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Titre : Revue catholique de l'Alsace

Éditeur : [s.n.] (Rixheim)

Éditeur : [s.n.][s.n.] (Strasbourg)

Date d'édition : 1898-12-01

Contributeur : Mury, Pantaléon (1819-1891). Éditeur scientifique

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34444695k

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34444695k/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 7644

Description : 01 décembre 1898

Description : 1898/12/01 (A17)-1898/12/31.

Description : Collection numérique : Fonds régional : Alsace

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k55340572

Source : Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2008-273090

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 18/01/2011

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XVIIe ANNÉE. — DÉCEMBRE 1898.

REVUE CATHOLIQUE

D'ALSACE.

NOUVELLE SERIE.

SOMMAIRE

I. Sigolsheim

II. II. Perreciot (Suite) (ABBE LOUVOT)

III. Le doyenné du Sundgau (Suite) (SCHICKELE)

IV. Les prêtres sèzagénaires et infirmes du Haut-Rinin pendant

la Révolution (Suite) (I. BEUCHOT)

V. Races latines et races du nord (Fin) (Dr A. GARNIER)

VI. A propos de la campagne de César centre Arioviste

(L. GLOECKLER)

VII. Italie, croquis et sotirenirs (Fin) (Dr J. WAGNER) VIII. La sagesse et la dessinée (A. B.)

IX. Revue du mois (N. DELSOR)

X. A. travers les livres (N. D.)

XI. Bibliographie.

La Revue catholique d'Alsace paraît vers la fin de chaque mois.

Le prix de l'abonnement est de 6 marks ou 7 frs. 50 pour tous les pays de l'Union postale.

On s'abonne chez F. SUTTER & Cie., imprimeurs-libraires, à Rixheim (Haute-Alsace), par un mandat ou par timbres-poste ou à chaque bureau de poste.

Pour tout ce qui regarde la Rédaction s'adresser à M. l'abbé DELSOR à Nordheim fosse-Alsace).

La Revue catholique, d'Alsace donnera un compte-rendu, au moins sommaire, di tout ouvrage dont on enverra un exemplaire à la Rédaction.

RIXHEIM

IMPRIMERIE DE F. SUTTER & CIE.

1898

Les personnes qui ne voudraient pas s'abonner pour 1899 ont priées de refuser le N° de Janvier.


BIBLIO GRAPHIE

REVUE BÉNÉD. Dec. — Deux écrivains de l'Abb. de Florennes. — Bulletin d'hist. bénéd. — La manifestation en l'honneur de M. Kurth. — Bibliogr. : Les brochures du Dr Schell.

QUINZAINE. 1 Dec. — Souvenirs parlem. du Gén. Bedeau. — Physiol. du caractère. — Notre Père qui êtes aux cieux II (roman).

— G. Goyau. La jeunesse et les études soc. — A la foire de S. Benezet. — Le protectorat franc, en Orient.

15 Dec'— A propos de la liberté d'ens. — Souvenirs parlem. du Gén. Bedeau II. — Notre Père qui êtes aux cieux III. — G. Foasegrive : De l'initiative intell. — Le dernier livre de M. Geffroy.

— Lettres à ma cousins : Vieilles filles.

NOUVELLES OEUVRES INÉDITES DE GRANDIDIER, publiées par M. l'Abbé Ingold. T. III. ALSAT1A SACRA ou statistique ecclésiastique et relig. de l'Alsace avant la Révolution. Avec des notes inéd. de Schoepfiin. XVI 448 pp. Gr. in-8°. Colmar. H. Huffel 1899.

LES MANUSCRITS des anciennes maisons religieuses d'Alsace par A. Ingold 72 pp. gr. in 8°. — Paris : Alph. Picard. — Colmar : H. Huffel. 1898.

Manuel de la vie et de la piété chrétienne, par Mons. le Curé de Saint-Sulpice. Un vol. in-18 carré de 248 pp. Prix : 1 fr. 40. Paris, Librairie Victor Lecoffre, rue Bonaparte, 90.

Comme le dit excellemment l'auteur dans sa Préface, les livres et manuels de piété abondent : notre temps en a produit plus que tout autre peut-être.

Dans ce grand nombre de volumes, il est cependant difficile de trouver un ouvrage qui réalise pleinement le but qu'on s'y propose. Les uns, chrétiens seulement de ton et de langage, n'offre qu'une compilation de prières sans doctrine ; les autres négligent renseignement des devoirs les plus nécessaires du christianisme et parlent longuement de dévouons, louables, sans doute, mais secondaires et arbitraires. Les melleurs enfin, difficiles à se procurer ou à lire, demeurent l'apanage du petit nombre.

Il est donc certain qu'un ouvrage qui, évitant ces défauts, dirait simplement ce qu'il faut faire pour vivre en chrétien, serait utile à la plupart des fidèles. C'est cet ouvrage que vient de publier Monsieur le curé de Saint-Sulpice.

Après avoir défini, dans le livre 1er, l'essence de la vie chrétienne, il dit comment elle s'établit dans l'esprit, le coeur et les habitudes de tout homme qui le veut fermement ; il étudie, dans le livre second, les pieuses pratiques de la vie privée ; enfin, dans le livre troisième, il suit le chrétien dans les principaux actes publics de sa vie, l'éclairé, l'encourage, le fortifie.

L'ouvrage est revêtu de l'approbation de M. Captier, Supérieur général des prêtres de la Compaguie de Saint-Sulpice et de celle de S. Em. le Card. Archevêque de Paris.


SIGOLSHEIM.

Monastère chéri, je t'habite en pensée.

Dn jour où je franchis pour la première fois, Le seuil hospitalier des fils de Saint François, Ton image, souvent à mes yeux retracée Redonne la vigueur à mon âme lassée Des sentiers rocailleux, où se porte la croix.

J'aime tes corridors et leur silence austère ;

L'airain sacré jetant ses accents dans la nuit ;

Quand la nature au loin repose ou dort sans bruit

Tes moines pénitents' unis dans la prière ;

Ma cellule, à l'esprit spacieuse carrière ;

Ton noble réfectoire, où la vertu reluit.

J'aime aussi ton passé. Je pense à ton histoire.

Je salue au milieu de tes bénédictins 1)

Ce vieillard que Strasbourg, au jour d'affreux destins,

A vu se souvenir qu'il n'était pas sans gloire;

Son coeur osa rêver de fléchir la victoireEt

victoireEt camp destructeur affronta les chemins.

Heureux qui porte ici la fleur de sa jeunesse, L'Adolescent qui n'eut que des regards distraits Pour la scène où le monde étale ses attraits, Qui s'est dit en un jour d'espoir et d'allégresse : De ta bure, François, je ferai ma richesse ; L'amour du Christ en croix m'a percé de ses traits.

Mais j'envie encor plus un homme vraiment sage, 2) Qui dégoûté du monde, après l'avoir aimé,

1) Sïgolsheïm a été avant la révolution un prieuré de bénédictins. 2) Strophe à l'adresse d'un novice prêtre de 54 ans.

Revue, Décembre, 1898 56


882 SIGOLSHEIM

Inquiet dans son coeur, d'un saint zèle enflammé, Semblable au bon Ulysse ayant fait maint voyage, Amarre enfin sa voile à ce béni rivage Que caresse le ciel de son souffle embaumé.

Toujours la solitude offrit une patrie

Au coeur des exilés en quête de leur Dieu.

Sur le mystique Horeb au grand prophète hébreu

De la divinité parut l'ombre infinie :

Ainsi le ciel descend dans une âme attendrie

Qu'au monde a su ravir un éternel adieu.

Où s'abaisse le ciel, l'homme vers lui s'élève.

Fils de Dieu, fils de l'homme, ô Christ, maître adoré,

De son père François le fils transfiguré

Revêt ici tes traits.; et ton oeuvre s'achève.

La croix vibre en effet, et non plus dans un rêve

Sur la harpe d'un coeur de ta grâce inspiré.

Avec l'homme la glèbe encor, se transfigure,

Ce théâtre où je passe un exil soucieux.

Baisée à peine au front d'un seul rayon des cieux,

La terre étale au loin sa superbe parure ;

Et je rêve à regret, qu'un jour à la nature

Dans la nuit du tombeau je fermerai les yeux.

Je t'aime et je voudrais, paisible monastère, D'un hardi coup de rame aborder à ton port. Le Seigneur autrement décide de mon sort, Et sur les flots du siècle il traça ma carrière. De ta grâce du moins je chante le mystère Et veux d'un sot dédain m'épargner le remord.

Plus fréquemment aussi je serai, de passage Pour me mettre, à l'école où grandit le chrétien. Et lorsque le matin un fidèle Gardien 1) A ma porte frappant, plein de coeur et d'usage Dira : Comment va l'hôte en ce pauvre ermitage? Je répondrai : Jamais il n'est allé si bien.

1) Pater Fidelis Guardianus.


LES CORRESPONDANTS DE GRANDIDIER.

PERRECIOT.

(SUITE)

VI.

A Besançon, le 26 mai 1786. Monsieur,

Il y a d'évidentes erreurs dans ce que Ptolémée a dit de l'Alsace; mais vous êtes équitable, ne jugez pas ce géographe par ce seul morceau. J'ai peu trouvé d'autres méprises dans le surplus de son ouvrage sur les Gaules, qui sont cependant la partie de la terre sur laquelle on convient qu'il s'est le plus trompé. Je n'entends pas parler de ses degrés auxquels on ne doit donner qu'une faible attention. Strabon, quoique plus estime que Ptolémée, m'a paru moins exact, et il m'a toujours inspiré moins de confiance. Parmi les auteurs anciens, il en est un bien grave à mon avis, bien supérieur à César même : c'est Tacite. Il est singulièrement rare de le trouver en dé-, faut, et quand on se donne la peine de l'étudier, il verse de grands jours sur l'histoire du haut empire. 1) Au reste il y a dans les écrivains de l'antiquité beaucoup moins d'erreurs qu'on ne le croit communément. C'est pour les justifier que j'ai fait la plupart de mes dissertations.

1) C'est également l'avis de M. Martih (op. cit. 55). " De tous les écrivains de l'antiquité qui nous ont parlé des Gaules, et surtout des pays riverains du - fleuve célèbre qui séparait notre contrée- de la Grande Germanie, nul ne nous a laissé des renseignements plus précieux que l'auteur des Annales et des Histoires. »


884 PERRECIOT

Je vous envoie, Monsieur, celles sur les Latobrigi et les Tulingi. Elles ne sont que grossièrement esquissées : on ne doit les regarder que comme des matériaux très bruts, auxquels on a donné une espèce d'ordre pour faire comprendre l'usage qu'on en peut faire. L'amour propre me défendait de vous" les adresser ; mon empressement à vous satisfaire l'a surmonté. Quand vous les aurez lues, vous jugerez, Monsieur, qu'il faut que cet empressement ait été bien grand pour avoir vaincu ma juste répugnance. Non seulement elles ne sont qu'ébauchées ; mais c'est que, vues isolées des preuves renfermées dans plusieurs autres, elles vous paraîtront faibles. Pour, apprécier mes raison^ nements sur l'Alsace, il faudrait lire de suite, outre les deux dissertations ci-jointes, celles dont j'ai eu l'honneur de vous parler dans ma dernière lettre, qui sont presque toutes très amples. Je regrette beaucoup de n'avoir pas su à temps que vous projetiez d'écrire l'histoire d'Alsace. Je vous aurais communiqué tout ce que j'ai sur cette province. J'aurais supprimé les opinions dont vous m'auriez fait apercevoir l'erreur, et je vous aurais remis ce que vous auriez cru digne de voir le jour. Malheureusement il n'est plus temps.

J'ai lu avec plaisir la lettre de M. le baron de Zurlauben. 1) Vousrendriez, Monsieur, un service précieux à l'histoire en imprimant cet extrait. Le dire dé ce savant homme fixerait le jugement des critiques sur l'intéressante inscription de Winterthur. Le mien est fixé depuis longtemps sur ce qui regarde M. le baron de Zurlauben, et l'éloge que vous m'en faites, Monsieur, n'a rien pu ajouter à la haute estime que j'ai pour lui. Je voudrais être à portée de lui offrir un exemplaire de mon ouvrage : la difficulté de le lui faire tenir en a retardé l'envoi jusqu'à présent. Si vous connaissez une voie sûre, prenez la peine de me l'indiquer.

Je verrai, Monsieur, avec grand plaisir les feuilles de votre Histoire d'Alsace à mesure qu'elles sortiront de la presse. Je désire fortement qu'elles me fournissent l'occasion de vous être de quelque utilité ; mais vous savez tant et vous avez le discernement si droit qu'il est bien difficile de vous faire des observations qui puissent vousservir.

Je n'ai pas la chartre de l'an 1100 citée dans votre lettre.

D. Grappin pourra l'obtenir de M. Droz.

Je pars pour Baume, d'où je prierai par lettre M. de S.-Ange, in1)

in1) avons déjà fait mention de ce savant suisse dans les Lettres de Droz, et il en sera plus amplement question dans un des fascicules suivants, des Correspondants de Grandidier, si la collection est continuée.


PERRECIOT 885

tendant et premier président du bureau des finances, de permettre que vos feuilles me parviennent sous son enveloppe. Je crois qu'il ne le refusera pas. Vous pouvez en attendant en commencer l'envoi en observant de ne pas faire les paquets trop volumineux. Il me les fera passer par la voie de son subdélégué.

Je suis, etc. . . PERRECIOT.

Au verso de cette lettre, se trouve de la main de Grandidier une série de questions qu'il se proposait d'adresser à son savant correspondant. Comme c'est une sorte de lettre du grand historien, nous reproduisons ici ces quelques lignes.

Demander où il place les Caracates de Tacite ; vers quelque (sic) il place la division de la Germanie cisrhénane en première Germanie, en seconde et en grande Séquanaise; d. (dit ?) que l'Alsace est le berceau de la monarchie française.

D. (demander) la dissertation sur Kircheim.

D. l'article où il prouve que les Rauraques sous César n'excédaient pas au nord le canton de Bâle et que sous ce conquérant les peuples du Sundgau n'appartenaient pas aux Rauraques.

D. l'article où il prouve, que César força les Tulingiens à recevoir les Triboques dans près de la moitié de leur pays.

D. sur le Dispargum castrum.

D. sur les Campanenses de Frédégaire.

D. sur les pagi de l'Alsace.

D. la preuve que les Allemands n'ont jamais habité l'Alsace.

VIL

A Besançon, le 3 juillet 1786. Monsieur,

Un voyage de près d'un mois que je viens de faire m'a fait oublier .que je devais écrire à M. de S.-Ange au sujet de notre communication. Je lui en parlerai ces jours-ci. J'ai trouvé, en passant à Baume, votre lettre du 8 juin avec les pièces jointes sans que je sache comment elle y est parvenue.

Les mss de Suétone portent Suevos. Si dans quelques éditions on lit Ubii c'est parce que Causabon s'est persuadé qu'aucun géographe


886 PERRECIOT

n'ayant placé les Suèves en deça du Rhin, ils tenaient ici la place des Ubiens. Par la même raison, il aurait dû changer aussi les Sicambres en Vangions, Nemètes ou Triboces. Dom Bouquet de qui j'ai extrait le passage cité, a Suevos et il observe que dans quelques mss on lit Suebos. Les Ubiens, amis des Romains dès le temps de César, furent admis dans les Gaules, et n'y furent point transplantés comme captifs ; ce fut d'ailleurs Agrippa et non Tibère qui les y plaça : Trans ftuvium ad ista loca habitabant Ubii, quos non invitos Agrippa, intra Rhenum traduxit, dit Strabon dans D. Bouquet, 1, 26.

Dion Cassius appelle constamment les Germains Celtes, la Germanie Celtique et les Gaulois Galates. V. la note de D. Bouquet, I, 491. C'est donc avec raison que le traducteur a écrit Alpibus Germaniae'au lieu de Alpibus Celticae. N'ayant rien absolument de Procope que ce qu'en a imprimé D. Bouquet, je ne puis vérifier le texte extrait du livre 4 mais je suis assuré de l'avoir lu quelque part.

Je crois que les Germains ont été divisés en trois provinces en l'an 328 par Pupenius Maximus qui donna son nom à la SéquanaiseCette dernière province ne fut pas appelée Maxima de son étendue, puisqu'au 3e siècle, elle était, après la Germanie première, la plus petite province des Gaules et peut-être de l'empire romain. Dans mon opinion le nom de Grande Séquanaise ne lui convient absolument point. Elle ne doit être appelée que Séquanaise ou Maxime Séquanaise. J'ai fait sur ce sujet une dissertation.

Les discours que vous me demandez, Monsieur, ne sont qu'ébauchés. Vous pouvez juger de leur état par celui des deux derniers que je vous ai adressés. Ils sont très amples ; j'ai eu l'honneur de vous en prévenir ; et joints à ceux sur les Latobriges et les Tulingiens, ils emporteront tous ensemble près de cent trente pages d'impression. Ils ne pourront pas être transcrits avant un mois, ajoutons à cela qu'ils se trouveront nécessairement contraires en plusieurs points à ce que vous projetez d'imprimer, parce que, en les faisant, je n'ai eu pour motif que d'indiquer les nouvelles routes que je croyais apercevoir ; de façon qu'il n'y en a pas un seul qui ne heurte de front les opinions reçues jusqu'à présent. Si malgré ces observations, vous persistez, vous les recevrez le plus tôt qu'il, sera possible. A mesure que le copiste, me les remettra, je vous les adresserai. On y travaille déjà : sauf à les garder si les observations que j'ai l'honneur de vous faire, vous dégoûtent.

Je n'ai lu, Monsieur, votre Histoire de l'Eglise de Strasbourg que dans l'exemplaire que vous avez, envoyé à M. Droz. Je l'ai cherché chez différents libraires de Besançon et je ne l'y ai pas trouvé.


PERRECIOT. 887

J'accepte avec d'autant plus de plaisir l'envoi que vous m'annoncez, que j'estime infiniment cet excellent ouvrage. Je le dis sans flatterie. Vous pourrez me l'adresser par la voie du carosse, à moins qu'il né se présente une occasion.

Je reçois de Paris les lettres les plus honnêtes sur mon ouvrage, mais point encore d'approbation, ce qui me désole. Je puis y compter, me marque-t-on, elle est sûre, cependant elle ne vient point. Je l'attends dans peu; dès qu'elle sera arrivée je la ferai imprimer à la suite de mon prospectus qui est encore mss. J'en adresserai un certain nombre à M. Treutel avec un carton qui lui manque et que vous n'avez pas vous-même. Je lui marquerai en même temps de vous remettre un exemplaire pour M. le baron de Zurlauben. Ce n'est pas la peine de lui envoyer l'ouvrage aujourd'hui et le carton demain. Votre conjecture sur les Caracates est ingénieuse ; quand à moi, je vous avouerai que je n'ai jamais formé aucune opinion sur la position de ces peuples que je ne connais que par Tacite.

Je n'ai fait sur les feuilles que vous m'avez fait passer qu'une minutieuse observation. Elle est ci-jointe.

Je suis . . . etc. . . . PERRECIOT.

La conjecture sur les Garacates de Tacite (le seul écrivain qui parle de ce peuple) attribuée par Perreciot à Grandidier est restituée par ce dernier à son véritable auteur le P. Laguille 1) :

« La conjecture qui me parait la plus vraisemblable dit-il, 2) est celle du P. Laguille. Il croit qu'il faut lire Saracates au lieu de Caracates, et il les prend pour ces peuples voisins de Trèves qui habitaient le pays de la Sarre, nommé dans la suite le Sargau. Et, en effet, le Sargau supérieur était autrefois attenant à l'Alsace, du côté du comté de Dabo dont le dernier village, nommé Kreswiller est arrosé par la Sarre. »

La lettre suivante annonce la nomination de Grandidier à l'Académie de Besançon. 3)

1) Notice de l'ancienne Alsace, p. IX.

2) Hist. d'Alsace, p. 185.

3) Cfr. Lettres de Droz, p. 15.


888 PERRECIOT

VIII.

A Besançon, le 6 juillet 1786. Monsieur,

Je vous envoie ma dissertation sur le Dispargum castrum, la plus courte et la plus faible de toutes. Rapprochée de celle sur les Tulingiens, elle deviendra plus concluante ; par elle-même elle n'est pas dénuée de toute vraisemblance. Car Dispargum étant nommée Disbarchum et Disborch dans les anciens monuments, il ne diffère presque pas de Dasborch, qui est le nom de Dagsbourg dans le diplôme de 1173.

Vous avez été hier nommé à l'unanimité, des suffrages à une des places vacantes de l'Académie de Besançon.

Je vous ai écrit par la dernière poste : vous recevrez sans doute cette lettre là avant celle-ci. On continue à copier mes dissertations ; mais comme ce que je vous ai marqué pourrait vous faire changer d'opinion, je ne vous en enverrai plus que vous ne me marquiez d'aller en avant.

Je suis . . . etc. ... PERRECIOT.

IX.

A Besançon, le 18 juillet 1786. Monsieur,

J'ai lu avec un plaisir infini le commencement de votre ouvrage. Je crois par la tournure qu'il prend que les connaisseurs sans préjugés le mettront fort au-dessus de celui de M. Schoepflin. Je suis très persuadé par ce que je vois déjà, par ce que j'ai vu de vous, que ce sera une dés meilleures, tranchons le mot, que ce sera la meilleure histoire de province qu'aient la France et l'Allemagne, surtout si vous prenez la peine de voir plutôt par vos propres yeux que par ceux de M. Schoepflin. Car avec là même érudition vous avez beaucoup plus de discernement et d'exactitude que lui. Je vous fais, Monsieur, mille sincères remerciements du don que vous avez la bonté de me faire des feuilles que vous m'adressez.

Je vous envoie quelques observations parce que vous les demandez; mais elles ne valent pas le papier qui les renferme. Je vous prie de n'y avoir aucun égard, non plus qu'à celles que je vous adresserai par la suite, lorsqu'elles ne vous convaincront pas.


PERRECIOT 889

Vous me ferez le plus grand plaisir de me faire des objections sur ânes dissertations. Je vous prie de les critiquer sans ménagement. Je ne cherche que la vérité : dès que vous me l'aurez fait apercevoir, je renoncerai sans regret à mes systèmes.

Je vous envoie une copie de la charte de 1040, avec une autre d'une bulle de Célestin II de l'an 1143. Ces deux pièces, encore inconnues, sont très intéressantes pour l'histoire d'Alsace et de FrancheComté. Elles peuvent aussi être utiles à celles du duché de Bourgogne. Je les ai moi-même fidèlement copiées sur les originaux; ainsi vous pouvez les annoncer comme exactes. J'ai encore une bulle de Luce II de la même année 1143 ; mais je ne vous en parle pas parce qu'elle n'est qu'une répétition de celle de Célestin.

Dans les temps féodaux les comtes de Montbéliard et de la Roche, issus d'une même père, partagèrent entre eux l'Alsgau. Une charte de Thierry, comte de Montbéliard, de l'an 1151, prouve que la portion de ce dernier s'étendait jusques et compris Rougement sur le Dognon. Une autre du comte de la Roche du même siècle justifie que la sienne se portait jusqu'à Romain près de Rougemont.

Les notes que j'ai faites sur les deux chartes ci-jointes ne sont que pour vous. Vous les imprimerez, vous les supprimerez, vous en ferez d'autres, vous n'en donnerez aucune; comme vous estimerez pour le mieux. Je désirerais cependant que vous disiez quelque chose de l'antiquité de l'abbaye de Baume pour que Madame l'Abbesse me passât d'avoir livré à l'impression sans son consentement deux de ses chartes. J'ajouterai à ce que j'ai dit dans mes notes que le texte d'Albéric dont se prévant M. Dunod 1) fourmille de fautes. Albéric confond le restaurateur de l'abbaye avec le fondateur et par une erreur encore plus grande, il attribue à Garnier de Digne, seigneur provençal qui n'entendit vraisemblablement jamais parler de Baume, ce qui ne regarde que Garnier, Warnier ou Warngehaire, maire du palais de Bourgogne, mort, suivant Frédégaire, sous Gontran en 59g.

