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Titre : Revue moderne des arts et de la vie

Éditeur : La Revue moderne (Paris)

Date d'édition : 1921-03-30

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34404376n

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34404376n/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Description : 30 mars 1921

Description : 1921/03/30 (A21,N6).

Description : Collection numérique : Arts de la marionnette

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k55158335

Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, 4-Z-1499

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 17/01/2011

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21e Année. — Nc 6

C.-e. CUK1N1ER, Directeur

•je Mars 1921

QUESTIONS SOCIALES

000

La Sécurité des Travailleurs

En ce moment, où une crise économique intense prive des milliers de travailleurs de leur gagnepain, il apparaît nettement que l'organisation actuelle de la production, basée sur le profit personnel, comporte le maximum d'insécurité pour ceux qui n'ont que leur salaire pour vivre. Cette constatation permet de dégager une suggestion très précieuse du rôle de régularisation que les --associations ouvrières sont appelées à jouer sur le marché du travail.

Ces organismes sont, en effet, constitués par des travailleurs associés, qui sont solidaires entre eux dans la prospérité comme dans les revers, et cela constitue un des aspects les plus intéressants du mouvement économique dans l'évolution de la société moderne.

Certaines associations ouvrières de production ont pu porter à un liant degré de perfection l'organisation rie la solidarité. Elles ont mis en oeuvre un ensemble d'avantages qui confèrent même aux ouvriers auxiliaires toute la sécurité compatible avec les nécessités économiques de l'ordre social actuel.

Parmi telles qui ont su, dans cet ordre d'idées, donner le meilleur exemple, nous devons mentionner tout particulièrement l'Association des Ouvriers en Instruments de précision de Paris, dont l'organisation s'inspire de principes nettement altruistes et égalitaiies.

Cette Société, fondée en 1896, a débuté plus que modestement avec un capital de 1.800 francs et un atelier occupant trois ouvriers.

Grâce à la persévérance et au dévouement de ses

organisateurs, elle a pu se développer très rapidement et prendre un remarquable essor. Elle a actuellement un capital versé, de près de 500.000 fr., est propriétaire des terrains et bâtiments où se trouvent ses ateliers, de 8 à 14, rue Charles-Fourier. Plusieurs centaines d'ouvriers sont employés aux travaux les plus délicats de la mécanique de précision, notamment la fabrication d'installations téléphoniques.

Dans cette dernière spécialité, l'Association a eu à exécuter des travaux très importants, notamment les installations des' centraux téléphoniques de Rouen, Grenoble, Limoges, Nancy, Calais, Belfort, Mulhouse, Strasbourg, Casablanca,etc. Aujourd'hui, elle rivalise avec les premières entreprises patronales françaises spécialisées dans la fabrication des appareils téléphoniques.

Ce remarquable développement et cette prospérité de la Société n'ont pas été contrariés et mémo, peut-on dire, ont été favorisés par le statut social de l'entreprise, où, ainsi que nous l'avons dit, une part très large est faite à la solidarit ouvrière.

C'est ainsi que, sur les bénéfices réalisés,déduction faite de la réserve, il est prévu une allocation de 30 0/0 aux travailleurs associés et aux auxiliaires; 32 0/0 à la caisse de retraites; 15 0/0 au capital, le restant allant à des "oeuvres de solidarité.

La caisse de retraites existe depuis quelques années; elle est alimentée exclusivement par un prélèvement sur les bénéfices; elle donne une retraite à tous les associés et auxiliaires ayant au minimun: cinq années de présence effective à l'usine. CetU retraite csl-de droit acquise à 60 ans et obligatoire <" 65 ans. On admet une retraite proportionnelle à partir de 55 ans.

La retraite est établie d'après un barème degrés-


sif : ainsi un ouvrier qui â vingt ans de présence à "l'usine touche la moitié de son salaire.

Un fait caractéristique de cette Société, c'est qu'elle applique un des principes de Bûchez : l'égalité des salaires. A part le directeur et l'ingénieur, tous les ouvriers, chefs d'atelier, chefs d'équipe, ont les mêmes salaires.

Après avoir ainsi assuré à son personnel des salaires équitables, ainsi que la sécurité de la vieillesse, la Société s'est, depuis 1917 environ, préoccupée de former de bons ouvriers : elle a institué à cet effet une école d'apprentissage où le travail manuel est coupé par des cours théoriques sur les matières nécessaires pour devenir un non mécanicien : géométrie, croquis, mathématiques, électricité.

Les enfants sont placés avec un contrat d'apprentissage pour une durée de trois ans.

Les deux premières années se passent dans un atelier commun, sous la direction-de professeurs; la troisième année, ces enfants sont mis dans les équipes et touchent un salaire représentant 50 o/o de leur production. Sur ce salaire, 20 o/o sont conservés à un compte spécial pour en faire de futurs sociétaiies; le l'estant est donné aux enfants chaque samedi.

Cette école a donné rapidement des résultats surprenants. Les spécialistes qui l'ont visitée ont reconnu que l'enseignement y était parfait et que, non seulement la Société sauvegardait ses intérêts en préparant de bons ouvriers, mais qu'elle rendait aussi de grands services à l'industrie entière.

Nous en avons dit assez pour montrer l'excellente organisation de celte association ouvrière sous le rapport de la prévoyance et de la solidarité. Elle constitue vraiment une grande famille ouvrière, où chaque membre peut compter sur les autres en cas d'épreuve, el est prêt à faire, en retour, l'effort et le saciiflce nécessaire pour la sauvegarde des intérêts communs.

Duc telle organisation nous paraît bonne à citer en exemple. E DEVAUX.

PRINTEMPS DE GUERRE

o o o

C'est le printemps et le pays I Les violettes

Ont au creux des fossés des nids mauves et blancs.

Les pâquerettes et les {coucous pullulants

Au velours vert des prés repiquent leurs fleurettes.

L'air est lourd du parfum amer, fauve et troublant, Exhalé des buissons à prunelles, qu'il fouette ; Et, s'elançant des blés en herbe, l'alouette Vole droit au soleil chanter l'éveil de l'an.

Eux-mêmes, les bois noirs s'azurent de jacinthes; Le ruisseau maintenaut rit, qui ne fut que plaintes. Comme tu serais doux à mon retour d'exil,

Mois d'émeraude et d'or, rose et bleu, bel Avril I Quand des cerisiers croule, une odorante neige... Mais goûter ce printemps est comme un sacrilège.

ALBERT HENNEQUIN.

. * .

BEAUX-ARTS

o o o

Les Femmes aux derniers Salons

M"" Camille Boulet

Il y avait de sérieuses qualités dans l'aquarelle exposée au Salon de l'Ecole Française par M 11" Camille Boulet; ses Chrysanthèmes sont fort bien traités, avec une assurance et un brio rares cbez une débutante. J'apprends, en effet, que c'est la première fois que M"" Camille Boulet expose de la peinture. En fait, si elle n'en est qu'à ses débuts comime exposante, elle n'en est pas à ses débuts comme artiste, et il ne conviendrait pas de la juger sur son envoi à ce Salon, qui ne présentait qu'une face de son talent. M" 1' Camille Boulet s'adonne en effet plus particulièrement aux portraits, aux études de nu, de nu galant m'ême, et à la figurine de mode.

Son dessin, élégant et spirituel, lui permettra certainement de réussir dans l'illustration du~Livre, dans l'Affiche même, qui ouvre un débouché à tant de talents originaux que l'Art pour l'Art ne peut malheureusement faire vivre.

M 1" 0 Lecente-Harscl>

Au Salon des Femmes Peintres de cette année, M"'L Leconle-Harsch avait une intéressante étude, dans cette manière probe qui caractérise son talent.

J'avais déjà remarqué, il y a deux ans, à ce même Salon, une autre toile intitulée Lapin et Faisan, qui lui avait valu les éloges mérités de mes confrères. Je rappelle également la bonne impression produite par ses Dalhias, exposés avant la guerre au même Salon.

C'est, comme on voit, dans la représentation des cuivres, des fleurs, ainsi que des paysages, que Mm° Leçonte-Ilarscb se complaît davantage; mais elle est aussi, à ses heures, une portraitiste avisée; elle déploie, clans ce genre, un don d'abrévation et une science de l'expression qui lui permettent de faire surgir la caractéristique dominante d'une physionomie. Là, il est vrai, elle est obligée d'atténuer cette richesse de vision qui trouve si bien à se manifester quand il s'agit de peindre les fleurs ou les reflets fulgurants des cuivres.

Elève du grand et modeste artiste que fut Eugène d'Argence, M",c Leconle-Harsch apporte dans la pratique de son art une grande sincérité et le dédain du factice et du convenu, Peindre est, pour cette artiste, exclusivement une satisfaction intime, un but en soi, et non un moyen. Elle ne s'embarrasse donc ni de foi-mules ni de théorie d'école et ne s'inquiète pas de savoir si le goût du jour commande telle manière de peindre plutôt que telle autre. Elle n'en cherche qu'une : être véridique, bien posséder son sujet grâce à une sympathie profonde qui permet de comprendre celui-ci dans son essence même. Cela donne un art simple et recueilli, dont l'émotion contenue se communique aisément au spectateur.


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Mw L. Dubréau

De L. Dubréau il faut louer la simplicité de facture. C'est à une connaissance parfaite du dessin et à une palette choisie que cette artiste doit de pouvoir exprimer simplement les impressions qui se dégagent de ses modèles et c'est par ce moyen qu'elle arrive à nous les communiquer.

J'avais eu déjà l'occasion de remarquer les oeuvres de L. Dubréau, exposées chez Georges Petit et leur diversité attira mon attention.

Je me souviens de la grâce et de l'harmonie contenues dans certaines, comme : Ne-Dine jamais en ville; La Chanteuse des Rues; La Femme aux Giroflées; Un Marchand de Marrons; Une Jeanne d'Arc; toutes sont d'une réalisation très personnelle.

Cette artiste, dont le pseudonyme dissimule une grande dame parisienne, est aussi généreuse que bien douée. Elle prodigue ses oeuvres dans les ventes de charité ou loteries de bienfaisance, et elle fut, pendant la guerre, infirmière-major.

L. Dubréau avait, au dernier Salon des Femmes Peintres, des toiles où la recherche dans la composition s'allie 1 à la distinction du coloris et à une sensibilité exquise : VEnvoi de Fleurs; Guirlande de Hoses ; Fleurs, Fruits et Oiseaux et encore dos Fleurs; puis le Portrait de Jeanne-Marie.

Cet ensemble montre que M" 11 Dubréau peut aborder tous les genres; elle n'est inférieure dans aucun.

M,lc Andrée Blin

Il me faut également mettre au nombre des choses intéressantes, vues au Salon des Femmes Peintres, les deux intérieurs d'église de M"c Andrée Blin, exécutés au pastel ;ivec une habileté remarquable. Je me plais à reconnaître le dessin consciencieux de ces oeuvres et la justesse des colorations. Par une perspective linéaire rigoureusement exacte, en même temps que par une dégradation savante des valeurs, M"c Andrée Blin a su fort bien donner l'impression de profondeur et conduire le regard sans heurt jusqu'à l'arrière plan du tableau. Elle a également tiré un beau parti du jeu de lumière a travers les vitraux. Outre les mérites incontestables de l'exécution, il y a dans ces deux oeuvres des qualités qui achèvent de leur donner toute leur signification.

11 faut louer M"e Blin d'avoir su dépasser dans ses oeuvres l'intérêt purement documentaire qui résulte, dans ces sortes de motifs, d'une copie littérale faite sans émotion et sans véritable intelligence.

M"e Andrée Blin n'a pas encore uo. bien long passé artistique. Elle ne commença guère ses premières études de dessin et de peinture qu'en 1908, époque à laquelle elle lit connaissance, à Saint-Lô, ne M. Ravaut, maître consciencieux et parfait dessinateur, qui sut l'intéresser et lui donner l'habitude et le goût d'un travail sérieux. Elle fut ensuite, pendant quelques mois seulement, élève de l'Ecole des Beaux-Arts de Bordeaux, puis enfin elle revint à Paris, où elle travailla sous la direction de M. Roger, prix de Rome, actuellement professeur à l'Ecole des Beaux-Arts. Elle étudia avec lui le dessin, la perspective, l'anatomie et, après ce long travail préparatoire, chercha et trouva une manière personnelle d'exprimer ses conceptions.

