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Titre : [Séance publique annuelle de l'Académie des sciences, agriculture, arts et belles-lettres d'Aix]

Auteur : Académie des sciences, agriculture, arts et belles lettres (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône). Auteur du texte

Éditeur : Académie des sciences, agriculture, arts et belles-lettres d'Aix (Aix-en-Provence)

Date d'édition : 1869

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb343673900

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb343673900/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

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Description : 1869

Description : 1869.

Description : Collection numérique : Fonds régional : Provence-Alpes-Côte d'Azur

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5531426z

Source : Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2008-276627

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 19/01/2011

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SEANCE PUBLIQUE

DE

L'ACADÉMIE

DES

SCIENCES, AGRICULTURE, ARTS ET BELLES LETTRES

D'AIX

AIX

IMPRIMERIE DE MARIUS ILLY, RUE DU COLLEGE, 20

1869



SÉANCE PUBLIQUE

Le Jeudi vingt-deux Avril mil huit cent soixante-neuf, la quarante-neuvième Séance publique de l'Académie a eu lieu 9 à deux heures après-midi » dans la grande salle de l'Université. L'affluence des auditeurs n'avait jamais été aussi grande. Tous les étrangers de distinction , venus à Aix à l'occasion du Concours régional , s'étaient joints aux principaux représentants du clergé , de la magistrature , de l'Université et des diverses administrations.

ML ALEXIS DE FONVERT, président de l'Académie, a ouvert la séance par le discours suivant :

MESSIEURS ,

Quand de diverses contrées, les masses s'ébranlent pour se concentrer en un même lieu, la cause de ce mouvement se rattache toujours à l'intérêt public, et lorsque cette cause est


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l'expression d'une grande pensée d'utilité, ce ne sont pas seulement la spéculation, la convoitise des richesses ou la simple curiosité qui sont mises en jeu, ce sont les nobles instincts, c'est le ressort toujours actif de l'intelligence.

Le grand Concours qui vient de s'ouvrir au centre de cette cité a pour but d'activer dans la région méridionale l'impulsion qui, dans toutes les provinces de notre belle France, accélère le progrès de l'agriculture. Pouvait-il se faire que l'Académie d'Aix qui a placé en tête de sa devise le nom de l'étude la plus ancienne et la plus noble de toutes celles qui ont civilisé les hommes , ne demandât pas la parole dans cet intéressant Congrès qui lui est consacré.

Les intérêts de l'agriculture ont été mis à bon droit, depuis bien longtemps, au premier rang de ceux que la société doit défendre et éclairer. Tous les hommes intelligents obéissent aujourd'hui à ce mot d'ordre. Aussi voit-on de toutes parts se former des associations que rendent indispensables le besoin d'apprendre et la nécessité d'exprimer hautement ce qui manque à notre industrie agricole, ce qui arrête ses développements.

A des intervalles dont la durée se restreint chaque année, les hommes les plus actifs, les plus empressés de marcher dans la voie ouverte, interrompent pour un moment: les uns l'ensei-


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gnement pratique qu'ils dirigent au milieu de leurs champs ; les autres l'étude du cabinet, si utile lorsqu'elle s'applique à la concentration des documents donnés par l'expérimentation. Ils viennent tous apporter dans les assemblées comiciales le fruit de leurs recherches et de leurs essais.

Il y a, Messieurs, un siècle à pareil jour que la Société académique d'Aix, qui, sans doute, avait pressenti ce mouvement, tenait sa première séance publique pour appeler à elle les hommes qui cultivaient les sciences utiles à l'agronomie, aussi bien que ceux dont l'esprit se plaisait dans l'étude des lettres. Elle n'a pas cessé depuis de se préoccuper, avant tout, des questions qui touchent au progrès de l'agriculture.

Aujourd'hui elle saisit avec empressement l'occasion qui lui est donnée de s'associer à la grande oeuvre d'émulation qui appelle sur ce point central les agriculteurs des huit départements du Midi. Elle a compris tout l'intérêt qui s'attache à la lutte engagée, et lorsqu'elle a vu tant de médailles destinées à l'industrie des uns, aux labeurs des autres, elle a pensé qu'il lui siérait bien aussi de décerner une couronne.

Son action toutefois devait être circonscrite dans les limites que lui impose son organisation. Aussi, tandis qu'il appartient aux mandataires des grandes institutions agricoles de parcourir


— 6 - le champ d'exposition des produits et des instruments , d'en juger et d'en récompenser le mérite et l'utilité , l'Académie s'est réservé la distribution des prix qu'elle accorde aux meilleurs ouvrages d'agronomie publiés depuis le dernier Concours qui fut ouvert il y a cinq années dans notre cité.

Elle a restreint à l'agriculture provençale l'étude qu'elle voulait encourager. Tout le monde comprendra et approuvera, sans doute, celle réserve que justifie, avant tout, le désir, le devoir même de l'enseignement là où il doit être réellement profitable. Mais je dois laisser le développement de cette pensée à l'honorable et aussi savant que spirituel rapporteur qui a bien voulu se charger de rendre compte des travaux des concurrents et d'exposer les motifs du jugement de l'Académie.

Je ne puis cependant, résister au désir de préciser ici en peu de mots la pensée qui, déterminant l'Académie à ouvrir un Concours , donne au but qu'elle s'est proposée une réelle importance.

Nous ne serions pas Français, Messieurs, si nous ne nous énorgueillissions pas de voir nos manufactures rivaliser avec celles des autres nations, les surpasser même toutes les fois que le bon goût, l'élégance, une ingénieuse conception en déterminent la préexcellence. Mais ne


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faut-il pas reconnaître que les ressources qu'elles produisent ne doivent être considérées que comme de puissants auxiliaires à la richesse publique et n'en constituent pas la source. C'est dans le sol le plus riche que l'on connaisse que la France trouvera toujours le fondement de sa puissance, et c'est pour cela qu'en ces temps surtout où de toute part l'envie semble nous menacer, un élan nouveau s'empare des populations et les excite à se livrer avec ardeur, je dirai volontiers avec la fièvre de l'espérance, au travail rémunérateur, oui, mais surtout patriotique, que réclament nos champs si féconds.

Mais pour arriver à bien, une bonne direction est, en tout, indispensable. L'agriculture, sans doute, est une science qui se fonde avant tout sur les résultats de l'expérience et se forme par la pratique. Cependant s'il faut éviter avec soin les indications hasardées que suggèrent aux agronomes des manuels inventés par la spéculation ; s'il est très vrai que faire de l'agriculture avec des livres est se préparer des déceptions le plus souvent désastreuses ; il est vrai aussi que la routine a de funestes effets, qu'il faut lui faire une guerre incessante et la détruire si nous voulons préparer une marche sûre au véritable progrès. Il est nécessaire encore que l'agriculture ne soit pas abandonnée à des mains ignorantes ou mercenaires : celles-ci ne cherchent


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qu'à se hâter de réaliser le profit de leur fraude, laissant aux producteurs les conséquences fatales de leur coupable industrie ; celles là ne cherchent dans les produits que les moyens de prolonger une existence pénible, incapables de se livrer à aucune de ces tentatives hardies, de ces expériences que le succès trompe quelquefois, il est vrai, mais qui peuvent seules faire sortir le plus noble des arts de son état de torpeur et le faire parvenir au point de perfection où sont arrivés presque tous les arts qui tiennent à l'industrie.

Et quel moyen plus propre à guider les agronomes de bonne foi et confiants en leur bonne volonté , à les guider dans leurs incessantes recherches, dans leurs laborieuses tentatives, que la publication des annales de leurs fautes, de leurs erreurs et de leurs succès, que la connaissance des livres élémentaires qui contiennent en un style simple et clair les résultats avérés des recherches scientifiques, les documents les plus utiles à la connaissance des phénomènes de la nature dont l'influence sur la végétation est si activé et si importante à connaître.

C'est ainsi que nous concevons le vrai mérite d'un ouvrage traitant d'agriculture ; c'est ce travail consciencieux et éminemment utile que l'Académie a voulu récompenser.


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Cette séance, Messieurs, n'aura pas son intérêt seulement dans les encouragements précieux que retireront de votre approbation les lauréats du concours savant dont nous allons bientôt proclamer le succès. Un mérite plus modeste, mais plus digne encore de vos sympathies, sera aussi récompensé. Ce mérite est celui de la vertu, non de la vertu qui recherche la louange, mais de la vertu qui passe humble et résignée, faisant le bien.

Au milieu du grand mouvement qu'impriment à la cité des milliers de personnes accourues dans ses murs, préoccupées les unes du succès de leurs inventions, les autres de leur ambition insatiable, toutes des promesses séduisantes de la fortune ; il nous est donné, Messieurs, une grande mission et nous en avons l'âme toute émue et la pensée animée d'une noble fierté ; c'est d'élever celle qui s'humilie et de proclamer que la première, la plus précieuse des couronnes que les hommes peuvent décerner, est celle qui seule s'adapte aux palmes de l'éternelle récompense.