En traitant des pagi de l'Alsace, je m'explique assez au long sur la borne des trois évoques, sur une pareille, qui, comme celle-ci, séparait l'Austrasie de la Bourgogne, et en même temps les diocèses de Besançon, Langres et Toul, ainsi que sur deux autres qui divisaient les royaumes d'Arles et de la Bourgogne transjurane. Vous verrez ce que j'en dis. En attendant, la borne sur laquelle vous nr'mterrogez est au bord du Doubs (dans le Doubs même) à l'extrémité méridionale la plus reculée de la principauté de Porrentruy. Elle fait

1) Cfr. Histoire de l'Eglise de Besançon, tome II (note de Perreciot).


890 PERRECIOT

aujour'hui limite exacte de la Franche-Comté, du comté de Neuf— châtel et de la souveraineté temporelle de l'évêque de Bâle. Ceux qui vous ont dit que cette borne était près de Montbéliard, vous ont donné de bien fausses indications. Elle en est éloignée de plus dedix lieues. Elle n'est à guère moindre distance de Porrentruy.

Si après avoir lu mes dissertations vous pensez qu'elles méritent l'honneur d'être imprimées à la suite de votre ouvrage, prenez la peine de me les renvoyer pour que je les habille un peu plus convenablement. Elles n'oseraient se montrer au public dans l'état où elles sont. Je vous adresse celle sur les Rauraques, vous en recevrez deux autres par la première poste.

Je me fais une grande fête de vous voir à la séance de l'Académie du 24 août prochain et d'y lier avec vous une plus ample connaissance.

Je suis . . . etc. ... PERRECIOT.

P. S. Les marges que j'ai laissées à la dissertation sont pour y placer les corrections; ainsi vous aurez la bonté de mettre vos critiques sur des feuilles séparées.

A la suite de cette lettre se lisent ces mots de la main de Grandidier : Demander la dissertation sur la Séquanie, Puis suivent dans notre correspondance deux billets peu importants, datés des 11 et 20 juillet, indiquant quelques corrections à faire dans les dissertationssur les Germanies envoyées à Strasbourg.

Peu de temps après Perreciot, qui ne laissait guère chômer la poste, écrit de nouveau une longue lettre à Grandidier.

X.

A Besançon, le 27 juillet 1786. Monsieur,

J'ai fait extraire de ma dissertation sur la Séquanie la partie qui regarde la Basse-Alsace. Cet extrait est ci-joint. Je suis bien éloigné de me flatter que le nouveau système qu'il renferme et les autres dont vous avez déjà vu les développements, trouveront des approbateurs. Comment un écrivain sans nom oserait-il espérer d'effacer des


PERRECIOT 891

idées sucées, pour ainsi dire, avec le lait et formées d'après les autorités innombrables des Cluvier, des Valois, des d'Anville, des Schoepflin, etc. . . . etc. ... Je pourrais tout au plus attendre quelques succès de l'âge futur ; je veux dire des jeunes gens qui n'ont encore pris aucun parti. Il serait possible qu'en me lisant sans prévention, ils trouvassent mes preuves supérieures à celles des grands hommes auxquels je suis si trouvent opposé; mais c'est là toute ma ressource.

Au reste si les Strasbourgeois me relèguent dans la classe des visionnaires, au moins conviendront-ils que je n'ai pas cherché à diminuer leur gloire. Il n'est pas possible de leur trouver dans l'histoire des aïeux plus illustres que ceux que je leur donne : dans les tempsceltiques au lieu de très obscurs Médiomatriciens je leur assigne les Séquanais, potentissimi ac firmissimi populi, qui, à l'entrée de César dans nos régions, totius Galliae principatum obtinebant. Aux temps romains ce sont les braves et intrépides Triboques, qui, à en juger par des faits plansibles eurent une part éclatante aux plus grandes victoires de César. Aux temps'français, ce sont les Alsaciens, peuple de la France transrhénane. 1)

C'est dans l'Alsace, selon moi, que la monarchie française, la plus illustre de l'univers, prend son germe et ses premiers développements. Strasbourg et Dagsbourg sont, sous nos trois premiers monarques, le Paris et le Versailles de la France. De là partent ces guerriers célèbres qui conquirent ensuite toutes les Gaules, la Germanie, l'Italie, une partie de l'Espagne, l'empire de Constantinople . . . etc. . . . etc. . . . dont les descendants règnent encore de nos jours avec gloire sur la France, les deux Espagnes, la Calabre, la Sicile, une partie de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique. De combien cette extraction ne l'emporte-t-elle pas sur celle qui viendrait des Bourguignons ou des Suèves, peuples vaincus et sujets, à qui certainement on ne peut donner une place parmi les nations qui ont rempli l'univers du bruit de leur nom ! Je ne suis point suspect dans ce que je dis de l'Alsace. L'amour de la vérité a seule dirigé mes opinions. Si je me suis trompé c'est de bonne foi et sans que le préjugé et la partialité y aient en aucune part. Je ne tiens 2) par aucun lien à cette province. Je n'ai aucun intérêt à l'illustrer. Sa gloire m'est entièrement étrangère. Ainsi je suis dans la position où il faut être pour juger sainement. 3)

1) Je chercherai à établir ce fait dans un dissertation sur l'Alsace et les pagir} (note de Perreciot).

2) Perreciot a écrit : je n'attiends.

a) Cfr. Grandidier, Hist. d'Alsace, p. 273.


892 PERRECIOT

Je me rappelle d'avoir lu autrefois dans un auteur alsacien que c'est dans votre province qu'il faut étudier l'histoire de France : quelles raisons n'aurait-il pas eu de le dire si mes opinions étaient fondées !

Je reçois à ce moment vos deux lettres des 20 et 25 du présent mois, avec celles qui y étaient jointes pour D. Grappin. Je viens de les envoyer par mon domestique au village de St.-Ferjeux. Vous ne connaissez ce respectable religieux que par ses ouvrages : vous auriez dix fois plus d'estime pour lui si vous connaissiez le fond de son coeur. Une enveloppe qui ne prévient pas renferme une des plus belles âmes qui aient encore existé. Nous irons le voir ensemble lorsque vous serez ici. St.-Ferjeux n'est éloigné de Besançon que de trois quarts de lieue de votre pays.

J'aurai l'honneur de vous répondre à la première poste en vous envoyant ma dissertation sur les pagi d'Alsace.

Je me borne à ce moment à vous assurer qu'on ne peut être avec plus d'estime, d'attachement et de respect, Monsieur, . . . etc. . . .

PERRECIOT. (A suivre) ABBÉ LOUVOT.


LE

DOYENNÉ DU SUNDGAU

(SUITE)

Riespach. — Ce village était au temps de S. Morand une cour colongère qui dépendait de l'église de St. Christophe d'Altkirch. Nous lisons dans la vie du Patron du Sundgau, que le maire de cette colonge ayant refusé les impositions que le comte de Ferrette réclamait à tort, se vit emprisonné pour le fait et soumis à. de mauvais traitements. S. Morand demanda en vain l'élargissement de l'innocent hofmeistsr. Une cruelle maladie vint bientôt affliger l'inhumain seigneur, qui rentrant en lui-même, reconnut sa faute et pria le saint de lui obtenir la guérison de son mal, en lui promettant: de réparer son tort. Le comte fut guéri et le maire de Riespach réintégré dans ses droits.

Dans l'énumération des biens du comté de Ferrette 1271 et 1278 figure Riespach, Rüdenspach. C'était alors une des six mairies du comté, mais au 17e siècle il perdit son titre et fut incorporé à la mairie de Grentzingen..


894 LE DOYENNÉ DU SUNDGAU

Quant à l'église du village, elle figure au Liber Marcarum sous le titre de vicariat perpétuel. Le patronage en a toujours appartenu au prieuré de St. Morand.

Vis. eccl. — 1603 : Le prévôt de St. Morand possède toute la dîme, à l'exception de 16 q. de blé qui reviennent à la chapelle du château de Ferrette. Le curé perçoit 62 q. d'épeautre, 36 d'avoine. Curé, André Bischof. Les habitants demandent qu'on mette la main sur la dîme du collateur qui de droit est tenu d'entretenir le choeur de l'église. — 1652 : Eglise en bon état ; 2 autels latéraux de la Ste Vierge et de S. Marc. Dédicace, le dimanche après la fête de S. Marc. Un des Pères de St. Morand fait l'office, mais rarement. 21 bourg, 50 com., 150 âmes, 1 hérétique. — 1720 : Thiébaud Nansé d'Altkirch, curé, 50 ans; 40 b., 115 com., 30 âmes.

Curés 1) : 1573 Jean Maugnier; 1602 André Bischof ; a 625 Jean Gdsinger\ 1680 Jean Caspar Melcher d'Altkirch; 1685 Jean Fréd. Chaude de Fribourg ; 1688 Jacques Schmitt ; 1693 Jean Victor Greder de Soleure ; 1694 André Fr. Gnos ; 1698 Thiébaud Nansé d'Altkirch; 1738 Jean Fr. Cromer de Sulz ; 1766 Caspar Dietrich d'Altenach. IL construisit en 1785 l'église actuelle. Pendant la Révolution le curé Dietrich prit le chemin de l'exil; durant ce temps, un ex-capucin le P. pestus, Fr. Anton Roth d'Uffheim, administra la paroisse, mais il réussit à se faire chasser, se retira dans son lieu natal, et obtint après le Concordat la cure de Geispitzen. 2)

1) Fuess.

2) Curés : François Joseph Bigenwald de Ferrette 1767, ordonné en 1792 par Mgr. Roggenbaeh, évêque de Bâle, nommé après la Rév. à Riespach, d'où il fut transféré à Rsedersdorfj + le 2 mars 1828. — François Hoff de Largitzen 1769, ordonné à l'étranger, devint à la réorganisation du diocèse curé d'Aspaeh, puis de Riespach, + le 26 juin 1S23. — Mathias Week de Geberschwihr 1794, vic. à Kcetzingen 1819, curé de Feldbach 1821, Riespach 1823, Felleringen 1835, Obermuespach 1843, + 25 avril 1858. — Pierre Huyum d'Illkirch 1802, vic. de Schlestadt 1826, curé de Gundershofen 1830, Niederranspach 1834, Riespach 1835, retiré 1836, vic. successivement à Beinheim,


LE DOYENNÉ DU SCNDGAU 895

Près de Riespach se trouve une métairie appelée Baûmerhof, ze Bongarten 1380, Baumgarten, une cour qui dépendait du château de Ferrette.

Spechbach tient son nom du ruisseau qui traverse les deux villages de S. pour se jeter à Brünighofen dans la Larg. Spechbach est cité en 823 dans la charte de Lou.is-le-Débonnaire en faveur de l'abbaye de Masevaux, ■et en 1271 dans l'acte de cession du comté de Ferrette à l'évêque de Bâle : « castrum et curtem Spehbach. » Les deux villages relevaient de la mairie inférieure de Burnhaupt-le-bas et avaient tous deux château et cour colon.gère. La cour de Spechbach-le-bas dépendait de la grande prévôté de Bâle et portait ses appels à Huningue ; celle d'Oberspechbach appartenait au prieuré de SaintMorand et étendait sa juridiction sur les autres cours du prieuré : Aspach, Berentzwiller, Carspach, Enschingen, Grentzingen, Henflingen, Ramersmatt, Tagsdorf, Werentzhausen et Wittersdorf. Le maire de ce dinghof devait donner chaque année à la fête de S. Christophe, une paire de gants au prieur de Saint-Morand. — Le château de Niederspechbach, « 1271 castrum Spehbach,

Seltz, Steige, Westhalten, Forstheim, Urmatt, Boersch, Diittlenheim, retiré, + le 20 mai 1870. — Michel Kirchhof de Niedermorschwiller 1806, vic. à Gernay 1831, curé de Riespach 1836, Lautenbachzell 1841, + le 14 mars 1856. — George Ricklin de Mansbach 1807, vic. d'Oberburnhaupt 1834, curé de Riespach 1841, Pfaffenheim 1857, retiré 1860, + le 19 nov. 1863. — Joseph Vogel de Pfaffenheim 1809, vic. à Geispolsheim 1834, Krautergersheim 1837, curé de Grosmagny 1839, Hirtzfelden 1842, Flachslanden 1849, Riespach 1857, Voegtlinshofen 1863, 7 le 6 juillet 1874. — André Fabian de Rodern (Th.) 1827, vie. de Ballersdorf 1854, Biesheim 1855, St. Hippolyte 1856, Wingersheim 1858, Carspach 1861, Ingersheim 1861, curé de Riespach 1863, Goldbach 1867, Hagenbach 1871, parti pour l'Amérique 1873, in patriam redux, et retiré à Cernay. — Xavier Sanner d'Oberhergheim 1831, vie. de Grendelbruch 1857, Niedermorschwiller 1862, curé de Riespach 1867, Riedisheim 1878, + le 25 juin 1897. — Aloise Wicky de Hoesingen 1844, vic. de Krüth 1869, prof, à Zillisheim 1870, vic. Mulhouse 1874, curé de Riespach depuis le 16 nov. 1878.


896 LE DOYENNÉ DU SUNDGAU

1314 die halbe Burg ze Spechbach, » était la résidence des nobles de S. dont les titres font mention du 12 au 15e siècle.1) — Spechbach-le-haut possédait deux châteaux, dont l'un appartenant à la famille ze Rhein, fut détruit en 1743 et remplacé par un autre qui subsista jusqu'en 1840 et qui sert aujourd'hui de maison d'habitation au maire Joseph Werner.

Les. deux Spechbach figurent en 1302 : «Rector ecclesie Spechbach inferior ; eeclesia Spechbach. » — 1441 « Rector in inferiori Spechbach (Capitulum Basil.), vie. ib. ; rector in superiori Sp., vic. ib., cappel. S. Johannis ib. » La cure de Spechbach-le-bas était à la collation du grand chapitre de Bâle, tandis que celle de Spechbach-le-haut a toujours dépendu de l'abbaye de Masevaux.

Spechbach-le-bas. Vis. eccl. — 1603 : Vicaire, Jacques Wird. Eglise sombre, humide, les nappes y moisissent; cimetière à nettoyer, croix à y ériger; comptes à rendre. — 1652 : toiture de l'église à réparer; autel principal de S. Georges, avec autels latéraux de Ste Madeleine et de Ste Dorothée. Le curé reste à Spechbach-le-haut et y célèbre à la fête de la Dédicace, Dominica Exaudi, et à celle du Patron. 18 b., 70 com., 128 âmes. — 1720 : curé, Pierre Pfanner d'Altkirch ; 44 b., 208 com., 80 âmes.

Les revenus de la cure s'élevaient en 1690 à 180liv. stebler, en 1770 à 520 livres tournois, en 1789 à 596, et d'après le R. d. à 2000 livres.

Curés : Casimir Sandmeyer en 1647 vic, et curé en 1651, et puis curé des deux Sp , + 1654. — Jean Hoog d'Ensisheim, curé des deux Sp., + 1659. — Jacques

1) 1170 Reinbalde de Spesbach ; Il 88 Reimbaud de Esppepa, Otto de Subibach ; 1258 Henri de Spehbach; 1276 Richard de Spenbach ; 1281 Hug von Spehebach ; 1289 Wilhelm de Spechpach, chanoine de Bâle ; 1454 Jean Henri de Spechbach, écuyer.


LE DOYENNÉ DU SUNDGAU 897

Zimmermann de Lucerne 1659 ; Wilhelm Bürgy 1662, + 1700 — Pierre Pfanner d'Altkirch vic. en 1 700, curé en 1709, + 1742. — Philippe Gschwind, + 1782. — Bischoff vic. 1776 ; Philippe Meyer it. 1778 ; Jos. Schurlin it. 1781. — En 1783 Jean Georges Fautsch de Niederspechbach ; il refusa de prêter le serment, fut déporté, et revint à son poste où il mourut en 1814.1),

Parmi les prêtres qui ont vu le jour à Spechbach-lebas, il en est deux auxquels nous devons une mention particulière.

C'est d'abord notre ancien professeur du Grand Séminaire, M. Sébastien Schirlin. L'aîné d'une famille nombreuse et aisée, il naquit le 15 juin de l'an 1800. Il eut pour premier maître son curé, Fr. Jos. Dantzer, et devint un brillant élève du collège d'Altkirch jusqu'à la fin de ses classes. Il fit sa théologie à Strasbourg, où son évêque lui confia, aussitôt après son ordination, la chaire d'histoire ecclésiastique qu'il occupa pendant 26 ans. Mgr. Raess l'envoya ensuite comme curé, à Sierentz, où pendant 10 ans il édifia ses paroissiens et ses confrères par son zèle, sa charité et son amour pour l'étude. Enfin en 1867 l'âge et les infirmités le déterminèrent à

1) Curés de Spechbach-le-bas : 1814 François Joseph Dantzer de Burnhaupt-le-bas 1750; il fut au commencement du siècle supérieur du collège d'Altkirch; à Spechbach il prépara au sacerdoce M. M. Rust, + à Balsehwiller ; Strass, + retiré à Heimsbrunn ; Wudel, + à Soulzbach, et Schirlin auquel il donna, ainsi qu'il a été dit, les premières leçons. Lui-même fut transféré à la cure de Mulhouse, où il mourut en 1822. Il eut comme successeur son frère Joseph, curé d'Oberburnhaupt pendant la Révolution, émigré, revenu au pays dont il devint un des apôtres, + à Sp. en 1829. — Sébastien Walter de Ballersdorf

Ballersdorf de 1830-1837, retiré + 1839. Joseph Antoine Dietrich de Rouffach

Rouffach de 1837-1845, transféré à Kaysersberg, où + le 21 janvier 1868. Sous M. Dietrich on construisit l'église, le presbytère et l'école. — Jean Baptiste Sengelin de Hirsingue 1808, 1845-1874. (v. Oberburnhaupt). — 1874 Joseph Wirth de Blotzheim 1830, vic. à Ste Croix-en-PIaine 1860, curé de Hundsbach 1869, de Spechbach, + le 14 août 1884. — Alphonse Wirth de Blotzheim 1847, transféré de Brinckheim, adm. de Niederspechbach en 1881, et curé ib. depuis 1884,

Revue, Décembre, 1898 57


898 LE DOYENNÉ DU SUNDGAU

quitter son poste. Il se retira dans son endroit natal; là, au milieu de sa famille, il se recueillit doucement devant la mort à laquelle il s'était préparé chaque jour de sa vie. Pendant quinze mois on le vit se rendre péniblement tous les jours, à l'église, non seulement pour célébrer la Ste Messe, mais encore pour faire sa visite au SaintSacrement. Et lorsque, le 30 décembre de l'année 1868, il s'éteignit pieusement dans le Seigneur, il put s'écrier avec le grand saint Paul dont il avait été durant de longues années l'interprête enthousiaste et le disciple fervent : Mihi enim vivere Christus est, et mort lucrum.

Le second prêtre dont Spechbach a lieu d'être justementfierest Mgr. Jean Joseph Hirth, évêque de Thébessa, vicaire apostolique du Victoria-Nyanza méridional. Fils d'instituteur, né le 26 mars 1854, le jeune Hirth fit ses études au collége de Zillisheim jusqu'à la fermeture de cet établissement. Il se rendit ensuite à Luxeuil pour y faire sa rhétorique et sa philosophie; puis il entra au grand Séminaire de Nancy, où il ne resta que deux ans. Répondant à l'appel du cardinal Lavigerie, Hirth fut un des premiers à entrer dans la Congrégation des Pères Blancs.

D'abord professeur de rhétorique et d'algèbre à la maison carrée à Alger, il dut se rendre à Jérusalem pour y diriger la maison de Ste Anne, destinée à former des prêtres melchîtes orthodoxes. En 1886 il visita sa famille avant de se rendre dans l'Uganda, où il rejoignit Mgr. Livinhac dont il partagea les travaux et les épreuves. Nommé en 1890 vicaire apostolique du Nyanza méridional, Mgr. Hirth revint en 1895 en Alsace, non seulement pour se remettre des terribles secousses que l'année 1894, si néfaste pour sa mission, lui avait fait subir,


LE DOYENNÉ DU SUNDGAU 899

mais encore pour implorer des secours en faveur de sa chrétienté si cruellement éprouvée. Parents, compatriotes, amis et condisciples firent grande fête, comme bien on le pense, à l'évêque missionnaire. Le 10 Juillet, il pontifia dans sa paroisse natale et confirma les enfants des deux Spechbach et de Bernwiller. 1) Depuis lors Mgr. Hirth, de retour sur le continent noir, continue sa vie d'apôtre au prix de sacrifices qui se renouvellent chaque jour. Ils sont vraiment beaux les pieds de ces conquérants pacifiques qui portent l'Evangile à ces peuplades lointaines, encore plongées dans les ténèbres et assise à l'ombre de la mort. L'Alsace catholique peut être fière de son apostolat dans les Missions auxquelles elle n'a épargné ni son or, ni son sang. Il y a en ce moment sept évêques alsaciens, 2) et c'est par centaines qu'il faut compter les prêtres, les Frères et les Soeurs d'Alsace qui se sont voués à l'évangélisation des infidèles.

Spechbach le-haut. Vis. eccl. — 1603 : coll. et décim. l'abbesse de Masevaux. Curé, Jean Foye, perçoit 20 q. de seigle, 20 d'épeautre et 30 q. du bien dotal. Il y a encore deux chapellenies dont Jean de Brünnighofen retient les revenus. « Donnant au chapelain 30 livres, il ne peut », dit-il, « entretenir la chapelle de Brünnighofen, ni l'autel

1) Détails biographiques communiqués par M. le curé Alph. Wirth.

2) Mgr. Marie Antoine Louis Caspar d'Obernai, évêque de Canatha - et vicaire apostolique de la Cochinehine septentrionale; Mgr. Jean Joseph Hirth de Spechbach-le-bas, évêque de Thébessa et vicaire apostolique de Victoria-Nyanza septent. ; Mgr. Jean Martin Adam d'Ammerschwihr, évêque de Thmuis et vic. apost. de Gabon ; Mgr. Emile Auguste Allgeyer de Rixheim, évêque de Ticélie et vic. apost. de Zanguebar ; Mgr. Auguste Donteville de Bischwiller, évêque de Germanicopolis, coadjuteur de l'évêque de New-Westminster ; Mgr. Henri Streicher de Wasselonne, évêque de Tabra et vic. apost. de Victoria-Nyanza méridional; Mgr. François Xavier Corbet de Hochfelden, évêque d'Obba et vie. apost. de Madagascar septentrional. A ces sept évêques en pays de missions, ajoutons nos trois évêques Mgr. François Louis Fleck de Niederbronn, évêque de Metz ; Mgr. Michel Félix Koruru de Wickerschwihr, évêque de Trêves ; et Mgr. Charles Marbaeh de Wissembourg, évêque de Paphos, coadjuteur de S. G. Mgr. Fritzen, évêque de Strasbourg : à l'heure actuelle dix évêques d'Alsace — Alsatiae decus Ecclesiae !


900 LE DOYENNÉ DU SUNDGAU

de Ste Marguerite à Spechbach. » L'église est en bon état; pas de niche, pas de lampe, excepté aux quatre grandes fêtes ; la main qui contient des reliques, est brisée. — 1652 : église récemment recouverte ; dédicace, le dimanche Jubilate ; 4 cloches ; curé Georges Sandenmeyer, dr en th. « vir Deo et hominibus dilectus », délicat de santé, il prêche et catéchise avec zèle et a converti en peu de temps 32 hérétiques de sa paroisse. 20 b., 60 com., 150 âmes. — 1665 : le curé Jean Hug résidant à Spechbach-le-haut, avait alors à desservir les deux Sp., Bernwiller et Galfingen avec 424 com. dans ces 4 villages ; ses revenus consistaient en 150 q. de blé et 2 livres en argent, le tout évalué plus tard (R. d.) à 1175 livres. — 1720 : curé Thiébaud Meyer, 52 ans; 60 b., 399 com., 170 âmes.

