

83 » 22 S 23 S 22 S


300

LES VENDANGES EN BERRY

VIERZON MASSAY GENOUILLY GRAÇAY

1784 » 24 S 27 S 27 S

1785 » » 3 0 30 S

86 » 29 S 2 0 29 S

87 » 11 0 15 0 8 0

88 » » 22 S 19 S 1789 » » 9 0 7 0 1797 » » 6 0

0,4 1,5 1,3 3,6

Hojenne» Octobre. Octobre. Octobre. Octobre.

Eu comparant les années communes, on constate que la vendange est en avance d'une journée à Massay et Vierzon, par rapport à Graçay et Genouilly.

La série de Graçay, qui comprend 38 années, dont 24 consécutives, est la plus intéressante à considérer. Ce bourg est en outre voisin de Vatan (Indre), dont M. Angot a publié les dates de vendanges, à partir de 1817, dans les Annales du Bureau central météorologique de France.

On remarquera que l'année 1719 a été précoce, tandis que 1725 a été une année tardive ; il y a pour Massay un écart total de 44 jours (1).

En 1740, la vendange commença très tard. D'après l'arrêté de bannie, il est permis aux habitants de Vierzon « et autres qui ont des vignes dans l'étendue de cette juridiction », de faire trier le 20 octobre dans les Franchises, et le 24 octobre dans les Buissons,

(1) Les températures maxima de 1719 et 1725 sont respectivement 36°,8 et 31°,8.


LES VENDANGES EN BERRY 301

« les fruits de vignes qui presseront le plus à estre ramassés, et à laisser le surplus jusqu'au jour de Toussaint et plus longtemps s'il y est nécessaire » (1). Celte année fut en effet très-froide. D'après Arago, la température la plus élevée de l'année, qui eut lieu le 23 juillet, n'a pas dépassé 28°,4. Par contre, le thermomètre est descendu à —12°,5 (Cotte). Les observations de Réaumur donnent pour 1740 les moyennes mensuelles suivantes, exprimées en degrés centigrades :

Janvier 3°,2

Février 4,2

Mars 3,7

Avril., 8,0

Mai 8,9

Juin 16,9

Juillet 18,2

Août 17,0

Septembre 16,8

Octobre 8,1

Novembre 1,9

Décembre 3,0

C'est pour l'année 1740 une température moyenne de 9°,1, plus petite que la normale.

Dans une partie du Berry, la vendange fut avancée en 1763, notamment dans les environs de Graçay et de Vierzon. En effet, on vendange à Massay, dès le 11 septembre dans les clos de Gy, le 12 et le 13 dans les vignes de Saint-Paxent, le 14 et le 15 dans les vignobles du côté de Larré. Mais nous savons, d'après les remontrances du procureur fiscal, que vu la rigueur de la saison, et les gelées blanches paraissant journellement, il n'était pas possible « de pouvoir différer la

(1) B. 2992. Bannie du 16 octobre 1740, du bailliage de Vierzon.


302 LES VENDANGES EN BERRY

recollection des fruits des vignes situées en l'étendue de cette terre et justice, sans s'exposer à perdre entièrement les fruits desdites vignes, bien qu'ils ne soient pas encore en maturité assez suffisante pour être recueillis. Ayant égard qu'au moyen desdites gelées, lesdits fruits périssent continuellement et qu'il n'y a pas d'ailleurs espérance qu'ils puissent meurir, puisque lesdites gelées les flétrissent et en consomment tout le jus », le bailli de Massay procède immédiatement à l'ouverture des vendanges, qui se font à Issoudun « pour les causes et considérations marquées ci-dessus » (1).

Ces gelées blanches ne furent pas générales, puisque la vendange n'a commencé à Châteauneuf-sur-Cher que du 10 au 18 octobre, suivant les clos. La température moyenne de l'année 1763 est égale à 10°,2, d'après les observations de Messier. Le 19 août, on aurait même observé à Paris une température de 39° (ARAGO).

Au groupe de Graçay et Vierzon, nous pouvons joindre quelques communes voisines, dont nous avons retrouvé plusieurs dates de vendanges. Nous indiquons ces dates à titre de curiosité.

I. JUSTICE DE MAISON-FORT (paroisse de Dampierre-enGraçay).

1753 27 septembre.

1754 10 octobre.

II. PAROISSE DE COULON-LÈS-GRAÇAY

1781 14 septembre.

1787 9 octobre.

(1) B, 3771. Bannie du 9 septembre 1763, du bailliage de Massay,


LES VENDANGES EN BERRY 303

1788 17 octobre.

1789 12 octobre.

III. GIROUX (clos des Cerneaux, fontaine aux Corbeaux).

1747 9 octobre.

1748 9 octobre. 1751 14 octobre. 1778 1er octobre. 1781 17 septembre. 1797 9 octobre.

IV. MÉRY-SUR-CHER

1743 30 septembre.

1756 13 octobre.

1757 4 octobre.

V. MEHUN-SUR-YÈVRE

1781 20 septembre.

1782 7 octobre.

1783 22 septembre.

1785 26 septembre.

1786 2 octobre.

1787 8 octobre.

Ces dates, peu nombreuses il est vrai, concordent bien avec celles de Graçay, Massay, Vierzon et Genouilly. Nous n'avons rien glané dans les liasses de Saint-Hilaire-sous-Court, Saint-Georges-sur-la-Prée, Saint-Florent, Villeneuve et Lury ; mais les nombres publiés ci-dessus suffisent pour nous faire connaître l'époque des vendanges dans cette partie du département.


304 LES VENDANGES EN BERRY

IIe GROUPE. — Chateauneuf-sur-Cher et La Celle-Condé.

Le 5 novembre 1678, le procureur fiscal du marquisat de Châteauneuf-sur-Cher réclamait, contre plusieurs personnes, une amende de cent sols tournois pour avoir vendangé avant l'époque fixée, suivant la coutume du Berry. De l'examen de plusieurs minutes (B, 3889), il résulte qu'à cette époque la bannie n'était pas rigoureusement observée ; les autorités locales discutent même pour savoir à quelle juridiction il appartient de fixer cette « bannée » (1), et de la faire annoncer, « afin que nul n'en puisse prétendre cause d'ignorance ».

Nous avons retrouvé 62 ordonnances de bannie, de 1680 à 1789, concernant les vignobles de ce marquisat; nous signalerons particulièrement deux belles séries, l'une de 15 et l'autre de 20 années successives.

Les vignes soumises à la bannie se trouvent sur les •territoires de Châteauneuf-sur-Cher, Venesmes, Marigny, Corquoy et Montlouis. Le début de la vendange varie beaucoup suivant les clos. Comme exemple nous donnerons un extrait de l'ordonnance du 5 octobre 1754. Après avoir entendu le rapport des quatre vignerons chargés de visiter les vignes, « Jean Bouzique, ancien procureur du bailliage du marquisat de Châteauneuf-sur-Cher, expédiant pour l'absence de M. le Bailly », fixe l'ouverture des vignobles « des Grands et Petits-Pieds-David, Belle-Choses, la Chaume, le clos du Prieur, les Perrières, les Touvis, les Frus(1)

Frus(1) ban de vendanges se nommait bannie à Vierzon, bannée à Châteauneuf et bandée à Saint-Amand,


LES VENDANGES EN BERRY 305

selattes, Cuisset, la Boulois, Point-de-Boeuf, Malpoigne, Aiguemorte, les Verrières, clos Louis, les Terronays, derrière l'église de Châteauneuf, et les Caillattes, à lundy sept du présent mois ; celle des vignobles de Saint-Lazare, les haultes, les grandes et petites Forests, Villejau, les Plantes, la coste Johannet, les Gojonnes, les Epagnes, les Tinières et Fontenay, à mardy huit du présent mois ; celle des vignobles de Rougereux, les Marines, Maupas, Sainte-Marie, la coste de Nantuel, le clos du Commandeur et la Chironée, à mercredy neuf du présent mois, et celle des vignobles de la coste de Scay, Fouraillon, les grands et petits Vaux, à jeudy dix du présent mois d'octobre » (1).

La plupart de ces lieux dits se retrouvent dans les arrêtés de bannies, avec de nombreuses variantes dans l'orthographe des noms; beaucoup existent encore aujourd'hui sous des dénominations semblables ou voisines. De sorte qu'en utilisant le plan cadastral et la carte du nivellement du Cher, de Bourdaloue, il serait facile de connaître l'altitude des différents vignobles, et, par suite, l'influence des conditions topographiques dans les époques de maturité du raisin. D'après M. Angot, il y aurait deux à trois jours de retard par 100 mètres d'altitude, pour des cépages de même nature ayant la même exposition.

Le tableau suivant donne la date du commencement des vendanges à Châteauneuf-sur-Cher pour 62 ans. La moyenne générale correspond au 1er octobre, avec un écart de 38 jours entre les deux dates extrêmes, 9 septembre 1719 et 17 octobre 1692 et 1770.

