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Titre : Bulletin de la Société archéologique de Provence

Auteur : Société archéologique de Provence. Auteur du texte

Éditeur : (Marseille)

Date d'édition : 1906

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327235591

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb327235591/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Langue : Français

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Description : 1906

Description : 1906 (N6).

Description : Collection numérique : Fonds régional : Provence-Alpes-Côte d'Azur

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5512966z

Source : Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2008-276374

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 18/01/2011

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BULLETIN

DE LA

SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE

DE

PROVENCE

ANNÉE 1906. — N° 6.

MARSEILLE

AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ : MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE

(Palais Longchamp)

1906



LISTE DES MEMBRES

Membres d'honneur

MM. G. MASPERO, membre de l'Institut, directeur des Antiquités Egyptiennes. POTTIER, membre de l'Institut, conservateur au Musée du

Louvre. Salomon REINACH, membre de l'Institut, directeur du Musée

des Antiquités Nationales. E CARTAILHAC, correspondant de l'Institut. Camille JULLIAN, correspondant de l'Institut, professeur

au Collège de France. Marcellin BOULE, professeur au Muséum d'Histoire naturelle de Paris. DÉCHELETTE, directeur du Musée de Roanne. Adrien DE MORTILLET, professeur à l'Ecole d'Anthropologie. M. LE PRÉFET des Bouches-du-Rhône. M. LE MAIRE de Marseille. M. PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL des Bouches-du-Rhône.

Président d'Honneur : M. Michel CLERC, professeur à la Faculté des Lettres d'Aix, directeur du Musée Archéologique de Marseille.

Membres actifs

MM. ALLEC, Ludovic, chef de service à la Mairie de Marseille.

ARNAUD D'AGNEL (abbé) Q, correspondant du Ministère de l'Instruction publique, associé des Antiquaires de France, 10, rue Montaux, Marseille.

AVON, instituteur, à la Capelette, Marseille.

BÂILLON, Jules, 11, place Daviel, Marseille.

BARTHELET, Edmond, >fë, membre de l'Académie de Marseille, 33, boulevard de la Liberté, Marseille.

Dr BASTIDE, 9, rue Fortuné, Marseille.


— IV —

MM. BAUX, André, avocat, 27, rue Vacon, Marseille.

BERTON, maire de Saint-Cyr (Var).

BOUCHINOT, Eugène, 54, rue Espérandieu, Marseille.

CACHARD, propriétaire à La Cadière (Var).

CHANGARNIER, conservateur des Musées, Beaune (Côte-d'Or).

CHARRAS, membre de l'Académie du Var, pharmacien à Saint-Cyr (Var).

BOUT DE CHARLEMONT, f| I, membre de la Société des Gens de Lettres, Aubagne (Bouches-du-Rhône).

CLERC, Michel, || I, directeur du Musée Archéologique de Marseille.

COTTE, Charles, notaire, Pertuis (Vaucluse).

DALLONI, Léon, 56, rue la République, Marseille.

DALLONI, Marius, licencié ès-sciences, 56, rue de la République, Marseille.

DÉLIRES, O. *, I. Q, C. >ï<, >ï<, ancien professeur d'Histoire, président de la Société de Géographie, 105, boulevard Longchamp, Marseille.

Dr DOULLET, 2, boulevard de la Madeleine, Marseille.

DOUMENS, Michel, employé à la Faculté des Sciences,

DOR, Paul, armateur, 75, rue Saint-Jacques, Marseille.

Dr FALLOT, professeur à l'Ecole de Médecine, 167, rue de Rome, Marseille.

FAMIN, Ferdinand, O. «fr, *> +> +, directeur honoraire de la Banque de France, rue Dragon, 87, Marseille.

Dr FARNARIER, 6, rue Mariotte, Paris.

FAUDRIN, $, professeur à l'Ecole de Valabre, 2, rue du Trésor, Aix-en-Provence.

FOURNIER, Eugène Q, professeur à la Faculté des Sciences de Besançon.

FRANCK, employé aux Chantiers de Provence, Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône).

GAUDIN, Abel, 44, rue de Rome, Marseille.

GAULOFRET, 168, rue Consolat, Marseille.

GERBER, I.y<, professeur à l'Ecole de Médecine,27, boulevard de la Corderie, Marseille.

DE GÉRIN-RICARD, Henri, f$I., *, correspondant du Ministère de l'Instruction publique, membre des Académies d'Aix, de Vaucluse, des Antiquaires de France, président de la Société de Statistique, 60, rue Grignan, Marseille.


— V —

MM. GOBY, Paul, secrétaire-correspondant de la Société d'Etudes provençales, 5, boulevard Victor-Hugo, Grasse (Alpes-Maritimes).

GONDRAN , Paul, négociant, 278, boulevard National, Marseille.

Dr GUÉBHARD, Adrien, vice-président de la Société Géologique de France, St-Vallier-de-Thiey (Alpes-Maritimes).

HILLEREAU, Jules, ingénieur, villa « Les Pins », boulevard Véran, l'Oriol, Marseille. Mme HILLEREAU, Jules, villa « Les Pins », boulevard Véran,

l'Oriol, Marseille. MM. HILLEREAU, André, villa « Les Pins », boulevard Véran, l'Oriol, Marseille.

HILLEREAU, Georges, villa « Les Pins », boulevard Véran, l'Oriol, Marseille.

ISSARTIER, Paul ||, contrôleur des Mines, 7, rue Poucel, Marseille.

Dr LAGET, professeur à l'École de Médecine, médecin des Hôpitaux, 72, rue Consolat.

MAGNAN, François, 90, rue de Rome, Marseille.

MARIN-TABOURET, Henri, instituteur à Cuges (B.-du-R.).

MARTIN, Gustave ||, conservateur du Cabinet des Médailles, Marseille.

MARTIN, Joseph, ingénieur-architecte, 14, boulev. Meissel, Saint-Loup, Marseille.

MASSON, Paul, Q I., professeur à la Faculté des Lettres d'Aix, 2, place Leverrier, Marseille.

MOULIN, F., Q, membre de l'Académie du Var, correspondant des Antiquaires de France, Bandol (Var).

MOUNET, Paul, instituteur, 13, rue des Lices, Marseille.

PATOT, Gustave, directeur de l'École Sainte-Geneviève, 18, rue Lhomond, Paris.

PAUZAT, Henri, 4, chemin du Rouet, Marseille.

PLAT, Paul, représentant, Orpierre (Hautes-Alpes).

Colonel POIDEVIN DE MAUREILLAN, conservateur du Musée, Hyères (Var)

PRANISHNIKOFF, peintre, aux Saintes-Mariés (Bouches-duRhône).

Dr RAYMOND, Paul, 34, avenue Kléber, Paris.


- VI —

MM. REPELIN, J. fi, docteur ès-sciences, chef des Travaux scientifiques au Muséum d'Histoire Naturelle, Marseille.

RICHARD, Arthur, propriétaire, 8, allées de Meilhan, Mar seille.

ROCCA, pharmacien, 4, place Daviel, Marseille.

RONDEL, Auguste,banquier, juge au Tribunal de Commerce, 2, place Saint-Ferréol, Marseille.

Dr Albert ROUX-LACROIX, 125, cours Lieutaud, Marseille.

RUÂT, Paul, libraire-éditeur, 54, rue Paradis, Marseille.

SERPILLON, Henri, 16, rue de la Paix, Marseille.

VALERIAN, Isidore, architecte, 35, rue de la République, Salon (Bouches-du-Rhône).

VASSEUR, Gaston, ||I., professeur à la Faculté des Sciences,

directeur du Muséum d'Histoire naturelle de Marseille.

Mlle VASSEUR, Gabrielle, 110, Boulevard Longchamp, Marseille.

MM. Colonel DE VILLE D'AVRAY, conservateur des Musées,

Cannes (Alpes-Maritimes).

VINCENT, secrétaire général de la Mairie,Aubagne (Bouchesdu-Rhône).

BUREAU

Président : M. H. DE GÉRIN-RICARD. Vice-Présidents : MM. REPELIN, MOULIN. Secrétaire : M. Jules BAILLON. Trésorier : M. Paul MOUNET, instituteur. Bibliothécaire-Archiviste : M. François MAGNAN.

Commission du Bulletin

MM. ALLEC, L.

ARNAUL D'AGNEL.

BOUT DE CHARLEMONT, H.

VASSEUR, G.


— VII —

Commission de la Carte Archéologique

MM. ARNAUD D'AGNEL. BÂILLON. J.

BOUT DE CHARLEMONT, H. CLERC, M. FOURNIER, E.

DE GÉRIN-RICARD, H.

MOULIN, F.

REPELIN, J.

VASSEUR, G.

Commission des Excursions

MM. GONDRAND, P.

HILLEREAU, J. MAGNAN, F.

MOUNET, P.

RUAT, P.



SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE

DE PROVENCE

ASSEMBLÉE GENERALE DU 14 JANVIER 1905

L'Assemblée générale annuelle est ouverte à 3 heures.

M. G. VASSEUR préside, assisté de M. BOUT DE CHARLEMONT, vice-président.

M. le Secrétaire donne lecture du procès-verbal de la précédente Assemblée générale, qui est adopté.

Allocution Présidentielle

M. LE PRÉSIDENT prononce l'allocution suivante :

MESSIEURS,

Notre Société archéologique compte aujourd'hui deux années d'existence, et doit, conformément à ses statuts, renouveler son bureau.

Avant de quitter le siège de la présidence où vous m'avez fait le grand honneur de m'appeler, j'ai le devoir, au nom de mes dévoués collaborateurs et au mien, de vous entretenir de l'accomplissement de notre mandat.

Nous jetterons donc un coup d'oeil sur le chemin parcouru, nous exposerons la situation actuelle de la Société et nous envisagerons l'avenir.

Mais l'an dernier déjà, dans un rapport lu en Assemblée générale, je vous ai fait connaître les résultats de notre gestion

9


— 100 —

pour 1904 et je me suis appliqué à esquisser en des traits sincères, les premiers pas de ce tout jeune être qu'était encore notre Société.

Dans ces conditions et pour ne pas abuser de votre attention bienveillante, vous me saurez gré, sans doute, de vous épargner des redites fastidieuses et de tenir le présent compte-rendu dans les limites de la précédente année.

Avant d'aborder les questions que nous avons le devoir de traiter, permettez-moi d'être l'interprète de vos sentiments en adressant nos plus sincères félicitations à notre éminent confrère, M. Gerber, chargé de conférences à la Faculté des Sciences de Marseille et qui a reçu, en récompense de ses travaux remarquables, les palmes d'officier de l'Instruction publique.

Nous avons apris avec un égal plaisir que M. de Gérin-Ricard avait été nommé président de la Société de Statistique de Marseille. Cet honneur si mérité par de nombreuses et très savantes publications, rejaillit encore sur notre jeune Société qui applaudit chaleureusement aux nouvelles distinctions dont nos si aimables et zélés confrères ont été l'objet.

Pour terminer cette agréable partie de notre rapport, je rappellerai que M. l'abbé Arnaud d'Agnel a reçu le titre de correspondant du Ministère. Des travaux originaux, je dirai même sensationnels, résultats d'une infatigable ardeur, ont valu à notre savant confrère, cette haute marque d'estime et d'encouragement.

Indépendamment de la vive satisfaction qu'en éprouve notre Société, je vois avec plaisir dans celle nomination, l'occasion pour notre collègue, de donner de nouveaux détails sur des découvertes aussi importantes que celles des silex égyptiens de Riou, du cheval en terre cuite et des vases peints de Vitrolles.

Par des indications précises sur les conditions de gisements et l'origine des objets décrits et figurés, M. l'abbé Arnaud d'Agnel rehausserait encore l'intérêt de ses publications et donnerait satisfaction à notre commission de la carte archéologique. La grande amabilité de notre collègue ne nous permet pas de douter que le présent voeu soit à bref délai exhaussé.

Dans le courant de la dernière année, notre société archéologique n'a pu acquérir le développement rapide que nous avions souhaité. Elle comptait 52 membres actifs en janvier dernier et


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elle n'en comprend encore que 65. Mais loin de nous décourager; la lenteur de son extension doit stimuler notre ardeur; elle témoigne seulement de l'insuffisance de nos moyens de propagande dont nous avons eu d'ailleurs à nous occuper. ; Sous ce rapport, la nouvelle année se présente sous de meilleurs auspices. Le Congrès international d'archéologie préhistorique de Monaco, attirera dans notre région de nombreux savants, et nous avons décidé à cette occasion d'organiser à Marseille, pour le mois d'avril, une exposition du préhistorique et du protohistorique de Provence qui témoigne de notre vitalité.

La belle carte archéologique au 1/20.000 que nous préparons et les collections intéressantes qui seront exposées, laisseront dans l'esprit de nos visiteurs la plus favorable impression. Des liens plus nombreux et plus étroits ne peuvent manquer de s'établir entre le groupe des archéologues provençaux et les sociétés similaires.

Enfin et si nos désirs se réalisent, des conférences faites par des savants éminents, de passage dans notre ville, viendront à la même époque, développer dans l'esprit de nos concitoyens, le goût de l'industrie et de l'art antiques.

Le bureau de la Société a décidé en outre de créer des médailles et des diplômes, destinés à encourager, en dehors de nous, les services rendus à l'archéologie provençale, et nous vous proposerons de tenir chaque année, une séance solennelle où ces récompenses seront décernées.

L'éclat et l'attrait de cette réunion seront vivement rehaussés, si nous pouvons obtenir qu'à cette occasion une notabilité scientifique veuille bien honorer d'une conférence notre société.

Nous avons aussi envisagé au point de vue de notre extension, les publications de la société, qui jusqu'à présent et par mesure d'économie, ne renferment ni planches, ni figures dans le texte, susceptibles comme il convient d'éclairer toute description, de faciliter les comparaisons et d'augmenter par leur attrait le nombre de nos lecteurs ; mais si nous n'avons pu réaliser encore cette amélioration, nous en avons du moins préparé les voies et moyens par une sage administration financière qui permettra à notre futur bureau de mettre ce projet à exécution.

Nous espérons que ces diverses innovations jointes aux efforts personnels de nos confrères, dont le dévouement n'a jamais


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failli, ne tarderont pas à produire les heureux effets que nous en attendons, en donnant à notre société toute la puissance dont elle a besoin pour réaliser un programme d'un exceptionnel intérêt.

La situation financière de la société est satisfaisante. S'il appartient à notre trésorier de vous la faire connaître en détails, j'ai du moins le plaisir de vous signaler des actes de générosité qui témoignent du dévouement de certains confrères.

Ainsi que l'an dernier, une donation anonyme de cent francs nous est parvenue et M. l'abbé Arnaud d'Agnel a fait également don à la société d'une somme de cinquante francs.

En remerciant vivement nos généreux collègues, nous souhaitons que ces exemples si encourageants trouvent quelque jour dans les grandes fortunes marseillaises un écho susceptible de nombreuses répercussions.

Le fonctionnement de vos commissions donne encore lieu cette année à quelques remarques.

Je me plaignais l'an dernier de l'absence répétée de certains membres dans nos réunions de travail, or le même fait est à signaler pour 1905, certains de nos collègues n'ayant assisté à aucune séance.

J'avais émis le voeu que l'acceptation de faire partie d'une commission soit subordonnée à la possibilité de participer aux ravaux et j'ai le vif regret de n'avoir pas été entendu.

Pour remédier à cet état de choses et par esprit de justice envers ceux qui travaillent, le bureau a décidé que vos élus dans les commissions signeraient, lors de chaque réunion, un registre. Le rapport lu en assemblée générale mentionnant pour chacun le nombre de présences, fournira donc à la Société les renseignements nécessaires au renouvellement des commissions.

La carte archéologique que nous avons entreprise est en voie d'exécution. Le pointage a été effectué jusqu'à ce jour sur les feuilles de l'état-major à l'échelle du 1/50.000e, mais j'ai l'honneur d'offrir aujourd'hui à la Société l'agrandissement au 1/20.000e des feuilles d'Aix et de Marseille qui nous permettra de multiplier les détails et d'apporter dans le repérage un plus grand degré de précision.

Cette carte, de 5 mètres de hauteur sur 3m 20 de largeur, a été tirée à l'encre grasse et obtenue par des procédés phototypiques au moyen de 120 clichés.


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J'ajouterai que c'est à l'extrême habileté et au dévouement de M. Rivière, ancien préparateur de géologie à la Faculté des Sciences, que nous devons cet admirable travail. Au nom de la Société, je félicite l'auteur de ce chef-d'oeuvre et lui exprime notre vive gratitude.

Une société scientifique manifeste essentiellement sa vitalité dans les travaux qu'elle produit, c'est là véritablement que l'on sent battre son coeur. En constatant l'abondance, la variété et l'intérêt des communications qui ont rempli d'attrait nos séances, nous ne pouvons donc que nous féliciter des résultats obtenus en 1905 ; et si l'on songe que les travaux présentés sont l'oeuvre d'un petit nombre de nos confrères, on peut bien augurer d'un avenir nous réservant encore l'adhésion d'actifs collaborateurs.

Mais si nos réunions ont été marquées par des communications très intéressantes, nous avons eu à regretter l'irrégularité de ces séances, motivées par des périodes de disette que nous reconnaîtrons sans rougir.

Il est naturel que dans une société aussi jeune que la nôtre, l'apport des travaux ne puisse être assez constant pour alimenter régulièrement nos réunions mensuelles, et j'atténuerai encore l'effet de mon aveu en rappelant que les périodes de disette sont fréquemment suivies d'une période d'abondance.

Ce fait s'est précisément produit dans la séance de décembre qui n'a pu suffire à la présentation des travaux, alors qu'en novembre nous avions manqué de communications.

Les irrégularités que nous signalons pouvant affaiblir notre Société ne se produiront plus à l'avenir ; le bureau en a reconnu les inconvénients et a décidé que nos réunions auraient lieu dorénavant à jour fixe.

L'année 1905 a été peu favorable aux excursions publiques, organisées par la Société dans le but de répandre le goût de l'archéologie. Des pluies persistantes ne nous ont pas permis de réaliser sous ce rapport tous les projets que nous avions formés, mais nos sorties plus rares ont offert, par compensation, un grand intérêt.

Le succès de la course d'Arles est légitimé par les circonstances exceptionnelles dans lesquelles nous avons accompli notre pèlerinage à l'antique cité.

Reçus par Mistral dans son admirable création, le Muséon


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Arlaten, nous avons conservé de cette visite de charmants souvenirs et les plus précieux enseignements sur les coutumes de l'ancienne Provence. Nous manquerions à nos devoirs si nous ne saisissions cette occasion nouvelle d'exprimer au maître vénéré nos sentiments de respectueuse admiration et notre reconnaissance émue pour le gracieux et si bienveillant accueil dont il nous a honoré.

La grandeur si imposante et la beauté architecturale des monuments d'Arles suffisent à la satisfaction de la plupart des touristes ; mais en visitant les restes de la ville antique, notre Société se proposait une véritable étude de ces ruines célèbres. M. Véran, le savant architecte conservateur de ces précieux vestiges de l'occupation romaine, a bien voulu nous faire bénéficier de sa profonde érudition, en multipliant des renseignements qui, donnés sur place, constituèrent la plus profitable et attrayante leçon d'archéologie. Qu'il nous soit donc permis de lui adresser encore, avec nos respectueux souvenirs, l'expression de notre très vive gratitude.

Là deuxième excursion de la Société a été faite aux environs de Gémenos et sous la direction de notre si aimable et distingué vice-président M. Bout de Charlemont.

Les amateurs intrépides qui ont bravé le mauvais temps pour participer à la course, conserveront toujours un gai et excellent souvenir de cette journée marquée par une intéressante visite aux vestiges gallo-romains des Tompines.

Il faut souhaiter qu'en 1906, un soleil moins boudeur et plus provençal veuille bien sourire à nos projets, mais le char enflammé d'Apollon ne se dérobera pas toujours et les excursions remises à la présente année nous attireront encore de nombreux touristes restés sous le charme des courses précédentes.

Avant de remettre la présidence de la Société à l'un de nos collègues beaucoup mieux qualifié que moi pour occuper ce poste d'honneur, laissez moi, Messieurs et chers confrères, vous remercier de l'estime et de la confiance que vous m'avez témoignées dans le cours de ces deux dernières années.

En votre nom et au mien, je tiens également à remercier de leur inaltérable dévouement, mes collaborateurs du bureau et les membres zélés de nos commissions.

Je fais des voeux pour que la Société archéologique de Provence, devenue puissante, jouisse un jour de la plus féconde et durable prospérité.


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Compte-rendu financier de l'exercice 1905

M. J. Bâillon, trésorier, donne connaissance de la situation financière.

MESSIEURS,

Nous soumettons à votre approbation le compte-rendu de la gestion financière de la Soéiété pendant l'année 1905.

Nous sommes heureux de constater, que le solde en caisse qui s'élevait, à la fin de l'exercice précédent, à 160 francs 40 centimes est porté cette année à 583 francs.

A notre actif nous devons ajouter, pour une valeur de 600 francs, l'agrandissement au 20.000e de la carte d'Etat-Major, don de M. Vasseur, président.

RECETTES

Solde en caisse au 1er janvier 1905 F. 160 40

Subvention du Conseil Général 100 —

» » Municipal 100 —

Encaissement de 57 quotités 570 —

Dons 150 —

Encaissements divers 28 50

1.108 90

DÉPENSES

Frais de bureau et d'administration F. 34,55

Abonnements à divers périodiques 22 55.

Achats d'ouvrages pour la Bibliothèque 21 30

Frais d'impression du Bulletin 421 —

Frais divers 26 50

Solde pour balance 583 —

1.108 90


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Récompenses.