Le dernier curé d'Oberspechbach, Jean Adam Werher, né à Bernwiller en 1735, prêta le serment et fut un chaud partisan du nouvel ordre de choses. Il mourut en

1814. 1)

L'église actuelle de Spechbach-le-haut date de 1860. Elle est le siège d'une confrérie du Rosaire, érigée en

1663, et elle possède une statue de la Vierge qui a été trouvée dans un bois, hors du village. Cette statue a donné lieu à un petit pèlerinage sur Mutter Gottes im finstern Wald. La tradition en fait remonter l'origine

1) Curés de Spechbach-le-haut : 1816 Paul Werner, le neveu du curé précédent, né à Bernwiller 1766, se retira en 1832, + 1840 dans son endroit natal. — 1832 Chrétien Gommenginger de Schoenau 1802, transféré en 1832 de Levoncourt à Spechbach, 1844 à Saasenheim, 1864 Niederentzen, + le 5 juin 1868. — 1844 Ignace Tavernier de Guebwiller 1809, vic. à Ribeauvillé 1835, curé de Spechbach jusqu'en 1872, puis de Riquewihr, + le 30 déc. 1875. — Laurent Brunner de Rouffach 1829, curé d'Oberspechbach de 1873. à 1878 (vide Niedermorschwiller). — François Hentz de Reichshofen 1837, vic. à Morhern 1864, Masevaux 1866, Kertzfeld 1866, Ebersmunster 1868, Oberaai 1868, Marlenheim 1871, curé de Dambach (N) 1872, Spechbach 1878, Schweinheim 1883, Nordhausen 1886, Kilstett 1890, retiré 1892, + le 13 juin de la même année. — Théodore Adam d'Ittlenheim 1844, prof. au petit Séminaire de Strasb. 1869, précepteur 1874, curé de Hilsseren-W. 1875, précepteur 1880, curé de Spechbach 1883, transféré en 1S86 à Ste-Marie-aux-Mines (S. L.) et depuis 1890 à Benfeld. — Alphonse Risser de Weyersheim 1848, vic. à Ville 1872, a quitté le diocèse 1873, vic. à Schlestadt 1875, aumônier de SteBarbe (Str.) 1876, curé de Staffelfelden 1877, de Spechbach le 8 fév. 1886, + le 18 juillet 1891. — Son successeur est Louis Juncker né à Oberburnhaupt en 1834.


LE DOYENNÉ DU SUNDGAU 901

au 14e siècle. — Devant la porte d'entrée du sanctuaire se trouve la statue équestre de St. Martin érigée en 1617; elle provient d'un voeu fait par les jeunes gens dans un moment de danger imminent. — Enfin nous voulons encore rappeler ici que la maison curiale a été construite d'après le plan du général Kléber qui a été, comme on le sait, le Vauban de plusieurs presbytères du Sundgau.

Enschingen, de la mairie inférieure de Burnhaupt, était une terre allodiale des comtes d'Egisheim. L'abbaye de Ste-Croix de Woffenheim obtint des biens à Anschotzingen en 1090, et le couvent de St. Alban de Bâle posséda l'église d'Enschossingen, 1146-1195. Celleci devint le siège d'un prieuré de l'ordre de Cluny, placé, sous le vocable de S. Nicolas. Le prieuré d'Enschingen eut beaucoup à souffrir, comme celui de St. Morand, de la guerre des Armagnacs. Aussi pour le soustraire à la ruine, son prieur Gottfried Mynss ayant été nommé en 1477 coadjuteur de Martin Granter. prévôt de St. Morand, provoqua l'union des deux maisons qui n'étaient guère éloignées l'une de l'autre. A partir de cette époque le prieuré d'Enschingen subit les destinées de celui de St. Morand, et c'est ainsi qu'il échut aux Jésuites de Fribourg et d'Ensisheim, 1625-1772. Lors de la sécularisation de St. Morand, le prieuré d'Enschingen devint une prévôté à la collation du prince évêque de Bâle. Le dernier titulaire de ce bénéfice dont les revenus s'élevaient alors à 1200 livres, fut le chanoine de Gleresse du grand chapitre d'Arlesheim. A la grande Révolution les biens de la prévôté furent vendus comme biens nationaux, et la chapelle rachetée en 1806 par la commune au prix de 300 francs, servit au culte jusqu'à


902 LE DOYENNÉ DU SUNDGAU

la construction de l'église actuelle, à laquelle elle dut livrer après démolition ses matériaux.

Enschingen-Brünighofen dépendant de la cure de Spechbach-le-haut, a été érigée en vicariat le 10 déc. 1843, et en succursale par décret du 7 nov. 1857. On construisit en 1846 entre les deux villages une grande église paroissiale, dédiée à S. Bernard. 1)

Il y avait à Enschingen un château seigneurial qui fut offert en 1379 par Guillaume Waldner au landgrave Léopold-le-Probe ; deux cours colongères, l'une appartenant au prieuré d'Enschingen, l'autre à celui de SaintMorand. Le meunier de cette dernière cour était tenu de fournir du poisson aux religieux de Saint-Morand pour la fête de S. Christophe.

La Klostergasse rappelle l'ancien prieuré et les Burgackern l'ancien château.

Brùnighofen, 1216 Bruonichove, de la seigneurie de Ferrette et du bailliage de Thann, avait une cour colongère qui dépendait du chapitre de St. Amarin, un château avec famille noble qui s'éteignit en 1750, une chapelle de Ste Catherine relevant d'Oberspechbach, « 1441 cappellanus in Brünikoven. » Les collateurs de ce bénéfice furent, d'abord les anciens seigneurs, les d'Altenach, puis les Briinighofen, et enfin leurs héritiers par alliance, les Gohr. Chapelle et château avec les terres furent acquis après la Révolution par les Krcell et Gaudin de Danne1)

Danne1) d'Enschingen-Brunighofen : Fr. Antoine Settelen, vie. rés. du 18 fév. 1844 au 7 nov. 1857 et puis curé, + le 12 fév. 1869. — Fr. Joseph Mura d'Qsenbach 1837, du 12 fév. 1869 au 25 fév. 1877, transféré à Zoesingen — George Dubail de Hirsingue 1828, vie. à St. Amarin, Bergheim, Niederburnhaupt, Reiningen, Westhausen (E), curé d'Obermuespach 1869, Ensçh-B. Ï877, + le 18 août 1883. — Antoine Schmitt de Schlestadt 1824, transféré deFriessen à Enschingen depuis le 6 sept. 1883.


LE DOYENNE DU SUNDGAU 903

marie. La chapelle appartenant en dernier lieu à la commune, fut démolie en 1860, et l'ancienne demeure seigneuriale entièrement délabrée, disparut en 1830.

Kippingen est un ancien village qui se trouvait dans le ban de Brunighofen, près du moulin et du puits appelé encore le Kippingerbrunnen. On a découvert à cet endroit des débris de poterie romaine.

(A suivre) SCHICKELÉ


LES

PRÊTRES SEXAGÉNAIRES

ET INFIRMES

DU HAUT-RHIN

PENDANT LA RÉVOLUTION.

(SUITE).

II.

A Ensisheim, le nombre des ecclésiastiques reclus ne tarda pas à s'arrondir encore, surtout après le 31 Mai, qui eut son contre-coup dans les départements les plus éloignés. Aux premiers jours de mai, on amena le P. Léger Imhoff, un ancien récollet du Bischenberg, qui vivait retiré chez sa soeur à Masevaux. S'étant fait délivrer un. certificat de maladie, il avait été dispensé de se rendre à Colmar, comme l'exigeait l'arrêté du 2 Novembre 1791. Sa présence à Masevaux exaspéra très-fort le fameux Weiss, curé-citoyen de cette ville, qui ne reposa point qu'il ne fût débarrassé de cet être « opiniâtre, comme le sont, disait-il, presque tous les moines mendiants et satellites du pape. » Imnoff était affligé d'une hernie douloureuse, qui le conduisit au tombeau avant la fin de la Révolution. 1)

1) Lettre du citoyen Weiss à l'évêque du Haut-Rhin, 28 août 1792. — Dans cette lettre, le curé Weiss ne croit pas à la maladie du P. Imhoff. „Thaler, le médecin, dit-il, a certifié que le sieur Imhoff, ci devant récollet, était malade et ne pouvait aller à Colmar, tandis que je suis sûr que pour dix pots de bons vins, je lui ferais faire le chemin de Colmar à Masevaux, dix fois." Frdyhier confond à tort le P. Imhoff, ancien récollet du Bischenberg avec Joseph Jacques Imhoff, ancien chapelain du Chapitre de Masevaux et plus tard.


LES PRÊTE. SEXAG, ET INFIRM. DU H. RH. PEND. LA RÉVOL. 905

Successivement, on écroua encore, au printemps 1793, Fr. Antoine Goetzmaim, doyen de l'ancien Chapitre de Lautenbach, arrêté par la Gendarmerie de Markolsheim à Boesenbiesen, le 13 mai de cette année ; Louis Weisskopf, un frère capucin de Colmar ; Mathias Gseller ; Ignace Boll, de Rouffach, ancien récollet du Couvent de Kaysersberg ; Sébastien Spannagel, appelé le P. Dagobert, septuagénaire, criblé d'infirmités ; Jean Michel Schoff de Lutterbach, ancien capucin, en résidence au Weinbach; Antoine Charpion; Louis Petitdemange, le curé de Labaroche, dont nous avons raconté ici même les malheurs et les aventures 1 ; Antoine Richard, ancien bénédictin d'Ebersmünster, entré à Ensisheim, le 23 juin. La liste semblait close, quand, l'automne suivant, trois nouveaux noms s'y ajoutèrent : Maurice Meyer, Jacques Antoine Wolf et Joseph Mathebs, les trois anciens religieux, accablés d'infirmités et près d'atteindre leur 80me année. Maurice Meyer, en religion le frère Christophe, était un ancien frère capucin, qui vivait oublié au couvent de Blotzheim. Rudler du Département l'y dénicha et le fit transférer à Ensisheim. Son état était voisin de l'enfance.

Remy, le régisseur du Dépôt, n'était pas très-accommodant avec les malheureux vieillards confiés à sa garde. Préoccupé, d'une part, de plaire en haut lieu, il cherchait, de l'autre, à réaliser ses petits profits, ce qui ne lui réussissait pas toujours à souhait. Dès les premiers temps, il se plaint de sa dépense, dans une lettre aux citoyens administrateurs du Haut-Rhin:

,, Vous avez mis au dépôt les vieux prêtres réfractaires, vous m'avez aussi, pour pouvoir subvenir à leur entretien, fait donner une avance de 4000 livres par le citoyen Eeiset. Comme dans le commencement, il avait été dit que les détenus auraient chacun la pension comme il l'aurait eue étant libre, j'ai pris avec eux pour leur nourriture les arrangements les plus convenables. J'ai pourvu à leur nécessaire jusqu'à présent, mais ma dépense, régie par les prêtres eux-mêmes, remonte au double de la susdite recette. Les denrées sont à un prix quadruple et ces vieux gens ont bon appétit."

„Il est dit par votre arrêté qui les a constitués au Dépôt, qu'ils seront entretenus à leurs frais. Le nombre majeur n'a pas le sol."

curé de Schweighausen. Ce dernier résigna en 1788 son bénéfice de Masevaux en faveur d'un neveu, „pour soulager une mère veuve chargée d'une nombreuse famille."

1) Cf. Revue cath de l'Alsace, sept. 1897. Louis Petitdemange, un apôtre du Val d'Orbey pendant la Révolution.


90.6 LES PRÊTRES SEXAGÉNAIRES ET INFIRMES DU HAUT RHIN

„Ces gens sont de vieux prêtres ; ils sont ridicules, gourmands et friands, accoutumés là plupart à la seule momerie du Deo gratiasIls ne sentent, pas la pesanteur des denrées. Aussi m'en a-t il déjà, coûté bien des débats et des pourparlers, sans dire ce qu'il m'en coûté du mien. L'Etat ci-joint, dressé par eux-mêmes, vous le démontrera. ..."

„Ayez, citoyens, cet objet devant vous, et mettez moi à même de me débarrasser de la nourriture de ces gens qui me tombe à perte. A chacun le sien. Je n'entends rien crapuler sur eux, et par contre, je n'ai pas de sacrifice à leur faire. Un pour l'amour de Dieu, un Deo gratias ou un Je prierai pour vous ne sauraient me tenir quitte."

„Je suis toujours enclin au bien et prêt à tout pour soutenir et faire exécuter une stricte consigne sur eux. Je ne crois pas que votre intention soit de me nuire; j'attends donc un secours de fonds proportionnés et bientôt votre décision réglant leurs traitements, et d'après cela je pourrai avancer à pas déterminés. — Salut et fraternité. — Le régisseur du Dépôt. Remy."

A travers ces lignes, on sent si bien percer la haine du Jacobin acharné à la perte de ses victimes. Pour échapper à un tel Cerbère, l'un des reclus, J. Jacques Boll, ex-jésuite, usant, du privilège que lui accordait la loi, demanda à être déporté, dès les premiers temps de son entrée au Dépôt. Sa requête fut accueillie sans difficulté. Considérant que « ce n'est qu'en éloignant les prêtres réfractaires » qu'on était parvenu « à arrêter les semences de révolte et de fanatisme qu'ils semaient dans l'étendue de la République », qu'en outre « les prêtres sexagénaires réunis dans une maison commune » avaient encore « trouvé les moyens de répandre autour d'eux les principes superstitieux auxquels ils sont inviolablement attachés », que d'ailleurs l'éloignement de ces prêtres ne pouvait « qu'être très-utile à la tranquillité de l'Etat », pour toutes ces causes, le Directoire du Département, autorisa l'abbé Boll à sortir de la commune d'Ensisheim et du territoire de la République, dans les 48 heures... avec un passe-port de la municipalité, â viser également par la municipalité frontière du pays où il se retirerait.

Cet ancien Jésuite avait, peut-être, assez de fortune pour se payer le luxe de vivre à l'étranger. Il n'en fut pas de même de ses compagnons d'infortune, dont le nombre majeur n'avait pas le sol. Sur 44 reclus portés sur un Etat du 20 frimaire de l'an II, il n'y en a pas moins de 32 avec cette mention : n'apoint de revenus. L'un ou l'autre y figure avec 100 livres, quelques-uns sont taxés au-dessous de ce chiffre, à 52 et à 20 livres. Rien que deux, Jean Michel Frey, ancien chapelain de Murbach


PENDANT LA RÉVOLUTION 907

et le curé de Soppe-le-Bas, J. Jacques Dietrich, accusent unerente annuelle de 400 livres. Quant à l'abbé Sermonet, exjésuite et professeur de théologie au Collége de Colmar, il avaitdonné à l'hôpital de cette ville une somme de 10 000 livres sansintérêts, et n'avait touché encore qu'un à compte de 600 livres. Par suite de cette générosité, il se vit réduit comme les autres^ à la modique pension de 400 livres, octroyée par le Gouvernement, à ceux qui ne jouissaient d'aucun revenu. Avec une somme aussi dérisoire, suffisant à peine au plus strict nécessaire, les malheureux vieillards, infirmes la plupart, étaient vouésaux plus dures privations, avant même qu'on ne les reléguât à l'intérieur de la République, au milieu d'une population hostile, loin de leurs parents, de leurs amis et connaissances.

Sous la Terreur, la situation des reclus ne lit que s'aggraver de jour en jour. Renry, le régisseur du Dépôt, n'y trouvant plus son compte, chercha à se débarrasser des pensionnaires confiés à sa garde, surtout depuis que le Département du BasRhin avait, de son côté, pris le parti d'éloigner les « bouchesinutiles » en les expédiant à Besançon. La guerre ayant, d'ailleurs, éclaté, les esprits, surexcités à l'excès, ne voyaient partout que des espions et des traîtres à la nation. Il va sans direque les prêtres réfractaires comptaient parmi les pires ennemis de la République; il fallait à tout prix éloigner cette « racemaudite», prête à toutes les trahisons. Pour atteindre son but et conjurer le danger, Remy, le régisseur, déféra la cause au Directoire du Département, par la lettre suivante datée du 18 octobre 1793 :

,,Les nouvelles fâcheuses que l'on débite ici relativement à notreposte sur les lignes de Wissembourg, m'ont fait penser, citoyens, qu'il ne serait pas indifférent de prendre des mesures au sujet desprêtres détenus au Dépôt. Le Directoire du Bas-Rhin a déjà senti la nécessité d'éloigner de Strasbourg cette maudite race, puisque, à ce qu'on m'assure, il les fait conduire à Besançon."

,,Nous sommes dans un département frontière et dans lequel lefanatisme n'est pas encore déraciné. Si malheureusement l'ennemi tentait un coup sur nos limites, comment garderais-je moi seul au Dépôt cette bande de 41 Jeanfou ... ?"

„Citoyens, je ne veux point m'étendre davantage; le temps, les circonstances, le pays et les esprits doivent vous être connus. Aussi j'espère que vous prendrez, le cas échéant, un parti pour lequel jeme rapporte à vous. En tous les cas, je ferai mon devoir; ces gueux de prêtres ne peuvent guère, mais toujours méfiez-vous en Salut et fraternité. Remy."


508 LES PRÊTRES SEXAGÉNAIRES ET INFIRMES DU HAUT RHIN

Qu'un tel concierge, aux sentiments si élevés, exprimés dans un style si fleuri, ait fait largement « son devoir », on le croira sans peine. Ses voeux, d'ailleurs, ne tardèrent pas à être comblés. En plein hiver, la commission départementale révolutionnaire arrêta de faire déporter à Chaumont les prêtres reclus à Ensisheim, à l'exception des plus infirmes, incapables de supporter les fatigues du transport.

III.

Au fort de la Terreur, un convoi d'ecclésiastiques, traînés de prison en prison, était en butte, sur tout le parcours, aux insultes et aux outrages de la populace : « Pour moi, dit l'une de ces victimes, j'étais tellement fait aux imprécations, aux menaces, aux vociférations outrageantes que je n'en étais pas plus ému que du bruit importun d'un moulin ou d'une usine bruyante. Quelquefois, en traversant les rues des villes, je me redressais sur mon char pour considérer à mon aise les mouvements violents que la fureur excitait dans les individus de la populace qui s'attroupait, voltigeait et tempêtait tout autour de nous comme un essaim de guêpes en colère. C'était pour moi une chose curieuse de voir, dans les ateliers ouverts sur notre passage, les ouvriers jeter loin d'eux leurs outils, s'élancer dans la rue comme la foudre, trépigner, bondir sur le pavé, se tordre les bras, arrondir leurs yeux enflammés et prêts à sortir de la tête, ayant le visage blême et tiraillé en tous sens, les lèvres ■enflées et grimaçantes et souvent écumeuses, la langue ne pouvant suffire à vomir tout ce qu'ils avaient à dire de grossier à des gens qu'ils n'avaient jamais vus ni connus. »1) On sait, par le récit de l'un d'eux, ce que les prêtres sexagénaires du BasRhin, en route pour Besançon, endurèrent d'avanies et de souffrances. 2) Leurs confrères du Haut-Rhin, n'auront sans doute pas été mieux partagés.

Au départ d'Ensisheim, 32 reclus furent jugés capables d'entreprendre le voyage de Chaumont. Dans le courant de l'automne, la mort avait enlevé deux de leurs compagnons d'in1)

d'in1) Masson, directeur du séminaire de S. Claude de Toul. Manuel d'éducation, T. III, 277-78.

2) ,V. Revue cath. d'Alsace, sept, et oct. 1894. Les prêtres sexagénaires du Bas-Rhin.


PENDANT LA RÉVOLUTION 909

fortune, F. Antoine Holder de Merxheim, décédé en réclusion le 30 septembre 1793 et Mathieu Jehl de Grussenheim, ancien capucin, qui acheva sa carrière terrestre le 8 octobre suivant,. à l'âge de 81 ans. Hélas ! la mort ne tarda pas à moisonner de nouvelles victimes dans leurs rangs. Déjà à Belfort, l'abbé Sermonet, ancien professeur de théologie au Collége de Colmar, se vit hors d'état de continuer sa route. Interné à l'hôpital des Poules, il y. mourut peu après, plein de jours et de mérites,, dans la 78me année de son âge. 1) A Chaumont même, ce fut le tour du P. Project Meyer de Heimsbrunn, et de l'ancien curé de Soppe-le-Bas, Jean Jacques Dietrich de Strasbourg. La famille de ce dernier ayant réclamé sa succession, au mois de nivose de l'an III, l'administration du Département répondit en citant la loi du 22 ventôse, an II, qui déclarait « acquis à la République, les biens des ecclésiastiques séculiers et réguliers, vieillards et infirmes, et reclus. »

Outre les noms que nous venons de citer, y eut-il d'autres victimes parmi les prêtres du Haut-Rhin, reclus à Chaumont ? Tout porte à le croire. Le P. Yves Gayot, capucin de Brisach, et un nommé Mathias Gseller, qui figurent sur les états d'Ensisheim, la veille de la déportation, ne se retrouvent plus sur les dernières listes de présence du chef-lieu de la Haute-Marne.. D'autres succombèrent, à peine rentrés dans leurs foyers, comme ce malheureux Nicolas Kreyenrieth de Guebwiller, ancien bénédictin d'Ebersmünster. Mis en liberté, le 2 ventôse de l'an III, par arrêté du Comité de sûreté générale, il mourut à Guebwiller peu de semaines plus tard, dans le courant de Germinal de cette même année.

Peu s'en fallut que l'abbé Imhoff de Masevaux, ne laissât également la vie à Chaumont. Malade à trois reprises, dans l'espace d'une demi-année, il s'était trouvé chaque fois à deux doigts de la mort, comme il nous l'apprend lui-même, dans une requête, adressée le 2 juin 1794, à l'administration département tale du Haut-Rhin. Au mois de mai, le bruit avait couru que les prêtres sexagénaires de l'Alsace seraient tous rapatriés, avant trois semaines, mais que l'on déporterait aux îles ceux d'entre les reclus qui n'avaient pas cet âge. N'ayant pas soixante ans, Léger Imhoff, redoutait d'être compris dans cette

1) Cf. Hist. de la vie de Félix Pierron, chan. curé de Belf., p. 31. — Un portrait de l'abbé Sermonet est conservé dans une famille de bambach, près Barr.


910 LES PRÊTRES SEXAGÉNAIRES ET INFIRMES DE HAUT-RHIN

dernière catégorie. Du couvent des Ursulines, où il était interné, il demanda, par conséquent, à être assimilé, en qualité d'infirme, à ses confrères plus âgés, dont il avait partagé le sort depuis le commencement de la Révolution. «A Chaumont, dit-il, je n'ai pas vécu un instant en bonne santé. La hernie dont je souffre m'a fait passer ici par trois crises mortelles et d'un moment à l'autre, je risque de mourir de mort subite. N'ayant plus que peu de temps à vivre, j'espère bien que l'on me dispensera de la déportation et que l'on me fera reconduire avec mes confrères dans le Haut-Rhin, si tant est que je supporte les fatigues du voyage.. . Faites-moi reconduire, car je suis sans ressources, hors d'état de payer une voiture et de m'entretenir à mes frais, n'ayant plus touché un liard de ma pension depuis le 1 octobre 1791. A Chaumont, où tout est si cher, ma dette s'élève à plus de 500 livres.. . » Sa prière ne fut pas exaucée de si tôt; il attendit de longs mois encore, avec ses confrères haut-rhinois, le moment de rentrer au pays. Le P. Imhoff mourut en réclusion à Ensisheim, le 17 prairial de l'an VII (5 juin 1799). C'est dire assez qu'il épuisa jusqu'à la lie le calice d'amertume.

IV.

Les plus malheureux de tous, ce furent les pauvres invalides restés à Ensisheim, après le départ de leurs confrères pour Ohaumont. Être criblé d'infirmités qui exigeraient les soins les plus délicats et les plus assidus, et se voir retenu, des mois et des années, en réclusion, livré aux brutalités d'un geôlier, quelle vie, quelle interminable supplice ! Pour avoir une idée du martyre de ces vénérables vieillards, jetons les yeux sur un Etat des prêtres insermentés, détenus au Dépôt d'Ensisheim, au mois de ventôse de l'an II, « avec les observations des médecins et chirurgiens». On concevra sans peine qu'il ait fallu les dispenser du voyage de Chaumont.