(1J B, 3861. Bannée de Châteauneuf du 5 octobre 1754.

20


306

LES VENDANGES EN BERRY

DATES DES VENDANGES DATES DES VENDANGES

CHATEAUNEUF-SUR-CHER CHATEAUNEUF-SUR-CHER

1680 17 S 1756 15 0

81 25 S 57 3 0

82 9 0 58 29 S 1685 19 S 59 24 S

88 29 S 1760 26 S

89 26 S 1er O 1692 17 0 62 20 S 1711 5 0 63 10 0

13 16 0 64 28 S

15 27 S 1765 4 0

17 29 S 66 8 0

19 !» S 67 15 0

1720 1er 0 68 30 S

21 7 0 69 7 0

23 23 S 1770 17 0

26 17 S 73 8 0

1732 3 0 1775 2 0

36 21 S 76 7 0

37 23 S 77 80

38 3 0 78 28 S 1741 25 S 79 29 S

44 8 0 1780 29 S

45 15 0 81 17 S

46 4 0 82 3 0

47 3 0 83 24 S

48 7 0 84 24 S 1751 12 0 1785 30 S

52 13 0 86 29 S

53 26 S 87 6 0

54 7 0 88 19 S 1755 26 S 1789 7 0

Dans les Répertoires des actes du greffe de Châteauneuf,


LES VENDANGES EN BERRY 307

on trouve souvent la date de la bannie ; c'est ainsi que nous savons qu'en 1686,1712 et 1714, la proclamation du ban de vendanges a eu lieu les 8, 26 et 30 septembre. Nous n'avons plus l'ordonnance même qui précède toujours la récolte de quelques jours ; mais ces renseignements suffisent pour nous apprendre que l'année 1686 est l'une des plus précoces au point de vue de la maturité du raisin (1).

C'est en 1719 que la vendange commença le plus tôt à Châteauneuf-sur-Cher, comme à Massay et Vierzon. Pendant cette année, La Hire n'a recueilli sur la terrasse de l'Observatoire de Paris que 275mm,7 d'eau ainsi répartis :

mm

Janvier 1719 31,0

Février 26,5

Mars 6,8

Avril 11,3

Mai 9,4

Juin 45,1

Juillet 47,5

Août— 4,5

Septembre 13,5

Octobre 31,6

Novembre 31,7

Décembre 15,8

Le printemps avait donc été particulièrement sec, ainsi que les mois d'août et de septembre (2).

Aux dates de Châteauneuf-sur-Cher, nous rattacherons celles de la justice d'Hautrive, indiquant le début de la vendange dans les vignes de La Celle-Condé.

(1) Archives départementales, B, 3828, 3836, 3838.

(2) Annuaire de Montsouris de 1886, pag. 154 et 155.


308 LES VENDANGES EN BERRY

1741 4 octobre

44 13 —

1772 5 —

73 12 —

1775 11 —

80 3 —

1782 15 —

84 29 septembre.

1785 29 —

86 4 octobre.

1787 6 —

D'après ces dates, la vendange commence dans les vignobles de Condé quatre ou cinq jours après la bannie de Châteauneuf, c'est-à-dire vers le 5 ou le 6 octobre.

III* GROUPE. — Saint-Amand-Montrond et divers.

Abordons maintenant les environs de Saint-Amand. Malheureusement le temps nous a manqué pour dépouiller toutes les liasses qui se rapportent aux justices d'Orval, Saint-Amand et Montrond. De sorte que les renseignements recueillis sur cette région sont loin d'être aussi complets que pour Graçay, Vierzon et Châteauneuf.

Nous ne parlerons pas de la nomination des gardevignes ou messiers de Coust, Changy, Orval, Ainay-leVieux, Montjallon, etc. Eu 1734, les vigniers de SaintAmand reçoivent « 4 deniers par oeuvre de vignes » (1); en 1738, 1740 et 1750, on leur accorde 6 deniers « payables par corps », à l'époque des bandées (2).

(1) Cette mesure se nomme encore hommée et journée de vignes.

(2) Archives départementales, B, 4115 à 4118 du fonds des Bailliages.


LES VENDANGES EN BERRY 309

Pour le « Vieil-Château », la vendange commence aux dates suivantes :

En 1733, le 29 septembre ; 1734, le 22 —

1737, le 27 —

1738, le 7 octobre.

D'ailleurs le début des vendanges varie avec les vignobles de cette justice. Ainsi, d'après l'ordonnance du 30 septembre 1778, les bandées de Saint-Amand sont fixées aux époques ci-après : le 5 octobre, pour les Petits-Fromentaux, y compris le canton de la Fontaine Saint-Martin ; le 6, dans les Grands-Fromentaux ; le 7, dans les Linaires, les Romagères, les Durands et Poirier-Libault; le 8, dans les Venesmes, jusqu'à la Grande-Route; le 9, dans les hautes et basses Sablonnières; le 10, dans les hautes et basses Bressolles ; le lundi 12 octobre, dans les Barres ; le 13, dans les Grelletières et le Vernay, et le 14, dans les Perrières, les Devants et les Gros-Moreaux (1).

Par les procès-verbaux des garde-vignes et les minutes d'audiences, on peut souvent connaître les époques de vendanges. C'est ainsi que plusieurs dénonciations nous apprennent qu'en 1773 la banni? était fixée au 20 octobre dans les Hautes-Sablonnières et le 21 dans les Bressolles.

Le 9 octobre 1775, plusieurs habitants de SaintAmand furent condamnés à 30 sols d'amende pour avoir vendangé leurs vignes le 7 au lieu du 9, jour de la bandée des Sablonnières; on ne pouvait entrer dans les Merlaudes qu'à partir du 11 courant.

Dans l'audience du 5 octobre 1779, sept personnes

(1) B, 4107. Ordonnance du 30 septembre 1778 fixant les bandées de Saint-Amand.


310 LES VENDANGES EN BERRY

furent condamnées chacune à 3 livres d'amende, pour avoir enfreint l'ordonnance du bailly; le juge déclare en outre « acquis et confisqué au profit des pauvres de l'hôpital de Saint-Amand » un poinçon de vendange qui fut vendu neuf livres.

La répartition des 30 livres eut lieu de la façon suivante : Pour le contrôle des 2 procès-verbaux. 6 liv. 19 sols 6 den.

Pour papier » 4 sols »

A Berchon, huissier royal 4 liv. » »

A Pregat.. 3 liV. » »

A Maréchal, sergent ». 3 1iv. » »

A Hérault 2 liv. » »

Aux 3 garde-vignes 7 liv. 4 sols 6 den.

Les 3 autres livres restantes furent remises au greffier « pour être déposées entre les mains du receveur de l'hôpital ». C'est le dixième seulement du produit des amendes et des confiscations : 27 livres sur 30 sont empochées par les gens de justice 1 (1)

En 1781, les vendanges commencent le 21 septembre dans les vignes d'Orval et de Coust. A Saint-Pierreles-Etieux, la récolte se fait du 22 au 27 septembre dans les différents clos, parmi lesquels nous pouvons citer la Grapperonne, le Pin, les Branchailles, le Chezel, les Rues, la Presle, les Bardonnats, le Rateau, le Routin, le Fauzais et le Sapin.

Le 26 août 1783, le décimateur informe le bailli d'Orval et Saint-Amand que les propriétaires des nouvelles plantations de vignes, faites dans le vignoble des Combes, demandent à vendanger avant les bandées de la ville. Après avis favorable d'un expert, M. le bailli déclare que « les dittes plantes seront suffi(1)

suffi(1) 4241. Bailliage de Saint-Amand,


LES VENDANGES EN BERRY 311

samment en maturité et en état d'être vendangées le jeudi 6 septembre ». Nous avons vu précédemment qu'en 1783, la récolte du raisin commença le 22 septembre à Mehun, Massay et Graçay, le 23 à Genouilly, et le 24 à Châteauneuf. Pour la plupart des clos, il y avait une avance de 12 jours environ.

IVe GROUPE. — Paroisses du Sancerrois.

Le Sancerrois mérite une mention spéciale, tant par l'importance de ses vignobles que par la valeur de ses vins.

Nous n'avons rien trouvé, ou peu de choses, dans les liasses concernant Humbligny, La Tour de Vesvre, Neuvy-2-Clochers, Les Aix et Neuilly-en-Sancerre. Plusieurs dates furent trouvées dans les archives de Morogues, Sens-Beaujeu et Saint-Satur; ce sont les suivantes :

1699, le 2 octobre à Reigny et le 5 à Morogues ;

1701, le 14 octobre à Reigny et le 17 à Morogues;

1735, le 17 octobre à Dampierre-en-Crot;

1740, le 12 octobre à Saint-Satur ; (1)

1777, le 22 octobre à Sens-Beaujeu ;

1779, le 6 octobre à Sens-Beaujeu ;

1780, le 5 octobre à Sens-Beaujeu.