La Société ayant décidé de décerner, chaque année, des récompenses aux personnes qui auront aidé ses membres dans leurs travaux ou fait dès dons à notre Musée, le bureau propose à l'Assemblée générale d'accorder :

Une médaille d'argent à M. Michel Doumens ; Un diplôme à M. Alexandre Poupeau.

Ces propositions sont adoptées à l'unanimité. La distribution des récompenses aura lieu dans une séance solennelle dont le bureau fixera la date.

Renouvellement du Bureau.

L'on procède à l'élection des membres du bureau de la Société pour 1906 et 1907. Sont élus :

Président MM. H. DE GÉRIN-RICARD.

Vice-Présidents REPELIN.

Jules HILLEREAU.

Secrétaire . Jules BAILLON.

Trésorier Paul MOUNET.

Archiviste-Bibliothécaire. François MAGNAN.

Commissions.

Il est procédé au renouvellement des commissions. Sont élus :

Commission du Bulletin.

MM. ALLEC, ARNAUD D'AGNEL, BOUT DE CHARLEMONT, VASSEUR.

Commission de la carte.

MM. ARNAUD D'AGNEL, BAILLON, BOUT DE CHARLEMONT, CLERC, DE GÉRIN-RICARD, FOURNIER, MOULIN, REPELIN, VASSEUR.

L'ordre du jour étant épuisé la séance est levée à 4 heures 30.


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SEANCE DU 8 JANVIER 1905

La séance est ouverte à 4 heures 35, sous la présidence de M. H. DE GÉRIN-RICARD, président. Le procès-verbal de la dernière séance ordinaire est adopté. M. LE PRÉSIDENT prononce le discours suivant :

Allocution présidentielle.

MESSIEURS ET CHERS COLLÈGUES,

Je ne vous ferai pas un long discours en raison de l'heure avancée et parce que, d'autre part, ne comptant pas sur le grand honneur que vous venez de me faire en me confiant la direction de vos savants travaux, vous me prenez au dépourvu.

Toutefois, je ne saurai me soustraire au plus agréable des devoirs d'une présidence nouvelle, celui d'adresser en votre nom nos plus cordiaux remerciements au bureau sortant, à notre éminent président-fondateur M. Vasseur qui, après avoir doté notre Compagnie d'une organisation, a tant fait pour son développement tout en lui traçant une voie de travail que nous nous efforcerons de suivre. Enfin M. Vasseur vient de donner à notre Société une haute marque d'intérêt et de générosité en la mettant en possession d'une carte de Provence au 20.000e qu'il a fait exécuter à grands frais et qui servira à l'établissement de la carte archéologique de notre région.

L'expression de notre gratitude doit aussi aller à la personnalité marquante et sympalhique de M. Barthelet, à notre second vice-président sortant, M. Bout de Charlemont, dont Je zèle et l'activité tant à nos séances qu'à la tête des excursions qu'il a dirigées ont si largement contribué à la vitalité et à l'accroissement de la Société, à M. Dalloni, notre si dévoué secrétaire-fondateur qu'un début de carrière a éloigné de nous pour quelque temps, mais qui trouvera certainement sur la terre d'Afrique des occasions de cultiver ses goûts d'archéologue et d'en faire profiter notre compagnie qui verra agrandir ainsi exceptionnellement son domaine jusqu'en Algérie devenue, comme d'aucuns l'ont dit, la prolongation de la Cannebière.

Merci enfin à notre zélé trésorier M. Bâillon et à M. Mounet, bibliothécaire que le bureau vient de s'attacher d'une façon

10


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encore plus étroite en appelant le premier à diriger le secrétariat et en confiant au second la gestion de nos finances.

Et maintenant, laissez-moi vous exprimer ma plus vive reconnaissance pour la sympathie que vous venez de me témoigner par vos suffrages.

Permettez-moi d'ajouter que je n'épargnerai ni mon temps ni ma bonne volonté dans les hautes fonctions que vous m'avez confiées, mais comme l'année 1906 s'annonce pour moi fort chargée par suite de la collaboration active que je dois apporter à diverses commissions, notamment à l'Exposition Coloniale qui va s'ouvrir, à la Société de statistique, etc., je me vois dans l'obligation de faire appel à toute votre indulgence pour le cas où des circonstances imprévues ne me permettraient pas d'assister à toutes vos séances, de prendre part à toutes vos excursions.

Aussi, je me permets par avance de compter sur le dévouement bien connu des deux distingués vice-présidents que vous venez d'élire pour qu'ils veuillent bien me suppléer à ce fauteuil le cas échéant.

Je vous réitère, Messieurs et chers Collègues, l'expression de ma plus vive reconnaissance.

Communication de M. le colonel de Ville d'Avray

NOTES SUR POMPONIAMA ET SUR DEUX INSCRIPTIONS RELEVÉES à HYÈRES (1)

Plusieurs auteurs n'étant pas d'accord sur l'emplacemeat exact de Pomponiana, nous avons tenu à faire une reconnaissance des lieux : C'est le résultat de cette étude, faite en août 1905, que nous résumons ci-dessous.

P. Larousse ne s'avance guère en parlant de ce point qu'il définit par cette simple phrase : « Pomponiana, nom ancien de la presqu'île de Giens». Celle presqu'île a de 1.300 à 1.500 mètres de large, et cinq kilomètres de long, du château Notre-Dame de Lorette, au vieux château de Giens (2).

L'itinéraire maritime mentionnant Pomponiana à trente milles

(1) M. Héron de Villefosse a fourni sur cette étude un rapport au Comité des travaux historiques. Séance du 11 décembre 1905.

(2) Et non pas 7 kilomètres, comme l'indique le « Nouveau Larousse illustré. »


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d'Alcône (située dans la petite rade de Bormes (1), et à vingtcinq de Toulon, l'emplacement semble ainsi nettement précisé. Cependant il a déjà donné lieu à bien des discussions.

On excusera facilement les erreurs qu'ont pu commettre les écrivains contemporains quand Pline, lui-même s'est trompé, lorsqu'il écrit dans son Livre III, en parlant des 64 îles : » Galliae

autem ora tres Stoechades a vicinis Massiliensibus dictse

propter ordinem, quas item nominant singulis vocabulis, Proten, et Mesen, quae et Pomponiana vocatur. » (2). Comparaison faite avec l'Itinéraire maritime, Mésé ne peut pas s'appeler Pomponiana, comme l'avançait Pline, d'autant que, comme le dit Lentheric, « c'est celle des trois îles d'Hyères, où les vestiges du passé sont les moins nombreux. »

D'un autre côté, si l'on considère l'orientation de la partie Sud de la presqu'île de Giens, il saute aux yeux qu'elle est le prolongement des îles d'Hyères. Quoique peu élevée, puisque son point culminant (le signal géodésique de Giens) n'a que la cote 121, cette curieuse péninsule était sûrement une île aux temps préhistoriques. Les deux bandes de terre situées à l'est et à l'ouest des salins et de l'étang des Pesquiers (des Pêcheurs) ne semblent pas d'après nous, dater d'aussi longtemps qu'on l'a écrit. Quoi qu'il en soit les îles : du Levant, Prot, Cros, Porquerolles et de Giens (celle-ci actuellement une péninsule), décrivant un véritable arc de cercle régulier, au sud de la rade d'Hyères, Giens devait jadis assurément faire partie du groupe des Stoechades. Il a été trouvé, à la vérité, aux alenteurs du vieux castel élevé au centre du promontoire, de nombreux vestiges de l'occupation romaine ; mais celte île ancienne ne porte aucune trace de ville, n'a pas la place d'en contenir une, et ne peut s'appliquer au mot « portus », employé par l'Itinéraire maritime. Il faut donc écarter l'idée de placer Pomponiana en ce point.

La même observation s'applique à l'emplacement de SaintPierre d'Al-Manar (le Fanal), dont le nom est indiscutablement d'origine sarrasine, et par suite mal orthographié sur la carte de l'Etat-major. Aucun port n'a pu exister en ce point, si ce n'est (mais à quelle époque reculée) la rade formée face à l'Est, par les coteaux, contenant les cotes 64, 243 et 98, c'est-à-dire s'éten(1)

s'éten(1) Alconis Pomponianis portus... mp. m. XXX. (Itin. mar.).

(2) Pline, Livre III, Chapitre XI.


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dant d'Al-Manar à Notre-Dame d'Hyères, par Notre-Dame de Lorette. Or, jusqu'à ce jour ce terrain n'a donné aucun résultat comme antiquités romaines, sauf Al-Manar, qui semble avoir ainsi été l'extrémité Est de Pomponiana, dernier faubourg des villas étagées sur le versant Sud des collines, pointe où brillait le Fanal servant de guide aux navigateurs.

Considérons, au contraire, les véritables témoins du passé, les collines des environs. Elles n'ont pas changé, on peut les interpréter mieux que les textes.

Le port de l'Itinéraire maritime était, d'après nous, compris entre la Pointe Péno, la cote 29 (village de Carqueyranne), la Martine, la Valérane et Saint-Vincent. Tous les coteaux environnants, et de préférence au nord de Carqueyranne, contenaient les villas formant Pomponiana, en s'échelonnant vers l'Est, jusqu'à Al-Manar.

Il suffit pour s'en convaincre de circuler dans les labourés en étudiant les talus et les carrières.

C'est Frédéric VII de Danemark qui découvrit les ruines antiques, en 1843, sur le versant de Carqueyranne : « Aujourd'hui, dit Lenthéric, les ruines de Pomponiana, comprennent une aéropole un nombre considérable de substructions, des puits, des citernes, des thermes, un hypocauste, .... une jetée à l'abri de laquelle les galères pouvaient venir mouiller. » (1). L'auteur ajoute que tout autour on trouva, à diverses reprises : armes, bijoux, meules, objets en bronze, sur une étendue de cinq hectares. Nous avons pu nous convaincre qu'on y recueille encore sans peine, de très intéressants souvenirs du passé.

D'après ce qui précède (et le texte rectifié de Pline), on peut donc se ranger à l'avis d'Elisée Reclus lorsqu'il écrit, en parlant de la presqu'ile de Giens :

« Peut-être faut-il y voir, avec M. Ernest Desjardins, l'île Pomponiana des anciens » (2). Nous disons 17/e, non pas la ville. — Forcé en écrivant le M. S. du tome II de l'Histoire de Cannes, de traduire le livre V de Denis Faucher, pour tenter de préciser le passage du Connétable de Bourbon dans nos régions, nous avons pu constater que notre bon moine de Lérins, citoyen

(1) Lenthéric (Ch.) La Provence maritime, p. 238.

(2) Elisée Reclus. Nouoelle Géographie Universelle. Tome I.— P. 180.


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d'Arles, a pour ainsi dire reproduit l'erreur de Pline quand il écrit :

« Captum Bregansonium, Pomponianae Praefecti recordia... etc. Inde Portocrosium in Mese, Porquerolia in Hypea, Tolonium Capinutur » (1).

Ainsi, le Connétable de Bourbon, avec mille fantassins s'empare de Toulon, après avoir pris Lérins, Saint-Tropez (arx Ambracitani Sinus) Breganson (l'antique Pergantium d'Etienne de Byzance, et Pomponiana, et nous ajoutons, l'île et la ville, probablement, c'est-à-dire le village reconstruit au moyen-âge avec les ruines romaines de Pomponiana.

Personnellement nous avons pu récolter sur place un joli fragment de mosaïques blanches et noires (ces dernières devenant assez rares un peu partout, formant un bloc encore bien cimenté ; des poteries sigillées, de beaux débris de marbres : blanc, rouge et noir ou multicolore, un objet en terre cuite mais que nous croyons être un ancien poids romain, en le comparant avec ceux déjà trouvés à Fréjus, un petit fragment de poterie grise, que nous croyons (ligure ?), et un autre morceau, avec traces de peinture brune (2).

Quoi qu'on en dise, ces petites cités de la côte ont été tour à tour liguriennes, puis grecques, et enfin romaines; pour nous, cela ne fait plus de doutes.

Après ces quelques observations, nous rappellerons seulement qu'il existe à Hyères, deux inscriptions romaines.

La première est actuellement encastrée, bien haut hélas, dans le mur Nord de l'ancienne Mairie sous une fenêtre romane, géminée. Cette antique et curieuse construction se trouve sur le chemin des ruines de l'ancien château, traverse de la rue Paradis, en gravissant les pentes un peu raides de la colline.

Les lettres assez régulières, mais peu soignées et trop effacées à la fin de la deuxième ligne, n'ont que 0m04 de haut, et sont gravées sur une pierre calcaire jaune, recouverte en partie d'un ciment grisâtre. L'inscription a été entourée d'un petit encadrement de peinture bleue, l'écriture monte un peu vers la droite.

(1) Dionysii Faucherii... Annalium, Provincioe, Liber Quintus. M. S. MDXXI. - P. 119. (Bibliothèque Méjanes).

(2) D'après Lenthéric on ne trouverait rien de grec en cet endroit.


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T. VENICIVS COMIAII

V.S

La première ligne est nettement : T(ullius) Venicius; la troisième, est le V(otum) S(olvit) si connu de tous les épigraphistes, mais nous faisons appel à la science et à l'amabilité de nos collègues pour la leçon de la seconde ligne qui nous échappe absolument.

L'autre inscription est fixée dans le mur de la maison portant le n° 8 de la rue Sainte-Catherine, à droite de la porte : belle pierre de 0m 51 de large, sur 0m42 de hauteur, portant des lettres gravées avec soin, sur un beau calcaire dur et noir.

QATILIVS

Q-L-PREPONSIBI-ETSVIS

Q-L-PREPONSIBI-ETSVIS

Les lettres ont à la 1re ligne 0m 06 de haut

» à la 2me » 0m 05 »

» à la 3me » 0m 045 »

» à la 4me » 0m 045 »

En voici la leçon, d'après notre lecture :

Q(uintus) Atilius, Q(uintus) L(ucius) Prepon, Sibi et suis vivos F(ecit). — Elle ne présente, du reste, aucune difficulté et a été donnée d'une façon irréprochable par le corpus I. L, t. XII, 385. Quintus Atilius, Quintus Lucius Prepon a construit ce tombeau pour lui, et pour les siens (encore) vivants.

Le retour de notre excursion s'est effectué par Fréjus où nous avons pu faire encore une assez belle moisson de souvenirs archéologiques pour notre musée régional, malgré la rapidité de nos recherches, effectuées presque toutes à fleur de terre. Elles ont produit des marbres multicolores, des poteries fines de Samos, des mosaïques, blanches pour la plupart ; des briquettes rouges formant dallage et dont nous donnons le détail à la Société des Études Provençales avec d'autres renseignements


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sur le « Fréjus inédit », une petite intaille antique assez bien conservée, quoique ébréchée, et représentant, croyons-nous, un gladiateur (1).

Nous avons eu aussi la chance de mettre la main sur un fragment de sifflet romain, en os, trouvé près des arènes.

Nous terminerons cette communication par quelques observations sur les fresques dont nous avons trouvé des fragments assez grands pour permettre de tenter encore l'analyse des couleurs employées par les anciens.

Le ciment qui enduit un mortier à grain très fin, d'après sa teneur en silice, alumine et chaux, semble fort riche en argile. Il n'a malheureusement pas été possible jusqu'à ce jour, même avec l'analyse élémentaire de ces ciments anciens, de donner leur composition exacte et de les reproduire, au grand dam de tous nos architectes contemporains.

Chacun sait que les anciens employaient surtout pour leurs belles fresques (et même pour celles les plus communes) des matières colorantes végétales. C'est le cas des fragments verts et ronges recueillis par nous à Fréjus, dans l'antique citadelle Saint-Antoine, formant à l'époque romaine le fond du port célèbre, et élevant son enceinte sombre et ses verts jardins, près du moulin, au Sud de ce qui fut Forum Julii, — « Ici, toutefois, le rouge est à base de fer, vraisembiabtement une variété d'ocre (Oxyde ferrique Fea O3), rèmatite rouge ou sanguine. De plus, ce rouge aussi colorant que le minéral semble avivé par un colorant végétal. »

C'est grâce à la science et à l'obligeance de M. Mérieux, directeur du Laboratoire de Lyon, et de M. Théodore Perroy, placé à la tête de celui de Cannes, que nous sommes à même de fournir ces quelques détails, peu connus peut-être.

M. Fr. MAGNAN fait observer que dans l'inscription T. VENICIVS, etc..., la deuxième ligne COMIALI pourrait être l'abréviation de la locution assez usitée COMEN IN ALIQUEM sous entendu ESSE qui signifie « être bienveillant pour quelqu'un » (COM. I. ALI).

Quant à V. S. c'est évidemment l'abréviation de VOTA SOLVERE qui signifie acquitter un voeu.

(1) Cf. Annales de la Société d'Étndes provençales, 1906, p. 21.


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Dans ce cas la traduction libre serait à peu près: Tullius Venicius s'est acquitté (en élevant cet autel) d'une dette de reconnaissance.

Communication de M. H. Bout de Charlemont

SUR DES FOUILLES EN COURS A TAUROENTUM

M. Cachard, de la Cadière, membre de la société, qui n'a pu se rendre aujourd'hui à notre réunion, m'a chargé de vous exprimer ses regrets. Il m'a prié, en même temps, de vous informer qu'il avait entrepris des fouilles dans sa propriété de Tauroentum et que ces fouilles, commencées depuis quelques jours seulement, avaient donné des résultats fort encourageants.

M. Cachard a, en effet, déjà recueilli divers objets que j'ai moimême vus hier, pour la plupart, à Tauroentum et dont voici l'énumération :

Un morceau d'entablement avec bas-relief;

Un morceau de colonne carrée et cannelée ;

Deux frontons de colonnes semblables;

Un fragment de soubassement de colonnettes ou de statue ;

La partie postérieure d'un pied avec le talon d'une statue de grandeur naturelle et chaussée du cothurne ;

Un pied de statuette attenant au socle ;

Un buste de statue d'homme avec la tête et un bras, le tout en marbre; des fragments de dolia; une monnaie de bronze.

Je n'ai pu voir ni la statue ni la monnaie, M. Cachard les ayant emportées à la Cadière.

M. Cachard a enfin découvert au même endroit une salle bétonnée et arrondie avec réservoir en briques adjacent qui lui paraît avoir été une salle de bain. Il a malheureusement fait immédiatement recouvrir la construction de terre; mais elle sera facile à remettre à jour quand on le voudra.

La séance est levée à 5 h. 30.

SÉANCE DU 8 FÉVRIER 1906

La séance est ouverte à 5 heures, sous la présidence de M. REPELIN, vice-président.


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M. LE PRÉSIDENT proclame l'admission comme membres actifs de:

MM. DELIBES, présenté par MM. Vasseur et Masson. Dr LAGET, présenté par MM. Magnan et Baillon.

M. LE PRÉSIDENT a le regret d'apprendre à la Société la mort de l'un de ses membres, M. Emilien Baux dont le nom est bien connu des Marseillais amis des sciences. M. Baux appartenait à une famille de chercheurs et de savants. Son père avait réuni une magnifique collection de minéraux qui fut léguée au Muséum de Longchamp et que l'on peut voir dans les salles du troisième étage. Il avait également recueilli de nombreux objets préhistoriques, spécialement dans la localité de Rassuën. Les amateurs pourront voir ces pièces intéressantes dans la salle où se trouvera l'exposition d'archéologie provençale au Musée Longchamp. Nous exprimons à la famille et en particulier à M. Baux fils, membre de notre Société, nos bien sincères sentiments de condoléances.

M. BAILLON, secrétaire, annonce que la Société a reçu : Suite à la note archéologique sur la crypte sépulcrale préhistorique de Contignargue et sur l'allée couverte de la source, près Arles, par M. Bouchinot, don de l'auteur; Étude et plan des Encourdoules (Alpes-Maritimes); Bijou antique découvert à Fréjus, par M. le colonel de Ville-d'Avray, don de l'auteur.

A 5 h. 1/2, M. DE GÉRIN-RICARD, président, prend place à la présidence.

Communication de M. de Gérin-Ricard

SCULPTURES, INSCRIPTIONS, MONNAIES ET AUTRES ANTIQUES DÉCOUVERTS DANS LA VALLÉE DE L'HUVEAUNE, EN PROVENCE

Sous le titre d'Inscriptions de la vallée de l'Huveaune (1), M. Camille Jullian a publié, il y a vingt ans, une très savante étude sur cette région, étude dans laquelle l'érudit et distingué professeur au collège de France a fait revivre l'histoire de ce coin de Provence dans l'antiquité au moyen des 75 inscriptions qu'il a fournies et aussi en ayant recours aux textes des auteurs anciens.

(1) Bulletin épigraphique, Vienne 1886.


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C'est le seul travail de ce genre que nous possédons ou plutôt dont nous puissions faire état comme base de recherches dans les environs de Marseille. Aussi me servira-t-il de guide — et je ne pourrai en avoir de plus sûr — pour exposer les quelques découvertes archéologiques qui se sont produites le long de l'Huveaune depuis une vingtaine d'années.

Mon relevé, qui se rapporte uniquement à des antiquités inédites, peut donc être considéré comme un supplément — si modeste soit-il — au travail de M. Jullian.

Commune de Saint-Zacharie (Var)

Saint-Victor de Savart. — Sur un plateau de la rive droite de la rivière, peu distant du village, se dressait jadis une chapelle appelée Saint-Victor de Savart dont l'existence au XIe siècle est attestée par une charte de l'an 1137 (1).

Les fondations de ce petit temple, dont il ne reste qu'une portion de mur utilisée dans la construction d'un cabanon, reposait sur de grands blocs à entailles ou mortaises appartenant à quelque engin agricole antique.

Une fouille pratiquée en 1903 au niveau des substructions les plus profondes a amené la découverte d'une sépulture en briques (Jegulse et imbriae) renfermant un squelette de femme, puis des coquilles et des poteries qui me paraissent appartenir à la période allant du IIme au IVme siècle (2).