1. André Müller, 76 ans, curé de Pfaffenheim. — Perclus depuis

15 ans des bras et des pieds.

2. François Weber, 77 ans, capucin. — Perclus du bras et pied

gauche, affecté d'une hernie scrotale.

3. Fr. Antoine Reichstetter, 62 ans, curé de Feldkirch. — Fou.

4. Jean Melchior Rominger, 73 ans, Capucin. — Rempli d'infirmités, affecté de fréquentes diarrhées.


PENDANT LA RÉVOLUTION 911

5. Joseph Gebhard, 66 ans, capucin. — Sort de maladie. 6. Joseph Mathebs, 76 ans, capucin. — Depuis longtemps asthmatique.

7. Auctor Wolff, 77 ans, bénédictin. — Paralytique.

8. Dagobert Spannagel, 74 ans, récollet. — Faible, affecté fréquemment

fréquemment diarrhées, a des rhumatismes douloureux et vagaes.

9. Maurice Meyer, 78 ans, frère capucin. — Absolument affaibli.

Quelques mois plus tard, à la chute de Robespierre, ces malheureux languissaient toujours à Ensisheim. Mais le Dépôt ayant été converti en hôpital militaire, on les réintégra au Collège de Colmar, où ils entrèrent le 16 Thermidor (3 août 1794), pour y passer encore près d'une année. Ce n'est qu'au printemps de l'année suivante que la persécution se relâcha momentanément, ce qui leur valut de rentrer « provisoirement » dans leurs familles. Encore n'arrivèrent-ils à se libérer, qu'à force de démarches répétées, à coup de requêtes aux représentants du peuple, aux comités de surveillance et aux autorités administratives.

Dès le mois de Février 1795, la famille du P. Dagobert Spannagel s'interposa auprès du représentant Bailli, de passage dans le Haut-Rhin, pour obtenir sa mise en liberté, " aux offres de le ramener dans le lieu de sa réclusion aussitôt que sa santé le permettrait, ou qu'ils en seraient requis, comme aussi de répondre de sa personne et de sa conduite. » Les infirmités dont il est chargé, disait la requête, » rendent sa réclusion absolument odieuse et insupportable ». Appelé à donner son avis, le Comité révolutionnaire estima que la détention de Spanhagel pouvait, sans danger pour la République, « être changée en état d'arrestation domiciliaire. » Mais Bailli quitta le pays avant d'avoir réglé l'affaire.

Sur ces entrefaites, les reclus de Chaumont furent mis en 'liberté, par ordre du Comité de sûreté générale de la Convention nationale. Aussitôt leurs confrères, détenus au Collège, se -sentirent renaître à l'espérance et multiplièrent à nouveau leurs démarches auprès des autorités. Cette fois, les parents de Spannagel s'adressèrent aux « citoyens administrateurs composant le Directoire du District de Colmar. »

Exposent la veuve de Valentin Spannagel, Antoine Spannagel, Laurent Schoeffer et Joseph Biedermann, tous deux de Kathenthal


912 LES PRÊTRES SEXAGÉNAIRES ET INFIRMES DU HAUT-RHIN

que Sébastien, dit Dagobert Spannagel, leur beau-frère et oncle, respectif, ex-récollet, reclus au ci-devant collège de cette commune de Colmar, gémit depuis le 26 août 1792 dans une dure captivité, accablé de maux dont 75 ans et les infirmités qui accompagnent cet âge sont les moindres, exposé aux douleurs et aux infirmités, suited'une opération sanglante et meurtrière qu'il a subie, il y a quel-- ques années, et qui ne lui a plus laissé que les restes d'une vie languissante et malheureuse, enfin privé des soins les plus nécessairesque l'humanité ne refuse pas aux plus coupables."

„Ses infirmités trop réelles lui ont déjà valu la funeste distinction de n'être pas importé avec ses autres compagnons d'infortune, et sont encore constatées par un certificat de médecin."

„Les pétitionnaires, ses parents, offrent de le recueillir chez eux, de l'entretenir et de lui donner les secours et les soins dont il a besoin pour soulager la triste carrière qu'il a' encore à parcourir, et pour remplir un devoir que la nature impose et que l'humanité ordonne."

„Déjà, citoyen, vous le savez, les compagnons di'infortune de l'individu pour lequel les pétitionnaires cherchent à intéresser votre justice et votre sensibilité, jouissent de leur liberté par l'effet de la bienfaisance nationale, et ils n'avaient pas aussi besoin que lui de rentrer dans le sein de leur famille, pour y réfugier une vie que les tourments et l'infortune sont prêts à lui ravir. Sera-t-il dit que parce qu'il est plus malheureux, il ne jouira pas des mêmes bienfaits, que parce que ses infirmités l'ont mis hors d'état de les accompagner dans le voyage qu'ils ont fait, il ne partagera pas le bienheureux sort qui vient de leur être fait ? Enfin sera-t-il dit que parce que les besoins, la justice et l'humanité commandent sa liberté plus impérieurement que la leur, il ne l'obtiendra pas ? Non, citoyens, cette affligeante idée répugne à vos coeurs et à vos principes, et si vous lui rendez la liberté, comme il a lieu de l'espérer, nonseulement vous remplirez le voeu des législateurs de la France, vous ne compromettrez pas votre autorité, puisqu'elle sera d'accord avec la justice et les principes, mais vous servirez la patrie et l'humanité."

„Veuillez donc, citoyens, autoriser le dit Dagobert Spannagel à se retirer chez les pétitionnaires dans la commune de Katzenthal, ordonnez, si vous le jugez nécessaire qu'il y sera sous la surveillance de la Municipalité, mais ne souffrez pas qu'il supporte plus longtemps, avec le poids de ses infirmités, 'celui des fers. — Lorentz. Schoeffer, Antoni Sehseffer, Antoni Spannagel, A. Maria Adam."

Faisant droit à cette requête, le Directoire du District, dans sa séance du 17 Germinal, an III (7 avril 1795), rendit « provisoirement » le P. Dagobert à la liberté, « avec permission, de se retirer dans la commune de Katzenthal » pour y être « sous la surveillance spéciale de la Municipalité. » Cette même semaine, qui était la semaine de Pâques, on libéra encore Joseph Weber, relégué à Landser et Joseph Gebhard qui se retira chez


PENDANT LA RÉVOLUTION 913

Joseph Richert de Colmar, pour soigner sa santé. » Un capucin septuagénaire d'Orschwihr, Jean Melchior Rominger avait, déjà quitté le Collège quelques jours auparavant. Quant à André Müller, l'ancien curé de Pfaffenheim il avait obtenu, l'automne précédent, par l'entremise de Foussedoire, d'être reclus dans la maison d'arrêt de Rouffach, pour être plus à proximité de sa nièce qui restait dans cette ville. 1)

Hélas ! la persécution était loin de toucher à sa fin. Après quelques semaines de répit, elle reprit de plus belle et se prolongea, presque sans interruption, jusqu'au 18 brumaire. Reclus à nouveau, les prêtres sexagénaires et infirmes avaient beau appeler de tous leurs voeux l'heure de la délivrance. Elle fut si lente à venir !

1) André Müllier fut quelque temps en réclusion au château de Bollwiller converti en dépôt de mendicité. — Anctor Wolff, Joseph Hathebs et Maurice Meyer ne figurent plus sur aucune liste postérieure à 1794. Près d'être octogénaires, les trois, ils ne virent sans doute pas la fin de la Révolution.

(La fin prochainement) I. BEUCHOT.

Revue, Décembre, 1898

58


RACES LATINES

ET

RACES DU NORD.

(FIN)

XIII.

Mais si cette grandeur, préparée par le catholicisme et à laquelle le protestantisme n'a guère contribué que par sa faiblesse religieuse et politique, en exigeant des contreforts et en empêchant les excès, si cette grandeur est réelle, il faut avouer qu'elle est singulièrement incomplète, précisément parce que le catholicisme n'est plus là. D'une part, elle manque des vertus délicates, ou charmantes, ou sublimes, que le catholicisme lui aurait données ; de l'autre, elle est déshonorée par des vices pour la guérison desquels le catholicisme possède des remèdes autrement efficaces. Et, d'abord, croit-on que le catholicisme, quiest tout amour, n'aurait pas fini par atténuer au moins cette raideur prussienne, cette sécheresse genevoise, est égoïsme anglais, tellement éclatants qu'ils ont passé en proverbe? Croiton qu'il n'aurait rien pu contre l'insupportable et odieuse arrogance de la diplomatie anglaise vis-à-vis des faibles, contre la conception bismarckienne du droit, contre le honteux matérialisme d'une grande fraction du peuple américain ? Et, au contraire, serait-ce beaucoup s'avancer de prétendre que le protestantisme, au lieu de combattre ces tristes défauts, les a flattés, fortifiés et agrandis?


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Que dire de la prospérité industrielle, et commerciale? Il ne faut pas nier que le protestantisme ait contribué à cette grandeur matérielle; mais ici encore par ses défauts. En diminuant -les horizons célestes, il a augmenté les préoccupations terrestres; d'autre part, en supprimant toutes les ressources de la charité, il a obligé les individus à compter davantage sur eux-mêmes. Cela est incontestable. Mais combien cher il a payé de tels progrès ! Pour faire face à des besoins qui grandissaient tous les jours, il a fait créer ce qu'on a si tristement nommé « les nègres de l'industrie. » A l'homme artiste, du moins à l'homme ouvrier, il a fallu substituer l'homme machine. C'est pitié de le voir, n'ayant besoin dans son travail ni de force ni d'adresse, étant là seulement pour surveiller cet ouvrier de fer, avançant avec lui, reculant avec lui ; simple aide des machines, et machine lui-même. Il sort de là, éteint, étiolé, la face blème, les muscles raidis. Tel est ce genre d'ouvrage, que tout ce qui n'a pas de métier, tout ce qui ne sait rien faire, vient s'offrir aux manufactures pour servir les machines.

Plus il en venait, plus le salaire baissait et plus la masse était misérable. Et, un jour qu'il n'y en avait pas assez, Pitt a dit un mot terrible : «Prenez les enfants ». Ce mot pèse lourdement sur l'Angleterre, comme une malédiction. Depuis ce temps, la race y baisse; ce peuple, jadis athlétique, s'énerve et s'affaiblit. Qu'est devenu cette fleur de teint et de fraîcheur qui faisait tant admirer la jeunesse anglaise? . . . Fanée, flétrie. . . . On a cru M. Pitt, on a pris les enfants. 1) Nous voilà bien loin de l'époque même où S. Grégoire le Grand, passant sur le forum, vit de jeunes esclaves mis en vente, et où louché de la beauté de leur visage, de la pureté de leur teint et de la douceur de leur physionomie, il s'informa de leur religion et de leur patrie. Répliquerait-il encore au marchaud qui lui donna la réponse : Non Angli, sed Angeli ... ?

Tout cela n'est point exagéré. Pour tout voyageur attentif, le caractère Anglais est fortement tranché; l'anglais se distingue surtout par l'audace de ses entreprises, par une persévérance qui tient de l'opiniâtreté, mais aussi par un égoïsme absolu, tel qu'il fléchit à peine devant les intérêts généraux du pays, à moins que ces intérêts ne se rattachent aux calculs mercantiles de là population ; sa présomption est sans bornes, son orgueil

1) Michelet, le Peuple, 3e édit. p. 91.


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sans limite ; sa morgue est passée en proverbe : on dit lac morgue britannique, comme on dit le sel attique ; son intolérance est au-dessus de toute expression. Voués de corps et d'âme aux intérêts matériels, les Anglais ont toujours un calcul et un chiffre derrière une inspiration, si noble, si grande qu'elle soit en apparence; pour eux, le monde n'est qu'une vaste proie qu'il s'agit d'exploiter, c'est un vaste bazar dont ils sont les marchands. Auri sacra fames, telle est la devise que ce peupledevrait inscrire aux portes de ses villes et sur le seuil de ses habitations. Les basses classes se distinguent par un abrutissement dont on n'a pas l'idée : livrés dès l'enfance à tous les excès de l'ivrognerie, les gens du peuple portent dans toute leur conduite un esprit de rudesse, de brusquerie et de querelle, qui renouvelle trop souvent ces luttes au pugilat dont on connaît l'hitoire. Rarement une fête se passe sans ce sanglant exercice et sans quelque événement funeste. Les grands seigneurs eux-mêmes, — car l'Angleterre dans son culte, du veau d'or, a conservé ses grands seigneurs, source de toutes les richesses,

— et jusqu'aux lords prennent parfois part à ces combats des rues, à ces querelles de crocheteurs. Car telle est l'Angleterre,

— et tous ceux qui ont visité le pays ne trouveront pas que j'exagère — : on peut dire que là tous les extrêmes se touchent, et que pourtant ils restent distincts ; sorte de mosaïque grossière qui, de loin, présente un ensemble assez harmonieux, mais où l'on découvre, de près, mille compartiments heurtés et divergents que le moindre choc peut faire voler en éclats. Comme on sent que le catholicisme, avec ses divines influences, a disparu de ces couches !

Du moins, si ce renouvellement de l'esclavage antique procurait du bonheur aux riches et du pain aux pauvres. Mais non. Les riches regorgent d'or et meurent d'ennui. L'affreux spleen les ronge. Les pauvres deviennent des multitudes et meurent de faim. Ou frémit, quand on parcourt la riche Angleterre et qu'on voit la foule immense, hideuse, odieuse et implacable de ses pauvres. Un sur huit habitants; d'autres disent un sur quatre! Et quels pauvres! Tombés dans une sorte de torpeur inerte, qui est le dernier degré de l'abaissement. La police lessaisit, les entasse dans les works-houses, espèces de dépôts infects, mal aérés, où l'étranger contemple avec épouvante des milliers d'êtres avilis, flétris avant l'âge par la misère et la débauche, qui ignorent s'il y a un Dieu, une éternité, et qui, dans


ET RACES DU NORD 917

ce fond de dégradation, plus voisins de la brute que de l'homme, ne savent pas même maudire, et sont devenus incapables de se révolter.

Les observateurs s'indignent : « Ne peut-on, disent-ils, filer et tisser le coton, la, laine, la soie, par grandes masses et à bon marché, qu'au prix de cette effroyable série d'horreurs, qui sont la destruction de la famille, l'esclavage, la décrépitude et la démoralisation des enfants, l'ivrognerie des hommes, la prostitution des femmes, la décadence universelle de la moralité et de la vie ? 1)

Le spectacle que présentent les Etats-Unis est un peu différent, quoique bien de ces traits s'y retrouvent. " Mais qui peindra l'abaissement où ce peuple est tombé? ... Le dieu dollar

y règne en maître sur toutes les classes de la société Les

Américains ne demandent pas si une personne est honnête, mais si elle est habile (sachant gagner de l'argent). Dans ce but, ils brûlent la vie. Le sentiment est éteint en eux ; il n'y a de place que pour la sensation. La justice est vénale, et la corruption des juges s'étale quelquefois en plein jour. La charité n'existe pas. Rien de plus commun que de trouver le matin, dans les rues, plusieurs infortunés morts de faim. Et ces avortements innombrables, pratiqués insolemment par des proxénètes millionnaires ; et ce mépris de la vie des autres, au point que deux capitaines de steamers n'hésiteront pas à sacrifier cent ou deux cents passagers pour distancer le navire rival. Au lieu de s'indigner, l'opinion publique s'en occupe à peine.» 2) Voilà bien des vices, et il y en a d'autres, où la main maternelle de l'Eglise n'aurait pas été inutile.

On pourrait énumérer ici d'autres symptômes de décomposition, s'étendant à d'autres pays encore; ce serait trop long. On le voit, sous le rapport de la vraie civilisation, les nations catholiques n'ont rien à envier à l'Angleterre et aux Etats-Unis ; et, si les races anglo-saxonnes semblent en ce moment les dominer au point de vue politique, elles les laissent derrière elles au point de vue de la vraie civilisation.

Osons dire toute notre pensée.

Nous comprenons le doute de certains esprits qui se demaa1)

demaa1) Faucher, Etudes sur l'Angleterre, t. T, p. 381. 2) Moigno, Splendeurs de la foi, t. IV, p. 698.


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dent si ces. nations, fussent-elles demeurées catholiques, auraient égalé les races latines.

Nous ne voulons pas trancher une question aussi difficile,, mais il nous, sera bien permis de rappeler que la supériorité militaire, le nombre de la population, la prospérité industrielle et commerciale ne sont pas, par eux-mêmes, la civilisation ni la. grandeur. Il y faut d'autres éléments.,

Il n'y a de vraiment civilisateur que l'art, avec lequel on charme le monde, les idées par lesquelles on l'élève, et la religion avec laquelle on Je sanctifie. La force a pu dompter le monde; elle ne put ni l'élever, ni le moraliser, ni le charmer. Or, dompter le monde, ce n'est rien. Un porte-faix aurait dompté Virgile et renversé Homère.

Or, aucun peuple n'a possédé au même degré que les raceslatines le prosélytisme de l'art, des idées, de la religion, le don de propager la lumière. La langue anglaise est certainement de toutes les langues européennes celle qui est parlée par le plus grand nombre d'hommes en dehors de l'Europe, et pourtant ce n'est pas l'anglais qui est la langue universelle. C'est au contraire une laugue romane qui est depuis trois siècles, le lien commun des intelligences entre les hommes de tous les pays que rapprochent les mêmes goûts, les mêmes jouissances de l'esprit, les mêmes opinions ; entre les gouvernements dans leursrelations perpétuelles de commerce, de paix et de guerre. Cette puissance, cette monarchie de la langue française, comme s'exprime le comté de Maistre, tient à une supériorité incontestable.. Nulle langue moderne n'est plus fixe dans ses principes, plus régulière dans sa marche. Elle est nette et précise, brillante quand il le faut, toujours vive et naturelle. Elle sait unir la pureté, la grâce attique à la majesté romaine ; elle a surtout en partage une justesse, une clarté, une simplicité, une franchise qui la rendent également propre à l'éloquence et aux affaires, aux sciences et au commerce intime de la vie. C'est par les charmes de son heureux langage, « clair comme le soleil et fécond comme lui, » que la France a conquis son ascendant intellectuel sur le monde des esprits.

XIV.

Que faudrait-il d'ailleurs pour que les races catholiques reprennent leur rang dans le monde? Qu'elles sortent victo-


ET RACES DU NORD 919

rieuses de la crise ; qu'elles rejettent le poison qui les dévore ; qu'elles reviennent à l'Eglise immortelle et invincible: que, sous sa maternelle conduite, elles rétablissent, sur leurs fondements ébranlés l'autorité politique, l'autorité civile et l'autorité domestique ; que, répudiant des erreurs funestes, elles remettent Dieu au sommet de leurs lois et de leurs constitutions. Alors, elles retrouveront leurs forces, et on verra renaître, sous leur direction, l'élan universel de la vraie civilisation. Comme JésusChrist, l'Eglise, son épouse, et les Nations catholiques, ses enfants, ont leurs Vendredis Saints et leurs Pâques glorieuses. Gomme lui, elles ressuscitent le troisième jour. Mais ici, les jours sont des siècles. Voyez l'Eglise. Sa vie se partage en périodes trois fois séculaires, toujours couronnées par d'éclatantes victoires. Après les persécutions, l'avènement de Constantin ; après l'ère des hérésies, le pontificat, de Grégoire le Grand ; après les formidables invasions des Barbares et du Mahométisme, le règne de Charlemagne ; après une sombre période d'ignorance et de force brutale, saint Louis et saint Thomas d'Aquin ; après les ruptures et les désordres du grand schisme d'Occident, le siècle de Léon X et le Concile de Trente. A chacune de ces époques, l'Eglise s'est montrée dans la vigueur et l'éclat d'une nouvelle jeunesse. Sans doute, pendant les jours de l'épreuve, on avait creusé la tombe de l'Epouse du Christ et préparé ses funérailles; mais au moment où ses ennemis étaient dans la joie, ses amis dans le deuil, l'Ange de la résurrection lui apportait un message de vie et d'immortalité. Il en est ainsi des peuples, s'ils veulent rester fidèles à leur vocation providentielle.

Mais, d'autre part, que faudrait-il pour qu'à cet élan se joigne une renaissance superbe et une extension nouvelle de l'Eglise? Que les branches des races anglo-saxonnes et germaniques, qui se sont séparées du tronc, reviennent à la foi. Alors, elles retrouveraient, elles aussi, avec l'accroissement de leurs magnifiques qualités, avec l'atténuation et la diminution de leurs défauts, le rôle que Dieu leur a réservé dans le développement historique de son Eglise, qu'elles ont admirablement rempli pendant des siècles, et qui nous manque si cruellement aujourd'hui.

Toutes les grandes races ont une mission providentielle. Dieu s'est servi des races latines pour développer l'autorité de l'Eglise, ses traditions divines et ecclésiastiques, ses dévotions,


920 RACES LATINES

son culte, et, en général, toute sa beauté extérieure. Disciplinées par le génie romain, habituées à l'autorité, à la hiérarchie, douées d'une âme tendre et profonde, ces races étaient merveilleusement propres à fournir à l'Eglise les éléments humains dont elle avait besoin pour ce travail. Il a duré près de dixhuit cents ans, du Concile de Nicée à celui de Trente, et du Concile dé Trente à celui du Vatican.

Dieu semble vouloir se servir maintenant des races anglosaxonnes et germaniques pour répandre et propager partout son Eglise. C'est leur mission antique et providentielle. Elles l'ont déjà remplie merveilleusement autrefois; elles vont la reprendre. Tout est prêt. D'une part, il faut que l'Eglise franchisse ses limites; elle ne peut demeurer éternellement à la même place, elle s'y étiolerait. D'autre part, les races anglo-saxonnes et germaniques envahissent le inonde. Les voilà maîtresses partout, en Amérique, en Australie, en Océanie, sur tous les rivages de l'extrême Orient. Si loin qu'aborde un Européen, c'est en anglais qu'il est salué. Les Allemands marchent rapidement sur leurs traces. Seulement ils se fondent facilement au milieu des populations anglo-saxonnes et se laissent absorber par elles; en sorte que ces dernières sont en train de devenir seules maîtresses.

Ce qui se passe aujourd'hui ressemble à ce qu'on vit sous Auguste un peu avant la naissance de Jésus-Christ. Les Anglosaxons, comme autrefois les Romains, prennent silencieusement position pour une mission qu'ils ignorent encore. Et pendant qu'ils se répandent ainsi, voilà que Dieu commence par leur ouvrir les yeux. Le voile qui leur cachait la divine beauté de l'Eglise se soulève peu à peu. Ils commencent à voir que tout n'est pas autorité humaine, hiérarchie artificielle, cérémonies, pompes extérieures dans l'Eglise romaine ; qu'il y a un fond et un suc divin qui vient de l'antiquité et qui alimente les âmes. Ceci compris, les conversions iront vite.

Un brillant et profond observateur se demande combien de temps sera nécessaire pour porter jusqu'aux extrémités de l'Orient la grandeur et la toute-puissance anglo-saxonne. Il répond que deux siècles sont à peine nécessaires pour arriver à ce résultat. 1) En faudra-t- il autant pour que la race anglo-saxonne redevienne catholique? Soit que l'Angleterre se convertisse en

1) Prévost-Paradol, La France nouvelle, liv. III, chap. III.


ET RACES DU NORD 921

masse, officiellement, et que la mère-patrie donne le branle à toute le reste; soit qu'elle ne revienne à la foi que lentement, par une infiltration secrète du catholicisme à travers les masses, serait-ce bien se hasarder de penser que ce travail sera fini avant deux siècles? Or, supposez qu'au moment où les races saxonnes arriveront à dominer tout l'Orient, elles retrouvent la foi ; voyez-vous les conséquences ? Avec qu'elle rapidité l'Eglise sortirait de l'épreuve qu'elle traverse aujourd'hui ! Comme elle rayonnerait ! La face du monde serait changée. Si, à ce moment, les races latines ont rejeté le poison délétère, l'illumination générale en sera accélérée sinon, elle sera un peu retardée. Si l'Eglise devait perdre la France, l'Italie et l'Espagne, comme elle pleura autrefois sur l'Afrique, elle s'élancerait néanmoins à de nouvelles destinées ! La Providence a ses secrets, comme elle a son plan. Dieu a voulu que, même dans les pays où le schisme et l'hérésie ont le plus prévalu, il restât, non seulement des groupes de catholiques, des débris isolés et individuels, mais des peuples entiers, que l'immense défection environnante ne put entraîner, et qui conservassent, au milieu de la nation hérétique, un inextinguible foyer de vie catholique. Ainsi, dans cette grande et puissante Angleterre, à côté d'elle, depuis trois siècles, il y a l'Irlande, l'Irlande persécutée, affamée, et toujours debout, gardant, au milieu des splendeurs de la dominalion anglo-saxonne, cette foi et celte pureté de moeurs que la plus sanglante et la plus implacable des persécutions n'a pu ni contester, ni entamer, ni détruire.