RAPPORT

SUR LES

TRAVAUX DE L'ACADÉMIE D'AIX

(1867-1869)

PAR M. MOUAN,

Secrétaire-perpétuel.

MESSIEURS ,

Vers le milieu du XVIIIe siècle, l'Académie française admettait dans son sein l'oratorien Foncemagne qui remplissait, depuis plusieurs années, les fonctions de secrétaire-perpétuel à l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Le président de l'illustre compagnie rappelait au récipiendaire le succès avec lequel il rendait compte deux fois par an des travaux de l'Académie , en présence d'un auditoire dont il est essentiel autant que flatteur de mériter les suffrages. S'il est permis de comparer les petites


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choses aux grandes, je voudrais , en ce jour, pouvoir revendiquer une faible partie de ces paroles : malheureusement je n'ai d'autre titre que la bienveillance avec laquelle vous voulez bien accueillir l'obligation que m'impose un des principaux devoirs de ma charge, et je connais toutes les qualités dont je suis dépourvu. Toutefois je n'abuserai pas longtemps de vos moments et ce sera mon seul mérite, dussé-je ne vous présenter, au lieu d' un tableau animé , qu'une pâle esquisse des oeuvres de mes honorables confrères.

Les sociétés savantes n'ont pas uniquement pour but d'entendre les communications de leurs membres et de régler leur administration intérieure ; elles doivent encore, et c'est là un objet essentiel de l'institution de ces compagnies , participer dans la mesure de leurs moyens , à tout ce qui intéresse le monde scientifique et littéraire. J'aime à mentionner que l'Académie d'Aix n'est point demeurée étrangère à un mouvement, véritable caractère de notre époque, par lequel les esprits se portent avec ardeur à tout ce qui peut agrandir le domaine des intelligences.

Un hardi navigateur conçoit le projet d'ouvrir un passage direct et commercial pour pénétrer au Pôle Nord, malgré les malheureuses tentatives faites jusqu'à ce jour. L'entreprise de


— 13 — M. Gustave Lambert reçoit partout de vives sympathies. Notre Académie lui prête son concours et organise un comité local. Elle joint son offrande à ses voeux pour la réussite d'un noble et patriotique dessein.

On sait quelle influence exercent depuis trentequatre ans sur le réveil de la vie intellectuelle en province les congrès scientifiques de France habilement dirigés par M. de Caumont. Pénétrée de l'importance de ces assemblées , l'Académie prend elle-même l'initiative en 1866 pour que la ville d'Aix soit le théâtre de ces mémorables assises, et vous n'aurez point oublié la part active qu'y apportèrent quelques-uns de ses membres. J'ajoute qu'à la dernière session tenue récemment à Montpellier notre compagnie est encore dignement représentée.

Désireux de rattacher aux publications des corps savants de la capitale celles plus modestes mais non sans mérite des sociétés des départements, S. Exc. M. le ministre de l'instruction publique a organisé des réunions annuelles à la Sorbonne. Après quatre jours consacrés à des lectures publiques, des récompenses sont décernées aux sociétés de la province dont les travaux ont été jugés les plus intéressants.

L'Académie se montre attentive à l'invitation de M. le ministre qui a bien voulu encourager nos efforts par de nouvelles subventions ; elle


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délègue chaque année deux de ses membres aux séances de la Sorbonne et je suis heureux de rappeler que sur la proposition du comité (section des sciences), une médaille d'or vient d'être accordée à M. le comte Gaston de Saporta, pour ses savantes recherches relatives aux végétaux fossiles. Cet honneur insigne rejaillit sur notre compagnie qui a reçu par deux fois une médaille de moindre valeur pour être déposée dans ses archives.

Le zélé fondateur de l'Institut des provinces, M. de Caumont, organise en outre tous les ans, à Paris , un Congrès des délégués des sociétés savantes : toutes les connaissances qui sont du ressort de l'esprit humain offrent un vaste champ à exploiter aux pionniers de la science. L'Académie a encore délégué deux de ses membres à une réunion qui, cette année, offre un intérêt particulier par les questions soulevées au sujet de l'enquête agricole.

Dans ce rapide exposé, je ne saurais omettre ce qui se rapporte au premier des arts: l'agriculture a été le but principal de l'institution de notre société et elle n'a pas cessé de s'y montrer fidèle depuis son berceau jusqu'à nos jours. Aussi a-t-elle considéré comme un devoir indispensable de prendre part au Concours régional qui déploie en ce moment dans nos murs toutes ses richesses, et autour duquel tant de brillantes


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fêtes viennent se grouper comme pour lui rendre hommage. L'Académie voudrait ainsi seconder l'action du gouvernement encourageant l'agriculture par tous les moyens. Favoriser ses progrès, honorer ceux qui en font le sujet de leur étude, telle est la mission qu'il poursuit avec persévérance, ainsi que le constatait naguère au Concours général de la Villette M. le ministre des travaux publics.

Déjà lors des fêtes agricoles du mois de septembre 1864, l'Académie avait, à la suite d'un brillant concours, décerné des médailles aux meilleurs traités sur les matières agronomiques. Ils furent l'objet d'un rapport remarquable de notre collègue M. Feraud-Giraud. La première des récompenses fut accordée à l'important ouvrage de M. le comte de Gasparin , témoignage posthume de reconnaissance au nom des populations méridionales.

Aujourd'hui le rapport qui va bientôt vous être lu attestera que l'appel fait par l'Académie a de nouveau été entendu. L'opinion publique ratifiera, nous l'espérons, le choix des agriculteurs qui sont sortis victorieux de la lutte.

Mais j'ai hâte d'arriver à ce qui concerne plus spécialement les travaux particuliers de mes confrères.

Comme premier trait de cette revue rétrospec-


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tive, je constate avec satisfaction que l'Académie agrandit de plus en plus le cercle de ses relations avec les sociétés correspondantes. L'activité de nos échanges nous a valu une multitude de Mémoires, recueils, annales et bulletins. Notre zélé président, habilement secondé par un de nos vice - présidents , M. le conseiller Amédée de Fonvert, nous a signalé ce que ces publications pouvaient avoir de plus attrayant, de plus digne de provoquer les observations que quelquesunes ont motivées. Je me plais encore à rappeler le discours vivement applaudi prononcé par M. le président Alexis de Fonvert à notre dernière réunion solennelle. Amateur éclairé des beaux-arts, notre confrère y retraçait leur influence et leurs modifications à travers les temps, depuis l'ancienne Grèce jusqu'à l'époque du seizième siècle. Les connaissances artistiques de M. Alexis de Fonvert se reflètent dans cette étude remarquable par l'érudition, la judicieuse critique et le goût parfait de son auteur.

Lors du dernier compte-rendu présenté par M. de Berluc-Perussis, alors secrétaire annuel, avec une méthode et une élégance de style que je ne saurais égaler, l'honorable rapporteur mentionnait que le fauteuil laissé vacant par la mort de M. le doyen Lafaye allait être occupé par M. l'avocat-général Desjardins , lauréat de l'Institut. Dans son discours de réception, le


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savant magistrat a retracé la biographie de son prédécesseur dont l'existence fut uniquement consacrée à l'enseignement de la philosophie et à des travaux importants sur la linguistique. M. Desjardins a apprécié notamment avec une rare sagacité et une grande érudition le dictionnaire des synonymes de la langue française, objet d'une flatteuse distinction. Les qualités privées de M. Lafaye ont encore inspiré à son digne successeur de touchantes paroles et il s'est montré le fidèle interprête de nos regrets.

M. le comte Gaston de Saporta continue à nous faire part de ses savantes recherches sur la science paléontologique. Dans son étude relative à l'époque quartenaire, il signale la faune de ces temps reculés et divers vestiges d'animaux dont la race est éteinte. Citons encore de notre collègue un mémoire sur la végétation du globe à une époque antérieure à l'homme ; la paléontologie appliquée à l'étude des races humaines, et un travail particulier sur la botanique fossile. C'est la description d'une plante appelée Asplenium Petrarchoe , espèce curieuse observée en Provence, signalée d'abord par M. de Candolle et découverte suivant quelques botanistes dans les grottes de Vaucluse, suivant d'autres, aux environs de Salon. Les travaux de M. le comte de Saporta lui ont acquis une telle réputation que tout éloge deviendrait superflu.

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M. le professeur Faure pour qui les sciences mathématiques n'ont point de secret, nous a fourni des observations sur les Imaginaires de Newton , expression qui n'aurait pas le même sens que celui attribué par l'illustre auteur des Principes de la philosophie naturelle. M. Faure nous a encore communiqué une note sur le postulatum d'Euclide , proposition contre laquelle se heurtent les géomètres depuis les temps les plus reculés.