Les documents les plus importants se rapportent à Crésancy et aux vignes de Reigny. Parmi les cantons, je citerai les Sarattes, les Roullottes, Littray, la Roche et la Veauvelle. (2)

(1) La « plante de Monseigneur » se vendange le 12 octobre; la bannie est du 13 au 20 pour les autres habitants. Plusieurs vignerons furent condamnés, en 1745, pour avoir vendangé le même jour que le « seigneur abbé commenditaire de l'abbaye royale de SaintSatur ».

(2) B, 3823 (1711-1790), Justice de Reigny, le Briou et dépendances.


312 LES VENDANGES EN BERRY

Pour la garde des vignes, on accorde généralement 1 sol par hommée ; cependant, à Vinon, les vigniers reçoivent 1 sol 6 deniers pour la même contenance. Les gardes doivent aussi surveiller « les noix et autres fruits pendants aux arbres ».

Dans les « actes de bannalité », qu'on lit presque toujours à l'issue de la messe ou des vêpres de la paroisse de Crésancy, on réserve le privilége de Madame de Reigny ; celle-ci vendange la veille du public ; on promet 10 livres d'amende et la confiscation de la récolte à ceux qui entreraient dans leurs vignes avant la date fixée par le bailli.

Les dates ci-dessous indiquent la bannie du « public » pour les vignes de Crésancy :

1727 19 S.

35 13 0.

1761 28 S.

62 20 S.

1766 8 0.

68 4 0.

1769 6 0.

73 13 0.

1774 5 0.

76 14 0.

1777 14 0.

79 29 S.

1780 4 0.

81 18 S.

1783 24 S.

84 22 S.

1787 17 0.

88 23 S.

1789 13 0.


LES VENDANGES EN BERRY

313

La moyenne de ces 19 dates correspond au 3 octobre (1), avec un écart de 29 jours entre les 2 extrêmes.

RÉSUMÉ.

En récapitulant nos renseignements, tirés des ordonnances de bannie, on constate qu'ils se rapportent à 126 années différentes, 3 du XVIe siècle, 41 du XVIIe siècle et 82 du XVIIIe siècle.

Les moyennes sont assez concordantes :

Vierzon : 37 ans; date moyenne: 0,4 octobre.

Châteauneuf : 62 ans ; — 1er octobre.

Genouilly : 13 ans; — 1,3 octobre.

Massay : 36 ans ; — 1,5 octobre.

Crésancy : 19 ans ; — 2,4 octobre.

Graçay : 38 ans ; — 3,6 octobre.

Bourges: 34 ans; — 4 octobre.

Les vendanges commencent donc généralement, en Berry, du 1er au 5 octobre, suivant les localités. Nous indiquons ci-dessous les années précoces et les années tardives, d'après les nombres précédents :

LA BANNIE A LIEU

AVANT LE 20 SEPTEMBRE APRÈS LE 15 OCTOBRE

1561, 1624, 1637, 1600, 1621, 1627,

1680, 1683, 1686, 1628, 1654, 1675,

1694, 1718, 1719, 1692, 1695, 1701,

1723, 1726, 1727, 1713, 1725, 1735,

1728, 1734, 1762, 1740, 1745, 1756,

1781, 1783, 1788. 1767, 1770, 1773.

(1) La moyenne exacte est 2,4.


314 LES VENDANGES EN BERRY

La récolte des raisins commença le 4 septembre 1561 dans les vignes de Bourges. La bannie est au 9 septembre en 1637 à Bourges et en 1719 à Châteauneufsur-Cher. Au contraire, la vendange ne commence que le 25 octobre en 1675 à Bourges et en 1725 à Massay. C'est un écart total de 51 jours entre les dates extrêmes (1). M. Angot a trouvé un écart de 58 jours à Volnay (28 août 1719 et 25 octobre 1816), et de 64 jours à Dijon (25 août 1420-28 octobre 1816).

On nous permettra de rappeler ici quelques documents concernant les vendanges en Berry, d'après nos anciens chroniqueurs, Jean Batereau, Jean Glaumeau, Etienne Gassot, Lelarge et plusieurs autres écrivains (2).

1480. Fruits tardifs et moissons pauvres. Les vignes produisent peu de raisins. (Jean BATEREAU.)

1490. Les 2, 3 et 4 mai, la gelée fut si forte qu'il n'est rien resté dans les vignes de Bourges et d'Issoudun. Le peu de vendanges qu'il y eut se fit au panier et à la hotte. Dans le Sancerrois, le raisin ne mûrit pas. (J. B.)

1496. Il y eut une telle quantité de vin que celui-ci coûta à peine ce qu'on avait dépensé pour le recueillir et le mettre en pièces ; mais ce vin était malheureusement vert et de peu de valeur. (J. B.)

(1) L'écart est de 54 jours pour Bourges, si on tient compte des vendanges au XIXe siècle. En 1816, la bannie est ouverte le 28 octobre dans les sections d'Asnières et de Saint-Privé. En 1822, la vendange commence le 4 septembre dans les mêmes vignobles ; les garde-vignes peuvent même récolter leurs raisins dès le 2 septembre.

(2) La plupart de ces documents ont déjà été publiés dans les Mémoires de la Société Historique du Cher. (Voir Etude climatologique du département du Cher, par H. DUCHAUSSOY, tom. I de la 4e série, pag. 188.)


LES VENDANGES EN BERRY 315

1502. La plus grande partie des vignes gelèrent du mardi après la Pentecôte jusqu'au 17 mai. (J. B.)

1504. L'été fut assez chaud de la fin d'avril à la Saint-Michel (29 septembre). Vin bon et en quantité suffisante. (J. B. (1)

1530. Les vignes de Bourges sont ravagées par des HURBECS. Ces insectes, qu'on nomme encore urbets, durbés, sont probablement des coléoptères du groupe des eumolpes, écrivains ou gribouris (2).

1542. Année froide et tardive. Les vignes n'avaient guère poussé au mois de mai. (Jean GLAUMEAU.) (3)

1543 à 1546. Années fertiles. (J. G.)

1547. Année très-bonne « chaulde à merveilles » ; le blé fut à vil prix, avec grande abondance de vins. (J. G.)

1548. Le 10 avril et le 6 mai, gelées blanches fort nuisibles aux vignes des environs de Bourges. (J. G.)

1551. Année sèche avec grande chaleur. Il y eut grande abondance de vin, le tonneau se vendant communément 3 livres 10 sous. Le 29 septembre, « il neigeoit et gelloit » aussi fort qu'il eût pu faire à Noël ; les vendanges n'étaient pas terminées en plusieurs endroits. (J. G.)

1553. Année assez fertile en blé et en vin. (J. G.)

1556. Grande sécheresse et fortes chaleurs. Les récoltes excellentes furent avancées ; on commença à couper les blés à la fin de mai, et « furent vendanges au moys d'aust. » (J. G.)

1557. Année fâcheuse. Le boisseau de froment s'est vendu 18 sous. (J. G.)

(1) Chronique latine de Bourges (1467-1506), par JEAN BATEREAU, ancien recteur de l'Université de cette ville, publiée par M. J. Havet.

(2) CATHEMNOT, Le Calvinisme de Berry.

(3) Journal de Jehan Glaumeau (1541-1562),


316 LES VENDANGES EN BERRY

1558. Année abondante en tous biens. Le blé ne se vendait que 2 sous et 6 blancs le boisseau. (J. G.)

1561. Pas de fruits, peu de vin. (Jean GLAUMEAU.)

1626. Quarante-cinq jours de pluie en juin et juillet. Partout beaucoup de grêle. Le boisseau de froment se vendait 30 sols, le méteil 28 et le seigle 25. Les vignobles eurent à souffrir des orages. « Le 25e de juillet de ladite année, sur les six heures du soir, il tomba quantité de gresle ès-environs et sur la ville de Bourges, laquelle étoit communément grosse comme des amandes, et par endroits grosse comme des noix, et s'en trouva quelques-unes qui estoient grosses comme des oeufs d'oyes, laquelle gresle fist grand dommage au pays. » (1).

1637. Les vendanges ont lieu au lendemain de NotreDame; " le vin qui s'est cueilli a esté trez bon et en abondance, dont Dieu soit loué » (2).

1642. Grêles fréquentes du 21 au 31 août, détruisant les vignes, endommageant « les bleds restés à cueillir », causant des dégâts dans 140 paroisses de la région. (LELARGE.)

1643. Les vignes gèlent en Berry, les 7 et 8 mai, ce qui causa une grande perte (3).

1659. Forte gelée blanche le 25 avril, qui endommagea tellement les vignes qu'on ne fit pas de vendanges cette année-là (4).

(1) Archives départementales, anciennes minutes des notaires. (Observation relevée par M. Boyer sur le 1 er feuillet d'un registre du notaire TOUSSAINT BERAUD pour l'année 1626.)

(2) Journal des Lelarge (1621-1694), publié par M. Jongleux.

(3) LA THADMASSIÈRE, Histoire du Berry, tom. I, pag. 430.

(4) Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre, tom. VI, pag. 209 (Valois).