Ainsi en est-il de l'Allemagne. En vain certains politiques ont-ils voulu fonder un Etat exclusivement protestant; ils ont introduit dans leur empire à l'extrémité orientale, les héroïques populations de la Silésie, et à l'extrémité occidentale, celles non moins admirable de la Westphalie et des duchés du Rhin, qui ont opposé à tous ses efforts des coeurs catholiques aussi grands que l'épreuve. Depuis, l'empereur Guillaume I et le prince de Bismarck ont repris ce rêve en l'agrandissant; il a fallu faire entrer la Bavière dans leurs combinaisons. Dieu l'a voulu ainsi, afin d'attacher aux flancs du nouvel empire trois grandes nations catholiques, qui ne lui permissent pas d'agir comme une nation exclusivement protestante. Le prince de Bismarck redoutait cette secrète influence du Catholicisme. Dans l'entrevue de Gastein, il dit à Crispi, qui rapporte la conversation dans le « Mattino » de Naples : « Oui, certes, nous pouvions annexer


922 RACES LATINES

quelques provinces autrichiennes ; mais c'eût été une faute : nous avons bien assez de catholiques et nous nous garderons d'en augmenter le nombre. »

Mais cette influence existe et le secret travail porte ses fruits.. Le Cardinal Gibbons évalue à 30000 le nombre des conversions au catholicisme qui se produisent chaque année aux Etais Unis d'Amérique.

M. Brunetière, dans la remarquable étude que publie la Revue des Deux-Mondes sous le titre Le Catholicisme aux Etats— Unis, recherche les causes de ce mouvement. Nous y renvoyons le lecteur.

Ce mouvement de retour est commencé, et en d'autres pays encore il est considérable. En Angleterre et en Ecosse, il n'y avait que soixante mille catholiques au commencement de ce siècle. En 1821, il y avait cinq cent mille ; en 1842, deux millions; en 1870, trois millions. De même, au commencement de ce siècle, il n'y avait en Angleterre, que quatre vicaires apostoliques. En 1850 la hiérarchie était rétablie avec un archevêque et douze évêques. Léon XIII, seul, a augmenté la hiérarchie catholique de deux patriarchats, de 13 nouveaux archevêchés ; il a, de plus, élevé 16 évêchés au rang d'archevêchés; fondé 90 nouveaux évêchés, créé plusieurs abbés mitres, deux Délégations apostoliques, 46 Vicariats apostoliques; dix autres Vicariats sont devenus des préfectures apostoliques, sans compter les 25 nouvelles ; soit la somme de 206 siéges épiscopaux créés sous son glorieux pontificat.

En Hollande, le retour n'est pas moins prononcé. La Hollande marche visiblement vers l'unité religieuse. Le nombre des catholiques y augmente chaque jour par voie de conversionLa hiérarchie vient d'y être également rétablie, et, sans être prophète, on peut annoncer le jour où elle sera complètement catholique.

Pour les pays d'Europe, d'où vient ce mouvement ascensionnel du catholicisme ? Non pas du dehors, par voie d'importation d'éléments étrangers; il vient du dedans, des entraillesmêmes du protestantisme réveillé tout à coup par la science,. par l'élude désintéressée, par la bonne foi, mais aussi de la mystérieuse infiltration du catholicisme. Bossuet a entrevu ce rejour, et, ce qui est plus merveilleux, la manière dont il se ferait : « Une nation si savante, dit-il, ne demeurera pas longtemps dans cet éblouissement : le respect qu'il conserve pour les


ET RACES DU NORD 923

Pères, et ses curieuses et continuelles recherches sur l'antiquité la ramèneront à la doctrine des premiers siècles. » 1)

L'Allemagne est moins avancée. Après les magnifiques conversions du commencement de ce siècle : le comte Stolberg, le poète Werner, le prince de Mecklenbourg-Schwérin, le prince Frédéric de Hesse-Darmstadt, l'historien philosophe Schlegel, le mouvement s'est ralenti. Cependant le nombre des catholiques augmente peu à peu. D'une part, les prodigieuses témérités de l'exégèse biblique, qui ne laisse plus rien debout; de l'autre, l'heureuse persécution du Kulturkampf, qui a fait éclater la vigueur et le calme de l'Eglise catholique, et l'influence politique du Centre, vont accélérer le mouvement, et, là aussi, se réalisera la prévision du grand Bossuet.

En résumé, les symptômes les plus manifestes du retour au catholicisme éclatent de toutes parts. Ni l'Angleterre, ni la Suisse, ni l'Allemagne, ni l'Amérique ne resteront protestantes. Elles iront au catholicisme total, ou au rationalisme total. Mais est-il possible que ce rationalisme, cette incrédulité triomphe?" Souhaitons, pour la paix de l'Europe, pour la sécurité de l'avenir, que Dieu épargne au monde de si terribles malheurs.

Et le magnifique élan, arrêté si malheureusement il y a trois siècles, reprendra. L'unité de foi régnera sur le globe ; l'Eglise pansera et guérira vite les cruelles blessures dont souffre la vieille Europe. Heureux les gouvernements qui favoriseront les vues de celui « qui veut le salut de tous les hommes ! » Dieu aurait vite réparé les malheurs de trois cents ans ; car « pourlui mille ans sont comme un jour. »

1) Bossnet, Histoire des Variations, liv. VII. Conclusion.

Dr A. GARNIER.


A PROPOS

DE LA CAMPAGNE DE CÉSAR CONTRE ARIOVISTE.

Mr l'architecte Winkler, conservateur des monuments historiques, vient d'éditer à Colmar, 1) en langue allemande une seconde brochure intitulée : der Coesar-Ariovist'sche Kampfplatz. Après la publication de sa première brochure, 2) j'ai fait paraître dans la Revue catholique d'Alsace deux articles 3) pour raconter la campagne de César contre Arioviste d'après les données encore fort incomplètes de Mr Winkler.

Les nombreux fers à cheval de cavalerie gauloise, 4) qu'on trouvait par centaines à un ou deux pieds de profondeur dans les prés entre Zellwiller et Stotzheim dénotaient qu'avant l'ère chrétienne un combat de cavalerie avait eu lieu en ces parages. La 1re brochure de Mr Winkler me mit sur la piste de l'emplacement du camp de César situé sur la colline entre Epfig et Stotzheim.

Secondé par deux enfants d'école, je me mis à mesurer le camp d'après la carte de Mr Winkler, mais je le trouvais beaucoup trop petit pour pouvoir contenir les six légions de César. Bien vite je m'aperçus de l'erreur de Mr Winkler, qui avait à peine mesuré le quart du camp, depuis la Tinter- jusqu'à l'Ober1)

l'Ober1) J. Waldmeyer. 1898. 20 pages in-4° avec 4 cartes. 2) Neue Gesichtspunkte iiber die Lage des Coesar-Ariovist'schen Kampfplatzes. 1896. 13 pages in-12° avec 1 carte. 3) Décembre 1896 et Février 1897. 4) On sait que la cavalerie de César forte de 4000 hommes était gauloise.


A PROPOS DE LA CAMPAGNE DE CÉSAR CONTRE ARIOVISTE 925

hohlgasse c.-a.-d. depuis la porte droite, jusqu'à la porte prétotorienne. Il est vrai cette partie du camp est fort bien conservée au milieu des vignes, tandis que la partie qui s'étendait de la porte prétorienne à la porte gauche, vers la route d'Epfig à S. Pierre, est moins apparente, à cause des champs mis en culture.

Lors d'une visite que me fit Mr Winkler, je le rendis attententif à son erreur et lui montrai sur la colline même, l'exacte configuration du camp de César. Il en fut enchanté et m'avoua que le colonel Stoffel lui avait déjà écrit que l'emplacement marqué, sur sa carte était insuffisant.

Profitant de ces rectifications et de nouvelles découvertes Mr Winkler publia une seconde brochure qu'il divisa en deux sections avec deux cartes géographiques et deux cartes topographiques. Dans la première section il commente douze textes tirés des commentaires de César; dans la seconde il donne des explications techniques, en tire des conséquences et finit par conclure que les auteurs tels que Quiqueres, Napoléon III, ScMumberger, de Göler, Rustow, Thomanns, le colonel Stoffel se sont trompés en marquant le champ de bataille ailleurs qu'entre Epfig, Stotzheim, Eichhofen, Itterswiller.

En analysant et critiquant le travail de Mr Winkler nous réunirons ses deux sections dans l'explication des douze textes de César.

CHAPITRE 34. Arioviste conteste à César et aux Romains ledroit de s'immiscer dans ses affaires, en Sa Gaule qu'il avait conquise par les armes. Mr Winkler aurait pu joindre à ce texte celui du chapitre 44 où Arioviste dit à César, lors de leur entrevue : « Que désire César ? Pourquoi vient-il s'établir en ses possessions ? C'est ici sa province à lui dans la Gaule, comme les Romains ont la leur. » 1)

On sait que le roi des Suèves, invité par les Séquanés à combattre les Eduens, avait franchi le Rhin et qu'après la victoire, il retenait pour prix de son secours le tiers de la Séquanie, c.-à.-d. la Haute-Alsace. Durant les quatorze années de son séjour en cette partie de la Séquanie, il fit passer le Rhin

1) César était gonverneur de la Gaule cis- et transalpine ; cette dernière est la Provence (provincia romana) an sud de l'ancienne Gaule. Arioviste avaitsa province à l'Est.


926 A PROPOS DE LA CAMPAGNE

à plus de 100 000 Germains, qu'il établit dans le pays des Médiomatriciens, de Schlestadt à Bingen aux confins des Belges, et se disposa à soumettre toute la Gaule celtique, quand César vint déjouer ses projets.

Mr Winkler sans citer d'auteurs se plait à étendre la Séquanie

Séquanie Bingen et pourtant César dit formellement : « Le

Rhin . . . coule sur un long espace par le pays des Nantuates,

des Helvètes, des Séquanes, des Médiomatriciens, des Triboques 1)

et des Trevires. »

CHAPITRE 37. Sous la conduite de Nama et Cimber 100 000

Suèves se disposaient à franchir le Rhin près Mayence pour

secourir Arioviste. Afin de prévenir cette jonction César quitta

Besançon et marcha à la rencontre d'Arioviste à marche forcée,

magnis itineribus. Arioviste s'était avancé pour s'emparer de

Besançon, mais sachant cette ville en possession de César, il

jugea à propos de quitter la Séquanie, désormais pays ennemi,

pour concentrer les troupes germaines, stationnées le long du

Rhin dans le pays des Médiomatriciens. 2) Il se fixa chez les

Triboques, aux environs de Strasbourg, en attendant le secours

qui lui venait de Mayence.

Quant aux Romains qui s'avançaient vers Arioviste à marche forcée, ils faisaient facilement de 28 à 30 Kilomètres par jour, marche ordinaire.

CHAPITRE 41. Evitant les montagnes du Jura, César fit un circuit de 75 kilomètres dans la plaine, locis apertis, et parvint après sept journées non interrompues de marche cum iter non intermitteret, à environ 36 kilomètres du camp d'Arioviste, c.-à-d. sur les hauteurs de la colline qui sépare Epfig de Stotzheim.

Mr Winkler dans la 1re carte de sa seconde brochure, faite en partie d'après celle du colonel Stoffel, trace le circuit de 75 kilomètres de Besançon à Arcey par Rioz, Filain, Vallerois-leBois, Villersexel. Les sept étapes d'après lui seraient : 1re à Rioz ; 2e près Vallerois-le-Bois; 3e entre Arcey et Belfort; 4e entre Belfort et Asbach; 5e près Soulz.; 6e vers Ammerschwihr, 7e par Chàtenois et Dambach entre Epfig et Stotzheim.

1) Les Triboques refoulèrent les Médiomatriciens de Strasbourg vers la Saare. 2) A savoir les Triboques, les Némètes, les Vangions auxquels il joignit les Marcomans et les Harudes.


DE CÉSAR CONTRE ARIOVISTE 927

Un officier d'Etat major de Besançon, Mr de Dischen, n'admet pas l'inutile promenade de César jusqu'à Filain, ce qui abrégerait encore le chemin suivi par les troupes romaines vers Belfort.

Je ne pense pas non plus que César, parvenu en Alsace, ait suivi les chemins accidentés des contreforts des Vosges, alors que de Cernay par Rouftach, Colmar, Schlestadt jusqu'à Epfig il trouvait une bien meilleure voie dans la plaine.

De Schlestadt deux routes mènent à Strasbourg, celle qui longe la rivière Ill et celle, plus près des montagnes, qui passe par Epfig, S. Pierre, Gertwiller, Goxwiller, Niedernai, Gloeckelsberg, Lingolsheim. Cette dernière plus stratégique fut préférée par César et formait déjà à cette époque une des principales artères du pays des Médiomatriciens, car les autres voies celtiques au pied des montagnes y aboutissaient, témoin les routes de Barr, d"Obernai, Rosheim et Molsheim.

J'incline à croire qu'Epfig était du temps de César un oppidum celtique du nom d'Apsiacum, 1) comme Brisiacum, Hilciacum etc. Lothaire le jeune souscrivit en ce lieu, le 12 Juin 866, une charte en faveur de l'abbaye de Lièvre, actum Apsiaco, villa regia. Le château royal devint le château épiscopal, dont on voit encore les traces au presbytère d'Epfig.

De Besançon jusqu'à Cernay César fit tout au plus 125 kilomètres de chemin, de Cernay à Epfig en passant par Rouffach, Colmar et Schlestadt. on compte 67 kilomètres, soit en tout 192 kilomètres, ce qui fait en moyenne 27 kilom. 430 m. par journée de marche.

Epfig se trouve placé sur une colline isolée des Vosges ; César dépassa cet oppidum d'un kilomètre pour asseoir son camp sur une colline un peu plus basse, qui forme un contrefort des Vosges à partir d'Itterswiller, et se perd dans la plaine à Stotzheim. Ce camp dont on voit encore parfaitement le tracé entre la porte prétorienne et la porte droite est distant de Strasbourg de 37 kilomètres en suivant la route départementale actuelle.

César fit pratiquer pour sa cavalerie, qui stationnait autour du camp dans la plaine, pour observer l'ennemi et protéger

1) Les dénominations Hepheka 763, Ephicum 1125, Epfiche 1162, Epheche 1163, Aphec 1182, Apiaca 1213 sont des variantes d'Apsiacum.


928 A PROPOS DE LA CAMPAGNE

les cours d'eau, une nouvelle voie laquelle, à partir d'Epfig, passe par Stotzheim, Zellwiller, Burgheim et rejoint près deGoxwiller la grande voie qui mène à Strasbourg. Cette voie, large d'environ 10 mètres s'appelle encore de nos jours Kaiserstroessel 1) et servait de voie de communication entre le grand camp et les castels de la petite colline de Zellwiller 2) et de la rivière Kirneck qui venant de Barr se jette près de Valf dansla rivière Andlau.

César semble avoir pris pour ligne de défense contre Arioviste campé à Strasbourg les hauteurs du Landsberg et le coursde la Kirneck. Pour se couvrir du côté de Benfeld, il fit construire près de la jonction des cours d'eau Scheer et Scheemetz,. en un lieu nommé Kcesbuhl, 3) des retranchements dont on voit encore les traces et qu'il rattachait par la Hochstrasse au Kaiserstraessel près Epfig.

CHAPITRE 43. « Devant le camp, écrit César, s'étendait une vaste plaine et dans celle-ci se trouvait un tertre assez grand' situé à environ égale distance des camps d'Arioviste et de César. »

Ce tertre est le Gloeckelsberg, haut de 40 mètres et isolé dans la plaine. La grande voie celtique passe par dessus ce tertre et c'est là qu'eut lieu l'entrevue de César et d'Arioviste. 4) César n'osant confier la garde de sa personne à des cavaliers gaulois leur substitua des soldats de la Xe légion, qui furent insultés et attaqués déloyalement par les Germains au cours de l'entrevue.

Jadis il y avait un village sur le Gloeckelsberg qui fut détruit et sans doute reconstruit à Blsesheim, 2 Kilom. plus loin. Il reste encore la tour de la vieille église servant, il y a 40

1) Petite route de César.

2) A l'entrée de Zellwiller une antre voie, large et antique, se détache du Kaiserstraessel, et se dirige vers Mittelbergheim en traversant la route départementale au Kil. 34,7 actuel.

s) Ce mot signifie élévation, tertre de César. — Dans la ruine du château de Bemstein situé à mi-côte de la montagne derrière Dambach il y a un emplacement, que le vulgaire nomme Koesmark. N'est-ce pas dérivé de Caesari marca ? César avait-il là un poste d'observation ? Dans la charte de donation de Charlemagne à l'abbaye de S. Hippolyte figure la marche Gasmaringa. Serait-ce la marche qui engloba le chapitre rural d'Andlau lequel, outre les villages du canton actuel de Barr moins Dambach, comptait encore ceux de Zellwiller, Valf, Burgheim, Goxwiller?

4) D'après Napoléoa III, le 2 septembre 696 de l'ère romaine, 58 avant J. Ch.


DE CÉSAR CONTRE ARIOVISTE 929

ans, de station télégraphique et du haut de laquelle on jouit d'une vue splendide. 1)

CHAPITRES 46 ET 48. César ayant rompu l'entrevue, tant à cause de l'obstination d'Arioviste qu'à raison de l'attaque de sa cavalerie, regagna son camp et deux jours après le roi des Suèves fit avancer ses troupes et vint camper à 6000 pas ou 9 kilomètres des Romains au pied d'une montagne, sub monte. La montagne en question est celle qui sépare Obernai de Rosheim, distante exactement de 9 Kilomètres du camp de Stotzheim.

Le lendemain Arioviste fit passer ses troupes à côté du camp de César, praeter castra. César se garde bien d'en donner la raison ; mais Dion Cassius 2) rapporte que la cavalerie d'Arioviste forte de 6000 hommes rejeta celle de César. Le roi des Germains méditait de couper les vivres aux Romains et de les envelopper à l'arrivée des 100 000 Suèves qui se portaient à son secours. Pour pouvoir réaliser ce projet il dut s'emparer de la ligne de défense, que la cavalerie protégeait en avant du camp de César entre Barr et Valf. De là le combat de cavalerie. Tandis que la cavalerie germaine, rejetait la cavalerie romaine dans la direction de Zellwiller-Sermersheim, les troupes d'Arioviste passaient sans obstacle au pied du Landsberg vers les hauteurs d'Itterswiller. Voilà pourquoi l'on trouve dans les prés de Zellwiller-Stotzheim jusqu'à Sermersheim tant de fers à cheval de chevaux gaulois. J'en possède une quinzaine dont un avec tous ses clous qui ont des têtes semblables à un trait d'union long de 15 millimètres et large de 4.

CHAPITRE 49. César durant cinq jours consécutifs, rangea ses six légions en ordre de bataille dans la plaine de Stotzheim, mais Arioviste contint son armée, chercha à couper les vivres 3) qui venaient aux Romains du côté de Schlestadt et s'en tint à des escarmouches de cavalerie. Le fossé du Pflinzgraben

1) Le poète Ehrenfried Stoeber à dit en visitant cette tour :

Freunde hier gefallt es mir,

Dieser Berg gewährt mir Preude ;

Er ist Bläsheims schonste Zier,

Und mir eine Augenweide, 2) XXXVIII. 48. 3) Par Nothalten et Dambach.

Revue, Décembre, 1898 59


930 A PROPOS DE LA CAMPAGNE

(Verlinsgraben 1) fut sans doute creusé alors pour couvrir la cavalerie gauloise. César, afin d'empêcher les Germains d'affamer son armée, établit à l'extrémité de la colline d'Epfig, à 600 pas ou 900 mètres dit camp d'Arioviste, un petit camp dans lequel il plaça deux légions qu'il détacha du grand camp. On aperçoit encore parfaitement les traces de ce petit camp, derrière une petite forêt entre Epfig et Nothalten ; il est situé sur la hauteur à environ un kilomètre d'Itterswiller.

CHAPITRE 50. Le petit camp de César dérangeait les projets d'Arioviste, aussi bien fit-il de grands efforts pour s'en emparer. Des deux côtés la lutte fut acharnée et dura jusqu'au soir. Mr Winkler a découvert entre la colline d'Epfig, où eut lieu le combat précité et la colline dite Plettig vers Danibach, un tertre nommé Huttbuhl, qui parait avoir servi de tombe aux victimes de la guerre. Ce tertre haut de 3 m 50, mesure en longueur 250 m, en largeur 125 m. L'architecte fit creuser un trou de 16 mètres carrés à une profondeur de 2 m 70 et trouva de la poterie romaine, des parcelles de charbons de bois et une boucle de ceinture en fer que des archéologues renommés estiment être de l'époque de César.

CHAPITRES 51, 52 ET 53. César ayant su par les prisonniers que les Germains, par superstition, n'osaient point engager une bataille générale avant là pleine lune, résolut de forcer, Arioviste dans ses retranchements. Il plaça les troupes auxiliaires devant le petit camp, dont il tira les deux légions pour les joindre aux quatre du grand camp, puis il fit avancer les troupes légères afin de harceler d'ennemi et de le faire sortir de ses cantonnements. Le canip d'Arioviste était situé sur là même colline que celui de César, mais il était plus haut placé, vu qu'il touchait au pied des montagnes. Aussi les Germains, se voyant attaqués, descendirent la pente de la colline avec tant de rage que les Romains ne pouvant plus se servir de leurs javelots durent combattre corps à corps avec leur épée.

César qui commandait l'aile droite, dans la direction d'Eichhofen-Mittelbergheim, eut bientôt mis en fuite l'aile gauche des Germains, dont une partie put s'évader vers Strasbourg. Quant aux Germains du centré et de l'aile, droite, enserrés par les lé1)

lé1) mot signifie petit fossé de défense.


DE CÉSAR CONTRE ARIOVISTE 931

gions, ils se battirent en désespérés.; aussi bien César, pour ménager la vie de ses soldats, donna-t-il ordre à ses légions de livrer passage aux ennemis afin de pouvoir mieux les anéantir pendant la fuite.

Gomme César avait coupé aux Germains, vers le Nord, la route par laquelle ils étaient venus, que du côté sud le petit camp et la colline d'Epfig s'opposaient à leur débandade et que derrière eux se dressaient les montagnes des Vosges, ils n'eurent plus d'autre choix, après que les légions leur eurent livré passage, que de se retirer, tout en luttant, dans la direction de Benfeld. De cette façon le champ de bataille et de carnage s'étendait jusqu'à la rivière Ill derrière Benfeld sur un espace de 10 kilomètres. Tacite 1) rapporte que les cadavres et les armes des troupes d'Arminius vaincues par Germanicus couvrirent le sol sur une étendue de 15 kilomètres.

De l'Ill jusqu'au Rhin, près Rhinau on compte de nos jours 10 kilomètres. A l'époque de César le Rhin n'étant pas rectifié comme maintenant devait avoir un cours plus rapproché de l'Ill, car César compte 5000 pas ou 7 kilomètres et demi du champ de bataille jusqu'au Rhin.

Mr Winkler 2) et bien des auteurs se sont laissés induire en erreur par l'édition Pankouke, qui d'après l'opinion que la bataille fut livrée aux environs de Belfort, a cru à une faute de copiste et a mis 50 000 pas au lieu de 5000 qui se trouvent dans les anciennes éditions des commentaires.