M. le docteur Bourguet, membre du conseil d'hygiène de l'arrondissement, avait déjà amplement justifié ce titre par des considérations sur l'insalubrité de la ligne du littoral au sujet du chemin de fer de Cette à Marseille et par son étude sur le colmatage, la submersion et le dessèchement des marais. Tout récemment notre confrère nous a communiqué un nouveau travail intéressant au point de vue de la médecine vétérinaire et de l'économie rurale. Il s'agit de la clavelée, cette épizootie qui sévit d'une manière cruelle sur les bestiaux. Quelles sont les causes de ce mal? L'habile praticien les attribue surtout à la transhumance et à l'arrivage des moutons africains s'opérant d'une manière vicieuse. Quelles mesures prophylactiques à prendre contre la clavelée? On a voulu pallier ses funestes effets par des règlements et des arrêtés qui affectent des carraires spéciales pour


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le passage des moutons d'Afrique et par la séquestration de ceux que l'on soupçonnait être atteints ; malheureusement l'expérience a prouvé que ces moyens étaient insuffisants. Le vrai remède à employer est l'inoculation dont le procédé est simple et facile ; ses heureux résultats sont constatés par des écrivains autorisés tels que Chaptal et M. de Gasparin et en outre par de nombreux exemples pris dans divers pays. Faisons des voeux avec M. le docteur Bourguet pour que le gouvernement, les comices et les sociétés d'agriculture s'efforcent de propager l'inoculation par tous les moyens en leur pouvoir. Les instructions à ce sujet ne sauraient être trop répandues dans les campagnes et l'inoculation devrait entrer dans les moeurs et les usages de leurs habitants.

Joignons à ces travaux scientifiques quelques communications historiques et littéraires.

Ce qui se rapporte aux origines du droit français, à nos vieilles coutumes et anciens statuts sera toujours un objet curieux de comparaison avec nos usages actuels. Parmi tant de travaux importants sur cette matière, qu'il me soit permis de rappeler ceux de notre éminent compatriote M. Charles Giraud, membre correspondant de l'Académie, apportant une judicieuse critique dans l'examen de la coutume de Montpellier, des priviléges municipaux de la cité d'Apt, des statuts


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d'Arles et de Salon et publiant ces précieux documents d'après des textes inédits dans son histoire du droit français au moyen âge.

Un de nos confrères que le soin du rétablissement de sa santé, altérée par de nombreux travaux, tient momentanément éloigné de nos séances, M. le professeur de Fresquet, s'est montré le digne continuateur de ces louables traditions. Il nous a communiqué une étude sur les statuts de Marseille au XIIIe siècle, recueil le plus important des monuments juridiques de cette grande cité. Ces statuts avaient déjà été publiés en 1656 par Noble François, d'Aix, avocat au parlement, mais le texte en est tellement incomplet que plusieurs chapitres sont inintelligibles. M. de Fresquet a rectifié ces imperfections. Soigneux de remonter aux sources, l'habile professeur a pu consulter un précieux manuscrit de 1253 contenant les statuts municipaux de Marseille, volume connu sous le nom de Livre rouge ou liber incatenatus portant encore un reste de chaîne qui le tenait fixé sur un pupitre à la salle du conseil. Dans un même ordre d'idées mais moins élevé les statuts de nos anciennes corporations d'arts et métiers, organisées en jurandes et maîtrises, offrent un sujet piquant d'observations pour l'historien et le moraliste ; ces sociétés fraternelles, placées sous un pieux patronage, ayant leurs règlements, leurs sceaux et leurs bannières, ont


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eu, comme toutes les institutions, leurs partisans et leurs détracteurs. Lors d'une réunion récente à Paris un orateur célèbre s'exprimait en ces termes, en parlant des vicissitudes que l'industrie a traversées : « L'industrie ne s'est sauvée « que par le rapprochement des intérêts com« muns et par l'organisation des corporations « détestables, sans doute, quand elles étaient « un cercle que la liberté ne pouvait franchir, « mais excellentes lorsqu'elles se défendaient « contre le despotisme du dehors. » Quoiqu'il en soit, ces sociétés avec leur monopole exclusif contribuaient puissamment, on ne saurait le nier, à règlementer les progrès de l'art et à la réforme des abus.

M. Charles de Ribbe pendant sa présidence de l'Académie nous avait entretenus en séance publique des corporations d'arts et métiers en général. Dans le développement de ce sujet il avait fait preuve de judicieuses réflexions et de savantes recherches. Depuis il nous a communiqué de piquants détails sur une de ces confréries : Les maîtres perruquiers et les coiffeurs à Marseille il y a cent ans. Je ne relèverai qu'un seul trait de cette étude qui, dans une autre enceinte, au congrès de Montpellier, a vivement excité la curiosité. A l'occasion d'un conflit entre les perruquiers et les coiffeurs des dames par rapport à leurs attributions respectives, un jurisconsulte


— 22 — célèbre, Pascalis, ne dédaigna pas d'écrire un mémoire dans l'intérêt des coiffeurs, et ceux-ci obtinrent gain de cause par arrêt du parlement.

Notre confrère M. Tavernier aime à se délasser de ses travaux de jurisconsulte par d'heureuses excursions dans le monde littéraire. Nous lui devons des appréciations d'un goût parfait sur le roman de madame de Lafayette : La princesse de Clèves. Ce livre fut en quelque sorte une révolution dans la littérature. Un critique éminent, M. Gerusez, fait justement observer qu'à son apparition le roman cesse d'être le mensonge de l'histoire et de la passion, il entre dans la vérité et s'humanise dans ses peintures et ses proportions.

Citons du même académicien des réflexions aussi justes qu'élégamment exprimées sur la lettre de Fénélon relative aux occupations de l'Académie Française et ses dialogues sur l'éloquence, deux morceaux de l'illustre archevêque de Cambrai qui seront toujours admirés. Partout Fénélon recommande le simple, le vrai, le naturel, et chacune de ses phrases est le modèle de ces qualités.

Quelques mots encore sur une étude de M. Tavernier relative à la vie littéraire de Mgr Sibour, évêque de Tripoli. C'est un pieux devoir rendu à cet ancien membre de notre société dont il fut un des ornements. Que ne puis-je suivre


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ici M. Tavernier dans l'analyse des travaux si nombreux, si remarquables de Mgr Sibour. Il ne se borne point à porter seul la lumière et l'esprit de critique dans des questions historiques, l'histoire de la religion surtout. Doué d'une énergie égale à son intelligence, il fonde les annales religieuses, philosophiques et littéraires et il s'entoure pour cette publication de précieux collaborateurs dont plusieurs membres de l'Académie viennent grossir le nombre. Après avoir retracé une vie toute consacrée à la religion et à la science, M. Tavernier nous montre le digne prélat atteint d'une longue et cruelle maladie qu'il supporte avec une admirable résignation et un courage qui lui permet de lutter contre les progrès du mal, tant il est vrai que les rudes épreuves fortifient les caractères quand elles ne les abattent point.

M. Achintre, professeur émérite de l'Université et botaniste distingué, a prononcé un discours lors de son admission parmi nous, dans lequel il a démontré l'union intime qui existe entre les belles-lettres et les sciences naturelles. Élévation des idées, imagination heureuse et féconde, tels sont les principaux caractères de celte oeuvre. N'est-ce pas en présence des grandes scènes de la nature qu'un écrivain vraiment digne de ce nom puisera de nobles inspirations? Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre, Buffon et autres n'en


-24sont-ils pas des exemples frappants ? Il y a plus, l'étude des sciences naturelles adoucit les moeurs, elle prédispose au vrai, au bien et au beau.

Un procès récent, célèbre dans nos annales criminelles, celui des empoisonneuses de Marseille, a suggéré au même académicien de piquantes réflexions: Ce n'est pas de nos jours seulement que des femmes égarées par la passion emploient le poison pour satisfaire leur cupidité ou assurer leur vengeance, puisque Tite-Live nous présente le récit effrayant d'une pareille perversité. Or, d'après M. Achintre, le poison serait un fruit de l'esclavage, cette grande iniquité qui devrait disparaître du code des nations civilisées. Mais à côté il existe encore l'esclavage domestique c'est-à-dire l'oppression du faible par le fort, et lorsqu'il y a absence d'éducation ou du sentiment religieux, le poison est la protestation du faible contre un maître barbare. Nécessité dès lors de supprimer l'esclavage sous toutes ses formes, dans les lois comme dans l'intérieur des ménages. Objectera-t-on que la

femme n'est esclave que de ses passions?

Mais s'il en est ainsi, malheur au mari qui abdique son autorité. S'il accepte sans murmure tous les outrages, la femme ne respectera pas plus sa vie que son honneur ; elle ne reculera point devant un crime dont l'odieux peut s'expliquer mais que rien ne saurait justifier.