La pièce la plus intéressante fournie par les ruines de cette église est incontestablement, outre la table d'autel sans ornements citée par Barges (3), un cippe païen demeuré sur place et sur lequel MM. Barges en 1877 (4) et le Dr Bernard en 1903 reconnurent des traces de caractères dont ils ne tentèrent pas de donner une lecture.

Ce cippe en pierre de la région (hauteur 0m38, largeur 0m25, épaisseur 0m20) est muni à sa face supérieure du classique focus. L'inscription commence sous un double trait de gouge distant

(1) Cartulaire de Saint-Victor. Charte n° 64.

(2) Dr BERNARD (de Cannes). Saint-Victor-de-Savard. Revue de Provence, octobre 1304.

(3) Collection Victor Fabre à Saint-Zacharie.

(4) BARGES. Notice sur quelques autels chrétiens du Moyen Age. Paris, 1890, page 82.


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du sommet de 0m 12 ; les lettres ont 3 centimètres de hauteur, sont régulièrement tracées, mais peu profondément gravées. Incomplète du côté gauche, il manque ainsi cinq ou six lettres au commencement de chaque ligne, comme l'indique la position du focus qui permet de rétablir l'axe du monument alors qu'il était entier ; il manque aussi une notable portion de la pierre dans le bas, mais on ne saurait dire si l'inscripticn se prolongeait au delà des cinq lignes qui restent

REPVSI CHIEII

IIIVMII

En l'état, il n'est pas possible de tirer grand'chose de ce fragment ; tout au plus peut-on conjecturer à la première ligne [C] REPVSI qui est le nom d'une famille consulaire plébéienne de Rome. Peut-être découvrira-t-on un jour le complément de cette inscription. C'est en vue de cela que j'ai noté l'état actuel du fragment que l'on possède.

Camp d'Aga (1).— Dans ce champ existait une villa romaine des substructions de laquelle M. Victor Fabre, propriétaire, a retiré peu à peu une véritable collection de monnaies marseillaises et toute une série de bronzes romains allant de Tibère à Constantin, des fibules et des épingles en bronze, des charnières de coffret en os, de la poterie sigillée avec dessins en. relief, toute la céramique commune gallo-romaine.

La présence dans ces ruines de marbres variés, de vestiges de bain, de morceaux de stuc blanc ornés à la fresque de feuillages verts, indique une richesse peu commune dans les villae contemporaines de la localité (2) :

De cette habitation dépendait une briqueterie qui est une des plus anciennes fabriques de ce genre à Saint-Zacharie où cette industrie a été de tous temps très importante.

(1) Cette dénomination est probablement due à l'abondance en ce lieu du bois de poule ou auzerole [acer campestre), en provençal aga, comme je l'ai déjà indiqué (Arch. scientifiq, des missions, tome XIII, fasc. 2, 1905).

(2) M. Fabre a installé le produit de ses recherches dans son domicile de Saint-Zacharie et il a logé les pièces encombrantes ou de moindre intérêt dans sa maisonnette du Camp d'Aga.


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Les dates extrêmes des monnaies du Camp d'Aga et la présence en ce lieu de la vaisselle samienne et de la poterie grise estampée à rouelles et palmettes indiquent une période d'occupation allant du IIme au Vme siècle.

Commune d'Auriol.

Les Tourraques (1) nom d'un quartier rural de la rive droite de l'Huveaune, composé d'un petit coteau rocheux, où j'ai recueilli de la poterie sigillée à sujets et au sommet duquel se dresse une petite construction dont les dispositions sont bizarres.

Le bâtiment semi-circulaire, a sa partie concave exposée au midi c'est-à-dire du côté de la rivière ; ses murs en blocage avec parement extérieur en petit appareil ont 0m 50 d'épaisseur ; leur élévation atteint encore entre 1 mètre et 2m50. Les dimensions intérieures de la construction sont 3m 50 de corde et 1m 50 de flèche. A l'intérieur se trouve une banquette maçonnée et adossée au mur rectiligne qui constitue le fond du mouvement. Deux et peut-être trois lucarnes assez rapprochées entre elles étaient percées, à 1 mètre de hauteur, toutes dans le secteur exposé au Levant.

La grosse céramique romaine (dolia, tuiles, etc.) est assez abondante sur ce point et le propriétaire m'a assuré y avoir rencontré deux sépultures en briques contenant chacune un squelette.

Cette petite construction, qui de prime abord fait songer à ces édicules païens, dont procèdent les oratoires chrétiens, si nombreux en Provence, occupe une position des plus choisies quant à la vue dont on y jouit. Malgré cet avantage, en dépit du milieu romain où il se trouve et de sa forme curieuse, on ne saurait voir un édifice antique dans ce pseudo sacellum. L'examen de l'appareil s'y oppose (2) comme aussi le crépis dont il est revêtu à l'intérieur. Le rôle de cette tour en demi-cercle,

(1) MORTREUIL (Dict. topographique de l'arrondissement de Marseille publié en 1873 par la Société de statistique) propose comme étymologie de ce nom Turris aquoe parce qu'il croyait que l'eau des fontaines d'Auriol venait de ce point, tandis que ces sources sont captées à 2 kilomètres en aval, à St-Pierre de Paradis.- Il existe dans les départements du Var et des Alpes-Maritimes plusieurs lieux dits les Tourraques et aussi les Pourraques.

(2) Le blocage renferme des débris de dolia et de teguloe antiques, mais à lui seul oe tait ne serait pas de nature à démontrer l'origine médiévale de la bâtisse.


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appelée la Tourraque, a été incontestablement celui d'une vigie servant de point intermédiaire pour les signaux qu'échangeaient entre eux les châteaux-forts d'Auriol, d'Oignon et d'Estusse dont l'origine remonte au XIme siècle.

Ce point était bon à établir en présence de la croyance populaire à un monument romain en ce qui concerne la Tourraque.

Aurengues. — Tel est le nom d'un des vallons de la rive gauche du ruisseau de Vède, affluent de l'Huveaune où les collectionneurs Bosq, d'Auriol, avaient recueilli en 1852 quelques antiquités et notamment un vase contenant divers bijoux en bronze (1). En 1824, ce quartier leur avait fourni un fragment d'épigraphe métrique sur marbre du IVe ou du Ve siècle (2).

En 1900, les travaux du nouveau chemin devant relier Auriol à la Sainte-Baume amenèrent la découverte, dans ce quartier, des restes d'une maison gallo-romaine qui avait été ensevelie sous des graviers descendus de la montagne à laquelle elle se trouvait adossée.

Je signalais ce fait, le 23 février 1905 (3), à la Société Archéologique de Provence. « Ces ruines se rencontrent à droite en montant, peu avant d'arriver à la bastide Clément. Les murs ont encore de un à deux mètres de hauteur ; ils formaient un bâtiment de sept mètres de façade (4). Une aire en béton avec batardeau fait suite au Nord, etc. »

Les travaux du chemin de la Sainte-Baume, interrompus depuis celte époque, ont été repris en septembre 1905 par le déblaiement et la démolition presque totale des dits vestiges de construction romaine.

Le lendemain de l'attaque du nouveau chantier, le 23 septembre 1905, j'étais informé par un télégramme de M. Négrel, médecin-vétérinaire à Auriol, de la découverte d'objets antiques et le lendemain je pus faire sur les lieux, en compagnie de mon aimable correspondant, les constatations suivantes :

L'édifice rectangulaire (17m X 6m) avait ses grands côtés exposés au Sud et au Nord, transversalement au vallon ; le mur sud était revêtu d'un parement en petit appareil smillé.

(1) Répertoire des travaux de la Société de Statistique de Marseille 1854, tome XVII, p. 318.

(2) Statistique des Bouches-du-Rhône, 1824, tome II, p. 851 et C. JULLIAN, op. cit., p. 16.

(3) Bulletin de la Société Archéologique de Provence n° 4, p. 25, 1905.

(4) Les travaux de terrassement effectués depuis permettent de rectifier ces chiffres comme suit : façade 17 mètres, côté 6 mètres.


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Le sol du tiers de la surface du bâtiment vers le Levant était en contre-bas de 1m 50 du niveau de l'autre portion. On a trouvé dans cette partie, qui composait le cellier, plusieurs dolia de grandes dimensions, la plupart écrasés, mais dont un était entier et muni d'un épais couvercle en plomb ayant plus de 0m50 de diamètre. Un peu plus loin et au même niveau on rencontra des ossements que M. Négrel reconnut avoir appartenu à un boeuf et se rapportant tous à un même quartier postérieur de l'animal.

Le sol de ce cellier était formé par de la terre battue, tandis que celui de la portion couchant était revêtu d'un assez mince béton sur lequel est venu s'abattre la toiture au moment de son effondrement, formant une couche de 25 centimètres de débris de teguloe et d'imbricae associés à de gros clous provenant de la charpente.

La fouille des deux autres tiers du bâtiment, lesquels devaient être réservés à l'habitation (qui s'étendait peut-être aussi sur le cellier au moyen d'un plancher en bois), a fourni :

1° Une petite lionne en marbre blanc, d'un très bon travail et de beaucoup de caractère ; le fauve est campé dans une attitude de défense, montrant ses crocs, l'échiné tendue et une patte de devant relevée. Ce morceau d'art mesure 0m 17 de longueur ;

2° Un mollet en marbre blanc, bien modelé, ayant appartenu à une statuette d'environ 0m 60 de haut. Ce fragment mesure 0m 10;

3° Plusieurs fragments d'une dalle en marbre blanc de 0m 02 d'épaisseur qui devait mesurer au moins 0m50 de côté et sur laquelle était sculpté en bas-relief un sujet qu'on ne peut déterminer exactement étant donné l'importante portion qui manque, mais qui devait figurer un oiseau au vol éployé, dont on aperçoit l'extrémité des ailes (1) ;

4° Quelques monnaies de bronze qui ont été détournées par les terrassiers ; j'ai pu toutefois en examiner cinq : un grand bronze de Faustine jeune ; deux moyens bronzes frustes au type de Gordien (237) ; un bronze de Claude le Gothique mort en 270. IMP. CLAVDIVS AVG. sa tête radiée à droite, avec revers à la Sécurité debout les jambes croisées,tenant un sceptre

(1) Grâce au zèle de M. Bout de Charlemont et par son aimable entremise, ces trois morceaux de sculptures et deux bronzes ont été remis en don à la Société Archéologique de Provence par M. Poupeau, entrepreneur.


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et appuyée sur une colonne ; dans le champ XII (variété du n° 268 de Cohen) ; bronze de Constantin Ier frappé à Arles ; au droit, IMP. CONSTANTINVS AVG ; son buste lauré et cuirassé à droite ; revers SOLI INVICTO COMITIS. Le soleil à demi-nu, debout regardant à droite, levant la droite et tenant un globe, avec TF dans le champ ; à l'axergue QARL qui signifie Quarta (4e émission) et Arelat, Arles dont l'atelier monétaire fut ouvert en l'an 313 (1).

5° Une petite balance en bronze dite romaine, qui est incontestablement le plus intéressant des objets découverts dans la

villa d'Aurengues. Il est curieux surtout par ses dimensions réduites qui en font un petit bijou archéologique (2). Le fléau est formé par une tige carrelée à arrêtes rabattues, sa longueur totale est de 15 centimètres, dont 10 pour la partie gra-duée ; du côté du petit poids, les divisions sont indiquées par 9 coches

espacées entre elles de 1 centimètre (la dernière inutilisable) ; le côté du gros poids présente 16 coches dont les deux dernières sont inutilisables. Aucune numération ne figure sur la tige, qui est munie au gros bout de deux crochets de suspension pour le petit et le gros poids, et tout à l'extrémité du levier, d'une boucle à deux anneaux. A chacun de ces anneaux est fixé une des extrémités d'une chaînette comprenant un bouchon de plomb, contrepoids réglant l'équilibre de l'instrument. C'est à cette chaînette qu'on accrochait les matières à peser, la balance n'ayant jamais comporté de plateau (3).

Un curseur, en forme de bague avec crochet soutenant un peson de 220 grammes du type toupie, court le long de la tige.

Pour connaître la portée de cet instrument et partant, le système pondéral auquel il se rapporte, j'ai, avec l'aide d'un habile praticien M. Henri Todrani, constructeur-balancier en

(1) Cf. COHEN nos 530 à 546 et J. MAURICE. Mém des Antiquaires de France 1902, tome m, 7e s., p. 63, 64 et Bull, de la même Société 1904, séance du 30 mars.

(2) La plus petite des balances antiques fournies par notre région était, jusqu'à ce jour, celle qui se trouve au musée Borely (n° 871 du catalogue de Froehner) ; son fléau a encore 21 centimètres de longueur. Celle d'Aurengues est donc d'un quart environ plus réduite.

(3) Il faut, au moins, trois chaînettes de suspension pour un plateau et cette balance n'a qu'une boucle à deux points d'attache au côté dit : puissance.


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chef de la Compagnie des Docks de Marseille, recherché par les calculs ordinaires de mécanique applicables à l'espèce et par la méthode expérimentale dite de pesées à tâtonnement, la solution de ce double problème de métrologie. Les résultats obtenus ont élé les suivants.

Du côté du petit poids, l'équilibre se fait avec 175 grammes au départ et par 999 grammes à l'extrémité du levier, soit à la dernière coche. Les divisions, au nombre de 9 représentent donc chacune 111 grammes environ.

Du côté du gros poids, le départ est à 999 grammes et la plus grande course à 3.300 grammes ; chacune des 15 divisions représente donc 222 grammes environ.

Ces chiffres de 111 et de 222 grammes correspondent assez bien à 4 et à 8 onces romaines (l'once ou douzième partie de la livre ayant été calculée ici sur la base de 27 gr. 2), d'où, la la puissance de la balance aurait été de 3 livres au petit côté et de 10 livres à l'autre.

Il ressort de ces constatations qu'à la fin du IVe siècle, au plus tard, le système pondéral de la colonie grecque avait déjà fait place dans les environs de Marseille, au système romain (1).

Comme dans toutes les balances de cette époque, le mode d'équilibre de celle d'Aurengues ne comporte pas l'emploi d'un axe suspendu au moyen de couteaux ou pivots, mais de simples bélières (2) ménagées dans le fléau, d'où un manque de sensibilité très grand, au départ surtout puisque sur cet instrument, il peut se chiffrer par 25 grammes.

Je crois devoir mentionner ici quelques courtes considérations sur l'âge, la durée et la cause d'abandon de la villa d'Aurengues.

C'est aux Aurengues, ai-je dit déjà, que les frères Bosq trouvèrent vers 1824 l'épitaphe métrique d'un colon de ce quartier « dont les domaines avaient été incendiés par des ennemis, des brigands plutôt et qui, ayant voulu pénétrer dans sa demeure pour sauver les débris de sa fortune aura péri dans les flammes et sous les coups des incendiaires » (3). Or, comme il n'y a pas

(1) La livre grecque équivalait à 373 grammes et la livre romaine à 327.

(2) En comparant l'état d'usure des deux bélières de suspension, on remarque que l'instrument a surtout servi du côté du gros poids.

(3) M. C. Jullian (op. cit. p. 17) a ainsi complété l'inscription d'Aurengue; aujourd'hui au musée Borely :

Hostibus indign [is cadit interceptus et igne] Dum cupit, infelix ! flammas [superare voraces] Oblitus generisque sui spem t[entat inamen :] Conjugis huic misere lachrima[s venerare, viator.] (ascia).


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place, dans l'étrôit vallon d'Aurengues pour plusieurs villae et qu'il n'a été rencontré à ce quartier aucun autre vestige d'établissement antique, il y a tout lieu de croire que nous possédons bien là l'épitaphe de l'infortuné propriétaire (dont le nom manque à l'épigraphe) de la villa dont on vient de retrouver les ruines. De plus, ce texte qui est de la fin du IVe siècle, nous fait connaître l'époque à laquelle la villa fut détruite et les médailles des IIe et IIIe siècles y recueillies indiquent qu'elle existait à cette époque, d'où l'on peut fixer à 250 ans la durée de cet établissement (du milieu du 11e à la fin du IVe siècle).

Enfin, la même inscription nous fixe sur les causes de sa destruction : le pillage et l'incendie, et cependant, je dois à la vérité de dire que je n'ai constaté là aucune de ces traces d'incendie (couches de cendre et de bois carbonisé, murs rougis, clous, monnaies et autres objets de métal déformés par l'action du feu) si communes dans la plupart des ruines romaines de la région ; ici quelques débris charbonneux seulement.

D'autre part, l'épaisse et uniforme couche de gravier (3 mètres) descendue de la montagne et qui recouvrait la construction m'avait d'abord fait songer à une de ces avalanches qui se produisent quelquefois dans cette localité au cours d'un violent orage (1), mais ce fait a pu se produire bien après l'abandon de la villa qui aura sans doute eu lieu à la suite des faits mentionnés par l'inscription et qui ne comportèrent peut-être pas un incendie d'une intensité telle qu'on puisse en retrouver des traces importantes.

Avant de quitter Aurengues, je mentionnerai la découverte faite à 3 mètres du mur sud de la villa d'un tombeau en briques qui fut rencontré, il y a une trentaine d'années, par des mineurs d'Auriol occupés à l'ouverture d'une galerie pour l'extraction du lignite, galerie en grande partie comblée aujourd'hui, mais dont l'entrée est encore reconnaissable malgré les buissons qui la recouvrent.

Les Orteaux. — C'est le nom des jardins d'Auriol traversés par l'Huveaune, où le nommé Mérentié trouva dans une pièce de

(1) En octobre 1858, la quantité de graviers descendus de La Clue fut telle que plusieurs rues d'Auriol qui se trouvaient sur le passage de ce torrent de cailloux furent comblées jusqu'à la hauteur du 1er étage.


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terre lui appartenant et qui est située sur la rive gauche de la rivière, entre celle-là et le grand chemin, soixante bracelets en bronze passés à un cubitus de femme.

Ce sont de minces anneaux parfaitement ronds ; la tige de métal dont ils sont formés est à section carrée cinquante-neuf de ces anneaux sont ornés à l'extérieur de stries transversales et parallèles ; un seul et plus épais et orné de stries en chevrons ; il était placé le premier c'est-à-dire le plus près de la main et servait à retenir les autres (1).

Commune de Roquevaire

Saint-Etienne, en provençal Sant Estèvé est le nom d'une ancienne chapelle perchée sur un petit rocher dominant l'Huveaune entre Roquevaire et Pont-de-l'Etoile, où l'on a trouvé déjà trois textes païens (2).

L'existence sur ce point d'une villa romaine a été soupçonnée par M. Jullian ; elle se trouve absolument confirmée par les constatations que j'ai pu faire sur les lieux.

Le versant méridional du petit monticule de Sant Estèvé présente d'importants vestiges de constructions antiques au Nord du chemin qui va rejoindre la roule de Roquevaire; ces vestiges se trouvent aujourd'hui encastrés dans un mur de soutènement. A quelques mètres de là et contre le bord Sud du même chemin, un bassin antique maçonné en petit appareil est adossé à un moulin abandonné.

Ce réservoir était alimenté par une source toute voisine conduite au moyen d'un aqueduc souterrain que l'on découvrit, il y a peu d'années, en plantant un arbre sur son parcours.

Enfin, j'ai remarqué, dans la parcelle cultivée la plus proche de la chapelle, transformée actuellement en habitation (côté Est) des restes de tombes en briques mélangées à des ossements humains et à des portions de petits vases gallo-romains que la pioche ramène au jour à chaque labour. Ce lieu de sépulture est sur le bord Sud du chemin d'accès de l'habitation, tandis que du côté Nord et à l'embranchement d'un chemin d'exploitation se(1)

se(1) signalé sommairement cette découverte à la Société Archéologique de Provence dans sa séance du 23 février 1905. Cf. Bulletin de cette Société, fase. 5, p. 25.

(2) JULLIAN. Op. cit. n°s 39 à 41, p. 62 à 64.


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voient des traces de substructions qui me paraissent se rattacher aux travaux de captage d'une des branches de la source signalée plus haut.

Vallat de Riou. — La désignation de vallat qui précède ici le nom de Riou constitue un pléonasme toponymique, la signification de Riou, Rio, Riau étant celle de ruisseau (1).

Dans la commune de Roquevaire, ce nom est porté par un ruisseau qui prend sa source au pied des escarpements de Bassan et se jette dans l'Huveaune (rive gauche) auprès du hameau Pont-de-l'Etoile.

C'est tout au bord de ce petit cours d'eau, sur sa rive droite, au lieu dit Les Pansières, là où le chemin qui conduit à SaintJean de Garguier décrit un coude avant de traverser Riou sur un pont, que le propriétaire M. Benoît, en démolissant les piliers d'un vieil hangar, découvrit dans la maçonnerie, où elles avaient été employées comme moellons, les sculptures antiques ci-après décrites et toutes taillées dans du grès blanc.

1° Tête de femme, grandeur naturelle, hauteur du fragment 0,31) penchée à droite, le nez et le menton endommagés: l'oreille gauche a disparu, celle de droite porte un pendant ovoïde ; la chevelure forme deux bandeaux sur le front et une épaisse torsade sur les oreilles. Le sommet et le derrière de la tête sont

(1) Ce nom est porté en Provence par plusieurs ruisseaux, mais il est encore plus répandu dans la portion de la Ligurie voisine de Gênes.


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recouverts par un voile ou mafors, drapé à grands plis, qui descend plus bas que le cou, lequel est coupé au point de jonction avec les épaules.

2° Tête d'homme imberbe d'un âge voisin du déclin. La chevelure composée de petites mèches bien fouillées; le nez et la bouche endommagés; le cou brisé au-dessous du menton. Tout le derrière de la tête manque et aussi l'oreille gauche. Hauteur : 0,30 centimètres.