CHAPITRE 54. Ce chapitre dont Mr Winkler ne fait pas mention est un des plus importants. Il y est dit que les Suèves, en marche pour secourir Arioviste, se hâtèrent de s'en retourner chez eux à la nouvelle de la défaite d'Arioviste. De plus, ce qui est à mon avis, un argument péremptoire, César écrit qu'après la. bataille il ramena son armée chez les Séquanes en ses quartiers d'hiver, in hiberna in Sequanos exercitum deduxit. Donc la bataille a été livrée hors la Séquanie, dans le pays des Médiomatriciens qui de Schlestadt s'étendait jusqu'à Bingen avec Metz pour capitale. Or Epfig-Stotzheim se trouvent à trois lieues environ des limites de la Séquanie. Aussi bien le colonel

1) Annal, lib. II. n. 18.

2) Mr Winkler qui, je ne sais pour quelle raison, met le camp d'Arioviste du côté de Truchtersheim, au lieu de Strasbourg, laisse fuir les Germains vers Selz jusqu'où il y a 50 000 pas romains.


932 A PROPOS DE LA CAMPAGNE DE CÉSAR CONTRE ARIOVISTE

Stoffel dans une lettre du 12 Juin 1896, au bibliothécaire Walts de Colmar dit-il : « La solution que propose Mr Winkler peut très bien être la vraie, car je ne vois rien qui la frappe d'impossibilité. " A mon tour je me rallie à cette solution, sauf les erreurs de détail que j'ai cru devoir relever ci-dessus, prêt moimême à être corrigé par de plus clairvoyants, car la vérité avant tout.

L. GLOECKLER.


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CROQUIS ET SOUVENIRS

(FIN)

FLORENCE, 25 octobre.

Entre Rome et Pise, les collines de l'Etrurie s'égrènent lentement. Nous traversons une série de plaines désertes, les Maremmes, où la fièvre règne à l'état endémique. De temps en temps le train s'arrête devant une gare isolée près de laquelle une vieille guimbarde, attelée de deux chevaux mornes et tristes, attend les voyageurs pour les transporter jusqu'à la localité desservie par la station. Heureusement qu'à l'ouest, la mer, cette grande charmeuse, nous tient compagnie. Elle est d'un calme souverain ; quelques vagues en rident à peine la surface et c'est à perte de vue, jusqu'aux confins de l'horizon, que s'étend une uniforme nappe bleue. Vers Civita-Vecchia, tristement assise dans une baie dénudée où le panache vert d'un palmier donne un cachet presqu'oriental au paysage, nous fûmes témoins du magnifique spectacle du coucher du soleil dans la mer. A mesure que son disque lumineux semblait descendre dans les flots, il traçait sur leur surface un large sillon d'or que le léger mouvement des vagues taillait en étincelantes facettes. Longtemps après que le soleil fut complètement disparu, il resta à l'horizon une bande de feu qui allait en palissant pour se fondre enfin dans les teintes, toujours plus opaques, du crépuscule. Dans la plaine, vers les collines, la nuit était venue et les brumes du soir montaient en légères buées de ce sol coupé de bois et de marais. Deux vieilles dames françaises qu'un quartier-maître de la compagnie Frayssinet avait colloquées dans


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notre compartiment à Civita-Vecchia avec un nombre plus que respectable de colis, récitaient silencieusement le chapelet. A Pise, elles me prièrent de leur indiquer la voiture qui fait le service direct avec Modane ; pour elles l'Italie n'avait plus d'attraits elles étaient heureuses à la pensée de revoir bientôt leur bonne ville de Paris.

Il était trois heures du matin quand j'arrivai à Florence après avoir vainement tenté d'imiter un ecclésiastique d'un certain âge qui s'était tassé dans un coin du compartiment et avait aussitôt commencé de très sonores ronflements.

Le lendemain, ou plutôt à mon réveil, un ravissant soleil souriait à la Regina dell'Arno et quand je la revis avec ses classiques merveilles, entre les vertes hauteurs de Fiesole et celles de San-Miniato, je ne pus me défendre de penser à l'art contemporain et de dire avec Stace :

Longe sequere et vestigia adora !

La place du Dôme n'aurait-elle de remarquable que les portes de Ghiberti au baptistère cela suffirait à sa gloire ; ces portes dont Michel Ange disait qu'elles mériteraient d'être celles du paradis. Maistout près, la coupole de Brunellesohi et le campanile de Giotto, les statues de Donatello et les terres cuites de della Robbia ont valu à l'art florentin d'immortels lauriers.

A Peneontre de la plupart des églises italiennes, l'intérieur du dôme de Florence est sombre ; c'est que nous sommes encore sous l'influence plus ou moins gothique du nord et la renaissance ne viendra que dans la suite embellir l'oeuvre primitive d'Arnolfo di Lapo et l'adapter à ce pays de lumière et de soleil. Dans l'enceinte octogone peu esthétique qui sert de choeur au chapitre, on célébrait la messe eapitulaire. Il y avait de magnifiques ornements en vieille soie brochée, des antiphonaires anciens aux fines miniatures, de graves chanoine en mantelletta violette, mais que Dieu pardonne aux chantres ! Ils ont littéralement exécuté le plain-chant. Jamais mes oreilles n'ont été mises à pareille, éprieuse, et c'est beaucoup dire.

La grande célébrité de Florence c'est la galerie des Uffizi. Le palais qui la contient fait partie de cette admirable trilogie architecturale qui est la gloire de la place de la Signoria : le Palazzo Vecchio, la loggia dei Lanzï et le palais des Offices. D'époques différentes, toutes ces constructions donnent comme en résumé l'histoire de l'art à Florence en même temps qu'elles rappellent les grands événements de sa vie politique. Le Palazzo Vecchio porté les créneaux carrés des Guelfes et proclame leur victoire sur les Ghibelins, le parti des cré-


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neaux dentelés à deux pointes. Quand on lit la Divine Comédie on se rend compte du profond trouble que ces deux factions mirent dans la république florentine.

Sur la place, Jérôme Savonarole fut brûlé le 22 mai 1498, pendant que du haut de la tour la Martinella, cloche historique qui existe encore, fut mise en branle. Il y a tout juste quatre cents ans depuis ce drame et s'il faut rendre à Savonarole cette justice qu'il est resté jusqu'à sa fin fidèle à l'Eglise, il ne faut pas moins reconnaître qu'il était plus tribun que moine. Je ne vois pas bien comment on a voulu en faire un précurseur de la réforme ou même de la libre pensée, alors que toute sa vie n'a été qu'une longue lutte pour la liberté de l'Eglise et la défense de sa doctrine. Doué d'une imagination ardente et passionnée qui a déséquilibré ses autres facultés, le violent Dominicain devait, à l'époque mouvementée où sa parole soulevait les foules et les portait aux excès qu'on connaît, devenir la victime de son zèle inconsidéré. Il ne mérite ni les éloges des uns, ni les blâmes des autres ; c'est un inconscient auquel on pense avec pitié.

J'ai passé près d'une journée entière au musée des Uffizi et à celui du palais Pitti. Une galerie couyerte qui traverse l'Arno et que Cosme Ier de Médicis fit construire pour s'assurer une retraite en cas de soulèvement, les relie l'un à l'autre. Galerie et musées sont le Panthéon de la peinture et de la sculpture. Beaucoup de souvenirs des Médicis, mais que sont-ils en présence des trésors d'art amassés ici ! Quand on a vu la suave Madone du Grand-Duc et la délicieuse Vierge à la Chaise, on comprend que toutes ces reproductions auxquelles on nous a maladroitement habitués, ne sont que d'odieuses profanations. Et que dire de celles de nos écoles contemporaines qui sous prétexte de réalisme, nous donnent un dessin incorrect, des contours trop flous, une coloration violente, le tout noyé dans une invariable brume ? Combien je préfère l'art aux grandes allures des anciens maîtres italiens !

Malgré toutes ses richesses artistiques, le palais Pitti sent l'abandon, on ne remonte plus le courant des siècles et celui des Médicis n'est plus qu'un lointain souvenir. L'imposante demeure aux bossages si curieux de l'ancienne architecture étrusque, ne voit que rarement la famille royale d'Italie occuper le somptueux appartement des anciens ducs. Des gardiens, dorés sur toutes les coutures, le font visiter et débitent d'un air ennuyé leur petit boniment de guide.

J'ai repris pour aller à l'Or San-Michele le Ponte Vecchio flanqué de boutiques comme le Rialto à Venise. C'était l'heure où paraissaient les journaux du soir et des camelots, à l'air misérablement débraillé,


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criaient la Fiera mosca (Guêpe), une des plus violentes feuilles du. socialisme italien. Tout près, dans la Via Giucciardini, on m'a montré la maison de Machiavel, ce politique sans conscience et sans honneur; il abusait les princes comme le socialisme abuse le peuple."

L'Or San-Michele est le sanctuaire privilégié de la sculpture florentine; ses quatre façades sont ornées de statues de Jean de Bologne, d'Andréa Verrochio et surtout de Ghiberti et de Donatello. Le SaintMarc de ce dernier est superbe, mais si jamais vous avez l'occasion de l'aller admirer, n'oubliez pas la copie du Saint-Georges sur la façade opposée. L'intérieur de l'oratoire est en réparation; dans le sanctuaire encombré d'échafaudages, le tabernacle d'Orgagna semble un poème de marbre et contraste singulièrement avec la simplicité du reste de la décoration.

26 octobre.

San-Lorenzo est l'oeuvre des Médicis encore simples particuliers. Devenus princes, ils voulurent avoir leur sépulture près du lieu qui fut le premier témoignage public de leur surprenante fortune. Dans ce but ils firent construire cette merveilleuse chapelle Médicis que Michel-Ange a ornée des tombeaux de Laurent II et de Julien II. Voyez le premier, ce profond Pensioroso, et dites-moi si le marbre a jamais mieux traduit le travail de la pensée. Puis au tombeau de Julien II, extasiez-vous devant ce corps brisé par la fatigue et empreint des meurtrissures de l'âme que l'artiste a surnommé la Nuit. N'êtesvous pas de l'avis de Strozzi :

Cette figure qui dort est vivante; Si tu en doutes, éveille-la Et elle te parlera !

En réponse à ce célèbre sonnet, Michel-Ange inscrira sur le socle de la Nuit ces quatre vers aussi expressifs que la statue elle-même .

Grato m'e il sonno, e piu l'esser di sasso, Mentre che il danno e la vergogna dura ; Non veder, non sentir, m'e gran ventura. Pero non mi destar. Deh, parla basso !

« Le sommeil m'est doux, et plus doux encore d'être pierre; pendant que la misère et la honte durent; ni voir, ni entendre m'est un grand bonheur, c'est pourquoi ne m'éveille pas. Je t'en prie, parle bas!


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On parle bas en effet sous l'invincible empire que le génie exerce ici, et cette fascination continue dans l'élégant octogone contigu à la Nouvelle sacristie et appelé la chapelle des Princes. Les murs sont ornés d'un revêtement d'une inouïe richesse ; à côté dés marbres les plus rares, des onyx aux teintes d'albâtre, figurent le lapis-lazuli, la nacre et le corail. Dans une des petites absides semi-circulaires, le gardien me fit observer le soin avec lequel fut poli le marbre : la chapelle s'y réfléchit comme dans une glace. On ne sait généralement pas que cette somptueuse construction devait abriter le Saint Sépulcre de Jérusalem. L'émir Facardin s'était paraît-il engagé de l'enlever et de le livrer aux Florentins, l'entreprise n'eut pas de suites et Cosme II fit de la chapelle la sépulture de la famille ducale. Ils drmoent là, sous la voûte du sous-sol et une inscription tracée en caractères de bronze sur les simples dalles funéraires redit leur nom au visiteur indifférent. Au lieu du calme de la mort et du suffrage de la prière dont ils avaient voulu entourer leurs tombes en les confiant à l'Eglise, c'est la discussion avec les guides et le bruit du tourniquet de contrôle qui livre passage aux visiteurs! La Direction des Musées a tout froidement combiné pour englober les Médicis parmi les curiosités de Florence !

Après la fermeture des musées, il m'est resté assez de temps pour faire une excursion à Fiesole, patrie d'adoption de Fra Angelico. Quand on monte lentement entre les villas silencieuses, les oliviers au feuillage glauque et les larges bandes d'iris, on a comme le de sentiment de ce qu'il y a de reposant et de serein dans la peinture pleine d'azur et de rayonnement de Fra Angelico. Fiesole semble être au-dessus des agitations de ce monde, c'est le type de la petite ville de province avec son imperturbable tranquillité. Sûr une large terrasse soutenue par d'anciens murs étrusques, la cathédrale en forme de basilique : en face, l'évêché et le Seminario e ginnasio vescovile ; vers le fond, les ruines d'un théâtre romain et au premier plan quelques boutiques en plein vent où l'on vend des objets en paille, une spécialité de Fiesole. Qu'il doit faire bon les soirs d'été sous les platanes à large ramure, quand au loin les ombres descendent lentement des montagnes et qu'aux brûlantes ardeurs du jour succède la bienfaisante fraîcheur de la nuit! Quel moment pour se recueillir, laisser errer sa pensée et rêver au troublant problème : pourquoi ce pays fut un des plus prospères et en même temps un des plus agités de l'univers !

La nuit m'a surpris sur la ravissante colline, nuit d'octobre très tiède encore, mais pleine de douce mélancolie. Pendant qu'assis sur


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le bord de la terrasse j'attendais le départ du dernier train pour Florence, la brise m'amenait des bouffées parfumées. Nous sommes au. pays des fleurs et j'admire la délicatesse de sentiment des Florentins qui ont trouvé pour leur cathédrale cette dédicace si poétique Santa Maria del Fioxe, Notre-Dame de la Fleur !

GÊNES, 27 octobre.

De toutes les côtes de l'Italie celle qui va de Pise à Menton est la plus pittoresque. C'est d'abord le midi bienfaisant où pendant tout l'hiver les douces caresses du soleil font éclore les roses, les anthémis, les mimosas, et redonnent un peu d'espoir aux malades qui viennent chercher ici une illusoire guérison. Ah! si nous pouvions emporter avec nous Nepi et son odorante forêt de citronniers, son ciel resplendissant, sa mer bleue !

Et les échancrures de la côte qu'on traverse en courant, d'un tunnel à l'autre, mais qu'on voit suffisamment pour ne plus publierde sa vie la blanche écume qui. tourbillonne entre les rochers! Cela se continué ainsi sur un parcours de près de cent kilomètres, il serait difficile de s'en lasser.

Gênes a été longtemps la rivale de Venise, mais pour le commerce seulement, car les préoccupations d'art semblent avoir tenu ici un rang tout à fait secondaire. Autour du vaste cintre de son port, la ville s'étage en amphithéâtre; elle a été complètement transforméedepuis la dernière épidémie de choléra. On a abattu des quartiersentiers, élargi les rues, creusé des égouts : « Maintenant on ne craint plus rien », me dit mon cocher d'un air très satisfait. Si vous voulez. voir quelques débris de l'ancienne Gênes, il faut aller du côté du port. Là le mouvement incessant des affaires a fait ralentir les constructeurs ; il y a encore ces vieilles demeures de négociants avec leurs rez-de-chaussées voûtés, leurs nombreux étages et leurs toitures presque plates. Une population entière y grouille : petits commerçants, à l'étalage poussiéreux, tavernes de la dernière catégorie, ouvriers du port, pêcheurs et brocanteurs.

On l'a dit, Gênes a eu tout juste assez d'art pour n'avoir pas à rougir devant les autres cités. Et cependant il y a dans le roman moitié arabe de sa vieille cathédrale de. ces charmants détails faits pour la lumière, des colonnettes à fines torsades ornées de mosaïques, des placages en marbres, des ciselures merveilleuses. La chapelle de S. Jean-Baptiste, dans le bas-côté gauche, conserve dans une pré—


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cieuse châsse en argent les ossements du Précurseur. A la sacristie on. montre une autre relique, très problématique il est vrai, le SagrûCatino ou Saint-Graal. Les anciennes chansons de geste l'ont célébrédans de naïves légendes, et ce vase en verre de provenance phénicienne, n'aurait-il d'autre mérite que d'avoir inspiré plusieurs des; épopées du moyen-âge, le soin que met le chapitre de Gênes pour le conserver serait plus que justifié.

On ne peut visiter Gênes sans faire un tour à l'Acquasola et aux boulevards qui serpentent à mi-côte le long des collines. Là sont d'élégants quartiers neufs avec de l'air, de la lumière, du soleil à satiété. Mais c'est à l'esplanade du Castelletto qu'on jouit le mieux de: l'admirable panorama du golfe et des côtes de Ligurie. Il n'est pasmoins intéressant de contempler de cette hauteur la ville et de surprendre une foule de détails des habitudes génoises. Dire ce qu'on a. le culte des petits jardins ! Chacun veut avoir son petit coin de verdure et à défaut de mieux on l'installe dans l'angle d'un balcon ou sur le rebord d'une fenêtre. Il y a des terrasses au-dessous de nous qui sont de vrais parcs en miniature, il n'y manque rien, pas même le berceau de chèvrefeuille ou de clématite qui permet de s'abriter contre les rayons du soleil et de jouir des douceurs de la villégiature sans quitter sa maison. J'ai admiré également le parti qu'un maraîcher a su tirer d'une étroite bande de terre tout au bas de l'esplanade ; il y avait là des fenouils, — les finocchi si chers aux palais italiens, — des cardons d'Espagne et des céleris monstrueux, le tout entouré d'une haie de camélias. Quand je serai rentré dans notre Alsace, j'aurai longtemps la vision de ce magnifique golfe de Gênes : collinesqui ondulent avec une grâce merveilleuse, bosquets d'orangers et de lauriers-roses ; plus haut, mélèzes et pins dont la fine dentelure laisse passer des reflets du ciel d'or !

Derrière nous, le petit fort de Castellaccio dresse ses menaçants bastions au-dessus d'une enceinte crénelée à laquelle les siècles ont donné une teinte brun-roussâtre. Gênes-la-Riche était défendue contre la possibilité d'un coup de main, par une double rangée de murailles bâties au sommet des collines ; ces anciens travaux d'art sont aujourd'hui sans utilité et sans intérêt, mais ils font bon effet dans le paysage et, à ce titre, je voterais leur maintien.

En redescendant en ville nous avons passé devant l'Albergo dei Poveri, une création de la duchesse de Galliera. On n'a pas idée combien le sentiment de la solidarité locale est développé en Italie et à combien d'oeuvres utiles il a donné naissance. Une famille noble et riche croirait manquer aux devoirs de son rang si elle ne continuait


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pas les traditions de Mécène — songez aux nombreuses galeries particulières des palais italiens — et si elle n'attachait pas son nom à une fondation charitable de sa contrée, — songez aux Galliera de Gênes. Notre universel scepticisme cherche, je le sais, a rapetisser le mérite de telles actions, et je me rappelle telles histoires entendues autrefois à Paris ; mais admettons qu'une fortune soit le fruit de spéculations très heureuses et très habiles, n'y a-t-il pas une haute moralité dans le fait d'en consacrer une notable partie au bien publié ? — C'est ce que les Galbera ont fait, il faut hautement les en louer. L'Albergo dei Poveri, cette splendide construction où l'on a tout fait pour honorer la dignité du pauvre et le dédommager à la fin de sa carrière des nombreuses privations de sa vie, est digne de la descendante de ce marquis de Brignole qui voulait sa dernière demeure dans la chapelle de. l'hospice relevé par lui « desirant reposer, disaitil, sous les pieds de ces pauvres que j'ai grandement aimés. »

De son-vivant le duc de Galliera a donné vingt millions pour l'agrandissement du port de Gênes, le plus important de l'Italie, bruyant et animé comme celui de. Marseille. La vieille cité commerciale se 'retrouve là. Du côté de la mer, une forêf de mats émerge de derrière les hangars et les entrepôts ; le bruit strident des poulies à vapeur se mêle à celui des trains en marche et à la voix d'innombrables ouvriers qui parlent toutes les langues du monde. Si vous aimez les scènes à la Rembrandt, suivez de l'autre côté, les basses arcades de la Via Carlo Alberto, vous y verrez des matelots attablés autour d'une bouteille de wisky ou de gin, enveloppés d'un épais nuage de ■fumée avec ces poses nonchalantes, qu'affectionnait le maître hollandais.

Pour moi j'aime mieux la lumière et le soleil et je préfère me diriger vers l'extrémité du quai, vers la masse grisâtre du palais Doria et l'éblouissante Piazza Principe. Les Doria sont depuis longtemps fixés à Rome. Verdi habite un appartement de leur palais et l'illustre maestro est bien placé ici pour rêver à ses mélodies et pour écouter le concert des flots qui chantent à deux pas de lui, sous la terrasse des magasins généraux.

TURIN, 28 octobre.

J'ai quitté Gênes hier soir ; mon congé prend fin et il faut se hâter de rentrer. Turin, où je m'arrête aujourd'hui, est une ville à part. Ne lui demandez pas de vous redire par ses monuments la place qu'elle


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a occupée dans l'histoire, comme capitale du Piémont. Tout a été changé de fond en comble et au milieu de cette rage de démolition, c'est à peine si quelques palais et quelques églises ont échappé à la destruction. La ville moderne est le triomphe, jusqu'à la monotonie, de l'uniformité et de la régularité. On ne dirait jamais, quand on circule dans ces larges rues dépeuplées, qu'il y a à Turin près de quatre cent mille habitants. C'est que, quand ils sortent, ils suivent les spacieuses arcades dont chaque maison est pourvue au rez-de-chaussée, Il en résulte que ces longues rues toutes parallèles et toutes coupées à angle droit ont un aspect prodigieusement morne et triste. Je ne les ai vues animées que ce matin, de très: bonne heure, quand les régiments passaient pour aller à la place d'Armes. Les fenêtres s'ouvrent, les marchands se montrent sur le seuil de leur boutique, des groupes se forment, on fait un bout de conversation, mais quand le régiment a tourné le coin, tout reprend son calme habituel.

Ce n'est pas cependant que la ville soit inactive, elle est au contraire un centre industriel important et si vous allez dans le vaste quartier situé au delà du Corso Principe Oddone, vous trouverez avec le bruit des usines, toute une cité ouvrière. Elle s'approvisionne au marché de la place San-Marlino et voir les ménagères habillées en rouge, en bleu et en vert, faire leurs emplettes n'est pas, je vous l'assure, un spectacle banal.

En revenant de cette promenade matinale, par. le Corso de la reine Marguerite, je suis entré à la cathédrale pour visiter la chapelle du Saint-Suaire. Elle se trouve au fond de l'abside, séparée du choeur par une large baie vitrée. Cest un édicule circulaire surmonté d'un dôme et décoré de marbres magnifiques. Au centre, dans une châsse placée sur l'autel et que nous voyons à travers, un grillage vitré, est déposée la célèbre relique. Le coffre précieux qui la renferme est fermé à trois clefs dont l'une est détenue par le roi, l'autre par l'archevêque, la troisième par le chapitre de la cathédrale.

Le palais royal contigu à la cathédrale et à la chapelle du Sudario, est un grand bâtiment sans beaucoup de cachet. Son immense façade obstrue tout un côté de la Piazza Castello.

Pour la grâce sobre et élégante je lui préfère de beaucoup le petit palais du Valentino sur la rive du Pô. Il fut construit au dix-septièmesiècle pour Christine de France, une fille de Henri IV mariée à Victor Amédée prince de Savoie. Je lui ai trouvé une étonnante ressemblance avec le Petit-Luxembourg, seulement il a l'avantage d'être placé dans un parc magnifique et de s'orienter vers la belle ligne des Alpes qui se mêle dans le lointain aux nuages de l'horizon.


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Dans un coin du parc, le peintre d'Andrade et l'ingénieur Breyda ont reconstitué un hameau lombard du moyen-âge avec son castel et ses industries. Il y a une forge, un tourneur et une auberge où l'on vous sert dans des gobelets de forme ancienne un Asti spumante délicieux. Au château, l'illusion est complète, tout est retracé avec une fidélité parfaite et l'on se croit transporté dans quelque lieu solitaire des Alpes où le puissant baron tenait sa noble cour et exerçait sa justice parfois trop terrible. Je regrette seulement qu'on n'ait pas donné aux gardiens du château et aux habitants dû hameau, le costume du temps.