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Parler de soi est une tâche embarrassante ; on l'a dit avec raison, une chose plus modeste encore que d'en parler modestement ce serait de n'en rien dire du tout. Permettez-moi cependant de me conformer à l'usage établi en mentionnant deux lectures que j'ai soumises à mes collègues : Proximus his longo sed proximus intervallo.

Dans la première j'ai donné quelques détails historiques sur la salle de spectacle de notre ville, sur son ancienne administration, ses règlements et les diverses contestations qui surgirent à son sujet entre le parlement et les consuls. Ces documents sont tirés en grande partie de nos archives communales. La seconde lecture a eu pour objet: Quelques recherches sur l'état des Juifs en Provence pendant le moyen-âge. J'ai rappelé les divers statuts concernant ce peuple, les soulèvements auxquels il se livrait et les violentes représailles qui en étaient la conséquence ; j'ai suivi, en un mot, les destinées de la nation juive jusqu'à sa régénération sociale et politique par les décrets de l'Assemblée nationale et du premier empire.

Quelques-uns de nos membres correspondants ont encore participé à nos travaux en nous adressant d'intéressantes communications.

M. Egger, membre éminent de l'Institut, a enrichi nos collections d'un mémoire sur les


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derniers jours de l'éloquence athénienne. Le nom de M. Egger nous dispense de tout éloge sur un écrit marqué au coin d'une saine critique et de la profonde érudition de son auteur ; nous lui devons encore une brochure publiée sous ses auspices par un bibliophile normand, M. Charles Bernard : c'est une nouvelle édition de trois rapports faits à la Convention nationale par Henri Grégoire, sur la bibliographie, la destruction des patois et le vandalisme. Ces rapports contiennent de curieux détails et attestent les connaissances de l'ancien évêque de Blois. M. Charles de Ribbe, en nous transmettant la communication de M. Egger, a signalé entr'autres faits, une assertion du rapporteur, prétendant que des dilapidations avaient eu lieu à la bibliothèque d'Aix. A ce sujet j'ai communiqué une correspondance entre Grégoire et l'honorable docteur Gibelin, chargé de la garde du précieux dépôt et à qui on en doit la conservation pendant les orages de la Révolution. M. Gibelin dément le fait avec indignation et l'auteur du rapport se justifie comme ayant été induit en erreur par de faux bruits (1 ).

(1) Cette correspondance du style de l'époque a été insérée par les soins de M. Rouard, dans le Bulletin du Bibliophile que publie M. Techener, 1838-1839, pag. 114 et suiv.

V. aussi les rapports de Grégoire, dans le même recueil, années 1838, 1843, 1848, 1851.


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Mentionnons encore : de M. Rostan, de SaintMaximin, de touchants détails sur un établissement charitable de cette ville au moyen-âge, sous le vocable de Notre-Dame d'Espérance et de Miséricorde. Cette pieuse confrérie a subsisté jusqu'à la Révolution , et le souvenir de ses bienfaits vivra toujours dans la mémoire des habitants de Saint-Maximin.

De M. le chevalier Le Maistre, plusieurs opuscules où sont consignés des faits intéressants sur la ville de Tonnerre, notamment sur l'histoire de ses anciens comtes. M. Le Maistre mérite de compter parmi ces écrivains qui joignant le patriotisme à l'érudition, aiment à rechercher dans les vieux documents tout ce qui est propre à rehausser la gloire de leur pays natal.

La Camargue, notes d'un cultivateur octogénaire , tel est le titre d'un mémoire de M. le baron de Rivière, un de nos plus anciens membres correspondants. M. de Rivière est un exemple remarquable de ce que peuvent la volonté et l'énergie pour arriver au but que l'on poursuit. Pendant sa longue carrière, il n'a cessé de se préoccuper de la fertilisation et de l'assainissement du delta du Rhône par des expériences sur ses grandes propriétés. Nullement découragé par des résultats partiels et par sa lutte contre des influences locales, il est parvenu, de concert avec la Compagnie générale des dessèchements , à


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convertir 7 à 800 hectares de lagunes improductives en des champs couverts d'une abondante végétation. M. le baron de Rivière espère, et nous formons le même voeu, voir se compléter l'oeuvre à laquelle il se dévoue depuis un demi-siècle, par la mise en valeur de toute la Camargue, au moyen du colmatage, de l'irrigation et du dessèchement.

Je voudrais pouvoir consigner ici quelques mots de gratitude à tous ceux qui, étrangers à notre société, ont bien voulu lui faire hommage de leurs productions, mais je dois me borner à signaler les plus intéressantes :

L'Académie a reçu :

De M. Latil, un travail consciencieux et puisé à des sources authentiques, sur l'importance des pouvoirs temporels des archevêques d'Aix et d'Arles, avant la Révolution.

De M. Ferdinand de Grasset : deux études curieuses, dont l'une est relative aux preuves de noblesse des dames religieuses de Beaulieu en Quercy, monastère dépendant du grand prieuré de Saint-Gilles, de la langue de Provence. L'autre étude a pour titre : Notice sur les chartes impériales du royaume d'Arles. Le tout est publié d'après des documents originaux aux archives des Bouches-du-Rhône.

De M. Jules Ganonge, aussi aimable poète


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que prosateur érudit et élégant : Penser et croire, choix de poésies suivies du Tasse à Sorrente ; Brune la blonde ou la gardienne des Aliscamps, légendaire arlésien ; lettres choisies dans une correspondance de poète, contenant l'expression de touchantes et précieuses sympathies de quelques-uns des principaux littérateurs contemporains.

De M. Roumieux, de Nîmes, son recueil de poésies publié sous le titre : la Rampelado, qui lui assure un rang distingué dans la pléiade de nos modernes poètes provençaux.

De M. Chervin aîné, de Lyon, son mémoire sur le bégaiement considéré comme vice de prononciation. La méthode de traitement employée par M. Chervin se recommande par des résultats favorables ; elle a été jugée et appréciée par quelques-unes des célébrités de. la science médicale.

L'Académie avait à pourvoir au remplacement de M. Lescouvé appelé par la confiance du gouvernement à présider le tribunal de Nice, et que nous sommes heureux de compter parmi nos membres correspondants. Le fauteuil de cet honorable magistrat est occupé par M. Morisot, professeur d'histoire au collége de notre ville. Une longue et habile pratique de l'enseignement, des connaissances variées et des goûts artistiques recommandaient M. Morisot à nos suffra-


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ges. Que d'ingénieux aperçus dans deux allocutions aux élèves, au moment où ils allaient recevoir le prix de leur zèle et de leurs efforts. Une fois ce sont de sages conseils sur la lecture, plus tard l'orateur fait ressortir les avantages de l'étude de la mythologie. Admis parmi nous, M. Morisot a prononcé un discours sur l'intérêt et la moralité de l'histoire de Provence ; il a parcouru les diverses époques de nos annales, entremêlant son récit de judicieuses appréciations sur les hommes illustres qui ont vu le jour sous notre ciel provençal. M. Morisot est encore un agréable poète, à en juger par deux jolies fables qu'il nous a lues : Les deux poiriers ; La pervenche et le saule pleureur.

J'éprouve la satisfaction de n'avoir à signaler la mort d'aucun membre résidant ; mais un de nos membres honoraires et quelques correspondants réclament le tribut de nos funèbres hommages.

M. le recteur Desclozeaux appartenait à la classe de nos honoraires ; il a succombé dans l'exercice de ses hautes fonctions à un âge qui semblait lui promettre encore de longs services. Nous ne rappellerons pas ici avec quelle fermeté et quelle vigilance M. Desclozeaux veillait aux intérêts d'un vaste ressort académique. A ses qualités d'administrateur, il joignait des connais-


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sances variées et les plus nobles qualités du coeur.

Le choix du successeur de M. Desclozeaux était bien propre à adoucir les regrets du corps universitaire et de notre compagnie. En admettant M. le recteur Vieille au nombre de ses membres honoraires, l'Académie n'a pas voulu seulement rendre hommage au fonctionnaire éminent mais encore au savant recommandable, profondément versé dans les sciences exactes qu'il professa jadis avec un rare talent d'exposition et dont il a consigné et résolu les questions les plus ardues dans de remarquables écrits.

Un mot de touchant souvenir aux membres correspondants que la mort nous a enlevés :

A M. Champollion-Figeac, un de nos plus anciens affiliés, doyen des archéologues de France, auteur de nombreux ouvrages , dissertations et mémoires relatifs à l'antiquité. On a dit avec raison qu'un des grands mérites de ce savant a été de supporter sans en être écrasé le lourd fardeau d'un nom illustré par la surprenante découverte de la lecture des hiéroglyphes due à Champollion le jeune, son frère.

