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Titre : Annales du Comité flamand de France

Auteur : Comité flamand de France. Auteur du texte

Éditeur : Mme Théry (Dunkerque)

Éditeur : Bacquet, etc.Bacquet, etc. (Dunkerque)

Éditeur : Impr. V. DucolombierImpr. V. Ducolombier (Lille)

Éditeur : Impr. H. MorelImpr. H. Morel (Lille)

Éditeur : Comité flamand de FranceComité flamand de France (Lille)

Date d'édition : 1901

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb36142003q

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb36142003q/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Langue : néerlandais

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Description : 1901

Description : 1901 (T26)-1902.

Description : Collection numérique : Fonds régional : Nord-Pas-de-Calais

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5512708t

Source : Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2008-214906

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 19/01/2011

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ANNALES

DU

COMITÉ FLAMAND

DE FRANGE

TOME XXVI

1901-1902

LILLE

IMPRIMERIE VICTOR DUGOULOMBIER

Rue de l'Hôpital-Militaire, 78

MCMII



ANNALES

DU

COMITÉ FLAMAND DE FRANCE



ANNALES

DU

COMITÉ FLAMAND

DE FRANGE

TOME XXVI

1901-1902

LILLE

IMPRIMERIE VICTOR DUCOULOMBIER

Rue de l'Hôpital-Militaire, 78

MCMII


Le Comité Flamand de France rend les auteurs des Mémoires publiés dans les ANNALES responsables de la correction de leurs épreuves.


COMITE FLAMAND DE FRANCE

L I S T E

DES

MEMBRES D'HONNEUR, TITULAIRES & S CORRESPONDANTS

BUREAU

1901-1908

Président : M. l'abbé LOOTEN (Camille), docteur eslettres, professeur aux Facultés catholiques, membre correspondant de l'Académie Royale Flamande, à Lille.

Vice-Présidents : M. le chanoine FLAHAULT (René), membre de la Commission historique, à Dunkerque.-

M. CORTYL (Eugène), docteur en droit, membre de la-' Commission historique du Nord, à Bailleul.

Secrétaire: M. DIDRY (Henri), licencié en droit et ès-lettres, à Hazebrouck.

Secrétaire-archiviste : M. de COUSSEMAKER . (Félix), docteur en droit, archiviste-paléographe, membre de la Commission historique du Nord, à Bailleul;


— VIII —

Trésorier : M. EECKMAN (Alexandre), 0. *, 0. A. , secrétaire-général honoraire de la Société de Géographie, membre de la Commission historique du Nord et de plusieurs Sociétés savantes, à Lilie.

Trésorier-adjoint : M. DAVID (Auguste), propriétaire, à Hazebrouck.

Archiviste-honoraire : M. WITTEVRONGHEL (Edouard), docteur en droit, avocat, à Paris.

MEMBRES D'HONNEUR

MM.

ALBERDINCK THIJM (Paul), membre de l'Académie Royale Flamande, professeur à l'Université de Louvain.

CASTELLANOS DE LOZADA (Don Basilio-Sébastien), directeur

de l'Académie d'Archéologie, à Madrid. CORDONNIER (Louis), *, architecte, à Lille.

DELCROIX (Désiré), * chef de division à la direction des

sciences et des lettres, à Bruxelles. DELISLE (Léolpold), C. *, membre de l'Institut de France,

à Paris.

FIRMENICH (le Dr J.-M.), *, homme de lettres, à Berlin.

KURTH (Godefroy), professeur à l'Université, président de la Société d'art et d'histoire, à Liège.

LIMBURG-STIRUM (le comte de), président de la Société d'Emulation de Bruges.

MONNIER (Mgr), évoque de Lydda.


MM.

PIOT, 0. *, archiviste général du Royaume de Belgique,

à Bruxelles. POTTER (Frans de), secrétaire perpétuel de l'Académie

Royale Flamande, a Gand.

RODET (Léon), ingénieur à la Manufacture dès tabacs, à Paris.

SCHAEPMAN (le Dr), membre des États-Généraux dés Pays-Bas, à La Haye. SÈNART (Emile), *, membre de l'Institut de France, au

château de la Pelice, par la Ferté-Bernard (Sarthe). SNIEDERS (le Dr Auguste), membre de l'Académie Royale

Flamande, à Anvers. SONNOIS (Mgr), archevêque de Cambrai.

VAN TIEGHEM (Philippe), *, membre, de l'Institut de France, professeur au Muséum d'histoire naturelle, à Paris.

VERHEIJEN(J.-B.), inspecteur de l'Enseignement primaire de la province du Brabant septentrional, membre des Etats-Généraux, président de la Société des sciences et des Arts, à Bois-le-Duc (Pays-Bas)..

WALLON, 0. *, secrétaire perpétuel de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, sénateur, à Paris.

WINKLER (Johan), membre de diverses Sociétés savantes, à Haarlem (Pays-Bas).


MEMBRES TITULAIRES

MM.

ACHTE (l'abbé), curé de La Neuville.

AERNOUT (l'abbé), prêtre habitué, à Bailleul.

AMPLEMAN DE NOÏOBERNE (l'abbé), missionnaire apostolique, à Bourbourg.

ANDRIES (l'abbé), professeur à l'Institution St-François d'Hazebrouck.

ARNOULD (le colonel), *, *, etc., directeur de l'école de

Hautes études industrielles, aux Facultés catholiques de Lille.

BACQUET, percepteur, à Bailleul.

BARON (l'abbé Joseph), professeur au Petit Séminaire

d'Hazebrouck. BECK (l'abbé), vice-doyen, curé d'Arnèke. BECK (l'abbé), curé de Bollezeele. BECK (Jules), agent d'assurances, à Dunkerque. BECUWE (l'abbé), doyen de Saint-Amand, a Bailleul. BECUWE (Edouard), proprietaire, à Cassel. BEEKMANS (l'abbé Charles), missionnaire diocésain,

à Cambrai. BEHAGHEL (Victor), propriétaire, à Bailleul. BEHAGHEL-LICSON, *, propriétaire, à Lille. BEHAGHEL (Ernest), docteur en droit, à Lille. BEIRNAERT (Hippolyte), notaire, à Bourbourg. BEIRNAERT (Joseph), malteur, à Bergues. BELLE (Élie), adjoint au maire, à Wormhoudt. BELLE (Aymar), propriétaire, à Gand. BELLETTE (l'abbé), curé de Borre. BERGEROT (Alphonse), ancien député du Nord, maire

d'Esquelbecq.


— XI — MM.

BERGEROT (Auguste), , avocat, à Paris et au château d'Esquelbecq.

BERGUES (le maire de), pour la bibliothèque communale.

BIESWAL (Paul), ancien magistrat, à Lille.

BLANCKAERT (Edouard), docteur en médecine, à Dunkerque.

BLANCKAERT (Emile), docteur en droit, notaire, à Bergues.

BLANCKAERT (Léon), *, président de chambre honoraire à la Cour d'appel d'Alger.

BLED (le chanoine), correspondant du ministère de l'Instruction publique, président de la Société des Antiquaires de la Morinie, à Saint-Omer.

BLOMME (M.), instituteur public en retraite, à Coudekerque-Branche.

BODDAERT (l'abbé Jules), directeur de la Maison SaintLouis, à Lille.

BOMMART (Théodore), notaire honoraire, à Lille.

BOMMART (Raymond), propriétaire, à Lille.

BONDUELLE (André), distillateur, à Renescure.

BONPAIN-VANDERCOLME, ancien adjoint au maire, à Dunkerque.

Dunkerque.

BONVARLET (Georges), industriel, à Coudekerque-Branche. BOUCHAERT (l'abbé), curé de Notre-Dame de Lourdes, à

Hazebrouck.

BOUCHET (Emile), *, 0. A. f|, vice-président de la Société Dunkerquoise pour l'encouragement des sciences, des lettres et des arts, à Dunkerque.

BOUDIN (Henri), architecte, à Lille.

BOULY DE LESDAIN (Louis), docteur en droit, avocat, à Dunkerque.

BOULY DE LESDAIN, notaire, à Dunkerque.

BOURDON (Hippolyte), propriétaire, à Dunkerque.

BRANDE (le chanoine), curé de la paroisse du Sacré-Coeur, à Lille.


— XII —

MM. .

BRETAGNE (Maurice de), au Château-Bois, par Béthune.

BRIEF (l'abbé), pro-curé de Nieppe.

BROUSSE (le chanoine Pierre), doyen de Saint-Eloi, à

Dunkerque. BUBBE (le général), 0. *, à Pains. BULTHEEL (l'abbé), doyen de Morbecque.

CAMERLYNCK (l'abbé), curé de Bray-Dunes.

CAMPE (l'abbé), préfet des études à l'Institution N.-D. des Dunes.

CARNEL (l'abbé Charles), aumônier des hospices, à Dunkerque.

CHAMONIN, notaire honoraire, à Lille.

CHIGOT, peintre d'histoire, à Dunkerque.

CHIROUTRE (l'abbé), professeur à l'institution St-François, à Hazebrouck.

CHOCQUET (Paul), négociant, à Dunkerque.

CHOQUEEL (Léon), *, notaire, à Bergues.

CHRISTIAEN (l'abbé), curé de Teteghem.

CLAEREBOUT (Honoré), ancien élève de l'Ecole Polytechnique, capitaine du génie, à Alger.

COCHIN (Henry), député du Nord, au château du Wez et à Paris.

COLAERT, membre de la Chambre des Représentants, à Ypres.

COPPIETÉRS'T WALLANT (Alfred), avocat, à Bruges.

COQUELLE (Félix), *, industriel, à Dunkerque.

COUSSEMAKER (Albèric DE), ancien membre du Conseil provincial de la Flandre occidentale, à Ypres.

DAMMAN (l'abbé), professeur au collège de Bailleul. DAMMAN (l'abbé;, curé de la Chapelle-d'Armentières. DARRAS (Georges), notaire, à Dunkerque.

DASSONNEVILLE (l'abbé), vicaire,, à Cassel.


— XIII —

MM.

DAUBRESSE (l'abbé), professeur à l'institution N.-D. de

Grâce, à Cambrai.

DE BAECKER (le Dr Félix), correspondant de l'Académie de médecine, à Paris.

DE BACKER (Emile), *, maire, au château du Couvent, à Noordpeene.

DEBEYER (l'abbé), curé de Saint-Vital, à La Madeleinelez-Lille.

Madeleinelez-Lille.

DEBLONDE (Ildephonse), curé dé Crochte. DEBRABANDER (l'abbé), curé d'Adinkerke (Flandre occidentale).

occidentale).

DEBREYNE (l'abbé)., professeur à l'institution St-François, à Hazebrouck.

DEBRIL (l'abbé), curé de Buysscheure.

DECAMBRON (l'abbé), missionnaire diocésain, à Cambrai.

DECHERF (l'abbé), supérieur de l'Institution de NotreDame des Dunes, à Dunkerque.

DE CONINCK (Pierre), *, peintre d'histoire, à Amiens.

DECOSTER (Edouard), négociant, à Lille.

DEDRIE (l'abbé), vicaire, à Dunkerque (Saint-Martin).

DEDRYVER (l'abbé), curé de Zuytpeeiie.

DEGROOTE (Georges), conseiller général, maire d'Hazebrouck.

DEHAESE (l'abbé), curé à Roubaix.

DEHANDSOHOEWERCKER (Aimé), avoué, à Hazebrouck.

DEKERVEL (l'abbé), curé de Steene. ■

DELANGHE (l'abbé), vice-doyen, curé de Watten.

DELANGHE (l'abbé), curé de Volckerinchove.

BELERUE (Mgr Edmond), à Llanarth (Angleterre).

DELUXE (l'abbé), vice-doyen, curé de Loonr-Plage. DEMAN (l'abbé), vice-doyen, curé de Saint-Pol-sur-Mer.

DEMAN (Jules), notaire honoraire, adjoint au maire de Dunkerque.

DENYS (l'abbé), doyen de Saint-Martin, à Dunkerque.


— XIV - MM.

DERAM (Jules), architecte, à Hazebrouck.

DESCAMPS (Auguste), membre de plusieurs sociétés savantes, à Paris.

DESCAMPS (l'abbé Gédéon), curé de Looberghe.

DESCHODT (Joseph), avocat, à Hazebrouck.

DE SCHREVEL (le chanoine),' secrétaire de l'évéché,

membre de la Société d'Emulation, à Bruges.

DESMYTTIÈRE (Albert), *, docteur en droit, ancien magistrat, avocat, à Boulogne.

DESPICHT (l'abbé), à Arnèke.

DESTAILLEDR (l'abbé), vicaire à Saint-Eloi, à Dunkerque.

DEVOS (l'abbé), pro-curé de Pérenchies.

DEVOS (l'abbé), vicaire, à Hazebrouck.

DEWEZ (l'abbé Jules), aumônier de la prison, à Lille,

DE WULF (Jean), ancien élève de l'Ecole Polytechnique,

lieutenaut du Génie, à Madagascar.

DIDRY (Jules), avoué, à Hazebrouck.

DODANTHUN (Alfred), vice-président de l'Union Faulconnier, bibliothécaire de la ville, à Dunkerque.

DODANTHUN (Alfred), licencié en droit, secrétaire-général de l'Union Faulconnier, propriétaire du journal l'Indicateur, à Hazebrouck.

DOMINICUS (l'abbé), doyen de Bourbourg.

DORMION (Marcel), propriétaire, à Hazebrouck.

DUMONT (Alfred), *, *, avocat, maire de Dunkerque.

DUMONT (Georges), *, avoué, à Dunkerque.

DUNKERQUE (le maire de), pour la bibliothèque communale.

DURIN (Henri), vice-président de l'Union Faulconnier, à Dunkerque.

DUTRIE (Pierre), *, horticulteur, à Steenverck,

DUVET (Maurice), propriétaire, à Hazebrouck.

EVERAERT (l'abbé), curé de Capellebrouck. FAURE (Henri), propriétaire, à Lille.


- XV - MM.

FAUVERGUE (l'abbé), curé de Pradelles.

FELIGONDE (de), conseiller référendaire à la Cour des comptes à Paris,

FIGHEROULLE (Jérôme), propriétaire du Journal La Bailleuloise, à Bailleul.

FICHEROULLE (l'abbé Odilon), curé du Bizet, à Arm entières.

FINOT (Jules), *, 0.I. Q, archiviste du Nord, correspondant du ministère de l'Instruction publique, à Lille.

FLAHAUT (Charles), propriétaire, à Bailleul.

FLAHAULT (Charles), *, 0. A.' û, docteur ès-sciences, professeur à l'Université de Montpellier.

FLAHAULT (Evariste), ingénieur des arts-et-manufactures, à Oran.

FOURNIER (Pierre), C. *, ancien conseille d'Etat trésorier général des Invalides de la Marine, à Paris.

FONS DE LA PLESNOYE (le vicomte de la), propriétaire; à Hazebrouck.

FRESCHEVILLE (le général de), C. *, ancien député du Nord, à Paris.

GAILLIARD (Edward), *, membre de l'Académie Royale Flamande, conservateur en chef des Archives de l'Etat, à Anvers.

GALLOO (Auguste), notaire honoraire, à Radinghem; GALLOO (Edouard), licencié endroit, notaire à Bergues. GILLIOTDS-VAN SEVEREN, membre de la Commission Royale

d'histoire de Belgique, archiviste de la ville de Bruges. GOEMAERE (l'abbé), curé de Hondeghem. GORGUETTE D'ARGOEUVES (Xavier de), membre de la Société

des Antiquaires de la Morinie, à Saint-Omer. GOVAERE (l'abbé), vice-doyen curé de Caestre. GROSSEL (Arsène), numismate, à Bergues.

GRYSON (l'abbé), curé de Méteren.


- XVI — MM.

HADOU (Achille), propriétaire, à Hazebrouck.

HAMEAUX (l'abbé), curé de Flêtre.

HANDSCHOOTE (l'abbé), curé de Renescure.

HANSEN (le Dr), bibliothécaire de la ville d'Anvers, membre de l'Académie Royale Flamande.

HARRAU (l'abbé), aumônier, à Rosendael.

HAUTCOEUR (Mgr), protonotaire apostolique, chancelier des Facultés catholiques de Lille.

HAZEBROUCK (le maire d'), pour la bibliothèque communale.

HECQUET (Pierre), courtier maritime, à Dunkerque.

HEMART DU NEUFPRE, conseiller d'arrondisssement, maire de Zuytpeene.

HENNEGRAVE (F.), *, notaire honoraire, à Bergues. HERREMAN (le chanoine), doyen de Wormhoudt.

HIDDEN (l'abbé), curé de Quaedypre.

HIDDEN (l'abbé), supérieur de l'Institution Saint-Jacques, à Hazebrouck.

HIÉ (Emile), *, président de la Société d'agriculture, maire de Bailleul.

HUET-WALLAERT, industriel à Roubaix.

HUYGHE (le Dr Georges), à Dunkerque.

HUYGHE (le Dr Félix), à Saint-Pirre-Brouck.

HIONDSCHOOTE (le maire d'), pour la bibliothèque communale.

HOOFT (le chanoine), à Cambrai.

ITSWEIRE (l'abbé), vicaire, à Malo-les-Bains.

Joos (Fernand), négociant, à Dunkerque. JOURDIN (l'abbé Charles), curé de Croix.

KERFYSER (Aimé), négociant, à Bergues. KYTSPOTTER (Alfred DE), propriétaire, à Cassel.


— XVII - MM.

LAGATIE (l'âbbe), curé de Petite-Synthe.

LAMAN'T (l'abbé), doyen de Gravelines.

LANCRY (Gustave), docteur en médecine, à Dunkerque.

LANDRON-(Jérémie), vice-président de la Société d'agriculture

d'agriculture Dunkerque, a Bollezeele.

LATTEUX-BAZIN, peintre-verrier, au Mesnil-Saint-Firmin

(Oise).

LECLERQ (Louis), industriel, à Roubaix.

LECOMPTE (l'abbé), chapelain aux mines de Lens.

LEDEIN (le chanoine), curé de Saint-Pierre de Chaillot, à Paris.

LELEU. (l'abbé), professeur au collège Notre-Dame des Dunes, à Dunkerque.

LEMAIRE (Julien), propriétaire, à Watten.

LEMEITER (l'abbé Eugène), professeur à l'Institution SaintJacques,

SaintJacques, Hazebro+uck.

LEMIRE (l'abbé), député du Nord, à Hazebrouck.

LENER (Jules), négociant, à Hazebrouck.

LERNOUT (Louis), pharmacien, à Hazebrouck.

LESAFFRE (Louis), industriel, à Renescure.

LEURÈLE (l'abbé), vicaire, à Vieux-Berquin.

LEURIDAN (l'abbé Théodore), archiviste diocésain, bibliothécaire des Facultés catholiques dé Lille.

LEYS (l'abbé), vicairedeNotre-Dame deConsolation, à Lille.

LIEFOOGHE (Prosper), propriétaire, à Bailleul.

LIÉGEOIS (Edmond), membre de la Société Royale de numismatique de Belgique, bibliothécaire et conservateur du musée de la ville d'Ypres.

LOBBEDEY (le chanoine Emile), vicaire général de Cambrai

LONGEVILLE (Robert de), au château de Spycker.

LOOTEN (le Dr), 0. A. O, médecin des hôpitaux, à Lille.

LORDENBIUS (l'abbé), curé d'Armbouts-Cappel.

LOTTHÉ (Ernest), notaire, conseiller général, à Bailleul.

LOTTHÉ (Pierre),brasseur, à Bailleul.


— XVIII -—

MM.

LOUF (Emilien), notaire, à Ailly-le-Haut-Clocher.

MAHIEU (l'abbé), professeur à l'Institution du Sacré-Coeur,

à Tourcoing.

MALOT (Albert), licencié en droit, industriel, à Bouchain.

MALOT (Georges), propriétaire, à Cassel.

MANCEL (Emile), 0. *, commissaire général de la Marine en retraite, au château de Tarperon (Côte-d'Or).

MARANT (Louis), avocat, adjoint au maire de Cassel.

MARCHANT (Lucien), avocat, à Lille. '

MARKANT (l'abbé), curé de la Motte-au-Bois.

MASSON-BEAU, 0. *, conseiller général, adjoint au maire d'Hazebrouck.

MOENECLAYE (Frédéric), ancien magistrat, adjoint au maire de Bailleul:

MOENECLAYE (Frédéric), auditeur à la Cour des comptes, à Paris.

MONTEUUIS (l'abbé Gustave), membre de l'Union Faulconnier, curé de Leers:

MONTEUUIS (l'abbé Léon), à Bourbourg.

OPDEDRINCK (l'abbé), curé de Damme (Flandre occidentale).

PATTEIN, artiste peintre, à Hondeghem. PATTEIN, sculpteur, à Hazebrouck. PEROCHE, *, directeur honoraire des contributions indirectes, à Lille. PÊTIAUX, professeur au collège Notre-Dame des Dunes, à Dunkerque.

PETITPREZ (l'abbé), supérieur de l'Institution Notre-Dame, à Valenciennes. PILLYSER (l'abbé), curé de Wervicq (France). PITTE (l'abbê Camille), curé de Vieux-Berquin. PLACHOT (l'abbé), curé de Fort-Mardyck.


— XIX —

MM.

PLICHON (Jean), député du Nord, conseiller généra), ingénieur des arts et manufactures, à Bailleul. PLICHON (Pierre), docteur en droit, avocat, à Paris. PLOUVIER (l'abbé), curé de Saint-Pierre-Brouck. PLUMON (Eugène), étudiant, à Hazebrouck. PODEVIN (l'abbé), vicaire, à Roubaix. PRUVOST (l'abbé Sylvain), aumônier de l'hospice de Seclin.

QUILLACQ (Georges DE), industriel, à Dunkerque. QUARRÉ-REYBOURBON (Louis), 0. I, O, membre de la

Commission historique du Nord, de la Société des

Sciences, etc., à Lille.

RAFPIN (l'abbé), curé de Carvin.

REUMAUX (Elie), *, directeur de la Société des Mines de

Lens.

REUMAUX (Tobie), docteur en médecine, président de l'Union Faulconnier, à Dunkerque. RICHEBÉ (Auguste), *, O. A, O, ancien sous-préfet, à Lille. RIGAUT (Henri), membre de la Commission historique du

Nord, à Lille. RUYSSEN (le général), 0. *, à Pont-de-Vaux (Ain).

SABBE (Maurice), professeur à l'Athénée royal de Huy (Belgique).

SAGARY (l'abbé), doyen de Valenciennes.

SAINT-LÉGER (Alexandre de), docteur ès-lettres, professeur à l'Ecole supérieure de Commerce, à Lille.

SAEEMBIER (le chanoine), docteur en théologie, secrétaire général des Facultés catholiques de Lille.

SALOMÉ (le chanoine), doyen de Saint-Eloi, à Hazebrouck.

SAMSOEN (le Dr), conseiller d'arrondissement, à. Hazebrouck.

SAMYN (l'abbé Joseph), à Bruges.

SAPELIER (le chanoine), à Cambrai,


- XX -

MM.

SAPELIÉR (Louis fils), à Bergues.

SCALBERT (le chanoine), doyen de Saint-Jean-Baptiste, à Dunkerque.

SCHALLIER, notaire, à Bourbourg.

SCHODDUYN (l'abbé), professeur au collège Saint-Winoc, à Bergues.

SENAME (Henri), greffier de paix, à Bailleul.