Turin est le centré des oeuvres de Don Bosco. En flânant ce matin du côté de la place d'Armés, je suis entré à Notre-Dame Auxiliatrice, la chapelle de son principal orphelinat. Là on m'apprit que la tombe du bon prêtre est à Valselice, dans un de ces gracieux vallons qui ouvrent sur la rivé droite du Pô et qui s'ont dominés au loin par l'élégante coupole de la Superga.

Derrière là barrière de Gasale, la route de Valselice s'engage dans un étroit ravin au fond duquel court un torrent ; la voiture monte lentement une pente assez raide et sarrête, devant un immense parc. C'est Valselice, l'alumnat et le séminaire des prêtres Salésiens. Le portier, un vieux militaire décoré de là médaille de Solférino, me sert de guide. Nous croisons, en traversant le jardin, de tout jeunes clercs qui reviennent dû cours avec des piles de livrés sous les bras ; nous avons fait de même autrefois avec cette différence que nous n'avions ni ce luxe d'air et de lumière, ni ces jardins verdoyants. — On m'a fait visiter avec une gracieuse, bienveillance quelques salles dont le cabinet de physique et la collection ethnographique et j'en sors émerveillé : le jeune institut salésien est très propère et plein de promesses d'avenir. Nous terminons nôtre tournée par le tombeau de Don Bosco, dans le vestibule de la chapelle. Une plaque de marbre en forme de sarcophage encastrée dans le mûr, sur le palier dû doublé escalier qui mène à là chapelle ; sûr cette plaque, une simple inscription avec le nom et l'âge dû défunt et au dessous cette parole du Divin-Maître : Laissez venir à moi les petits enfants !

Je quitterai l'Italie sur cette bienfaisante impression. Je l'ai parcourue presqu'en enfer et dans l'extrême midi comme dans le nord de la péninsule, j'ai trouvé des oeuvres multiples de cette exquise charité qui s'inspire de l'esprit chrétien. La charité couvre la multitude des péchés, ce doit être vrai également pour les nations. N'oublions pas que la profonde transformation de l'Europe a eu son contrecoup le plus désastreux dans les pays qui comme l'Italie et l'Espagne


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n'ont pas pu suivre l'évolution économique des autres nations. Il en est résulté un état de crise aiguë ; comment, dans ces conditions, s'étonner du mécontentement qui gagne, des violences qui se commettent ? Allez parler raison aux gens quand ils ont faim, et c'est le cas de provinces entières ! De sages réformes pourraient beaucoup, mais la fatalité qui emporte les peuples vers une paix armée, ne permettra pas de les réaliser.

Mais voici que je glisse dans la politique, et je. voulais simplement raconter mes souvenirs de voyage !

Dr J. WAGNER.

(FIN).


LA SAGESSE ET M DESTINÉE

M. Maurice Masterlinck, le gracieux et courageux poète est philosophe à ses heures et il a bien voulu nous donner le résultat de ses méditations psychologiques. Sa philosophie n'a rien de celle de M. Edmond Thiandière, M. Maeterlinck n'est point un pessimiste, oh! loin de là! Si à ses yeux tout n'est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, ce n'est là qu'une question de temps et de patience; il suffit de laisser agir la force secrète de la vie; c'est à nous, en attendant le jour de la solution de l'énigme, à prendre les choses par le bon côté!

,, Il est utile de parler du bonheur aux malheureux, pour leur apprendre à le connaître. Us s'imaginent si volontiers que le bonheur est une chose extraordinaire et presque inaccessible!

Mais si tous ceux qui peuvent se croire heureux disaient bien, simplement les motifs de leur satisfaction, on verrait qu'il n'y a jamais de la tristesse à la joie, que la différence d'une acceptation un peu plus souriante, un peu plus éclairée, à un asservissement hostile et assombri, d'une interprétation étroite et obstinée à une interprétation harmonieuse et élargie. Ils s'écrieraient alors : N'est-cedonc que cela? Mais nous aussi nous possédons dans notre coeur les éléments de ce bonheur. En effet vous les y possédez. A moins de grands malheurs physiques, tout le monde les possède. Mais ne parlez pas de ce bonheur avec mépris. Il n'y en a point d'autre. Le plus heureux des hommes est celui qui connaît le mieux son bonheur ; et celui qui le connaît le mieux, est celui qui sait le plusprofondément que le bonheur n'est séparé de la détresse que par une idée haute, infatigable, humaine et courageuse."

1) Par M. Moeterlinck. 1 vol. Charpentier, Paris, 1898.


LA SAGESSE ET LA DESTINÉE 945

Quelle est cette idée ? M. Maeterlinck ne le dit pas ; il avoue même qu'il n'en sait rien; il en a une qui lui suffît sans doute mais qui sans doute aussi ne conviendra pas à tout le monde.

„ Cette idée est différente pour chacun de nous. La vôtre ne me convient point; vous aurez beau me le répéter avec éloquence, elle n'atteindra pas les organes cachés de ma vie. Il faut que j'acquière la mienne en moi-même, par moi-même."

Il faut avant tout, préparer à la surface de l'âme une certaine hauteur pour y recevoir cette idée, comme les prêtres d'anciennes religions dénudaient et débarrassaient de ses épines et de ses ronces le sommet d'une montagne pour y recevoir le feu du ciel. Il n'est pas impossible que demain, on nous envoie du fond de la planète Mars, dans la vérité définitive sur la constitution et sur le but de l'Univers, la formule infaillible du bonheur.

Mais ce ne sont là que des prolégomènes à l'objet du livre de M. Maeterlinck, qui prétend nous donner sa solution du vieux problème de la lutte de l'homme avec la destinée.

Cette solution, hâtons-nous de le dire, ressemble à tous les vieux clichés et quoique enveloppée de beaucoup de rhétorique elle est peu faite pour satisfaire un esprit indépendant. M. Maeterlinck a sur cette matière l'opinion des classes dirigeantes, des gens arrivés; l'homme est maître de sa destinée, pour la vaincre et se l'assujettir il a deux forces, l'intelligence et la volonté, dominées elles-mêmes par la sagesse. Mais qui donc a jamais douté que l'intelligence et la volonté soient les grands facteurs de l'activité humaine? Ce n'est pas là, il nous semble, que gît la question; l'intelligence et la volonté individuelles rencontrent des obstacles, soit dans les forces aveugles de la nature, soit dans l'intelligence et la volonté du voisin, soit même et surtout dans les conditions sociales, et c'est alors que se présente la lutte. M. Maeterlinck feint de l'ignorer, il n'est pas loin de penser qu'il n'arrive aux hommes que ce qu'ils calculent qu'il leur arrive; il n'admet point la fatalité, c'est-àdire la nécessité d'évènements échappant à l'action humaine et gouvernés par des forces supérieures.

„Il n'y a de fatalité véritable, qu'en certains malheurs extérieurs, tels que les maladies, les accidents, la mort inopinée des personnes aimées."

Revue, Décembre, 1898 60


946 LA SAGESSE ET LA DESTINÉE

Ailleurs M. Maeterlinck fait encore à la fatalité une plus large concession et reconnaît que nous n'avons qu'une influence, affaiblie sur un certain nombre d'événements extérieurs, mais, ajoute-t-il aussitôt, nous avons une action toute-puissante sur ce que ces événements deviennent en nous-mêmes, c'est-à-dire sur la partie spirituelle qui est la partie lumineuse et immortelle de tout événement.

„Il est des milliers d'êtres en qui cette partie spirituelle qui demande à naître de tout amour, de tout malheur ou de toute rencontre n'a pu vivre un instant, et ceux-là passent comme des épaves sur un fleuve. Il en a quelques autres en qui cette part immortelle absorbe tout; et ceux-là sont comme des îles sur la mer, car ils ont trouvé un point fixe, d'où ils commandent aux destinées intimes; et la destinée véritable est une destinée intime.

Cela revient à dire qu'il n'existe pas de fatalité intérieure et que la volonté de la sagesse a le pouvoir de rectifier tout ce qui n'atteint pas mortellement notre corps. M. Maeterlinck estime que souvent même la volonté de la sagesse parvient à s'introduire dans le domaine étroit des fatalités extérieures. Mais ajoute mélancoliquement:

„Il est vrai qu'il faut accumuler en soi un lourd, un patient - trésor, pour que cette volonté trouve au moment solennel, les forces nécessaires."

Réduite à cette proposition : il n'existe pas de fatalité intérieure, la doctrine de l'auteur est-elle confirmée par l'expérience?" l'homme est-il tellement maître de sa vie intime, qu'il ne puisse refuser l'accès à tout événement susceptible sans troubler la paix? Les événements extérieurs n'existent sans doute pour nous que par l'écho qu'ils éveillent en notre âme. Mais sommesnous libres de ne pas recevoir cet écho et cela serait-il désirable? Notre âme est d'ailleurs formée par l'hérédité, l'éducation, le milieu social et toutes les circonstances ambiantes et sans aller aussi loin que Lambroso, il faut bien reconnaître dans tout cela des causes de fatalité intérieure: M. Maeterlinck le reconnaît lui-même:

„La statue du destin projette une ombre énorme sur la vallée qu'elle semble inonder de ténèbres; mais cette ombre a des. contours très nets pour ceux qui regardent les flancs de la montagne. Nous naissons en elle, il est vrai; mais il est permis à beaucoup d'hommes d'en sortir; et si notre faiblesse ou nos infirmités nous


LA SAGESSE ET LA DESTINÉE 947

attachent jusqu'à la mort aux régions assombries, c'est déjà quelque chose que de s'en éloigner parfois par le désir et la pensée. Il est possible que le destin règne plus rigoureusement sur l'un ou l'autre d'entre nous, en vertu de l'hérédité, en vertu de l'instinct, en vertu d'autres lois plus inexorables encore, plus profondes et plus inconnues, mais alors même qu'il nous accable de malheur immérités et étonnants, alors même qu'il nous oblige de faire ce que nous n'aurions jamais fait, s'il n'avait pas violenté nos mains, le malheur advenu, l'acte accompli, il dépend de nous qu'il n'ait plus aucune influence sur ce qui va se passer en notre âme."

En somme M. Maeterlinck a tenté plus ou moins consciencieusement de restaurer à notre usage la morale du Portique. Antonin le pieux est à ses yeux, bien plus que Marc-Aurèle, l'homme le meilleur et le plus parfait que la terre ait porté, car à toute la sagesse, à toute la profondeur, à toute la bonté, à toutes les vertus de son fils adoptif il joignait je ne sais quoi de plus viril, de plus énergique, de plus pratique, de plus simplement heureux et de plus spontané qui le rapprochait davantage de la vérité quotidienne. M. Maeterlinck nous semble se •faire illusion en pensant pouvoir adapter la morale solitaire du stoïcisme à nos temps imprégnés de solidarité démocratique.

En ce monde terrestre, a dit M. Henry de Parville, il n'y a, à vrai dire, pour être bref, que deux morales et deux politiques, celle du aimons-nous les uns et les autres et celle du dévorons-nous les uns les autres. La première est la morale chrétienne, la deuxième est la morale scientifique du Struggle for life. Malheureusement celle-ci prévaut à peu près partout. La voilà, la véritable fatalité!

A. B.


REVUE DU MOIS.

Le 15 Décembre le Reichstag s'est donné des vacances jusqu'au 10 Janvier, et il faut avouer qu'il ne les a guère méritées par la somme du travail utile qu'il a fourni jusqu'ici. Si l'on considère d'un autre côté que pendant ces jours de fête les commissions pourront à peine avoir des séances, on arrive à la conclusion que le Eeichstag aurait à la rigueur pu être convoqué pour le 6 Janvier au moins aussi bien que pour le 6 Décembre, et que cette dernière date est évidemment trop tardive pour la réunion du Parlement, Et cela d'autant plus que le plan de travail est excessivementchargé. Le discours du trône contient une longue énumération de projets de loi émanant du gouvernement : la réforme des assurances pour la vieillesse et l'invalidité ; l'extension aux employés de commerce des lois protectrices ouvrières; le règlement de certains points de la procédure dans les affaires de brevets industriels ; lafameuse loi des travaux forcés en faveur du travail libre — sans calembourg; le renouvellement du privilège de la banque de l'empire; une loi d'empire pour l'examen, de la viande de boucherie; les réformes du tarif postal et l'introduction du chèque postal; un projet de loi concernant les téléphones. Et ce ne sont là que les propositions d'un intérêt tout à fait majeur qui sont déjà élaborées ; il en viendra encore bien d'autres. Sans compter le budget luimême en connexion avec la loi sur l'emprunt nécessité par les projets militaires. Puis viennent les projets dus à l'initiative parlementaire : ils sont déjà légion. Tout fait donc prévoir une longue et laborieuse session.

A certains passages du discours du trône le compte-rendu officiel met çà et là entre parenthèses des bravos. Je remarquerai tout d'abord qu'il me semblerait plus convenable d'écouter un discours du trône en silence. En outre, le compte-rendu officiel, en mettant simplement bravo, pourrait faire croire que les applaudissement sont été unanimes; il s'en faut de beaucoup. Pour ne parler que du passage relatif à la Zuchthausvorlage, il y avait bien quatre hommes et un caporal, guère plus, de la garde du roi Stumm que j'ai entendus; les sténographes. à leur tribune ont peut-être eu l'oreille plus fine que moi.


EEVDE DU MOIS 949

Il ne paraît pas que les députés aient l'habitude d'être très exacts à la rentrée, puisqu'on a été stupéfait du nombre de trois-cent-dixsept présents le jour de l'ouverture. Chacun augurait peut être une bataille pour la constitution du bureau. Il n'y a guère eu de difficulté pour le président et le premier vice président. M. de Ballestrem, du Centre, et M. de Frege, des conservateurs, sont sortis avec une grande majorité au premier tour de scrutin. Il y a eu au contraire un ballottage pour le deuxième vice-président parce que au premier tour les socialistes votèrent pour l'un des leurs : le ballottage s'est décidé en faveur de M. Schmidt (Elberfeld) du parti progressiste, qui avait déjà été vice-président durant la session précédente et qui, soit dit en passant, a toujours été très sympathique au groupe alsacien-lorrain. Que les temps sont changés ! Le Reichstag a aujourd'hui comme président celui qui un jour criait : Fi donc ! au prince de Bismarck, celui que son propre parti faisait échouer il y a cinq ans à cause de ses dispositions favorables au militarisme ; et si les socialistes avaient consenti à ce que leur candidat se soumît aux règles de l'étiquette impériale, le second vice-président eût été un socialiste ! !

La discussion générale du budget est tout ce que l'on voudra excepté une discussion générale du budget. Il n'y a que le secrétaire d'Etat aux finances, M. de Thielemann, et M. Fritzen qui aient réellement parlé finances. Comme l'a dit du reste M. Richter, les autres orateurs ont plutôt fait ce que l'on appelle en Angleterre la discussion de l'adresse : histoire d'éplucher le discours du trône et de dire aux partis adverses toutes les choses aimables qu'on a oublié de se jeter à la tête durant la période électorale ou dans les réunions publiques.

Le discours de M. de Thielemann pourrait à peu près se résumer ainsi : Pour dire que nous sommes dans la période des vaches maigres, on ne peut pas dire que nous sommes dans la période des vaches maigres, et pour dire que nous sommes dans la période des vaches grasses on ne peut pas non plus dire absolument que nous sommes dans la période des vaches grasses. Mais si après la période actuelle nous arrivons dans la période des vaches maigres, il est hors de doute que la période actuelle est la période des vaches grasses. Donc .... La conclusion serait : Economisons afin d'avoir de quoi pour les années de disette. Mais derrière le ministre des finances se trouve celui de la guerre qui lui inspire une tout autre logique : Donc mangeons notre graisse, et comme elle ne suffit pas, empruntons-en. M. de Thielemann ne semble pas bien enthousiaste de l'appétit de son collègue de la guerre, car au cours d'une réplique il a avoué qu'il avait réussi à rogner neuf millions sur le budget de la guerre, aveu dont sans doute on ne lui sera pas reconnaissant. Car cela prouve que M. le ministre de la guerre a encore des idées de derrière la tête, qu'il réalisera l'année prochaine puisqu'il n'y a pas. réussi cette année.

Avec M. Richter le débat a passé sur le terrain de la politique générale. Il a avec sa véhémence habituelle attaqué le gouvernement sur une multitude de points mais surtout sur ceux des expulsions


950 REVUE DU MOIS

de sujets autrichiens et danois et de l'augmentation des crédits militaires. Il est peu probable que son parti la vote, mais cela n'empêchera pas cette augmentation de passer à une très belle majorité. L'empereur est un tacticien parlementaire de premier ordre, et malgré toute son éloquence M. Richter le jour du vote, définitif restera échec et mat. Il n'aura pas même pour lui la fraction des progressistes de M. Rickert qui malgré une escarmouche assez. vive avec les hobereaux de là droite, est venu avec grâce tomber à genoux. devant l'autel de Mars. Ce ne sont pas non plus les nationaux-libéraux qui refuseront les nouvelles dépenses militaires quoique leur chef actuel, M. Bassermann, ait cru devoir se farder d'un peu d'opposition en présence du discrédit toujours plus grand où tombe son parti. Quant aux hobereaux, ils voteront pour le ministère de la guerre tout ce que l'on voudra, tout en jurant leurs, grands dieux que c'est M. Richter, et non pas eux, qui est le père du militarisme. M. de Eardorff, un homme venu au monde de deux cents ans trop tard a dit cela sans rire, mais non pas sans exciter l'hilarité générale. Heureusement, car son discours a du reste été d'un lugubre à se croire dans une salle d'exécutions capitales. M. de Kardorff n'a qu'un reproche à faire au gouvernement : il est mille fois trop bon, trop clément, trop faible pour les Danois, les Polonais, les socialistes, parmi lesquels il est tout près de compter M. Richter et M. Lieber,

Les journaux nationaux-libéraux feignent de trouver modérés" MM. de Vollmar et Bebel dans leurs discours de cette année. Je n'ai aucune raison d'y contredire, mais je suis curieux d'entendre ce que diront ces messieurs quand ils passeront les bornes de la modération. Pourtant l'un et l'autre se sont attiré des rappels à l'ordre que peut-être, en ce qui concerne M. de Vollmar, le parlement n'eût pas ratifié, car le mot dé barbare a plusieurs sens, entre autres celui de cruel. En tous cas M. de Ballestrem aurait peutêtre mieux fait d'imiter son prédécesseur, M. de Buol qui quelquefois n'entendait pas, car il a donné l'occasion à M. de Vollmar de porter un coup plus dur au gouvernement en soulignant sa malice : ,,que ces procédés d'expulsion peuvent être goûtés par notre nouvel ami le Grand Turc." En sommé M. de Vollmar exprimait le sentiment de tous les partis indépendants sur cette politique d'expulsions.

M. de Posadowsky, le secrétaire d'Etat à l'Intérieur qui répliqua à MM. Fritzen et Richter a eu un succès de.... stupéfaction quand il a affirmé que l'Allemagne était le pays où l'on jouissait de la plus large liberté civile et que lé malaise national — die Reichsverdrossenheit — dont il n'a pas nié l'existence, provenait de ce que le peuple allemand se trouvait trop à son aise. Il a laissé le soin de parler des expulsions et de la question d'Orient à son collègue M. de Bulow qui tout en jouant avec son plioir dit avec beaucoup d'esprit et en formules très parlementaires que M. Richter n'entend pas grand chose à la question d'Orient et que la question des expulsions ne regarde pas le Reichstag, qui n'est pas du tout de cet avis. Les expulsions des sujets danois et autrichiens ont bien été faites dans le ressort de la monarchie prussienne, mais


REVUE CATHOLIQUE

D'ALSACE

NOUVELLE SÉRIE DIX-SEPTIÈME ANNÉE

1898

RIXHEIM IMPRIMERIE DE F. SUTTER & Cie

1893



TABLE DES MATIERES.

A. BENOIT. Notes sur l'Abbaye de Pairis 35

I. BEUCHOT. Un commissaire de Canton pendant la Révolution 702

— Les prêtres sexagénaires et infirmes du HautRhin

HautRhin la Révolution .... 845, 904

A. B. La sagesse et la destinée 944

E. BRAUN. Le discours de M. Brunetière à Besançon . . 280 G. CANET; La Science et les faits surnaturels contemporains 397 H. CETTY. Le IIe Congrès de la Démocratie chrétien à Lyon 131

— Les élections législatives de Mulhouse 1890-98 436

— Le socialisme allemand en 1898 529

— Le Cougrès de la jeunesse catholique à Besançon

Besançon

H. D. La Reconnaissance chez les Nations .... 591 G. DE DARTEIN. Les Quêtes en Europe pour les Prêtres réfugiés

en Suisse (1794 97) 369

N. DELSOR. M. le Chan. Victor Guerber. Nécrol 81

— Le cours pratique de sociologie à Strasbourg . 769

— Notices bibliographiques. A. Ingold. Le II vol. des

OEuvres inédites de Grandidier. — Marin : Les

Moines de Constantinople . 236

— F. Geigel : Reichs- und reîchsländisches Kirchenund

Kirchenund . 558

— . La Revue alsacienne illustrée 559

— E. Veyssier : De la méthode pour l'enseignement

des langues vivantes 790

— L. Dacheux : La Cathédrale de Strasbourg . . 876

— J. Lévy : Die Geschichte der Stadt Saaarunion 956

— Revue du mois 72, 153, 228, 309, 382, 472, 552

634, 713, 794, 861, 948 P. EBENRECHT. Les écoles primaires en Irlande et en Angleterre 620, 679

F. Mgr. J. M. Adam 19

Dr A. GARNIES. Races latines et Races du Nord 664, 762, 851, 914 AUG. GASSER. Grandidier est-il faussaire ?....... 401

— Réplique de M. le Prof. Herrmann Bloch, avec

observations de M. A. Ingold 561


IV TABLE DES MATIÈEES

L. GLOECKLER. A propos de la Campagne de César contre

Arioviste 924

A. INGOLD. Arthur Benoît. Nécrol. ......... 161

A. INGOLD Les Correspondants de Grandidier : Dom GrapET LOUVOT. pin, Bénédictin de Besançon 1, 86, 167, 340, 321 Dr L. KUENY. Causeries scientifiques : L'acétylène .... 200

J. LÉVY. Les Persécutions des catholiques dans le comté

de Saarwerden . . . 347, 461, 520, 603, 684

LOUVOT. Les Correspondants de Grandidier : Perreciot 801, 883

IGN. MUESS. Les oeuvres sociales et le congrès de Reims . 262

A. MULLER De la scolastique . . 341

CH. DE RENTY. Causeries littéraires. Les plaies de la littérature 53A.

53A. Le Théâtre et la Morale 494, 581

M. SCHICKELÉ. Le Doyenné du Sundgau . 101, 183, 424, 484, 571

641, 721, 816, 893 CH. SEYFRIED. Les Jésuites en Alsace : Collège de Molsheim . 60

144, 296

— Michel Tyran, curé constitutionnel de Molsheim

Molsheim . .... 361, 448

CH. SIPP. L'impôt sur le capital . 213

— . L'inspection du travail pour l'Alsace-Lorraine

en 1897 ...... 693, 749

— A travers les livres. — Gayraud : Questions

du jour 389

— Dehon : Manuel social chrétien . ..... 392

— Soulange-Bodin : Lettres à un Séminariste. . 394

— Mme Marie du S,Coeur : Les Religieuses enseignantes

enseignantes les nécessités de l'Apostolat. . 396

J. B. SOEHNLIN. La Réunion de la République de Mülhausen à

la France en 1798 . . 48.