A M. Frédéric Billot, avocat à Arles, auteur de quelques écrits sur la politique et l'économie sociale dont quelques idées pourraient être controversées, mais qui n'en sont pas moins l'oeuvre d'un bon citoyen dévoué à son pays.


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A M. Alfred de Courtois , écrivain élégant, numismate et bibliophile distingué. Entré fort jeune dans la diplomatie , il fut successivement attaché à diverses ambassades. Parmi ses publications , on distinguera toujours son livre sur l'Organisation sociale de la Russie et une nouvelle édition des Lettres de madame de Villars à madame de Coulanges, enrichie de notes et de documents. La mort a surpris M. de Courtois à l'âge de 40 ans ; elle l'a trouvé plein de foi et de résignation à la volonté divine.

L'Académie a admis en qualité de membres correspondants :

M. Emmanuel de Gaucourt, auteur de quelques écrits historiques et collaborateur de M. de Revel, pour la topographie et le répertoire archéologique de l'arrondissement d'Arles ; deux travaux importants, dont le premier a été couronné à l'occasion du Concours de la Sorbonne.

M. Joseph Roumanille, digne continuateur de l'ère si brillante de nos anciens troubadours , joignant à une connaissance parfaite de la langue romano-provençale, la richesse d'émotions et le sentiment du style, qualités dont l'absence déparerait les plus heureuses inspirations.

M. Carnazza Amari, professeur à Catane, auteur de deux remarquables écrits sur l'Équilibre des États et sur le droit international. Les élé-


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ments qui constituent ce droit, les diverses écoles qui s'y rapportent, tels sont les points principaux de la savante dissertation de M. Amari.

M. Louis Blancard, archiviste des Bouchesdu-Rhône et ancien élève de l'école des Chartes, auteur, entr'autres publications, d'une iconographie des sceaux et bulles conservés dans la partie antérieure à 1790, du riche dépôt confié à ses soins, d'un premier fascicule de l'inventaire sommaire des archives du département, et d'un essai sur les Monnaies de Charles Ier, comte de Provence, travail plein de critique et d'érudition dont la première livraison nous fait connaître le plan et les divers aspects sous lesquels le savant archiviste considère son sujet.

Enfin M. Louis Leguay, président de la société parisienne d'archéologie et d'histoire, auteur de divers ouvrages estimés relatifs à l'antiquité et notamment d'un savant rapport adressé à la commission de la carte topographique des Gaules, sur les fouilles de l'allée couverte d'Argenteuil.

Tel est, Messieurs, le résumé bien aride des travaux de notre Académie. Je laisse la parole aux deux honorables membres chargés de vous signaler le résultat des concours ouverts sur les ouvrages relatifs à l'agriculture et sur le prix de

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vertu : l'un attestera combien les sciences agricoles sont en honneur, lorsque les vrais principes en sont consignés dans des écrits recommandables sous le rapport de la théorie et de la pratique ; l'autre dévoilera la touchante histoire d'une humble et pauvre femme , devant à la générosité de M. Rambot une célébrité qu'elle n'eût pas recherchée.


RAPPORT

SUR LE

CONCOURS AGRICOLE

Par M. Norbert BONAFOUS,

Doyen de la Faculté des Lettres.

MESSIEURS ,

L'Académie des sciences, agriculture, arts et belles- lettres d'Aix a voulu prendre part aux fêtes qui donnent aux rues de notre cité et aux promenades qui l'entourent une animation et une joie inaccoutumées. Elle s'est souvenue, dans celte circonstance, de son origine et de son nom. Née en 1762, sous la dénomination modeste de Bureau d'agriculture, elle a grandi au milieu de transformations diverses ; mais tout en étendant le domaine de ses études , elle a conservé dans son titre le nom qu'elle reçut à


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son baptême, et elle regarde comme un devoir pieux d'unir à la culture des sciences, des lettres et des arts, l'étude de cette science primitive qui a précédé toutes les autres ; de cette science qui enseigne à l'homme à lutter généreusement contre les forces brutales ou les résistances inertes de la nature, et qui fait vivre et prospérer les nations, en leur donnant des hommes forts, honnêtes et courageux.

Aussi, quand le gouvernement a placé à Aix, pour l'année 1869, le siège du Concours régional des départements du sud - est de la France , notre compagnie s'est empressée de venir prendre place à ces grandes assises de l'agriculture, qui sont les véritables conférences de la paix, et où tous les hommes de coeur de la région unissent leurs efforts , non pour perfectionner l'art de tuer les hommes, mais pour aviser aux moyens de les faire vivre. Luttes pacifiques, où les armes ne sont employées que pour rendre le sol plus fécond et plus souple, et où la victoire donne pour récompense, non la sanglante moisson de la gloire , mais l'abondance des récoltes.!

Quel devait être le rôle de notre Académie dans le Concours régional ? Ce rôle, Messieurs, était tracé à l'avance. Tandis que l'État et la cité couronnent les vaillants soldats de l'agriculture, ceux qui multiplient les ressources publiques


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par la culture de la terre ou par l'élevage des bestiaux ; tandis que d'honorables encouragements sont donnés aux industriels qui doublent le travail en perfectionnant les machines destinées à l'économie rurale ; notre compagnie vient offrir quelques couronnes à ces hommes de coeur et d'intelligence , qui s'occupent de la science agricole : hommes de pratique pour la plupart, qui ne bâtissent pas de théories en l'air, mais qui appuient leur doctrine sur le terrain solide de l'expérience. L'agronomie a, comme les autres sciences, sa littérature et ses livres didactiques.

Ces livres ont pour objet principal de combattre les vieilles routines, de constater et de vulgariser les progrès accomplis, de mettre au service de tous l'expérience personnelle de chacun. Ils se donnent même quelquefois une mission plus haute : ils cherchent à inspirer l'amour des champs et à mettre dans une vive lumière le bonheur et la dignité de la vie rurale. Qu'il me soit permis de citer, pour exemple, les publications si intéressantes de M. Calemard de La Fayette qui, sous toutes les formes, en prose comme en vers, sous l'appât gracieux d'un récit ou avec le langage sérieux de la science, nous a donné le plus beau commentaire que je connaisse du célèbre vers de Virgile :

Felices nimium agricoles, sua si bona norint !


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C'est à ces livres précieux, et qui font tant de bien, à ces livres qui, tout en rendant de si grands services à l'agriculture, n'ont pas de place marquée dans les concours régionaux, que l'Académie d'Aix a voulu donner des marques de sa sympathie et rendre une justice méritée. Elle a donc ouvert un Concours entre tous les ouvrages relatifs à l'agriculture provençale, publiés depuis cinq ans. Cette date n'a pas été prise au hasard. Il y a cinq ans en effet que, dans une circonstance analogue , notre compagnie , prenant une initiative qui fait honneur à mes collègues, ouvrit un Concours semblable entre tous les ouvrages d'agriculture provençale, publiés depuis quinze ans. Vous avez peut-être conservé le souvenir du rapport que présenta, dans cette occasion , M. le conseiller FeraudGiraud, rapport plein d'érudition, de convenance et d'autorité, et qui contenait, outre une exacte appréciation des ouvrages présentés, une esquisse brillante de l'histoire de la littérature agricole en Provence. J'invoque ce souvenir, bien que je craigne qu'il ne me laisse auprès de votre bienveillance d'autre titre que mes bonnes intentions.

Au reste, ma tâche sera plus facile, car je me bornerai à l'examen des ouvrages qui ont été présentés au jugement de notre Académie dans le Concours présent. Ces ouvrages sont nom-


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breux et variés. Ils embrassent, dans des traités spéciaux ou dans des ouvrages plus ou moins complets, l'ensemble de l'agriculture provençale. Quoique l'annonce du Concours ait été tardive et n'ait pas reçu peut-être toute la publicité convenable, les concurrents n'ont pas fait défaut, et nous avons eu à examiner du bon et même de l'excellent. Je m'occuperai d'abord des mémoires spéciaux et ensuite des ouvrages qui traitent de notre agriculture en général.

M. Sauveur Michel jeune, pépiniériste à Peyrolles, nous a envoyé un mémoire intitulé : Conseils sur la culture de l'amandier. M. Michel parle de cet arbre précieux en connaissance de cause ; sa longue expérience donne de l'autorité à ses conseils , surtout en ce qui concerne la plantation, la greffe et la taille de l'amandier. Malheureusement son travail est manuscrit, et de plus l'habileté du praticien a été trahie par les maladresses de l'écrivain. N'importe, ses conseils sont bons, et je ne saurais mieux comparer son travail qu'à un de ces fruits rugueux qui contiennent un bon suc, et qui rachètent par une saveur agréable l'inélégance de la forme.