SÈNART (Emile), *, membre de l'Institut de France, au château de la Pelice, par la Ferté-Bernard (Sarthe).

SONN-EVILLE (Constant), architecte, membre correspondant de là Commission royale des Monuments de Belgique, à Tournai.

SPILLEMAOKER (l'abbé), curé de Coudekerque.

SPOT (Héliodore de), banquier, à Furnes (Flandre occidentale).

SPOT (Raphaël de), sénateur, à Furnes (Flandre occidentale) .

STAELEN (le chanoine), archiprêtre, doyen de Bergues.

STEENVOORDE (le maire de), pour la bibliothèque communale.

SWARTE (Victor DE), *, trésorier-payeur général du Nord, correspondant du ministère de l'Instruction publique, etc., à Lille.

SWARTE (Edouard DE), brasseur, à Vieux-Berquin.

SYSSAU (l'abbé), curé de Lederzeele.

TERNAS (Pierre DE), docteur en droit, inspecteur des finances, au château de Nieppe et à Paris.

TEIL (le baron du), au château de Saint-Momelin.

TEIL (le baron Joseph DU), à Paris.

THÉRY (Henri), O. A. O, membre de la Commission historique du Nord, à Hazebrouck.

THIBAUT (l'abbé), doyen de Cassel.

THOORIS (l'abbê), curé d'Esquelbecq.


- XXI —

MM.

TIBLE (Georges), maire d'Ochtezeele. TURCK (Georges), sculpteur, à Lille,

VALLÉE (Georges), député du Pas-de-Calais. VANDAELE (l'abbé), vicaire, à Hazebrouck. VAN DEN BROEK (Georges), architecte, à Bergues. VAN DEN BROEK (Ernest), licencié ès-lettres et en droit,

avocat, à Bergues. VANDENBUSSCHE (l'abbé), curé d'Oxelaere. VANDENDRIESSCHE (l'abbé), curé de Bavinchove. VANDEPITTE (l'abbé), doyen honoraire, aumônier, à Lille. VANDERMEERSCH (l'abbé), curé de Terdeghem. VAN DE WALLE (Elie), licencié en droit, à Bailleul. VAN DE WALLE (Félix), licencié en droit, à Lille. VAN DE WALLE (Siméoh), avoué, à Paris. VAN DE WALLE (don Manuel) DE CERVELON, licencié en droit, aux îles Canaries. VANDEWALLE (l'abbé), vicaire, à Roubaix. VAN ESLANDE (Pierre), docteur en droit, avoué, à Béthune. VAN HAECKE (le chanoine Louis), premier chapelain du

Précieux Sang, à Bruges. VANHEECKE (l'abbé), économe à l'Institution Notre-Dame

des Dunes. VANHOUCKE, propriétaire, à Hazebrouck. VANHOVE (l'abbé), professeur à l'Institution Notre-Dame,

à Cambrai. VAN RUYMBEKE (Jean), membre correspondant de la

Commission royale d'histoire de Belgique, au château

d'Odelem, près Tielt (Flandre occidentale). VAN TIEGHEM (Philippe), *, membre de l'Institut de France, professeur au Museum d'histoire naturelle,

à Paris. VANWAELSCAPPEL (l'abbé), curé de Noordpeene. VERHAEGHE (l'abbé), curé de Sainte-Marie-Cappel.


- XXII -

MM.

VERHEYLEWEGEN (Victor), avoué honoraire, à Béthune.

VERSTRAET (l'abbê), curé d'Ochtezeele.

VERVEY (l'abbé), curé de Pitgam.

VILLETTE (l'abbé), supérieur du Grand Séminaire de

Cambrai. VILLETTE (le Dr), à Dunkerque.

WADOUX (l'abbé), professeur à l'Institution Notre-Dame

des Dunes. WAREXGHIEN (le baron Amaury DE), ancien magistrat,

avocat, à Douai. WENIS, docteur en médecine, à Bergues. WICKAERT (l'abbé), doyen d'Hondschoote. WINKLER (Johan); membre de plusieurs Sociétés savantes,

à Haarlem. WINNAERT (l'abbé Louis), à Hazebrouck. WORMHOUT (le maire de), pour la bibliothèque communale. WYCART (l'abbé), professeur au collège de Bailleul.

MEMBRES CORRESPONDANTS

BATJDUIN (Hippolyté), homme de lettres, à Bruxelles. BERNIER (Théodore), archéologue, à Angre (Hainaut).

DEGEYTER (J.), poète flamand, à Anvers. DEKKERS-BERNAERTS, l'un des secrétaires de la Société

Voor Taal en Kunst, à Anvers. DERUDDER (Gustave), docteur ès-lettres, professeur au

lycée du Puy. DEVILLERS (Léopold), conservateur dés Archives de l'Etat

et de la Ville, à Mons,


— XXIII -

MM.

GEVAERT (F.-A.), * *, directeur du conservatoire royal de musique, à.Bruxelles.

HAMY (le R. P.), de la Compagnie de Jésus, à Paris.

JAMINÈ, avocat, président de la Société, scientifique et

littéraire de Limbourg, à Tongres. JANSSENS (H.-Q.), homme de lettres, à Sainte-Anne ter

Muiden, près l'Ecluse (Pays-Bas).

KESTELOOT-DEMAN, doyen de la Société de rhétorique de Nieuport (Flandre occidentale).

LEGRÉ (Ludovic), avocat, à Marseille.

NÈVE (Félix), ancien professeur de l'Université, à Louvain.

VAN-DER STRATÉN (Edmond), homme de' lettres, à Audenarde.

VAN VEN (Edouard), archiviste de la ville de Louvain.

VAN SPEYBROUCK (l'abbé), membre de l'Académie pontificale Gli Arcadi et de la Société d'Emulation de Bruges.

VERMANDEL (Edouard), littérateur, à Gand.

VERMAST, directeur de l'école moyenne de Menin (Flandre occidentale).

VORSTEMAN VAN OIJEN, membre de plusieurs Sociétés savantes, à La Haye.

WALTHER (le Dr Georges), à l'Institut Théobald, à Hambourg.



PROCESSION DE NOTRE-DAME DE GRACE ET DES TROIS VIERGES A CAESTRE EN 1827



NOTRE-DAME DE GRACE

ET

LES TROIS VIERGES

DE CAESTRE NOTES & DOCUMENTS

PUBLIÉS PAR

M. le Chanoine R. FLAHAULT

Vice-Président du Comité.

« En ce temple sacré les enfants de la Flandre » Viendront nous implorer• Mère-divine et tendre; » Dans cette enceinte, objets de vénération, » Resplendiront les traits des Vierges d'Albion.

» WADERLAKD ». Les Trois Vierges,



INTRODUCTION

Après le P. Malbrancq, qui a rapporté la légende des Trois Vierges (1) avec une pieuse bonhomie, émaillant même son texte d'emprunts certainement dus à son imagination, plusieurs auteurs, entre autres le P. Possoz, de la Compagnie de Jésus (2), Mgr Destombes (3) et Mgr Dehaisnes (4), se sont occupés avec fruit de NotreDame de Grâce à Caestre.

Ouvrier de la troisième heure et modeste hagiographie des principaux sanctuaires de notre Flandre, nous avons cru devoir apporter aussi, par l'étude de quelques documents inédits, notre part de labeur à l'apologie de la sainte Madone.

L'esquisse historique de sa dévotion, les motifs détérminants de son culte, les pieuses pratiques et certaines coutumes qui y étaient attachées formeront la triple matière de notre modeste travail.

Disons d'abord un mot de l'étymologiè de Caestre et de son origine.

Caestre est une de ces rares localités du pays qui aît une physionomie latine.

(1) De Morinis et Morinorum rébus, t. II, p. 187 à 107, 906 et 907.

(2) Notre-Dame de Grâce à Caestre, par le R. P. Possoz. Bulletin de Comité Flaniand, t. II, p. 59, etc.

(3) .Les Vies des Saints et des Personnes d'une éminehte piété des diocèses de Cambrai et d'Arras, par l'abbê C.-J. Destombes.

(4) Notre-Dame de Grâce, et les Trois Vierges de Caestre: Semaine religieuse du diocèse de Cambrai Année l874.


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On ne saurait un instant s'arrêter à l'ingéniosité du P. Malbrancq qui le tirerait de Castoe très, les trois chastes Vierges, alors qu'il est si simple et si naturel d'y voir tout bonnement le nom de Castrum (1), qui suppose que quelque part, le long de la voie romaine (2), allant de Cassel vers Minariacum (le Pont d'Estaires), il s'est trouvé à un moment donné un camp où les légions romaines auraient dressé, leurs tentes et dont il y aurait peut-être lieu de nos jours de rechercher l'emplacement et les traces.

Personne n'ignore que le latin, en pénétrant avec les Romains dans les Gaules, ne s'est pas substitué, immédiatement à l'idiome vulgaire, il s'est trouvé vis-à-vis de celui-ci dans les mêmes conditions que le français en Algérie-devant l'Arabe; il est devenu la langue du gouvernement et des administrations, comme l'autre est resté celle des habitants.

Les premiers établissements des Romains furent des établissements militaires, des camps, des postes fortifiés, Castra, des routes stratégiques, Strata. Cassel, Caestre, Strazeele, Estaires, rappellent très bien cette première époque de leur domination.

La mise en culture des terres fut ensuite l'objet de

(1) On prétend que l'emplacement de ce camp était à peu de distance du terrain sur lequel l'église est construite. Il y a en Belgique, dans le Brabant, Un endroit aussi appelé Caestre, en flamand Oaester, dans les chartes latines Castra; il est également situé sur une ancienne chaussée romaine et c'est à un campement militaire établi en cet endroit par le conquérant des Gaules que ce lieu, dit M. Chotin, doit son origine et son nom.

(2) Entre autres travaux publiés sur les Voies romaines dans notre pays, nous ne saurions nous dispenser de citer celui-ci de feu M. Pigault de Beaupré, publié il y a déjà un certain nombre d'années, et la Topographie dès voies romaines de la Gaule Belgique, par Victor Gauchez, dans les Annales de l'Académie d'Archéologie de Belgique, 3e série, t. VIII ; Anvers, imprimerie Plasky, 1892.


tous leurs soins : c'était la un point capital pour l'alimentation de leurs armées. Aussi les voit-on employer pour colons des esclaves; des étrangers qu'ils transportaient en différents lieux pour opérer des éclaircies et des défrichements. Ajoutons aux souvenirs que les Romains nous ont laissés de leur séjour; dans nos contrées, ceux non moins intéressants qui se rattachaient à leurs idées religieuses et aux monuments de leur culte. Tandis que les Gaulois faisaient de leurs plus sombres forêts le lieu de leurs adorations, dressant en plein air de grosses pierres, en forme d'autels pour, leurs sacrifices, humains, les Romains élevaient des statues des temples en l'honneur de leurs dieux (1).

Le Christianisme eut pour mission de les renverser et de substituer au culte des idoles celui du vrai Dieu ; seulement, les persécutions dont'il fut l'objet pendant les premiers siècles de notre ère, l'avaient en quelque sorte rendu captif et empêché, de se produire au grand jour. Malgré tous les efforts tentés dans notre pays et ailleurs par les premiers missionnaires au IIe et au IIIe siècles (2). il ne prit son essor que cent cinquante ans après, sous le règne de l'empereur Constantin et à la faveur des lois que ce prince fit contre l'idolâtrie et ses affreux abus. L'arrivée des Francs qui semblait devoir en arrêter la marche et lui réserver de nouvelles épreuves, fut au contraire un événement favorable à son expansion ; rien ne fut plus propre pour en assurer le règne définitif que la conversion de Clovis et de ses compagnons, d'armes, après la fameuse bataille de Tolbiac.

(1) Quelques-unes de nos considérations sont empruntées aux Prolégomènes des « Etudes Etymologiques, Historiques et Comparatives sur les noms des Villes, Bourgs et Villages du Département du Nord », par E. Mannier,

(2) Légendaires de la Morinie, p. 378.


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Du VIe au IXe siècle, c'est-à-dire jusqu'à l'invasion des Normands, le mouvement religieux fit des prqgrès considérables et c'est pendant cette période de trois à quatre siècles que nous voyons; un certain nombre de localités de nos contrées s'enrichir comme Caestre, soit d'une chapelle en mémoire d'un événement merveilleux, a l'instar de celui que nous allons raconter, soit d'une église en souvenir de quelque saint personnage ayant évangélisé le pays, saint Orner, par exemple, le patron de notre paroisse et d'un grand nombre d'autres des environs.

Telles paraissent être l'origine de Caestre et celle de la vie de ses premiers habitants.

En tout cas, on entrevoit en ces lieux, à travers les siècles passés, l'influence du Christianisme qui vivifie et élève.

A peine ce village existe-t-il dans l'histoire, qu'il apparaît placé sous la puissance et la sauvegarde de l'église de la Morinie « Fuit Personatus Ecclesioe Morinensis », écrit Sanderus (I), et il ajoute: «Varia hic olim jura et provenlus sacros variis ptiam modis Ecclesia Morinensis acquisivit ».

Aussi, voyez comme dans le cours des âges tout principe de vie et de mouvement se concentré autour de la chapelle de Notre-Dame de Grâce, bâtie au IXe siècle, et plus tard autour de l'église élevée en l'honneur de l'un des plus illustres évêques de Thérouane, saint Orner.

Un nouvel élément religieux a paru, et à proximité de nos sanctuaires s'élève une Commanderie de l'Ordre du Temple plus ou moins complètement rattachée à celle de Slype, en Belgique, et dont les précepteurs, demandeurs,

(1) Sanderus, t. II. p. 557, édit. de Cologne. — On peut également consulter à ce sujet le « Cartulaire de l'église de Thérouane. » Saint-Omer, 1881, pièces 138, 212 239.


maîtres ou procureurs, ces mots sont synonymes (1), devinrent, dès la première moitié du XIIe siècle, c'est-àdire entre une époque qui peut varier de 1118 à 1140 environ, les protecteurs attitrés, sinon même les patrons de la chapelle.

- (1) Voir Trudon des Ormes, archiviste paléographe, Etude sur les possessions de l'Ordre du Temple en Picardie, dans les Mémoires de la Société des Antiquaires de Picardie, série IV, t. II, p. 91.

Ce fut en Flandre que l'Ordre du Temple parait avoir eu une partie de ses plus anciennes possessions et, au nombre de ses bienfaiteurs de la première heure, il,convient de noter Geoffroi; de Saint-Omer, l'un des chevaliers qui furent les compagnons, les associés même de Hugues de Payns, champenois, le fondateur de la nouvelle milice. — Note de M. A. Bonvarlet.


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CHAPITRE PREMIER

ORIGINE DU CULTE DE NOTRE-DAME DE GRACE A CAESTRE

LÉGENDE DES TROIS VIERGES

DÉVOTION A NOTRE-DAME ET AUX TROIS VIERGES

A TRAVERS LES SIÈCLES

DIFFÉRENTS TRAVAUX DE RESTAURATION A LEUR CHAPELLE

De tous les sanctuaires dédiés à Marie dans notre région (1), celui de Caestre est sans contredit, non seulement un des plus vénérables, mais aussi un des plus anciens. Voici d'après le P. Malbrancq (2) à quelles circonstances se rapporte son origine :

Vers le commencement du IXe siècle, vivaient en Angleterre trois pieuses soeurs, qui portaient, d'après une tradition conseivée à Caestre, les poétiques noms de Edith, Elfride et Sabina. Issues d'une famille princière, filles probablement du roi Renulph, elles avaient refusé la main d'époux riches et puissants pour se consacrer, par le voeu de virginité, au Bien-Aimé du Cantique des Cantiques ; peut-être aussi afin de fuir les obsessions dont elles étaient l'objet, elles prirent la résolution de s'éloigner et de faire, à l'exemple de beaucoup de nobles personnes de l'Angleterre, un pèlerinage au tombeau des

(1) On ne connaît guère de sanctuaire. plus anciens que ceux de Notre-Dame de la Treille et de Notre-Dame de Boulogne.

(2) De Morinis et Morinorum rébus, t. II, p. 187 à 197 et 906 et 907.


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apôtres saint Pierre et saint Paul. En vain Ton essaya de les détourner de ce pieux dessein ou du moins de retenir l'une d'entre elles ; elles répondirent : « Toutes trois » nous avons ensemble formé ce projet; ensemble nous » l'exécuterons toutes trois. S'il est, dans le voyage, des » maux à souffrir, des dangers à surmonter, qui pourra » mieux qu'une soeur consoler et soutenir ses soeurs ? » Les prières d'une soeur ne montent-elles pas plus faci» lement au Ciel que les supplications d'une suivante ? »

Bientôt, revêtues du manteau gris des pèlerins et portant le bâton du voyageur, elles abandonnent leur père, leur famille, leur patrie. Plusieurs personnes dévouées montèrent avec elles sur le navire qui devait les transporter sur le continent, et essayèrent de nouveau, quand l'on eut atteint le port de Mardick, de les faire renoncer à leur projet. Tout fut inutile : Edith, Elfride et Sabina déclarèrent qu'elles voyageraient sans suite, sans provi-


— 12 - visions, espérant Obtenir asile et nourriture de la charité des fidèles et de la bonté de Celui qui nourrit les petits oiseaux dans les champs.

Quittant Mardick, où elles avaient accepté" un peu de pain et de poisson, elles suivirent la voie romaine déjà appelée Steenstraet (la chaussée, la route de pierre), qui conduisait de cette ville à Arras, en passant par Cassel et le pont d'Estaires (Minariacum). S'il faut en croire les pieuses probabilités du P. Malbrancq, suivant l'habitude des pèlerins anglais, elles se détournèrent de la voie pour aller vénérer dans le monastère de Wormhout les restes sacrés de saint Winoc ; elles s'arrêtèrent sur le sommet du mont Cassel pour s'agenouiller à F autel du Saint Sauveur, dans une chapelle qui fut plus tard remplacée parla collégiale Saint-Pierre; et ensuite, descendant de la

montagne, elles s'arrêtèrent à Saint-Sylvestre-Cappel et allèrent à Eecke baiser avec émotion, ajoute le pieux


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auteur, le chêne antique dont saint Wulmar s'était fait un ermitage (1).

Lès trois Vierges reprirent alors la voie romaine, et arrivées au lieu où s'élève aujourd'hui le village de Caestre, elles choisirent cet endroit solitaire pour y prendre, à l'ombre d'un bois qui bordait la chaussée, leur frugal repas. Depuis Mardick, elles avaient été suivies, à leur insu, par trois hommes armés,, soudoyés peut-être par ceux dont elles avaient refusé la main. L'endroit et le moment étaient favorables pour un crime ;

lés trois émissaires s'élancent;tout-à-coup de l'épaisseur du bois et se précipitent, le fer à la main, sur les trois

(1) Les scènes que nous donnons dans, notre texte ont été artistement reproduites par feu M. Orange, professeur de dessin au Collège Notre-Dame des Dunes, et gravées par la Maison H.. Raymond, de Paris, d'après les six tableaux qui sont à là Chapelle de Caestre. Ces peintures, exécutées en 1827 par un peintre du pays qui n'a pas signé, et données en Ex-voto par quelques familles de la localité ou de la contrée, sont pour là plupart des reproductions plus ou moins fidèles des tableaux antérieurs dont parle Malbrancq, et qui avaient heureusement été. dérobés à la fureur des Iconoclastes.


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soeurs. Celles-ci ne songent pas à prendre la fuite ; comme des agneaux qui se laissent immoler sans se plaindre, elles se laissent frapper, elles tombent en priant pour leurs bourreaux. Les misérables" assouvissent leur fureur en les perçant de mille coups ; puis, effrayés de leur forfait, ils s'enfuient en abandonnant les glaives dont ils s'étaient servis.

Non loin du lieu où venait de s'accomplir ce drame lugubre, à quelque distance de Strazeele, s'élevait un

château-fort construit sans doute pour défendre le passage de la chaussée romaine. Le puissant leude (1) qui

(1) Qu'était-ce ce leude ? se demandait M. Bonvarlet. Etait-ce un leude de race franque ou bien n'appartenait-il pas plutôt à cette population saxonne existant depuis longtemps dans le pays et dont les guerres de Charlemagne avaient concouru à augmenter chez nous l'importance ?

Cette réflexion vient naturellement à propos de la légende des Trois Vierges qui étaient de race saxonne et l'on comprend plus vivement encore le motif pour lequel le vieux Seigneur de Strazeele et de Stenvoorde, d'après Malbrancq, s'était ému,à la vue de leur martyre.


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l'habitait avait perdu la vue; et tous les remèdes avaient été impuissants à le guérir. Au moment où le crime venait d'être, commis, la Sainte Vierge à ce seigneur apparaît brillante de lumière, et elle lui dit: « Tu veux » recouvrer la vue? Eh bien, monte, à cheval ; des » oiseaux, par leurs cris te guideront, non loin d'ici, » vers un bois où tu trouveras les corps de trois vierges, » mortes et baignant dans leur sang; de leur sang tu » frotteras tes paupières, et la lumière sera rendue à tes » yeux ».

Cette céleste apparition remplit le seigneur d'espérance et de j'oie; il appelle aussitôt, quelques-uns de ses hommes d'armes, leur raconte ce qu'il a vu et ouï, et,, montant sur son coursier, il sort de son château. Une troupe d'oiseaux, poussant des cris et battant des ailes, s'offre aussitôt à eux, et, se reposant par intervalle, vole au-dessus de la chaussée, dans la direction de Caestre. Les nommes, d'armes marchent à là suite de ces guides annoncés par la Sainte Vierge; et, quand enfin les oiseaux se sont abattus, en poussant des clameurs sur les arbres sous lesquels le meurtre avait été accompli, les compagnons du leude s'arrêtèrent, pleins d'étonnement et d'épouvante, en s'écriant : « Maître, nous voyons » gisant sur le sol trois jeunes filles d'une beauté sans " égale ; mais elles: ont été mises à mort; la terre est » arrosée de leur sang».

Aussitôt le chevalier se fait descendre de son cheval et conduire auprès des trois Vierges martyres ; il plonge la main dans leur sang sacré, et tournant la tête vers le ciel, il s'écrie : « Sainte Vierge Marie, c'est votre voix qui » m'a conduit en ces lieux ; rendez-moi la lumière par la » vertu de ce sang sacré, et je conserverai la mémoirer de " vos, fidèles servantes». En même temps il touche ses paupières: avec ses doigts mouillés du sang des; trois Vier-


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ges, et ses yeux s'ouvrent : Il voit. II pousse un cri de joie et de reconnaissance, qui est répété par ses hommes d'armes de nouveau il se prosterne, il baise avec respect les blessures saignantes des saintes victimes aux quelles il doit le bonheur de revoir les champs et les bois, le soleil et les cieux.

Mais, tandis qu'il lève les yeux en haut, un nouveau prodige s'offre à sa vue. Une lumière éclatante apparaît dans le ciel ; elle s'entr'ouve en jetant mille rayons, et il voit apparaître la Sainte Vierge, les pieds posés sur le disque de la lune, environnée d'un nombre considérable d'esprits célestes :

« Vierge sainte, s'écrie-t-il, quelle ne doit pas être » pour vous ma reconnaissance ! Non seulement vous » m'avez rendu la lumière, mais vous vous montrez à » moi et vous m'inspirez le dessein, si facile à accomplir, » d'honorer lès reliques des glorieuses martyres qui ont


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» succombé en ce lieu. O Reine des vierges, je ferai » chanter en ce lieu votre gloire, et j'élèverai à ces restes » sacrés un monument qui transmettra aux siècles futurs » la mémoire de celles qui ont mieux aimé mourir que » d'oublier leur céleste Epoux».