LES VENDANGES EN BERRY 317

1691. Les vignes ont gelé le 20 mai (1). (E. GASSOT.)

1692. Les vendanges se sont faites fort tard (2). Le raisin était si peu mûr, et il y en avait si peu, que l'on vendangeait dans des sacs qui n'en étaient pas mouillés. Cela rendit le vin vieux si cher, qu'on le vendit dans la suite 150 et 200 livres. (E. G.)

1700. « L'année fut abondante en bleds et vins, qui n'estoient pas de bonne qualité, à cause des eaux qui commencèrent à la fin du mois de may et finirent à la fin du mois d'aoust ; ce qui fist que les vins furent extrêmement verts; les prez furent presque tous perdus, à cause de l'inondation qui arriva au commencement du mois de juillet (3). »

1709. A la suite du grand hiver qui gela les blés, les noyers et les chênes, le froment s'est vendu jusqu'à 4 livres le boisseau. Le vin, valant ordinairement 15, 20 ou 30 livres, s'est vendu 100, 120, 150 livres et au-delà. (E. GASSOT.)

1735. La grêle ravage une partie du Berry et notamment le canton du Blanc; les vieilles vignes ont tellement souffert qu'on doit les remplacer à SaintAigny, Fontgombault, Concremiers, etc. Des réclamations sont faites dans ce sens, afin de ne pas être soumis à l'amende encourue par tous ceux qui plantent de nouvelles vignes, contrairement à l'arrêt du Conseil d'Etat du Roy du 5 juin 1731 (4).

(1) Mémoires d'Etienne Gassot de Priou (1691-1715), dans les Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre.

(2) En 1692, la bannie de Châteauneuf est fixée au 17 octobre.

(3) Archives départementales du Cher, Anciennes minutes des notaires. Note prise par M. Boyer sur le 1er feuillet d'un registre de FRANÇOIS BARRAT, pour l'année 1700.

(4) C, 311 et 312. L'édit absurde qui défendait les plantations de vignes fut rigoureusement appliqué en Berry. Le 14 juillet 1738,


318 LES VENDANGES EN BERRY

1763. Quelques gelées blanches firent avancer la vendange à Issoudun et Massay. Le raisin fut ainsi récolté dans plusieurs régions, avant maturité complète, dans la première quinzaine de septembre.

1767. Les vignes ont été maltraitées par les gelées et le mauvais temps. La dîme du bouillet, qui se percevait sur les vignes du quartier Saint-Privé, ne monta qu'à 54 livres (1).

1772. Blé fort cher, mais vin abondant (2).

1793. Forte gelée blanche dans la nuit du 30 au 31 mai, détruisant une partie des vignes (3).

Pour compléter ces renseignements, nous rappellerons avec M. Angot que, si la récolte fut faible en 1789, le vin fut généralement abondant dans toute la France en 1752,1754, 1779, 1781 et 1788. D'après le même auteur, le vin fut mauvais en 1754,1761, 1763, 1768, 1776, 1789 et 1799; au contraire, la qualité fut excellente en 1750,1753, 1760, 1762, 1781, 1788, 1795 et 1798. On remarquera que les années 1762, 1781 et 1788 eurent des vendanges précoces. En général, dit M. Angot, « dans les années de bon vin, la

des procès-verbaux sont dressés contre plusieurs habitants de Sellessur-Cher ; ceux-ci sont condamnés chacun, le 25 juillet, à 50 libres d'amende, payables dans la quinzaine ; le même délai est accordé pour l'arrachage des nouvelles vignes. Le 2 mai 1753, 86 vignerons de la Charité sont condamnés pour le même délit à 20 livres d'amende; celle-ci fut réduite à 6 livres après justification d'arrachage : les récalcitrants durent payer 300 livres. Aux environs même de Bourges, à Asnières et dans la paroisse de Fussy, nous pourrions citer des exemples analogues.

(1) Archives de l'Hôtel-de-Ville, série CC, 80. (Registre des baptêmes, mariages et enterrements de 1752 a 1779.)

(2) Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre, tom. III, pag. 88.

(3) Archives départementales du Cher, série K, n° 98.


LES VENDANGES EN BERRY 319

température moyenne des quatre mois chauds dépasse notablement la normale, et la quantité de pluie est voisine de la normale ou légèrement inférieure ; dans les années de mauvais vin, la température moyenne des quatre mois chauds est inférieure à la normale, et la pluie généralement supérieure (1). »

Nous ne voulons pas clore cette étude rétrospective sur les vendanges en Berry, sans adresser nos remercîments les plus sincères à tous ceux qui nous ont aidés ou encouragés ; nous remercions particulièrement MM. Valois et Dumonteil, qui nous ont signalé plusieurs liasses importantes ou communiqué de curieux documents ; M. Massé, qui nous a facilité la détermination précise des cépages de nos vignobles, et surtout notre président, M. Boyer, que nous avons mis souvent à contribution, soit pour lire quelques ordonnances do bannie, soit pour grapiller dans ses notes sur la Vigne et les Vignerons de Bourges.

H. DUCHAUSSOY,

Ancien Professeur de physique au Lycée de Bourges.

(1) ANGOT, Etude sur les vendanges en France, dans les Annales du Bureau central météorologique de France, année 1883, tom. I.



COMPTE-RENDU

DES PRINCIPALES

HERBORISATIONS

Faites, en 1886, dans les environs de Bourges

SOUS LA DIRECTION DE

M. LE GRAND, Agent-Voyer en chef du Cher

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COMPTE-RENDU

DES

PRINCIPALES HERBORISATIONS

Faites, en 1886, dans les environs de Bourges

SOUS LA DIRECTION DE M. LE GRAND, Agent-Voyer en chef du Cher

1° Bords de l'Allier (du Guétin au Bec-d'Allier).

M. BRUNEAU, Rapporteur.

Le 20 juin 1886, MM. Le Grand, Alliot, Mornet (Marcel), Duchaussoy et Bruneau, nous sommes partis joyeusement pour une excursion botanique au Becd'Allier, par le train de 9 heures 16 du matin, pour descendre au Guétin à 10 heures 53. A peine en wagon, notre imagination se plaît à comparer les plaines d'une laideur amère que la ligne traverse à son début, avec le tableau séduisant que nous trace du théâtre de notre exploration l'aimable expérience de notre guide, dont la science et les fructueuses recherches vont


324 EXCURSIONS BOTANIQUES

bientôt nous donner la « Flore du Cher ». Au-delà de Nérondes, le paysage s'anime, il devient plus gracieux; de magnifiques spécimens de Campanula Rapunculus allongent sur tout le parcours des fleurs tentatrices, que l'on essaierait vainement de saisir à la vapeur. A peine descendus du train, notre moisson commence. Le Campanula Rapunculus se laisse cueillir cette fois sans résistance, dès au sortir de la gare du Guétin. Près du pont du chemin de fer, sur la route du Guétin au Becd'Allier, les Campanula glomerata, Tordylium maximum, Trifolium Molineri, Reseda luteola, Medicago média, s'offrent successivement à nous. Le long du canal latéral à l'Allier, sur sa rive gauche, en suivant le sentier des berges parallèle à la route du Bec-d'AIlier, nos boîtes commencent à s'emplir d'une manière à la fois heureuse, et inquiétante des Lathyrus Nissolia, Tanacetum vulgare (non fleuri), Aristolochia Clematitis (généralement fort rare dans le Berry), Trifolium striatum (en fruits), Anthemis arvensis, Alyssum calycinum (en fruits), Dianthus prolifer, Ornithogalum pyrenaicum, Malva alcea (qui ne quitte guère la vallée de la Loire), Euphorbia stricta. On voit combien sur ces berges fraîches et bien exposées la végétation présente de formes multiples. Le Trifolium elegans, que Boreau indique à La Guerche, à Germigny dans le Cher, et à Gimouille dans la Nièvre, sur les bords de la Loire, est la plus précieuse trouvaille que nous vaut dans ces parages l'oeil exercé de M. Le Grand. A Gimouille, nous admirons le magnifique pont-canal de 18 arcades et de 500 mètres de longueur, par où le canal latéral à la Loire franchit l'Allier en aval du pont du chemin de fer et en amont de celui de la route. Nous contemplons avec plaisir la nappe argentée de l'Allier, — ceux qui l'ont vu ne souriront pas de l'épilhète qui est l'expression de la réalité, —