3° Tête d'homme imberbe, les traits plus jeunes que la précédente, même port de cheveux ; l'oreille gauche et la partie posté-


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rieure gauche manque. La hauteur du visage est de 30 centimètres; le cou a 8 centimètres de longueur. Cette tête a une vague ressemblance avec un buste d'Auguste de la galerie vaticane (n° 401)..

La statuette de femme figurée ci-dessus avec les trois têtes (0,35 de hauteur) est sans tête, sans bras et sans pieds; elle ne présente que des vêtements drapés et assez finement traités comprenant une jupe relevée en tunique avec grands plis obliques sur le devant ; le haut du corps est vêtu d'un mantelet noué au cou par des rubans ou des lanières d'étoffe. Ce fragment paraît moins ancien que les autres et se rapproche assez des productions du moyen-âge quant à l'impression qui s'en dégage.

Il n'est, du reste, pas de la même provenance et a été trouvé près de la mine de charbon située entre Gémenos et Saint-Jean de Garguier. C'était une statuette-applique puisque, la face seule est sculptée.

Quant aux trois têtes de Riou, elles sont incontestablement antiques et très probablement de la fin du IIe siècle ou du commencement du IIIe comme l'indique le genre de coiffure porté par les personnages, mais si la question d'âge de ces sculptures peut être facilement résolue, il en est tout autrement de l'identification des sujets qu'elles représentent.


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J'avais songé pour la tête de femme à une représentation d'Osiris ou d'Isis parce que ces divinités ont pour attribut un bouquet d'épis notamment et qu'une main en pierre tenant un bouquet (?) avait été trouvée sur les lieux par M. Benoit.

Pour ce qui concerne les deux têtes d'hommes, j'ai recherché parmi les 2 ou 3000 bustes antiques que je viens de voir dans les galeries italiennes si elles ne pouvaient être identifiées avec des portraits d'empereurs. J'ai poursuivi cette recherehe au moyen de l'iconographie numismatique comparant les profils des têtes de Riou à ceux figurant sur les médailles impériales.

Nulle part, je n'ai rencontré une ressemblance certaine et cette constatation m'amène à croire que nous sommes ici en présence de trois portraits sculptés dans la localité et représentant la physionomie des propriétaires de la villa de Riou, portraits de famille qui, suivant l'usage, devait orner l'atrium de la villa.

Des vestiges importants de cette habitation se voient dans la propriété Pellegrin à 40 mètres du point où les bustes avaient été utilisés à la construction de piliers. Le sol en béton de la demeure apparaît dans un mur de soutènement au milieu de très nombreux débris de céramique romaine et c'est aux abords de ces substructions, dans le voisinage d'une moderne maison de campagne appelée La Taurelle, que l'on trouva vers 1775 une grande quantité de monnaies romaines et des épitaphes à noms Gaulois comme celles de ESCENGOLATIS fils de VENIMARI et de PRIMAE fille de SANVILLI (1).

Les restes de cette villa auraient ainsi fourni — chose assez rare — outre les portraits de ses propriétaires, leurs noms conservés par les textes funéraires ci-dessus cités.

Lascours. — A un peu plus de 1 kilomètre au S.-E. du hameau de Lascours, un coteau qui domine la rive droite de l'Huveaune, a son sommet occupé par un petit plateau qui est en grande partie la propriété de M. Jacques Cornand.

En effectuant des défrichements dans son fonds, cet honorable cultivateur, découvrit il y a quelques années des murs appartenant aux dépendances d'une villa romaine (hangar, pressoir, cuve, canalisation pour le vin, cellier, appartements avec revêtements en stuc peint en jaune, bleu et rouge et sol bétonné) des ruines de laquelle, il retira outre de la vaisselle samienne et toute la grosse poterie des centres agricoles gallo-romains, une

(1) C. JULLIAN. — Op. cit., p. 67.


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élégante fibule à arbalète en bronze (1), un moulin complet en basalte (2) et les monnaies ci-après qui nous ont été communiquées par lui : Trois petits bronzes marseillais à la tête de Diane et du taureau; 1 petit bronze marseillais avec caducée au revers; 1 petit bronze d'imitation marseillaise avec tête d'homme au droit et petit taureau au revers; 2 autres bronzes frustes, petits et très épais; 5 grands bronzes aux types d'Anlonin et de sa femme.

En démolissant les vestiges du cellier, Cornand a constaté que, au-dessous de ces fondations, il en existait d'autres beaucoup plus anciennes, dont la direction était toute différente et qui s'enchevêtraient avec les superstructures d'époque postérieure; il nota aussi des traces non équivoques de l'incendie qui avait détruit la construction primitive.

C'est dans un des murs reconstruits que Cornand trouva les trois fragments appartenant à un même monument — dont deux seulement portent des caractères— et qui sont figurés ci-contre. Cette épigraphe avait été brisée sans doute au moment de la destruction du premier établissement et ses morceaux furent utilisés comme moellons lorsqu'une nouvelle villa fut construite sur les ruines de l'ancienne.

Le monument se composait d'une table de calcaire dur et finement poli, d'une épaisseur de 0,145; ses autres dimensions

(1) En la possession de M.Joseph Long, ancien instituteur au Pont de l'Etoile.

(2) Remis par M. J. Long au musée scolaire du Pont de l'Etoile.


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sont inconnues, étant donné que la plus grande partie manque ; une moulure entoure l'inscription qui est gravée profondément en beaux caractères réguliers de 0,05 à la première ligne et de 0,04 aux autres.

Le fragment (A) qui se rapporte à la fin de la première ligne mesure 0,24X0,15 ; on y lit... TRIAE qui appartient peut-être à [GENIOPA]TRIAE(l), à [PATER PA TRIAE ou à quelque chose d'analogue. (Au-dessus de ce fragment la photographie a reproduit une brique de forme bizarre qui provient des thermes de Saint-Jean-de-Garguier).

Le fragment (B) (0,15X0,13) a conservé les traces de trois lignes : à la première, la base de trois jambages ; à. la seconde la lettre F suivie d'un vide et se rapportant par conséquent à la fin d'une ligne. Cette lettre isolée est pour F[ILIUS], dont elle est l'abréviation ordinaire et devait être précédée du nom propre du père du dédicant. A la troisième ligne, trois caractères VND appartenant probablement à SEC]VND[I, Secundus étant un cognomen assez répandu dans la région (2).

Le troisième fragment (C) ne comprend qu'une portion de l'encadrement mouluré et aucune trace de caractères.

Le cliché ci-contre reproduit aussi le bord d'un dolium (0,15X0,10) trouvé au même lieu par Cornand et qui porte gravé à la pointe dans la pâle encore môle les lettres.. ARI, qui appartiennent évidemment à la fin d'un nom propre de potier et ce nom fait songer vaguement à celui de Venimari dont une des épitaphes de Riou nous a conservé le souvenir.

La villa de Lascours a aussi donné de nombreux fragments de poterie sigillée à sujets dont un porte le nom du potier VITAL, marque très commune en Narbonnaise (3).

C'est à M. Joseph Long, ancien instituteur au Pont-de-l'Etoile que l'on doit la conservation des antiquités de Riou et de

(1) Le culte de ces Genii patrioe s'est étendu jusqu'à Dougga en Tunisie où ils avaient un temple. Cf. MERLIN. Bulletin Archéologique, 1902, p. 369.

(2) Secundus s'est rencontré à Saint-Zacharie, en face Lascours à SaintJean-de-Garguier et à Saint-Etienne. Cf. C. JULLIAN. Op. cit. nos 4, 37 et 41, p. 8, 61 et 63. Ce nom semble avoir persisté daus la région jusqu'au VIIe siècle sous la forme Secondius. Cf. H. DE GÉRIN-RICARD note sur la dédicace de l'église de Belcodène. Bulletin Archéologique du Comité des travaux historiques, février 1904.

(3) Au musée scolaire du Pont-de-l'Etoile.


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Lascours ainsi que celle de monnaies mentionnées plus loin. Ce digne fonctionnaire a mis plus de vingt ans pour recueillir les vestiges précieux que livrait de temps à autres le sol de sa localité si voisine de l'intéressant Gargaria Locus. Du tout, il a formé un petit musée scolaire — le seul qui existe dans l'arrondissement de Marseille — et le moment de la retraite venu, retraite anticipée par suite de la perte totale de la vue, M. Long en a généreusement fait don à la commune.

C'est dans la salle d'école — lieu peu propice à la conservation des antiques en particulier — que sont déposées ces collections, c'est là que j'ai pu les étudier, en prendre des photographies et commencer mon enquête sur les conditions dans lesquelles s'étaient faites ces trouvailles, enquête que j'ai poursuivie sur les lieux des découvertes, suivant en cela une règle que l'expérience m'a démontré profitable à qui s'occupe de topographie historique et de statistique archéologique. En l'espèce, le contrôle des gisements m'a permis de pointer sur la carte des Gaules trois villae nouvelles, celle de Riou et celles de Lascours.

De la villa du fonds Cornand et indépendamment de quelques massifs de maçonnerie qui émergent encore sur divers points, il subsiste sur le bord S.-E. du plateau un mur en petit appareil, assis sur la roche, mesurant 25 mètres de longueur sur 2 de hauteur qui devait appartenir à un des bâtiments principaux (1) de la villa reconstruite au IVe ou au Ve siècle, comme semble l'indiquer la présence dans la maçonnerie de matériaux réemployés et de portions de briques servant de cales aux moellons smillés.

D'un petit bois de pin situé à une centaine de mètres à l'Est des constrnctions, on aperçoit Aubagne (Albania), Saint-Pierre (Lucretus Pagus) Joux (Jovi), la villa de Riou aux sculptures romaines, Sant Estèvé à l'épitaphe de Derceia et aux importants vestiges d'habitation, Saint-Jean de Garguier (Gargaria locus) ; l'oeil suit de ce point une notable portion du cours de l'Huveaune, dominé d'un côté par le pic de Gardelaban, antique vigie et de l'autre par les captivantes roches de Bassan, dernier ressaut de l'imposante chaîne de la Sainte-Baume. Le site était donc des mieux choisis, mais l'agrément seul n'en faisait pas tout l'avan(1)

l'avan(1) Bout de Charlemont, avait remarqué ces substructions. (Bull, de la Soc. archéologique de Provence, séance du 9 juin 1904).


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tage, ce quartier, abrité du mistral, jouit d'un climat privilégié dont on a dû tirer parti de bonne heure pour la culture des primeurs et de certains arbres fruitiers. C'est encore aujourd'hui un des pays les plus riches de la région au point de vue agricole.

Aussi la villa du fonds Cornand, insuffisante pour mettre en valeur un domaine aussi fertile et très étendu devait-elle comprendre un siège secondaire d'exploitation ou une voisine d'importance moindre, dont j'ai reconnu les vestiges au lieu dit l'Antique, dont le nom est par lui-même assez significatif. Là, sur le bord Nord d'une carreïre existe un gisement de poteries gallo-romaines, qui affleure sur une longueur de plus de 30 mètres et les habitants du quartier m'ont assuré qu'on y avait découvert, il y a quelques années, une urne cinéraire en plomb renfermée dans un vase en terre, renseignement qui m'a été confirmé par M. J. Long.

Monnaies antiques de provenance locale faisant partie du musée scolaire du Pont de l'Étoile.

Cette collection formée par M. Long, comprend plus d'un millier de pièces, la plupart en bronze, se rapportant à l'antiquité, au moyen-âge, à la période royale et à l'époque contemporaine ; les espèces étrangères modernes sont particulièrement nombreuses. Le tri que j'ai dû faire pour extraire du tout les monnaies antiques de provenance locale, apportées une à une au zélé instituteur par ses élèves, tous fils d'agriculteurs cultivant l'ancien domaine ou les confins de la villa Gargaria, m'a fourni le résultat suivant :

Monnaies préromaines.— 3 bronzes marseillais (tête d'Apollon et taureau) 1 bronze avec tête de femme diadémée à gauche, de style grec ; revers : cerf à droite regardant en arrière, arc près de la croupe du cerf (1), 1 bronze avec tête d'homme (? Hercule) ; revers : tête et encolure de cheval (2), 4 petits bronzes frustes et épais, sur l'un se distingue une tête tourelée à droite.

(1) La tête de Diane est associée au cerf sur des monnaies grecques des rois de Cibyra en Phrygie, d'Apolonia, de Babon, de Cragus et de Cyance en Lycie.

(2) Cette monnaie anépigraphe a été pendant longtemps attribuée à Palerme. On pense aujourd'hui qu'elle appartient à la Numidie ou à la Maurétanie, ainsi que des pièces du même type à légendes puniques.


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Monnaies romaines. — 46 grands et moyens bronzes d'Auguste, Néron, Vespasieu, Antonin, Hadrien, Maxime, Fausta, Gordien (ceux de Vespasieu et d'Hadrien sont les plus nombreux).

1 petit bronze de Constantin, frappé à Arles, avec revers au château surmonté d'un soleil.

3 petits bronzes du bas Empire.

Il résulte de ce qui précède que, au cours de ces dernières années, six villas rusticae dont cinq citées ici pour la première fois (les villae du Camp d'Aga, d'Aurengues, de Savart, de Riou, de l'Antique venant s'ajouter à celles déjà connues des Attici de Saint-Zacharie, d'Encourron, La Morricaude, Saint-Pierre de Paradis, Lasa, Saint-Estève, Cornand Lascours et Saint-Jean de Garguier portent à treize le nombre des établissements de ce genre compris dans la partie haute de l'Huveaune, sans compter la vallée tributaire du Merlançon qui en comprenait au moins sept (1).

Du IIme au IVme siècle, de Saint-Zacharie au Pont de l'Étoile, chaque vallon descendant de la Sainte-Baume et débouchant sur la rive gauche de la rivière, avait sa villa rustica, ce qui fait penser à l'adoption d'une division territoriale conforme à la topographie des lieux, mais c'est là une simple remarque à laquelle, il ne convient pas d'attacher, au moins pour le moment, beaucoup d'importance.

Les monnaies récoltées dans ces centres établissent leur existence dès le IIme sinon le Ier siècle de notre ère ; leur distribution géographique prouve combien la vie agricole fut intense à cette époque aux environs de Massalia. Cet état, des plus prospères, prit brusquement fin entre le IVme et le Vme siècle, où des bandes de pillards, plutôt que de véritables invasions, commirent les pires exactions ne laissant derrière eux que des deuils et des ruines fumantes qui ne se relevèrent plus.

M. Emile FRANCK signale à l'extrémité Nord-Ouest de la langue de terre qui sépare l'étang d'Engrenier de celui de l'Estomac, au Midi de la colline Mariet des citernes dites de Marius.

(1) Les villoe de Coutran, de Penchinier, des Escassiers (commune de la Bourine), de Solobie, de Valdonne (commune de Peypin), de Belcodène et de Saint-Savournin. Cf. JULLIAN op. cit. et H. de GÉRIN-RICARD. Monographies des dites communes 1900-1904, pages 7, 8, 35, 72 et 96.


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La tradition plaçait le camp de Marius aux alentours de ces citernes au pied et sur le sommet de la colline Mariet; une armée aussi considérable que l'était celle du général romain n'aurait pu camper en entier, et à l'aise sur ce terrain.

Maisons d'habitation. — Des fondations sortent de terre à différents endroits ; elles m'ont permis de lever le plan d'une maison entière, recouverte en partie par d'autres ruines modernes.

Cette maison se composait au rez-de-chaussée de 2 pièces dont la principale de 10 mètres sur 10 mètres, la seconde avec un pilier carreau centre.

En contre-bas, et à l'angle Nord-Ouest de cette habitation, se voient des vestiges d'autres murs.

M. BOUCHINOT communique :

1° Un plan archéologique du plateau du Castellet (près Arles), plan de 0m80 sur 0m75 fait par le frère Savinien de 1884 à 1892 et comprenant, outre les dessins à la plume de deux menhirs et d'une enceinte, l'indication des « allées couvertes » dites: Arnaud, de la Source, Bounias, de Coutignargue et le relevé de nombreuses « enceintes ».

2° Un fragment d'une poterie mélangée de grains blancs et cuite d'un seul côté, fragment trouvé sur la colline de Cordes, non loin du « Trou aux Fées ».

MM. de Gérin-Ricard et Repelin émettant l'avis que ce semble de la poterie gallo-romaine, M. Bouchinot fait remarquer que des échantillons pas plus grands, trouvés au même lieu et exactement semblables sont classés au Musée lapidaire d'Arles comme poterie néolithique. II cite à l'appui de cette attribution la phrase suivante de Cazalis de Fondouce (Les Allées couvertes de Provence, 1873, page 15): « Avant de quitter la montagne de « Cordes, je signalerai des traces qui me paraissent se rapporter « à une époque voisine de celle des dolmens. On trouve au sommet « de la combe qui partage cette montagne du Sud au Nord, au « point où se réunissent les deux branches.... une enceinte de « 25 mètres de diamètre en partie formée de pierres rapportées, « en partie creusée dans le rocher. A l'intérieur, au milieu du « gazon qui recouvre le sol, s'élève un petit tertre de pierres. « J'ai trouvé là des ossements d'animaux en partie brûlés, des


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« débris de charbon et de très nombreux fragments de poterie « grossière, peu cuite, à gros grains blancs, tout à fait analogue « à celle des dolmens. On rencontre de ces débris de poterie à la « surface du sol, sur toute la montagne. Je n'ai pu faire en ce « point, qui me rappelle les foyers sépultures de l'époque « néolithique, que des fouilles très succinctes. »

Pour M. Bouchinot l'échantillon communiqué est l'un de ces débris de poterie néolithique désignés par Cazalis de Fondouce.

Pour M. de Gérin-Ricard, les dimensions réduites de l'échantillon n'en permettent pas une détermination certaine,

Offert à la Société : Une réduction photographique du plan susdit.

La séance est levée à 6 heures 30.

SÉANCE DU 9 MARS 1906

La séance est ouverte à 5 heures et demie, sous la présidence de M. DE GÉRIN-RICARD, président.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

M. LE PRÉSIDENT, proclame l'admission comme membres actifs de :

MM. Paul Dor, armateur, présenté par MM. Gondran et Bout

de Charlemont. Dr Doullet, présenté par MM. Vasseur et Baillon. Isidore Valerian, architecte à Salon, présenté par

MM. H. de Gérin-Ricard et Baillon.

L'ordre du jour appelle l'élection d'un vice-président, en remplacement de M. Hillereau, démissionnaire. M. Moulin est élu.

M. BOUT DE CHARLEMONT présente divers fragments de poterie sigillée, de marbres, de mosaïques provenant de sa propriété de Tauroentum.

M. VASSEUR fait remarquer que sur la poterie sigillée se trouvent des encoches semblables à celles que présente souvent la poterie grise.

Parmi les fragments présentés il détermine un marbre pyrénéen (Dévonien supérieur) et un calcaire marmoréen de la région de Cassis (Urgonien).


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Excursions

L'excursion de Fos aura lieu le dimanche, 27 mai.

Exposition Archéologique

M. LE PRÉSIDENT informe l'Assemblée que l'inauguration de l'Exposition aura lieu le 12 avril. La Société recevra ce même jour les membres du congrès de Monaco, venus pour visiter les collections exposées.

La clôture de l'Exposition aura lieu le 10 mai.

La séance est levée à 6 heures 30.

Le Gérant : DALLONI.

Marseille. — Typ. et Lith. BARLATIER, rue Venture, 19.




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SEANCE DU 13 AVRIL 1906

Inauguration de l'Exposition d'Archéologie Provençale

La séance est ouverte à 2 heures.

M. DE GÉRIN-RICARD, président, assisté des membres du Bureau de la Société, reçoit les membres du Congrès d'Anthropologie et d'Archéologie Préhistoriques de Monaco qui ont bien voulu assister à l'inauguration de l'Exposition organisée à l'occasion du Congrès.

Allocution présidentielle.

M. le Président prononce l'allocution suivante :

MESSIEURS ET SAVANTS CONFRÈRES,

Au nom de la Société Archéologique de Provence, j'ai le très grand honneur de vous souhaiter la bienvenue et de vous dire combien nous sommes reconnaissants au Comité du XIIIe Congrès d'Anthropologie et d'Archéologie Préhistoriques, qui va s'ouvrir dans la Principauté de Monaco, d'avoir compris dans son programme la visite de notre exposition archéologique.

Nos remerciements les plus cordiaux s'adressent aussi à vous tous, Messieurs, qui nous avez donné un précieux gage de confraternelle sympathie, en répondant aujourd'hui à notre modeste invitation.

La Société Archéologique de Provence possède, comme son titre l'indique, un domaine fort étendu et comprend une région riche en reliques du passé; aussi, la tâche de notre jeune Compagnie s'est-elle trouvée plus vaste que ses ressources, mais grande est sa bonne volonté comme aussi son désir de bien faire. Ses efforts en témoignent déjà et, lorsque vous saurez, Messieurs, qu'en moins de trois ans, elle a pu assurer la publication d'un bulletin trimestriel, organiser des excursions dans la

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région et aussi à l'Etranger, récompenser des dévouements, entreprendre la carte archéologique au 20/1000e de la Provence, provoquer comme à Saint-Cyr (? Tauroentum) l'installation de musées communaux, assurer la conservation de quelques antiques, donner des conférences et ouvrir une exposition locale d'archéologie préhistorique, vous estimerez, peut-être, qu'elle a droit à quelque encouragement.

Aujourd'hui, la présence au sein de notre Société de collègues aussi distingués que vous est une de ces satisfactions morales dont je veux parler, une de celles qui réconforte le plus le coeur et l'esprit d'un groupe laborieux.

Oui, certes, l'inauguration de cette exposition, organisée à votre intention pour vous permettre de voir réunies sur un seul point plus de douze collections particulières représentant les découvertes préhistoriques et protohistoriques effectuées au cours de ces dernières années dans les Bouches-du-Rhône, le Var, Vaucluse et les Basses-Alpes, comptera à jamais parmi les jours heureux de nos annales.