Sans se spécialiser uniquement dans un genre, ni

dans un procédé, elle montre cependant une prédilection marquée pour les intérieurs d'église et d'appartements. Elle a également exécuté des portraits à l'huilé et au pastel.

M 1" Andrée Blin fît, en 1919, une exposition particulière de ses oeuvres, où figuraient également des études de ses élèves, Elle exposait cette année pour la première fois au Salon des Femmes Peintres et je suis heureux de l'occasion qui m'est offerte de signaler ici ce talent probe, sérieux et réfléchi.

M"'c la Duchesse de Roban

M" 10 la Duchesse douarière de Roban s'est révélée depuis longtemps aquarelliste de mérite. Son art n'a pas ce caractère spécial à quoi l'on reconnaît bien des peintres amateurs.

Avec elle on se trouve à l'aise, car ses oeuvres ont la même allure que celles d'un professionnel. M"'e la Duchesse de Rohan a étudié le métier; elle sait le pratiquer et ne croit pas que la bonne volonté et la fantaisie tiennent lieu d'étude et de travail.

Elle a eu l'occasion de se faire apprécier dans diverses expositions, en particulier au Salon des Artistes Français, où elle exposait, tous IGS ans avant la guerre, des aquarelles de fleurs, vases, arbres de Noël, etc. Je rappellerai également qu'elle a eu une médaille à l'exposition de Vichy.

Cette année-ci, j'ai vu son très intéressant envoi au récent Salon des Femmes Peintres : une aquarelle de fleurs, traitée dans cette note fraîche et légère qui caractérise tout particulièrement son talent bien personnel.

M""- la Duchesse de Rohan aime aussi le paysage; elle en a fait de remarquables. D'ailleurs, quel que soit le sujet traité, elle y apporte une grande sincérité d'observation et d'expression. Elle comprend la nature et excelle à en dégager surtout le côté charmant et délicat.

M"c Bouchet-Dedieu

La manière de M"" Bouchet-Dedieu, qui s'est spécialisée surtout dans le portrait, se caractérise par l'étude pénétrante de la physionomie, la finesse de la vision; elle se manifeste on heureuses harmonies de tons. Ses portraits au pastel sont vivants et expressifs; ils font valoir les caractères essentiels du sujet, sans trahir celui-ci, qui demeure ressemblant. C'est ce qui explique l'excellente impression qu'ils ont produite aux expositions où cette artiste a déjà figuré.

M"c Bouchet-Dedieu a révélé des dons précoces. Déjà, h il ans, elle commençait à dessiner sous l'excellente direction de C. Lef'èvre, sculpteur, élève de Dalou. Puis elle passa par l'Académie Julian, où elle eut pour professeurs Jules Lefebvre, Benjamin Constant, J.-P. Laurens, et travailla ensuite avec Jules Adler. Quand, à l'âge de 16 ans, elle exécuta sa première académie, son professeur, Jules Lefebvre, fut émerveillé du caractère qu'elle avait su donner au modèle.

Cette artiste a exposé aux Artistes Français et aux Femmes Peintres. Je rappellerai, parmi ses envois les plus notoires, celui de la remarquable Mimi-Pinson, qui était, aux Artistes Français de 1905 et qui valut à l'auteur les éloges de la critique.


Celte année-ci, j'ai eu le plaisir de retrouver M" 0 Bouchet-Dedieu au Salon des Femmes Peintres avec une série Ce poitrails au pastel, où la finesse de l'expiession s'unit à la netteté et à la fermeté du dessin.

M"c Bouchet-Dedieu appoite une belle sincérité dans l'élude et clans la îeprôsenlation de son sujet. Son ait est fimpie, sans coquetterie ni complication, mais une e\quise sensibilité permet à l'artiste de sympathiser avec son modèle et d'enrichir un portrait de relie palpitation de vie qui donne à l'oeuvie son principal inlérêt.

M"'e Barcy

Au nombic Ces poitrails qui ont figuré celte année au Salon cies Femmes Peintres, je place parmi les meilleurs celui Ce M'"" X..., cvposé avec d'autres, par M"" Barcy, que plusieurs de nos confrères ont mentionné avec éloges dans leurs comptes-rendus de ce Salon

Je ne li durai pas le soi ici d'un pseudonyme nouvellement adopté en disant que je connais de cette artiste, sous son nom Ce jeune fille, une oeuvre déjà considérable qui a l'ait connaître et apprécier son talent. M"" Bhrcv. est consacrée portraitiste de par

les nombreux portraits de personnalités connues qu'elle a exécutés, tant en France qu'à l'étranger, notamment ou Angleterre cl en li.ilio, parmi lesquels je iappellerai celui de Lord Vi'vardale et celui de la Princesse Conto.

M"" Barcy a également l'ail de nombreux portraits clans différentes cours d'Europe.

Française — bien que née à Rome — elle commença ses éludes artistiques en Italie, puis en Espagne. Venue à Paris, elle a continué d'y travailler sans maître, ou du moins sans autres maîtres que ceux de nos musées, principalement du Louvre, où elle a passé clc longues heures à s'inspirer des grands peintres du passé.

Elle a exposé aux Artistes Français, aux Femmes Peintres, à Monaco, et aussi à Londres, où elle a obtenu une médaille d'or pour une Salomé en manteau rouge, qui compte parmi ses meilleures toiles.

Mais Mmo Barcy est avant lout portraitiste. Ses portraits, pleins de vigueur, témoignent non seulement de connaissances techniques approfondies, d'une science assez rare du dessin, des belles oppositions de couleurs et d'éclairage, d'une composition harmonieuse, mais aussi d'une subtilité d'observation et d'une pénétration psychologique qui leur donnent une surprenante intensité de vie réelle.

Deux portraits de M,nc Barcy : « Un enfant » et « M1»' X. »


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« M. G. », portrait par M""- BarcyM'""

BarcyM'"" Cistello • •

Les oeuvres et le talent de la vicomtesse de Cistello sont déjà familiers aux lecteurs de cette Revue; j'ai eu autrefois l'occasion de leur donner mes impressions «ur quelques-unes de ses productions, vues, pendant neuf années, aux Salons de la Société Nationale Ces Beaux-Arts, et plusieurs fois aussi à celui des Femmes Peintres. Elle s'est fait remarquer également dans certaines expositions à l'étranger. A Lisbonne, elle a eu une troisième médaille à l'Exposition des Beaux-Arts'. Elle fut en outre titulaire d'une médaille de bronze à la Section Portugaise de l'Exposition Universelle de Paris en 1900.

Cette année-ci, je viens d'avoir le plaisir de retrouver ce peintie au récent Salon des Femmes Peinties, où son tableau, Envoi du front, a été trèsgoûté. C'est une oeuvre d'une facture libre et originale, exécutée dans une technique très moderne.

Les genres préférés par M"" de Cistello sont les portraits et le plein air. Elle y apporte des qualités de sincérité et de simplicité qui confèrent à ses oeuvres beaucoup de naturel et de vérité. Son art est solide et franc, avec des moyens d'expression qui visent moins à produire un effet factice qu'à éveiller un écho profond dans notre sensibilité.

M'" Clémentine Dubois

Mlle Clémentine Dubois, tout en offrant à nos regards de jolies fleurs, au dernier Salon des Femmes Peintres, a, peut-être par excès de timidité, laissé dans son atelier des oeuvres plus importantes et qui auraient pu figurer à côté de ses Roses et OEillets ou de ses Giroflées.

Ainsi, nous aurions pu nous faire une idée plus exacte et plus complète de la manière que cherche cette artiste et de son tempérament, que ses fleurs me permettent de croire fort intéressant.

Depuis peu de temps à Paris, M 11" Clémentine Dubois est la soeur du docteur Dubois, de Roubaix. Elle a été élève de l'Ecole des Beaux-Arts^ de cette ville et du maître Ph. de Winter, de Lille. Avant la guerre, la peinture était son seul agrément, cherchant à reproduire toutes les manifestations de la beauté et particulièrement attirée par la flore, dont les tons si riches la charment; mais le portrait lui semble de même très captivant. C'est par- ses seuls moyens que MUe Clémentine Dubois est arrivée à pouvoir franchir les portes d'une exposition parisienne et nous ne saurions trop l'encourager à d'autres tentatives. Cette artiste, quoique débutante, doit être louée pour l'effort dont son exposition nous a montré l'intéressant résultat.

« Rcscs et OEillets » de M"« Cl. Dubois


M"* J. Daniele-Hoffe

L'importante participation de M'"" J. DanièleHoffe à ce même Salon des Femmes Peintres ne pouvait que nous confirmer dans la haute idée que nous avions déjà de son talent.

Ses portraits,exécutés dans ses procédés favoris du pastel et de la sanguine, étaient certainement parmi les meilleures choses en ce genre du Salon. Je ne parle pas seulement au point de vue de l'exécution, mais encore pour des qualités de sentiment, pour une compréhension très vive et une intelligente interprétation de la physionomie de ses modèles. Sans les connaître on les devine très ressemblants et quoi qu'en pensent les adeptes de certaines nouvelles écoles, la ressemblance compte bien pour quelque chose dans un portrait. Dessin solide, colorations sobres et justes, d'une particulière saveur dans certaines de ses figures féminines; choix ju- - dicieux des attitudes; tout concourt à donner aux oeuvres de ce peintre une très réelle valeur d'art.

M"c Dorine Van Oycn

Je ne connais do celte artiste rien autre chose qre les trois toiles qu'elle avait an dernier S don < es « Indépendants » et je le régie! le, CKI' il y a d'ins ces oeuvres des qualités rôvclalri- es d'un talent qre j'eusse aimé pouvoir juger et apprécier en tonte connaissance de cause. ' '

Cependant les toiles exposées m on Iront diverses faces de ce talent et permettent sans cloute de se faire une idée assez exacte de la manièie clc l'artiste et de ses tendances.

M"" Van Oyën, clc toute évidence, aime la peinture claire. Sa facture est franche et directe.

En parlant de la « touche », un maître, je ne me souviens plus lequel, disait à ses élèves « il faut

« poser et laisser ». C'est cela que fait M1Ie Van Oyën, et cette façon de peindre vaut mieux, à mon - avis, que la cuisine la plus compliquée.

Les Cacatoès blancs; La Convalescente; Paysages Hollandais, sont peints dans cette facture sobre, claire et vigoureuse sans jamais être brutale qui est la sienne.

Le caractère dominant de ses oeuvres c'est leur parfaite luminosité et un sens très juste des valeurs dont la justesse met chaque chose 'à son plan et « dans l'air ». Si j'ajoute à cela que son dessin est à la fois élégant et robuste et, je crois, très étudié, bien que rien dans ses oeuvres ne sente l'effort, on compiendra les raisons de ma vive sympathie pour un talent qui m'a été révélé sous un jour aussi favorable.

La clarté de la palette de M"e Van Oyën, sa prédilection particulière pour les effets de soleil semblent prouver que ce peintre a étudié les maîtres de l'impiessionnisme; mais la haute probité de son dessin, une exécution qui n'est jamais bâclée, un

souci de composition harmonieusement équilibrée, !a menti rut également îcspectueuse des plus saines et des plus belles traditions de l'art.

M,u Dorine Van Oyën est née à La Haye (Hollancej en 1887 et c'est à l'Ecole des Beaux-Arts de colle ville qu'elle commença ses études de dessin. L'Ile suivit ensuite les cours de peinture du professeur Fritz Janscn, peintre, et de sculpture du professeur Foon Dupuis, statuaire. Après quelques années d'éludés libres elle travaille quelque temps sous la diiection du peintre Willem Roëlofs.

M"' Van Oyën csl aujourd'hui en possession d'un métier paiiailement su et d'une facture personnelle. 11 renvient de îemarqucr qu'elle ne s'est spécialisée ni dans un genre ni dans un procédé. Paysages, sujets de genre, fleurs, animaux, portraits, en un mot

« Portrait de M1"" A.-M.-B.. », par M'"e J. Danièle Hoff


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tout dans la nature l'intéresse. La plupart de ses oeuvres sont des peintures, mais elle pratique également le pastel et l'aquarelle.

M"e Van Oyën est membre de plusieurs sociétés artistiques de son pays et ses envois aux différentes expositions ont toujours été favorablement accueillies par la critique et les amateurs.

Je suis heureux de pouvoir attirer l'attention de nos'lecteurs sur un talent qui n'est peut-être pas connu et apprécié chez nous autant qu'il devrait l'être.