EXCURSIONS BOTANIQUES 325

la large rivière coulant rapidement droit vers le nord, au milieu de grèves de sable formées par ses apports des roches cristallines du massif central et couvertes d'une végétation d'herbes courtes, d'osiers, de petits saules, de plantes des sables, le tout au milieu d'un air frais dont l'odeur et l'impression diffèrent trèssensiblement de celui de Bourges. Nous descendons dans ces grèves qui, avec celles de la Loire, sont le vrai but de notre excursion. Déjà près du pont-canal nous avons recueilli le Medicago apiculata, et, dans un bas-fonds inondé dans les grandes eaux, le Graliola officinalis; les marcs voisines fournissent ordinairement en abondance l'Isnardia palustris. Sur les perrés qui supportent et défendent au-dessus des grèves la route de Gimouille au Bec-d'Allier, nous constatons assez abondamment le Centaurea solstitialis à fleurs jaunes, rare ailleurs dans notre région, et une autre espèce du même genre plus intéressante encore, mais non encore fleurie, le Centaurea maculosa. Dans les terres moitié sablonneuses, moitié argileuses, plus basses que les grèves, parce que les inondations les ont affouillées, Sagina patula et apetala, Trifolium scabrum, Medicago minima, Capsella rubella, Bromus tectorum; un mois plus tôt, nous aurions trouvé au même lieu le rare Carex Schreberi. Nous pénétrons sur le sable des grèves elles-mêmes, lorsqu'un coup de tonnerre, suivi de quelques gouttes d'eau, nous arrache vers midi et demi à nos recherches et rappelle nos estomacs endurcis aux obligations du déjeuner. L'eau tombe en une vraie trombe, et bien que 150 mètres à peine nous séparent de l'auberge, M. Mornet apprend à ses dépens que, par un temps d'orage, les meilleures jambes du monde ne valent pas un simple parapluie. Après le déjeuner, nous redescendons bravement dans


326 EXCURSIONS BOTANIQUES

les grèves mouillées, où nous attendent une collection de plantes intéressantes qui se disputent notre attention : Scrophularia canina (très-abondant, nul ailleurs que le long de la Loire et de l'Allier, dans notre département) ; Trifolium rubellum, Anthemis nobilis, Filago arvensis et montana, Plantago arenaria, Festuca Poa, Myosotis stricta, AEnothera biennis, Corynephorus canescens, Vicia lutea, Sedum rubens. Dans des haies et sur des amas d'anciens détritus qui bordent la route de Gimouille au Bec-d'Allier, nous récoltons le Melilotus alba, que nous retrouverons encore au retour, notamment dans des terrains compris au milieu de l'enceinte de la gare du Guétin, puis l'Hyoscyamus niger. Nous gagnons ensuite, en suivant la route, une levée en pierre, bâtie en amont du Bec-d'Allier, entre l'Allier et la Loire, pour briser dans les crues le double courant d'inondation qui emportait les terres des basses prairies voisines et causait de grands ravages. La levée s'incline en pente douce sur ses flancs pour permettre aux nappes d'inondation de monter graduellement sur les deux côtés sans emporter l'obstacle qui arrête leur fureur. Dans un fossé pierreux, encore à moitié plein d'eau, que le travail des crues de la Loire a creusé sur le côté gauche de la levée, M. Le Grand aperçoit et nous fait recueillir l'élégant Crépis pulchra.

Nous arrivons enfin au Bec-d'Allier. Le coup-d'oeil du confluent des deux puissantes rivières soeurs est certainement le plus beau dont on puisse jouir dans notre province et l'un des plus pittoresques que nous ayons jamais vus. Elles arrivent en sens contraire et se joignent à angle droit, égales à peu près en apparence, au pied d'un superbe coteau arrondi de 172 mètres d'élévation, boisé à son sommet et qui se prolonge sur la rive droite de la Loire par de hauts escarpements


EXCURSIONS BOTANIQUES 327

réguliers comme un mur, dans la direction de Fourchambault; la rive gauche est basse, bordée d'immenses prairies qui s'étendent vers Cuffy et de pacages qu'ont formés de récents atterrissements ; la Loire s'élargit tout-à-coup, à 150 mètres environ audessous du confluent et on voit sa nappe blanche s'enfuir comme un petit lac vers le nord. Nous sautons par-dessus les fils de fer qui empêchent les chevaux et les belles vaches berrichonnes de sortir des prairies, et dans une mare du côté de Cuffy, la dernière de toutes, nous découvrons, grâce à M. Le Grand, la toison d'or sous la forme du rare et curieux Marsilea quadrifolia, dont nous avons une peine infinie à nous procurer quelques échantillons sans racines, en raison des hautes eaux. Nous ramassons encore le Juncus compressus et nous reprenons le chemin du Guétin, d'où le train de 8 heures du soir nous ramène à Bourges les boîtes pleines, l'estomac vide et reconnaissants envers M. Le Grand de l'excursion charmante et fructueuse que nous devons à sa connaissance approfondie de cette localité.

2° Sainte-Solange, Marais de Rians.

M. DUCHAUSSOY, Rapporteur.

L'année dernière, nous explorions, le 31 mai, une partie des marais de Sainte-Solange, récoltant une douzaine de Carex en bon état, plusieurs Scirpus et


328 EXCURSIONS BOTANIQUES

l'élégant Pinguicula vulgaris. Les résultats obtenus dans cette première excursion nous démontrèrent l'intérêt qu'il y aurait à fouiller en diverses saisons ces terrains marécageux qui s'étendent sur une longueur de plusieurs kilomètres, depuis Sainte-Solange jusqu'à Rians.

Aussi le 4 juillet, MM. Le Grand, Sauvageot et Duchaussoy partent dès le matin, pour visiter à nouveau cette région intéressante, en commençant leur herborisation du côté de Rians. Un élève de l'Ecole normale, M. Debray, qui a passé son enfance dans cette localité, nous donne quelques renseignements sur les lieux dits de la contrée.

Avant d'arriver à Sainte-Solange, nous remarquons un champ d'Anthyllis vulneraria, cultivé pour les bestiaux comme plante fourragère. Une terre en friche voisine nous donne Iberis amara, Filago germanica et Micropus erectus. La voiture nous conduit ensuite jusqu'au domaine de l'Ecorce.

Aux Trois-Ormes, et près du chemin de JacquesCoeur, nous récoltons au milieu des moissons Fumaria Vaillantii, Euphorbia exigua, Polygonum convulvulus, et diverses plantes calcicoles : Adonis autumnalis, Turgenia latifolia, Myagrum perfoliatum,Erysimum orientale, Carum bulbocastanum. Nous sommes étonnés de rencontrer, dans le même champ, de nombreux et magnifiques pieds de Melilotus alba, dont la graine aura été amenée accidentellement des bords de la Loire ou de l'Allier, où cette espèce est assez fréquente. Sur la droite du chemin, nous recueillons aussi Tragopogon major.

Après avoir observé Poa rigida et Sagina apetale, près du bois des Proutiaux, nous nous dirigeons vers les marais. Au bord de l'Ouatier, Sparganium ramosum et Alisma plantago commencent à fleurir. Nous sommes


EXCURSIONS BOTANIQUES 329

heureux de voir sur la rive gauche les belles feuilles du PETASITES VULGARIS, localité jusqu'à ce jour unique dans le Cher, cependant connue déjà de Boreau, qui l'indiquait entre le Gué et l'Ecorce, où nous l'avons en effet constaté.

Dans une petite fosse d'emprunt, nous récoltons Lysimachia nummularia, Hordeum secalinum, Silaus pratensis, Senecio aquaticus, Lathyrus pratensis, Sonchus asper.

Au Gué, nous franchissons l'Ouatier sur un petit pont, pour cueillir quelques feuilles de Petasites, dont plusieurs atteignent d'assez grandes dimensions pour servir de vaste parasol. Cette belle plante, qui fleurit en avril, est surtout abondante sur un espace d'une trentaine de mètres. Près de là, nous observons Veronica anagallis et Lappa major.

Dans le marais de la Sangsue, nous rencontrons partout les fruits du Narcisse des poètes, puis remplissons nos boîtes avec les espèces suivantes : Euphorbia verrucosa, Betonica officinalis, OEnanthe Lachenalii, Molinia coerulea, Cirsium bulbosum, Festuca arundinacea, Epipactis palustris, ce dernier très-abondant. Plus loin nous recueillons Schoenus nigricans, Gentiana pneumonanthe, Ononis campestris, Thalictrum flavum, Gratiola officinalisJuncus anceps, Orchis conopsea, et de magnifiques échantillons d'ORCHIS PALUSTRIS parfaitement caractérisés et bien distincts du laxiflora, qui ne se rencontre pas ici. Dans un fossé, caché par les roseaux, nous observons Potamogeton lucens et Myriophyllum verticillatum.

Nous quittons alors le marais de la Sangsue pour nous rendre de l'Ecorce à Mal nettes, en suivant la rive droite de l'Oustier. Près du moulin, nous retrouvons abondamment le Petasites vulgaris, dans une station nouvelle et plus abordable que la précédente.


330 EXCURSIONS BOTANIQUES

Près de là, nous observons quelques pieds en boutons d'Inula Helenium.

A Maluettes, nous repassons sur la rive gauche. Près du pont, on peut récolter Potamogeton Hornemanni, abondant, recueilli l'année précédente dans le voisinage de Villecomte.

Une partie plus sèche nous donne Anagallis tenella. Ici, avec la variété à fleurs blanches de l'Orchis conopsea, nous voyons partout Euphrasia ofjîcinalis, Phalangium ramosum et l'Epipactis palustris, récolté précédemment. Nous retrouvons encore Potamogoton Hornemanni, remplissant les fossés des marais de la Chaume, à côté des feuilles élégantes du Menyanthes trifoliata.