C'est à notre éminent collègue et ancien président, M. Vasseur, que revient, pour cette exposition, non seulement l'honneur de l'idée, mais aussi sa réalisation.

Dans cette exposition, — la première du genre qui aie lieu à Marseille, — sont venues se joindre aux intéressantes découvertes de M. Vasseur, celles effectuées par MM. Arnaud d'Agnel, Baillon, Baux, Bout de Charlemont, Bresson, de Gérin-Ricard, Dalloni, Deydier, E. Fournier, Fontanarava, Moulin, Pauzat, Paul Plat, Repelin, Sauvagnant, etc. Nous remercions bien vivement ces collaborateurs dont le concours permet à notre Société de faire une petite manifestation scientifique à la veille de l'ouverture de l'Exposition Coloniale dont les collections ethnographiques ne peuvent manquer d'exciter aussi votre intérêt.

Je m'en voudrais, Messieurs et savants confrères, d'abuser d'un temps aussi précieux que le vôtre; je vous invite donc, sans plus tarder, à venir voir les collections exposées non sans vous souhaiter, au préalable, heureux voyage et bonne arrivée au port de Melkhart où vous accompagneront nos voeux les meilleurs et aussi quelques-uns d'entre nous, désireux de s'instruire au foyer de lumière qui, grâce à vous, va briller pendant plusieurs jours sur le majestueux et féerique rocher des Grimaldi.


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Enfin, Messieurs, la Société Archéologique envoie aussi en ce jour, par votre aimable entremise, un très respectueux salut, au prince savant et généreux sous l'égide tutélaire duquel vont se tenir vos assises, à S. A. S. Mgr le prince de Monaco, dont un des oncles, évêque de Condom, puis abbé commendataire de Saint-Victor de Marseille, a laissé ici un impérissable souvenir par ses libéralités princières envers les déshérités et envers nos hôpitaux qui lui doivent une de leurs plus importantes dotations.

Aussitôt après, les congressistes commencent la visite de l'Exposition. Devant leurs vitrines respectives, MM. de GérinRicard, Vasseur. Moulin, Repelin, Deydier, Bout de Charlemont, Arnaud d'Agnel, Dalloni, Baillon, etc., donnent chacun d'intéressantes explications (1).

SEANCE DU 10 MAI 1906

La séance est ouverte à 5 heures sous la présidence de M. DE GÉRIN-RICARD, président.

M. Jules BAILLON donne lecture du procès-verbal de la précédente séance. Le procès-verbal est adopté.

M. le Secrétaire annonce que la Société a reçu pour sa Bibliothèque les ouvrages suivants :

Les peintures et gravures murales des cavernes pyrénéennes, Altamira de Santillane et Maisoulas, par MM. E. Cartailhac et l'abbé Breuil, don de M. E. Cartailhac ; Collection du Bulletin de la Société Archéologique du Midi de la France; Épingles en bronze trouvées à Vers (Gard), par M. Gallien-Mingaud, don de l'auteur.

Communication de M. Paul Plat

SUR ONE STATION NÉOLITHIQUE SITUÉE A TARRIN, COMMUNE D'ORPIERRE

(Hautes-Alpes)

M. Paul Plat, membre actif, fait la communication suivante : Cette station est située sur la rive droite du torrent de Céans,

(1) Il sera inséré dans un des prochains Bulletins un compte rendu de cette exposition, par M. Cartailhac.


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à environ trois kilomètres à l'est du village d'Orpierre, sur un terrain argileux et très propre à la fabrication de la tuile et de la brique et qui a été exploité à différentes époques, ainsi que l'attestent de nombreux fours où l'on voit des quantités considérables de tuiles brisées et dont quelques-uns paraissent être de date assez récente.

Après que j'eus découvert la station de Prés-d'Abis, l'idée me vint qu'une autre station préhistorique pouvait bien exister à Tarrin, situé seulement à environ un kilomètre à l'ouest de Prés-d'Arbis ; en allant visiter cet endroit et avant d'arriver sur la station même et à cent cinquante ou deux cents mètres de cette dernière, je recueillis, gisant pêle-mêle sur le sol, quelques lames, éclats et racloirs de silex ; une partie des débris d'un beau vase sigillé ; quelques débris de poterie grossière à grains de sable appartenant très probablement à la période néolithique.

Arrivé sur la station, le premier objet que je recueillis fut une très belle pointe de flèche en silex blanc en forme de feuille de laurier et, tout près de celle dernière, un autre silex effilé par éclats qui devait être un poinçon. Je découvris successivement une quantité considérable de débris de haches en pierre polie, cassées très probablement en cours d'usage ; beaucoup d'éclats et des silex travaillés parmi lesquels se trouvaient surtout des poinçons, des lames, des racloirs et des pointes de flèches toutes plus ou moins bien finies, mais toutes en forme de feuille de laurier. Je recueillis aussi plusieurs pierres rondes très dures qui, très probablement, avaient dû servir de broyeurs ou de percuteurs et qui portaient des traces d'usage ainsi qu'un fragment de massue en pierre noire, mais pas très dure, qui avait été perforé dans le milieu probablement pour l'emmancher. J'ai remarqué la présence sur cette station de grosses pierres très dures et aplanies d'un côté par piquage. J'ai vu des pierres semblables dans plusieurs autres stations, mais j'ignore à quel usage elles pouvaient être destinées ; les plus petites pouvaient avoir 0m 15 et les plus grandes 0m 40 de diamètre.

J'ai recueilli dans celte station plusieurs fragments de bronze parmi lesquels se trouve un poinçon de six centimètres de longueur, ressemblant à une alène de cordonnier, et quelques débris de plaques qui avaient l'air d'avoir été stampés.

J'ai remarqué à certains endroits des quantités considérables d'os qui paraissaient brisés intentionnellement, au-dessous, et


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tout près de ces ossements se trouvait de la terre brûlée. En remuant cette terre, j'ai recueilli du bois carbonisé que j'ai reconnu pour être du sapin (cette essence n'existe plus dans le pays) et une quantité considérable de fragments de vases en poterie grossière à grains de sable. Tout autour de ces foyers, il existe une épaisse couche d'argile qui paraît avoir été battue et pétrie ; sous l'action du feu, elle est devenue dure comme de la brique.

Ces foyers, autant qu'on peut en juger en tenant compte de la perte du terrain qui, en cet endroit, a été raviné par les eaux, devaient avoir de 1m 50 à 2 mètres de largeur sur plus d'un mètre de profondeur. Les fouilles de ces foyers ont toutes donné le même résultat : de la terre brûlée, du bois carbonisé et une grande quantité de fragments de vases en poterie grossière à grains de sable, le tout mélangé à de petits débris d'ossements.

Un quatrième foyer ou plutôt un fond de cabane a donné, mélangés avec de la terre brûlée et du bois carbonisé, plusieurs lames et racloirs en silex, des fragments de hache polie, des broyeurs, des pierres plates de différentes grosseurs qui ont certainement été utilisées, des sortes de pierres en grés très tendre qui s'effritent facilement et qu'on broyait, peut-être, pour mettre dans la poterie à grains de sable ; des fragments de poterie dont un porte comme ornement des points en relief ; une anse qui ressemble à celles des écuelles en terre, d'un usage très répandu dans la région au commencement du siècle dernier. Ces débris de vases sont tous en poterie grossière à grains de sable. J'ai trouvé aussi là quelques os assez gros qui n'ont pas été déterminés.

Je n'ai pu avoir qu'une seule hache en pierre polie, intacte, venant de Tarrin ; elle a été trouvée par M. Cécilien Maigre, propriétaire du sol. C'est une très belle pièce, en pierre grise, polie sur les deux faces et piquée sur les côtés. Elle mesure 0,145 millimètres du tranchant au talon.

J'ai trouvé, sur la station de Tarrin, une petite monnaie en bronze de la colonie romaine de Cavaillon portant, à l'envers, la tête du Peuple personnifiée avec la légende COL et, au revers, la tête de la nymphe Cabellio entourée d'une couronne de laurier, avec la légende C A B, ainsi que deux palards du pape Clément VIII, frappés à Avignon.

Il existe encore à Tarrin, un fonds de cabane, dont on voit les


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murs en pierres sèches qui sortent de terre et que je me propose de fouiller dès que j'en aurai le temps.

Conclusion.

En examinant les objets recueillis dans la station de Tarrin et ceux trouvés dans le gisement de Près-d'Abis,on conclut que ces stations proches l'une de l'autre n'appartiennent pas à la même période. Les pointes de flèche de Près-d'Abis sont toutes à ailerons ou en forme de feuille d'orme; celles de Tarrin, au contraire, sont toutes en forme de feuille de laurier. A Tarrin, on trouve beaucoup de poinçons destinés sans doute à percer les peaux, et on n'en trouve pas trace à Près-d'Abis. On rencontre des quantités considérables de haches brisées à Tarrin, tandis qu'on en trouve très peu à Près-d'Abis. Les fragments d'objets en bronze, découverts dans les deux stations n'ont également aucune ressemblance.

La séance est levée à 6 h. 30.

SÉANCE DU 7 JUIN 1906

La séance est ouverte à 5 h. 30, sous la présidence de M. DE GÉRIN-RICARD, président.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

M. LE PRÉSIDENT proclame l'admission, comme membre actif, de M. AVON, instituteur, présenté par MM. de Gérin Ricard et Bout de Charlemont.

M. LE SECRÉTAIRE annonce que la Société a reçu les ouvrages suivants :

Portugalia-Materiaes o estudo do povo portuguez ; La grotte de Scey-en-Varais (Doubs), par M. E. Fournier, don de l'auteur; Les Hôpitaux à Aubagne, par M. Vincent, don de l'auteur ; Bulletin de la Société des Sciences naturelles et d'Archéologie de l'Ain (4e trim. 1905-1er trim. 1906).


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Commission des Excursions.

M. LE PRÉSIDENT propose de nommer une Commission des Excursions, composée de cinq membres.

Il en est ainsi décidé.

Sont élus membres de cette Commission : MM. Gondrand, Hillereau, Magnan, Mounet et Ruat.

Conférence de M. E. Cartailhac.

M. LE PRÉSIDENT informe l'Assemblée que M. E. Cartailhac, correspondant de l'Institut, membre d'honneur de la Société, fera, au cours de la séance publique que la Société tiendra le 13 juin, dans le grand amphithéâtre de la Faculté des Sciences, une conférence sur le Préhistorique de la Sardaigne.

Congrès des Sociétés savantes de Provence.

M. de Gérin-Ricard est délégué, pour représenter la Société, au prochain Congrès des Sociétés savantes de la Provence, qui se réunira à Marseille à l'occasion de l'Exposition Coloniale.

Communications de M. Bout de Charlemont.

M. BOUT DE CHARLEMONT, membre actif, fait les communications suivantes :

Aubagne.

En faisant tout récemment une découverte d'argile dans des carrières appartenant à M. Merlat, fabricant potier à Aubagne, à 2m 50 environ au-dessous du niveau actuel et à 1 mètre au-dessus de la eouche argileuse que l'on recherchait, on a mis au jour un tombeau en pierres plates de 0m 015 d'épaisseur, long de 1m 50 environ et recouvert de briques plates à rebord. Dans ce tombeau, détruit tout aussitôt par les ouvriers, était un squelette dont les fragments, que je vous ai apportés, seuls ont pu être sauvés. Ce sont: la boîte cranienne, la mâchoire inférieure à laquelle adhèrent encore quelques dents, les deux fémurs, les deux clavicules, un métacarpe, un radius et un


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cubitus. Il est regrettable que tous les os du bassin aient été dispersés; mais des dimensions des ossements qu'on a pu cependant recueillir, de l'état d'usure des dents, dont plusieurs sont cariées, de la disparition presque complète des sutures crâniennes, de la forme du crâne, je crois qu'on peut conclure, sans crainte de beaucoup se tromper, que nous sommes en présence des restes du squelette d'une femme et d'une femme âgée, à crâne dolicocéphale et un peu prognathe.

Il n'a pas été possible de savoir si le tombeau renfermait quelques objets : bagues, bracelets ou vases. Ces objets, s'ils existaient, ont passé inaperçus et il était matériellement impossible de les rechercher dans les déblais où ils étaient déjà recouverts de près de 50 mètres cubes de terre quand j'ai été avisé.

On a trouvé, dans les environs du tombeau, les deux cailloux ronds que voici et qui sont semblables à ceux dont se servent encore les potiers actuels pour malaxer leurs émaux, semblables aussi à ceux que j'ai recueillis dans les fouilles que j'ai faites à Aubagne, chez M. Richard. C'est bien peu de chose comme indication, mais cela pourrait cependant laisser supposer qu'à l'époque où est mort et a été enterré l'être dont nous retrouvons aujourd'hui les ossements, il y avait déjà là une fabrique de poterie, fabrique où l'on employait les émaux.

On n'a rien découvert de plus, rien signalé, du moins jusqu'ici dans les environs de ce tombeau qui paraît absolument isolé. C'est donc une sépulture particulière.

Lascours.

Entre la source de la Curasse et la grotte de Lascours, et aux environs de l'endroit où j'ai découvert la petite coupe robenhausienne que j'ai présentée jadis à la Société et qui a figuré à notre exposition archéologique, j'ai, dans une récente et charmante promenade faite de compagnie avec M. Vasseur, recueilli les divers fragments de poterie que je vous présente aujourd'hui. Dans ces spécimens, nous trouvons de la poterie ligure, de la poterie grecque représentée, il est vrai, par deux bien petits et bien détériorés échantillons, et de la poterie probablement romaine. A l'égard de cette dernière, M. Fournier dit, d'ailleurs, dans la feuille des jeunes naturalistes, n° 269, avoir relevé à Lascours des débris de certains vases énormes très voisins des


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dolia romains, sinon identiques. Dans les Cavernes des environs de Marseille, page 281, il est plus affirmatif encore et dit que la station a été occupée, jusqu'à l'époque romaine, comme le démontre, selon lui, les nombreux fragments d'urnes qu'on y rencontre. Je suis de son avis et c'est pour moi un exemple de plus de la succession des mêmes civilisations dans tous les lieux que nous habitons actuellement, comme à Aubagne, comme à Tauroentum, comme en tant d'autres endroits. C'est du reste un événement, tellement naturel, qu'à peine a-t-il besoin, à mes yeux du moins, de démonstration et que les faits et les découvertes faites ou à faire ne peuvent que le corroborer.

Tous les débris que l'on rencontre sur la pente, sont tombés du sommet où l'on reconnaît facilement les traces de l'oppidum signalé par M. Fournier et à l'abri duquel s'étageaient, sur la pente, les habitations dont nous retrouvons aujourd'hui les murs éboulés, véritable nid d'aigle d'un abord presque inaccessible et d'où l'on dominait le verdoyant vallon qu'arrosait, qu'arrose encore et vivifie toujours la petite source de la Curasse.

Tauroentum

Je dépose sous vos yeux les dernières trouvailles que j'ai faites à Tauroentum,

Ce sont d'abord trois objets trouvés par moi dans le terrain que j'ai acheté en ces lieux et qui étaient accompagnés de nombreux fragments de briques à rebord, de pierres à bâtir portant des traces de ciment, de quelques fragments de dolium et d'un fond d'amphore avec partie de la panse.

Les deux premiers de ces objets sont des opercules d'amphoïes dont l'un est curieux en ce sens qu'il est ovale. Le troisième est une partie d'un beau vase sigillé trouvée en plusieurs fragments que j'ai recolés. Ce vase, qui devait être d'un grand luxe de décor» porte, comme vous pouvez le voir, un ornement fort élégant et que je n'ai pas encore remarqué sur aucun de ceux que j'ai trouvés en si grande abondance là-bas. Un fragment figuré à la planche I de l'ouvrage de Magloire Giraud sur Tauroentum porte le même motif.

Tous ces débris ont été rencontrés mélangés à de la terre et sous une couche de sable rapportée de 40 centimètres environ, dans laquelle était cette coquille. La couche détritique que l'on

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peut voir encore en coupe dans mon terrain n'a guère plus de 30 centimètres d'épaisseur et ne paraît être due qu'à des déblais transportés d'ailleurs. Je n'y ai, en effet, trouvé ni les débris de marbre, ni les cubes de mosaïque, ni les autres fragments de vases de prix qui auraient dû accompagner ce beau spécimen, s'il avait servi et avait été brisé en ces lieux mêmes.

Un peu partout, j'ai recueilli les divers autres fragments de vases sigillés que voici : notamment ce fond de pot qui porte en belles lettres d'une empreinte fort nette, le nom du fabricant et de la fabrique, OF. LUCCEI. Cet autre fragment, qui a dû appartenir à un vase de la décadence, si j'en juge par la teinte moins vive et moins claire de la couverte et par la moindre finesse du grain, porte les membres inférieurs de deux personnages, dont un au moins drapé. Un autre fragment montre un personnage au torse cambré et portant un panier, mais donc la tête manque malheureusement. Un autre, qui a dû séjourner pendant très longtemps à l'air et que j'ai pourtant trouvé enfoui, porte, audessus d'une frise de coquilles un lion courant et un autre bizarre animal. La couverte qui a été attaquée par l'air, est en grande partie écaillée, ce qui permet de lavoir en épaisseur. J'ai lu dans les auteurs que l'enduit des vases de Samos faisait tellement corps avec la pâte qu'on n'était pas parvenu à séparer l'un de l'autre. Ce fragment de vase infirmerait celte assertion, car il est très facile avec une pointe d'en détacher l'enduit par parcelles. Un autre fond de vase porte un nom de potier, mais je n'ai pu le déchiffrer. De l'autre côté, sur la surface plane et externe du fond du pot, on remarque deux lignes perpendiculaires tracées à la pointe.

Les divers autres fragments de vase sont également intéressants par leurs décors aussi variés qu'élégants, dans les compartiments desquels on retrouve les scènes de chasse ordinaires, le chien, le lièvre courant, des oiseaux posés, des lions, des arabesques et des enroulements.

J'ai recueilli en outre un moule de bouton en poterie ou en verre. J'en avais précédemment trouvé un en pierre ; je les ai apportés tous deux.

A mentionner aussi divers morceaux de briques ou de vases en terre réfractaire à surface chagrinée extrêmement cuite, un morceau de verre noir et plat très curieux par ses irrisations, mais malheureusement trop petit pour qu'on puisse juger à quel objet


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il a appartenu, enfin un morceau de poterie indigène à tubercules, à rapprocher de cet autre trouvé également à Tauroentum.

Communications de M. de Ville d'Avray

Monument de la Turbie.

M. le LIEUTENANT-COLONEL DE VILLE D'AVRAY communique des croquis sur les quelques vestiges d'inscriptions et des débris d'architecture appartenant au monument triomphal de la Turbie, découvert récemment au cours des fouilles pratiquées par M. Philippe Casimir.

Bijou Romain découvert en Provence.

M. de Ville d'Avray signale la découverte faite par lui à Fréjus d'une émeraude romaine avec personnage gravé dont il a donné une description avec figure, dans les annales de ta Société d'Etudes Provençales (1905, p. 259).

« La prime d'émeraude étant on ne peut plus rebelle au poinçon du graveur, cette intaille antique elliptique, forme fréquente chez les Romains, est fort petite, et d'un remarquable dessin. Ne pesant que 0 gr. 15, sa petitesse augmente considérablement sa valeur.

« L'intaille représente croyons-nous un gladiateur, le torse nu, c'est-à-dire avec l'équipement Thrace, ou bien un Myrmillon, le bras droit levé, le gauche encore armé du grappin, le pied sur la gorge du vaincu. Comme nous l'écrivions à nos collègues de la Société des Études Provençales, n'est-ce point là le geste si connu du « pollice verso » reproduit dans le célèbre tableau de Gérôme ? Quoiqu'il en soit (car nous ne sommes pas sûr de notre interprétation), nous avons tenu à signaler avec quelques détails la découverte de ce bijou romain rarissime, objet d'art du plus réel Intérêt, et trouvé sur les ruines de l'antique Forum Julii. »

Excursion à Montmajour et Cordes.

MM. Bouchinot et Pranishnikoff sont chargés de diriger l'excursion publique du dimanche 24 juin, ayant pour but la visite de Montmajour et de Cordes.

La séance est levée à 7 heures.


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SÉANCE PUBLIQUE DU 13 JUIN 1906

La séance est ouverte à 9 heures du soir, dans le grand amphithéâtre de la Faculté des Sciences, mis gracieusement à notre disposition par M. le Doyen, environ trois cents personnes y assistaient. M. de GÉRIN-RIUARD préside, ayant à ses côtés M. E. CARTAILHAC, correspondant de l'Institut, membre d'honneur de la Société ; MM. MOULIN et REPELIN, vice-présidents et M. BAILLON, secrétaire.

M. le Président prononce les paroles suivantes :

MESDAMES, MESSIEURS,

C'est par un juste tribut de remerciements au distingué doyen de cette Faculté pour la généreuse hospitalité qu'il nous donne ce soir, que j'ouvrirai cette séance.

Une vieille coutume veut que celui qui préside une conférence présente à l'auditoire le conférencier, même lorsqu'il n'a nullement besoin d'être présenté, et, c'est ici le cas.

M. Cartailhac, en effet, est non seulement le savant que tous connaissent par ses importants travaux sur le préhistorique, mais il est de plus noire concitoyen de naissance.

Vous savez tous que notre hôte de ce soir est plus qu'un artisan de la science préhistorique et qu'il appartient aux créateurs de cette science, encore nouvelle, née en France; j'ai à peine besoin de vous le rappeler. Aussi, n'ayant rien à vous apprendre sur l'érudit correspondant de l'Institut, je vous demanderai la permission, après lui avoir renouvelé l'expression de notre reconnaissance pour la véritable joie que nous cause sa présence ici, de vous dire un mot de notre jeune Société Archéologique ; elle surtout a besoin d'être présentée.