Fidèle à sa, promesse, le seigneur de Strazeele fit recueillir avec soin le corps des trois Vierges et la terre arrosée de leur sang ; et il enferma précieusement ces saintes dépouilles dans un cercueil, avec les armes dont s'étaient servis les meurtriers. Bientôt après, il fit élever une chapelle, séparée en deux oratoires; l'un, le premier et le plus petit, à l'endroit où la Mère de Dieu lui avait apparu pour la seconde fois, et l'autre, dans le fonds et plus étendu, avec un autel consacré aux trois Vierges de Caestre, Edith, Elfride et Sabina (1). Leur dévotion, et celle à Notre-Dame de Grâce, honoT rées ensemble dans le sanctuaire de Caestre, ne tardèrent pas, dit Malbrancq, à se répandre en toute la contrée et peut-être même jusqu'en Angleterre.

On était du reste en plein Moyen-Age et c'est surtout à cette, époque que. le culte de Marie, né au berceau du Christianisme, commençait à s'étendre d'âge en âge, plus vif et plus ardent chez tous les peuples chrétiens.

La grande invasion des Nortmans y apporta cependant un ralentissement dans nos. contrées et Caestre, se trou_vant entre Cassel et Bailleul spécialement désignés par

(1) Les martyrologes de la Flandre ont fait mention des Trois Vierges. On lit en effet dans celui du P. Jésuite Baudouin Willot, qui. a été approuvé par le Saint-Siège : « XVIIe jour d'octobre. Au » village de Caestre est la mémoire de trois saintes et nobles » pucelles angloises, lesquelles estans parties de leur païs pour » faire le pèlerinage de Saint-Pierre à Rome, selon la coutume » des nobles de ce temps-là et des siècles précédents, y furent « massacrées par trois brigands et sépulturées honorablement ; » et puis honorées par la Reine des Anges au siècle septiesme » (sic). — Le Martyrologe ou Hagiologe, par le R. P. Baudouin » Willot, de la Compagnie de Jésus, Lille, 1658. — 17 oct. »


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notre historien De Meyere (1), ne fut pas épargné. Mais les incessantes irruptions des enfants du Nord -ayant cessé, Notre-Dame de Grâce reprit faveur, surtout lorsque la population eut été refaite, que l'instruction, après les affres causées par l'approche de l'an mille se fut répandue et qu'un rudiment d'organisation sociale eut pénétré peu à peu dans le pays. La dévotion se développa surtout lorsque les rares Croisés qui avaient regagné le pays natal, eurent raconté les pompes dont les orientaux entouraient le culte de la Vierge.

C'était d'ailleurs l'époque de saint Bernard, le moment où il venait évangéliser les Flandres et étabtir ces nombreux monastères cirsterciens, parmi lesquels nous nous bornons à citer Clairmarais et les Dunes.

Nous savons qu'au siècle suivant, les Maisons franciscaines, fondées par les disciples de l'apôtre du Rosaire, contribuèrent à développer chez nous, comme dans toute la catholicité, la confiance des fidèles en Marie.

Ce fut plus tard que la Chapelle dé Caestre, bâtie primitivement par le seigneur de Strazeele, agrandie et probablement déjà remaniée, fut remplacée par une construction en opus insertum, qui se voit encore de nos jours. Celle-ci même, doit avoir subi des transformations, surtout à l'époque où une tourelle, édifiée en briques jaunes, y fut ajoutée.

Quelles furent les conséquences pour notre dévotion de la lutte si sanglante entre le Comte Gui de Dampierre et Philippe-le-Bel, à la fin du XIIIe siècle, et plus tard celles de la lutte survenue entre les insurgés flamands réunis à Cassel, c'est-à-dire près de Caestre ? Il nous est impossible de les déterminer, les archives de la Chapelle n'existant plus.

(1) Annales Flandrioe.


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Le XVe siècle, si célèbre dans les fastes de quelquesuns des sanctuaires de la Vierge dans notre pays (1), enregistre aussi dans sa dernière partie quelques faits prodigieux passés à Caestre. D'après un document; qui paraît offrir des garanties sérieuses d'authenticité, onze miracles y auraient été accomplis de 1493 à 1498, par l'intercession de Notre-Dame de Grâce. Nous les relatons au chapitre suivant qui traite des motifs déterminants du culte de la sainte Madone.

Vers la mi-septembre 1567, un navire parti d'Angleterre débarqua près d'Ostende une troupe de Gueux flamands d'origine. Ces aventuriers, sans foi ni loi, après avoir traversé à la hâte Rousbrugge, Hondschoote et Killem, arrivent le 18 septembre à Caestre et s'arrêtent dans l'enclos du cimetière. Leur plan est tout tracé ; il s'agit de briser les fers de leurs complices et amis prisonniers, comme aussi de piller les maisons les plus somptueuses de Cassel et de Bailleul. Heureusement, on veille au haut de la tour et chaque demi-heure est marquée par un coup de cloche. Les Gueux, blottis dans les broussailles et favorisés par les ténèbres, attendent en vain leurs frères et compagnons d'Hondschoote, de Nieppe et de Steenwerck. Avant le jour, ils se réfugient dans un bois voisin avec espoir de: passer. dans la forêt de Nieppe. Mais ils avaient compté sans les hommes d'armes venus de Bailleul et les paysans qui se jetèrent sur eux et les firent prisonniers (2).

On sait que nos campagnes étaient terrorisées à cette époque par les Huguenots ; l'appât du butin ramena bientôt ceux-ci à Caestre. A l'intérieur de la Chapelle

(1) Voir notre Notice sur Notre-Dame de Bollezeele et la relation du doyen Blanckaert sur Notre-Dame-aux-Larmes, à Wormhout, qui est conservée aux archives du Presbytère,

(2) J. Jaerboecken van Veurne, 3e deel, p. 74 et 75


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s'élevait un "riche mausolée en marbre renfermant trois tombeaux, il fut complètement pillé et détruit par ces vandales. On ne parvint à ravir à leur fureur que quelques tableaux qui représentaient la vie, la mort et les miracles d'Edith, d'Elfride et de Sabina. L'église paroissiale ne fut pas plus épargnée (1). Un rapport, en date du 29 août 1569, du curé Pierre de Mey, du bailli et des. échevins prouve bien notre assertion.

Le règne des archiducs Albert et Isabelle, qui fut pour les Pays-Bas une époque éminemment réparatrice, commença pour notre sanctuaire une ère de grandes démonstrations. Elles ne devaient malheureusement durer qu'un temps trop court, par suite des guerres qui, à compter des dernières années de Louis XIII, se succédèrent à peu près sans interruption jusqu'à la paix de Nimègue, où la contrée fut définitivement acquise à la France. Aussi, sentit-on le besoin de recourir avec plus de confiance à Notre-Dame de Grâce et le mouvement religieux qui entraînait les populations flamandes vers son sanctuaire s'accentua-t-il davantage. Les principaux zélateurs de ce mouvement furent les Pères de la Compagnie de Jésus. Etablis en résidence dès 1614 et définitivement en collège en 1624, les Jésuites de Bailleul prêtèrent, à partir de 1635, le concours de leur ministère au culte de NotreDame de Caestre. Leurs annales (2) nous signaleront, pendant plus plus de soixante ans, les merveilles opérées par le zèle de ces missionnaires dans ce coin privilégié des châtellenies de Bailleul et de Cassel, sauf aux années

(1) De Coussemaker, « Troubles religieux », t.1, p. 338.

(2) Historia et Litteroe annuoe collegii Béllioli 1616-1680. «Archives générales du Royaume, à Bruxelles ». Des extraits de ces lettres annuelles se trouvent, déposés par nous, aux archives du presbytère de Caestre.


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1647(1), 1657 et 1658, marquées par des guerres et leurs terribles conséquences. Aussi, Caestre avait-il acquis la célébrité des plus illustres sanctuaires des PaysBas, de Montaigu même (2).

Cette célébrité qui signale la fin du XVIIe siècle, se continua presque sans interruption (3), nous le savons, au siècle suivant jusqu'au moment de l'expulsion des Pères Jésuites.

Les Récollets de Cassel, les Augustins d'Hazebrouck et

les Capucins de Bailleul, pour les travaux desquels les

détails complets nous manquent, prirent la succession des

Pères de la Compagnie. Néanmoins, nous savons de

(1) En 1647, les Français s'emparèrent du château de Thomas de,Thiennes, seigneur de Caestre, et le firent prisonnier. On il'a , guère de renseignements sur les Seigneurs primitifs de Caestre. Peut-être les archives de la Commanderie du Temple, plus tard de Malte, qui se trouvent dans celles de l'Etat à Mons, pourraientelles fournir quelques brèves indications. Au XVe siècle, la seigneurie de Caestre devait se trouver entre les mains d'une famille qui n'appartenait pas à la partie occidentale des Pays-Bas,, les Van der Delft. Les données étendues que l'on a sur les seigneurs de Caestre, de la famille de Thiennes, successeur des Van der Delft, dans le domaine de Caestre ne fournissent aucune indication positive. Nous ne croyons pas que la généalogie de la famille Wynkelman, qui possédait en Caestre l'importante seigneurie d'Qudenem, puisse fournir quelques lumières sur ce point. Au moment de la Révolution, la seigneurie proprement dite de Caestre était passée entre les mains du marquis de Bacquehem, dont un descendant du même nom était ministre en Autriche.

Le dernier fragment de la dalle funéraire de Robert de Thiennes, seigneur de Caestre, se trouve à l'ancien presbytère de cette paroisse, aujourd'hui l'hospice, et on y montre encore plus loin le tertre où fut construit son château féodal.

(2) .... in Caestren in asdiculam in quà ipsa Virgo à Kalendis Juin per Novendium colitur eâden religione quà in Aspero Colle

quà in Costeris Belgi locis. « Lilteroe annuoe éollegii Societatis Jesu Bellioli 1669, f.69 v. »

(3) Dans la guerre de la succession d'Espagne, qui dura de 1702 à 1713, les troupes des alliés passant par Caestre lors de leur invasion dans la West-Flandre, s'y livrèrent à de dures réquisitions dont il existe des traces dans les archives de notre ami M. Bonvarlet.


source certaine qu'ils continuèrent les traditions de ceuxci pour arriver, eux aussi, à maintenir toutes les pratiques de dévotion à l'égard de Notre-Dame de Grâce.

Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle quelques-unes d'entre elles furent toutefois interrompues par suite de différents qui survinrent entre l'autorité ecclésiastique et le pouvoir civil, ainsi qu'on peut le voir dans le BewysBoeck, ou registre-indicateur des biens de l'église, de la cure et de la chapelle de Caestre, rédigé en 1768 par le curé de Witsoet et continué par MM. B. Gauwin et F.-G. Monet, puis par M. Staelen, aujourd'hui chanoine et archiprêtre de Bergues, tous trois anciens curés de notre paroisse. C'est ce même précieux manuscrit, conservé au presbytère, qui nous renseigne sur les faits et gestes des agents de la Révolution à Caestre.

Au milieu de la tourmente, le 29 mai 1793, l'église ■paroissiale ayant été incendiée, par suite de l'imprudence de l'intrus et de son clerc, le service religieux se fit à la Chapelle de Notre-Dame de Grâce, précédemment affectée à l'usage d'hôpital pour les troupes et convertie en écurie, après avoir été dépouillée de tous ses ornements (1).

Une chronique (2) flamande, qui trace en même temps

(1) Chapelle de Caestre. — Note de M. C. David, relative à l'argenterie envoyée à Lille, le 23 juillet 1792 ;

Un ciboire doré, pesant 54 3/4

Un calice doré 21 3/4

Autre, non doré 9

1 plat et deux petites pintes 212/4

2 platines 9

1 grande pendule 55 3/4

2 petites cuillers et nombre de petits coeurs . . 26 1/2

213 1/4 once. Coeur et Chaîne en or pesant 1 once 1/10.

(2) Cette chronique est conservée dans les archives du Comité Flamand.


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un tableau lamentable de l'état de la paroisse à cette époque, nous dit que le sanctuaire fut finalement fermé par ordre de la Municipalité, le 17 Messidor, an II, de la République, c'est-à-dire le 5 juillet 1794.

Quand le Concordat rétablit en France le culte cathor lique, les libéralités des paroissiens aidèrent le curé B. Gauwin à rétablir l'église qui fut solennellement bénite par autorisation de l'évêque de Cambrai, Monseigneur Belmas, le 10 décembre 1803 (1).

Peudant la durée des travaux de construction du nouvel édifice, le service religieux se fit à la Chapelle de Notre-Dame de Grâce, où, providentiellement, le culte de l'antique Madone reprit son éclat primitif.

Au bout d'un certain nombre d'années, le besoin d'une restauration du sanctuaire se fit sentir, M. l'abbé Goris le comprit dès son arrivée à la cure de Caestre, en 1851, et, après avoir vaqué aux besoins les plus urgents de son ministère, aidé des libéralités de ses paroissiens même les plus pauvres, il se mit résolument à l'oeuvre. A un premier travail de restauration, le pasteur joignit celui de la construction d'un nouvel autel portant à sa partie supérieure la statue de Notre-Dame et dans son unie les statues des Trois Vierges. Sous le pastorat de M. l'abbé Bailleul, pendant la construction d'une nouvelle église destinée à remplacer celle toute provisoire bâtie en 1803 et notoirement insuffisante, la chapelle servit encore une fois aux cérémonies du culte dans la paroisse.

La tour de la Chapelle, qui datait du XIIIe siècle, tombait en ruine. On espérait la voir classée, ainsi qu'on l'avait cru autrefois pour tout l'édifice,, parmi les monuments historiques. Comme M. le comte de Melun, Mon(1)

Mon(1) 28 juin 1803, Monseigneur Belmas; de passage à Caestre pour se rendre à Dunkerque, avait été invité à vouloir bien poser une première pierre derrière le maître-autel. L'évêque se rendit avec plaisir à cette invitation.


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seigneur Dehaisnes avait fait avec succès une motion dans ce sens à la Commission historique du Département du Nord.

Pour des motifs restés inconnus, quoique tout le monde les devinât, la demande fut écartée par le Gouvernement.

La tour, démolie (1) le 25 juillet 1887, fut reconstruite, en 1889, sur le plan de l'ancienne, par M. l'architecte Groin. Un généreux donateur, qui avait voulu rester inconnu, a couvert la moitié des dépenses occasionnées par cette construction. L'autre moitié est demeurée à la charge de la commune, à la suite d'une requête présentée aux édiles par M. l'abbé Govaere qui, depuis le début de son pastorat à Caestre en 1804, s'était occupé de la glorification de Notre-Dame de Grâce avec un zèle aussi intelligent que soutenu. Nous avons vu, en effet, M. le Vice-Doyen continuer la restauration du sanctuaire entreprise par ses prédécesseurs et rendre aux manifestations du culte de la sainte Madone leur physionomie primitive.

La Chapelle possédait autrefois deux petites cloches données par M. Louis Revel et Mme Isabelle Revel. Vers 1840, l'une d'elles fut transportée à la tour de l'église paroissiale où elle servit longtemps à annoncer les messes basses. Ayant été mise à la. réforme par suite d'un accident, et celle qui restait à la chapelle étant reconnue insuffisante, il sembla bon au pasteur de les faire refondre pour obtenir, grâce aux nouvelles libéralités de feu Mademoiselle M. Vankempen, une cloche d'une sonorité plus grande et capable d'annoncer aux échos d'alentour les gloires et les bienfaits de Notre-Dame de Grâce et de Miséricorde.

(1) Dans les fondations on a trouvé le squelette d'un homme de haute stature.


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La nouvelle cloche fut bénite (1) le 27 avril 1890, par M. le Chanoine Salomé, doyen d'Hazebrouck, délégué par Monseigneur Thibaudier, archevêque de Cambrai. Depuis lors, l'intérieur du sanctuaire, élégamment repeint, ses fenêtres en camayeu, offertes en ex-voto et son choeur lambrissé, font de la chapelle de Caestre un. des plus curieux oratoires qui, dans notre Flandre, soient dédiés à la benoîte Vierge Marie.

(1) La généreuse bienfaitrice n'ayant pu, à cause de son grand âge (elle est morte à 93 ans), assister à cette cérémonie, avait désigné comme parrain M. Henri Deberdt et comme marraine Mme Eugénie de Saint-Mart, son épouse, autres bienfaiteurs de la chapelle.


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CHAPITRE II

ICONOGRAPHIE DE NOTRE-DAME DE GRACE

LA RELIQUE DE LA CEINTURE DE LA SAINTE VIERGE

DIFFÉRENTS OBJETS TROUVÉS DANS LE TOMBEAU DES

TROIS VIERGES. MOTIFS DETERMINANTS DU CULTE

DE NOTRE-DAME DE CAESTRE — MIRACLES

Le sanctuaire de Caestre a le bonheur de posséder uue statue très ancienne de sa patronne. Ses formes sont peu esthétiques et ses proportions assez restreintes, ainsi qu'on le voit. Ici comme dans d'autres sanctuaires célèbres, Dieu a voulu montrer que ce n'est point le mérite de l'exécution ni la distinction de la forme qui retiennent aux pieds des images miraculeuses les générations chrétiennes. Elle porte la date significative de 1576 et ,a dû succéder à celle qui ornait antérieurement la chapelle et qui avait disparu dans l'une ou l'autre des dévastations commises dans le pays, par les Iconoclastes, peut-être même lors de la première apparition des Gueux des Bois en août 1566. Ainsi que nous


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l'avons déjà dit, Caestre se trouvait en effet dans le rayon où la rage diabolique des sectaires se manifesta avec la plus vive intensité.

Le P. Guillaume Gumppenberg de la Compagnie de Jésus cite et représente, mais sous un type différent, la statue de Notre-Dame de Caestre dans l'Atlas de Marie ou Tableau général des Images miraculeuses de la Mère de Dieu vénérées dans l'univers catholique (1).

A côté de la statue, la chapelle de Caestre paraît avoir possédé de temps immémorial des reliques de sa Bienfaitrice. Parmi les pièces d'argenterie que les administrateurs du district d'Hazebrouck enlevèrent en 1792 à la paroisse, le Bewys-Boeck cité plus haut, signale un reliquaire renfermant un morceau du Voile de la Sainte Vierge. On ne sait ce que cette relique est devenue. Actuellement la chapelle possède un minime fragment de la Ceinture de la Mère de Dieu. Ce précieux trésor a son authentique que nous reproduisons en fac-similé (2) avec, ses grosses fautes d'impressions. Daté des Ides de février de l'an 1801, il porte la signature et les armes de M. Vantroyen, protonotaire apostolique, alors ancien chanoine de Saint-Pierre à Cassel et plus tard décédé doyen de cette ville (1833). Cette pièce nous dit que la relique a été extraite de source authentique et qu'elle a été de temps immémorial exposée avec la permission de l'évêque d'Ypres à la vénération des fidèles de ce diocèse. Le reliquaire qui la renferme, et dont nous donnons ici le dessin, semble offrir tous les caractères du XVIIe siècle et il porte le nom de François Debaecker, qui fut nommé vicaire de Caestre en 1803.

Une question se pose ici devant nous. La relique et son

(1) Ingo3lstald, chez Georges Haenlin, imprimeur de l'Académie, l'an de l'Incarnation 1657.

(2) Voir annexe A.


enveloppe constituent, nous venons de le voir, un présent du donateur, M. l'abbé F. Debaecker, qui doit l'avoir obtenu à un titre quelconque du protonotaire, M. le chanoine Vantroyen. Mais, à quelle occasion celui-ci en

était-il devenu possesseur pendant son émigration et à quelle relique majeure la parcelle vénérée à Caestre avait-elle été empruntée ? L'avait-il emportée

emportée exil et remise là à son ami, peut-être à son compagnon d'exil ? C'est probable. Quant à la provenance de la coupure, nous ne pouvons faire que des conjectures. Proviendrait-elle de la ceinture de la sainte Vierge conservée autrefois à l'église Notre-Dame de Chalcopratée ou des Frondeurs à Constantinople? Nous savons d'après M. l'abbé Durand (1) que Jérusalem fut la première dépositaire des principaux objets qui avaient été à l'usage de la Mère de Dieu pendant les jours de son pèlerinage icibas et que la ville déicide se dépouilla d'une portion de ses saintes richesses en faveur de Constantinople. Parmi ces objets précieux, figurait la ceinture ou l'une des ceintures portées par l'auguste Vierge, car les femmes juives en avaient habituellement deux. Dieu s'était choisi pour la conserver et la transmettre aux âges futurs une

(1) L'Ecrin de la Sainte Vierge. — Souvenirs et monuments de sa vie mortelle au XIXe siècle, visités, étudiés et discutés par l'abbé Durand, t. I, passim. C'est à cet auteur que nous avons emprunté des indications relatives à la Ceinture de la sainte Vierge.


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Sainte illustre par son rang et sa piété. C'était Pulchérie, épouse et vierge tout à la fois, fille d'empereur, couronnée elle-même, sur laquelle la douce image de la Reine du ciel reflétait ses plus glorieux rayons.

Pulchérie était fille d'Arcadius et soeur de Théodose le jeune, tous les deux empereurs d'Orient. Seule de sa famille, elle hérita du génie du grand Théodose, son aïeul. A l'âge de quinze ans elle était capable de recevoir avec le titre d'impératrice la double tutelle de son frère et de l'empire.

La condamnation de Nestorius à Éphèse, l'an 431, avait été la proclamation solennelle du dogme de la Maternité divine de Marie. L'Eglise tout entière reçut Cette décision avec des transports de joie. Pulchérie voulut s'associer à la reconnaissance universelle et elle se montra vraiment magnifique dans piété. Des monuments durables, élevés par ses mains, perpétueront, au sein des générations futures, le triomphe de Marie, Mère de Dieu, sur l'enfer.

D'après les Bollandistes, trois églises somptueuses furent construites à Constantinople : Notre-Dame dés Blaquernes, Notre-Dame des Chalcopratée ou des Frondeurs et une troisième dans le faubourg des Guides (1). Chacune d'elles devint comme un splendide reliquaire dans lequel la sainte impératrice, déposa un précieux souvenir de la Mère de Dieu. L'église des Guides reçut le portrait de Marie peint par l'évangéliste saint Luc. Les Blaquernes furent enrichies des linges qui avaient enveloppé dans le tombeau le corps de la sainte Vierge et de son urne sépulcrale ; pour la troisième, Pulchérie réserva la Ceinture que son frère Arcadius avait fait

(1) Acta sanctorum, Septembris, tomus tertius, pp. 537, 538, 539, XVI. Vara fundationes ecclesiarum, locorunque piorum, quae S. Pulcheriae attribuuntur.


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apporter à Constantinople. Elle la fit enfermer dans une cassette d'argent d'un prix inestimable. Tous les mercredis, en vertu d'une fondation de l'impératrice, un office solennel était célébré devant la sainte relique. La nuit, guidée par la pâle lumière d'une petite lampe, seule et à pied, Pulchérie, après avoir donné les heures du jour aux affaires de l'empire, sortait du palais pour venir chanter, avec les clercs, les louanges de la Reine du ciel.