M. Emmanuel Le Moyne nous a présenté de Nouvelles considérations sur les maladies des vers à soie, question pleine d'anxiétés, mise à l'étude par les savants les plus considérables, et qui n'a pas encore reçu de solution. Les obser-


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valions de la science ont peut-être découvert la cause du mal ; mais le remède est encore à trouver. L'expérience du passé et le retour aux anciennes méthodes d'éducation ont déjà produit quelque bien dans les magnaneries des BassesAlpes et du Var. Espérons que l'ancienne pratique, éclairée par les nouvelles découvertes de la science, triomphera d'un fléau qui porte la ruine dans le midi de la France, et, par contrecoup, le malaise dans la fabrique de Nîmes, de Saint-Étienne et de Lyon ! M. Le Moyne impute à la constitution atmosphérique la principale cause du mal ; ce qui n'est pas rigoureusement démontré, et il donne d'ailleurs pour la modification de l'air, dans les chambres d'éducation, des conseils dont le principal défaut est de ne pas être pratiques. Nous ne pouvons que l'engager à continuer ses études.

M. Joseph Gautier, de Saint-Remy, a publié un Traité de la taille des grands arbres d'agrément, suivi de celle de l'amandier, du noyer et du châtaignier. Ce petit traité, superficiel en ce qui concerne les trois arbres fruitiers, contient de fort bonnes choses sur la plantation des grands arbres d'agrément dans les villes et sur les soins qu'il faut leur donner. Nous recommandons la lecture de ce petit livre aux administrations municipales qui n'ont pas toujours la main heureuse dans les plantations.


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Les appareils vinicoles en usage dans le midi de la France, petite brochure présentée par M. de Martin, est un travail qui, dans la pensée de l'auteur, n'a certainement pas de grandes prétentions scientifiques. C'est une description bien faite des fouloirs, des pressoirs et des instruments divers destinés à faciliter les procédés de la vinification, qui ont été présentés au Concours régional de Carcassonne en 1867. M. de Martin y a joint l'exposé d'une méthode dont il est l'inventeur pour la fabrication des vins, à l'abri du contact de l'air. L'appareil que M. de Martin a inventé dans ce but présente de grands avantages ; il est à désirer que l'usage du procédé et de l'appareil se répande dans notre pays, ou du moins qu'on en fasse l'essai.

M. Victor Tassy, garde général des forêts, a traité, dans une conférence faite à l'Athénée de Forcalquier et publiée sous la forme d'une petite brochure de 32 pages, un sujet qui prouve tout à la fois ses connaissances forestières et la délicatesse de son goût. Il nous donne une intéressante monographie de la truffe, le plus modeste et le plus aristocratique des végétaux , qui se cache sous la terre , comme le vrai mérite se cache dans l'ombre. La physiologie et la culture de la truffe, et surtout les moyens de développer les truffières naturelles, sont exposées avec clarté et avec beaucoup d'intérêt. Il y a lieu au reste de


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M. de Bec, sous-directeur de la Ferme-École de la Montaurone, nous a envoyé deux brochures, qui ont été publiées par la Revue agricole et forestière de Provence, et un mémoire sur la culture du tabac, lu par l'auteur au Congrès scientifique tenu à Aix en décembre 1866. Les deux brochures ont pour titre : l'une, Conseils aux agriculteurs, et l'autre, Rapport sur la culture à vapeur en Provence. Dans ces deux travaux , comme dans son excellent plaidoyer pour les planteurs de tabac de notre département, M. de Bec a fait preuve d'un esprit solide et d'une grande habileté d'exposition. Jeune encore, actif, studieux , il nous donnera longtemps, comme son honorable père, les conseils et l'exemple des bonnes pratiques agricoles.

Nous voici arrivés à l'examen d'ouvrages plus


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complets, qui ont principalement attiré l'attention de l'Académie.

M. Pellicot, président du Comice agricole de Toulon, un des lauréats de notre dernier concours, a soumis à notre examen son Vigneron provençal, traité complet sur la culture de la vigne et sur la vinification. L'auteur nous raconte avec intérêt les résultats auxquels il est arrivé par de longues et de constantes expériences. Notre compagnie a particulièrement remarqué dans ce livre les progrès que M. Pellicot a fait faire à une question obscure et difficile, celle de la synonymie des différents cépages cultivés en Provence ou ailleurs. On sait que chaque pays donne des noms différents à un même cépage, ce qui met souvent le viticulteur dans l'embarras ; car, trompé par ces dénominations diverses , il applique à un cépage la culture et la taille qui conviennent à un autre. Ce n'est pas seulement en étudiant avec soin les descriptions des cépages dans les livres, mais en les plantant chez lui, que M. Pellicot a étudié la question. Il a fait venir des plants des différentes parties de la France et même des pays étrangers, et c'est à la vue du port, des feuilles et des fruits, qu'il a pu distinguer ou confondre chaque cépage , et donner à chacun d'eux le nom qui fixe les incertitudes du vigneron provençal. Le travail de M. Pellicot n'est pas abso-


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M. Fabre , directeur de la Ferme-École de Vaucluse, nous a envoyé huit volumes, qui témoignent tous de la science et de l'activité de l'auteur. Deux de ces volumes, malgré leur mérite, ont dû être mis hors du Concours, parce qu'ils ne remplissent pas les conditions de notre programme, qui ne faisait appel qu'aux ouvrages publiés depuis cinq ans. Ces deux livres sont le Manuel du bon cultivateur pour le midi de la France, et le Manuel de l'éleveur de vers à soie et de vers à bourre de soie, livres qui ont été publiés en 1861. Mais M. Fabre peut facilement supporter cette exclusion ; il lui reste encore six volumes , parmi lesquels Le bon Jardinier du Midi, sans être une oeuvre entièrement nouvelle, tient cependant un rang distingué.

L'oeuvre principale de M. Fabre est un Cours élémentaire d'agriculture pratique appliqué aux contrées méridionales de la France. Le premier volume est destiné à l'usage des écoles primaires et a obtenu une médaille grand module de la Société protectrice des animaux , à Paris. Les quatre suivants forment un cours complet d'agronomie pour les élèves de l'enseignement spécial, nouvellement fondé par l'Université. Ces deux ouvrages ont été approuvés par le


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Conseil supérieur de l'enseignement secondaire spécial ; ils ont ainsi reçu le plus précieux et le plus honorable des encouragements. Il ne me conviendrait pas, Messieurs, de contrôler un jugement porté par une autorité si compétente. La Provence a perdu naguère un homme qui honorait la ville d'Hyères par la pratique des plus belles vertus, et qui éclairait la Provence toute entière par la sagesse de ses conseils agricoles : je veux parler de M. Riondet, vice-président du comice agricole de Toulon. Sa veuve et ses héritiers, par un sentiment de piété qui les honore, ont envoyé à notre concours deux ouvrages que cet homme de bien et de savoir avait publiés dans les dernières années, et pour l'impression desquels M. l'inspecteur général Victor Rendu avait presque fait violence à la modestie de l'auteur. Nous félicitons Mme veuve Riondet de cette bonne pensée ; elle s'est souvenue sans doute que nous avions, dans notre dernier concours , déposé une couronne sur la tombe de M. le comte de Gasparin qui avait, lui aussi, consacré toute sa vie et toute sa belle intelligence au service de l'agriculture du midi de la France. Ces distinctions d'outre - tombe sont d'autant plus honorables que l'envie elle-même ne saurait y voir un acte de flatterie ; elles sont un hommage éclatant rendu aux mérites supérieurs.


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Les deux livres présentés par Mme veuve Riondet sont intitulés : 1 ° l'Agriculture de la France méridionale, ce qu'elle a été, ce qu'elle est, ce qu'elle pourrait être ; 2° l'Olivier. Le litre du premier annonce le dessein de l'auteur, et tout ce qu'il promet, il le tient. Le passé, le présent et l'avenir de notre agriculture y sont exposés avec clarté et un accent de conviction qui séduit et qui entraîne. Le style en est excellent, chose rare dans un ouvrage technique, de sorte que le livre se fait lire tout d'un fil et provoque la réflexion. Il me semble impossible qu'un propriétaire intelligent, après avoir lu l'ouvrage de M. Riondet, ne forme pas le projet, au moins à titre d'essai, de corriger ou d'introduire quelque chose dans son exploitation , d'amener peu à peu la spécialisation des cultures dans son domaine , de mieux surveiller la plantation , la taille et la greffe de ses arbres, de ne rien perdre de ce qui peut être converti en engrais. Et ce livre n'est pas seulement un plaidoyer énergique en faveur de l'amélioration des cultures ; il inspire en outre le goût de la vie des champs ; il est bien écrit et bien pensé. Dans le second ouvrage intitulé l'Olivier, M. Riondet reproduit, en le modifiant et en l'augmentant, ce qu'il avait dit dans son livre sur la culture de cet arbre précieux ; c'est une excellente petite monographie.