Notre herborisation étant terminée, nous essayons de gagner Buisson-Guillot. Mais, engagés dans les prés humides qui se trouvent vis-à-vis de ce domaine, nous sommes arrêtés continuellement, soit par de grandes herbes, soit par des terrains bourbeux enfonçant sous les pieds, soit par de larges fossés qu'il faut franchir. Nous récoltons cependant Hydrocotyle vulgaris, Cladium mariscus et Parnassia palustris, avant de pouvoir sortir de ces marécages inextricables, pour rejoindre la route de Sainte-Solange, où nous n'arrivons qu'à deux heures et demie, par une chaleur accablante, malgré laquelle nous récoltons encore le Bupleuvrum protractum, fort rare dans le Cher.

Le résultat principal de notre excursion est certainement la reconnaissance précise de la station du Petasites vulgaris, qui n'a été trouvé jusqu'ici que dans cette localité, entre le Gué et Maluettes, en passant par La Chaume. L'existence de l'Orchis palustris et la grande extension du Potamogeton Hornemanni, rendent encore plus intéressante cette riche localité.


EXCURSIONS BOTANIQUES 331

3° Sainte-Thorette, Forêt de Fontmoreau.

M. DUCHAUSSOY, Rapporteur.

Depuis plusieurs années, nous nous proposions d'explorer les bords du Cher à Sainte-Thorette et de visiter en même temps la forêt de Font-Moreau. La variété dans ces stations et la composition chimique des sols nous assurait à l'avance une nombreuee moisson.

La distance étant assez considérable, nous avons dû partir en voiture, dès 6 heures du matin, MM. Le Grand, Alliot, Bruneau et Duchaussoy.

Sur la route de La Chapelle-Saint-Ursin, nous remarquons Kentrophyllum lanatum et Falcaria Rivini; à partir de Luet, les accotements du chemin sont couverts d'Ononis spinosa, bien différent par le port de l'espèce commune.

Près du bois du Coudray, où nous faisons une première halte, nous pourrions remplir nos boîtes avec quelques pieds magnifiques d'Inula Helenium, que nous sommes obligés de dédaigner. A l'entrée du bois, on peut recueillir Brunella grandiflora, Pimpinella magna, Melampyrum cristatum et Cirsium bulbosum; mais ce qui attire particulièrement- notre attention, c'est la grande quantité de PEUCEDANUM OFFICINALE, ombellifère fort rare en France, que Boreau indique, d'après Saul, à Marmagne, non loin du domaine de GrandCorps et que nous récoltons précisément en ce lieu en superbe état de ^oraison. Le Peucedanum cervaria,


332 EXCURSIONS BOTANIQUES

espèce commune aux environs de Bourges, mais plus tardive, croît à côté de la précédente.

Nous remontons en voiture pour gagner SainteThorette. Bientôt, à partir du Coudray, nous rencontrons partout, sur les bas côtés de la route, l'Immortelle sauvage, Xeranthemum cylindraceum, si gracieuse avec ses capitules violacés. Mais un nouvel arrêt nous semble nécessaire ! Nous apercevons, en effet, entre le Coudray et les Chaumes, une sorte de prairie brûlée qui nous donne Phyteuma orbiculare, Cytisus supinus et Phalangium ramosum. Dans une jachère remplie de Camomilles fétides, nous récoltons Bromus arvensis, Stachys germanica, Althoea hirsuta, Filago germanica et Vicia varia. Un champ de blé contient plusieurs plantes des terrains calcaires : Myagrum perfoliatum, Odontites verna, Buplevrum rotundifolium, Polygonum Bellardi, Linaria minor, et quelques pieds du rarissime LINAPIA PRETERMISSA. Cette dernière plante peut être facilement confondue avec L. minor, mais elle est entièrement glabre.

Après avoir laissé la voiture à Sainte-Thorette, nous continuons notre herborisation en visitant les grèves du Cher.

Notons dans le village, Chenopodium Bonus Henricus ; sur les perrés du pont, Crepis foetida ; au milieu de la rivière, Potamogeton fluitans, et sur les bords, Artemisia campestris, qui ne fleurira que dans un mois.

Nous remontons la vallée, en restant sur la rive droite. Près d'un champ de blé à sept têtes, dit blé des Pharaons, nous remarquons Torilis nodosa et Saponaria officinalis. Nous sommes bientôt au milieu d'une mauvaise prairie couverte de Verbascum, parmi lesquels nous citerons spécialement V. phlomoïdes, V.flocosum, V. thapsiforme. Notre coMègue, M. Le Grand,


EXCURSIONS BOTANIQUES 333

nous fait remarquer l'hybride de ces deux dernières espèces, parfaitement caractérisé par le mode de décurrence des feuilles, le port général de la plante et les anthères purpurines. Nous récoltons surtout Senecio viscosus, OEnothera biennis et Malva moschala. Plus loin, vis-à-vis de Fublaine, nous recueillons Sedum reflexum, Cerastium aquaticum, Humulus lupulus et Trifolium scabrum.

Nous quittons alors les grèves du Cher, pour nous diriger vers le bois de la Madeleine, observant sur le bord d'un sentier Turgenia latifolia, Allium sphoerocephalum et vineale.

Au milieu d'une moisson assez maigre, végétant pauvrement sur un terrain sablonneux, nous remarquons Trifolium arvense, Filago lutescens, F. minima et F. arvensis. Ces deux espèces couvrent une jachère voisine. Une luzernière, envahie par la cuscute, nous donne une nouvelle plante rare, CRÉPIS SETOSA, qui n'a été observée jusqu'ici que dans quelques localités du département. A peu de distance de là, nous rencontrons des graviers appartenant sans doute aux alluvions anciennes du Cher. Nous notons pour mémoire Herniaria glabra, vivant à côté du Seneçon visqueux récolté précédemment.

Sur un rocher de calcaire lacustre du Berry, qui forme aussi le sous-sol du bois du Coudray et du domaine des Chaumes, nous observons plusieurs plantes rabougries, et notamment Asplenium Ruta-muraria, Poa rigida et Trifolium scabrum.

Nous revenons alors à Sainte-Thorette par la route de Villeneuve. Après avoir déjeuné et pris un repos nécessaire de quelques instants, nous nous faisons conduire à Fontmoreau, pour continuer notre herborisation dans la forêt. La voiture se rend directement


334 EXCURSIONS BOTANIQUES

aux ruines de l'ancien château, où nous arrivons vers une heure et demie. Le garde-forestier veut bien nous accompagner dans cette partie de notre excursion. La forêt, dont la superficie ne dépasse pas 800 hectares, est en effet difficile à explorer, par suite des nombreuses routes se coupant dans tous les sens et formant des étoiles qui rendent l'orientation difficile pour les étrangers.

Il n'est pas inutile de rappeler ici que la forêt de Fontmoreau est plantée presque entièrement sur du calcaire lithographique. Cependant on remarque, sur une faible étendue, un sol argilo-sableux appartenant au miocène ; un autre lambeau est formé par du calcaire lacustre, près duquel se trouve à l'est et au nord une bordure de terrains sidérolithiques, rappelant ainsi la constitution géologique de La Chapelle-SaintUrsin.

Dans les parties basses et obscures du bois, on peut recueillir les élégantes rosettes du Pulmonaria affinis, depuis longtemps défleuri. M. Le Grand, qui avait déjà exploré la forêt deux ans auparavant, nous fait conduire au Champ-Chetif. Nous y arrivons après avoir traversé une prairie herbeuse, dans laquelle on peut recueillir Gentiana pneumonanthe, à la corolle bleu d'azur. Eu quelques minutes, nous récoltons Cytisus supinus, Trifolium rubens, Carduncellus mitissimus, Linum tenuifolium, Orobanche cruenta ; mais ce qui nous intéresse le plus, c'est le rarissime STACHYS HERACLEA, trouvé dans cette localité par le docteur Pineau et recueilli déjà dans l'herborisation de la Société à Coudron, en 1884.

Nous battons ensuite la forêt sur une grande étendue, visitant les places à charbon, parcourant les allées herbeuses, cherchant vainement I'ACHILLEA


EXCURSIONS BOTANIQUES 335

NOBILIS, découvert dans cette station par Déséglise en 1857.

Sur les charbonnières, nous remarquons Verbascum Lychnitis, Erigeron canadensis, Chlora perfoliata, Reseda luteola, Lithospermum officinale, Arabis sagittata et Gnaphalium luteo-album.

Dans quelques allées voisines d'un puits, nous récoltons Calamagrostis Epigeios, Teucrium montanum et Cirsium bulbosum; nous observons aussi les fruits d'Aquilegia vulgaris et Hypochoeris maculata. A l'entrée du taillis, nous apercevons çà et là Bromus asper, Hypericum hirsutum, H. montanum, Campanula trachelium, C. glomerata, C. rotundifolia, Dianthus armeria et Rubia peregrina.