La dévotion pour la Ceinture de la Mère de Dieu devint bientôt si populaire et si empressée, les grâces obtenues furent si abondantes, qu'un édit de l'empereur Manuel Comnène établit une fête en son honneur et, comme les plus solennelles, cette fête devait être chômée.

A la faveur de cette solennité, le culte de la Ceinture se répandit, non seulement en Syrie, en Perse dans les provinces de l'Orient, mais encore en Egypte, en Illyrie et dans toutes les contrées de l'Occident. Et on vit s'organiser dans l'Ordre de Saint-Augustin un grand nombre de confréries en l'honneur de la Ceinture de la Vierge Marie.

Comment cette Ceinture, ou du moins quelque coupure de cette précieuse relique est-elle parvenue dans nos contrées ? Probablement que lors de la prise de Constantinople, en 1203, par l'armée combinée aux ordres du Comte Bauduin IX, du Marquis de Montferrat et du doge de Venise, Henri Dandolo, quelque chevalier flamand, appartenant à une famille de WestQuartier et laissé dans l'ombre par le grand historien de la croisade, Villehardouin, l'aura eue dans son-lot comme part du butin et l'aura rapportée au pays après avoir quitté l'armée conquérante. En tous cas, nous savons d'une manière positive que Caestre possède Une parcelle de ce trésor et, comme au sein des popu-


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lations chrétiennes, une relique c'est l'irrésistible aimant qui attiré et entraîne, puisse la ceinture de Marie exercer cette salutaire action sur notre paroisse et y servir de divin palladium contre les calamités qui pourraient menacer la région !

A côté de cette relique, le sanctuaire de Caestre possède des objets bien dignes de vénération. Voici dans quelles circonstances ils ont été retrouvés. En 1860, avant de renouveler le dallage de la Chapelle, M. le curé Goris voulut rechercher les ossements des Vierges martyres. Dans ce but, il fit creuser le sol à l'endroit même où elles avaient été enterrées, en présence de feu M. le vicaire Pouwels, de M. F. Hugghe, président du Conseil de fabrique, et d'une pieuse paroissienne, feu Mademoiselle Antoinette Dousinelle, qui nous a autrefois transmis cette relation : « A une certaine profondeur, » que mes souvenirs ne permettent pas de préciser, on » découvrit quelques ossements humains et dans le même » plan quelques petits objets singuliers : un petit os de » volaille, un os de boeuf, une boucle, le manche et la » lame d'un poignard séparés l'un de l'autre et tellement » rongés par la rouille qu'ils se partagèrent en pièces » quand on voulut les recueillir. L'objet qui a frappé plus » spécialement nos sens fut une sorte de petit gâteau, » grand comme la paume de la main, tenant le milieu » entre ce genre de pâtisserie que nous appelons ». aniskouke et celui désigné sous le nom de spéculation. » Ce petit gâteau de forme ronde était dentelé sur les » bords et légèrement piqueté à sa surface inférieure. Il » était imprégné d'humidité et tant soit peu recouvert » de terre ; chose surprenante ! il exhalait une odeur » suave qu'il conserva pendant plusieurs semaines (1). »

(1) Ces différents objets, sauf le petit gâteau, sont religieusement conservés au presbytère.


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Les archives de la chapelle n'existant plus, nous n'avons pu retrouver la mention exacte des motifs déterminants du culte de Notre-Dame et des Trois Vierges ; cependant un procès-verbal, signé à la fin du XVe siècle par le curé, le prévôt (bailli) et les échevins nous en donne une idée par la nature et le nombre des miracles que l'on obtenait grâce à l'intercession de la Mère de Dieu et de ses fidèles Servantes. A cette époque et sans doute dans les siècles antérieurs, un grand nombre de mères chrétiennes allaient prier à la Chapelle ou y faisaient prier pour leurs enfants malades et même mortsnés. D'après la tradition, les malades qui souffraient de rhumatismes, de fièvres si peu rares dans notre région et même de plusieurs autres maladies réputées incurables, s'y faisaient conduire, et, selon l'antique usage, passaient entre les tombeaux des Trois Vierges et s'agenouillaient devant Notre-Dame de Grâce.

Quant aux miracles signalés plus haut, nous les rapportons d'après le P. Malbrancq. Ce religieux dit que le procès-verbal était parvenu entre les mains de l'évêque d'Ypres et que chacun pouvait en prendre connaissance. Il donne les noms de ceux qui l'on signé : Nicolas Decopman, curé de Caestre et notaire apostolique; Nicolas de Costere, prévôt, titre que nous croyons devoir interprêter par celui de bailli seigneurial ; Henri Henneman, premier échevin du village ; Walter van der Haghe, Testard Colardt, François de Wycke et Nicaise Pierens, aussi échevins.

Le 5 juillet 1493, l'enfant d'Achille Quagbeur fut apporté privé de vie dans le sanctuaire de Caestre ; il ressuscita et put recevoir le baptême.

Le 6 juillet 1494, le même miracle s'accomplit en faveur d'une femme du territoire de Lille, qui demeu-


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rait alors chez Nicolas Zoetemond, d'Eecké, et qui avait mis au monde un enfant mort:

L'année 1495 vit la même faveur accordée à Robin van Casteele, de Steenvoorde, et aux épouses de Jean van der Graefschepe, de François Ruckebusch et de Walen Flys.

Le 27 mai 1496 la fille de François Boude, morte avant de naître et enfermée durant neuf jours dans le tombeau où l'on venait d'enterrer sa mère, fut exhumée par de pieuses amies de la famille et portée à la chapelle des Trois Vierges ; elle y reçut aussi la vie et put être régénérée dans les eaux du baptême.

Dés circonstances plus étonnantes encore marquèrent le prodige accompli au mois de septembre suivant.. Pierre Wexsteen, de Merris, avait vu son fils naître sans mouvement et sans vie ; espérant un miracle, il le porte à la chapelle de Notre-Dame de Strazeele et le laisse tout un jour sur l'autel : aucun changement ne se produit. Le lendemain, il le dépose, aussi pour toute la journée, sur l'autel de la chapelle de Caestre : c'est encore en vain. Cependant il fallut enterrer l'enfant, et le malheureux père, durant trois jours, resta inconsolable. Ce laps de temps écoulé, Pierre Wexsteen se rend au cimetière, creuse la terre de ses mains, en retire le petit cercueil, et porte de nouveau le cadavre de son fils dans le sanctuaire de Caestre, où il le fait passer entre les tombeaux des Trois Vierges et le dépose aux pieds de la statue de Notre-Dame de Grâce. Tout-àcoup, ô prodige, au bonheur ! les yeux de l'enfant brillent, sa tête et ses pieds s'agitent, il peut recevoir le baptême. Des miracles analogues s'opèrent en 1497 et en 1498.

Tout nous porte à croire que Notre-Dame de Caestre n'a pas borné ses faveurs à cette époque et que bien des

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prodiges ont été opérés dans sa chapelle dans les temps postérieurs. Ce qui le prouve, c'est à travers les siècles, l'élan des pèlerins et leurs pieuses démonstrations que nous signalons dans le chapitre suivant.


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CHAPITRE III

PRATIQUES DE DEVOTION A L'EGARD DE NOTRE-DAME DE GRACE ET DES TROIS VIERGES

PÈLERINAGE. — OFFRANDES, DONATIONS. — NEUVAINE.

INDULGENCE. — PROCESSIONS. — MEDAILLES.

REPRÉSENTATIONS DRAMATIQUES. CONGRÉGATION. - CANTIQUES. FONDATION,

Il nous reste, pour compléter notre travail, à décrire les témoignages publics de foi, de respect et de confiance des fidèles à leur auguste Patronne et aux Trois Vierges dans le Sanctuaire de Caestre.

Aussitôt qu'en exécution de son voeu, le Seigneur de Strazeele eut achevé la première construction, la chapelle devint un lieu de réunion. Coepit igitur ex indè locus mirificè excoli, dit Malbrancq (1). Si clair-semée que fut naturellement la population, son concours vers l'endroit marqué par l'assassinat et le martyre des Trois Vierges ainsi que par l'apparition de la Reine des Cieux dut être 'autant plus grand que les lieux désignés à la piété de ceux qui étaient déjà alors convertis au Christianisme étaient peu nombreux. Ce concours subit naturellement des alternatives suivant les événements.

Il est probable que les offrandes des pèlerins avaient lieu originairement en argent ou en nature, le plus sou(1)

sou(1) Morinis et Morinorum rébus, t. II, lib. V, p. 195.


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vent en denrées, comme nous avons vu la chose se pratiquer dans d'autres Sanctuaires.

Il semble résulter de l'absence de tout bien jusque dans la seconde partie du XVe siècle, qu'il n'y eut pas d'abord de fondations proprement dites.

La chapelle ne dut jamais être riche. Nous n'en voulons d'autre preuve que l'exiguité de ses terres qui, avant la Révolution, ne dépassaient pas quatre mesures trentedeux verges. Il nous paraît invraisemblable qu'antérieurement ces propriétés aient été plus considérables. Les chevaliers du Temple et plus tard leurs successeurs, ceux de Malte, placés en qualité d'avoués vis-à-vis de la Chapelle (1), n'auraient pas manqué de s'opposer à la moindre extorsion de ses biens. D'après le terrier de 1748, leurs parcelles étaient au nombre de quatre (2). Sur une indication donnée par feu M. G. David, nous avons été assez heureux pour retrouver aux archives départementales (3) la trace originelle de la donation de trois d'entre elles et

(1) M. Witsoet, dans son Bewys-Boeck, dit après avoir écrit : « Je ne trouve pas comment Cette chapelle est entrée dans le domaine du Seigneur de Caestre ajoute que « feu M. Durant, » admodiateur de la commanderie de Caestre, prétendait que» cette chapelle devait appartenir à l'ordre de Malte ».

(2) Propriétés de la chapelle d'après le terrier de 1748 :

ART. 113. De Cappelle van Caestre, een partie zaeylant 1 : 1 : 44

334. . . . . id. . 0 : 3 : 12

483 id. , 1 ; 0 : 04

784 id. . 0 : 3 : 45

2 : 7:107 Total : 4 : 0 : 32 Vier gemeeten 32 roeden.

Ces parcelles de terre, plus nombreuses que celles reprises à l'acte d'amortissement de 1475, offrent également une différence de contenance avec chacune de celles-ci; l'on peut donc admettre que les donations primitives ont été complétées par les successeurs des premiers bienfaiteurs ou par les acquéreurs des propriétés de ces' derniers.

(3) XIV registre des Chartes, f° 280, recto.


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nous publions à l'annexe B la quittance du droit d'amortissement payée au fisc d'alors. Cette pièce, que porte la date de 1475, est postérieure de soixante ans à la première de ses donations, elle nous, ramène fatalement à l'époque de la bataille d'Azincourt, dans laquelle la chevalerie flamande fut si cruellement éprouvée. Nous nous demandons avec l'érudit Président du Comité Flamand, si quelque Seigneur du pays, inconnu à l'historien de cet épisode des annales françaises, M. de Belleval, et heureux d'avoir échappé à cet immense désastre, grâce à la protection de la sainte Vierge, ne lui avait pas témoigné sa gratitude en concourant à doter la Chapelle de Caestre.

Quant à la neuvaine, nous en trouvons les premières traces après les Troubles religieux lors de l'arrivée à Bailleul des Pères de la Compagnie de Jésus. Ce sont leurs Lettres annuelles qui dès 1635, nous en signalent le cérémonial et les pieuses pratiques (1). Ouverte le 1er juillet sous le vocable de Notre-Dame de la Visitation, elle voyait parfois, affluer pendant sa durée jusqu'à vingt mille pèlerins et il y eut même des années où cinq et même neuf paroisses environnantes (2) arrivaient processionnellement invoquer le secours de Notre-Dame. La prédication se faisait chaque jour par un des Pères du Collège, et leurs" Scolastiques (3) chantaient la messe à grand orchestre. Ces offices devaient avoir un attrait spécial et procurer Un excellent résultat puisque deux années de suite les Annuoe constatent non seulement la bienveillance, à l'égard des missionnaires, du Seigneur de la paroisse qui

(1) Voir Historia et Litteroe annuoe Collegii Eellioli de 1636 à 1680. Archives générales du Royaume, à Bruxelles.

(2) On payait trois florins à chacune de ces paroisses. En 1768, Eecke et Flêtre venaient seuls en pèlerinage et sans rétribution.

(3) On appelait ainsi les jeunes religieux qui n'en étaient encore qu'à leurs voeux simples.


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était alors Thomas de Thiennes, mais sa présence et celle de toute sa famille aux exercices de la neuvaine. Commencées dès quatre heures du matin, les confessions, qui nécessitaient parfois le concours des curés voisins, se prolongeait souvent jusqu'à midi; aussi les communions atteignaient-elles le chiffre de quinze cents à deux mille ; c'était là de la part des fidèles d'excellentes dispositions pour gagner des Indulgences que les Pères Jésuites par permission du Saint-Siège, avaient la faculté d'appliquer aux exercices d'une neuvaine. A leur départ, ces faveurs furent restreintes et limitées au dimanche après la saint Jean-Baptiste, qui était alors le premier jour de la neuvaine, au jour de la Visitation ainsi qu'aux cinq jours chômés de la sainte Vierge où, dit M. Witsoet dans son Bewys-Boech, « tantôt deux récolets de Cassel, deux augustins d'Hazebrouck ou deux capucins de Bailleul, s'établir comme chefs i disant la messe à six heures du matin et à neuf heures l'été et à sept heures et demie l'hiver y exposant le Très Saint-Sacrement et i donnant des bénédictions, i entendant des confessions et distribuant la sainte Communion. Ils coûtoient jadis à la chapelle 24 ou 25 livres de gros par an (1) ». « Le curé, continue M. Witsoet, recevoit annuellement de cette Chapelle dix-huit livres parisis, douze gros selon un enchien compte de cette Chapelle de l'an 1672 que j'ai trouvé réduite à dix-huit livres parisis et dont mon prédécesseur tint notice de réception à commencer de l'an 1719 pour la procession et autres services rendus à la Chapelle ». « Chaque semaine, ajoute notre chroniqueur, ils se disoient depuis un temps immémorial deux messes à l'honneur de la B. V. clans cette chapelle qui se payoient des revenus de cette Chapelle ».

(1) La livre de gros, monnaie de Flandre, valait, douze livres parisis.


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Un des principaux exercices: de la neuvaine était l'Ommegang ou procession circulaire qui avait lieu le dimanche avant la Visitation, Nous en avons trouvé la description complète dans la chroniqueflamande rédigée eu 1794 et citée plus haut (1).

Outre le Seigneur aveugle monté sur son cheval, le garde-forestier les trois religieuses, les trois brigands, la Statue miraculeuse, sa bannière et sa chandelle, le Saint-Sacrement sous le dais, entouré des porte-flambeaux tels que les représente le tableau repeint en 1827 et dessiné au frontispice de notre travail, la chronique nous signale comme faisant partie de la procession, avant la Révolution, les deux bannières de la paroisse, les statues de la sainte Vierge et de saint Roch, les trois grosses chandelles de la chapelle, ainsi que la Gilde rhétoricienne de Caestre placée sous l'invocation de saint Nicolas, avec son drapeau et son étendard, ses tambours et ses fifres, sans oublier « den Wyseman», son orateur.

Laprocession se rendait d'abord de l'église au sanctuaire" des Trois Vierges, en passant par la rue de la chapelle, également décorée. Du sanctuaire, on rejoignait par la Courte Brève, la Steenstraete ou voie romaine ; là, au reposoir de la maison de M. Lenglé se donnait la bénédiction du Saint-Sacrement, et le cortège rentrait à l'église au chant du Te Deum. L'ordre et la piété, fait observer la chronique, ne cessaient de régner sur tout le parcours de la procession, malgré l'affluence des étrangers accourus de toutes les paroisses environnantes.

Des ex-voto, que les fidèles offraient en hommage à Notre-Dame, ou des objets pieux qu'ils emportaient alors comme souvenirs, nous n'avons trouvé, la trace que d'une

(1) Nous donnons à l'annexe C la partie de la chronique flamande relative à la procession.


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médaille. C'est la riche collection numismatique de feu M. Dancoisne (1), qui l'a prêtée au Sanctuaire et nous devons au zèle de M. l'Archiprêtre Staelen, alors curé de Caestre, d'en posséder aujourd'hui une reproduction dont le dessin de la face principale est donné ici dans le texte :

Nous avons déjà eu occasion de faire remarquer le concours prêté au siècle, passé par les Sociétés de rhétorique à la vulgarisation des dogmes et des faits remarquables de notre sainte Religion, comme à celle de la vie des Saints. Une société de rhétoriciens nommé de Lyberlinen existait à Caestre en 1540. Environ deux siècles plus tard, une réunion de jeunes gens se joignirent aux débris de cette ancienne Chambre : on se plaça sous l'invocation de saint Nicolas et l'on prit pour devise : Wy leven door victorie (nous vivons par la victoire). Sa charte fut octroyée le 20 mai 1732. La Rhétorique de Caestre se distingua dans tout le cours du dernier siècle par son esprit chrétien et un zèle peu commun (2) ; il est vrai que pendant de longues années, elle trouva un encouragement et un appui dans la personne et le talent de son curé Witsoet qui composait lui-même des pièces dramatiques et les faisait jouer par les Rhétoriciens. Nous avons de lui, entre autres oeuvres : La vie du curé Crimminck, l'un de ses prédécesseurs, pièce représentant les principaux actes de ce saint personnage ; Les Trois Vierges de Caestre, mystère dramatique joué dans cette

(1) Cette collection a été achetée par le musée de Lille au prix de 25.000 francs.

(2) Cette société représenta en 1738 la Vie de saint Orner, patron de la paroisse; en 1743 celle desaint Roch et la Translation de ses reliques. En 1775 elle joua Bartholomél, roi du Japon triomphant de ses ennemis ou l'Espérance triomphante et en 1773 l'Innocence reconnue de Geneviève de Brabant.


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paroisse en 1790. Cette pièce, en cinq actes et conservée au presbytère, comprend 1.654 vers hexamètres. Comme elle se rattache à notre travail, nous croyons devoir en dire quelques mots. Si elle ne fait que médiocrement honneur à la verve poétique de son auteur, si on ne peut la regarder que comme une oeuvre de la décadence du théâtre flamand dans notre Flandre maritime, on constate, du moins qu'elle témoigne du zèle de notre pieux pasteur (1). Après s'être efforcé de chanter le martyre des Trois Vierges saxonnes, le curé de Caestre allait lui-même mourir à Douai (2), dans les cachots de la République et devenir ainsi victime de son attachement à la foi de nos ancêtres.'

De ces usages populaires et surtout de toutes les pratiques de piété autrefois en usage à Caestre, nous avons encore le pèlerinage quotidien. Il ne se passe pas de jour, en effet, sans que le Sanctuaire ne soit visité non seulement par les fidèles de la localité, mais encore par les étrangers. Depuis quelques années, les exercices du mois de Marie s'y font avec la plus grande édification sous le doux sourire de la Madorine habillée à la façon des Vierges espagnoles et au son mélodieux des cantiques (3) restés dans l'oubli depuis 1860 et exécutés maintenant par les Enfants de Marie, dont la Congrégation a été canoniquement rétablie le 21 novembre 1886.

Si la neuvaine, qui commence le dimanche après la saint Jean-Baptiste, n'attire plus comme autrefois des

(1) Nous en donnons la traduction à l'annexe E.

(2) Voir sur l'abbé Witsoet nos « Notes et Documents pour servir à l'Histoire des Institutions ecclésiastiques de l'Enseignement secondaire à Dunkerque à partir du XVIIe siècle » ; 1 Fasicule. Epilogue par M. l'abbé Flahault.

(3) C'est M. l'abbé Bourlet, curé de Bousbecque, qui, avec son obligeance habituelle et le talent qui le distingue, a bien voulu remettre en musique ces cantiques publiés en recueil.


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niasses Compactes, elle, a pour la paroisse et les environs le grand avantage d'être une époque de pieux concours, et de pratiques de dévotion qui tendent à augmenter

d'année en année. Déjà on compte de six à sept cents communions et les fidèles mettent d'autant plus d'empressement à s'approcher des sacrements qu'une Indulgence


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plénièré, accordée en 1843 par Sa Sainteté Grégoire XV, reste toujours en vigueur (1).

Rétablie après la Révolution et se déroulant dans les rues du village, telle que nous la représente le dessin placé au frontispice de notre travail (2) la procession fut modifiée à partir de 1853, à la suite du passage à Caestre de Monseigneur Régnier, Archevêque de Cambrai, au mois de juin de cette année.

Après avoir assisté à cette procession, et trouvé quelque chose de trop dramatique et de profane dans les personnages historiques, Sa Grandeur ordonna la suppression de ces derniers. Le 13 avril 1888, lors de sa tournée dé confirmation, Monseigneur Hasley, l'un des successeurs du cardinal Régnier, devant qui M. l'abbé Govaere avait exposé l'historique de Notre-Dame de Grâce, fut très touché du récit qu'il avait entendu et permis de faire figurer à la procession le chevalier aveugle, son écuyer et les Trois Vierges. Cette première autorisation n'avait été accordée qu'à titre d'essai ; mais depuis lors, la procession ayant, conservé le caractère éminemment religieux et le recueillement profond qu'elle n'aurait jamais dû perdre, est autorisée chaque année dans les mêmes conditions.

Le Bewys-Boeck des biens de l'église, de la cure et de la chapelle de Caestre, continué après la Révolution par les successeurs de M. Witsoet, mentionne « une fonda(1)

fonda(1) annexe D qui donne le Bref de cette Indulgence.

Déjà en 1833, M. l'abbé Coulon, alors curé de Caestre, avait obtenu un Induit d'indulgence plènière pour la neuvaine; cette pièce s'étant égarée, le pasteur renouvela avec succès sa demande.

(2) Il est une particularité de cette procession dont nous avons été témoin en 1844 et que nous tenons à signaler. En souvenir des oiseaux, qui, par leurs clameurs indiquèrent au seigneur l'endroit de l'assassinat des Trois Vierges, des enfants portaient autour de la statue de Notre-Dame des cages renfermant des volatiles.


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tion perpétuelle créée par Cyssau, de sept francs cinquante centimes à M. le curé de Caestre, à charge de chanter une messe et un salut en la Chapelle de la commune de Caestre. Cette fondation, dit la note, est assise sur un hectare, 35 ares, 50 centiares de terre à labour occupée par Louis Gorre ». Elle est d'un exemple à imiter.

Notre tâche est terminée.

Puissent ces quelques pages contribuer à mieux faire connaître, à faire prier et vénérer davantage Notre-Dame de Grâce et les Trois Vierges de Caestre ! Nos voeux seront sans doute exaucés : rappelons qu'une belle et large chaussée allant de Dunkerque à Lille; de nombreuses voies de communications intermédiaires ; une station de chemin de fer assise vers la frontière du côté de la Belgique ; un riant village de 1.500 âmes placé au milieu de pâturages verdoyants et de champs fertiles ; une chapelle antique ornée de ses touchants souvenirs et, dans ce cadre, une statue miraculeuse, qui à vu passer, avec d'illustres personnages (1), les générations reconnaissantes, et qui attend l'heure solennelle de son couronnement, voilà bien des charmes pour faire toujours affluer au Sanctuaire de Caestre, nos religieuses populations des Flandres.