M"' Lina Pavil

Les trois Natures Mortes, exposées par M1,e Lina Bavil aux Indépendants, méritaient de fixer l'attention : c'était peint avec goût et vérité, d'un arrangement agréable et sans défaillance de eonstruction.

Fille d'Elie-Anatole Pavil, le spirituel peintre des choses parisiennes et surtout montmartroises, que depuis longtemps déjà la Revue Moderne a présenté à ses lecteurs, elle fit ses premières études à l'Ecole Elisa Lemonnier et compléta son éducation artistique sous la direction éclairée de Lacaze, professeur aux Arts Décoratifs.

Portée vers l'enseignement du dessin, MI|C Lina Pavil affrontait à vingt ans les épreuves du professorat des Lycées et Collèges; dès sa première candidature, en 1920, elle obtenait brillamment ses diplômes de premier degré et degré supérieur.

Ses toiles ze ressentent de cette forte éducation : le dessin est impeccable sans présenter rien de cette froideur le plus souvent inhérente à l'art officiel; le coloris en est gai, plaisant à l'oeil et le dicton a encore une fois ue plus raison : « tel père, telle fille ».

M"" E-M. Mcyse

Avant son entrée à l'Académie Julian, M"e Eisa Marie Movse avait reçu de son père les notions premières qui devaient par la suile la faire admettre aux Beaux-Arts.

D'une famille d'artistes, elle hérita d'un don qui lui traça sa voie. M"" Eisa-Marie Moyse, travailleuse sincère, prit part, aux divers concours et tenta même celui d'esquisse pour le prix de Rome.

Les expositions de Versailles, de Bourges, de Rouen, lui oûviiient leurs portes et, dans toutes ces manifestations artistiques, elle a montré auquel point, elle aime cet art, qui lui fut révélé dès son! enfance et qui à présent se manifeste par la note harmonieuse dont elle entoure ses oeuvres.

M"' Eisa-Marie Moyse recherche le paysage avec des effets de coloris chaud et son admiration pour A. Besnard et Félix Ziem se manifeste dans le plaisir avec lequel on voit qu'elle cherche à combiner l'harmonie des riches couleurs empruntées à la palette savante de ces maîtres contemporains, et le sentiment qu'elle veut donner à ses compositions.

Le choix du sujet qu'elle avait au dernier Salon des Indépendants : la Cotonnade du Parc Monceau, est inspiré des artistes qu'elle affectionne; l'ensemMlle

l'ensemMlle Van Cyën dans son atelier

Composition de Walter Gay


ble de ce tableau est harmonieux grâce aux tons chauds et colorés de l'effet d'automne, que M1 ,e EisaMarie Moyse a su interpréter fidèlement et assez savamment.

Il faudra suivre les progrès de cette jeune artiste, si elle continue à prendre part aux Salons. Je crois qu'ils seront intéressants.

Portraits de Peintres

Walter Gay

C'était vraiment une collection Ce petits ""chefs d'oeuvre que la série de gouaches récemment envoyée par Walter Gay à l'Exposition de la Peinture à l'Eau, galerie Simonson. On y retrouve tout ce qui fait le charme si particulier et si prenant ce l'oeuvie de ce peintre, que l'on a justement appelé le « doyen des intérieurs » : car il a réellement crée ce génie, ouvert une voie nouvelle en peintuie. où se sont engagés, depuis, nombre de bons artistes.

L'originalité dé Walter Gay n'est pus d'avoir peint des intérieurs, ce que l'on avait fait avant Lu :

c'est de les avoir animés, malgré l'absence de tout personnage. Tous, nous avons ressenti les différences de sensations que l'on éprouve, en entrant dans une pièce qui n'a jamais été habitée, qui ne l'est pas depuis longtemps, ou qui ne l'est que par inter- , mittence, par des hôtes de passage —■ comme un i appartement d'hôtel meublé, par exemple — ou, au contraire, dans une pièce habitée, où, même en l'absence de l'occupant, semble subsister un peu de lui-même. Sans le connaître, vous vous formez une idée de ses goûts, de ses manières d'être, de son éducation, de son caractère, presque de son physique.

C'est cette impression — plus ou moins nette, plus ou moins juste, suivant la perception visuelle de chacun — qui est nettement ressentie devant les intérieurs de Walter Gay. On sent que quelqu'un vient d'en sortir, et l'on serait à peine surpris do l'y voir rentrer, par cette porte qu'il n'a pas fermée complètement derrière lui, et par laquelle pénètre ce rayon de lumière qui éclaire si joliment les meubles, les tapis, les tentures et les boiseries. Si tel fauteuil est placé là, c'est que quelqu'un tout à

« Coin de Bihlt tbeque », par Walter Gay


Intérieur, de Walter Gay


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l'heure y était assis. Qu'y faisait-il? Assurément il lisait ce livre qui est là," posé au bord de la table. Ainsi, dans cet intérieur, tout vous parle de celui qui y vit habituellement, et qui y a laissé comme les tracés de ses derniers gestes.

Ce sont de tels coins d'intimité que montrèrent les gouaches exposées à la Galerie Simonson. A noter aussi une très remarquable aquarelle : La Cour ovale du Palais de Fontainebleau. _

Walter Gay avait, à ses débuts, animé ses tableaux de la présence effective de personnages. Ce peintre américain, né à Boston en 1856, a étudié la peinture à Paris, où il vint se fixer dès 1876. Il fut l'un des plus brillants élèves de Bonnat. Il débuta au Salon de 1879 avec la Leçon d'Escrime; il exposa ensuite chaque année des toiles toujours remarquées : les Fileuses; le Benedicite, qui est au musée d'Amiens; la Maison de Longfellow à Cambridge, et, en 1893, les Cigarières, l'une de ses dernières toiles à personnages, et qui est au Musée du Luxembourg, qui possède de ce peintre cinq ou six autres tableaux d'intérieur, exécutés de 1894 à 1900.

Walter Gay, qui est officier de la Légion d'honneur et sociétaire de la Nationale, a des oeuvres dans plusieurs autres musées d'Europe et d'Amérique.

Henry Cassiers

L'aquarelliste Henry Cassiers est considéré, depuis longtemps, en Belgique, comme un maître. Ce jugement, on y a déjà souscrit volontiers chez nous, depuis que les oeuvres de cet artiste figurent à nos expositions et dans nos galeries d'art. Je rappellerai - la profonde impression qu'a naguère produite l'importante exposition donnée à la Galerie Georges Petit : jamais Cassiers n'avait montré à Paris un ensemble aussi considérable de ses oeuvres. Elle a corroboré l'estime et l'admiration qu'avaient fait éprouver déjà pour son talent ses précédents succès répétés à l'exposition annuelle de la Société de la Peinture à l'eau, en compagnie de Gaston La Touche, de Luigini et de son compatriote Franz Charlet.

Henry Cassiers continue de participer fidèlement à cette dernière expostion; il y a fait figurer, ces temps derniers, des oeuvres de toute beauté. J'ai admiré, à la Galerie Simonson, son vieux Pont en Flandre et son Quai à Bruges, qui évoquent si magnifiquement les aspects les plus pittoresques de la Flandre belge. Je signalerai aussi, dans le même ordre d'idées, Un canal à Gand, avec le reflet de ses eaux calmes. Voici maintenant deux autres évocations où l'artiste, également, a mis une exquise sensibilité qui s'exprime en tonalités harmonieuses : Ville hollandaise et Grand-Place, à Bruxelles.

Certes, Paris peut s'enorgueillir du privilège que lui accorde Henry Cassiers de soumettre de préférence au verdict de notre capitale la plupart des oeuvres qu'il a créées. Mais autant qu'en Belgique et en France, on sait, dans d'autres pays, apprécier le maître aquarelliste. Au reste, ses productions

ont figuré dans les grandes expositions qui ont eulieu à l'étranger. A Londres, à Venise, à Turin et à Barcelone, comme en Amérique, le succès des oeuvres de Cassiers a été complet. Dans beaucoup des pays où il s'est fait connaître, on a voulu conserver le'souvenir de ce grand talent, et c'est ainsi que ses oeuvres figurent dans les musées de Bruxelles, d'Anvers, de Rome, etc., de même que dans notre musée du Luxembourg.

Cette personnalité artistique de premier plan, ce talent, cette renommée qui a autant de solidité que d'étendue, sont l'aboutissement logique d'une vocation puissante servie par une grande force de travail et une rare originalité de tempérament. Cassiers doit presque tout à lui-même; il n'a fréquenté aucune académie. Pendant bien des années, il ne fut peintre que les dimanches et jours de congé. En été il partait, avec Staquet, son ami et son émule, pour la banlieue; en hiver, c'étaient les séances à modèles à « La Patte de Dindon », avec quelques amis. Mais si Cassiers a travaillé d'après la nature, il n'a pas cependant, négligé le dessin. Le peintre, chez lui, est un constructeur émérite. Cela provient de ce qu'il- travailla son dessin pendant sept ans chez un architecte, fit des plans et traça des épures.

Ces qualités de construction, Cassiers les montre avec un rare bonheur dans ses illustrations, comme dans ses tableaux, et à cela il ajoute la magie d'un coloriste à la fois fougueux et discipliné. Son coloris est vigoureux Seins lourdeur, intense, nourri, profond, atmosphérique. Il restitue toute la vibration de l'ambiance, toute la vie confuse et éparse des éléments que l'oeil vulgaire considère comme des choses inertes ou mortes. Ses notations rendent sensible le mystérieux frisson qui se dégage de l'âme des choses.

Pour avoir ce don d'évocation, cette faculté de suggérer en quelque sorte la vie intérieure, il faut aimer la nature d'un amour singulier et surtout connaître dans une intime familiarité les sites que l'on décrit. Or, c'est le cas de Cassiers, qui ne nous dépeint si parfaitement les paysages flamands et hollandais que parce que ce sont justement ceux qu'il connaît le mieux et qu'il préfère. Qui ne voit qu'ainsi son inspiration est à même de saisir, dans une intuition complète, toute la profondeur de vérité et d'éternité que renferment, pour lui, ces coins de terre familiers?

11 y aurait beaucoup d'autres choses à dire encore du tèmpéramment si riche de cet aquarelliste et de sa technique si ample et si souple, notamment en ce qui concerne le caractère décoratif très accusé qu'on retrouve dans celle-ci. Mais je dois me borner aux brèves notes qui précèdent. Je n'ai pas eu d'autre prétention que de préciser ici quelques traits de cet artiste, dont l'oeuvre et la carrière déjà connues et étudiées plutôt synthétiquement par plusieurs critiques éminents, auront besoin, désormais, d'être surtout examinées sous certains aspects et sous certaines formes. Cela, j'en suis convaincu, est appelé à fournir une utile contribution aux recherches de la critique d'art contemporaine.


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Lucien gantier

Un peintre qui peint et qui compose, voilà une chose assez rare à notre époque pour être signalée, je ne dis pas à ceux qui suivent de près le mouvement artistique, car ils connaissent déjà tous les oeuvres de Lantier, mais au grand public dont il faut faire l'éducation et à qui il faut signaler ce qu'il doit voir et retenir.

Il y a bien des gens qui frotaillent sur une toile avec un pinceau, qui mettent de la couleur, mais des peintres, qui, comme autrefois-, ont souci du Jbeau métier, de la belle matière, de la pâte grasse et saV voureuse, savamment posée, il n'y en a presque plus. Quant aux artistes qui savent composer, l'espèce en est morte. La plupart du temps, on ne s'en soucié même plus, on prend une tranche de nature et on la transporte sans transformation sur une toile, comme fait un objectif sur une plaque sensible. L'indigence, l'absence de ces bases essentielles pour la confection d'une oeuvre d'art, est lamentable à notre époque.

Où donc est la saine tradition française, celle faite de savoir, de talent, de travail, de persévérance et de raison? N'est-ce pas de nos jours qu'on a retenu cette phrase cynique, tombée des lèvres d'un des peintres les plus en vogue de l'école ultra-moderne, une des vedettes du Salon d'automne : « Tant que je faisais des oeuvres sincères, travaillées, nul ne faisait attention à moi. Maintenant que je ne fais plus que du loufoque, mes oeuvres s'arrachent à coups de billets de mille. » Et cette réflexion monstrueuse n'est, hélas ! que la vérité. C'est pourquoi le plaisir est si grand d'en revenir à un peintre qui peint et qui compose.