Dans une partie sablonneuse de la forêt vivent les espèces suivantes : Ruscus aculeatus, Pteris aquilina, Epilobium tetragonum, Solidago virga aurea. Le Gnaphalium sylvaticum n'est pas encore fleuri.

Nous avons le plaisir de voir quelques pieds de Rosa gallica en fruits et de récolter le très-rare ELYMUS EUROPAEUS (1), un peu trop avancé pour la bonne conservation des épis.

Après avoir recueilli Senecio aquaticus et Melilotus macrorhiza, et pris quelques minutes de repos dans un endroit bien frais, voisin de la route de Chârost, nous revenons vers le château, observant au passage quelques fleurs déjà recueillies, fouillant tous les recoins et cherchant toujours sans succès Achilloea nobilis, but principal de notre excursion.

(1) Voir, dans les Mémoires de la Société Historique, les notes de M. LE GRAND sur les Plantes nouvelles ou rares pour le département du Cher, et particulièrement celles qui sont consacrées aux espèces suivantes, récoltées en 1886 : Elymus europaeus, Stachys Heraclea, Achillea nobilis, Crepis setosa.


336 EXCURSIONS BOTANIQUES

Mais il est plus de quatre heures, et il nous faut repartir pour Bourges ! Cependant la plante désirée aurait fait bonne figure à côté d'espèces rares ou intéressantes, comme Peucedanum officinale, Crepis setosa, Stachys heraclea, Elymus europoeus ! Malgré cette lacune regrettable (1), notre excursion du 18 juillet comptera parmi nos plus intéressantes.

Et maintenant, qu'il me soit permis en terminant ce compte-rendu, malheureusement le dernier pour moi, de souhaiter de nombreuses et nouvelles trouvailles à mes collègues du Cher. Je lirai toujours avec le plus vif intérêt les résultats obtenus dans leurs courses botaniques, regrettant toujours de ne pouvoir remplacer la vallée de la Somme par celle de la Loire ou du Cher et les bosquets de mon pays par les belles forêts du Berry !

(1) Des échantillons de cette plante nous ont été rapportés quelques jours après par Mme Mornet qui, plus heureuse, avait été en villégiature à Fontmoreau.


LISTE GÉNÉRALE DES MEMBRES

DE LA

SOCIÉTÉ HISTORIQUE, LITTÉRAIRE, ARTISTIQUE ET SCIENTIFIQUE DU CHER

Présidents d'honneur :

MM. le PRÉFET DU CHER. le MAIRE DE BOURGES.

Bureau de la Société :

MM. H. BOYER, archiviste du département du Cher, Président.

ANCILLON, avocat près la Cour de Bourges, ancien bâtonnier, Vice-Président.

RATIER, bibliothécaire de la ville de Bourges, id.

DUMONTEIL, avocat près la Cour de Bourges, Secrétaire.

MALLAY, inspecteur des chemins vicinaux, à Bourges, Secrétaire-Adjoint.

RHODIER, ancien greffier, à Bourges, id.

A. MORNET, banquier à Bourges, Trésorier.

Comité de publication:

MM. LE GRAND, agent-voyer en chef, à Bourges. Docteur LONGUET, médecin, à Bourges. SAUVAGEOT, directeur de l'École normale de Bourges.

22


338 LISTE GÉNÉRALE

Membres honoraires :

MM. AUBINEAU, conseiller à la Cour d'appel de Bourges.

DE CHENEVIÈRES (Philippe), ancien directeur des Beaux-Arts, à Paris, 64, boulevard Saint-Michel.

DIDRON aîné, directeur des Annales archéologiques, rue Saint-Dominique-Saint-Germain, 23, Paris.

DE MAUSSABRÉ (le vicomte Ferdinand), au château de Puy-Barbeau, par Sainte-Sévère (Indre).

MEUNIER, ancien sous-préfet, à Varie, près Bourges.

OUDOT, ancien juge de paix, à Varzy.

DE RAYNAL, ancien procureur général à la Cour de cassation, au Vernay, commune de Saint-Eloide-Gy.

DE LAUGARDIÈRE (Charles), ancien conseiller à la Cour d'appel de Bourges.

DE SOULTRAIT (le comte Georges), ancien trésorierpayeur général du Doubs, président de la Société nivernaise des lettres, sciences et arts, membre non-résidant du Comité des travaux historiques, associé correspondant de la Société des antiquaires de France, membre éoiérite de l'Académie de Lyon, membre de l'Académie de Besançon, à Toury-sur-Abrou, par Dornes (Nièvre).

VOISIN (l'abbé), curé de Douadic (Indre).

Membres titulaires :

MM. ACHET (Prosper), avocat près la Cour d'appel de

Bourges. ALLIOT, conseiller à la Cour d'appel de Bourges. ANCILLON, avocat près la Cour d'appel, ancien

bâtonnier, à Bourges.


DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ 339

MM. BENÊT, conservateur des hypothèques, à Bourges.

BON, ingénieur, chef du service de la construction

des chemins de fer économiques, 1, avenue

Malakoff, Paris. BOYER, archiviste du département du Cher, à

Bourges. Docteur BRAULT, chemin de la Roseraie, 12, à

Plaimpalais, Genève (Suisse). BRISSON (H.), député du Cher, 9, rue Mazagran,

Paris. BRUNEAU, professeur d'histoire au Lycée de Bourges. BUFFET, ancien avoué, à Châteauroux. BUREAU, conservateur des hypothèques, à Clamecy.

Clamecy. architecte, à Bourges. BUTHAUD (Amédée), propriétaire, rue Fernault, à

Bourges. CHAVANES, propriétaire, à La Bruère, commune de

Méry-sur-Cher, par Vierzon (Cher). CLÉMENT-GRANDCOUR, notaire, à Romorantin (Loiret-Cher) . DE COSSIGNY, ingénieur, à Courcelles, par Clérey

(Aube). COUPAS, professeur à l'École normale de Bourges. DEVOUCOUX, conseiller à la Cour d'appel de

Toulouse, DUBOIS (Georges), professeur d'histoire au Lycée

de Bourges. DUBOIS (Michel), conseiller à la Cour d'appel de

Bourges. DUCHAUSSOY, professeur de sciences physiques et

naturelles au Lycée d'Amiens (Somme). DUMONTEIL, avocat près ia Cour d'appel de Bourges. GAUCHERY, architecte, à Vierzon.


340 LISTE GÉNÉRALE

MM. GOSSET, avocat à la Cour de cassation, 52, rue de

Lille, à Paris. LABROSSE, greffier du Tribunal de commerce de

Bourges. LARCHEVÊQUE, propriétaire, au Tabaloup, près

Vierzon (Cher). LEBRUN (Simon), propriétaire, ancien député du

Cher, à Grandchamp, commune de Croisy, par

Ourouër (Cher). LECACHEUX, ingénieur civil, à Bourges. LE GRAND, agent-voyer en chef, à Bourges. LELIÈVRE, notaire, à Bourges. LEPRINCE, pharmacien, à Bourges. Docteur LONGUET, médecin, à Bourges. LOURIOUX, professeur à l'école normale de Bourges. MALLAY, inspecteur des chemins vicinaux, à

Bourges. MARÉCHAL, inspecteur primaire, à Bourges. MATER, avocat, président de la Commission du

Musée, à Bourges. MIÉDAN, notaire, à Bourges. MORNET (Albert), banquier, à Bourges. MORNET (Marcel), pharmacien, à Bourges. PASCAULT, architecte du département, à Bourges. PÉNEAU, ancien pharmacien, à Bourges. PIERRE, propriétaire, rue du Secrétain, à Bourges. PLANCHON, négociant en bronzes d'art et horlogerie,

67, galerie Montpensier, Palais-Royal, Paris. BATIER, bibliothécaire de la ville de Bourges. RHODIER, ancien greffier du Tribunal civil de

Bourges. ROLLET (Louis), propriétaire, à La Châtelette,

commune de Bruère-Allichamps, par La CelleBruère

CelleBruère


DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ 341

MM. SAUVAGEOT, directeur de l'École normale de Bourges. SOUCHON, architecte, à Bourges. THOMAS, avoué, à Bourges. TURPIN, chef de bureau à la Préfecture du Cher. VINCENT, propriétaire, rue de la Halle, à Bourges.

Membres correspondants dans le département du Cher :

MM. BONNET, avoué, à Sancerre.

BONNIN, ancien secrétaire de la Mairie, à Sancerre. CHAROT, instituteur, à Primelles. DE GUINACMOND, à Sens-Beaujeu. GUILLARD, architecte, à Sancerre. LENORMAND DU COUDRAY, notaire, à Nérondes. MAILLET, instituteur retraité, à Savigny-enSeptaine.