(1) Pour ne nous occuper que des faits postérieurs à la Révolution, nous pouvons affirmer que Nos Seigneurs les Evêques et Archevêques de Cambrai, de passage à Caestre, y ont laissé tous de bien beaux témoignages oraux ou écrits dans leur vénération a l'égard de Notre-Dame de Grâce et des trois Vierges. Nous, signalerons entre autres l'intéressant procès-verbal rédigé par M. le chanoine Lobbedey, vicaire général, accompagnant Mgr Sonnois lors de sa dernière tournée pastorale à Caestre en mai 1900.


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ANNEXE B

Lettre de recepte contenant admortissement au prouffit de la chapelle des Trois pucelles de Caestre, ou terrouoir de Bailleul

Je Anthoine Spillart, secrétaire de monseigneur le Duc de Bourgoigne, et commis à la recepte des deniers venans des nouveaulx acquestz non admortiz, faiz depuis soixante ans ença par les prélatz et gens d'église en Flandres, confesse avoir receu des chapellains et gouverneurs de la chapelle des trois pucelles, scituée en la paroiche de Caestre ou terroir de Bailleul, la somme de sept livres huit solz parisis, du pris devint gros monnoie de Flandres la livre. A laquelle somme ilz ont puis nagaires esté tauxez et arbitrez par les commissaires à ce ordonnez de par mondit seigneur ou quartier d'Yppre pour les acquestz faiz au nom de ladicte chapells depuis lesdictes soixante ans ença sans en avoir lettres d'admortissement de mondit seigneur et desquelz acquestz la déclaracion s'ensuit : Premièrement, une mesure de terre ou environ par cy devant acxuise au prouffit de ladicte chappelle et vault en censé par an trente huit solz parisis. Item, ung quartier et demy de terre aussi acquiz à ladicte chappelle, valent en censé par an douze solz parisis. Item, encoires une mesure de terre semblablement acquise qui vault en censé par an vingt-quatre solz parisis. Et par dessus ce que dit est appartient à ladicte chappelle trois livres dix solz parisis par an, despiéça et paravant lesdits soixante ans ença, dont elle fournist le luminaire de cire et les réparacions et toutes autres choses à icelle nécessaires : ainsi montent lesdictes acquestes depuis les dits spixante ans ença, LXXIII solz


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parisis dont la tauxacion monte comme dit est à ladicte sommé de sept livres huit solz parisis, de laquelle somme monnoie et pour la cause dicte dont je suis content, je prometz, lesdits chappellains et gouverneurs, faire tenir quicte, paisible et deschargié envers mondit seigneur comme il appartiendra. Pourveu toutesvoies qu'ilz seront tenus de, en dedens deux mois prouchainement venant, faire enregistrer ceste ma lectre en la Chambre des Comptes de mondit seigneur à Malines, qui leur vauldra et sera aloué pour admortissement à la sceurté de ladicte chappelle, en ensuivant l'ordonnance sur ce de mondit seigneur le Duc. Tesmoing mes séel et seing manuel cy mis le VIe jour de may l'an mil quatre cens soixantequinze. Ainsi signé : A. Spillart. Et sur le dos de ladicte lectre estoit escript ce qui s'ensuit : Ceste lectre de recepte et quictance est enregistrée en la Chambre des Comptes de monseigneur de Bourgoigne, à Malines, ou registre des Xchartes y tenu commençant en septembre mil IIIIe LXIX, folio IIe IIIxx. Et en vertu de certaines lectres patentes aussi enregistrées oudit registre folio IIe LII, par lesquelles mondit seigneur veult et ordonne que toutes acquestes faictes puis LX ans ença par les gens d'église de ses païs de par-deça non excédans la somme de XX livres parisis, monnoie de Flandres, de revenue par an, soient tenues comme admorties en prenant et rapportant en ladicte Chambre seulement lectre sur ce des receveurs à ce par lui commis. Les parties déclairées ou blanc de cestes ont illec esté receus et expédiées comme admorties au prouffit de la chappelle de Trois Pucelles scituée en la parroiche de Caestre en la fourme et manière contenue oudit blanc, le XXVIe jour de may, l'an mil IIIIe LXXV, moy présent : M. Dornart.

(Chambre des Comptes de Lille. Art. B. 1609, 14e Registre des Chartes, folio 280, recto).


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ANNEXE C

Heden 29 Junius 1794 (slaven stil of fanatique stil) zynde den 12 van den maend messidor, 2e jaer der fransche République, een ende onverdeelbaer, synde nu hedén den gewoonelyken eersten dag van Oaester ommegank, den welken voor dezen seer vermaert ende solemnelyk geviert was, met zulke groote devotie ende toeloop van de volkeren der nabuerige dorpen ende prochien, dat het plaisir was van te siene, ende het gink al op een goed order ende sin ; den (dach?) van te vooren, voor den ommegank waeren de wegen die van de kerke naer de Cappelle leyden daer op eenen goeden zin gerepareet ende bequaem gemaekt om de groote processie te doene van de kerke naer de Cappelle, ende rond al de steenstraete naer Lenglé, alwaer een Cappelleken gemaekt was, ende daer eenige antiphone, of lofzange gezongen, ende de benedictie was daer naer gegéven, toen gonk-ze soo voors naer de kerke.

De groote processie die tot Caestre op den ommegank gonk, Avas seer curieus, ende veel volk quaemen van aile kanten om sulk eene processie te siene, Avant daer gink gemeenelyk in de solemneele processie, te wéten :

De 2 vaenen, de 4 fackelen rond het sacrement huyseken, het beelt van O : L : V : in de kerke, Ste Rochus Idem. O : L : V : in de Cappelle : de 3 kattelyne keizen uyt de Cappelle, de Vaéne, de dry nonnen, de dry moordenaeren, de blinden Rudder op een peerd; eenen nian met een bosch op den rug ; de Guide van den heyligen


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Nicolaus (1) met vendel ende standaert, trommel ende fieutel, als. ok den wyseman. De Cappelle was op het solemneelste opgezet.

ANNEXE D

Bref d'une Indulgence plénière pour l'Octave dans la chapelle de Caestre, laquelle commence le dimanche avant la fête de la Visitation de la Sainte Vierge, accordée à Rome, le 1re d'Avril 4843 et approuvée à Cambrai, le 24 Avril 1843, par M. Giraud, vicaire général, bref signé par M. Dujwez, chanoine et secrétaire général.

Bme PATER,

Rector Parochiae vulgio Caester, diocesis Cameracensis in Gallia, ad pedes S. V. provolutus, humiliter, esponit quod die IIIa Decembris 1833, a S. V. obtinuit indulgentiam plenariam a fidelibus, pro una Octava, lucrandam in quodam hujus Parochiae sacello, Divae Virginis, sub titulo Matris Gratiae et Misericordiae, a multis saculis dedicato ; quas Octava quotannis incipit Dominica ante feslum Visitationis B. M. V. Cum autem haec indulgentia, defectu approbationis Ordinarii, lucrari non potuerit, et indultum concessionis amplius non inveniatur, S. V: humillimè supplicat quatenus praefatam indulgentiam pro dicta Octava, in hujus parochiae antiquo sacello a fidelibus lucrandam, largiri dignetur.

(1) Le Règlement de cette réthorique, ayant pour devise : « wy léven door Victorie », date de l'année 1700, suivant le chronogramme :

SCHROOMT DEN RISCHTER

Traduction : Craignez le Juge suprême.

Nous avons dit plus haut que la charte ne daterait pourtant que de 1732.


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Ex AUDtis Smi

SSmus Dnus Nr. Gregorius PP. XVI, concessionem de qua in precibus revocando omnibus utriusque sexus Christi fidelibus vere poenitentibus, confessis, sacraque Communione refectis supra enunciatum publicum sacellum in Dominica Visitationis B. M. V. festum immédiate praecedente, vel in ejus octiduo, visitantibus, ibique per aliquod temporis spatium juxta consuetos fines orantibus, Plenariam Indu.lgentiam, fidelibus quoque defunctis applicantibus incipiendam ab ipsius Dominicss primis vesperis usque ad ultimaa diei de dicto octiduo solis occasum, pro unica diimtaxat vice ejusmodi intervallo acquirendam peramenter est impertitus. Praesenti in perpetuum valituro absque ulla Brevis expedite.

Datum Romae ex Secria S. Congnis Indulgrum die pmS Aprilis 1043. Gabriel Cardinalis..... Praefectus (1).

Permittimus praesens Indultum suum effectum sortiri, juxtà sui formam et tenorem.

Cameraci, die 24â Aprilis 1843. L. S. Giraud, Vic. Gen. de l'Archevêché.

De mandato, Duprez, Can, Secret. Gen,

H. (signature illisible).;

(1) Sceau du Card. Secret., imprimé sur pâte. Légende en grande partie non empreinte.


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ANNEXE E

Les Trois Vierges de Caestre, par M, G. P. WITSOET, Drame en cinq actes (1654 vers) joué en 1690 et dont l'analyse a été faite par M. l'abbé D. CARNEL.

Il a été question dans les productions du Comité Flamand de France de Gabriel Pierre Witsoet, curé de Caestre, considéré comme poète, rhétoricien et auteur dramatique (1).

Cette pièce est, comme toutes celles de l'époque, écrite dans ce flamand rimé et haché par d'uniformes hémistiches, dont nos rhétoriciens étaient coutumiers et friands. Mais il n'y a pas lieu d'en faire ici une étude littéraire. Elle est faite par notre bon curé dans l'intention de tenir lieu d'un sermon pendant une festivité locale, ainsi que l'indique sa devise :

Als 'twit en 'tsoet is t'saem De sack is aengenaem.

C'est-à-dire « édifier en amusant » et ainsi elle apparaît comme un côté curieux de ce qu'étaient encore nos villages il n'y a guère que cent ans.

Voici une courte analyse de cette composition dramatique :

ACTE 1er

Trois jeunes filles : Eléonora, Lucretia, Monica (2) tiennent une controverse pieuse et théologique sur le

(1) Voir Annales du Comité Flamand.

(2) On voit que l'auteur a remplacé par trois noms flamands, les noms Sabina, Elfride et Edith des Trois Vierges AngloSaxonnes.


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mérite et les avantages de la virginité. La plus-jeune, Monica, qui avait d'abord opté pour le mariage, se range à l'avis de ses soeurs. Elles se retirent et sont remplacées sur la scène par trois mauvais sujets : Boy, Pul et Cats, Ceux-ci viennent de commettre un vol et discutent sur l'emploi criminel qu'ils en feront.

ACTE 2e .

Mylord, père des trois nobles demoiselles, se félicite de les marier à trois jeunes seigneurs qui les demandent... Intervient Milody qui délibère avec lui. Mais quand elle annonce que Monica veut aussi refuser le mariage, elle met à son comble le désespoir de Mylord.

ACTE 3e

Scènes de famille... Le père et la mère font venir leurs filles, les exhortent, les pressent et finissent par les accuser d'ingratitude. Celles-ci protestent, font valoir les droits de Dieu et finalement obtiennent de leur mère qu'elle intercédera auprès de son mari.

ACTE 4e

On convient en famille que les trois jeunes vierges iraient à Rome, où se célèbre l'année jubilaire. Le père consent à regret à cette séparation momentanée qui grâce aux avis du Pape les remettra probablement dans la famille... En même temps il découvre qu'il a été volé! La somme est énorme... Ici le drame se corse : dans son affolement, le mylord soupçonne ses filles et ose les accuser ! Celles-ci sont consternées à cette nouvelle épreuve et ne savent comment en sortir, lorsque leur mère vient annoncer que les voleurs sont connus. Le veillard est


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ému de compassion pour ses filles ; il consent à leur départ, les bénit et un navire en partance pour Dunkerque les reçoit à son bord.

ACTE 5e

En Flandre ! Les trois vauriens : Boy, Cats et Pul ont profité du même bateau pour sortir d'Angleterre. Ils ont remarqué les trois jeunes Vierges qu'ils croient munies de beaucoup d'or... L'épouvantable crime racontée dans la légende, va se passer et la scène la rend en réalité : assassinat des trois Vierges, guérison miraculeuse du seigneur de Caestre qui retrouve la vue... Voeu de bâtir une chapelle, et le spectacle se termine par la Bénédiction.


SAINT WINOC A-T-IL DEMEURÉ A. BERGUES? par M. l'Abbé PRUVOST

Aumônier de l'Hospice de Seclin

INTRODUCTION

La ville de Bergues a Célébré, l'an dernier, avec un merveilleux éclat, le millénaire de sa fondation. Ces fêtes tout à la fois historiques, civiles et religieuses ont été préparées de longue main par toute la population avec un entrain et un ensemble dignes d'éloge et d'admiration. La cité de saint Winoc promettait beaucoup et nous pouvons affirmer qu'elle a dépassé de beaucoup ses promesses. Nous n'avons pas à faire le récit de ces journées mémorables ni la description de ces inoubliables solennités, mais il convenait, au début de cette étude dont elles sont l'occasion, d'offrir ce modeste hommage à la vaillante et noble cité qui a su soutenir si bien, dans cette circonstance, l'honneur de la Vieille Flandre.

Ces fêtes ont soulevé ou plutôt renouvelé une querelle historique déjà bien ancienne au sujet de saint Winoc. Les uns prétendent que le bienheureux patron de Bergues, avant d'aller s'établir à Wormhoudt, où il est mort, a


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séjourné quelques années en communauté avec plusieurs compagnons venus comme lui de Sithiu, sur la colline (Groenberg) où plus tard s'éleva l'illustre abbaye de son nom. D'autres le nient.

Les premiers s'abritent sous la haute autorité d'un grand nom, Dom Mabillon (1632-1707), Bénédictin de la Congrégation de Saint-Maur. Ce saint et savant religieux, le créateur de la diplomatique, l'un des premiers parmi les pionniers de la science critique, a, par son génie et sa vaste érudition, ouvert de nouvelles voies à l'histoire. Mais faut-il s'étonner que des erreurs de détail se soient glissées dans l'oeuvre immense entreprise et réalisée par lui? Nul n'y est peut-être plus exposé que les initiateurs. D'ailleurs la science hagiographique, grâce en partie à l'impulsion qu'il lui avait donnée, a progressé après lui ; et sa méthode, employée et perfectionnée par ses successeurs, n'a pas peu servi à extirper les erreurs qui, semblables à des broussailles, encombraient le champ de l'histoire religieuse. C'est à cette oeuvre que se s'ont spécialement consacrés les célèbres hagiographes, membres de la Compagnie de Jésus, appelés Bollandistes, du nom de l'un d'eux le P. Bolland (1596-1665). Depuis le XVIIe siècle ils continuent, avec un succès et une autorité incontestés, le plus prodigieux travail d'exploration qui ait jamais été entrepris.

Notre question n'a pas attendu qu'ils fussent arrivés au 6 novembre, fête de saint Winoc, pour y être traitée. Etudiée et discutée à propos de Saint Bertin, 5 septembre, par le P. Stilting (1703-1762), elle y a été résolue dans le sens de la négative. Et les preuves qui appuient cette solution ont paru assez décisives pour faire dire à Dom Lobineau (1666-1727), de la même congrégation que Mabillon et comme lui l'une des gloires de son ordre : « Les Bollandistes assurent que saint Winoc et ses


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compagnons ne fondèrent pas le monastère dé Grunoberg, mais qu'ils passèrent directement de Sithiu à Wormhoudt, et nous croyons qu'ils ont raison, quoi qu'en disent plusieurs autres écrivains ».

Plus tard, la thèse du P. Stilting a été reprise et largement développée par le P. Ghesquière (1731-1802), l'un des Bollandistes avant la suppression de la Compagnie de Jésus (1773), dans son grand ouvrage : Acta Sanctorum Belgii. Au 6e volume (Tongerlod, 1794), il traite longuement de saint Winoc et de toutes les questions historiques qui se rattachent à sa vie. Nous ne croyons pas que parmi ses contradicteurs, aucun ait jamais essayé de s'en prendre à ses raisons. La plupart semblent même les ignorer ; d'autres se contentent, pour s'épargner la peine de les discuter, de leur opposer ce qu'ils appellent la tradition.

Et si cette tradition n'était qu'une fable?

C'est ce que nous espérons prouver dans la présente étude dont les principaux éléments ont été empruntés aux Bollandistes.

La vie de saint Winoc a été écrite pour la première fois au VIIIe siècle par un de ses contemporains ou à peu près dont le nom est inconnu. Un manuscrit sur vélin du Xe siècle appartenant à la bibliothèque communale de Saint-Omer où il porte le n° 774, reproduit cette vie primitive. Le P. Ghesquière l'a insérée au t. VI des Acta Sanctorum Belgii. On la trouve aussi au t. V des Mémoires des Antiquaires de la Morinie.

La bibliothèque communale de Bergues possède une' autre vie de saint Winoc écrite aussi par un anonyme vers le milieu du XIe siècle, nous dirons plus loin dans quelles circonstances. Cette vie est reproduite en un magnifique manuscrit sur vélin, orné de vignettes et de majuscules


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rehaussées d'or. L'écriture est d'un beau gothique du XIIIe siècle ou de la fin du XIIe. Ce précieux volume in-4° était autrefois conservé comme une relique dans le Sacrarium de l'Abbaye. Avant le pillage de 1566 par les Gueux, une reliure d'argent doré le recouvrait. Outre la vie du saint suivie du récit de 14 miracles par le même auteur anonyme, il renferme deux autres livres de miracles dont l'auteur nommé dans le titre du prologue est le moine Drogon. Puis viennent les hymnes et les antiennes notées de l'Office du saint Abbé. Le reste du volume, environ 80 pages, est consacré à saint Oswald et à sainte Lévinne dont l'abbaye posséda les corps jusqu'à la dévastation calviniste du XVIe siècle (1). Il existe encore d'autres copies anciennes de cette secondé Vie dont plusieurs même sont antérieures au manuscrit de Bergues. Mabillon l'a reproduite dans son ouvrage : Acta sanctorum ordinis S. Benedicti.

Ces deux Vies anciennes étant les premiers et principaux monuments concernant l'histoire de notre saint, il nous faut les étudier tour à tour.

(1). M. Julien L'Hermitte a donné une description fort détaillée de ce manuscrit dans une plaquette de 24 pages intitulée : Catalogue des manuscrits de la bibliothèque de Bergues. — Paris, lon, 1897.

Voir aussi du même auteur l'intéressant travail publié sous le titre : Les Manuscrits de la bibliothèque de Bergues, dans le Bulletin de l' « Union Faulconnier » de Dunkerque, année 1898.


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CHAPITRE PREMIER

Voici le début de la première Vie :

« Incipit vita vel actus sancti Winnoci, Confessoris » Christi.

» Quando agius Christi confessor Bertinus, signis atque » virtutibus decoratus, in Sithiu monasterio multitudini » praeerat monachorum ex multis undique partibus, divina » eos stimulante gratia, religiosi ad eum veniebant » viri, optantes etiam ut sub sacrée régulas jugo secum » in Dei perseverassent servitio ; inter quos quatuor » religiosi viri ex longe remota Brittonum terra qui his » nominibus nuncupati fuerunt : Quadanocus et Inge» nocus, Madocus Sanctusque Winnocus, parentes » patriamque secundum Domini prasceptum relinquentes, » ad eum unanimiter venerunt, postulantes etiam ut » inter agium monachorum gregem sub una cura cons" titutum, eos in Dei reciperet nomine. Beatus igitur » Bertinus eos in Dei amore flagrare cernens, perfec» tamque bene vivendi in eis cognoscens fuisse volunta» tem, bénigne eos recipiens, sanctae monachorum sine » morâ sociavit multitudini.

» Post hase vero, parvo temporis spatio transacto, » agius abbas Bertinus, intuens prasdictos Dei famulos " sagaces sacras regulas sectatores fuisse, neenon perfecta » caritate et vera refertos humilitate, eosque eum magna » obedientiae industria animadvertens labori manuum » operam dare, eis in pago Terwanense aliquam in Dei » nomine jussit aedificare cellam. Quidam enim vir dives,


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» Heremarus nomine, suam in praedicto pago fructife» ram heereditatem quae Worumholt vocatur, et ideo » eodem nomine prasdieta vocatur cella, Deo et beato » obtulit Bertino, Sanctus igitur Bertinus Dei famulis » multiplicare volens habitacula et Christi pauperibus » hospitia praeparare, quas eo tempore varia in praedicto » fueruntpago, praefatos Christi milites cum aliis fratri» bus eôrum praecepto obedientibus, in praedictum trans» misit pagum, ut in praefato loco aptum Dei famulis » construerent habitaculum. Religiosi igitur viri, cor » unum et animam unam apostolico habentes exemplo, » actualem sectantes vitam plus de pauperibus atque » hospitibus Christi solliciti quam de semetipsis, se» cundum sancti Bertini abbatis jussionem in prarfato » pago commodam, fa vente Domino, sedificaverunt cellam, » atque in ea per multa annorum spatia in Dei perseve» rantes servitio extremum sortiti sunt diem. »

§ 1

Gomme on le voit, dans ce texte il n'est nullement question de Bergues ni avant ni après l'établissement des moines Bretons à Wormhoudt. Pourtant l'auteur, contemporain ou à peu près de saint Winoc (1), ne devait rien ignorer des principaux événements de sa vie. Sans doute il s'étend très peu sur les faits de son histoire ; mais estce donc un incident insignifiant et indigne de mention que le fait d'avoir quitté la communauté de Sithiu pour aller fonder un établissement au Groenberg où il aurait séjourné plusieurs années ? (2) On ne voit vraiment pas

(1) Auctore anonymo cosevo aut certe suppare. — Ghesquière.

(2) Une vie de saint Winoc parue en 1887 attribue à ce séjour, une durée de 10 ans, de 685 à 695.


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pour quelle raison l'écrivain aurait supprimé de la vie de son héros, ces années d'apostolat ou de solitude. Mais il ne se contente pas de les passer sous silence, il affirme tout le contraire, puisqu'il fait venir directement saint Winoc deSithiu à Wormhoudt. Donc, dans l'hypothèse de rétablissement de saint Winoc à Bergues, il faut supposer ou que l'historien l'a ignoré, ce qui n'est pas probable ; ou que cette fondation lui a paru trop peu importante pour être signalée, ce qui serait fort étrange ; ou enfin qu'il l'a supprimée à dessein par un véritable mensonge, ce

qui est inadmissible. Du silence de l'historien la seule conclusion qui s'impose, c'est que saint Winoc et ses compagnons n'ont pas demeuré au Groenberg.

Mais, voici des faits qui fortifient singulièrement cette conclusion.

A partir de l'an 900, Bergues subit toute une série de modifications et de progrès qui l'amèneront par degrés à l'état définitif qui a subsisté jusqu'à la Révolution. C'est d'abord la construction d'une enceinte de murailles, destinée à faire de la cité naissante un boulevard contre les invasions Normandes. En ces siècles de foi la pensée religieuse n'était jamais séparée de la pensée politique. Aussi le comte de Flandre, Baudouin II le Chauve, en même temps qu'il fortifiait la nouvelle ville, y faisait construire une église qui en occupait le centre. A qui dédiera-t-il ce temple nouveau? C'est à saint Martin, l'illustre évêque de Tours, mort en 397. Pourquoi pas à saint Winoc qui, semblerait-il, avait plus de titres à

fixer le choix du prince, si, comme on le prétend, le saint Breton avait réellement demeuré en ce même lieu ? D'autant plus que pour relever la dignité du nouveau sanctuaire, Baudouin y fit apporter de Sithiu le corps de notre saint. Cette translation, si nous en croyons l'Annaliste de l'Abbaye de saint Winoc, suscita de vives récla-


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mations de la part des moines et des habitants de Sithiu, « obnitentibus Audomaricolis ». Ceux-ci prétendaient, non sans raison, avoir des droits sur les. précieuses reliques de celui qui avait passé de longues années dans leur cloître, où il était venu jeune encore se former à la vie cénobitique. Ils auraient cédé volontiers devant les droits supérieurs de Wormhoudt, si ce monastère construit, gouverné et illustré par saint Winoc eut encore existé — « jus enim merito adscribere videbantur, eum nullum ex coenobio Woromholtano superstitem scirent (1). » — Mais Bergues était absolument sans titres. Si la nouvelle ville en avait eus, c'était bien le cas de les faire valoir en présence d'une telle opposition. Il n'y a pas cependant, dans toute cette affaire, comme aussi chez les chroniqueurs qui la racontent, un seul mot d'allusion au prétendu séjour de saint Winoc au Groenberg.