Il y a moins de deux mois, notre Société inaugurait au Palais de Longchamp une exposition locale d'archéologie préhistorique, organisée par elle, sur l'initiative de son savant présidentfondateur M. Vasseur. Celte manifestation, — la première du genre dans notre région, — avait lieu en présence des membres


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du Congrès International d'Anthropologie et d'Archéologie Préhistorique qui se rendaient à Monaco.

A cette occasion, j'indiquais à nos distingués visiteurs le but de notre groupe, ce qu'il avait fait, ce qu'il comptait faire et l'espoir qu'il avait d'être encouragé dans sa tâche.

J'ajouterai aujourd'hui que ces encouragements ne lui ont pas manqué, puisque, comme je viens de le dire, il a reçu la visite des membres d'un important congrès, puisque le Conseil général et la municipalité, à qui nous sommes heureux d'exprimer publiquement notre reconnaissance, ont, par des subventions, permis à la Société de remplir utilement son programme; enfin, puisqu'un des chefs les plus autorisés de la Préhistoire a bien voulu consentir à entreprendre un long et fatigant voyage pour venir nous initier avec éloquence à la préhistoire de la Sardaigne.

Voilà pour ce qui touche notre Société, sur laquelle j'aurai encore assez à dire, mais ma sollicitude pour elle ne doit pas me faire oublier que le but de la présente réunion est de vous permettre d'écouter notre distingué conférencier, ce que je fais sans plus tarder.

Vous pouvez donc, Monsieur et cher maître, prendre la parole en toute confiance devant un public des plus sympathiques, impatient de vous entendre, tout prêt à vous applaudir.

Conférence de M. Emile Cartailhac

LA SARDAICNE PRÉHISTORIQUE et SES RAPPORTS AVEC LES ILES VOISINES

M. E. CARTAILHAC, après avoir chaleureusement remercié la Société Archéologique de Provence et son Président, tient à ajouter que sa satisfaction est grande de faire partie d'une association marseillaise et de prendre la parole devant un auditoire maiseillais. Il est né dans leur ville. Dans la demeure de son grandpère maternel, qui fut longtemps armateur et négociant, il trouvait, étant enfant, quantités d'objets apportés de fort loin par les marins de la maison, des curiosités de l'Inde et des Antilles qui excitaient et retenaient son attention, qui lui donnaient le goût de l'histoire naturelle et des collections. Il se faisait aussi une grande joie d'aller au Musée, qui était déjà,.fort riche. Plus tard, lorsque sa vocation fut en quelque sorte décidée, lorsqu'il acquit


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en 1869 les matériaux pour l'histoire primitive de l'homme, fondés par M. G. de Mortillet, un de ses premiers collaborateurs fut Marion qui devait devenir le naturaliste éminent dont Marseille s'honore et qu'elle regrette. Plus tard encore M. Cartailhac put faire en Provence une des plus belles fouilles de sa vie, avec Cazalis de Fondouce, dans une des allées couvertes des environs d'Arles. Aujourd'hui l'étude archéologique des grottes de Grimaldi près Menton lui a été confiée et l'oblige à revoir attentivement toutes les découvertes effectuées dans le sud-est de la France. Il se réjouit de constater qu'une société archéologique spéciale à cette vaste région se développe pleine d'avenir, avec l'appui des maîtres de la Faculté des Sciences qui lui inspirent déjà une saine méthode, un bon esprit critique, une féconde activité.

La petite, mais remarquable exposition d'archéologie préhistorique ouverte, cette année, au Musée d'histoire naturelle de Marseille est un premier service rendu au public par cette jeune Société et par son fondateur, M. Vasseur. On y voit, entr'autres, des objets précieux dont M. E. Cartailhac aura l'occasion de parler, ce soir même.

Invité à faire une conférence, il a choisi pour sujet la Sardaigne, qu'il a naguère visitée longuement, et dont les relations archéologiques avec quelques îles voisines offrent le plus haut intérêt. M. Cartailhac, depuis plus de vingt ans, s'attache à noter tout ce que l'on découvre sur les anciennes populations de la Méditerranée. Il a publié un ouvrage, très illustré, après son exploration de l'Espagne et du Portugal, puis un autre sur les Baléares. Il arrivait donc en Sardaigne déjà documenté. Il pouvait observer les analogies et les dissemblances et tirer de ces comparaisons des lumières nouvelles.

On est très étonné des différences archéologiques de la Corse, de la Sardaigne, des Baléares, du groupe de Malte, de la Sicile et de l'îlot Pantellaria. Il y a des liens établis par des monuments grandioses entre les Baléares et le groupe de Malte, en second lieu entre la Sardaigne, les Baléares et Panlellaria. Des grottes sépulcrales, creusées dans les rochers, abondent dans la Sicile, la Sardaigne, les Baléares. La Sicile n'a, d'ailleurs, aucun de ces édifices singuliers qui caractérisent les autres îles. La Corse en est également privée ; en revanche on y voit quelques dolmens, et ces tombes enéotithiques se rencontrent aussi chez sa proche voisine, et pas ailleurs.


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Pourquoi ces différences très nettes ; on ne sait. Elles correspondent à ce fait que des races et des peuples divers ont habité ces îles. On a beau interroger les lointains souvenirs de l'histoire, elle ne sait plus rien. C'est l'archéologie seule qui peut éclairer plus ou moins la nuit d'un long passé. Nous verrons ensuite si les rares légendes s'accordent avec les faits entrevus.

Les Baléares, la Sardaigne, la Sicile offrent des myriades de grottes artificielles ; leurs falaises, maintes collines y sont criblées de trous. Les plans de ces souterrains funéraires sont les mêmes, ils ont souvent des complications sem lables, d'autant plus intéressants qu'on voit ce même plan passer aux constructions cyclopéennes des îles, et qu'on le retrouve sur le continent aux environs d'Arles, par exemple; au nord; en Portugal et en Espagne; à l'ouest et à l'est dans une partie de l'Asie Mineure. Il ne manque pas au nord de l'Afrique. Tout nous indique la durée de la civilisation qui les vit creuser et qui était celle de la fin de l'âge de la pierre et de l'aurore de l'industrie des métaux, du cuivre et du bronze. Il est possible que cette civilisation soit partie de la vallée du Nil.

Les mobiliers funéraires, à Minorque, ont été détruits. Ceux de la Sicile, récemment exhumés par un explorateur, de premier ordre et très heureux, M. Orsi, montrent des phases industrielles successives et prouvent des origines certaines dans la Méditerranée orientale. On vient d'arriver, pour la Sardaigne, aux mêmes constatations.

Les étrangers trouvèrent les îles habitées depuis longtemps. Il y avait des néolithiques plus ou moins sauvages, venus on ne sait d'où, ni comment. Le silex, cette matière première des industries primitives manquait ou était mauvais. En revanche on avait des obsidiennes, ce verre fourni par les volcans, qu'on utilisait au mieux, mais qui ne favorisait guère le progrès. Les primitifs les plus misérables paraissent avoir été ceux de Pantellaria; cependant ils ont laissé des fortifications et des cabanes funéraires en pierres sèches, oeuvres habiles de grande patience. Les susdites cabanes sont des imitations, dirait on, de grottes artificielles; on les a ménagées dans de véritables collines artificielles, elles ont la même entrée surbaissée et aussi la forme d'un four avec une galerie d'accès.

Ces tombes apportent une indication. Parce qu'une peuplade est encore primitive, munie d'un pauvre outillage, elle n'en est


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pas moins capable de construire remarquablement les monuments que réclament ses moeurs et qui ont bravé les siècles. L'Océanie nous a fait quelquefois la même démonstration.

Les tombes édifiées aux Baléares se rattachent aux sesi de Pantellaria, au plan des grottes artificielles ; sans doute elles sont aussi de l'âge de la pierre à son déclin, mais elles sont les plus imposantes de toutes les îles. Il y a de ces navetas (ainsi nommées à cause de leur ressemblance avec un bateau retourné), dont les pierres sont équarries avec soin, très bien appareillées. A l'intérieur, on trouve une étroite antichambre devant la porte de la chambre sépulcrale, de l'ossuaire. C'est un plan analogue à celui que présentent la grande allée couverte de la montagne de Cordes en Arles qui est de l'aurore de l'âge du cuivre ou du bronze, et les grottes de la Marne plus anciennes.

M. Cartailhac n'a pas vu un seul dolmen aux Baléares, mais l'agriculture dans ces îles est une ennemie puissante des vestiges du passé.

Les constructions qui ont triomphé des injures du temps et des hommes, à Mayorque et à Minorque, sont surtout des tours, dites Talayots, ce qui signifie vigie. Ce sont des lieux de refuge et de défense, très provisoires car l'espace intérieur y est fort réduit. Navetas et talayols avoisinent souvent. Les talayots sont aussi construits en blocs énormes, taillés par grande exception comme les navetas, ayant des caractères architectoniques identiques. L'entrée des navetas est basse, celle des talayots est normale. Celte différence est absolue.

Les tours, toujours incomplètes de leur partie supérieure, sont encore au nombre d'une centaine à Minorque ; la culture n'en a pas épargné autant à Mayorque.

Elles existaient déjà, au moins en partie, lorsque l'on construisit sur quelques sommets de Minorque des enceintes fortifiées, mégalithiques, surtout dans le parement extérieur, et englobant des séries de demeures faites avec de beaux blocs, mais où d'ordinaire on ne pouvait circuler debout. M. Cartailhac, qui a découvert une dizaine de ces bourgades analogues à celles de Mycènes ou de Tyrinthe, a remarqué dans toutes un édifice plus soigné, grandiose, qui pourrait être le sanctuaire ou le palais du chef. On admire surtout les grands piliers qui soutenaient la voûte par encorbellement et qui sont encore debout. Lorsque la muraille rencontre un talayot elle l'utilise ; elle est


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visiblement plus récente. Il paraît probable, en revanche, qu'elle est antérieure au monument mystérieux central. Or celui-ci se retrouve dans le bassin méditerranéen. Nous l'avons à Gozzo près Malte, seulement ici il est plus compliqué. Les monuments célèbres de cette île sont des groupes de chambres identiques à celles dont chaque ville minorquine n'a qu'un spécimen. On dirait aussi un assemblage de grottes artificielles. Les voûtes étaient soutenues par de hauts piliers irréguliers et les blocs se recouvraient par encorbellement. A Gozzo les sculptures ornementales des portes nous rappellent des spirales mycéniennes, et le style de quelques statues incomplètes nous fait songer aussi l'Orient, à l'Egypte et à une haute antiquité. Dans quel passé lointain se perd donc l'âge des talayots si, comme on le peut raisonnablement, on fixe à la même période les monuments de Gozzo et ceux des Baléares.

Dans les ruines des talayots et de leurs villes, les agriculteurs illettrés ont peu récolté d'antiquités ; on a cependant un petit nombre d'objets isolés, mais aussi deux grandes cachettes de bronzes.

Parmi les premiers il faut citer un legs de l'âge de la pierre in fine, un silex semblable aux tranchets dentelés des faucilles d'Ilion de ta collection Schlieman, et des faucilles primitives de la Chaldée et de l'Egypte, et aussi des belles stations préhistoriques d'Alméria (Espagne), des ex-voto en plomb que M. Cartailhac n'a compris que vingt ans après, lorsque Arthur Evans eut publié ses premières découvertes en Crète ; ces plombs sont l'image de l'autel cornu, classique aujourd'hui et qui nous rejette aussi vers un lointain passé, vers la civilisation minoenne. Les bronzes d'une des cachettes étaient, entre autres, des têtes de vache, soeurs de la tête de vache volive et célèbre de Mycènes, et de petits disques en bronze qui ne pouvaient pas être d'abord compris et qui sont des boucliers votifs très menus. La Crète a fourni aussi des boucliers votifs dans les reliques de ses sanctuaires primitifs.

Tout confirme donc les indications favorables à l'ancienneté des tours étranges des Baléares.

La Sardaigne, sous le nom de Nuraghes, a les mêmes édifices. Le sens du mot est analogue à celui de jayantière, oeuvre des géants, donné aux dolmens du Quercy. Ils sont d'une construction plus uniforme que les talayots et comme eux et mieux

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qu'eux sont des abris de guet et défensifs. Ils révèlent, les uns et les autres, la mentalité de peuples affolés par les corsaires marins, peut-être aussi en incessantes luttes intestines, comme nous savons, qu'étaient les habitants de la Grèce. M. Cartailhac décrit ces nuraghes dont les murs, épais de quatre mètres en moyenne, sont faits de blocs énormes, très rarement dégrossis ; trois étages voûtés sont accessibles par des escaliers ménagés dans les murs ; la partie supérieure est toujours disloquée; souvent il ne reste que la base du cône, quelque volumineux qu'il ait été. Les bergers sardes sont de patients démolisseurs !

Simples tours d'abord, les nuraghes ont reçu des additions quelquefois considérables. On les a flanqués de tours moins hautes, et le tout, entouré d'un gros rempart, est devenu une forteresse pouvant abriter des centaines d'hommes dans ses souterrains.

Le pays est couvert de nuraghes. Dans quelques belles vallées ils sont semés partout ; certains plateaux en offrent une couronne dominant toutes les pentes, protégeant tous les abords. Il y en a des milliers dans la partie occidentale de l'île principalement.

Une seule fois M. Cartailhac a trouvé autour d'un immense nuraghe une ville mégalithique endormie dans un bois presque impénétrable, entourée des lambeaux de sa muraille cyclopéenne. C'est au centre de l'île, près de Nuoro. On dirait que cette ville a duré jusqu'à la période des Phéniciens, car on y voit une superbe citerne en pierres taillées. Ces ouvrages sont, en effet, des importations qu'on leur attribue. Mais nulle part la Sardaigne ne montre l'édifice particulier de Gozzo et des villes de Minorque.

Au voisinage des nuraghes, et contemporaines à première vue, fréquemment se rencontrent des tombes mégalithiques d'un aspect spécial et impressionnant. C'est une longue allée couverte, plus ou moins enfouie au niveau du sol, mais précédée d'une grandissime pierre ouvragée et creusée d'une porte d'entrée tout à fait basse. A droite et à gauche, disposées comme deux bras, des pierres dressées forment un hémicycle.

Casalis de Fondouce a retrouvé dans le Midi ce type de sépultures, mais plus simples. Elles sont de l'âge du bronze.

Il y a enfin en Sardaigne des allées couvertes, comme les nôtres à peu de chose près, et même quelques dolmens ont été


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naguère signalés. On cherche vainement ailleurs les dépouilles mortelles des constructeurs des muraghes.

En rapport avec ces cryptes funéraires sont des menhirs qui offrent un singulier détail. Ils ont des seins en relief et ce que nous savons des images humaines néolithiques et énéolithiques de notre Gaule, du Gard par exemple, nous permet de reconnaître que ce sont des statues menhirs, des représentations féminines. D'autres menhirs voisins n'ont pas de seins et figurent les hommes.

Soit parce que les Sardes sont plus curieux et plus attentifs que les Espagnols, soit parce que leur île est plus riche en antiquités, ils ont fait beaucoup plus de découvertes d'objets mobiliers. Il y a de magnifiques collections à Cagliari et à Sassari.

Pas plus de traces de paléolithique que dans les autres îles de la Méditerranée. Au contraire, d'assez nombreuses haches de pierre polies attestent l'existence du néolitique mieux que les pointes de traits, le plus souvent en obsidienne, qui partout ont duré concurremment avec le cuivre ou le bronze. Il y a abondance de déchets de taille d'obsidienne autour des nuraghes, ce qui tend à les vieillir. Mais ils ont duré longtemps. Il y a aussi de nombreuses scories de bronze et des centaines d'objets de ce métal : armes, outils, parures, tantôt pareils aux spécimens de l'Italie ou du Continent, tantôt analogues à ceux de la Méditerranée orientale, tantôt franchement sardes. Il est certain qu'ici des influences extérieures ont créé la métallurgie, mais l'industrie locale a été très intense : elle a eu son autonomie, elle a eu ses créations. Peut-être cette part devra-t-elle être réduite lorsque nous connaîtrons mieux l'Asie Mineuse et son entourage.

Des moules enpierre pour la fabrication des bronzes ont été recueillis. Chose curieuse, ils ne correspondent pas toujours à des objets déjà vus, et en outre par leur forme et leur aspect ils se rattachent aux moules en creux d'Hissarlik, niveaux anciens. Voilà une précieuse indication.

II y a aussi des lingots de cuivre, ils sont signés d'une marque de fabrique. On connaît maintenant une belle série de lingots identiques exhumés des magasins royaux du palais de Minos; on les connaît en Egypte et en Grèce. On a leur date. Ce ne sont plus, comme on le croyait, les Phéniciens qui ont introduit la métallurgie en Sardaigne. Elle y était en honneur bien avant eux. La majeure partie des objets en bronze ramassés auprès


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des nuraghes remonte, d'après les inventaires chronologiques de Montelius, au milieu du deuxième millénaire avant J.-C. La concordance sur toute la ligne est frappante.

Mais la Sardaigne a mieux que des haches, des épées, des pointes de lance, des flèches; elle a livré une centaine de statuettes et nous révèle ainsi ses paysans, ses soldats, ses dieux. Ce sont des bronzes votifs, la main ouverte portée en avant, geste des suppliants. Ils ont un caractère sui generis que l'on reconnaît à première vue dans les collections de l'Europe. Images réalistes, modelées avec un grand respect de l'exactitude, couvertes de minutieux détails. Les costumes sont très soignés et fort étranges; l'armement est fidèlement reproduit. Nous reconnaissons le plus souvent, pas toujours, des armes que nous avons en originaux.

Tous les personnages que nous pouvons dater nous reportent à l'âge de bronze proprement dit. Voici, par exemple, un bonhomme conservé à noire Bibliothèque nationale, au Cabinet des Médailles. Il tient son sac sur le dos avec un bâton recourbé et fendu au bout. Ce bâton est le manche classique des haches en bronze à ailerons ou à rebords. Dans le « couffin » que la Méditerranée connaît toujours, il y a deux autres manches avec tous leurs détails, même leur ficelle, minutieusement ciselés. Cette statue était bien connue, publiée même, personne n'avait compris ces objets. Ils sont indiscutables. Or les haches à rebords sont nombreuses dans l'île. Les statuettes sont ainsi rattachées avec certitude à un matériel qui est de l'âge du bronze et de six ou sept cents ans plus ancien que l'arrivée des Carthaginois en Sardaigne.

Voici quelques bonshommes qui portent sur le dos, enfilé avec leur épée ou leur lance, un petit bouclier rond, de cuir ou d'osier tressé. Ce bouclier a un détail typique : son anneau de suspension. C'est un modèle de ce bouclier que nous avons aux Baléares avec la vache mycénienne votive. On ne les avait pas compris. Celle-ci date celui-là. Toutes les fois que l'on peut indiquer une époque, nous aboutissons aux mêmes périodes préhistoriques et d'une élude d'ensemble, il ressort que les constructions cyclopéennes, les nuraghes, sont réclamés dans le même passé.

La comparaison que M. Cartailhac a pu faire des antiquités sardes, dont il vient de parler, avec celles qui sont sorties en


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foule des villes et des nécropoles phéniciennes, carthaginoises de la côte, n'est nullement favorable à l'idée de contemporanéité. Il n'y a aucun point de contact, aucun mélange, aucun lien. M. Cartailhac se garde bien de dire qu'il peut donner des renseignements sur la civilisation des autochtones contemporains des colons africains. Ii ne nie pas que la civilisation ancienne a pu durer longtemps dans une île qui garde encore jalousement ses traditions, ses usages, ses coutumes. Il se borne à déclarer qu'en majorité les bronzes recueillis doivent remonter à des âges préhistoriques reculés et qu'on peut croire à une égale ancienneté des talayots et des nuraghes.

Pour lui nous commençons à peine à entrevoir l'archéologie primitive de la Méditerranée. Il faudra, pour y voir plus clair, connaître davantage et l'Espagne, et toutes les îles, et le nord de l'Afrique, et aussi le littoral européen.

Il ne terminera pas sans rappeler le souvenir d'un Marseillais, d'Alphonse Baux, avec lequel il fut lié affectueusement et dont le nom vivra dans l'histoire archéologique delà Sardaigne.Baux et ses parents s'occupaient des mines de la grande île italienne ils ont formé, en même temps, une belle collection qui est à Cagliari. Baux pratiqua des fouilles heureuses, il fit faire de très utiles analyses des bronzes, il publia d'excellentes notices. Il fournit d'abondants renseignements à M. Georges Perrot qui les a utilisés dans sa magistrale Histoire de l'Art. Son petit-fils a bien voulu laisser photographier, pour celte conférence, les objets qu'il conserve encore.

M. Cartailhac invite ses auditeurs qui voyagent, à faire un tour en Sardaigne. Que l'on choisisse la saison et l'on n'a rien à craindre du terrible moustique de la malaria. Que l'on n'ajoute pas foi aux histoires de brigands. Les étrangers sont aussi bien accueillis que protégés. La circulation y est plus sûre partout que dans certains quartiers de nos grandes villes. A portée des nombreuses stations des confortables chemins de fer, les merveilles naturelles abondent. Les visiteurs reviendront enchantés des habitants et du pays.

M. Cartailhac tient à ajouter un dernier mot : il souhaite aux archéologues qui voudront poursuivre ses explorations, un patronage semblable à celui que lui accorda généreusement l'aimable et savant géologue de l'Université de Cagliari, M. Lovisato, Italien de Trieste. Sur un signe de ce professeur


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populaire toutes les portes s'ouvraient, des mains amies se tendaient partout. M. Cartailhac a gardé de toutes les personnes qu'il rencontra, des fonctionnaires royaux et de nos deux consuls, le plus reconnaissant souvenir.