A. S. Charles Schulmeister par le Dr L. Ehrhard. . 720 Dr J. WAGNER. Evolutionisme et transformisme 249

— Italie : Croquis et Souvenirs 118, 329, 504, 737, 933 X. X. X. Revue du Mois. . 472

— Mgr Baunard : Lettre à N. N. SS. les Evêques

et M. M. les Directeurs de Séminaire sur l'instruction scientifique dans le clergé. . . . 539 — Comment on prépare un Congrès . . ... 547 — H. D agneaux. Histoire de la philosophie . . 868

_. Dr T. Ludwig. Die dentsehen Reichsstände im Elsass und der Ausbruch der Révolutionskriege. 869

— Max Turriiann. Au sortir de l'école : les Patronages

Patronages . . . . 879

Z. ' Sigolsheim (Poésie) . . ... . . . . 881


REVUE DU MOIS 951

elles peuvent avoir une répercussion dans la politique générale de l'empire.

Le débat sur le budget n'a pas satisfait tous les catholiques, voici en effet ce que nous lisons dans un des plus grands organes de la presse catholique des pays rhénans : Dans la discussion du budget.... les députés sont loin d'avoir contenté tout le monde; le gouvernement seul a lieu d'en être fort satisfait. En effet, abstraction faite de MM. Richter, v. Vollmar et Bebel, jamais lui ne s'en est tiré aussi sain et sauf. Aussi dans tous les partis on en éprouve un sentiment plus ou moins vif de malaise et de mécontentement. Nul n'ose l'avouer, mais chacun a l'impression que les premières séances du Reichstag ne ressemblaient pas à ce qu'on, entendait jusqu'ici par discussion du budget. — Cette impression, est très jusiifiée. Et e s'explique par cette simple question. Le Budget offre-t-il donc un tableau si splendide que la critique doive être mise en déroute ? L'empire est-il dans une situation telle que les populations débordent de bonheur et n'ont plus rien à désirer ? Ce serait une absurdité manifeste de le prétendre. Le budget ne contient-il donc pas des crédits militaires qui étonnent, pour ne pas dire effraient, les militaristes les plus enthousiastes ? Et le discours du trône n'annonce-t-il pas une loi où de nombreux intéressés voient, peut-être non sans raison, une menace de leurs droits civiques les plus précieux ? Sous ce rapport il n'y a vraiment pas moyen de trouver le motif de la prudente frayeur avec laquelle les partis bourgeois ont abordé et discuté le budget. — Ce motif se trouve sur un autre terrain ; nous croyons devoir le discuter avec d'autant moins d'égards que par là nous ferons disparaître le plus rapidement son influence sur notre situation politique et la pression qui. pèse en conséquence sur l'atmosphère politique. Le vrai motif du changement de décor dans la discussion du budget, c'est le voyage de l'empereur en Orient, qui a ébloui et dévoyé quelques partis en sens divers, selon les sentiments et les espérances qu'ils en éprouvaient. Pour notre discussion nous considérons surtout l'effet de ce voyage et de quelques-unes de ses circonstances sur les catholiques et sur le Centre. Les expériences faites jusqu'ici ne permettent plus de cacher que la donation de la Dormition, dont aucun catholique ne contestera la haute signification, a suscité dans nos rangs des. sentiments d'une telle force qu'ils risquent de troubler sérieusement la vue nette de notre situation intérieure, très peu réjouissante précisément pour nous catholiques. — Ces sentiments ont, en ce qui concerne les députés catholiques, extraordinairement influé sur les débats du budget ; l'avenir montrera si c'est à l'avantage des intérêtsqu'ils ont à défendre. Nous avons déjà une fois fait remarquer pour le député Fritzen la grande différence entre, son discours de cette année et ceux des années précédentes, différence qui a dû frapper ses amis comme ses adversaires, parce qu'elle ne s'explique suffisamment ni par la situation budgétaire ni par quelques-unes des lois. annoncées dans le discours du trône. Au contraire : quelques-uns de ces projets exigeaient impérieusement des paroles énergiques pour la défense des intérêts et des droits du peuple. Même au sein de-


952 REVUE DU MOIS

la fraction (nicht nur ausserhalb der Fraction) on pensait que le Dr. Lieber en prennant encore la parole dans ce débat compléterait ce qu'avait dit M. Fritzen, c. à. d. qu'il entrerait plus à fond dans le projet de loi militaire et le projet de loi sur les grèves. — Cette attente était d'autant plus justifiée que tous les autres partis avaient exquissé leur position et que d'un autre côté le discours de M. Fritzen avait, au sein même de la fraction, été regardé comme insuffisant et y avait créé un certain sentiment de dépression. Le Dr. Lieber n'a pas répondu à cette attente. Sans doute aucune fraction ne peut donner un avis définitif sur un projet de loi avant de l'avoir mûrement discuté. Mais sans préjudice de cet examen sérieux, on aurait pu et dû déclarer, déjà maintenant, 1° que les exigences militaires toujours croissantes imposent au peuple allemand des charges dont on peut se demander si les classes moyennes et inférieures sont capables de les porter. C'est précisément l'objection qu'en 1893 le Centre a fait valoir pour repousser les projets d'alors. A-t-elle moins de poids aujourd'hui? 2° qu'en un moment où les gouvernements préparent une conférence pour mettre fin aux armements qui écrasent les peuples, c'est une ironie. (Hohn) de demander au peuple en hommes et en argent des sacrifices tels que les contient le projet de loi. Aucune de ces deux objections qui s'imposent d'elles mêmes n'a été soulevée et c'est ce que beaucoup d'électeurs (weiten Centrumswählerkreisen) du Centre ne comprendront pas. — Quant au projet de loi sur les grèves l'orateur même national-libéral a déclaré que son parti le repousserait s'il contenait des restrictions quelconques au droit de coalition ou des pénalités plus graves que celles édictées par l'article 153 de la loi sur le travail, qui d'ailleurs ne fut point voté. Est-ce que nos braves ouvriers catholiques si fidèles au Centre n'étaient pas en droit d'attendre des orateurs du parti au moins une déclaration semblable pour les tranquilliser ? Cette déclaration ne fut point faite. M. Lieber s'est étendu au long et au large sur le protectorat des catholiques allemands en Orient, sur lequel du reste on parle et écrit beaucoup trop. Les intérêts — même seulement matériels - des catholiques allemands, dans l'empire allemand sont-ils moins importants ? Cette discussion du, budget si surprenante (sonderbar verlaufene Etatsberathung) nous paraît imposer à la fraction le devoir de veiller avec soin à ce que le bien général de la confiance des électeurs catholiques ne soit pas mis en danger par l'excès des qualités „d'homme d'état" de quelques-uns. Se taire en lieu et en temps inopportuns, cela pourrait, se venger cruellement." 1) (Deutsche Reichszeitung, 17 Dec. 1898).

J'aurais préféré ne donner qu'un résumé de ce long article, mais les résumés sont quelquefois plus traîtres que les traductions. Je ne prends pas non plus la chose aussi au tragique que cela. Je tenais beaucoup plus à montrer aux lecteurs de la Revue qu'à Bonn on ne se laisse pas imposer ce fétichisme muet sous le jong duquel d'aucuns voudraient nous faire passer en Alsace. A moins qu'on ne.:

l) Les passages soulignés le sont, dans l'original. N. d. 1. R.


REVUE DU MOIS 953

prétende peut-être que le patriotisme de la Deutsche Reichszeitung est faux teint et que son catholicisme sent le fagot.

Le groupe des députés alsaciens-lorrains a dès le 7 décembre déposé deux motions, l'une sur l'abolition de la dictature et l'autre sur la réforme de la loi électorale pour le Landesausschuss. On a élevé des doutes sur l'accord régnant au sein du groupe ; je puis affirmer que jamais cet accord n'a été plus parfait, notamment en ce qui concerne l'opportunité du maintien du groupe. Sur le fond de cette question nous sommes tous solidaires les uns des autres, et les coups que l'on porte à l'un retombent sur le groupe tout entier. Si l'admirable uuion qui s'est créée dans le feu de la bataille électorale devait jamais être ruinée par les perfectionnements dirigés contre elle, si les pommes de discorde qu'on lance dans nos rangs devaient réussir à nous diviser de nouveau, au grand et seul profit des partis gouvernementaux et du socialisme, la responsabilité n'en retombera pas sur le groupe de la députation alsacienne, elle appartiendra à d'autres : il importe de le constater dès maintenant. L'union n'est du reste pas une paire de coquilles où il faille passer à l'état d'huître, pour mettre plus exactement les. intelligences au niveau les unes des autres. Je ne vois pas, pour ne parler que d'un seul exemple : la translation du Petit Séminaire de Zillisheim à Colmar, sur laquelle je ne veux ici exprimer aucune opinion, pourquoi l'union exigerait que nous ayons le même avis sur une question de lieu absolument accessoire. J'apprécie les raisons des uns et des autres ; ce que je n'admets pas, c'est qu'on y introduise une espèce de question d'orthodoxie. Il y a parmi nous desgens qui urgent la notion d'union à un tel point que toute union devient par là impossible. In necessariis unitas, et pas plus.

Je doute même que la conférence internationale de Rome contrel'anarchisme soit arrivée jusque là. Aucun gouvernement n'aura voulu renoncer aux moyens d'être désagréable à l'autre en donnant asile à des criminels politiques. Il aurait du reste fallu pour cela que l'Italie en particulier renonçât à tout son passé : le trône actuel de la dynastie de Savoie repose sur des fondements qui ne sont cimentés que par le sang des assassinats, perpétrés au nom de la Patria dont Victor-Emmanuel est proclamé le Père sur son épitaphe. On dit du reste que la conférence a brûlé ses protocoles; rien ne prouverait plus clairement qu'on n'est pas arrivé à un accord diplomatique proprement dit et que les délégués ne remportent chez eux. qu'une échange de vues d'après lesquelles sera réglée la police internationale : en somme rien d'autre que ce qu'on eût pu faire sans cette pompeuse mise en scène de la Consulta.

Il est fort à craindre que la conférence de S. Pétersbourg sur tél désarmement n'ait une issue encore plus piteuse. Elle n'a même p us de raison de se réunir, et on ne voit pas pourquoi on en imposerait les frais aux contribuables, puisque, dans presque tous les pays, les budgets de la guerre et de la marine sont grossis de nouveaux millions, que presque partout les effectifs sont augmentés, que presque toutes les majorités parlementaires sont disposées à voter les uns et les autres. Puis viennent les sociologues qui dé-


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clarent que le désarmement dans la situation actuelle serait un mal presque équivalant à celui du militarisme. Jetez deux cent mille paires de bras sur le marché du travail industriel, et voyez, disentils, quelle dépression dans les salaires, au moment même où l'on, fermera toutes les usines qui fonctionnent pour les armements. Nous, en sommes donc arrivés à l'état de l'âne de Buridan : et nous, mourrons de faim entre la botte de foin des armements à outrance et le seau d'eau du désarmement. Et derrière les sociologues viennent MM. les Anglais. Ceux-ci ne veulent. pas désarmer du tout.. La situation intérieure de la France, pénsent-ils, est excellente pour lui prendre ses colonies, et nous voulons bien la paix, si la France s'en laisse dépouiller sans tirer un coup de canon. On se croirait, revenu à l'époque de Lord Palmerston, c'est en effet là qu'il faut remonter pour retrouver dans ce siècle une politique semblable à celle que poursuivent les hommes d'Etat anglais contre la France. Il n'y a pas un point sur le globe où ils ne cherchent à renouveler les incidents de Fashoda. Contrairement à toutes les règles du droit des gens, l'ambassadeur d'Angleterre à Paris a prononcé à Paris même un discours dont le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il était impertinent.

Les Anglais d'ailleurs ne font pas contre la France la moitié de ce que font ses propres enfants. Une défaite sur un champ de. bataille ne serait pas à beaucoup près aussi déshonorante pour, l'armée que la campagne entreprise contre elle par cette fraction du parti de.Dreyfus qui s'appelle, les intellectuels. Qu'ils poursuivent la réhabilitation de Dreyfus, s'ils sont convaincus de son innocence, c'est leur droit, même leur devoir. Mais les moyens qu'ils emploient démontrent trop bien que leur principale préoccupation n'est ,pas, le condamné de l'île du Diable, mais qu'il s'agit simplement de se venger sur les chefs de l'armée où, ils ont fait leur service à contrecoeur, des quelques jours de salle de police que leur a valu la difficulte de se soumettre au régime de la caserne. Et au moment où l'on croit que l'affaire va aboutir en un sens ou en l'autre, surgissent des incidents nouveaux. Telle la déclaration de M. de Freycinet à la Chambre sur l'existence du fameux dossier secret qui ne pourrait être communiqué que sous certaines garanties que le défenseur de Dreyfus ne veut pas donner, et qui même si elles étaient promises seront complètement illusoires.

On est fourré dans une telle impasse que l'on se familiarise avec l'idée d'un coup d'état militaire; beaucoup même le désirent et soupirent après le jour où un général sera assez hardi pour monter à cheval et pour balayer Elysée, Palais-Bourbon et Luxembourg. C'est bien là le système cher à une bourgeoisie trop lâche pour remplir ses devoirs civiques et trop bête pour comprendre qu'un coup d'Etat ne changerait absolument rien aux causes qui ont amené la situation actuelle. Avec de l'énergie, et un sentiment, une intelligence profonde du devoir, on arriverait par des voies légales plus sûrement au but auquel on rêve d'arriver par un coup d'Etat. Quand Je comte. d'Artois en 1814 entra à Paris, il dit à la garde nationale. : „MM. ne craignez rien, il n'y a qu'un Français de


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plus." C'était hélas ! très vrai. Les trente autres millions restaient ce qu'ils étaient et c'est ce qui amena 1830. Avec un nouveau dictateur, on recommencerait un recommencement qui finirait comme ont fini les règnes de tous ces libérateurs. En attendant on n'a pas même essayé de discuter le budget qui devait entrer en vigueur le 1er janvier, car il est assez probable que cette discussion aurait coûté la vie au ministère. On a voulu lui accorder la trêve des •confiseurs.

La paix est conclue maintenant entre l'Espagne et les EtatsUnis. Comme il n'y a plus rien à voler à l'Espagne; on peut croire que ce sera la paix perpétuelle entre les deux pays. Si l'Espagne le veut, ses malheurs pourront lui être utiles; après avoir soldé les frais de guerre, elle pourra employer l'argent que lui coûtaient ses colonies à développer ses richesses continentales. Elle devra commencer par pratiquer de larges coupes dans ces forêts de maréchaux, de généraux et de colonels qui encombrent son budget et ses armées et qui ne sont qu'un foyer de constantes intrigues politiques. Elle, sera peut-être moins gênée par ses défaites que les Etats-Unis de leurs victoires. Ce n'est pas tant une évolution qu'une révolution qui vient de se produire dans la grande république. Personne ne peut encore prévoir quelle influence cette révolution exercera sur son avenir parce que cela dépendra en grande partie de la façon dont se régleront ses relations nouvelles avec les puissances européennes. En tout cas il faudra une autre armée, une autre flotte, un autre pivot pour la diplomatie.

La paix est aussi rétablie en Crète. Le prince Georges y a été installé par les amiraux des quatre puissances. Le pavillon turc n'y flotte plus que pour la forme, pour calmer l'imagination de ceux qui veulent croire que l'intégrité de la Turquie n'a pas été lésée. Tout est bien qui finit bien.

N. DELSOR.


A TRAVERS LES LIVRES.

Saarunion depuis ses origines jusqu'à nos jours. 1)

Peu d'auteurs étaient plus aptes à, écrire l'histoire de Saarunion que celui des nombreuses notices publiées sur tant de localités de la région alsacienne du pays de là Saar.

M. l'abbé Lévy appartient à cette école qui a repris les vieilles et bonnes traditions de nos anciens historiens, il ne pense pas que l'historien se fait a priori, qu'elle puisse se passer de documents authentiques, et que la beauté des périodes littéraires puissent remplacer les fouilles dans les archives. Aussi nous dit-il dans sa préfacetoutes les peines qu'il a eues pour puiser aux sources. Les documents sont en effet dispersés dans une vingtaine de dépôts publics en Allemagne, en France, en Belgique etc.

La difficulté de trouver les documents n'est pas la seule inhérente à, un travail de ce genre, une.autre difficulté consiste à en faire un choix tel qu'on n'omette rien d'essentiel et qu'on ne grossisse-. pas un volume par des pièces sans intérêt pour l'histoire.

Je ne voudrais pas affirmer que l'auteur, a toujours su éviter ce dernier défaut.

N'y a-it-il, pas aussi un écueil dangereux dans l'idée de.prolonger l'histoire d'une petite ville jusqu'en 1898? Ou bien on fait de l'histoire vraie et alors on risque de blesser bien des susceptibilités, on bien.on se borne à des nomenclatures de maires et d'adjoints, d'instituteurs et d'institutrices, de curés, et de pasteurs etc. qui sont choses bien menues pour mériter le nom d'histoire.

Quoi qu'il en soit de ces défauts, inévitables peut-être quand on écrit sur des sujets d'un intérêt très restreint, le livre de M. l'Abbé Lévy nous retrace d'une façon assez vivante la physionomie de la vie politique, civile et religieuse de ce vieux Bockenheim dont les origines remontent à l'époque celtique. N. D.

1) Gesohichte der Stadt Saarunion seit ihrer Entstehung bis zur Gegenwart, Ton Joseph Lévy, Pfarrer in Lorenzen und korrespondierendes Mitglied der Académie von Metz. — 480 pp. in-8°. Labroque-Schirmeck, Hostetter, 1898, — Se vend au profit de l'église mixte de Mackwiller

N. DELSOR Rédacteur responsable.

Imp. F. SUTTER & Cie. — Rixheim (Alsace).


ETUDES. 5 Dec. — Les cono itions de la Littér. fr. au 19e s.

— La question du jour. — Une cannonière fr. dans le Fleuve bleu.

— Les périls du protectorat fr. en Orient. — M. Tamisey de Larroque. — 2 nouveaux livres sur S. Ignace.

20 Dec. — Ch. Ch. Charaux. —La voeu en gén. et voeux rel. en partie. — M. Tamisey de Larr. - Le monument de Bossuet.

ST. NICOLAS. — Un caprice du petit Noël. — La Troupe à Ton Galaor. — Au Paradis. — Paroles françaises. — Léo Coiffeur. —Filleuls de Napoléon, — Devinettes.— Illustrations. — Un numéro spécimen sur demande affranchie. — C Delagrave, 15, rue Soufflot. Paris et chez tous les libraires. Paris* et Dép. : 6 mois 10 fr. ; un an 18 fr.

BULLETIN CRITIQUE. 5 Dec; — E. Segond : L'homme. — G. Breton : Mgr. Bertrand de Tulle. — J. Texte : Et. de littér. europ.

SOCIÉTÉ DE SAINT-AUGUSTIN, BRUGES Almanachs pour 1899.

Almanach illustré des familles. In-4° de 80 pp., nombr. grav. en noir et une chromotypie, couv. en chromolithographie. Fr. 0,50.

Almanach des enfants de Marie. Gr. in-8° de 80 pp., couv. en chromolith. Fr, 0,30.

Almanach pour tous. In-16 de 96 pp., nombreuses gravures, couv. en chromolith. Fr. 0,25.

Almanach populaire des enfants. In-18 de 64 pp., orné de nombreuses grav., couv. en chromolith. Fr. 0,15.

Almanach populaire. In-16 de 61 pp., nombr. grav, couv. en chromolith. Fr. 0,10.

Almanach des enfants. Gr. in 32, 112 pp., nombr. grav. et 3 chromot., élég. couv. en chromolith. Fr. 0,30.

Almanach de S. Antoine de Padoue. In-16, 96 pp., Lombr. grav. couv. en chromolith. Fr. 0;25.

Almanach des Missions. In 48, 64 pp., nombr. grav. et magnifique chromo Ange de Fra Angelico, couv. en riche chromolith. Fr. 0,50.

Almanach parisien ou de Porte Monnaie. Tout petit livret de 12 pp., couv. chromo. Le cent 5 fr.

Almanach de la jeune fille. Beau volume in-4° de 64 pp. texte, impression de luxe, nombr gravures. Édition de luxe fr. 1,00. Ëdit. carton, de luxe fr. 1,25. Édit ordin., broché, fr. 0,50.

Almanach de la sainte Famille. Un vol. in 8° de 80 pp., couv. en chromolith. Fr. 0,30.

Le grand Almanach catholique. Gr. luxe. 5 gr. chromos, 12 pp. enluminées, 179 pp. de texte. Fr. 5,00. — Luxe, 3 gr. chromos, 12 pp. enluminées, 179 pp. de texte. Fr. 3,00. — Ordin. in-4° de 80 pp. Fr. 0,50.

Contient la statistique des États, omise en 1898. La poésie repose de ces réalités : ici c'est un fils de zouave qui chante les grands jours d'épopée où pour la sainte Église, on versait tout son sang; — là, l'Angelus de Paul Harel, l'Aurore de Pâques, par le Delaporte. Un peu plus loin, la Madone des Marchands de Chanvre,


la Vierge de l'Emeraude. - 3 Dame du Puy. — Voulez-vous

rire?... écoutez Paul Harel, 1' du retour aux champs, dans

le banquet électoral. — Outre JKlKîr,. — Le P. Chérot nous conduit au seuil du XXe s. à travers les chantiers de la future Exposition. — M. de Poli s'échappe du présent vers l'écuycr de Jeanne d'Arc.

— M. Witz nous arrête da la lune, Notre satellite. — De ces hauteurs nous retombons en pleine campagne antisémitique... sous Pierre le Gr.; — puis dans un club féministe ; un portrait du prince

de Bismark, crayonné sans colère ; un regard dans la conscience de Gladstone; un souvenir au sujet de la reine Wilhelmine, etc.

Calendr ers à effeuiller.

Les calendriers à effeuille de la Société de Saint-Augustin se divisent en deux groupes, les profanes et les religieux.

Les premiers Ephémérides, Proverbes, Maximes, et surtout, le Calendrier Littéraire, doivent leur originalité au choix' des glanes histor. poétiques, philos.

Les calendriers religieux pourraient se subdiviser à leur tour en espèces très différentes. Le calendrier Dominicain, le Franciscain, le Bénédictin. Les autres sont extraits des oeuvres d'un même écrivain ; il y a un charme très particulier a lire, et surtout à creuser, chaque matin, une pensée d'un grand homme: c'est en quelque sorte pénétrer dans son intimité. L'esprit a tout à gagner à cette fréquentation, S. Augustin, S. Ignace, Bossuet; S. Vincent de Paul, S. Alphonse, S. François dé Sales, S. Paul de la Croix, S. Berchmans, S. Paul, l'Écriture sainte, l'imitation, Sacré-Coeur, Saint-Sacrement, Ste Vierge, S. Joseph, Rosaire, calendrier des Saints.

I. CALENDRIERS RELIGIEUX. — Selon les dimensions et la beauté du carton sur lequel sont fixés les blocs de ces calendrier, les prix varient comme suit : Fr. 0,50, 0,55, 0,60, 0,70, 0,75, 1,00, 1,10, 1,25, 1,50.

Calendrier du saint Enfant Jésus.

Calendrier du saint Joseph. — Contenant pour chaque jour de l'année, des pensées des saints et des docteurs, en l'honneur du grand Patriarche, proclamé par Pie IX, patron de l'Eglise universelle. Prix : Fr. 0,75, 1,00, 1,10, 1,25, 1,50.

II. CALENDRIEBS PROFANES. — Prix : Fr. 0,40, 0,50, 0,55, 0,60, 0,75, .1,00, 1,10, 1,25, 2,00.

En vente à la Société de Saint-Augustin, et chez les principaux libraires,

ANNUAIRE pour l'an 1899, publié par le bureau des Longitudes. Avec des Notices scientifiques. 1 fr. 50. Paris, Gauthier Villars, impr. libr. du bureau des longitudes;. Quai des Grands-Augustins, 55.

Il est inutile de rendre attentif le public cultivé à la haute valeur scientifique de cet Annuaire, qui se met chaque année au courant des découvertes les plus importantes. Pour 1899 on y a aujouté les dissertations suivantes : Sur les ballons-sondes, par M. Bouquet de la Grye.— La Céodésie moderne en France, par M. Bassot. — Sur le sidérostat à lunette de 60m de foyer et de 1m, 25 d'ouverture en construction chez M. Gautier. —Sur les travaux exécutés à l'observatoire du Mont Blanc en 1898, par M. J. Jansseh.