Mais avançons. Plus d'un siècle après, vers 1020, Bergues reçut un nouvel accroissement qui occasionna une nouvelle translation du saint corps. Voici ce qu'en dit la Ghronicon Aldeburgense, qui eut pour auteur l'abbé d'Oudenbourg, Anien de Coussère, ancien moine de Bergues et prévôt de Wormhoudt (1462) : « Balduinus » Barbatus, suscepta Flandrorum monarchià, in supe» rioribus ejusdem Bergensis burgi, in monte scilicet qui » usque ad id tempus Mons Baal dicebatur, castrum » construeret et ecclesiam amplioris magnificentise » juxta asdificaret, quod fecisse asstimatur quorumdam » opinions ut et remotior a communi burgensium dege» ret cohabitatione et sanctissima corporis membra in » contiguam translata ecclesiam et frequentior inviseret » et devotius excoleret. » Voici donc qu'une nouvelle

(1) Annales Abbatias sancti Winnoci. — Ms. appartenant à la bibliot comm. de Dunkerque, n° 469.

Cet ouvrage, faussement attribué à D. Walloncapeile, a pour auteur D. A. Belver, moine de Saint-Winoc, f en 1681.


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église est construite, spécialement destinée à recevoir le corps de saint Winoc et à promouvoir la dévotion envers ses reliques ; et c'est précisément sur le Groenberg qu'elle est bâtie, c'est-à-dire à l'endroit même où, dans l'hypothèse de nos adversaires, a dû s'élever la cabane de saint Winoc, mais silence absolu sur cette circonstance pourtant bien remarquable.

Cet étrange silence nous le constatons encore chez tous les chroniqueurs, lorsque, quelques années plus tard, vers 1026, le même comte, Baudouin le Barbu, mécontent des chanoines préposés à cette église, les chasse, et, transformant le castrum en monastère, y fait venir des moines de Sithiu et place à leur tête le vénérable Roderic, déjà abbé du monastère Bertinien. Ce silence, disons-nous, est d'autant plus inexplicable, qu'il ne s'agit de rien moins, dans cette circonstance, que de la fondation de l'Abbaye de Saint-Winoc de Bergues. Enfin, en 1067, Baudouin de Lille, cinquième du nom, qui avait hérité de la dévotion de ses ancêtres envers saint Winoc, voulut donner à l'abbaye du Groenberg un témoignage éclatant de sa bienveillance. A cet effet, il y réunit, au jour de la Pentecôte, une très nombreuse assemblée d'Abbés et de Seigneurs. Lui-même, entouré de son épouse là comtesse Adèle, de ses fils Baudouin et Robert, d'Eustache, comte de Boulogne et de Drogon, évêque de Thérouanne, fit son entrée dans la salle de réunion où se trouvait exposée la chasse de saint Winoc. Il y fit donner lecture d'une longue et magnifique charte qui nous a été intégralement conservée (1). Cette charte a deux parties : dans la première, le comte rappelle tout ce que ses ancêtres ont fait en faveur de Bergues et en l'honneur de saint Winoc, depuis la fondation de l'église de Saint-Martin

(1) Donationum Belgicarum libri duo per Alb. Miroeum, f° 390.


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avec son chapitre de chanoines chargé de garder le saint Corps amené de Sithiu, jusqu'à la fondation du monas tère Winnocien ; dans la seconde, il énumère toutes les dîmes, terres, droits, franchises et privilèges que, par cet acte, il accorde à perpétuité aux moines de Bergues. A ce diplôme tous les personnages présents apposèrent leur sceau.

Certes, c'était bien là encore le cas de rappeler qu'à l'endroit même où se tenait cette assemblée solennelle, Winoc, le héros vénéré de la fête, dont le corps était là présent, avait jadis bâti une cabane où lui-même avait habité plusieurs années. Mais ici encore, comme dans les circonstances ci-dessus rapportées, on ne trouve pas la plus légère allusion à ce séjour. Ne faut-il pas forcément en conclure que ce prétendu séjour était absolument ignoré à cette époque? Et pourtant la deuxième Vie sur laquelle se fondent nos adversaires pour l'affirmer, venait d'être écrite depuis peu d'années. Mais n'anticipons pas.

Nous voici donc au dernier tiers du XIe siècle, et nous n'avons pas encore découvert la moindre trace de ce séjour. Tout semble même indiquer que jusqu'à l'an 900, c'est-à-dire jusqu'à l'arrivée du saint Corps, saint Winoc fut absolument étranger à Bergues. En effet, disent les Annales, c'est alors que son culte a commencé à y fleurir et que la nouvelle cité, en recevant ses reliques, a voulu s'appeler de son nom : «. Ab eo tempore, incolae Bergarum coeperunt patronum summa devotionis intentione colere, tantoque pietatis ardore succensi Groenbergam in Winnocibergaa ab universis nationibus nomenclaturam suscipiendam commutarunt. » La colline elle-même qui aurait été sanctifiée par l'habitation du saint abbé en aurait si peu gardé la trace, que son nom payen de Baalberg lui est resté plus d'un siècle encore après l'arrivée des reliques à l'église du bourg. Ce n'est


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qu'en 1027 que, ce nom disparaît: «Anno MXXVII, Balduinus Barbatus in superioribus ejusdem Bergensis burgi, in monte scilicet qui ad id tempus Mons Baal diçebatur, castrum construeret et ecclesiam juxta aadificaret (1)... » Comment admettre que les habitants du bourg si dévots à saint Winoc aient pu rester si longtemps indifférents pour le lieu même consacré par son séjour ? Si le nom de saint Winoc a mis 127 ans pour passer du bourg à la colline, ce n'est pas le souvenir du saint qui a opéré cette transformation, mais la seule présence de ses reliques.

Ce n'est pas tout encore. Vu les relations étroites qui existèrent entre saint Bertin et saint Winoc, tout ce qui concerne celui-ci à partir, de son arrivée à Sithiu, appartient tout aussi bien à l'histoire de saint Bertin jusqu'à la mort de ce dernier. Or qu'on lise les différentes Vies anciennes du fondateur de Sithiu, on n'y trouve aucune mention du Groenberg, et toutes sont unanimes à raconter la fondation de l'abbaye de Wormhoudt comme le fait la lre Vie de saint Winoc.

§ 2

Jusqu'à présent nous avons interrogé tous les documents et chroniques qui auraient pu nous renseigner sur le fait en question, et nous n'y avons recueilli aucun indice à ce sujet.

Continuons notre enquête. Nous avons assisté à la fondation de l'abbaye par Baudouin IV. Interrogeons aussi cette institution et demandons aux moines de saint Winoc ce qu'ils en pensent, eux, les gardiens pendant neuf siècles de la dépouille vénérée du saint Abbé aux

(1) Chronicon Aldeburgense, f° 34.


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lieux mêmes où l'on prétend qu'il a demeuré. S'il y a un endroit où la tradition de ce séjour devait être chère et jalousement conservée, c'est bien cette colline dont l'auréole en aurait reçu ses plus riches et plus glorieux rayons. Nous avons parcouru avec soin la volumineuse Chronique-Cartulaire de l'Abbaye (1), et parmi les innombrables documents qui remplissent ses 837 pages, nous n'avons pas trouvé un seul mot qui suppose la croyance à la demeure du saint Abbé sur le Groenberg, pas la moindre trace de cette tradition parmi, tant de pièces qui concernent saint Winoc et son culte, la colline et les constructions qu'elle portait (2). Que conclure

(1) Chronique et Cartulaire de l'Abbaye de Bergues-SaintWinoc, par le R. P. Alexandre Pruvost, de la Compagnie de Jésus. Bruges, 1875.

(2) A l'occasion de la mort de Walter, le 14e abbé, l'auteur de la Chron.-Cart., f° 133, cite ce passage des Annales : « lacet in crypta SS. Trinitatis quae putatur esse quod olim sanctuarium fuit, nunc vero utimur pro Capitulo in quo a 40 annis visa a nobis sunt signa sepulturarum. Traditione seniorum accepimus eum locum aediflcatum fuisse a S. Winnoco, Quadanoco, Ingenôco et Madoco eum primum Bergas a S. Bertino mitterentur et antequam in Wormhout transferrentur. » L'auteur des Annales est Un moine de l'Abbaye de Bergues, espagnol de naissance, D. Belver (+ 1681) le même qui a écrit la vie de saint Winoc en langue espagnole : Vida del gloriosissimo padre sait Winox. (Petit in-12 de 246 p. imprimé à Bergues eh 1066). La bibliothèque de Bergues possède un exemplaire de ce livre rare et curieux. Au ch. 12, parlant de l'arrivée au Groenberg des moines Bretons, D. Belver dit : « Ayant passé 20 ans (d'après les anciens écrits) près de saint Bertin, ce fut vers 685 qu'ils vinrent au mont Baal, appelé maintenant Bergues-SaintWinoe... Arrivés là (je l'ai entendu souvent des plus anciens), ils bâtirent une cabane au lieu dit Groenberg, laquelle fut appelée Grotte de la S. Trinité, dont nous autres, eh cette année 1661, nous nous servons de sacristie. Là anciennement on a trouvé diverses sépultures. »

Comme on le voit, il n'est question là que d'une tradition très vague, sans aucun point d'appui dans l'histoire. Qu'étaient ces sépultures anciennes dont on aurait autrefois trouvé des traces? Rien ne l'indique. Etaient-elles chrétiennes ou payennes ? D'ailleurs que prouveraient-elles ? Et puis, si cette tradition eut été connue des fondateurs du XIe siècle, ceux-ci auraient apparemment honoré tout autrement un lieu si vénérable et en auraient fait autre chose qu'une salle commune ou même une sacristie.


de ce silence de neuf siècles, sinon que dans l'Abbaye on n'a jamais cru à cette tradition, qu'on ne l'y a considérée tout au plus que comme une pieuse et inoffensive légende, digne peut-être de figurer dans une chronique ou une vie du saint, — on sait que l'on avait autrefois des idées fortlarges en histoire— mais que l'on écarte avec soin de tous les documents sérieux et graves où il ne doit y avoir place que pour la vérité. Mais si l'on ne découvre rien en faveur de cette tradition, par contre on y trouve des témoignages non équivoques du peu de cas qu'on en faisait. En voici deux exemples :

En 1624, un Jésuite du Collège de Bergues, Olivier Bonard, dédie un de ses ouvrages à l'Abbé Charles d'Argenteau. Dans sa dédicace, vantant l'antiquité du monastère Winnocien, il fait remonter sa fondation à l'année 685, à Wormhoudt, « fundatum, si annalibus fides habenda est, in Wormhout, anno 685 (1) ». C'était bien supprimer la légende de la première Abbaye du Groenberg.

Mais voici un document plus solennel et non moins significatif. C'est le procès-verbal de la translation du Chef de saint Winoc en un nouveau reliquaire en 1646. En voici le début: « Anno Incarnationis Verbi, 1646; ab adventu P. N. Winnoci ad Bertinum, 981; a prima mohasterii fundatione per Heremarum, virum illustrem, in Wormhout facta, 949 ; a morte beatissimi P.N. Winnoci, 930; a reliquirum ejus emonasterio Bertihico... in hanc urbem ad D. Martini templum..... translatione, 745 ; a secunda monasterii fundatione ad orientent in urbe Bergensi a Balduino Barbato facta, 615; etc.. » (2). Voilà certes bien encore intentionnellement écartée la prétendue fondation dû Groenberg par saint Winoc, fondation dont on ne parle pas, qu'on nie même implici(1)

implici(1) et Cart. f. 482. (2) Ibid., f. 514.


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tement en plaçant à Wormhoudt la première fondation de l'Abbaye, et au Groenberg, au XIe siècle, la seconde fondation par le comte Baudouin.

Si la légende du Groenberg a été, avec tant de persévérance, écartée de tous les actes de la vie cénobitique, faut-il s'étonner qu'elle l'ait été, et à plus forte raison, du livre de la prière, du Bréviaire? Le manuscrit du XIIIe siècle qui renferme la seconde Vie de saint Winoc et que nous avons décrit au début de ce travail, donne en 16 pages les hymnes, répons et versets qui se chantaient, dans l'abbaye, à la fête du saint Abbé. Mais à part les leçons du second nocturne qui reproduisent le texte de la Vie par où débute le volume, il n'y a pas un mot qui ait trait au Mons sancli Winnoci. Plus tard ce texte fut modifié, et, chose bien significative, on en supprima le passage qui a donné lieu à la légende. Voici le texte tel que le porte l'édition de 1732 : « Quos ille (Bertinus) in numerum suorum receptos, inter ipsa conversationis primordia, culmen perfectionis jam attigisse miratus, nec alieno ultra indigere ministerio, locum concessit construendae cellae nuper ab Heremaro, viro nobili, sibi oblatum nomine Wormhoudt in pago Teruanensi situm. Quo loco extructis in monachorum et peregrinorum usus habitaculis... »

Du bréviaire des moines ce même texte si explicite a passé mot à mot dans le Propre actuel de Cambrai. Bien mieux, il y a quelques années, M. le Chanoine Staelen, le vénéré Doyen-Archiprêtre de Bergues, si dévoué au culte du glorieux Patron de sa paroisse, sollicita de la S. Cong. des Rites la faveur d'un office particulier de saint Winoc pour Bergues et son décanat. Sa pieuse requête fut favorablement accueillie, et le nouvel office, revêtu de la haute approbation romaine, a paru en 1887. Il reproduit en grande partie l'ancien office des moines,


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mais: pas plus que dans cet office, il n'y a la moindre allusion au Groenberg ni à quelque autre lieu où aurait séjourné saint Winoc avant d'aller à Wormhoudt.

Mais on célébrait ailleurs que dans l'Abbaye de Berguesla fête de saint Winoc. On trouve son office dans le Bréviaire de l'ancien diocèse de Thérouanne qui s'exprime eh ces termes: (édit. de 1542) «Quatuor Religiosi... sub S. Bertino monachicam vitam professi sunt. Qui eis in pago Wormhout cellam adificare jussit » (1).

Après la destruction de Thérouanne (1553), les diocèses d'Ypres, de Saint-Omer et de Boulogne qui en furent formés, honorèrent aussi saint Winoc et introduisirent son office dans leur Bréviaire. Et dans aucun de ces offices auxquels nous pouvons encore ajouter celui de l'abbaye de Saint-Bertin, il n'est fait mention du Groenberg ni du Mons Sancti Winnoci.

Enfin que pensait-on à ce sujet dans l'Abbaye-Mère de Saint-Bertin ? De précieuses communications que nous devons à l'obligeance de M, l'Abbé Bled, président des Antiquaires de la Morinie, nous permettent de répondre qu'on n'y pensait pas autrement qu'à Bergues. Entre autres témoignages, voici ce qu'on lit dans la chronique de Dom Tassart, moine de Saint-Bertin (XVe et XVIe siècles) : « Qui (Wlnnocus) S. P. Bertini discipulus existens, in villa quae dicitur Wormhoud, ipso jubente, usque ad vitae terminum, aggregatis secum Christifamulis, militavit » (2). Dom Dewitte (fin du XVIIIe siècle) dit également : « Saint Bertin le reçut au nombre de ses religieux, et, en 695, après la donation que lui fit Hérémare, riche Seigneur, de la terre, et habitation de

(1) Bibliothèque de la Société des Antiquaires de la Morinie, à Saint-Omer.

(2) Bibliothèque communale de Saint-Omer, Ms. 732.


Wormholt, il y préposa saint Winocq et en fit le premier Abbé » (1).

Un seul mot peut donc résumer tout ce chapitre : Silence ! Un silence de 12 siècles ! Silence absolu pendant les 4 ou 5 premiers, silence relatif depuis qu'un passage mystérieux de la seconde Vie a donné lieu à la légende qui, nous venons de le voir, n'a pas trouvé grand crédit dans l'abbaye Winnocienne ni ailleurs. Ce n'est là, il est vrai, qu'un argument négatif; mais peut-il y en avoir d'autres quand il s'agit d'un fait qui n'a jamais existé? Il n'en constitue pas moins, contre la thèse adverse, une preuve absolument irréfutable. Il en est pourtant qui essayent d'expliquer ce silence du premier historien et de toute la tradition après lui, soit par le peu d'importance qu'aurait eue l'établissement de saint Winoc au Groenberg, soit par sa courte durée — quelques années à peine (2) — soit enfin par l'absence de toute trace sur la colline. Cette station au Groenberg, simple étape,n'aurait été en somme qu'un trop mince détail pour avoir été jugée digne de mention. Qu'on nous permette, pour toute réponse, un rapprochement. En 1164, un évêque étranger, persécuté par son prince, vint demander asile à la France. Six ans après, de retour dans son pays, il y fut traîtreusement assassiné dans sa cathédrale sous l'instigation du souverain. Cette mort tragique en faisait un martyr du droit et de la justice. Dès lors il est devenu pour tous un saint dont on recherche avec soin jusqu'aux moindres vestiges. Toutes les localités par où il a passé pendant son exil sont fières d'en conserver le souvenir pour le transmettre aux âges futurs. On a reconnu dans cette histoire saint Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry, mis à mort par ordre du roi Henri II. L'évêque

(1) Ibid. Ms. 804.

(2) Dix ans ! Voir la note 2 de la page 58


proscrit s'était arrêté à l'Abbaye de Bergues. On n'y manqua pas de consigner ce souvenir dans les annales du monastère. Bien plus on décora d'un tableau qui représentait le martyre du saint Pontife, la chapelle de la Sainte-Croix où il avait célébré la messe lors de son passage. Cette vénération pour la mémoire d'un saint étranger qui n'avait fait qu'une courte apparition à l'Abbaye, se concilie mal avec cette sorte d'indifférence qu'on y aurait témoignée au sujet du souvenir autrement précieux pour elle du séjour de saint Winoc, son glorieux patron, au lieu même où se trouvait bâti le monastère -qi portait son nom.

Nous connaissons donc maintenant la vraie tradition Winnocienne. Celle qu'on lui oppose n'a pour témoins que les dires de quelques chroniqueurs qui se sont copiés sans critique, et sans contrôle, et pour fondement un texte interpolé où mal compris, comme nous essayerons de le prouver dans le chapitre suivant.


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CHAPITRE SECOND

La seconde Vie qu'il nous reste maintenant à étudier, débute par un prologue dans lequel l'auteur, sans faire connaître son nom ni sa qualité, nous apprend que, hôte passager de l'Abbaye de Saint-Winoc, il n'a entrepris son travail qu'à la prière des moines et en reconnaissance de leurs bons soins, et qu'il s'est servi pour cela d'un ancien écrit auquel il ne se propose que de donner une nouvelle forme : « Nam a fratribus coenobii Si Winnoci quorum caritatenon parum jocunde refrigeratus sum, non sine confusione fateor mei suggestum accepi, ut vitam et actus memorabilis quem prasfatus sum Patris, novo stylo ex veteri sumpto cuderem... Satis mihi timebam patribus non parère, vicemque eis quibus multa debui nou reddere. » Evidemment cet ancien écrit ne peut être que la vie du saint composée au VIIIe siècle et dont il a été question au chapitre précédent.

A la suite du prologue vient une généalogie de saint Winoc qui en fait le fils de Juthael, roi des Bretons de l'Armorique. Elle lui donne 14 frères et 6 soeurs.

Cette généalogie ne jouit d'aucun crédit' en histoire, car en plusieurs points elle est en contradiction évidente avec la chronologie. Ainsi, pour ne citer qu'un fait, comment saint Winoc, mort en 717, âgé de moins de 80 ans, peut-il être le fils de Juthael ou Hoel III, prince bien connu dans l'histoire de Bretagne, lequel est mort plus d'un siècle auparavant? (1) On ne possède, il est

(1) En 605 ou très peu après, selon M. de la Borderie, Histoire de la Bretagne, t. I. Rennes, 1896.


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vrai, sur la chronologie, de notre saint que des données fort vagues, mais elles sont pourtant suffisantes pour permettre de placer sa naissance aux environs de 640 à 645. L'un et l'autre de ses biographes nous le représentent,vers

représentent,vers fin de sa vie, accablé de vieillesse. Tous deux s'accordent aussi à dire qu'il était jeune encore quand il vint se mettre sous la conduite de saint Bertin, Abbé de Sithiu ; ce qui n'a pu se faire avant 660, l'année où saint Bertin est entré en fonctions, par suite de l'élection de saint Mommelin, premier Abbé de Sithiu, à l'évêché de Noyon.

Ce qui fait ressortir encore combien cette généalogie est fantaisiste, c'est la remarque, qui la termine.. Il y est dit que saint Judichael, nommé précédemment parmi les frères de saint Winoc, fut roi de Bretagne au temps de Dagobert, fils de Clotaire. Ces deux rois, en effet, furent contemporains. Ils se sont, même rencontrés à Creil (1) où Judichael, fils et second successeur d'Hoel III, persuadé par saint Eloi, ministre de Dagobert, était venu faire hommage de ses états au roi de France. Ceci se passait en 636, deux ans avant la mort de Dagobert. On voit par ce rapprochement de faits connus et de dates certaines l'incohérence de la généalogie en question. L'aufeur aborde ensuite la vie de saint Winoc. Voici le passage du nouveau livre — novo. stylo —

qui a rapport à l'objet de cette étude : « Quorum (saint » Winoc et ses trois compagnons) laudabili dévotioni » congaudens memoratus vir Dei (saint Bertin) . sub » norma pii Patris Benedicti edocuit ferre jugum Christi ; » et ut monasticis deservirent sanctionibus, et verbis » constituit et actibus. Cumque eos inter ipsa primordia » conversionis culmen miraretur attigisse perfectionis,

(1) D'autres disent Rueil. — Crioïlo in villa, dit saint Ouen dans sa Vie de S. Eloi, ch. XIII.


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» locum eis quo singularius Domino vacarent delegavit, » et ut cellam in eo sacris occupationibus congruentem " struerent, imperavit. Est auteur idem locus Morino» rum regione situs, Mons Si Winnoci usque in prsesen» tem diem vocitatus. Ubi viri Dei aliquandiu positi se » mundo et mundunr crucifixere sibi.

» De illustri viro Heremaro largiente praedram » saneto Winnoco ac coenobii construetione in » praedii possessione.

» Habebat tune Sancta Mater Ecclesia egregium corpo» ris sui membrum, virum scilicet illustrem nomine » Heremarum tam opibus quam moribus prasclarum. Hic » pro adipiscenda portione in terra viventium Deo sancto» que Winnoco quoddam sui juris obtulit praedium quod » Woromholt ab incolis vocitatum, usitatissimum usque » ad nos servat vocabulum. Adjacet eadem possessio » super fiuviolum qui dicitur Pena, Taruennensium "> Flandrarumque confinio, pingue satis solum et fertile » frugum.