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Enfin, Messieurs, le Messager agricole du midi, qui s'imprime à Montpellier, a présenté au Concours les volumes publiés dans les cinq dernières années, et la Revue agricole et forestière de Provence sa collection toute entière. Le Messager agricole , fondé et dirigé par M. le docteur Frédéric Cazalis, est un des ouvrages les plus importants qui se publient en province. C'est un journal très bien fait, qui compte parmi ses collaborateurs des agronomes distingués , mais qui se préoccupe surtout des intérêts vinicoles, source féconde de richesses pour le Languedoc. Sans doute, les autres productions du midi, entr'autres celle de la soie, fournissent la matière de quelques articles sérieux, intéressants et utiles ; mais c'est sur la vigne surtout, sur la vinification, sur les moyens de conserver les vins et de les préparer pour l'exportation , que se dirige le principal effort du journal. Dans ces matières , il a une autorité que personne ne pourrait lui contester. Mais ces conseils sont encore meilleurs pour le Languedoc que pour la Provence ; ce qui s'explique surtout par les diversités du sol et du climat, par l'aspect toutà-fait différent des deux pays. Quoiqu'il en soit, le Messager agricole a de nombreuses sympathies en Provence ; il les mérite et il les justifie.

La Revue agricole et forestière est trop con-


nue parmi nous , pour qu'il soit besoin d'en proclamer les glorieux services. Si la routine cède au progrès des nouvelles expériences , si nos machines agricoles se perfectionnent et se répandent, si la culture à vapeur vient lutter contre les difficultés de notre sol tourmenté, si nos montagnes grisâtres reprennent leur verdoyante chevelure , si les torrents s'éteignent dans les Alpes, à qui le principal mérite de ces bienfaits ? N'est-ce pas à cette légion d'hommes dévoués, que je ne veux pas nommer, de peur d'offenser leur modestie et de prendre une peine inutile , car tout le monde les connaît et les nomme? N'est-ce pas sous les auspices de la Revue que s'est ouverte et que s'enrichit celte bibliothèque ouverte à tous , et où chacun va puiser les bons conseils? Je m'arrête, Messieurs, et je laisse parler les faits, c'est-à-dire la forme la plus irrésistible de l'éloquence. Il est impossible d'habiter la Provence sans se sentir entraîné par ce mouvement agricole et forestier , qui secoue les plus indolents, et qui, parti de la Revue , s'étend jusqu'aux extrémités de notre province, portant partout la régénération et la vie.

Votre commission, après avoir sérieusement examiné et pesé le mérite des ouvrages envoyés au Concours que vous avez ouvert, après les


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avoir examinés surtout au point de vue particulier de leur utilité pour la Provence, vous propose, à l'unanimité, d'accorder :

1° La médaille d'or à la Revue agricole et forestière de Provence ;

2° La médaille de vermeil aux deux livres de M. Riondet ;

3° La médaille d'argent à M. Fabre, directeur de la Ferme-École de Vaucluse, pour l'ensemble de ses publications agronomiques ;

4° Une mention très honorable au Messager agricole du Midi (1) ;

5° Une mention également très honorable au Vigneron provençal de M. Pellicot, président du comice de Toulon.

L'Académie, au nom de laquelle je porte la parole, regrette de ne pouvoir disposer d'un plus grand nombre de médailles. Elle en aurait volontiers décerné une au Messager du Midi, et

(1) L'Académie des sciences, agriculture, arts et belleslettres d'Aix, voulant en outre donner à M. le docteur Frédéric Cazalis une preuve de sa sympathie pour les services qu'il rend à l'agriculture par la publication de son journal, l'a admis à l'unanimité au nombre de ses membres correspondants.

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une autre au Vigneron provençal. Mais forcée de limiter sa gracieuse justice par les termes et par les exigences de son programme, elle a dû couronner de préférence les ouvrages qui embrassent l'agriculture provençale tout entière, et dont l'enseignement convient plus particulièrement à notre pays.


RAPPORT

SUR

LE PRIX RAMBOT

PAR

M. MORISOT,

Professeur d'histoire au Collège d'Aix,

MESSIEURS,

La solennité qui nous réunit, est depuis quelques années, particulièrement chère à l'Académie. C'est surtout, et doublement, la fête de la vertu. C'est d'abord celle de la charité qui vient ici recevoir une première couronne. C'est ensuite , ce doit être celle de l'homme généreux qui a bien voulu la tresser d'avance, et nous confier le soin d'en faire l'attribution. Vous m'en voudriez, Messieurs, si je ne prononçais


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avant tout autre nom, celui de M. Gustave Rambot, et si je ne lui rendais un nouvel et public hommage. Ne dois-je pas crayonner, au moins, les traits de cette belle et grande âme, comme parle Tacite ? Raison supérieure et pratique, esprit délicat et fin, aîlé même, car il était poète, M. Rambot fut avant tout un coeur excellent, bienveillant pour tous, tendre aux misères humaines, profondément sympathique à la vertu. Son ombre a souri de joie, quand naguère ses jardins, devenus, par un aimable legs, propriété publique, se sont ouverts aux jeux de l'enfance, aux pas fatigués du vieillard, et aux studieuses méditations du sage ; elle sourit de bonheur, aujourd'hui que vous avez bien voulu venir, Messieurs, honorer de votre présence le triomphe modeste qu'il a préparé à la vertu tirée un moment de sa douce obscurité.

La tâche que M. Gustave Rambot a léguée à l'Académie nous touche et nous flatte, sans doute, infiniment ; elle a cependant, Messieurs, un côté délicat et même douloureux. L'Académie doit choisir la vertu dans la vertu, et elle a ainsi, tous les ans, le chagrin bien senti de frapper d'exclusion des candidats d'un mérite incontesté , et qui tous auraient droit au prix Rambot, s'il ne devait appartenir au plus digne. L'année prochaine, du moins, l'Académie aura la satisfaction, en proclamant deux lauréats, de pouvoir


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Dix mémoires, presque tous anciens déjà , étaient soumis, cette année, au jugement de l'Académie. Cinq de ces mémoires signalent des personnes qui se sont fait remarquer par l'accomplissement des devoirs envers la famille. Les cinq autres relatent d'admirables traits de cette vertu qui se répand sur le prochain, c'est-àdire sur les étrangers, les indifférents, les inconnus même, en touchants sacrifices, en sublimes dévouements, et que les hommes, dirait Homère, appellent du nom de bienfaisance, et les dieux, du beau nom de charité.

En présence de ces deux ordres de vertus, la commission chargée par l'Académie d'en examiner le mérite comparatif a été d'avis que, si louable que soit l'accomplissement des devoirs envers la famille, surtout à certaines époques, il est cependant primé par la pratique désintéressée, laborieuse et persévérante de la charité, quand du moins ces derniers n'ont été ni méconnus , ni oubliés. La voix de Dieu dans la conscience est si nette, si accentuée, si énergiquement impérative, lorsqu'il s'agit des devoirs


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domestiques, de ceux de la piété filiale par exemple ; elle nous fait si vivement sentir qu'ils correspondent à des droits, qu'il est impossible d'y manquer sans un poignant remords. Ajoutons, Messieurs, qu'une heureuse pudeur, un salutaire respect humain nous en facilite singulièrement l'accomplissement. Il n'en est pas tout-à-fait de même dans l'exercice de la charité proprement dite. Elle se présente à nous, souvent, avec un autre caractère, c'est-à-dire plutôt, en quelque sorte, comme un conseil inégalement pressant que comme une injonction absolue. Nous pourrons nous blâmer, plus ou moins, selon les circonstances , d'avoir résisté à cette invitation , mais nous ne nous reprocherons pas d'avoir forfait à la justice. De là, selon nous, la supériorité morale de la charité, quand elle s'élève jusqu'au dévouement, sur l'amour filial ou l'amitié fraternelle. Écartant donc les candidatures des cinq premiers mémoires, la commission a concentré son attention sur les personnes qui se sont signalées par leur charité. Après un long et consciencieux examen, elle a cru devoir présenter à l'Académie, comme particulièrement digne du prix Rambot, et la Compagnie a bien voulu adopter ce choix, la nommée :

MARIE BLANC, veuve Blanc, épouse Barbier, d'Istres, département des Bouches-du-Rhône.

Permettez-moi, Messieurs, de vous raconter


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avec quelques détails l'histoire de Marie, je dis son histoire, car le trait de dévouement que nous couronnons en elle a rempli une partie considérable de sa vie.

Marie Blanc, née à Saint-Henri, dans le voisinage de Marseille, se maria à Istres en 1840, avec un honnête facteur rural. Les enfants vinrent. Voilà deux filles ; une troisième grossesse n'eut pour résultat qu'un enfant mort-né. L'aisance était loin de régner dans la maison. Comment vivre avec 450 francs de traitement annuel! Marie Blanc eut l'idée d'utiliser son lait et prit un nourrisson. Mais l'allaitement la fatigua bientôt; elle dut reporter à Marseille l'enfant dont elle s'était chargée, et qui pouvait être sevré. Comme elle allait quitter cette ville, elle fut abordée par une femme du peuple accompagnée d'un homme qui paraissait plongé dans la douleur.