Lantier n'est pas doué de ces seuls dons qui seraient insuffisants. Il dessine dans la perfection et est un observateur profond de la nature. Portraitiste ou peintre de scènes de la vie, il apporte dans ses toiles le souci de la perfection en tout. Il ne craint pas le travail et, sévère pour lui-même plus que tout autre, il n'hésite pas à recommencer une oeuvre qui ne le satisfait pas. 11 est très moderne; sa touche très libre est souvent hardie, mais toujours voulue et jamais le résultat du hasard.

Lantier est le peintre de la vie. Etait-elle assez folle des mouvements, cette Noce Bessarabienne qui, l'an passé, eut tant de succès au Saion des Artistes Français! Quelle joie, quel entrain, dans cette ronde de paysans aux costumes multicolores, dans ces musiciens de village soufflant dans leurs cuivres ou tapant sur la caisse sonore, les figures tout émerillonnées par les joyeuses libations! Et au milieu de toute cette gaîté paysanne, du tintamarre de la musique, quelle apparition idéale que celle de la mariée, se montrant toute blanche, une sorte de diadème sur le front, au sommet des degrés de bois, sous le chaume clc l'humble habitation. 11 y a dans celle toile magnifique, toute la joie délirante, la vie débordante de certaines kermesses de Rubcns, de Jordaens ou de Téniers, avec en plus, une sentimentalité délicate, un côté idéal que ces pcinlres des Flandres n'avaient point. Mais le peintre à cpii

Lautier fait le plus penser est certainement le vieux Breughel.

Lantier a rapporté d'un séjour en Bessarabie toute une suite d'études et de tableaux qui, à eux seuls, suffiraient pour faire la gloire d'un peintre. Ses tableaux ne sont pas de simples pochades prises sur nature et ainsi présentées au public. Ils sont le résultat de nombreuses pochades et de beaucoup de croquis pris sur le vif, mais remaniés, concrétisés, synthétisés,composés, peints, travaillés enfin, comme le fait tout artiste soucieux de la perfection. Aussi, comme tous les travailleurs, Lantier est-il l'homme de son atelier, ignorant des choses extérieures et vivant tout entier avec et pour son art.

Edmond de Vernisy

Quand on a eu l'heur de connaître à ses débuts un véritable artiste, c'est souvent une joie pleine de surprises de le retrouver tout à coup, après de longues années, maître d'un talent dont la forme définitive est diamétralement opposée aux pronostics qui avaient pu paraître les plus plausibles.

J'ai connu Edmond de Vernisy il y a quelque 13 ans, élève peu assidu de l'Ecole des Beaux-Arts dont il supportait mal la férule artistique.

Il peignait largement de grands paysages^ de grands portraits, de grandes natures mortes, avec un sens décoratif très marqué. Ses toiles semblaient toujours trop petites pour contenir tout ce qu'il voulait leur faire exprimer.

Je pensais que, finalement, ses qualités le porteraient directement vers la décoration.

En 1906, Edmond de Vernisy quitte Paris. Quelques années plus tard je l'y retrouve, marquant brusquement son retour par un succès considérable comme... miniaturiste!

Dès sa première apparition, il est lauréat du prix Maxime David décerné par l'Académie des BeauxArts pour la miniature. La presse lui fait une véritable ovation. Il se classe du premier coup le premier de tous nos miniaturistes et de combien supérieur !

Ed. de Vernisy a rénové l'art de la miniature, comme l'a si bien dit M. Thiébault-Sisson, dans le Temps du 13 mai 1916.

Il l'a rénové parce qu'il a délibérément rejeté tout ce qui, depuis de longues années, avait fini par faire de la miniature une chose petite.

Il a apporté, d'abord et surtout, sa personnalité toute entière avec sa force, sa sûreté d'indication, sa distinction aristocratique et, il a su n'étrangler aucune de ses belles qualités par la gêne des surfaces restreintes. Mais il a su aussi garder et rendre encore plus tangible tout ce qui fait le charme de la miniature : la beauté clc la matière précieuse, les transparences nacrées des gris, la rareté des tons.

Une vision synthétique de la nature, une compréhension 1res nette des caractères essentiels d'une physionomie le font s'exprimer largement.

De cette réalisation incisive et rapide, il reste, dans tous les portraits d'Ed. de Vernisy, une impression do force, de vie et une fraîcheur cîo premier jet qui en font de grandes oeuvres. Elles font revivre la


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tradition française de la miniature en la continuant après un siècle presque de léthargie.

Edmond de Vernisy prolonge la belle lignée des grands noms de la miniature : les Hall, les Augustin, les Dumont, les Isabey.

La guerre est venue, Vernisy en a souffert profondément. Des êtres très chers ont disparu pour lui, nombreux, enlevés par les angoisses ou tués au feu. Lui, a connu de longues années de captivité.

De tant d'épreuves douloureuses, son talent sort encore mûri. Il jaillit très pur et plus synthétique et en pleine floraison.

S'il fallait en une ligne résumer tout ce que je viens de dire, ces quelques mots y suffiraient : l'Art d'Ed. de Vernisy, c'est de la grande, de la très grande peinture, concrétisée sur de très petites surfaces.

Claude Rameau

Claude Rameau nous a tout récemment, convié à une exposition particulière de ses oeuvres, à la galerie Marcel Bernhcim, et je dois dire qu'il nous a ainsi ménagé un délicieux régal artistique.

J'avais déjà vu, en de précédentes expositions, au Salon d'Automne et à celui des Indépendants7 quelques savoureux paysages de ce peintre, mais jamais je n'avais eu l'occasion de pouvoir apprécier son talent, en toute connaissance de cause, sur un ensemble. Son exposition récente a été pour moi la révélation d'un des plus .exquis tempéraments de paysagiste que je connaisse, dans notre jeune école française.

Son talent, frais et spontané, ne prête pas à de longues dissertations et ses oeuvres sont écrites dans un langage suffisamment clair pour se passer detraducteur. Pour en faire apprécier le charme, point n'est besoin d'avoir recours aux arguments spécieux, dont une certaine critique se sert pour nous faire comprendre les beautés absconses d'incompréhensibles chefs-d'oeuvres. i

A un ami qui me demandait les raisons de mon admiration toute fraîche pour les paysages de M. Claude Rameau, je ne crus pouvoir répondre rien de mieux que ceci : « Mon vieux, va les voir, tu ne perdras pas ton temps. »

La peinture de Claude Rameau est à la fois subjective et objective; ce qu'il nous montre, en effet, dans ses toiles, c'est la nature vraie dans toute sa réalité et c'est en même temps toute la poésie de la nature.

Un des grands charmes de ce peintre c'est la simplicité des moyens employés qui lui suffisent à rendre les effets 'les plus subtils et les plus variés de la lumière. La facture ne se signale par aucune innovation sensationnelle; à en juger par le résultat, elle est ce qu'elle doit êlre.

Certainement M. Glande Rameau n'a pas de partipris, de système; il n'assujettit pas la nature à des formules préconçues, à une palette faite à l'avance, mais il sait trouver sur celle-ci les nuances les plus délicates et les plus vraies. Il sait choisir un gîte, en voir et en ordonner les beautés.

Il faudrait tout citer des oeuvres exposées, représentant pour la plupart des paysages des bords de

la Loiie. Toutes, avec des qualités identiques, ont leur beauté propre et reflètent la poésie dê^l'heure, de la saison, ou de l'effet passager que le- peintre a voulu fixer.

Je n'en citerai que quelques-unes parmi celles qui m'ont le plus particulièrement frappées : La Loire, aval de Saint-Thibault, où la limpidité de l'eau et le scintillement de la lumière sont rendus d'une façon bien mieux qu'habile; Sancerre au-dessus des grèves; les Peupliers ile la Vauvise; Derniers Rayons, paysage animé, taches très justes et

bien dans l'air des animaux paissant et de leurs bergeis; Yelhda, berrichonne en costume ancien, très vivante d'attitude et d'expression; un Paysage à la Toussaint, dans lequel se trouve si bien exprimée toute la mélancolie de l'automne finissant; la Crue de la Loire à Saint-Thibault, Saint-Thibault sur Loire, et cette exquise impression de Soleil entre deux averses, instant fugitif si justement précisé par l'artiste.

On devine que Claude Rameau a peint toulës-ces toiles avec une douce ferveur et qu'il n'a pas cherché autre chose que traduire le mieux possible des émotions sincèrement ressenties.

Claude Rameau est un paysagiste né et les études qu'il a pu faire à l'Ecole ne paraissent pas avoir exerce sur lui une bien grande influence. Ses vrais maîtres sont, chez les anciens, Poussin et Claude Lorrain, et chez les modernes, Corot, Rousseau et les impressionnistes. Des uns et des autres il n'a

« Canal, matin d'Automne, paysage de Claude Rameau »


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pris d'ailleurs que ce qui se conciliait avec son propre tempérament. Devant ses oeuvres,-"on n'éprouve pas le moins du monde le besoin Ce chercher à quel peintre ou à quelle école il^« s'apparente ».

Pour moi, j'ai subi tout simplement le charme très doux de ces paysages clairement ordonnés, où, au pittoresque des lignes, s'ajoute l'agrément de colorations harmonieuses, et je suis reconnaissant à l'artiste qui m'a procuré quelques bons moments d'une saine émotion esthétique.

Lucien Dasselbern

On ne saurait évidemment porter un jugement sur le peintre Lucien Dasselborn d'après son envoi au dernier Salon de l'Ecole Française, lequel comportait seulement une eau-forte en couleurs, ayant pour titre Les Vieux Balcons. Mais cet artiste a acscz fréquemment exposé, non seulement en France, mais aussi en Belgique, en Espagne, en Italie, en Norvège, au Danemark, pour qu'on lui assigne la place qui lui revient clans la peinture contemporaine. Place bien à part, d'ailleurs. Certes, il aime la couleur, ou plutôt, pourrions-nous dire comme le poêle Verlaine dans son « Art poétique » :

Pas la couleur, tien que la nuance!

Lucien Dasselborn, en effet, est surtout attire, comme paysagiste, par les pays brumeux, aux tons rompus et émaillés. Il choisit de préférence le 1? heures troubles de la vesprée ou du petit matin. Aussi remarque-t-on, dans tous ses paysages, ce quelque chose de flou et d'insaisissable, qui évoque des impressions que l'on se croyait seul à avoir ressenties, dans le tréfond des perceptions intimes.

Ce caractère de sa peinture se retrouve — autant

qu'il se peut en_des genres si différents — dans ses eaux fortes, surtout clans ses eaux fortes en. couleurs, qui ont, de ce fait, une allure bien personnelle et ne sauraient passer inaperçues.

Henri Baudinet

Il y avait naturellement beaucoup de paysages au Salon d'Hiver et plusieurs présentaient un vif intérêt. Dans ceux où l'eau joue le rôle principal, il y en

eut peu d'aussi réussis qutreeux de M. Baudinot,dont les rivières et les étangs d'Alsace ont un charme poétique d'une particulière saveur.

Ce peintie excelle à rendie la limpidité de l'eau, la fluidité de l'atmosphèie et cela au moyen d'une facture sobre qui ne dit que ce qu'il, faut dire, mais le dit bien.

Sa palette est riche en colorations harmonieuses et il possède une gamme Ce verts très étendue et très nuancée.

Son exécution et la nota lion sont rapides. Son pinceau n'insiste qu'où il faut; ses premiers plans sont solides et proches; ses lointains vaporeux donnent bien l'impi esnon Ce la distance.

fies ceuvies comme Les Bords de l'Ill à Illfurt plaisent aux regards à la fois par l'agrément de l'exécution, par le choix heureux des motifs et par l'impression poétique qui se dégage d'une interprétation intelligente et sensible.

M. Baudinot aime surtout à peindre les rivières et les étangs d'Alsace et ses oeuvres, qui furent exposées successivement à Bruxelles, a Londres et à Paris, ont obtenu auprès de la critique et des amateurs le plus légitime succès; l'une d'elles Les Bords de l'Ill près deMuîhonsc a été acquise par le musée de celle ville.

« Les bords de l'Ill, près -Mulhouse », par Henri Baudinot ([Musée de Mulhouse)


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Emile Ragot

Un paysage de M. Ragot traduit toujours une émotion réellement ressentie devant la nature. Il en résulte que, devant une oeuvre de ce peintre, nous sommes intéressés et séduits non seulement par les mérites d'une exécution remarquable, mais encore par le sentiment qui se dégage de cette oeuvre.