» Eo autem memoratus Abbas, destinatis Dei famulis » operam dat pro construendis servorum Dei habitaculis, » in quibus et Christum in pauperibus carius susciperetur » et monasticus ordo sanetius imo devotius ageretur. Viri » ergo Dei succincti in militia Christi lumbos mentis, » imperio parent jubentis injunctumque opus uiaturare » festinant. Fervet opus, surgunt adificia, aptantur xeno» dochia, ita ut in brevi absoluta et exaedificata illa domus » Dei facile posset ab incolis honorem promereri.»

Il y a lieu de faire d'importantes observations sur ce texte que nous empruntons au manuscrit de Bergues, l'une des anciennes copies qui nous restent de l'original


perdu.:Cette Vie de saint Winoc a été composée dans les premières années de l'Abbaye de Bergues, c'est-à-dire dans le second quart du XIe siècle. Comme dans le texte que nous venons de rapporter, il' y à plusieurs faits qui ne se trouvent point dans la première Vie, on est en droit de se demander à qui il faut imputer ces additions, à l'auteur où au copiste. Qu'elles viennent de l'un ou de l'autre, ce sont des interpolations qui doivent être légitimées pour être admises, car l'auteur lui-même prétend ne reproduire que la première Vie, sans y rien changer que le style. Or de la mort de saint Winoc, 717, à l'époque où il écrivait, plus de trois siècles se sont passés, et luimême n'accuse aucune autre source d'information que l'écrit du premier biographe.

Ces faits nouveaux concernent :

1° La règle suivie à Sithiu ;

2° Le séjour de saint Winoc en un lieu de la Morinie appelé depuis de son nom Mons sancti Winnoci;

3° La donation de la terre de Wormhoudt faite à saint Winoc par Hérémare.

L'examen critique de notre texte nous permettra d'apprécier ces faits et le degré de confiance qu'ils méritent.

La question de la règle en vigueur à Sithiu n'a, il est vrai, pas plus que la généalogie dont nous venons de parler, aucune relation avec celle qui nous occupe. Mais s'il est prouvé que l'affirmation de notre auteur au sujet de cette règle est également erronée, cette constatation mettra une fois de plus en éveil notre défiance à l'égard de ses autres additions.


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La deuxième Vie affirme donc que saint Bertin, quand saint Winoc vint à lui, gouvernait ses moines avec la règle de saint Benoît. Voilà une assertion en contradiction avec toutes les données de l'histoire et avec les témoignages de nombreux écrivains des plus autorisés. En effet, il est hors de doute que saint Bertin, ainsi que ses compagnons d'apostolat, saint Mommelin et saint Ebertram, reçurent leur formation cénobitique à Luxeuil même, sous saint Eustaise, le successeur immédiat de saint Colomban dans le gouvernement de cette abbaye. C'est de là qu'ils sortirent, à l'appel de l'évêque des Morins, saint Orner, lui aussi ancien moine de Luxeuil, pour aider celui-ci dans l'évangélisation de son peuple. Et quelle autre règle auraient-ils emportée avec eux, si ce n'est celle qu'ils avaient suivie jusqu'alors? La règle de saint Colomban était d'ailleurs la plus répandue, dès le début du VIIe siècle, principalement parmi les peuples Gallo-Francs. DeLuxeuil-et deBobbio, les deux fondations principales du grand moine Irlandais de Bangor, sortirent, comme d'un double, berceau, d'innombrables colonies qui couvrirent de monastères l'Europe occidentale. De chacune de ces maisons tout à la fois couvent, école, ferme et atelier, jaillit sur les peuples nouveaux issus des invasions une civilisation nouvelle qui transforma leur vie matérielle, intellectuelle et morale. Mais, chose étrange ! autant l'extension de la règle Colombienne avait été rapide, autant le fut aussi sa disparition. A tel point que moins d'un siècle (1) après la mort de l'homme étonnant dont le génie avait su imprimer un si merveilleux élan aux générations contemporaines, on ne la trouve plus nulle part. Partout elle a été absorbée dans la règle Bénédictine, règle moins rude et plus pratique, comme

(1) Saint Colomban mourut à Bobbio, en Lombardie, le 21 novembre 615.


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l'est un affluent dans le fleuve où il se perd. Ce phénomène dont les causes et les circonstances; ne sont pas

bien déterminées, dut se produire également à Sithiu, sans qu'on puisse en préciser l'époque. Mais il paraît bien certain que la substitution n'y était pas encore accomplie en 660. Nous voyons, en effet, Saint Mommelin, qui quitta Sithiu à cette époque, conserver sur le siège

épiscopal de Noyon les coutumes de Luxeuil, et en particulier la tonsure Irlandaise, ce qui provoqua les reproches et les plaintes de ses collègues dans l'épiscopat.

C'est peu de temps après le départ de saint Mommelin qu'il faut placer l'arrivée à Sithiu de saint Winoc et de ses compagnons. C'est saint Bertin qui les y accueillit et qui les forma dans la pratique de la règle austère qui y était en vigueur. « Saint Bertin, dit M. de Montalembert, fit observer dans son monastère la règle de saint Colomban et les usages de Luxeuil dans foute leur sévérité. De tons les essaims sortis de la ruche inépuisable de Luxeuil, aucun ne fut plus fécond et plus brillant que celui dont ces quatre Alamans, venus des frontières de l'Helvétie jusqu'au bord de la mer du Nord, avaient enrichi la sauvage Morinie. Les héritiers de Colomban se trouvaient ainsi installés sur le sol de la Belgique » (1).

Le savant abbé Gorihi n'est pas moins explicite : «Luxeuil et Bobbio furent une pépinière d'abbés, qui, élevés sous la règle de saint Colomban, l'imposèrent à leurs moines. » Et précisément au nombre de ces abbés, Gorini cite saint Bertin (2).

Citons enfin M. Decroos : « En 648, Adroald donna à saint Orner la terre de Sithiu où s'éleva rapidement avec

(1) Les Moines d'Occident, par le Comte de Montalembert, t. n, p. 637, édit. in/12.

(2) Défense de l'Eglise contre les erreurs historiques, par l'abbé J. M. S. Gorini, t. II, p. 169, édit. in-12.


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Bertin pour "premier abbé un monastère qui réunit bientôt 150 religieux soumis à la règle de saint Colomban » (1).

Nous nous bornons à ces citations que nous pourrions multiplier, tant il reste acquis à l'histoire que, sous saint Bertin, la règle en vigueur à Sithiu fut celle de saint Colomban. On peut croire, comme nous venons de l'expliquer, bien qu'aucun monument ne l'atteste, que, sur la fin de sa vie, il y substitua celle de saint Benoit, mais il n'est point vrai de dire que c'est sous ce dernier régime que saint Winoc fut initié à la vie religieuse.

La liturgie de l'abbaye de Bergues proteste aussi, contre cette prétention. En effet, on y célébrait, sous le rite double, la fête de saint Colomban, pour cette raison que saint Winoc en avait suivi la règle (2).

§ 2

Ici nous entrons dans le vif de la question. Au chapitre 1er, nous avons déjà constaté que jusqu'en 1067, c'est-à-dire pendant trois siècles et demi après la mort de notre saint, règne le silence le plus absolu sur son séjour au Groenberg, dans des documents et au milieu de circonstances où ce silence serait inexplicable, si saint Winoc y avait demeuré. Rappelons encore que la seconde Vie est antérieure à l'acte solennel de 1067 (v. plus haut, p. 61), qu'elle devait être parfaitement connue de tous les personnages qui y prirent part, et que, par conséquent, ou bien le passage qui parle du Mons sancti Winnoci

(1) Histoire générale de la France du Nord, par M. P. Decroos, avocat, Paris, 1867, p. 16. L'auteur cité se trompe en donnant saint Bertin pour premier Abbé de Sithiu, c'est saint Mommelin qu'il fallait dire.

(2) Chron. et Cart. p. 704 en note.


n'existait pas dans le texte original, ou ce boni désigne: un autre lieu que le Groenberg, car il est inadmissible que saint Winoc, ayant habité le Groenberg pendant quelques années, le diplôme de Baudouin de Lille n'en ait pas parlé.

Il est donc dit dans la deuxième Vie, que les quatre Bretons ne tardèrent pas à atteindre le sommet de la perfection et que, pour cette raison, saint Bertin leur assigna un lieu où ils pussent être plus complètement à Dieu — « singularius Domino vacarent » — et absolument séparés du monde — « ubi viri Dei aliquandiu positi se mundo et mundum crucifixere sibi. » Vraiment la raison donnée à cette sorte d'exil est étrange. Saint Bertin les juge trop parfaits pour rester dans la communauté ! Il semblerait plutôt que ce fut là un motif pour les conserver au milieu des moines qu'ils édifiaient et parmi lesquels ils ne pouvaient qu'exciter une salutaire émulation. Le saint abbé voulait-il ajouter à leurs mérites ceux de la vie anachorétique ? Mais non, puisqu'il les envoie comme un essaim — ils sont quatre pour le moins — afin de former une nouvelle communauté— « ut cellam sacris occupationibus congruentem struerent imperavit... asdificando incumbunt sedificio. » D'ailleurs si saint Bertin eut jugé nécessaire de couronner leur sainteté par les vertus de l'anachorsête, il les aurait envoyés en un lieu solitaire, et non au Baalberg, certainement habité alors et dont le nom indique assez qu'il était un centre de culte idolatrique. Les déserts ne manquaient pas dans la Morinie. Semblable à une nouvelle. Thébaïde, elle vit, en ce même VIIe siècle et dans les suivants, de nombreux ermites vivre inconnus à tous dans ses vastes solitudes. En tout cas saint Bertin n'a pas tardé à changer d'avis, puisque après peu de temps — « aliquandiu » — il les envoie se fixer à Wormhoudt, avec ordre de construire, dans le domaine d'Hèrémare, un monastère et un


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hôpital — « in quibus et Christus in pauperibus carius susciperetur et monasticus ordo devotius ageretur. » — Voilà bien des incohérences. Aussi plus tard les chroniqueurs, embarrassés par les explications alambiquées de notre auteur, les abandonnent et donnent pour but à la prétendue arrivée de saint Winoc au Groenberg, l'apostolat à exercer sur la population barbare de cette contrée. C'est ainsi que Dom Belver, en ses Annales, suppose que c'est pour continuer en Flandre les travaux apostoliques de saint Eloi, que saint Bertin envoya les moines Bretons au Groenberg: « Flandros Ss Eligius, Episcopus Noviomensis, paulo anteDivi Winnoci tempora Ohristianse religioni adjunxit à Bononiâ incipiens usque ad Ostburgum. Atque hoc sane permovit Divum Bertinum ut Sanctos Winnocum, Quadanocum, Ingenocum et Madocum Bergas mitteret in densissimis idololatriae nebulis spargendos et

ad confirmandos in fide ac morum probitate eos » (1).

Voilà qui est plus rationnel, mais c'est grand dommage que l'interpolateur, dans l'intérêt de son invention, n'y ait pas songé.

(1) Annales Abbatioe St Winnoci.

Voici comment l'auteur des Annales, avec l'emphase propre aux écrivains de sa nation, raconte dans sa vie espagnole de saint Winoc (Voir plus haut la note 2, page 64) le départ des moines bretons pour la Flandre : « Déjà saint Bertin avait battu ces cailloux princiers à grands coups de mortifications continués vingt ans et avait tiré de leurs veines de telles étincelles de flammes d'amour et des amiantes de direction telles.... Voilà les lutteurs que forma dans sa palestre de Sithiu notre maître d'escrime saint Bertin. Ils marchent à la conquête de la Flandre et vont poser les premiers fondements de Bergues. Campons avec eux sur ce mont. Ce sont les Rémus et les Romulus de la cité... (trad. litt.)

Sic urbs a montibus orsa est. Scilicet et rerum facta est pulcherrima Berga. Tantae molis erat Bergarum conderegentem. »

Virg. passim.


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§ 3

Enfin dans lé texte que nous étudions, ce n'est plus à saint Bertin, comme le dit la 1re Vie, mais bien à saint Winoc, que le Seigneur Hérémare fait don de sa terre, et c'est à la suite de ce don, que, sur l'ordre de saint Bertin, les moines Bretons vont construire sur le domaine d'Hérémare le. nouveau monastère de Wormhoudt. La contradiction est flagrante (V. pl. h. p. 58 et 72), bien que le P. Stilting fasse judicieusement remarquer qu'il n'est pas impossible qu'il y ait eu, mais longtemps après la donation faite à saint Bertin, une confirmation de cette donation, et cette fois au nom de saint Winoc. C'est ainsi que les choses s'étaient passées précédemment pour la terre de Sithiu donnée originairement à saint Orner par Adroald et plus tard confirmée à Saint Bertin. Le chroniqueur Iperius, moine de Saint-Bertin, semble insinuer qu'il en fut de même pour Wormhoudt: « Quibus Heremarus jam dictus villam suam Wormholt eum appenditiis ejus praedii sui assertione firmavit, quod sic incipit : Omnibus prsesentibus et futuris qui christiana censentur etc. Actum in Sithiu monasterio Kalendis Novembris anno primo Hildeberti régis » (1).

Cette date correspond à l'an 695. Si une donation a été faite au nom de saint Winoc, ce ne peut être que celle-ci dont nous ne connaissons malheureusement, que ces quelques mots du commencement et de la fin, Mais déjà le monastère de Wormhoudt existait depuis bien des années, et, d'après l'une et l'autre Vie, saint Winoc n'en

(1) Joannis Jperii Chronicon, sancti Bertini.


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a été établi le chef par saint Bertin qu'après la mort de ses trois compagnons, ce qui semble indiquer que c'est ceux-ci qui gouvernèrent successivement la communauté de Wormhoudt depuis sa fondation : « Post-obitum proedictorum sanctorum trium virorum Quad. Ing. et Mad., Beatus Bertinus conventiculo servorum Dei in pradictâ cellâ commoranti Sanctum praeesse concessit Winnocum » (1re Vie). « Quod Ss Bertinus post obitum trium virorum Beatum Winnocum gregi praefecerit monachorum » (2e Vie). Les dates de la mort de ces compagnons de saint Winoc sont inconnues, mais on sait cependant qu'ils vécurent de longues années à Wormhoudt : « in eâ per multa annorum spatia in Dei perseverantes servitio extremum sortiti suntdiem » (1re Vie). «Cumque memorati tres viri extremum clauderent diem, perpetuam translati in requiem, Ss Bertinus virum Dei gregi monachorum concessit prasesse. Nam praefatis tribus viris minor quidem aatate sed non inferior sanctitate... » (2e Vie).

Saint Winoc n'avait donc aucun titre pour recevoir une donation, avant d'avoir été mis à la tête du monastère, non pas seulement comme mandataire de saint Bertin, ainsi qu'avaient dû l'être successivement ses compagnons, mais comme abbé. Car il est à remarquer que jusqu'à son élection à cette dignité, c'est l'abbé de Sithiu qui conserva toute autorité sur la maison de Wormhoudt. Le supérieur n'y commandait qu'en sous-ordre. Dans tous les textes de l'une et de l'autre Vie cités plus haut, c'est toujours saint Bertin qui exerce l'autorité. C'est lui qui envoie, c'est lui qui fait bâtir, c'est à ses ordres que tout le monde obéit : « secundum S1 Bertini abbatis jussionem » (1re Vie)— « imperio parent jubentis » (2e Vie). C'est lui enfin qui, même après de longues années d'existence de la maison, en nomme les supérieurs. A lui seul donc il


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appartient de recevoir des dons, chose que le voeu dé pauvreté interdisait aux simples moines. Saint Bertin, fort âgé en 695, voulut, en prévision de sa mort, et avant de se démettre de ses fonctions abbatiales, assurer l'avenir de ses fondations et de celle de Wormhoudt en particulier. Il détacha celle-ci de Sithiu et lui donna un abbé indépendant dans la personne de saint Winoc. Dès lors, celuici peut recevoir des libéralités! Nous le voyons, en effet, plusieurs années plus tard, en 703, recevoir personnellement en don la terre de Wulverisèle (1). Le texte de la 2e Vie est donc absolument inexplicable et rempli d'incohérence.

Puisque nous sommes à parler de donation, nous pouvons demander en vertu de quel droit saint Bertin aurait envoyé ses disciples Bretons fonder un établissement au Groenberg. A l'origine de toute abbaye on trouve une donation. Mais nulle part il n'y a trace de libéralité semblable au sujet de ce domaine. Ce n'était pourtant pas une terre vague, sans maître, res nullius, à la disposition du premier occupant. Au VIIe siècle, dans nos contrées, la propriété territoriale était parfaitement déterminée et réglementée par la législation en vigueur. Des donations très fréquentes le prouvent suffisamment. Nous en avons cité trois plus haut : Sithiu, Wormhoudt et Wulverisèle; nous pourrions en citer un très grand nombre empruntées à l'histoire des églises et des monastères de la région. Mais ce qui prouve jusqu'à l'évidence que le Groenberg n'a pu être donné ni à saint Bertin, ni à aucun de ses disciples, c'est que nous trouvons ce domaine au nombre"des libéralités faites, vers 857, par Gobert de Steenland et Ebertrude, son épouse, qui le donnèrent avec beaucoup d'autres, Ostende, Lanipernesse, Esquerdes, Sempy, etc.,

(1) Wulverdinghe près Bourbourg ou Wulveringhem près Furnes.


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à l'abbaye de Saint-Bertin ou leur fils Gobert était mome C'est même la première fois que le nom de Groenberg apparaît dans l'histoire. Remarquons qu'à cette époque l'abbaye de Wormhoudt existait encore et que le tombeau de saint Winoc, célèbre par de nombreux miracles, y attirait de grandes foules de pèlerins. Si le Groenberg avait jadis été honoré de l'habitation du saint thaumaturge, n'était-il pas plus naturel d'offrir ce lieu à l'abbaye qui possédait son corps glorieux ?

Le seul fait d'en faire hommage à l'abbaye plus éloignée de saint Bertin indique bien clairement que le souvenir de saint Winoc et le Groenberg étaient absolument étrangers l'un à l'autre. Le Seigneur Gobert et sa famille n'étaient pas exclusifs dans leurs libéralités; ils savaient à l'occasion favoriser d'autres maisons que l'abbaye Bertinienne: Ainsi Gobert, le fils, alors qu'il n'était encore qu'étudiant écrivit de sa main un antiphonaire qu'il donna à l'abbaye de Wormhoudt, en l'honneur de saint Winoc — sancto Winnoco concessit (1). — Un antiphonaire, à cette époque, était un don princier qui valait bien un domaine.

§ 4

Nous venons de constater de notables divergences entre les deux biographies de notre saint. A priori c'est à la première qui est la plus rapprochée de sa mort que nous devons donner raison. Les motifs que nous fournit l'examen critique des textes en contradiction ne sont pas pour diminuer cette prévention, si déjà même celle-ci n'est

(1) Folcuini Chartularium Sithiense, f. 79.


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devenue de la certitude. Cette conclusion se fortifiera encore par la recherche des. raisons que peut avoir eues le faussaire. Et d'abord quel est-il? L'auteur ou son copiste ? Il ne paraît pas que l'auteur doive être même soupçonné de ces falsifications de l'histoire. Il écrivait, avons-nous dit, peu de temps après la fondation de l'abbaye de Bergues. C'est à la demande des premiers moines qu'il fit son travail. L'abbaye n'avait encore de traditions d'aucune sorte qui pût l'influencer. Il a dû écrire fout cequ'il savait sur saint Winoc et il ne savait que ce que lui racontait l'ancienne Vie qu'il rééditait dans un style nouveau — « novo stylo ex veteri sumpto. » — On ne devine pas le motif qu'il aurait pu avoir de s'en écarter. Les conditions dans lesquelles se trouvera plus tard son copiste ne seront plus les mêmes. Avec le temps des traditions nouvelles, des légendes fabuleuses auront pu se former autour du mont sacré où se garde le saint dépôt. Qui pourrait raconter la genèse, et le progrès de ces pieux mensonges qui, presque partout, pendant les siècles naïfs du. Moyen Age, se greffaient comme des plantes parasites sur l'histoire des saints !

Il suffit d'avoir quelque peu fréquenté nos vieux légendaires pour savoir à quoi s'en tenir à ce sujet et pour comprendre la nécessité d'un sévère contrôle dans l'examen des faits. Souvent même il n'est personne à qui on puisse imputer à crime ces altérations de la vérité. Notre copiste en cause n'a été probablement lui-même que le témoin et l'écho des croyances qui avaient cours de son temps. Aussi en écrivant ce gros mot de faussaire, nous avons voulu plutôt qualifier la chose que stigmatiser le scribe qui nous l'a transmise. L'amour du merveilleux, et souvent aussi, comme probablement dans le cas présent, le désir d'ajouter à la gloire des lieux et des sanctuaires


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aimés, favorisaient singulièrement ces créations de l'imagination populaire.

Magnum aliquid magnos jactare ab origine reges : Saoctorum auspiciis surgere, major honos (1).

Pourquoi le Winnoxbergen n'aurait-il pas été honoré du séjour du saint prince dont il portait le nom et dont il gardait les reliques? Qu'en coûtait-il d'ajouter ce détail pendant qu'on était en train d'accommoder la vie du saint avec un nouveau style — novo stylo —? Il suffisait de retarder de quelques années la fondation de Wormhoudt et de présenter cette fondation comme le fruit des bonnes relations de voisinage d'Hérémare et de saint Winoc à qui le seigneur de Wormhoudt, par amitié et vénération, aurait offert son domaine. Une simple substitution de noms — Winoc au lieu de Bertin — dans l'acte de donation achèvera d'arranger assez proprement l'histoire, pourvu qu'on n'y regarde pas de trop près.

Un sentiment semblable pour la règle de saint Benoit peut avoir poussé aussi à la faire remonter dans l'abbaye de Sithiu jusqu'à sa fondation, afin de pouvoir ajouter aux nombreux saints que cette règle a formés des noms tels que Bertin, Mommelin, Ebertram, Winoc, etc.. D'ailleurs, cette seule mention de la règle de Saint Benoit, alors que la 1re Vie n'en parle pas. donne à penser. Il était bien inutile d'en parler, s'il n'y avait jamais eu d'autre règle à Sithiu.

Que reste-t-il donc des faits ajoutés à la Vie primitive par l'interpolateur ? Rien, absolument rien. Et c'est sur ces seules additions dont aucune, on vient de le voir, n'est justifiée, que repose toute entière la thèse adverse.

(1) Max. Vrientius.— Elogium Berga-Sancti-Winnoci, ex opère Urbes Flandria. — Cité par Sanderus. Flandria illust., t. III, f. 311.


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§ 5

Jusqu'à présent nous avons soutenu avec le Bollandiste Ghesquière, que l'exode des quatre moines Bretons, avant leur établissement à Wormhoudt, avait été inventé de toutepièce et nous avonsde préférence accusé de cette interpolation quelque copiste de la 2e Vie.. Nous avons donné nos raisons. Le P. Stilting examinant de plus près le texte incriminé ne le rejette pas absolument, « persuadé, dit-il, ou que ces paroles n'ont pas été écrites, ou que la pensée était toute différente " (1). En cette dernière hypothèse, il prouve avec une admirable sagacité que ceux qui ont cru y voir l'établissement de saint Winoc à Bergues, se sont laissés tromper par une similitude de noms et qu'ils ont confondu deux lieux absolument différents. Pour être complet, il nous reste à exposer ce côté nouveau de la question qui n'est pas le moins curieux.