Ainsi se termine cette causerie constamment entrecoupée par des projections inédites. M. Cartailhac a rapporté une collection magnifique de photographies, de dessins et de plans. S'il n'a pas encore publié un choix de tous ces documents, c'est que la Sardaigne est vaste ; il voudrait bien y revenir, revenir aussi aux Baléares et combler, en partie du moins, des lacunes de son étude. Mais les archéologues italiens, notamment M. Taramelli, M. Pinça, M. Colini, se sont aussi attelés à cette besogne et avec un grand succès. Leurs publications se multiplient... et peutêtre rendront inutile celle d'un amateur français.

M. le Président remercie le conférencier en ses termes :

MESDAMES, MESSIEURS,

Il est difficile de se faire écouter après le maître que vous venez d'entendre, mais je dois me faire l'interprète des sentiments de tous pour remercier l'orateur du régal qu'il vient de nous procurer et du profit qu'il nous laisse sur les connaissances archéologiques d'une île méditerranéenne avec laquelle Massalia entretint des relations si suivies aux aurores de l'Histoire et, peut-être, même avant. L'étude des civilisations lointaines des Baléares, de la Corse, du Portugal et de l'Espagne a été rendue possible par les travaux de notre éminent conférencier et vous venez d'avoir la bonne fortune d'entendre de sa propre voix les enseignements que l'on doit retenir de ses recherches en Sardaigne.

Monsieur et cher concitoyen, au nom de nous tous, je vous dis du fond du coeur, merci, au revoir et je vous prie d'accepter ce modeste souvenir (L'Archéologie, de Vernier), comme gage de notre reconnaissance.

Aujourd'hui, et pour la première fois, notre Société tient une séance publique pour la distribution de ses récompenses ; elle profite, Monsieur, de votre présence parmi nous pour décerner ces marques d'encouragement à MM. Michel Doumens et Alexan-


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dre Poupeau qui s'en sont montrés digne par leur collaboration à des fouilles pratiquées dans les environs. Au premier, il a été attribué une médaille d'argent; au second, un diplôme d'honneur.

J'invite donc MM. Doumens et Poupeau à venir se faire couronner au bureau et je vous prie, Monsieur, comme membre d'honneur, de vouloir bien prendre cette présidence pour honorer nos lauréats.

SÉANCE DU 11 OCTOBRE 1906

La séance est ouverte à 5 h. 30 sous la présidence de M. DE GÉRIN-RICARD, président. Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

M. LE PRÉSIDENT proclame l'admission comme membres actifs de:

MM. BOURGEOIS, présenté par MM. Vasseur et Magnan ; Dr MONTEUX, présenté par MM. Ruat et Baillon.

Nouveau siège.

M. LE PRÉSIDENT explique à l'Assemblée que, sur le mandat qui lui a été donné, dans la séance de juin dernier, le Bureau a profité des vacances pour chercher un local plus en rapport avec l'importance prise par la Société.

Le nouveau siège est situé boulevard Longchamp, 63, et la location en a été consentie par un de nos nouveaux collègues, M. Bourgeois, pour une durée de huit années, à raison de deux cent cinquante francs l'an.

Ce local répondra à tous les besoins d'une Société comme la notre qui prend chaque jour une plus grande extension.

L'initiative individuelle a largement contribué à faciliter la tâche du Bureau, et la générosité d'un de nos collègues va faire de noire siège un confortable lieu de réunion où nous posséderons tout ce qui peut faciliter les recherches (cartes, archives, bibliographie) et développer l'intérêt de nos séances. (Projections, etc.).


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Congrès des Sociétés savantes de la Provence.

M. DE GÉRIN-RICARD, délégué au Congrès des Sociétés savantes de Provence, tenu en août à Marseille, à l'occasion de l'Exposition coloniale, fait un compte-rendu sommaire des travaux de ce Congrès et plus particulièrement des lectures faites à la section d'archéologie dont la première séance a été présidée par M. Clerc, la deuxième par M. de Gérin et la troisième par M. Labarde.

Plusieurs membres de la Société et notamment MM. Arnaudd'Agnel, Bout de Charlemont, Cotte, Cam. Jullian, Goby, Valérian, Vasseur, Ville-d'Avray, y ont fait de très intéressantes communications et observations.

Il faut se féliciter de la somme de matériaux contenus dans de petits et consciencieux mémoires apportés à ces assises scientifiques (comptes-rendus de fouilles, descriptions d'objets inédits, inventaires, etc.), beaucoup plus que des thèses de doctrine produites au dit Congrès et dont la valeur littéraire faisait tout le mérite.

Entr'autres résolutions, il a été décidé, dans la séance générale, qu'en principe, un Congrès régional de ce genre serait tenu tous les trois ans dans une des villes du Sud-Est.

Communication de M. Paul Plat

SUR UNE PATÈRE ROMAINE EN BRONZE TROUVÉE A IZON CANTON DE SÉDERON (Drôme).

Au mois de mars 1906, un homme, en défonçant son champ au lieu dit Le Moulin, commune d'Izon (Drôme), a trouvé sous une grosse pierre enterrée assez profondément, une patère en bronze appartenant très vraisemblablement à l'époque romaine.

Cette patère, qui n'est pas d'une très bonne conservation, est munie d'un manche. Elle mesure environ 16 centimètres d'ouverture dans le haut et 8 centimètres de profondeur ; elle va en se rétrécissant de haut en bas. Le manche a 14 centimètres de long et est percé d'un trou qui servait évidemment à suspendre l'ustensile. Le clou ou le crochet auquel on la suspendait a produit dans la partie du trou la plus rapprochée de l'extré-


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mité du manche, une trace d'usure appréciable. Le manche est orné de cercles en creux et en relief autour du trou et de lignes en creux sur les bords ; il porte également comme ornement, dans le milieu, de petits cercles et demi-cercles en creux. Ce manche a été réparé avec du plomb fondu et deux plaques de cuivre maladroitement enroulées. Celte patère est fendue à différents endroits.

Le fond porte également des réparations au plomb fondu et offre comme ornements intérieurs et extérieurs des cercles en creux et en relief très prononcés obtenus probablement au moyen d'un tour.

La panse du vase est ornée de cinq traits en creux parallèles et bien réguliers, faits également un tour. Il en existe deux dans le haut et trois dans le bas.

Le fond va en s'élargissant de haut en bas et les bords dessinent une saillie gracieuse et de très bonne exécution. Ce vase a dû être entièrement poli et façonné au tour.

Il y a quelques années, un cultivateur du hameau du Brusq, commune de Pouret (Hautes-Alpes) — Pouret est situé à environ 20 kilomètres à l'est d'Izon — après avoir sorti de terre un gros bloc qui se trouvait dans son champ, découvrit sous cette pierre un plat en bronze assez grand, mais ne portant aucun ornement.

Etait-ce pour les cacher qu'on enfermait ainsi ces objets, ou faut-il voir dans cette pratique l'effet d'une superstition ? Cette question serait intéressante à éclaircir.

Excursion publique.

L'Assemblée charge la Commission des excursions d'organiser une course ayant pour but la visite de Gros-Majour, Pisavis et Salon. M. Isidore Valerian est chargé de la diriger.

La séance est levée à 7 heures.

SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1906

La séance est ouverte à 5 h. 30 sous la présidence de M. DE GÉRIN-RICARD, président.


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M. BAILLON donne lecture du procès-verbal de la précédente séance, qui est adopté. M. LE PRÉSIDENT proclame l'admission de :

MM. AUVERGNE, présenté par MM. Magnan et Dr Bastide.

AUTOFAGE, industriel, présenté par MM. de Gérin etMounet.

DE LAROQUE, professeur départemental d'agriculture, présenté par MM. Vasseur et de Gérin.

Dr DUVIARD, présenté par MM. Vasseur et Bout de Charlemont.

GRAS, professeur à l'École Rouvière, présenté par MM. Vasseur et Mounet.

LIEUTAUD, président des « Amis du Vieil Ailes », présenté par MM. Magnan et Bouchinot.

MASTON, licencié ès lettres, présenté par MM. Mounet et Baillon.

VARALDI , François, ingénieur-chimiste, présenté par MM. Vasseur et le colonel de Ville-d'Avray.

M. LE SECRÉTAIRE a reçu deux photographies, l'une représentant un sarcophage découvert en 1905 à La Ciotat, et l'autre, une urne funéraire trouvée à Tauroentum (don de M. Bout de Charlemont).

Communications de M. Bout de Charlemont.

M. Bout de Charlemont fait les communications suivantes :

FOUILLES A TAUROENTUM

J'ai fait à Tauroentum, dans le terrain que j'y possède, de nouvelles fouilles qui ont donné des résultats intéressants, résultats que je vous demande la permission de vous exposer, comme suite à mes précédentes communications sur le même sujet.

Dans la partie déclive de mon terrain, au ras de la roule de la Madrague, en un point voisin de la grotte sépulcrale qui est dans la propriété de notre collègue M. Cachard, lieu signalé déjà sur le plan général des ruines qui accompagne et complète l'ouvrage de Magloire Giraud, j'ai mis à découvert les restes

(1) Voir Bulletin de la Société Archéologique, n°s 6 et 7.


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d'une construction ancienne dont j'ai sorti près de 50 mètres cubes de pierres à bâtir. J'ai dégagé ainsi un sol bétonné et environné de murs de longueurs indéterminées, la construction se prolongeant, d'un côté, dans le terrain Cachard et ayant, de l'autre, été éventrée par la route. Les murs encore en place, sur une hauteur allant de 1m 50 à 3 mètres suivant la pente du terrain, ont 70 centimètres d'épaisseur. Ils mesurent, l'un 10 mètres de l'angle extrême à la route, l'autre plus de 5 mètres de ce même angle à la limite Cachard. Le mur de fond est adossé à un rocher de tuf qui a été taillé exprès. Les deux sont encore revêtus, par places, de leur parement en ciment.

A la distance de 8 mètres du fond, un mur transversal de 45 centimètres d'épaisseur se détache à angle droit du mur principal et offre, à 3m 80 de sa naissance, le pied droit d'une porte dont on retrouve l'autre montant à 1m 80 plus loin.

Tout autour de cette enceinte et sous le béton, règne une rigole d'écoulement de 25 centimètres de large sur autant de profondeur.

Dans les déblais, examinés avec soin, j'ai trouvé :

Divers fragments de grosse poterie et quelques rares morceaux de briques à rebord.

Divers fragments de marbres blancs ou de couleur, dont un ayant plus de 5 centimètres d'épaisseur.

Un chapiteau de colonne carrée en pierre tendre, sculptée en creux.

Un fragment de bord de dolium en pierre.

Un petit tuyau en poterie à rebord saillant sur un côté, ayant 12 centimètres de long sur 4 de diamètre extérieur et 2 de diamètre intérieur, peut-être un tuyau de fumarium pour les vins.

Deux opercules d'amphore, ce qui porte à quatre le nombre de ces objets, assez rares en général, trouvés dans mon terrain.

Un certain nombre de cubes de mosaïque en pierre blanche ou bleuâtre, ayant 1 centimètre de côté sur 2 centimètres de haut.

Quelques petits cubes de mosaïque en verre bleu de 5 millimètres de côté.

Un fragment de fibule, un fragment de crampon pour marbre, un clou, un objet qui paraît être une spatule à parfums ; le tout en bronze.


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Un fragment de brique très cuite portant la marque MMELPOL. C'est un des rares exemplaires de celte marque qui n'a pas encore été restituée. Il en existe un échantillon au château Borély.

Un moule de bouton en poterie ?

Un fragment de sifflet en os ?

De nombreux débris de verres magnifiquement irisés parle temps, ayant appartenu à des vases, des bassins et des flacons.

Des débris assez nombreux de poterie gallo-romaine à peinture rouge et noire et reflets métalliques.

Un fragment de bord d'une urne en poterie rouge à ondes.

Un fragment de polerie grise à rouelles et à palmettes. C'est le deuxième seulement que je trouve à Tauroentum ; mais les deux morceaux sont caractéristiques.

Un fragment d'un bassin grossièrement orné, à impressions digitales.

Enfin de très nombreux fragments de poterie sigillée offrant les décors les plus variés et les plus élégants : scènes allégoriques, personnages, animaux sauvages ou autres, feuillages, arabesques, enroulements, etc.; parmi ceux-ci plusieurs fonds de coupes offrant les marques suivantes :

OF SILVANI

ANCVS ou ONCVS? ou OF LICUS?

VITAL (IS)

MADIM

On remarque unegande différence dans la forme des lettres de la dernière marque avec celle des autres, différence qui indique, je crois, un intervalle de temps assez considérable entre les époques auxquelles ces vases doivent être rattachés. Le fond du vase marqué VITAL porte extérieurement un graphite tracé à la pointe.

Quatre monnaies en bronze dont :

Une absolument fruste.

Un moyen bronze de Théodose, portant à l'exergue le portrait de l'empereur avec la légende DN THEODOSIVS PF AVG ; au revers : une femme tourellée à genoux que relève un chevalier debout portant dans la main gauche un globe surmonté d'une victoire avec la légende REPARATIO REIPVB.

Un petit bronze du temps d'Anastase, portant à l'exergue la


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tête casquée de Rome avec la légende VRBS ROMA ; au revers, Romulus et Rémus allaités par la louve, deux étoiles en tête, au bas des signes monétaires.

Une monnaie massaliote portant, à l'exergue, un type de Minerve, au nez particulièrement accentué, une M à gauche ; au revers, un caducée ailé, avec un gamma majuscule sur la droite.

J'ai recueilli enfin dans le même lieu diverses coquilles en voie de fossilisation.

J'ajoute qu'en construisant la route de la Madrague, on a trouvé, non loin de mon terrain et en face de celui de M. Cachard, l'urne funéraire dont voici la photographie et dont l'excellent état de conservation fait une chose relativement assez rare, malgré sa simplicité.

Puis-je tirer quelques conclusions de ces découvertes? Je vais l'essayer.

J'ai trouvé tous les matériaux de démolition encore en place, comme au jour de la destruction, et reposant sur le béton qui a été ainsi conservé. Donc ces ruines n'ont pas été remuées depuis l'origine. Si, en effet, on avait exécuté déjà des fouilles en cet endroit, il eût fallu forcément, comme je l'ai fait moi-même, en sortir tous les matériaux et l'on ne se fut pas ensuite donné la peine de les remettre en place.

J'ai trouvé des fragments de nombreux objets décelant le luxe de l'habitation; mais, comme, du reste, dans les fouilles d'Aubagne, les fragments des mêmes objets étaient en petit nombre. Je n'ai trouvé ni grands, ni nombreux morceaux de marbre, ni fragments de colonnes, ni fûts, ni chapiteaux, sauf un, ni frises, ni débris de statues. Donc tout ce qui était entier, tout ce qui avait de la valeur, tout ce qui pouvait être utilisé, a été, comme partout à Tauroentum, emporté au moment de la destruction et de l'incendie de la construction.

J'ai trouvé les monnaies sur le béton et sur une couche détritique compacte et cendreuse de 30 centimètres environ d'épaisseur. Donc les dites monnaies sont là depuis le moment où la construction a été rasée et elles indiquent qu'elle ne l'a été que sous le règne d'Anastase, c'est-à-dire pas avant l'an 491 avant Jésus-Christ.

J'aitrouvé les gros cubes de mosaïque au nombre de 500 environ, réunis à peu près en un seul point également sur le sol bélonnéi Donc, au-dessus de ce sol bétonné, devait exister un étage et il


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devait y avoir, en un point de cet étage, une partie de salle pavée en mosaïque, peut-être le devant ou le dessous d'un autel dédié aux dieux lares.

Enfin qu'était cette grande pièce à canalisation latérale, comme on en trouve encore dans les vieilles maisons de Rome, et à large ouverture ? Était-ce une cave, un magasin surmonté d'un édifice quelconque dont nous ne pouvons nous imaginer ni la disposition, ni la destination, et faisant partie de l'ensemble de constructions qui gît dans tout le terrain Cachard? C'est là ce qu'il ne me paraît pas possible de dire dans l'état actuel des fouilles.

FOUILLES AU PIED DE BOUQUET (1)

Vous vous souvenez, Messieurs, que je vous ai entretenu du gisement archéologique du Pied de Bouquet, situé entre Tarascon et Boulbon et qui était compris dans l'itinéraire d'une excursion qui n'a pu, jusqu'ici, avoir lieu, pour diverses raisons.

Je suis heureux de vous faire connaître que des fouilles ont été entreprises, il y a quelques mois, en ce lieu, par des personnes de Nîmes et que ces fouilles ont donné des résultats très encourageants. On a, en effet, découvert, à la profondeur de 1m 50, une grande mosaïque représentant des sujets maritimes, notamment un triton, un poisson, des ancres et autres sujets plus ou moins caractérisés.

Malheureusement cette mosaïque n'ayant pas été immédiatement protégée par une clôture, a été presque aussitôt détériorée par les visiteurs qui en ont enlevé de nombreux morceaux, c'est là un nouvel exemple de la difficulté que l'on éprouve à faire respecter les choses par les ignorants les vandales,... et les simples amateurs.

On me permettra de rappeler, avec une certaine fierté, que c'est moi qui ai, le premier, en 1899, appelé l'attention des pouvoirs publics et des savants sur l'importance exceptionnelle de ce gisement dont j'ai toujours dit que les fouilles seraient fécondes en résultats.

Espérons que les circonstances nous permettront, au printemps prochain, d'aller visiter le Pied de Bouquet et que la société pourra un jour prendre elle-même en mains la direction de fouilles rationnelles et importantes qui réservent, j'en ai la conviction, bien des surprises aux chercheurs et aux savants,

(1) Voir Bulletin de la Société archéologique n° 4,


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GROTTE DE SIUSSETTE DITE DE JEAN RAU DANS LE VALLON DE BASSAN

Comme suite à ma précédente communication relative à mes recherches dans la grotte de la Saussette (1), j'ai l'honneur de vous faire connaître, Messieurs, que M. Vasseur et moi, avons fait dans cette grotte, avant les vacances, une nouvelle fouille, qui a confirmé, au point de vue des silex, ce qu'en a dit M. Fournier. Nous avons, en effet, dans une seule après-midi, recueilli une trentaine de silex taillés, tous de petites dimensions, mais habilement enlevés et appartenant à des pierres de choix : silex pyromaques, blancs diaphanes, rouges, dont plusieurs offrent des traces incontestables de retouches.

J'ai également recueilli, ce jour-là, à Bassan, un morceau d'os à surface parfaitement plane de 10 centimètres de longueur sur 2 de large, qui a été intentionnellement coupé et taillé en pointe à l'une de ses extrémités. L'autre extrémité est brisée en sorte qu'on ne peut savoir qu'elle était la longueur de cet instrument, ni commeut il se terminait.

J'ajoute que notre collègue, M. Ludovic Allec, a également pratiqué depuis des fouilles à l'intérieur et à l'extérieur de cette grotte et qu'il y a recueilli de très nombreux débris de poterie néolithique et quelques silex de petites dimensions comme lés nôtres, mais d'un travail également très habile.

TOMBEAU DE LA CIOTAT

J'ai l'honneur de déposer sur le bureau, pour les Archives de la Société, une photographie du tombeau découvert en 1905 à La Ciotat, dans la rue du Grand-Madier, où l'on avait ouvert une tranchée pour une conduite de gaz.

Ce tombeau en pierre, orienté exactement de l'Ouest à l'Est, était immédiatement au-dessous des pavés de la rue.

Ses dimensions sont les suivantes :

Longueur 2m 00

Largeur à la tête 0.70

Largeur aux pieds 0.65

Hauteur totale 0.75

Hauteur des côtés 0.65

Profondeur de la cuve 0.50

Epaisseur du couvercle 0.25

Dimension des têtes d'angle. 0 20 sur 20

( 1) » Voir. Bulletin de la Société archéologique n° 2.


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Sept squelettes étaient déposés dans ce sarcophage, un d'homme, un de femme, tous deux de grande taille et les autres d'enfants. Au milieu des ossements se trouvait la petite cruche que l'on voit sur la photographie, en avant du monument.

Il y a sur le couvercle des signes irréguliers qui pourraient être des caractères. Il serait intéressant de les examiner attentivement.

Je dois ces renseignements et la photographie du monument à un entomologiste distingué, M. Payan, directeur de l'usine à gaz de La Ciotat.

M. DALLONI demande ce que contenait l'urne funéraire.

M. BOUT DE CHARLEMONT répond qu'elle était vide.

M. MOULIN nous adresse, au sujet de la communication sur Tauroentum, la note suivante :

« Les tessons de poterie que recueille à Tauroentum avec toute l'attention d'un érudit notre collègue M. Bout de Charlemont et auxquels s'ajoutent parfois de menus objets et des monnaies qui complètent le bagage important donné par Magloire Giraud, nous ont déjà convaincus, dans le cours de diverses communications, de la variété des décors des colonies massaliote et romaine.

« Ils nous ont montré comme les types présentés ce soir à côté d'un développement varié de scènes à sujets qui constituent par leur caractère de moulage la poterie rouge sigillée dite Samienne, d'autres genres décoratifs pouvant être très directement rapportés par la matérialité de la pâte à une même époque. Un des principaux se distingue par des cordons de traits verticaux impressionnés, plus ou moins allongés selon leur rang, mais qui, par la régularité de leur disposition et de leurs faciès, l'atténuation de vigueur d'un des bords toujours le même pour chaque trait, atténuation qui correspondrait à un détail de poussée dans un sens, impliqueraient l'usage d'une pièce appropriée qui pourrait très bien avoir consisté en une roulette déntée.