Cette année encore, M. Ragot s'est montré fidèle à ses motifs préférés; la plupart de ses paysages exposés au Salom d'Hiver interprètent des effets de matins calmes ou de soirs apaisés. La lumière brutale du jour ne le tente point ou rarement. Il lui faut une nature parée de poésie et de mystère, et c'est, par dessus tout, ce côté mystérieux et poétique des choses qu'il s'efforce de rendre dans ses oeuvres, avec beaucoup d'intelligence et de sensibilité il faut le reconnaître.

En possession aujourd'hui d'une manière que je crois définitivement fixée et d'une technique personnelle, E. Ragot peut donner libre cours à son inspiration et s'attaquer aux plus subtils effets de lumière et d'atmosphère. Il nous a déjà montré qu'il savait résoudre avec élégance de très délicats problèmes picturaux.

Henri Coûtant

Est-ce le parfum littéraire qu'a laissé George Sand dans le Berry ou est-ce quelque autre cause qui a communiqué à Henri Coûtant les mêmes émotions que devait ressentir ce génie de ia littérature française? Toujours est-il que, non loin de Nohant, à La Châtre, où il habite, cet autre poète qu'est Henri Coûtant, se plait à contempler et à traduire la beauté dans le calme de cette petite ville et le pittoresque des alentours.

Si, dans les voyages qu'il fit, cet artiste-poète avisait un coin de vieille rue mojpi-âgeuse ou simplement tortueuse, vite il traduisait en pochade l'impression que lui faisaient ressentir la disposition des pans de bois ou des pignons renaissance, ou bien l'encorbellement des étages qui disposait la lumière d'une façon si différente de celle que nous donne l'architecture moderne si monotone, quoique luxueuse inutilement; ou bien alors, débouchant d'une ruelle fangeuse, la tourelle flamboyante le captivait jusqu'à ce que, d'une ébauche rapide, il eut mis cette documentation des siècles anciens dans ses cartons, et c'est ainsi que, muni d'un bagage artistique en peu de volume, Henri Coûtant est arrivé progressivement à composer des oeuvres dignes d'intérêt. Il les exhiba d'abord dans des expositions régionales, où elles eurent quelques succès.

Aujourd'hui cet artiste, qui n'est plus un jeune, vient d'affronter le Salon d'Hiver; nous regrettons qu'il ait attendu si longtemps pour se révéler au public parisien. Ses dons naturels, son impressionnabilité pour tout ce qui est beau, la musique qu'il aime à exprimer ainsi que la poésie, auraient préparé ce tempérament d'une façon plus personnelle.

L'envoi de ce peintre au Salon d'Hiver fut assez important; il compta une dizaine de toiles, oeuvres bien observées; et si elles manquent un peu clc celle facture qui l'ait la lenommcc d'un artiste, du moins

sont-elles 'produites par un travailleur consciencieux, à la recherche de sites toujours de plus en plus captivants et sachant traduire les émotions que lui fait éprouver la nature.

Paul Delacroix

Cet artiste, quoique jeune encore, n'est pas un nouveau venu dans le monde des peintres. M. Paul Delacroix, effectivement, a déjà figuré — et tout à son avantage — dans diverses expositions. Mais c'est plus spécialement au Salon des Indépendants que, depuis un certain nombre d'années, il offre ses oeuvres à l'appréciation de la critiqué-et du publie.

Cette année, non seulement il exposait, comme de coutume, aux Indépendants, mais aussi au Salon d'Hiver. Ici, Paul Delacroix avait sept envois : L'entrée du clos, L'entrée de la fermé, Le Jardin de Deauville, La maison du_garde (soleil du soir), Le petit jardin, Le porche, Le parc (soir). Là, il en avait cinq, dont les trois premiers étaient des effets de soleil : La galerie du Roi, Jardin Français, L'arceau blanc, Jardin Français, L'arceau de verdure, et les deux autres, des dessins-peintures : Ruelle de campagne et Fantaisie.

Cette double exposition donnait une juste et assez complète idée des conceptions originales de ce peintre brillamment doué. Ce n'est du reste pas la première fois que nous goûtons les manifestations de sa palette riche et variée. Je^garde la souvenance de plusieurs de ses toiles d'avant-guerre, dont l'une, reproduisant, dans une note neuve, un effet de soleil, m'avait frappé davantage. Depuis, ce digne collaborateur du peintre Emile Bertin n'a fait que progresser; mais l'on sent que, même à l'heure actuelle, il subit une évolution "en se lançant dans le tableau décoratif.

L'an passé, on mai et juin, à la galerie Hekking (rue de Rome), il avait, dans ce but, organisé une exposition fort intéressante de dessins et de peintures, qui témoignaient d'un sens très averti de la décoration. 11 y avait là un réel effort d'art, où l'on discernait le culte que l'auteur voue aux architectures de parcs ou de jardins, comme à la vie intense, saine et fruste des campagnes de France; on y trouvait en plus une science infuse de composition, une connaissance approfondie du aessin, une maîtrise surprenante de la couleur.

Cette année, aux Indépendants, comme au Salon d'Hiver, on retrouvait, en ses toiles, ces notes dominantes. Et je crois bien qu'il a presque découvert la voie cherchée, c'est-à-dire l'adaptation à nos appartements modernes de la peinture décorative. Je n'entends pas parler des panneaux ou des tableaux dont le genre ou la dimension demandent plutôt une vaste galerie, mais de celte peinture qui, dans un salon, une salle à manger, un boudoir ou un studio, donne un ton riant et gai, tant par la composition que.par le coloris, à la pièce et reste adéquate à son intimité. M. Paul Delacroix est, en cela, un novateur, et il combat un misonéisme, qui tend à disparaître peu à peu. Les plus réfractaires commencent aujourd'hui à comprendra qu'une tonalité sans violence, mais hardie, (oui en ne faisant pas trou dans le mur, selon l'expression imagée des


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ateliers, a son utilité et peut plaire en égayant le milieu où elle tranche, du moment que l'harmonie subsiste.

Ce sont surtout les oeuvres- que Paul Delacroix exposa aux Indépendants qui peuvent inciter à ces réflexions.

Au Salon d'Hiver, à part une composition de parc vu par le soir, il avait des toiles d'une sincérité absolue et dont les sujets ont été saisis de visu. Car Paul Delacroix est, lui aussi, un amant passionné de la nature, dont iLa surpris les beautés et les aspects changeants, et l'on éprouve un vrai dilettantisme à considérer les effets qu'il en tire et, en particulier, les jeux de lumière, de couleur et d'harmonieuse opposition auxquels il se livre et dont il connaît tous les secrets. C'est un virtuose, mais, dans son art, il y a de la technique et du style, et, pour en revenir à la peinture décorative qui est son objectif favori, l'artiste a une telle ferveur, un tel amour des parcs et des jardins qu'il ira jusqu'au bout du chemin... de Damas, qu'il a trouvé, ou à peu près.

Paul Delacroix aura alors — et ce temps est proche — atteint sa plénitude, et on le rangera dès lors, avec son caractère bien déterminé, aux côtés des Gaston La Touche et des 'Le Sidaner, qui ont magnifié Versailles et tant de lieux resplendissants. D'ailleurs, ces Le Nôtre du pinceau, qui ont amalgamé la fantaisie" à la vérité, ne renieraient pas Paul Delacroix. A leur exemple, il a l'enveloppe d'un poète et, en tant que peintre, il a tous les dons qui assurent le triomphe définitif.

N. Ancelme

J'ai, avec plaisir, retrouvé, aux derniers Salons d'Hiver et des Indépendants, les toiles si consciencieuses de M. Narcisse Ancelme, ce peintre si énamouré de la nature, que j'ai présenté depuis longtemps à nos lecteurs et dont le talent s'impose de plus en plus.

En dehors d'une touche large, d'un dessin correct, cet artiste peint avec une vérité si précise que l'observateur judicieux pourrait aisément fixer le jour, voire l'heure, choisis par lui pour Inexécution de ses tableaux. D'aucuns y trouveront peut-être une méticulosité négligeable et cependant l'étude du paysage n'a d'autres raisons d'être que dans la conception non conventionnelle de l'ambiance régie par la lumière et la représentation des choses se métamorphosant sans cesse suivant l'heure et la saison! Il serait enfantin de s'étendre sur cette théorie indéniable et l'honneur de Narcisse Ancelme est de s'être attaqué avec un grand courage à en faire la preuve tangible : il lui a fallu un effort incessant et un don aigu de compréhension pour mener à bien une tâche qui paraîtrait ingrate à un artiste qui ne sentirait pas vibrer en lui l'âme terrestre. Quelle plus belle démonstration de ténacité et d'observation que ces « Lacs en juillet, août, septembre, octobre »', le soleil rutilant de l'été, les verts disparates, les ciels embués, les dorures de l'Automne, les arbres dépouillés par l'Hiver! Ce sont là des oeuvres qui, le mieux, personnifient

personnifient mettent à nu toute sa conscience et en sont comme le reflet.

De maîtres, Ancelmetn'en voulut pas. Il n'a jamais connu d'autres lois que celles de sa fantaisie, il s'est révélé seul, se réservant de choisir dans les trésors inépuisables de la nature... C'est un artiste, un vrai! _

Georges Ceuderc

Les paysages exposés cette année aux Indépendants par Georges Couderc : Rochers de Montjoie, Bords de la Rance, Bois de Saint-Cloud, dénotent, avec un sentiment profond de la nature, un très louable effort de sincérité dans l'interprétation, mais, en même temps, une recherche évidente des belles ordonnances de la composition. Il y a, dans ces toiles, autre chose que le modèle : ce dernier n'a fourni au peintre que les éléments dont il s'est servi pour créer l'oeuvre d'art.

Ce souci de composition harmonieuse est, naturellement, encore plus largement prédominant dans sa peinture décorative, car G. Couderc aussi appartient à cette phalange, de jeunes artistes auxquels nous devons la très remarquable évolution de la peinture décorative moderne. Il fait partie, notamment, du groupement de peintres et sculpteurs qui a pris pour titre « La Caravane », et qui, l'année dernière, avait organisé une très intéressante exposition à la Galerie d'Art Louis Vuitton, avenue des Champs-Elysées, où j'avais déjà remarqué les oeuvres de Couderc. v

L'effort de ce jeune peintre est sans aucun doute intéressant. Et puis, l'art qu'il conçoit et vers la réalisation duquel il tend, a au moins un mérite, très grand, à mon sens : c'est la clarté.

f. Merse-Rummel

Frank Morse-Rùmmel est un observateur de sites, et la variété de ses sujets s'allie avec un tempérament qui cherche avant tout l'étude et la reproduction sincères des aspects de la nature, si différente. Il peint la Laponie ou le Nord de la Scandinavie, comme nous le montrent les tableaux qu'il exposait au dernier Salon des Indépendants, alors que l'année dernière, au même Salon, il avait des vues du Midi de la France. Les heureuses notations de ces toiles furent déjà remarquées, quoique certaines restassent un peu imprécises.

La personnalité de cet artiste ne se dégage pas encore avec netteté; mais ces trois oeuvres : Lapon, Pêcheur de Laponie et Paysages du Nord sont d'une interprétation qui présage une carrière artistique brillante. Qu'il me permette de lui dire que la différence des climats demanderait à être plus accusée dans l'ensemble de ses compositions; il faut quç l'on sente à première vue si l'on est devant une interprétation d'un paysage du Nord ou bien si la chaleur du climat méridional a influencé la palette de l'artiste.

Quoiqu'il en soit, Frank Morse Rummel a du tempérament et, de progrès en progrès, il accusera certainement peu à peu une personnalité plus complète. En tout cas, dès aujourd'hui, il sait dégager l'âme des sujets qu'il traiteet l'interpréter en artiste* sensible et réfléchi.


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E. Sondéregger

J'ai été également très intéressé par. les dessins et les xylographies d'un archaïsme savoureux de M. Sondereggcr. Ces oeuvres, que rechercheront sans doute plus tard les amateurs d'estampes, ne sont point faites pour attirer l'attention du grand public, lequel ne regarde guère que les choses qui s'imposent brutalement aux regards, quand ce ne serait que par leurs défauts.

Les dessins et les gravures de cet artiste sont des oeuvres de pure inlellcctualilé et la plupart d'ailleurs illustrent ou commentent des chefs-d'oeuvre de la littérature ou clc la musique.