Savigny-enSeptaine. avoué, à Sancerre. MAYET, instituteur retraité, à Montigny, par

Veaugues. MOREAU (Paul), à Dun-sur-Auron. MOURIÉ, secrétaire de la mairie, à Saint-Florent

(Cher). PAQUET (Georges), instituteur, à Civray. PORCHERON, juge de paix, à Sancerre. ROUBET, ancien juge de paix, à La Guerche.

Membres correspondants hors du département du Cher :

MM. BEAUDOIN, capitaine en retraite, à Vitry-sur-Seine (Seine). BERTRAND, géomètre-expert, vice-président de la Société d'émulation de l'Allier, 10, cours de Bercy, à Moulins.


342 LISTE GÉNÉRALE

MM. BORGET (H.), propriétaire, à Soukaras (Algérie). BOULÉ, juge de paix, à Saint-Germain-en-Laye. BOYER (Henri), attaché au Ministère de l'Instruction

publique, 16, rue Clapeyron, Paris. BUSSEROLLES (DE), aumônier du Vésinet (Seine-etOise).

(Seine-etOise). (Emile), architecte, à Paris, rue Ventadour,

Ventadour, DE CLAMECY, ancien secrétaire général de la Préfecture du Loiret. CLOUET (Clermont), professeur, à Rodez. COUGNY, ancien conseiller général du Cher, rue Demours,

Demours, à Paris. COUGNY (Gaston), publiciste, 39, rue Demours, à

Paris. DAMOURETTE (l'abbé), à Châteauroux. GAUGUET (Elie), éditeur, à Paris, rue de Seine, 31. GILLEBERT D'HERCOURT, docteur-médecin, à Paris,

boulevard Magenta, 37. GUITTON (Stéphane), à Châtillon (Indre). GUITTON (Paul), à Bordeaux. HABERT, greffier, à La Charité-sur-Loire. HÉRAULT (H.), sous-inspecteur du chemin de fer, à

Oran (Algérie). HÉRAULT (L.), inspecteur principal du chemin de

fer, à Philippeville (Algérie), HUBERT, archiviste, à Châteauroux. JALOUSTRE (Elie), percepteur de Gerzat, en résidence

à Clermont (Puy-de-Dôme). LECAT, professeur au lycée de Nancy. LECONTE, ancien député de l'Indre, à Issoudun. LEHANNEUR, professeur, à La Rochelle. MÉALIN, proviseur, à Nancy (Meurthe-et-Moselle). MEUNIER, ancien avoué, à Nevers.


DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ 343

MM. PÉRATHON (Cyprien), président de la Chambre des arts et manufactures, à Aubusson.

PÉROT (Francis), 4, rue Sainte-Catherine, à Moulins (Allier).

PIFFAULT, propriétaire à Varzy (Nièvre).

POISSON, professeur au lycée de Châteauroux.

PLÂTRIER, directeur de l'école normale de Rouen.

QUÉROY, directeur du Musée, à Moulins (Allier).

REGNAULT, architecte, à Varzy (Nièvre).

RICHARD-DESAIX (Ulric), aux Minimes, Issoudun (Indre).

SALONE, ancien professeur d'histoire.

SULLY, ancien notaire, à Esves-le-Moutier (Indreet-Loire).

VENKER, procureur de la République, à Louhans.

VERMEIL (le docteur), à Paris, rue Jouffroy, 84.

ZÉVORT (Edgar), recteur de l'Académie de Caen.


LISTE

DES

SOCIÉTÉS SAVANTES & DES ÉTABLISSEMENTS SCIENTIFIQUES

AVEC LESQUELS

la Société historique du Cher est en relations d'échange de publications.

Paris. Le Comité des travaux historiques

et des Sociétés savantes près le Ministère de l'Instruction publique.

Les Archives nationales.

La Société des antiquaires de France.

La Société philotechnique.

La Société française d'archéologie (M. Jules de Laurière, secrétaire général, 15, rue des Saints-Pères, à Paris).

La Société de géographie.

La Société historique (cercle SaintSimon), 215, boulevard St-Germain

La Société philomatique, 7, rue des Grands-Augustins, Paris.

Le Musée d'ethnographie du palais du Trocadéro.

Le Musée Guimet (M. L. de Milloué, conservateur du Musée, directeur des Annales), 30, avenue du Trocadéro, Paris.


LlSTE DES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES 345

Aisne.

La Société académique de Laon.

La Société archéologique, historique et scientifique de Soissons.

La Société historique et archéologique de Château-Thierry.

Allier.

La Société d'émulation de l'Allier, à Moulins.

Alpes (Hautes-).

La Société d'études des HautesAlpes, à Gap.

Alpes-Maritimes.

La Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes, à Nice.

Aube.

La Société académique d'agriculture, des sciences, arts et belleslettres de l'Aube, à Troyes.

Aveyron.

La Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron, à Rodez.

Bouches-du-Rh.

L'Académie des sciences, belleslettres et arts de Marseille.

Calvados.

La Société des antiquaires de Normandie, à Caen.

La Société d'agriculture, des sciences et arts de Falaise.

Charente-Infére.

La Société des archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis, à Saintes.

La Société linnéenne de la CharenteInférieure, à Saint-Jean-d'Angély.

Cher.

Les Archives départementales.

La Bibliothèque municipale de Bourges.

La Bibliothèque du Lycée de Bourges

La Société des antiquaires du Centre, à Bourges.


346 LISTE DES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES

Corrèze.

La Société des lettres, sciences et arts de la Corrèze, à Tulle.

La Société historique et littéraire du Bas-Limousin, à Tulle.

Côte-d'Or.

La Société d'histoire, d'archéologie et de littérature de Beaune.

Creuse.

La Société des sciences naturelles et historiques de la Creuse, à Guéret.

Doubs.

La Société d'émulation de Montbéliard.

Drôme.

Le Comité du Bulletin d'histoire ecclésiastique et d'archéologie religieuse des diocèses de Valence, Digne, Gap, Grenoble et Viviers, à Romans.

Eure-et-Loir.

La Société archéologique d' Eure-etLoir, à Chartres.

Finistère. Gard.

La Société académique de Brest. L'Académie du Gard, à Nîmes.

Garonne (Haute-)

La Société archéologique du midi de la France, à Toulouse.

Gironde.

La Commission des Monuments historiques de la Gironde, à Bordeaux.

L'Académie ethnographique de la Gironde.

Indre-et-Loire.

La Société archéologique de la Touraine, à Tours.

Loire (Haute-).

La Société agricole et scientifique de la Haute-Loire, au Puy.

Loire-Inférieure. Loiret.

La Société académique de Nantes. La Société archéologique de l'Orléanais, à Orléans.

Maine-et-Loire. L'Académie des sciences et belleslettres, d'Angers.


LISTE DES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES 347

Manche.

La Société nationale et académique de Cherbourg.

Marne (Haute-).

La Société historique et archéologique de Langres.

Nièvre.

La Société nivernaise, à Nevers. La Société académique du Nivernais, à Nevers.

Nord.

La Commission historique du département du Nord, à Lille. La Société d'émulation de Cambrai.

Oise. Pyrénées (Basses-).

Le Comité archéologique de Senlis. La Société des sciences, lettres et arts de Pau.

Pyrénées-Orient.

La Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées-Orientales, à Perpignan.

Rhône.

La Société littéraire et archéologique de Lyon.

Saône (Haute-).

La Commission archéologique de la Haute-Saône, à Vesoul.

Saône-et-Loire.

L'Académie de Mâcon. La Société archéologique de Chalonsur-Saône. La Société éduenne, à Autun.

Sarthe.

La Société historique et archéologique du Maine, au Mans.

Seine-et-Oise.

La Commission des antiquités et des arts du département de Seine-etOise, à Versailles.

Seine-Inférieure.

La Commission des antiquités de la Seine-Inférieure, à Rouen.

L'Académie des sciences de Rouen.

La Société des sciences agricoles et horticoles du Havre.


348 LISTE DES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES

Somme.

La Société des antiquaires de Picardie, à Amiens.

La Conférence littéraire et scientifique de Picardie, à Amiens.

La Société d'émulation d'Abbeville.

Tarn-et-Garonne.

La Société historique et archéologique du Tarn-et-Garonne, à Montauban.

Var. La Société académique du Var, Toulon

Vienne.

La Société des antiquaires de l'Ouest, à Poitiers.

Vienne (Haute-).

La Société historique et archéologique du Limousin, à Limoges.

Yonne.

La Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, à Auxerre. La Société archéologique dé Sens.

Algérie.

La Société archéologique de Constantine.

Alsace.

La Société d'histoire naturelle de Colmar.

Etats-Unis d'Amérique.

Smithsonian institution reports, à

Washington. Société historique de l'Etat de Kansas,

Kansas, Topeka, Etat de Kansas. American philosophical Society, à

Philadelphie.

Belgique.

Institutarchéologiquehegeois, Liège.

Institut archéologique du Luxembourg, à Arlon.

Société historique, archéologique et littéraire de la ville d'Ypres et de l'ancienne West-Flandre, à Ypres.

BOURGES. — IMPRIMERIE H. SIRE.