— « Vous êtes artésienne? est-ce que vous ne pourriez pas nous procurer une nourrice ? que vous seriez bonne ! vous nourrissez peut-être ! »

— « Je ne puis plus, j'ai été forcée de cesser, » répondit Marie. — Si vous saviez combien cet homme est malheureux ! sa femme est morte hier à la maternité et il a une pauvre petite de trois mois !... » — « Oh ! Madame, chargez-vous en, je vous en prie, dit l'homme en versant des larmes ! » — Les lèvres de Marie Blanc refusèrent, mais son coeur avait consenti, car elle sui-


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vait déjà les deux inconnus vers le berceau de l'enfant. La vue de cette innocente créature, qui pleurait, les supplications du père, les instances de sa compagne achevèrent de tout faire oublier à Marie. Elle emporta la petite fille!... Que va dire Blanc? Il gronda beaucoup d'abord, mais avant la fin de la journée, il appelait par ses sourires les sourires de l'enfant. Tout alla bien pendant environ quatre mois. L'étameur ambulant venait voir Philippine, et apportait assez régulièrement le salaire promis. Il cessa tout-àcoup ses visites, et avec lui disparurent les quatorze francs de pension mensuelle ! D'un autre côté, Marie avait compté sans sa santé qui réclama trop vite ses droits ; le coeur ne supplée pas toujours aux forces physiques ! Elle dut renoncer encore à nourrir. Vous vous demanderiez avec inquiétude, Messieurs, si vous ne connaissiez déjà Marie, ce que va devenir l'enfant ! — Marie fut assaillie d'une grêle de bons conseils : on l'engagea à mettre Philippine au dépôt. Les hospices ont-ils été ouverts pour les bêtes ?... Marie et Blanc lui-même, — jetons cette fleur sur la tombe de ce brave homme,— écoutèrent, et laissèrent dire. Non, ils n'abandonneront pas l'enfant que la Providence leur a si visiblement confié ! ils l'aiment d'ailleurs ; on ne dira pas que la petite a été élevée à la Charité. — Philippine fut mise en nourrice aux frais des époux


— 57 — Blanc ! Vingt francs par mois ! c'était une bien grosse somme pour ces pauvres gens. Blanc chercha une position un peu plus lucrative. On lui offrit du travail dans les tourbières de Fos. Il y courut, sans se douter qu'il courait à la mort! Le choléra, qui sévissait à Marseille, souffla sur cette plage naturellement insalubre et enleva Blanc à sa femme et aux trois enfants dont il était le courageux soutien. Marie fut accablée, mais soudain, elle se releva plus forte. On la pressait de nouveau, au nom de sa pauvreté, de se débarrasser de Philippine. Marie dédaigna de nouveau aussi les suggestions de la prudence humaine. Elle chercha dans les inspirations de sa tendresse, de son énergie morale et de sa foi, une issue à sa déplorable situation. L'aînée de ses filles pouvait déjà être utilisée ; elle la plaça dans une honnête famille d'Istres qui la prit en échange de ses petits services. Pour nourrir les deux autres, Marie se loua à la journée. Comme elle avait, à peine, dans ses vingt sous quotidiens de quoi payer son pain, elle fut obligée de chercher, et trouva une autre combinaison. Elle entra, comme domestique, dans une ferme avec Philippine et sa seconde fille. La nourriture des enfants devait lui tenir lieu de gages, Marie était sauvée ! Elle remercia Dieu de l'avoir arrachée à ses cruelles épreuves, ne comptant pour rien ses labeurs de tous les jours. Elle


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pouvait surveiller de près et voir, à chaque instant, ses trois enfants ; elle était presque heureuse ! — J'abrège, Messieurs, cette naïve et touchante idylle qui eut séduit la plume de Bernardin de Saint-Pierre. En 1863, Marie Blanc avait marié une de ses filles et perdu l'autre, hélas ! Elle n'avait plus à sa charge que Philippine. Un ouvrier laborieux et honnête, veuf comme Marie, chef de famille comme elle, la demanda en mariage. Marie Blanc consentit à cette union , mais à une condition expresse , c'est qu'elle garderait Philippine avec elle. — Bien différente de ces mères qui sacrifient leurs propres enfants au désir égoïste de trouver, sous un autre toit, un peu de bien-être et de protection.

Voilà, Messieurs, la bonne et vaillante femme à qui l'Académie a décerné le prix de vertu fondé, par l'honorable M. Rambot. La longue durée de son dévouement, tout désintéressé, sans proportion avec ses ressources, et qui n'a jamais fait tort à celui qu'elle devait à ses filles, lui a concilié la sympathique estime et l'unanimité des suffrages de l'Académie, comme elle lui conciliera, nous en sommes sûrs, ceux de l'opinion publique toute entière. L'Académie, Messieurs, ne s'est point demandé si Marie Blanc a fait le bien sans cette préoccupation de Dieu que proscrivent certains philosophes, trop amis de


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l'abstraction, et trop confiants peut-être dans leurs forces. En attendant qu'ils sollicitent nos couronnes pour les stoïques vertus de leurs disciples, l'Académie d'Aix récompensera toujours avec bonheur celles qui ont leur source dans le sentiment religieux. Nous craignons beaucoup que l'idée du bien et l'idée du devoir, isolées de celle de Dieu, du Dieu vivant, qui en est la substance, selon la belle expression de M. Cousin, ne restent assez longtemps stériles en bonnes oeuvres, et même ne produisent jamais des actes pareils à celui que nous honorons aujourd'hui.

Je me suis complu, Messieurs, à vous parler de Marie Blanc. J'ai moins songé à justifier le choix de l'Académie qu'à glorifier cette humble et digne femme. Ne puis-je pas répéter ici ce que disait une autre héroine de son glorieux drapeau ? « Il a été à la peine, il est juste qu'il soit à l'honneur. » Marie Blanc a été assez laborieusement charitable pour que nous l'exaltions un peu. N'est-ce pas, Marie, que le jour où, votre coeur s'ouvrant à la pitié, cette grâce divine, cette auxiliaire attendrie de la charité, vous portiez à votre sein cette pauvre orpheline qui aujourd'hui, pleure à vos côtés, du plaisir de vous voir connue et récompensée, vous ne vous doutiez guère que vous seriez ainsi, plus tard, solennellement louée devant Dieu et devant


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les hommes d'un dévouement dont vous soupçonniez à peine le mérite, tant il vous semblait naturel ! Puisse votre vertu retomber sur vous et sur les vôtres comme une salutaire rosée ! Puisse votre exemple nous servir à tous de leçon et nous faire rougir des tiédeurs de notre charité ! Quant à vous, Philippine, continuez de rendre à votre mère adoptive tendresse pour tendresse, comme vous lui rendriez, au besoin, dévouement pour dévouement. Aimez aussi cette soeur que la Providence vous a donnée pour vous sauver d'un isolement funeste, et qui vous a. laissé, sans jalousie, partager des caresses auxquelles , seule, elle avait rigoureusement droit, et n'oubliez jamais qu'un devoir s'impose à votre vie tout entière, la charité.

M. le président Castellan a lu ensuite une pièce de vers intitulée : la Femme. Tout en retraçant les aimables qualités d'un sexe destiné à embellir notre existence, le poète a entremêlé ses descriptions de sages conseils.

Après cette dernière lecture, M. le président a appelé Marie Blanc pour lui remettre le titre qui mentionne l'acte de vertu couronné en elle par l'Académie. L'assemblée entière a vivement applaudi les paroles que M. le président a adressées au Lauréat.


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BUREAU DE L? ACADÉMIE.

Président M. le comte Gaston de

Saporta.

Vice-Présidents... MM. le chanoine Espieux

et docteur Bourguet.

Secrétaire-perpétuel M. Mouan.

Secrétaires-annuels. MM. Achintre et Morisot.

Archiviste M. Charles de Ribbe.

Trésorier M. de Garidel.



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LAURÉATS ANNUELS DU PRIX RAMBOT

DEPUIS SON INSTITUTION.

1861 Marie BUES, de la commune d'Aix.

1862

Jacques AUBREGAT, de la commune de Jouques,

canton de Peyrolles.

1863 Rose BEAUVOIS, de la commune d'Aix.

1864 Marie ANTOINE, de la commune des Martigues.

1865 François-Gaspard TEISSIER, de la commune de Lançon, canton de Salon.

1866

Époux GIRAUD, de la commune de Vauvenargues,

canton d'Aix.

1867 Thérèse DÉCANIS, de la commune d'Aix.

1868 Marie BLANC , épouse BARBIER , de la commune d'Istres.