Les dessins exposés récemment aux Indépen- dants évoquaient plusieurs des Contes d'Edgard Poë : La Chute de la Maison Usher; la Caisse Oblongue; l'Homme des Foules. Les bois gravés sont des frontispices pour les « Nouvelles Histoires Extraordinaires » et pour les Drames de Slrindberg.

A la fois mystiques et romantiques, ces oeuvres témoignent clc préoccupations esthétiques d'un ordre élevé.

Les dessins à la plume de Sondereggcr sont d'une technique absolument personnelle et d'ailleurs parfaitement adaptée aux sujets traités; ses gravures

sur bois,qui décèlent une étude très approfondie des anciens xylographes, assignent à M. Sondéregger une place tout à fait à part et de choix parmi les illustrateurs modernes.

Cependant, comme tous les^ artistes vraiment personnels, E. Sondéregger s'est souvent heurte à l'incompréhension d'un public dont la majorité est peu faite pour goûter le charme de ce talent curieux et raffiné. - '

Aussi bien cet art un peu abstrait ne s'adresse-t-il qu'à une élite cultivée qui déjà commence à l'apprécier.

Les débuts de M. Sondéregger ne remontent guère d'ailleurs qu'à l'année 1914, où il participa à une exposition en Suisse d'où l'artiste est originaire. En 1919, il fut invité à prendre part à la première manifestation d'après-guerre d'une Société d'artistes Suisses de Paris. 11 expose alors une quarantaine de dessins et d'est ampes qui retinrent cette fois l'attention de critiques avertis. A propos de son envoi aux Indépendants, Pavvlovvski, dans le Journal, évoque le grand nom de Delacroix, révélant ainsi un

« Le Lapon », tableau de F- Morse Rummel

« L'Homme des poules », illustration par E. Sondéregger


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des multiples problèmes d'esthétique que cet esprit curieux et chercheur s'efforce de résoudre.

M. Sondéregger, homme de lettres en même temps qu'a.rtiste, a écrit de nombreux contes, nouvelles, et des articles de critique d'art dont l'intransigeance ne lui a naturellement pas valu que des sympathies.

C'est, ici, surtout le dessinateur qui nous intéresse et comme tel je me plais à lui reconnaître un talent d'une incontestable originalité et fort attachant.

Charles Coussedière

Charles Coussedière est un paysagiste sincère et délicat, qui recherche l'isolement ae la campagne, où son inspiration peut se donner libre cours. Solitaire, il se tient à l'écart des intrigues et des ambitions et trouve sa principale satisfaction dans la recherche consciencieuse de l'expression juste et harmonieuse. Ce n'est pas cependant qu'il n'ait point pris part à diverses expositions. 11 a exposé, depuis 26 ans environ, d'une façon à peu près régulière -au Salon de la Nationale, où son dernier envoi remonte à l'année 1913; il a fait des envois également aux Indépendants, ainsi qu'au Salon de Paris Moderne, dans les débuts de celui-ci. Depuis, il est

revenu au Paris Moderne après une interruption assez prolongée, et cette année-ci j'ai pu retrouver là de cet artiste quelques toiles : Les Tuileries, dont la majestueuse ordonnance est admirablement rendue; le Square Vintimille, plus intime et plus familier, et enfin, une vue de Montmarte : La Rue de l'Abreuvoir et le Sacré-Coeur en 1900.

Charles Coussedière sait représenter avec un art consommé les sites les plus pittoresques de Paris. Certaines de ces peintures urbaines ont connu un très brillant succès : le Musée Carnavalet a fait l'acquisition de ses Rues du Vieux Montmartre.

Au Salon des Indépendants de cette année, je me suis arrêté longuement devant sa Fin d'automne en Auvergne. J'ai aussi pris le plus vif intérêt à son Hameau de Baville (Seine-et-Oise).

On ne peut qu'être captivé par les toOes de cet artiste, qui apporte dans ses oeuvres une émotion si équilibrée, un sens si juste de l'expression, un usage si judicieux de la couleur. Egalement éloigné de l'extravagance comme du poncif, Charles Coussedière cherche, avant tout, à être simple et vrai, et non pas à donner bruyamment le change à soimême et aux autres. Le cubisme et le futurisme, où l'on trouve, certes, des choses intéressantes, lui sont aussi étrangers que la mièvrerie et la fausse sentimentalité, contre lesquelles les nouvelles écoles semblent être une réaction.

Front! splce par les « Nouvelles Extraordinaires »

« La Caisse Oblengue». —Deux compositions de E. Sondéregger


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Roberto Colin

11 est toujours agréable pour un artiste de reproduire les visions de son enfance. Quel que soit le résultat obtenu, il se réjouira de voir son crayon lui rappeler un chemin longtemps parcouru ou un banc où il aimait de s'asseoir à l'ombre du feuillage, l'été, ou bien encore, si c'est un rêveur, il se plaira à demander à sa mémoire ce qu'elle a retenu de la vue de l'Océan.

Roberto Colin, éprouve cette joie et s'efforce de la traduire dans des oeuvres comme celles qu'il nous a montrées au dernier Salon des Indépendants.

Il ne se livre pas cependant à ce genre unique; ses natures mortes et autres productions picturales nous le montrent intéressant à divers points de vue.

Né en 1881 dans l'île de Saint-Louis (Brésil) il y fit ses premières études; puis, ayant- obtenu une pension du gouvernement de Manaos, que lui valurent des travaux intéresants, il vint à Paris, voici quinze ans et entra à l'Académie Julian où il reçut du maître Jean-Paul Laurens les leçons savantes. Admis, dès 1911, au Salon des Artistes Français, avec une nature morte, il exposait cette année au Salon des Indépendants trois toiles : un Intérieur, un Paysage et un Clair de Lune empruntés à ces souvenirs hrésiliens qu'il a notés avec émotion et qu'il a su traduire par des moyens qui lui sont propres. Son art est fait de sincérité, non .dépourvue d'habileté d'ailleurs, où une technique savante s'allie à une observation sagace et une compréhension parfaite du modèle que le peintre interprète. Charles Raymond

C'est une qualité appréciable que la facilité d'assimilation pour un artiste ; elle lui permet l'emploi de différents procédés pour traduire les sentiments de son âme. Charles Raymond, qui a seulement 26 ans, a le mérite de cette multiplicité. Il a exposé pour la première fois au Salon des Jeunes de 1920. Cette année, il avait aux Indépendants, différents envois : Son Paysage des environs d'Orange, la Porte des Capucines à Meudon, et Tête de Femme, sont trois aquarelles d'une facture éminemment originale, imprégnées avant tout du sentiment que l'artiste éprouve devant la nature. L'étude Nu de Femme, dessin au lavis, à l'encre de Chine, est un procédé qui rend vigoureusement l'impression de l'auteur.

La tonalité particulièrement ancienne d'un Paysage du Vieux-Paris (rue du Grenier-sur-PEau), qui est un dessin rehaussé de couleurs, convient principalement aux sujets d'illustration comme celui-ci. Cette conception s'associe d'ailleurs à celle de la décoration, qui est l'esprit même de l'artiste. La composition décorative est pour Raymond un élément dont il dispose avec aisance, quoique sa préférence soit signalée pour le nu. Curieux d'obtenir le résultat d'interprétation justement adapté au sujet qu'il traite, il emploie peinture, aquarelle, dessin, pastel, connue moyens de traduction. Pendant peu de temps élève de Lavalley, il travailla à l'Académie Humbert. Mais l'initiative l'emporta sur les anciens maîtres, une personnalité en quelque sorte native se déclara en lui clans une tendance moderne.

La guerre n'a fait qu'accroître la vigueur naturelle

naturelle jeune artiste. Il y fut blessé, et reçut la croix de guerre en témoignage de sa belle conduite sur le champ de bataille.

J'espère que les dons naturels qu'il possède nous vaudront de lui'des oeuvres fortes aux prochains Salons, et que j'aurai à nouveau le plaisir d'entretenir les lecteurs de la Revue Moderne, d'un talent où je trouve dès maintenant plus que des promesses.

Eugène Millet

L'impression d'air et de lumière que donnait la toile de Millot, exposée aux Indépendants : Portrait en plein air, est exprimée d'une façon remarquable par la fluidité de l'atmosphère qui enveloppe le personnage.

L'art du peintre, qui consiste à exprimer un sentiment, fait ressortir sur cette toile une aspiration irrésistible vers la clarté qui nous entoure.

Celui de Millot, si on le considère attentivement, n'est pas -qu'expressif ; il découle d'une observation approfondie du dessin, ainsi que d'une harmonie de couleur et de composition.

Cet artiste est très équilibré; malgré l'exaltation lumineuse qu'il ressent, il maintient ses pinceaux dans une mesure de tonalité précise et étudiée.

Ce sentiment s'allie fort naturellement à la composition décorative dans laquelle n'excelle.

Sauf pendant la guerre, ses tableaux ont été régulièrement remarqués aux Indépendants. Les oeuvres de cet artiste ont offert toujours un vif intérêt et j'espère qu'il reprendra maintenant ses envois avec régularité.

P.-J. Milliary

L'envoi que le pastelliste P.-J. Milliary a fait cette année au Salon des Indépendants était d'une exécution remarquable et j'en ai apprécié le charme.

Ma Blonde est d'une vibration heureuse de couleurs qui ne donne pas de duTeté. Le Balai et Fidélité montrent l'habileté avec laquelle l'artiste sait user du procédé si délicat du pastel, associant la fermeté des contours — (qui cependant ne consistent qu'en différences de colorations) — à la douceur de l'ensemble. Chantccler... éclaire, ainsi que Coucher de soleil sur la Rivière reflètent l'admiration de l'artiste pour la nature.

L'harmonie de couleurs qu'il sait obtenir en faisant vibrer la lumière a valu à l'auteur de nombreux éloges. Ayant travaillé le fusain, il a une connaissance technique approfondie des oppositions de plans, et lorsqu'il s'agit du coloris nuancé de son tableau, il ne néglige rien pour mettre en valeur ce que la nature lui a montré de plus brillant dans le sujet, et en conserver la finesse.

Pour la première fois, il exposa au Pavillon de la Ville de Paris en 1887 au « Blanc et Noir ». Nous' l'avons retrouvé ensuite à l'Ecole française, au Salon triennal du mobilier, au Grand Palais et aux Indépendants.

Emu par l'exquise poésie d'un paysage et par les couchers de soleil sur les rivières, Milliary a été spécialement attiré vers ces sujets. Je m'associe aux éloges de ses oeuvres, qui ont été faites précédemment par plusieurs feuilles artistiques, car'il nous montre la nature avec le charme d'une délicate expression.


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"Maurice Pellerier

M. Maurice Pellerier me parait particulièrement heureux dans ses envois-de cette année tant aux « Indépendants » qu'au Salon des Peintres du Paris Moderne.

Aux « Indépendants » il nous montra trois aspects du Luxembourg qu'il a su interpréter en coloriste délicat et sensible et une Chapelle à Pierrefort (Cantal), dans laquelle il a mis tout son amour du pittoresque.

Au Salon des Peintres du Paris Moderne, on put voir de lui, en peinture, une vue de Notre Dame, un coin des Tuileries et un autre coin du Luxembourg, tous deux très heureusement choisis d'ailleurs.

Des aquarelles de M'. Pellerier, j,'aime la facture simple et franche sans truquage, le dessin nettement écrit sans sécheresse toutefois, le coloris d'une rare délicatesse et cependant solide. C'est d'un art sérieux et probe et l'on n'y sent aucunement cette virtuosité facile qui remplace chez beaucoup d'aquarellistes un talent réel et qui leur fait substituer une interprétation toute conventionnelle et de « chic » à l'observation sincère et attentive de la nature.

François Laulan

M. François Laulan, qui est instituteur à Agen (Lot-et-Garonne), cultive la peinture pour donner satisfaction à ce besoin qu'il éprouve d'exprimer son émotion par le dessin et la couleur, devant les sites admirables de sa belle région. Cet artiste est donc un amateur, qui peint sans ambition, uniquement satisfait d'avoir produit une oeuvre consciencieuse et sincère, et fort heureux d'en faire hommage à ses amis ou à ses admirateurs. Il a eu cependant l'occasion de faire des envois à quelques expositions régionales, ainsi qu'aux Indépendants à Paris, où ses oeuvres ont été fort goûtées. Je rappellerai qu'il a obtenu une première médaille à l'Exposition du Progrès à Agen, en 1911.