« Mais le détail sur lequel j'attire plus spécialement l'attention — parce qu'il a été peu remarqué jusqu'ici parmis nos reliquiae provinciaux de l'époque romaine proprement dite — et qu'il ne se trouve, de ce fait, relaté dans aucun travail, bien


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qu'existant sur plusieurs points de notre connaissance du département du Var, est une ornementation à la barbotine.

« Ce procédé, que M. Dechelette a mentionné ailleurs dans des travaux relatifs aux poteries et ateliers romains de fabrication de la Gaule, s'applique plus spécialement aux compositions florales.

« Il consiste à établir en relief adouci des motifs simples au moyen d'une pâle molle, coulée ou appliquée sur le fond tourné du vase, avant la cuisson.

« Ici, la pâte est jaune-rougeàtre, mais on rencontre également des poteries gris-sombre, absolument contemporaines. »

Communication de M. Charles Cotte

SUR DES RECHERCHES ARCHÉOLOGIQUES DANS LA CHAINE DES MAURES (COMMUNE DE LA MOLE)

Dans une communication faite à la Société Archéologique de Provence, j'ai signalé une pointe de flèche trouvée à la campagne de Siouvette (commune de La Môle).

Je tiens à indiquer aujourd'hui la découverte de silex taillés près d'une bergerie ruinée de la plaine de Maravièio (sur la carte Malavieille), vaste plateau au sommet de la Bauduffe. Dans ces grands espaces couverts de taillis, on relève, en divers points, des murgers et des traces de murailles.

L'extrémité Sud-Est du plateau, notamment, possède un camp compris entre un mur et des rochers verticaux bordant une sorte de chemin de ronde naturel dominant l'a pic. Le rempart mesure encore une douzaine de mètres de hauteur sur 80 — 100 mètres de long; à sa base extérieure est un fossé.

Au pied de l'escarpement existe une caverne ou un gouffre, dénommé le Traou dei fado, où l'on verrait les traces d'un escalier ancien. Il est intéressant de comparer ce fait à la présence de la grotte artificielle du Trou d'Or aux flancs du Baous-Rous.

La Madeleine est un bourg relativement récent, ruiné. Il n'existe pas d'oppidum au confluent des deux rivières de La Môle. A quelques kilomètres de là le Fort-Giboux offre des vestiges qui doivent être ceux d'un simple refuge momentané, sans occupation constante.


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170La qui borde au Sud la vallée de La Môle offre de nombreuses ruines. Les murailles de Montjean (deux enceintes tournées vers le Nord-Ouest) sont les mieux conservées ; mais aux Pradels les murgers sont beaucoup plus nombreux.

Je citerai encore particulièrement l'oppidum qui se trouve au Sud-Est du Destel.

M. Champagne, dans sa propriété voisine de Siouvette, a trouvé des silex taillés, une pendeloque en pierre polie (perdue), une pierre ovoïde à bords taillés ; une pierre tendre perforée aujourd'hui brisée. Ces deux derniers objets sont de roches étrangères à la localité. M. Champagne a bien voulu me les remettre.

Je me propose d'approfondir l'étude de cette région, si riche pour l'archéologue, et spécialement des gisements signalés ci-dessus.

Il est d'ores et déjà intéressant de constater que l'homme néolithique a habité cette région où il a dû importer le silex.

Récompenses annuelles

M. le PRÉSIDENT rappelle que sur l'initiative de M. Bout de Charlemont, la Société a décidé annuellement de décerner des récompenses (médailles et diplômes) aux personnes qui ont aidé nos collègues dans leurs travaux.

Ces récompenses sont aussi destinées aux personnes qui, sans s'occuper spécialement d'archéologie, ont sauvé, de la destruction, des documents archéologiques.

Ceux de nos collègues qui auraient des propositions à faire, sont priés de les adresser, au plus tôt, avec tous les renseignements nécessaires,afin que le Bureau puisse donner à l'Assemblée générale de janvier, un avis motivé pour chacun des candidats.

M. BAILLON propose la création de deux prix d'histoire ancienne et d'archéologie à distribuer annuellement, l'un au lycée de jeunes gens, l'autre au lycée de jeunes filles. La proposition est renvoyée à une prochaine séance, à fin d'étude.

La séance est levée à 7 heures.


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SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 1906

La séance est ouverte à 5 heures 30, sous la présidence de M. de GÉRIN-RICARD, président.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

M. le PRÉSIDENT proclame l'admission comme membre actif de M. DEGLATIGNY, présenté par MM. Vasseur et Repelin.

M. le SECRÉTAIRE annonce que la Société a reçu pour sa bibliothèque :

Questions nouvelles sur de vieilles choses, par M. de Gérin-Ricard, don de l'auteur. — Nouvelles recherches sur le préhistorique de la Basse Provence, par MM. Baillon, Dalloni et Fournier, don des auteurs. — Collection du compte-rendu des Congrès de l'Association Française pour l'avancement des sciences (21 volumes), don de M. Ruat.

Communication de M. Paul Plat

SUR DIFFERENTS OBJETS EN BRONZE ET EN FER TROUVES DANS LES ENVIRONS D'ORPIERRE (Hautes-Alpes)

N° 1. — Hache usuelle en bronze à ailerons, trouvée à Aspremont (Hautes-Alpes).

N° 2. — Un petit bracelet en bronze, trouvé à Savournon (Hautes-Alpes).

N° 3. — Un grand anneau ouvert en bronze, trouvé à Ventavon (Hautes-Alpes).

N° 4. — Une pointe de flèche en bronze, trouvée à Salérans (Hautes-Alpes).

N° 5. — Une pointe de flèche en bronze, trouvée à Orpierre (Hautes-Alpes).

N° 6. — Une pointe de flèche en fer, trouvée à Eygalayes (Drôme).

La hache en bronze mesure 138m/«» de longueur, 75m/m de largeur au tranchant et 20 m/m de largeur au talon. Elle pèse 330 grammes. Elle appartient au type ancien des haches à ailerons, par le peu d'expansion des dits ailerons qui ont une saillie d'à peine un millimètre sur le corps de la hache. Le tranchant


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est très bien effilé. La pièce par elle-même est très belle ; elle est très bien finie et recouverte d'une belle patine verte. L'auteur de cette découverte, un jeune homme de Sigottier, m'a déclaré avoir trouvé cette pièce dans les ruines d'une vieille masure en pierres sèches, l'objet était callé entre deux grosses pierres, le tranchant tourné en haut et émergent du sol.

Le bracelet en bronze (numéro 2) mesure 65 m/m de diamètre intérieur, il pèse 6 grammes, sa largeur et son épaisseur moyenne sont de 2 m/m. Il est à section carrée et porte comme ornements de petits crans sur sa face extérieure. La plupart de ces crans ont été effacés par l'usure, ce qui indique que ce bracelet a été porté pendant très longtemps. Il a été trouvé à Savournon, au lieu dit Le Grand Champ, au milieu d'une quantité considérable de débris de tuiles à rebord.

Le grand anneau ouvert en bronze (numéro 3) mesure de 45m/m à 47m/,n de diamètre intérieur, il a 6m/m dans sa plus grande largeur et 4 m/m dans sa partie la plus étroite, l'épaisseur varie de 5 à 2 m/m. Il pèse 35 grammes. Il est à section carrée, légèrement bombé en dehors et beaucoup plus mince aux extrémités que dans le milieu. (Trouvé à Ventavon (Hautes-Alpes), lieu dit Le Villard, avec d'autres anneaux semblables).

Le numéro 4 est une pointe de flèche en bronze à soie et barbelée. Elle pèse 3 grammes faible et mesure 44m/m de longueur et 20m/m dans sa plus grande largeur. Les deux faces sont entièrement planes et les bords ne sont guère tranchants. (Trouvée à Salérans, Hautes-Alpes).

Le numéro 5 est une pointe de flèche en bronze à soie et à barbelures. Elle mesure 53m/m de longueur, 23 m/m de largeur et pèse 3 grammes. Elle porte dans le milieu et des deux côtés une arête saillante ; les bords malgré l'usure sont encore coupants. J'ai trouvé cet objet moi-même au lieu dit Le Bachas, commune d'Orpierre, à environ 10 centimètres de profondeur. Au même endroit j'avais recueilli, il y a environ trois ans, un os taillé en biseau et long d'environ 120 millimètres, qui pouvait fort bien avoir une origine préhistorique.

Le numéro 6 est une pointe de flèche en fer munie d'une douille et en forme de pique. Elle mesure 50m/m de longueur et 18m/m de largeur. Elle pèse 5 grammes. La douille mesure 15m/m de profondeur et 10m/m d'ouverture. La pointe est très bien effilée


Fig. 4

Grandeur naturelle

Fig.1- Grandeur naturelle

Grandeur naturelle

Fier. 2

Développement de la face extérieure du bracelet

Fig. 6

Grandeur naturelle.

Fig. 2 Grandeur naturelle .

Fig. 3 - Grandeur naturelle .


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et les bords sont encore coupants. (Trouvée à Eygalayes, Drôme).

M. DE GÉRIN constate que les deux premières pointes de flèche ont la forme des pointes néolithiques. C'est une remarque qu'il avait déjà faite et il pense que les pointes de flèche néolithiques ont bien pu servir de matrice aux premiers ouvriers de l'âge du bronze.

Communication de M. Bout de Charlemont

SUR L'OPPIDUM DE LA MOTTE A SARLADAN

Le docteur Barthélemy, dans son histoire d'Aubagne, 1er volume page 12, mentionne un oppidum existant sur un des contreforts de la montagne de Garlaban. Cet oppidum, reconnu et signalé antérieurement par M. Gilles d'Eyragues et mentionné déjà dans la statistique des Bouches-du-Rhône qui ne lui attribue pas, d'ailleurs, sa véritable origine, couronne un mamelon conique qu'on appelle, dans le pays, la motte ou la moutte et qui, s'inclinant en pente douce vers le Sud, est taillé à pic au Nord et à l'Est. Il est séparé, dit le docteur Barthélémy, du massif de Garlaban, par trois vallons, dont deux latéraux et dont le troisième, situé par derrière, a une profondeur de 8 à 10 mètres, ce qui rendait impossible toute attaque de ce côté. L'a pic, d'une grande étendue et d'un aspect vraiment majestueux, a de 40 à 50 mètres de hauteur. Sur la pente Sud, on aperçoit des restes de murailles parallèles en pierres sèches, non équarries et de grandes dimensions qui atteignent parfois, à la base, de 2 à 3 mètres d'épaisseur. Ces murailles sont en partie effondrées.

Je connaissais depuis longtemps l'existence de cet oppidum ; mais les circonstances m'avaient fait remettre indéfiniment la visite que je me proposais d'y faire. Je m'y suis décidé enfin et je ne le regrette pas.

Le nombre considérable de débris de briques plates à rebord qui gisent sur et dans le sol, au milieu des pierres, associées à des débris d'amphores, démontrent péremptoirement l'existence en ces lieux d'un établissement romain, d'un castellum sans doute, qui a dû succéder à un habitat ligure. J'ai recueilli en ces lieux et assez rapidement les quelques débris de poterie grise


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que je vous soumets et parmi lesquels je signale particulièrement un petit fragment de coupe, décoré : 1° à l'extérieur, de la traditionnelle palmette dont j'ai déjà trouvé des échantillons dans mes fouilles d'Aubagne, ainsi qu'à Saint-Jean-de-Garguier et à Tauroentum ; 2° à l'intérieur, de hachures parallèles en escalier d'un très heureux effet, disposition que j'ai également reconnue dans mes susdites fouilles d'Aubagne.

Ces premières observations me font considérer le lieu comme très intéressant et digne d'être étudié sérieusement. M. Leyvastre, receveur des contributions indirectes à Aubagne, y aurait, paraîtil, opéré déjà quelques fouilles, dont j'ai, du reste, vu les traces, et y aurait trouvé des objets intéressants et même des monnaies; mais je n'en parle que par ouï dire, l'intéressé ne m'ayant fait aucune communication à ce sujet.

M. Allée, notre collègue, et moi, nous nous proposons défaire, au premier jour, une exploration attentive de ce baou, mais je ne me dissimule pas que des fouilles sérieuses en cet endroit seront toujours très difficiles en raison de l'amoncellement des pierres effondrées et de leur abondance. En tous cas, cette excursion n'offrirait-elle que l'attrait de la promenade, sans autre résultat scientifique, qu'elle vaudrait encore la peine d'être faite, tant le site est pittoresque et imposaut.

J'ajoute, pour finir, que la disposition générale de l'oppidum de la Motte rappelle beaucoup, mais en plus grand, celle de l'oppidum de Lascours que M. Vasseur et moi avons visité, l'été dernier.

M. VASSEUR dit qu'il a eu l'occasion de visiter l'oppidum dont il s'agit, en compagnie de M. Leyvastre. Ce dernier lui a montré la collection très intéressante des objets qu'il a recueillis dans ses fouilles commencées depuis longtemps et poursuivies avec méthode. M. Leyvastre gardait le silence au sujet de ses recherches pour éviter la dissémination, dans les collections, des débris à recueillir, mais, dans les circonslances présentes, M. Vasseur estime qu'il a le devoir de prendre la parole en son lieu et place.

L'oppidum situé au pied du Garlaban a fourni à M. Leyvastre des monnaies marseillaises en bronze, un taureau cornupète, des monnaies romaines de la période impériale et des pièces en bronze, minuscules, qui paraissent semblables à celles que


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M. Faudrin a recueillies sur l'emplacement du jeu de boules de la ville d'Aix (1).

Les débris de poteries appartiennent à diverses catégories : 1° poteries indigènes grossières, faites à la main et rayées à la raclette (semblables à celles du Baou-roux) ; 2° poteries faites au tour, grecques et romaines ; 3° poteries grises à décor estampé (rouelles et palmettes). Cette dernière céramique est représentée par de nombreux spécimens à ornementation variée. M. Leyvastre a également trouvé dans le même endroit quelques objets de bronze et en particulier un hameçon et une portion de râpe semblable à celles que M. Vasseur a rencontrées dans ses fouilles (2).

Il est intéressant de constater une fois de plus dans nos environs l'association de la poterie grise estampée avec la céramique romaine.

M. AVON s'associe aux observations faites par M. Vasseur. L'oppidium appelé « La Motte », par M. Boul de Charlemont, est connu à Aubagne sous le nom de Baus des Gouttes.

Assemblée générale.

M. LE PRÉSIDENT rappelle aux membres présents que l'Assemblée générale annuelle aura lieu le dimanche 13 janvier, à 2 h. 30 du soir.

La séance est levée à 7 heures.

(1) Ce jeu de boule est situé au-dessus de la gare d'Aix, au voisinage de l'octroi et sur le bord de la route qui conduit à Marseille. Les monnaies recueillies par M. Faudrin sont usées et indéterminables; celles de la collection Leyvastre seraient susceptibles d'être étudiées.

(2) Communication faite au Congrès préhistorique international de Monaco (1906).


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Excursion dans les environs de Fos

L'excursion décidée par la Société, dans les environs de Fos et de Port-de-Bouc, a eu lieu le dimanche 27 mai, sous la direction de M. Emile Franck, membre actif.

Suivant l'ordre du programme, notre première visite a été pour l'oppidum de Saint-Biaise, du nom de la chapelle romane qui le domine. (Maritima Avaticorum ?)

M. Franck nous montre ce qui reste des murs d'enceinte, du quai maritime, actuellement à douze mètres au-dessus du niveau des eaux de l'étang d'Engrenier, et de diverses constructions sur la destination desquelles les avis sont partagés. Au cours de cette promenade, deux de nos collègues ont la bonne fortune de trouver plusieurs monnaies romaines.

Cette première partie de notre course ayant pris toute la matinée, nous nous rendons en break à Fos, où un substantiel déjeuner nous attendait.

L'après-midi, M. Franck nous conduit dans les champs qui avoisinent Fos ; des tombeaux romains y ont été récemment découverts.

De là, nous nous dirigeons vers la plage des Lèques, qui a le don de retenir longtemps tous les excursionnistes. Des fragments de poteries romaines recueillis sur la plage, par nos collègues, provoquent d'intéressants échanges de vue.

Les citernes dites « de Marius » adossées à la colline Mariet, sont l'objet d'appréciations diverses. L'on admet généralement que Marius ne les a ni construites ni utilisées.

Nous admirons, en passant, ce qui subsiste de l'aqueduc de Marius, et la course se termine par la visite de Port-de-Bouc. Plusieurs de nos collègues se proposent de faire de Stomma Linnae, que l'heure avancée ne nous a pas permis de visiter, le but d'une prochaine excursion.

Nous prenons, après dîner, le train pour Marseille, non sans avoir chaleureusement remercié l'aimable et dévoué ciceronne que fut notre excellent collègue M. Emile Franck.


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Excursion à Montmajour et à Cordes

L'excursion à Montmajour et à Cordes a eu lieu le dimanche 24 juin, sous la direction de M. Bouchinot auquel s'était joint notre excellent collègue M. Pranishnikoff. Cette promenade fut organisée avec soin par l'active commission des excursions et, favorisée par un temps superbe, les personnes qui y assistaient, parmi lesquelles de gracieuses dames, en ont toutes rapporté un agréable souvenir.

Vers 9 heures nous arrivons en gare d'Arles, un break retenu par la commission nous attendait ; chacun prend place et nous nous mettons aussitôt en route pour Montmajour.

L'abbaye de Montmajour est remarquable par son église romane à trois nefs et à déambulatoire, sa vaste crypte, son cloître également roman, petit et simple, mais d'un excellent caractère.

A deux cents mètres à l'est des ruines de l'abbaye s'élève la chapelle Sainte-Croix formée de quatre absides donnant en plan la figure d'un quatre feuilles. Elle a été bâtie par l'abbé Bambert au XIe siècle, bien qu'une inscription apocryphe en attribue la fondation à Charlemagne. Les tombes qui entourent la chapelle fournissent aux excursionnistes le sujet d'une intéressante discussion.

L'abbaye est située au sommet d'une colline dans le flanc sud de laquelle est une chapelle du XIIe siècle, dite chapelle SaintPierre. Cette chapelle est accompagnée de deux réduits creusés dans le roc et dont un est presque entièrement occupé par un siège en pierre appelé le « confessionnal de saint Trophime ».

Cette visite terminée nous nous dirigeons, à travers champs, vers les allées couvertes de Cordes, de Bounias et de la Source. M. Bouchinot, a qui nous devons des travaux remarqués, donne sur ces monuments primitifs, d'utiles explications.

Nous arrivons à Fontvieille vers midi. Un copieux déjeuner réunit tous nos amis et c'est en faisant grand honneur au repas que l'on échange gaiement ses impressions de la matinée.

M. Bouchinot ayant eu l'aimable attention de prévenir M. Bounias de notre passage, nous fûmes, après dîner, admirer, chez


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l'ex-propriétaire de l'allée couverte qui porte son nom, un splendide poignard en bronze, une pointe de flèche en silex finement retouchée et un vase en forme de voûte crânienne.

Nous terminons notre journée par la visite du bas-relief rupestre de la Coquille et de l'aqueduc de Barbegal.

En résumé, agréable et instructive journée qui, nous l'espérons, aura d'heureux lendemains.

Excursion à Baou-Majour, Grans, Pisavis et Salon

Cette excursion dirigée par notre collègue M. I. Valérian a eu lieu le dimanche 28 octobre. Favorisée par le temps, elle avait réuni un assez grand nombre de sociétaires.

De la gare de Grans, où on arriva à 7 h. 50, on prit la route de Salon à Miramas et ensuite le passage sur la Touloubre qui conduit à Baou-Majour. Cet habitat se trouve à l'endroit indiqué « les Baumes » sur la carte d'État-Major, à 83 mètres d'altitude. Il est enclos de murs épais ; le sol, si souvent remanié par la charrue, est cependant parsemé de nombreux débris de poteries.

Il y a été trouvé des haches en serpentine par MM. Valérian et Prasninikoff. La visite de ce plateau, d'où l'on jouit d'une vue remarquable sur la campagne de Grans, occupa plus d'une heure.

On prit ensuite le chemin de Grans en suivant la voie romaine, assez nettement indiquée. Mais on ne put voir que des vestiges des tombeaux romains que les gens du pays se souviennent très bien avoir vus. On arriva pour le déjeuner à Grans, gentil et coquet village.

Vers 1 heure on partit en voiture pour Pisavis qui se trouve sur l'ancienne route de Salon à Lambesc, passant par Pélissanne. A Salon, des habitants de cette ville se joignirent à nous. Pisavis est situé à 2.500 mètres de Salon, à l'endroit dénommé « les Redortières » à 200 mètres environ des « Deux Soeurs ».. Notre


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aimable directeur, M. Valérian, s'attacha à nous démontrer que l'immense espace parsemé de débris de poterie sigillée de mosaïque, etc., est bien celui où était bâtie Pisavis.

Il ne peut être question ici de se prononcer sur l'authenticité de ces vestiges.

A quelque distance des Redortières, on put examiner des bornes limitant les anciennes terres des archevêques d'Arles et des États du roi René d'Anjou, elles portent d'un côté une crosse pastorale, et sur l'autre face une fleur de lys.

Retournés à Salon en voilure, les sociétaires purent visiter l'Hôtel de Ville qui possède à l'intérieur un milliaire romain ainsi qu'une belle salle de délibération ornée de panneaux intéressants, la porte Bourg-Neuf, l'église romane de Saint-Michel, le château de la reine Jeanne, servant de caserne, la tour Galigaspe, les remparts, l'ancien Hôtel de Ville, la maison de Nostradamus, l'église Saint-Laurent, le tombeau de Nostradamus ainsi que sa statue sur une des places de la ville, etc.

En somme, journée bien remplie dont il faut remercier M. Valérian. En terminant, adressons des éloges à notre dévouée Commission des excursions pour l'organisation matérielle qui a été parfaite.

Le Gérant,

M. DALLONI.

Marseille. — imprimerie du Sémaphore, BARLATIER, rue Venture, 18.