Devenu, depuis deux ans, membie de la Société

des Artistes Indépendants, François Laulan a envoyé au Salon dernier deux beaux paysages qui m'ont vivement intéressé. Ce sont les Collines fleuries, des gorges agrestes de la Vézère, paysage d'un charme exquis où la nature s'est parée de ses grâces les plus enchanteresses, et L'Heure rose aux bords de la Garonne, où la gaîté du paysage se marie à la splendeur des rayons du soleil. '

Quel amour, quelle connaissance approfondie de son terroir se dégagent des toiles de l'artiste. La Garonne n'a plus de secrets pour lui : il s'efforce de nous la montrer dans ses aspects les plus intéressants. Je signalerai encore une autre toile, qui est une belle oeuvre : Bords de la Garonne au mois de mai, qui a figuré à la dernière exposition des Indépendants d'Agen.

Une autre des bonnes toiles de François Laulan, également exposée à Agen, est Une matinée d'Automne, où la perspective-de l'étroite et fraîche Yallée de la Gandaiile aboutit à la petite cité de Puymirol, juchée tout là-haut.

Ce qui fait l'intérêt principal des paysages de ce peintre, c'est la simplicité et la sincérité qu'il apporte à les exprimer. On sent que ce sont des sites qui lui sont familiers et que la nature pour lui est une inspiratrice de grandes et nobles émotions.

C. Otero

' Avant de se consacrer à l'art du portrait, Carlos Otero avait affirmé son talent dans divers autres genres; et, comme cet artiste est un sage, il compléta ses études à notre Ecole des Beaux-Arts, après avoir acquis dans le Venezuela, qui e«t son pays d'origine, une technique déjà remarquable. Il est à Paris depuis 1912 et le tableau qu'il exposait l'année suivante au Salon des Artistes Français^ le Bal du Quartier Latin, fit -bonne impression sur le public. Le Salon des Indépendants de 1919 reçut de cet artiste plusieurs toiles qui confirmèrent ses qualités.

J'ai eu sous les yeux une oeuvre de Carlos Otero : la Lettre du Prisonnier, où le souci d'une juste ex«

ex« de la Garonne au mois de Mal », paysage de f. Laulan


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pression semble avoir été la seule préoccupation du peintre et, si son dessin accuse les lignes strictement nécessaires pour la compréhension de l'oeuvre, sa peinture est riche et la pâte bien posée donne ce croustillant qui fait dire qu'une figure vit ou qu'un paysage est animé par le vent et qui donne en même temps du plan au feuillage. J'ai goûté de même Une Allée du Parc Montsouris bien ensoleillée et dont la facture avec empâtement est assez définie. Comme en témoignent ses toiles du dernier Salon des Indépendants, la technique de cet artiste arrive progressivement à la perfection et le talent de Carlos Otero sera bientôt définitivement consacré. Jour de Marché est une agréable composition décorative, avec, au premier plan, un habile arrangement de la foule et de marchands.Fieua: Moulin; Coucher de Soleil; Didine, et quelques croquis, justes interprétations de mouvements, méritent les mêmes éloges.

v L. Medgyes

Les peintures et les aquarelles exposés aux Indépendants par le peintre tchéco-slovaque Ladhlas Medgyes présentaient un caractère bien particulier, qui ne pouvait les laisser passer inaperçues. J'y remarque, surtout, un souci très marqué de la composition harmonieuse et de la mise en valeur de l'espace, quelque chose comme un équilibre méticuleusemenl ordonné, mais qui, chez ce peintre, doit être instinctif.

Ladislas Medgyes a surtout travaillé, jusqu'à présent, à Budapest. Il vient de s'installer récemment à Paris, après avoir voyagé en Italie et aussi dans le Sud de la-Tunisie, d'où il a rapporté des centaines de croquis intéressants par leur fraîcheur d'expression et le caractère qui s'en dégage.

Ce peintre est aussi un portraitiste d'une grande finesse d'observation et d'une profonde vérité d'expression, comme le montre le portrait qu'il a exposé aux Indépendants. _

J'ajouterai que Ladislas Medgyes s'intéresse beaucoup à la mise, en scène moderne, et qu'il étudie tout particulièrement la pantomime, art dans lequel il cherche à exprimer par des mouvements et des attitudes les mêmes sentiments que dans sa peinture. Dans une exposition qu'il a faite ce mois-GÎ à la galerie Povolozky, on à vu quelques maquettes théâtrales qui se font remarquer par une intéressante originalité de conception, où l'on peut utilement puiser des idées nouvelles en cette matière. A celte galerie, il a présenté aussi des aquarelles et des dessins qui permettent de porter un jugement d'ensemble sur son oeuvre, d'une personnalité si marquée.

Composition de Ladislas Medgyes

« L'Athlète blessé », sculpture de M"" C. Mazilier


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Bustes de Sculpteurs

Mlle Etiennette Gilles

On ne saurait s'étonner que les artistes aient pu, _ pendant si longtemps, chercher presque exclusivement leurs inspirations dans la religion chrétienne, comme à une source inépuisable, si l'on songe qu'elle renferme les plus puissants et les plus profonds exemples de tous les sentiments humains, dans leur expression la plus pure. Aujourd'hui encore, nos artistes y peuvent puiser sans que les productions de leurs devanciers gênent en rien la manifestation de leur originalité propre, c'est-à-dire leur façon personnelle de sentir et d'interpréter.

Je n'en veux pour exemple qu'une pierre comprimée : Le Christ à Gelhsemani, qui fut exposée cette année au Salon de l'Art chrétien par M"" Etiennette Gilles.

Ce nom vous est peut-être inconnu : c'est celui d'une jeune artiste, débutante, et qui a étudié à l'Ecole des Beaux-Arts de Marseille. De la peinture, elle est venue d'elle-même à la sculpture, plus conforme à son tempérament. Ce Christ est sa première oeuvre en sculpture : et il est impossible de ne pas être frappé, de l'intensité d'expression qui s'en dégage; il semble bien contempler, dans sa pensée infinie, toute la douleur humaine, toutes les douleurs, et en souffrir"lui-même humainement. Vous voyez que les innombrables Christs qu'ont déjà représentés tant de peintres et tant de sculpteurs, n'ont nuPement entravé le talent de cette jeune artiste, ne l'ont pas empêchée de rendre l'impression qu'elle ressentait.

M1"-' Etiennette Gilles est également l'auteur d'un très intéressant buste de jeune fille, intitulé Virginité, également plein d'expression et d'émotion, évoquant, dans le calme pur et inconscient de la jeunesse, comme une joie encore inconnue, pressentie à la fois avec crainte et curiosité.

M"'' Carmen Mazilier

Voici une jeune artiste qui a déjà produit quelques oeuvres fortes cl vibrantes et dont le talent vient d'être consacré par les éloges de la critique.

M""' Carmen Mazilier est née à Buenos-Ayres, de parents français ; son éducation artistique s'est faite on France. Aux Beaux-Arts de Paris, elle a étudié la peinture et la sculpture; elle a suivi les cours de l'atelier de Marqucste. Mais sa personnalité, si elle a profité de l'enseignement de l'Ecole pour l'apprentissage de ce qui constitue le métier, s'est affranchie, heureusement, de toute influence. Une fois en possession des connaissances indispensables, M"" Mazilier a travaillé seule, ne prenant pour guide que la nature et la réalité. Il convient d'ajouter que, pour donner une base solide à l'étude de la structure humaine, elle a suivi avec assiduité les cours d'anatomie du professeur Paul Richet.

Après une exposition à Bordeaux, qui ne passa pas inaperçue, la jeune artiste parut en 1920 au Salon des Artistes Français avec une superbe statue IJ Athlète blessé, oeuvre de grande allure, qui révèle

une connaissance approfondie Ce la forme humaine ainsi qu'une haute inspiration artistique. En même temps que celle sculptuie. M'" Carmen Mazilier avait, à ce salon, un pastel exécuté en 1916.

L'Athlète blessé consacra la jeune artiste comme statuaire et la plaça en vedette.

M"'e Mazilier a été sollicitée, par la ville Ce Chamonix, Ce participer au concoms du Monument aux Morts que celle-ci se propose d'ériger.

On nous dit qu'au prochain Salcn des Artistes Français elle exposera un buste. Entre temps dej , pastels exposés pm celle artiste au récent Snlon des Femmes peinties et sculpteurs, ont ictenu l'attention.

J'ai remarqué avec un vif intérêt sa Nuque de Femme, ainsi que le Portrait de M' 1" L. /)., où l'artiste fait prouve d'une rare finesse d'observation cl met en valeur les caractères de ses sujets par une délicate harmonie de tons. Sa sculpture. L'Hiver, réunit d'excellentes qualités de factuie et clc conception.

Passionnée d'art et soucieuse de réaliser son idéal, Mmc Carmen Mazilier ne se laissera pas daller ni distraire par ces premiers succès. Elle puisera tout au plus, dans les brillants résultats qu'elle a déjà obtenus, l'encouragement'nécessaire a poursuivre une carrière dignement commencée.

« Tête » en bronze deré, par M"" M.-R. Harliavy


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M"" M.-R. Harbavy

11 y avait un très rée 1 effort d'originalité et, surtout, de vigueur d'expression, dans les oeuvres envoyées au Salon des Indépendants, cette année, par M""" Minnie R. Harkavy. Cette artiste, qui a étudié la sculpture à New-York et n'est à Paris, me dit-on, que depuis un an environ, avait déjà, au dernier Salon d'Automne, une tête d'homme en pierre, qui fut très remarquée, pour sa rare expression d'éner- • gie. La môme qualité se retrouve dans la Tête en bronze doré et dans le Torse en pierre, ainsi que dans le buste en plâtre de Dostoyevvski exposés aux Indépendants. Ces oeuvres indiquent, à n'en pas douter, un tempérament. W"° Minnie-R. Harkavy s'efforce à animer la matière inerte qu'elle travaille, à lui insuffler une vie tumultueuse, passionnée et concentrée. Il y'IT, dans son Dostoyevvski, une pensée ^intense et profonde; et je pense que l'artiste n'a pas cherché autre chose.

Le torse, dans la simplicité majestueuse des plans, donne plus qu'un corps de femme. Cette grâce atteinte par des formes très aplaties rayonne de vie et de désirs. Et la tête dorée curieusement, enfermée en soi-même, rêvant et quand même vivant, reflète un passé plein de douleurs et de joies — de larmes et de rires.

Recherchant des plans simples dans l'apparence désordonnée des choses, M'" 6 Harkavy arrive à organiser la vision matérialisée pour exprimer la donnée spirituelle des formes et reste en même temps vigoureusement sculpturale.

C'est un résultat digne d'attention, et si, comme je le souhaite, ce sculpteur se fixe parmi nous, nous verrons probablement d'elle, désormais, d'autres oeuvres intéressantes.

Camille Ravot

Ainsi que nos lecteurs le savent déjà, llavot est venu du peuple. Ancien ouvrier maçon, il eut la bonne fortune de trouver un maître ayant su discerner en lui ses aptitudes artistiques. Camille Ravot aime surtout à représenter les grands rédempteurs de l'humanité ou les guides spirituels de celleci. La haute et pure lumière de l'esprit l'attire, ou la longue souffrance de ceux qui se sont sacrifiés à une grande cause. H apporte, dans l'expression de ces figures, de la conviction, de la franchise et de la vigueur, toutes qualités qui lui ont permis de donner des oeuvres maîtresses. On lui doit notamment les bustes de nombreux personnages connus : Jaurès, Anatole France et d'autres.

Cette année-ci, l'actualité tragique de l'histoire a donné un nouvel aliment à l'inspiration de Camille Ravot, tout dévoué aux précurseurs et aux apôtres, en la personne de l'héroïque lord-maire de Cork Mac-Sv\enney, buste que l'on parle d'acheter pour l'Etat. J'ai vu le plâtre, singulièrement émouvant, que l'artiste présenta au Salon des Indépendants. Cette exposition comprenait, en outre, un buste de poilu, qui est aussi un martyre résigné souvent, révolté parfois contre une science de la lvu-bnrie dont il a éprouvé toute l'horreur. Ce buste surmonte un monument aux morts que nous sommes heureux

heureux reproduire. Ce monument, d'une émouvante composition, est destiné à une ville de province. Je signalerai aussi sa Tête de République, bas-relief extrêmement expressif.

Camille Ravot, qui est aussi un peintre et un graveur sur bois d'un grand talent, avait à cette même exposition quelques gravures sur bois représentant des paysages décrits avec beaucoup de sensibilité.

Cette dernière exposition au Salon des Indépendants a apporté une consécration nouvelle à son talent, qu'animent les plus nobles émotions.

Nedsiam iP. Maisdcn)

L'oeuvre d'un artiste est intéressante quelle que soit sa manifestation, si elle représente une idée originale, un sentiment et de l'habileté. Or, je n'ai pas été peu FUI pris de trouver, au dernier Salon des Indépendants, ces qualités réunies dans une foule de petites têtes sculptées, colorées avec soin, et réunies dans trois sous-v erres.

En plus de l'intérêt qu'elles présentaient par leur particularité d'être sculptées dans des marrons, elles sont si variées, si finement traitées et si expressives que la plus curieuse attention leur est due. Je me fais l'interprète du public pour transmettre ses éloges à leur auteur, connu sous le nom de Nodsiam.

Né en 1880, à Nantes, il fit ses études au collège, et s'y distingua par ses aptitudes en dessin. Vivement intéressé par cet art, mais entravé dans ses projets, il dut renoncer à la carrière artistique. Suivant cependant sa propre initiative et son inspiration, il fit en peinture quelques fleurs, et prit conscience d'un réel talent (duquel je suis d'autant plus surpris que nulle étude ne l'avait développé). C'est alors que, trouvant dans le marron une matière ne se prêtant pas à la sculpture ni au coloris, il eut l'idée de l'employer pour appliquer son goût de création.

L'observation dont l'artiste fit preuve, donne la certitude que la majeure partie de ces petits personnages sont ressemblants, et que les autres, tout en ayant été créés par fantaisie, ont une expression - précise capable de déterminer un caractère. Quelquefois, cette expression, volontairement forcée, devient amusante, mais elle est toujours vivante et digne d'intérêt.

J'espère que Nodsiam voudra un jour manifester sa valeur en peinture, et nous montrer aussi par de plus grands sujets sculptés, combien il sait faire vivre une matière et. lui donner une vigoureuse expression. 11 peut affronter ce travail, car les dimensions réduites du marron redoublent les difficultés et nécessitent plus d'adresse dans l'exécution • que bien d'autres moyens artistiques.

CLÉMENT Monno.

La nécessité de présenter nos silhouettes d'artistes à une date aussi rapprochée que. possible des expositions qui les, ont motivées, nous oblige à l'envoyer à notre prochain numéro la suite du roman de notre directeur : Fille de Rien et une partie de la Chronique des Livres de notre collaborateur H. IIcnnequi?i.


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ARTS DÉCORATIFS

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L'Art nouveau

au Salo» des Décorateurs

Le besoin d'un style nouveau se fait sentir surtout aux époques mouvementées de la vie des peuples. La nôtre est, depuis longtemps, à la recherche d'une formule d'art nouvelle-et les manifestations de cette recherche se font jour aussi bien en peinture et en sculpture crue dans le domaine de l'ameublement, de la décoration, de la construction du logis ou des objets servant aux divers usages de la vie. Combien de tentatives, heureuse" ou malheureuses, nous sont révélées par les expositions artistiques

artistiques se succèdent! Ces tentatives ont-elles abouti à créer un style portant visiblement l'empreinte de notre temps? Pas encore à notre avis; mais elles témoignent des efforts réellement considérables qui sont effectués dans cette voie.

Dans sa préface, pour le catalogue du Salon des Décorateurs, actuellement ouvert au pavillon de Marsan du Louvre, M. Paul Vitry débute ainsi : « Nous continuons, cette année encore, le bon combat pour l'Art moderne, pour l'Art vivant. » C'est bien, en effet, un combat que mènent les artistes contre la routine, le conservatisme exagéré, la préférence invétérée du grand public pour le déjà vu, contre « l'habitude » pour tout dire d'un mot; en même temps que contre le snobisme qui sévit depuis une vingtaine d'années, « le goût de l'ancien ». Contre ce travers, M. Vitry s'élève Jort justement en ces termes :

« C'était jadis, dit-il, l'apanage de quelques savants et de quelques raffinés ; c'est monnaie courante aujourd'hui. Respectable quand il s'appuie sur une tradition réelle, quand il s'applique à de vieux et de chers souvenirs, infiniment utile et enviable quand il peut s'adresser aux rares et magnifiques épaves de nos arts appliqués d'autrefois, dont le sort est de s'immobiliser peu à peu dans les grandes collections et dans les musées, il verse le plus souvent dans le domaine banal du snobisme et de l'agiotage. De là cette spéculation effrénée qui, cherchant à acheter bon marché pour revendre très cher, accapare des activités qui pourraient être productrices, détourne des libéralités qui s'emploient sans aucun profit pour la masse. »

La persistance de ce goût pour l'ancien, vrai ou recopié, contre lequel ont à lutter les novateurs en matière décorative, est d'ailleurs bizarre à notre époque de téléphone, de lumière électrique, de chauffage central, où rien ne correspond plus aux formes, aux lignes, ni aux usages des époques dont les styles demeurent le plus en faveur : Renaissance, Louis XV, Louis XVI, Empire, etc. Les meubles, les objets de ces temps révolus, synthétisèrent à leur heure, les besoins, les tendances, les pensées, les goûts et jusqu'aux attitudes de nos ancêtres; mais notre propre existence ne s'y trouve plus dans son cadre. Si-cependant nous persistons à y vivre, c'est, sans cloute, parce que les meubles, les objets qui répondraient exactement aux tendances, aux goûts et aux besoins actuels, ne sont pas encore créés; ou, si certains objets, par exemple, y répondent, les meubles avec lesquels il faudrait les accorder s'harmonisent mal avec eux, ou inversement. C'est ainsi que, dans, les ensembles si souvent mis sous nos yeux dans les expositions, il est rare de ne point rencontrer un objet décoratif, un meuble, un ornement qui dépare le tout.

Nous n'avons donc pas un style nouveau encore : ces observations le prouvent; et il faut l'avoir, car aucun style, d'aucune époque, ne convient plus à la nôtre. Quand on en aura trouvé la formule exacte, pn peut être assuré que le goût de l'ancien disparaîtra très vite.

C'est à la poursuite de cette formule que vont les vaillants artistes et artisans qui participent aux Expositions annuelles du Pavillon de Marsan. Ils se

Vt\ Monument aux Morts, de C. Ravot


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font reniai quer, en effet, par une volonté tenace, dent on sent les efforts et dont on constate les résultats, toujours en progrès, d'une année à l'autre. Un constaté aussi, de manière certaine, qu'ils sentent tous la nécessité de s'adapter à leur temps. Et l'hcuie e£t proche, croyons-nous, où cette volonté, cette compréhension, celle sensibilité, nous doteront ou slvle qu'il faut au temps que nous vivons.

On en liouveia les preuves, je pense, dans les descriptions-détaillées qu'à partir de notre prochain numéro, je donnerai à nos lecteurs, des plus intéressantes participations à ce Salon.

Les Poteries de MUe Sara Cruz

Au dernier Salon Ces Femmes Peintres, les oeuvres d'art décoratif étaient plutôt rares; notre collaborateur C. lîcsset l'a constaté — en le regrettant — dans son compté-rendu. Parmi celles qui y ont figuré, les poteries de M"" Sara Cruz surprenaient par le charme indéfinissable qui s'en dégage et par je ne sais quel retour d'esprit vers les civilisations disparues. Elles évoquent un lointain de rêve, un amour de sa patrie, à laquelle l'auteur a donné toute sa poésie, tout son travail, tout son dévouement. Aussi, ces oeuvres éveillent-elles un sentiment de curiosité dont on ne peut se défendre.

M""- Sara Cruz est née et a vécu au milieu des dernieis indiens Araucans, sur le versant des Andes qui surplombent le Chili; c'est là qu'elle s'est imprégnée Ce son art si subtil. Elle a su comprendre et traduire la poésie intime de ces fières peuplades, jamais conquises et, pour la joie de nos yeux, nous révéler des trésors inconnus et même insoupçonnés.

C'est à l'école de M'"" Blandinières-Nourigat que Sara Cruz acquit, non pas son art de céramiste, il est inné chez elle, mais, si l'on peut dire, la manière de nous le présenter, l'adoucissement nécessaire au choc de deux civilisations si étrangères l'une à l'autre mises soudainement en présence. - Ce qui frappe surtout dans la manière de l'artiste c'est la simplicité des moyens employés à nous captiver : le dessin est pur, d'une symétrie originale qui surpiend et le coloris aux tons chauds et inattendus y apporte le reflet étincelant de plusieurs siècles ce lumière.

Il y a loin de i'oeuvie de Sara Cruz aux essais parfois maladroits, souvent déformés, des rénovations céramiques, et on doit lui savoir gré du sentiment de beauté nouvelle qu'elle inspire. C. DE COKDIS.

LE FRONT PUR

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Est-il rien de plus beau, quand dans le gai malin, I a rose fraîche eclose entr ouvre sa corolle, Et quand, vive, tu viens la cueillir au jardin. Que sa grâce odorante et ton geste frivole ? Est-il rien de plus doux, par un soir de langueur, Que d'entendre la voix amoureuse et vibrante Trahir dans un sanglot l'ineffable bonheur De te savoir aimée et d'être mon amante ? Mais est-il rien pour moi de moins mystérieux, Jeune femme toujours sans secrets ni mensonges, Que, parmi la clarté de les souples cheveux, Ton front pur et charmant ou s'éveillent mes songes !

AUJKIW TUSTKS.'

LES LIVRES

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Publications récentes

Madame Marguerite Burnat-Provins, dont la récente nomination dans l'Ordre de la Légion d'Honneur vient de consacrer officiellement le mérite, offre « aux âmes frileuses » ce-coquet petit livre d'Heures d'Hiver (Paris, Emile-Paul, éditeur). Dévotement, du lever matinal au coucher tardif, le recteur laissera sa songerie charmée accompagner le large envol des rêves de la poétesse, qui hait la saison froide et se lemémore devant Pâtre les chaudes délices du belélé. Nulle part, plus qu'en ce volume, Madame Burnat-Provins ne semble avoir autant abandonné sa pensée profonde à son cours naturel de source claire, sans l'attarder aux "méandres toujours artificiels du rythme. Le vers, qui si souvent a des floraisons spontanées dans sa prose, disparaît ici, noyé dans les ondes fougueuses du verbe. Mais, partout, quel chatoiement, quelle profusion d'images vraies, neuves, aux vives couleurs d'aquarelle, qui donnent au style une poésie et un relief merveilleux! La plainte qu'exhale l'amour esseulé au milieu de la nuit d'hiver rattache ce chant nouveau de M",c Burnat-Provins à l'unité d'une oeuvre élégiaque qui est la gloire des modernes lettres françaises.

— C'est un puissant roman que L'Abbessc de Gniérandc (Pion, Nourrit & C"', édit.) du maître Charles Le Gollic. Les péripéties de l'horrible drame de famille, qui se déroule entre les murs d'un hôtel noble de la curieuse cité de Guérande, captiveront une partie des lecteurs de ce livre appelé sûrement à un grand succès. D'autres seront séduits davantage par l'émotion poétique, par le beau symbole de la, vieille chevrière, fidèle à ses coutumes et à sa langue, qui personnifie la Bretagne qui s'en va. Car ce roman, très romanesque, cette forte étude psychologique de caractères, se double d'un poème dont la grandeur épique déborde son cadre. Superbes descriptions du terroir breton, et tout particulièrement des salines, très sympathique défense d'un ardent et libre amour contre le désuet et criminel esprit de caste, historique du schisme dissident, dont il s'agissait, l'autre jour, dans Nêne, et que propage occultemont la tragique abbesse, tout attire l'intérêt dans cette oeuvre passionnante et Ivrique de M. Charles Le Goffic.

— De M. le docteur Albert Galion nous est venue, sous la forme d'un large album de vers orné d'une eau-forte vigoureuse de M"" Cahon, toute une Envolée de Souvenirs (A. Messein, éditeur). Il y a là, en effet, à côté d'une tragédie à la manièer classique, l'histoire poétique d'une vie entière, assez vagabonde; intimités joyeuses ou tristes, souvenirs de guerre, d'étapes où d'escales lointaines correctement, rimes.

ALBERT HENNEQUIN.

1MIMII.MII.IL ut. i.\ Hi:Vi;i'. MODKUNK, PAHIS. — l.h GI:R»M : C.-li. CUIUN1EH.