C'est cette confusion de noms et de lieux, due à son ignorance de nos contrées, qui, sur plusieurs points, a induit Mabillon en erreur dans son travail sur saint Winoc. Ainsi il attribue à notre saint la construction à Sithiu d'une église en l'honneur de saint Martin, confondant l'église de ce vocable, dite in insula, l'une des anciennes églises paroissiales de Saint-Omer, avec l'église de SaintMartin érigée à Wormhoudt, par les moines bretons.

Rappelons dans quels termes la 2e Vie parle du premier établissement de saint Winoc : « Est autem idem locus Morinorum regione situs, Mons sancti Winnoci usque in

(1) « Omnino mihi eum Stiltingio persuadeo aut verba allegata ab antiquioris vitae interpolatore non fuisse scripta aut aliam fuisse mentem ipsiusi.. " Acta SS. Belgii, t. VI.


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prsesentém diem vocitatus, ubi viri Dei etc. » (V. pl. h. p. 71). Or quelques lignes plus loin où le biographe raconte la donation du domaine de Wormhoudt, il s'exprime en ces termes : « Adjacetautem eadem possessio super fluviolum qui dicitur Pena Tarvennensium Flandrorumque. confinio ». Voilà qui est bien clair. Wormhoudt est situé en Morinie sur la Péne, rivière qui forme la limite entre le pays des Morins et celui des Flamands. Mais c'est aussi dans la même province de la Morinie que saint Winoc aurait fondé son premier établissement. Ce lieu ne peut pas être le Groenberg que notre biographe place en Flandre quelques pages plus loin, au chapitre 9 des miracles où il raconte la construction de Bergues « Castri Bergas ». C'est là que le comte Baudouin fait transporter le corps de notre saint, « ut Flandria ultrius securatanto gauderet protectore. » Apparemment notre biographe qui habitait l'abbaye de Bergues devait savoir la géographie de son pays, et nous devons l'en croire quand il prend soin de désigner dans quelles provinces se trouvaient les lieux dont il parle, à savoir Bergues en Flandre, Wormoudt et celui qu'il nomine « Mons sancti Winnoci ». en Morinie.

Par ce nom de Flandre — Flanderland — il faut entendre ici non pas le comté de ce nom, mais seulement le district maritime, « Pagus Flandrensis », qui occupait le lit tus Saxonicum jusqu'à la Meuse et dont la capitale était Bruges. Ce Pagus Flandrensis, noyau primitif de la Flandre, a communiqué son nom à tout le comté .qui s'est formé d'une multitude d'autres Pagi. Il était séparé au Sud, par la rivière de la Pène du Pagus Morinensis dont la capitale était Thérouanne. Pendant bien, des siècles ces Pagi ont conservé leurs noms anciens (1).

(1) Voir Etudes sur les Forestiers, par Bertin et Vallée, p. 10, Arras, 1876. — Histoire de Flandre, par Kervin de Lettenhove, t. I, liv. 2, Bruges, 1874. — Annales du Comité Flamand, passim.


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Ce qui achève de prouver que notre biographe distingue Bergues du lieu qu'il nomme Mons sancti Winnoci, c'est la manière toute différente dont il parle de Bergues, bourg pu mont : il le nomme toujours Bergas et jamais Mons sancti Winnoci. Il en parle trois fois au ch. 9 du 1er liv. des Miracles : " De castri Bergas constructione

— locum Bergas dictum — ad locum Bergas quo destinaverat..."

- Son continuateur Drogon emploie des expressions identiques :

Liv. 2 ch. 2 : Bergensis villas — in monasterio Beiv gensi. Ch. 4 : Bergensis pagi. Liv. 3 ch. 3 : ex Bergensi pago. Ch. 10: ad monasterium Bergense. Ch. 12: Bergas operibor — cornes Bergas venit — venit Abbas Bergas. Ch. 16 : Bergas veniret —Bergense coenobiunn Voilà donc treize endroits où il est parlé de Bergues et pas une seule fois on n'y trouvé joint à ce nom celui de saint Winoc. Donc dans la pensée même du biographe ce n'est pas à Bergues que saint Winoc aurait été s'établir avant d'aller à Wormhoudt, puisqu'il dit lui-même que le lieu de cet établissement avait porté jusqu'à son temps le nom de Mont de Saint-Winoc — Mons Sancti Winnoci usque in proesenlem diemvoeitatus. Quel serait ce lieu? Qu'importe ! Il nous suffit d'avoir prouvé que ce ne peut pas être la ville de Bergues qui n'a jamais été en Morinie et qui jusqu'à l'an 900 (V. pl. h. p. 62) s'est appelée Groenberg, ni le mont voisin qui a conservé son nom de Mons Baal — Baalberg — jusqu'à là construction de l'abbaye au XIe siècle (ibid.).

D'ailleurs ce lieu a-t-il jamais existé ? Le P. Stilting, aussi bien que le P. Ghesquière ne le croit pas. Son hypothèse que nous venons d'exposer ne tend qu'à prouver que, même en admettant l'authenticité du texte en question et la réalité du : fait qu'il rapporte, on. ne


peut rien, en conclure en faveur de l'opinion que nous

combattons.

Donc les seules conclusions qui s'imposent, ce sont

celles de ces deux Bollandistes, à savoir : " 1° qu'une seule

fondation fut faite par saint Winoc et ses compagnons, celle de Wormhoudt que Mabillon a confondue avec celle de Bergues, de beaucoup postérieure ; 2° que saint Winoc est resté à Sithiu jusqu'à, ce qu'il fut envoyé par saint Bertin, à Wormhoudt ; 3° qu'il n'y a rien par conséquent, à ajouter ni à retrancher à la narration du premier biographe » (1).

S'en suit-il que la ville de Bergues doive reffacer le titre d'apôtre qu'elle donne à saint Winoc? Certes non Le Groenberg se trouvait dans le rayonnement de Wormhoudt, et saint Winoc, moine puis abbé, a dû bien souvent évangéliser ses habitants comme ceux de toute la contrée. N'est-ce pas pour cette raison que la chatellenie de Bergues

Bergues entière l'avait choisi comme patron, ainsi que le témoigne, en 1700, l'évêque d'Ypres, Mgr Martin de Ratabon, dans une ordonnance qui rappelle à toutes les paroisses, l'obligation de célébrer et de chômer sa fête ? L'exercice de l'apostolat fut le premier but dans la fondation des abbayes qui s'élevèrent en si grand nombre dans nos contrées aux VIIe, VIIIe et IXe siècles. Les moines étaient avant tout des missionnaires. Et la scène du vitrail de l'église de Bergues, où notre saint est représenté prêchant aux habitants du Groenberg, est une réalité.

(1) « Itaque eum eodem Stiltingio omnino existimo unicam sanctiWinnoci ejusque sociorum fundationem esse, monasterium Wormoltanum, quod Mabillonius in Annalibus Benedictinis confundit eum Bergensi longe posteriori. Censeo itidem. Winnocum in Sithiuensi monasterio tamdiu permansisse donec in villam Wormholt a Sancto suo Abbate directus fuit; nihil que proinde addendum aut subtrahendum esse antiquioris biographi harrationi ». Acta SS. Belgii, t. VI.


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Si Bergues doit renoncer à l'honneur d'avoir été pendant quelques années le lieu d'habitation de saint Winoc vivant, elle n'en a pas moins la gloire de posséder, depuis mille ans, son corps vénéré. Saint Winoc de Wormhoudt a adopté Bergues à qui il a donné son nom, Winnoxbergen, pour la patrie de ses reliques, adoption authentiquée par d'innombrables miracles et surtout par ce miracle non moins merveilleux que les autres, à savoir la conservation' de tous ses ossements à travers tant de dévastations, de guerres, d'incendies et de révolutions. Tout a péri, reliques des saints et abbaye, excepté le corps du glorieux patron qui reste à la vieille cité, comme son palladium, comme le gage des bénédictions divines pour ses habitants.



MICHEL DE SWAEN

MAURITIUS

TREUR-SPEL

1702

Texte publié d'après le manuscrit du Comité flamand de France

AVEC UNE INTRODUCTION LITTÉRAIRE PAR

M. l'Abbé LOOTEN

Professeur à l'Université Catholique de Lille,

Docteur ès-Lettres,

Président du Comité Flamand de France,

Membre Correspondant de l'Académie Royale Flamande

de Belgique.



M AURITIU S

I

Questions préliminaires

La tragédie dont nous publions le texte a toujours été attribuée à De Swaen. Si l'on avait des doutes sur son authenticité, il suffirait de la lire pour les dissiper. La marque du poète Dunkerquois est imprimée à chaque page : ses tours de phrase et de style, ses rimes aisées riches et élégantes, une touche vigoureuse et hardie, un ton noble, et élevé qui par endroits n'exclut pas le réalisme, tout y révèle la griffe du maître.

Le texte de Mauritius est contenu dans un précieux manuscrit du Comité Flamand de France, décrit jadis par M. Bonvarlet (1), qui en a été l'heureux acquéreur et par M. Cartier (2). Ce manuscrit de format petit in-4° renferme : 1° un premier drame de De Swaen intitulé : Triomf van het Kristen geloof orer d'afgodery in de Martely en de Doot van de H. Maget en Martelaresse Catharina, naer het tooneel geschiht ende nieuwelyx overgesien en verbetert in Duynkerké, 1702 (p. 1 - 95). — 2° Mauritius, Treurspel, 1704. — 3° des poèmes

(1) Bulletin du Comité Flamand, séance du 26 février 1857. (2) Carlier, Michel. De Swaen, sa vie et ses oeuvres, p. 42.


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divers sous ce titre : Zedige Rymwercken ende Bemerchinghen in slercken en soeten styl, 1702 (p. 187-220); Il est de la même écriture que le Manuscrit de la Zediglie Doot et de la Gekroonde Leersse et peut-être provient-il comme lui du monastère bénédictin de Saint-Wiuoc à Bergues.

Comme on vient de le voir, Mauritius et le drame de Sainte Catherine, portent la date de 1702. Il nous a été impossible d'en contrôler l'exactitude. S'il faut l'accepter comme définitive, ces deux pièces auraient suivi de douze ans la composition de la Gekroonde Leersse, de huit ans celle du poème sur la Vie et la Mort du Sauveur, et précédé de deux ans de Zedighe Doot van Keyser Karel.

De Swaen avait alors quarante huit ans, et depuis nombre d'années était en possession de tout son talent.

Nous ignorons si Mauritius fut jamais représenté. Il est au moins probable qu'il ne le fut pas du vivant de son auteur, le manuscrit n'en faisant aucune mention, à l'inverse de ce qui a lieu pour les autres pièces.

En tout cas, elle était digne de la scène, car elle ne le cède à aucune autre en mouvement et en pathétique.

II

Sources

C'est aux annales de l'empire Grec que De Swaen emprunte le sujet de ce poème. Mauritius Flavus Tiberius (539-602), né à Arabissus


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en Cappadocé, descendait d'une famille noble romaine, établie depuis des siècles en Asie-Mineure. Il fut de bonne heure à la cour de Justin II. En 578, il était comes cubiculorum (grand chambellan), quand Tibère

le promut à la charge de magister militum. En cette dernière qualité, il entreprit une campagne contre les Perses qu'il rejeta au delà du Tigre; l'année suivante, secondé par son lieutenant Narsès, il envahit la Médée et força le roi Perse Ghosroès à demander la paix. Il continua à battre les ennemis de l'empire, si bien qu'en 582 il reçut les honneurs du triomphe.

Peu après il épousa Constantina, fille de Tibère, et à la mort de cet empereur, il lui succéda (13 août 582).

Son règne fut troublé par une suite de révoltes de ces mêmes Perses, qui n'acceptaient pas le joug des Romains. Tour à tour commandées par Philippicus, Héraclius, Priscus, les troupes, impériales luttèrent avec des fortunes diverses, et finalement Chosroès le jeune devint roi des Perses, après avoir signé avec Maurice un traité qu'il observa fidèlement (590).

Sur le Danube, l'Empiré était menacé par les Avares. Jusqu'en 602, ce fut contre eux une suite de campagnes, mêlées de succès et de revers. La plus sanglante de ces défaites, et la plus grosse de -conséquence pour l'empereur

l'empereur celle de 588 : douze mille romains restèrent prisonniers des Avares, et Maurice ayant refusé de les racheter (au prix de 4 siliques : 2,25 par tête) ils furent égorgés. Aussi lorsqu'en 602, l'armée du Danube reçut ordre de poursuivre l'ennemi sur la rive gauche du fleuve, elle refusa d'obéir, et délégua à Constantinople une députation dont le chef était un centurion nommé Phocas, pour signifier ses volontés à l'empereur.

En même temps la faction des verts se prononça contre Maurice qui, effrayé, s'embarqua pour l'Asie avec sa


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femme et ses enfants. Une tempêté le jeta sur la côte dans le voisinage de Chalcédoine. De là il fit demander, grâce à Phocas, que l'on avait proclamé empereur (le 23 novembre 602). Mais Phocas fit arracher Maurice et ses enfants de l'église de St-Autonome, où ils s'étaient réfugiés, et sur le rivage, il força le malheureux monarque à contempler l'exécution de ses cinq fils.

On a raconté que Maurice assista sans broncher à ce supplice « où son coeur voyait une expiation. » Lui-même reçut le coup mortel peu de temps après. Sa femme et ses filles, emprisonnées dans un couvent, subirent le même sort quelques ans plus tard.

De Swaen a pu lire le récit de ces horribles drames dans Théophylacte, Zonaras, Nicéphore Calliste, ou quelque autre historien de Byzance.

Il est à remarquer que Corneille dans Héraclius (1645) met en scène quelques uns des personnages qui figurent dans la pièce de De Swaen, notamment Maurice, Phocas, et la fille du premier qu'il nomme Pulchérie.

Mais le sujet de sa tragédie n'a rien de commun avec celui que traite De Swaen. Par une fiction romanesque, Corneille fait d'Héraclius un des fils de Maurice, échappé au massacre de son père, grâce à l'héroïsme de sa nourrice qui, en son lieu et place, lui a substitué son propre fils.

Tout au plus pourrait-on dire que le poète Dunkerquois qui, apparemment, avait lu tout l'oeuvre de Corneille, a pu en parcourant Héraclius concevoir l'idée de son Maurice.


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III

Analyse

Le sujet de cette tragédie, ce sont donc les infortunes de l'empereur Maurice, de sa femme Constantina et de leurs enfants, tombés entre les mains du cruel Phocas, usurpateur victorieux du trône impérial de Constantinople.

1

Dans une introduction vive et rapide, deux généraux de l'empereur, Photinus et Philippicus, nous instruisent du cours des évènements. Une mutinerie a éclaté dans le camp : les soldats ont refusé de prendre leurs quartiers d'hiver dans le Nord, au-delà du Danube; ils ont juré de ne point obéir à un maître qui estime peu le sang de ses miliciens ; ils ont élevé sur le pavois Phocas et lui ont prêté serinent de fidélité. Le vieux Priscus et Pertinax sont tombés victimes de leur rage sanguinaire.

Frappés par les étranges vicissitudes de la fortune, mais émus à la pensée du malheur de leur chef, les deux lieutenants se promettent de ne point l'abondonner.

Maurice est ému par ces nouvelles (scène 2 et 3). Cependant il ne perd point courage : à Narsès et à Philippicus, il donne des ordres pour la résistance. Puis, dans une fervente prière (scène 4) il fait le sacrifice de

7


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sa vie ; mais supplie Dieu d'épargner sa femme et ses enfants :

Al wat'er is misdaen misdee den Man en Vader : Den Man en Vader wenscht alleen gestraft te syn.

2.

Au milieu des lamentations, funestes pressentiments et angoisses de l'impératrice Constantina (II, scène 1, 5 et 6) l'empereur a mandé son fidèle conseiller Narsès (II, 3), Que faut-il faire ? Résister aux rebelles jusqu'à faire couler leur sang? Abdiquer purement et simplement? Ou bien entrer en composition avec Phocas et l'associer officiellement à l'empire?

Narsès conseille de prendre ce dernier parti : il se fait illusion sur la gravité des conjonctures, et croit que Maurice assouvira l'ambition de Phocas, en lui faisant des concessions. Ainsi, ajoute-t-il, l'on temporisera et l'on donnera à Théodose le temps de gagner Gonstantinople avec son armée dévouée à l'ordre, pendant qu'à l'intérieur de la capitale la garde impériale et les bourgeois arrêteront les rebelles.

Maurice ne partage pas le naïf optinisme de son lieutenant. Toutefois il va se mettre avec Photinus et Narsès à la tête des bourgeois et des soldats restés fidèles.

Mais le traître Conon nous révèle (I, 6 et II, 4 et 5) que ces délibérations et résolutions sont inutiles : car Phocas est déjà maître de la ville et de l'empire, grâce aux intelligences qu'il s'est assurées dans la capitale et parmi les troupes mêmes qui devaient la défendre.

3 Soucieux avant tout d'être, la seule victime de cette


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terrible rébellion, Maurice s'efforce d'éloigner de Constinople sa femme et ses enfants. Une lutte de générosité s'engage entre lui, qui veut seul être victime de la mauvaise fortune, et Constantina, à qui il répugne de quitter son mari dans cette circonstance critique (scène 1).

Il faut que Maurice donne un ordre : et alors c'est une scène déchirante d'adieux. Ses fils se jettent entre ses bras et ne s'éloignent de lui que par force (scène 2 et 3).

Cependant un messager, Rufus, annonce que les troupes de Narsès ont été repoussées, et que Conon, otant son... masque hypocrite, a passé à l'ennemi.

C'est la ruine complète, avec ses horreurs déjà proches. Le salut est dans la fuite (5, 6 et 7). L'empereur va rejoindre sa famille et se réfugie à bord d'un vaisseau pour gagner la haute mer.

4

Mais il est écrit que Maurice succombera. Une horrible tempête assaillit; son navire, et le force de retourner dans le port de Byzance.

La famille impériale tombe entre les mains de Phocas. Suivi de ses conseillers, Conon et Léon, le superbe rebelle paraît et feint de discuter avec Constantina (3, 4) sur les termes d'une entente avec Maurice.

Mais bientôt, dévoilant son atroce cruauté, il donne aux bourreaux l'ordre (5) de tuer lés jeunes princesimpériaux sous les yeux de leur père. Vainement la nourrice a-telle tenté, de substituer son propre enfant au plus jeune fils de l'empereur : Maurice le lui défend.

La fin de l'acte IV (scènes 7, 8 et 0) est remplie par les cris des victimes qui sont arrachées, pour tout de bon

cette fois, au sein paternel.


100 —

5

Une narration met l'impératrice au courant de cet horrible supplice (1). Mais la rage vindicative de Phocas n'est pas rassassiée. Il mande Maurice (3 et 4), le chargé de chaînes, place sa femme auprès de lui (5) ; puis les faisant couronner l'un et l'autre d'un diadème dérisoire, il les expose aux rires et aux acclamations ironiques des soldats et de la* populace.

En fin de compte, il ordonne que Maurice ait la tête tranchée.

IV

Critique

Il y a peut être quelque injustice, nous l'avons di3t ailleurs (1), à juger les drames de De Swaen, suivant un code inflexible, soit classique, soit romantique.

Il ne saurait être question de la comparer aux Shakespeare ou aux Calderon. S'il est le disciple des classiques français du XVIIe siècle, ce n'est que dans des limites assez étroites : il admire leur style bien plus qu'il ne se pénètre de leur esprit.

C'est ailleurs qu'il faut chercher un terme de comparaison, dans les pièces théâtrales des Rhétoriciens de l'époque, dans les tragédies scolaires représentées chez les Jésuites (2). Lorsqu'on a étudié ces informes pro(1)

pro(1) de la Zedighe Doot, p. 9-19.

(2) Voir quelques titres et analyses dans Flahault, notes pour seroir à l'histoire du collège de Dunkerque, I, 52, etc.


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duits d'un goût semi-barbare, l'on comprend bien mieux de quelle hauteur De Swaen s'élève au-dessus de ses contemporains. Son sens littéraire, son goût épuré, la noblesse de son langage, sa maîtrise de la langue, toutes ses qualités originales éclatent alors dans une vive lumière. Et ainsi se justifient une fois de plus les paroles de Buffon : « Seuls les ouvrages bien écrits passent à la postérité ».

Parmi les morceaux les plus remarquables de cette pièce, il faut citer en premier lieu la scène (1) où les caractères de Maurice et de Constantina s'élèvent à une grande hauteur morale.

Environné de dangers, Maurice voudrait du moins y soustraire sa femme. Qu'elle parte avec ses fils et l'élite de ses serviteurs fidèles ! Elle et eux une fois en lieu sûr, il verra ses angoisses diminuer de moitié.

Mais Constantina n'entend pas ainsi son devoir. « Quel parti, o mon digne époux, répond-elle, oses-tu me mettre sous les yeux ? Crois-tu que mon coeur n'ait rien à objecter et que le péril de ta vie me fasse une moindre peine que'celle où me jettent le danger de mes enfants et le mien propre ? Crois-tu qu'une fois échappé a eu péril, mon âme cessera aussitôt de craindre pour ta tête, et que mon infortune sera plus tolérable, quand j'aurai quitté ces lieux et t'aurai abandonné à ta douleur ? Loin de moi cette pensée qui fait tort à ma fidélité ! Aux craintes que tu ressens à mon égard, répondent des craintes égales. Mesure à tes souffrances, celles que je subis pour toi, et si tu veux que je m'en aille, de grâce pars avec moi ! J'ai été la compagne de tes bonheurs et de tes joies, je veux rester la compagne de tes malheurs et de tes souffrances. Avec, toi, mon coeur ne redoute ni

(1) Cf. III, 1, V. 27 et suiv.


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adversité ni misère : il ne te sera arraché que par l'a mort... Précède-moi : je te suivrai. » C'est là un beau passage. Et je ne saurais mieux le comparer qu'à cette page magnifique où Vondel, dans son Gysbrecht van Amstel, met en'scène parmi des. circonstances analogues, l'héroïque fondateur d'Amsterdam, et sa digne compagne Badeloch. Assiégés, dans le château fort qu'environnent de cruels ennemis, il ne leur reste à eux aussi de salut que dans la fuite. Gysbreght veut éloiguer sa femme, comme Maurice fait de Constantina. Mais l'âme virile de Badeloch elle aussi se refuse à fuir, et préfère mourir sur le rempart plutôt que d'abandonner son mari. Et ce mâle courage s'exprime en paroles sublimes dont la concision égale l'élévation morale :

« Met smarte baerde ick 't kind en droegh lier onder 't hart Myn man is 't harte self. K heb sonder hem geen leven. 'K sal u, om lief nocht leed, beswijcken riocht begeven ; 'K beloolde u hou en trou te blyven tot de dood (1) ».

Les belles narrations insérées dans la trame: de cette tragédie, ne le cèdent en rien aux récits semblables qui abondent dans les poèmes descriptifs de De Swaen. A vrai dire c'est là une critique autant qu'une éloge : il. est clair que le poète ne sait pas assez résister, fût-ce au coe'ur d'un drame, à la tentation du beau style. Mais si on ne lui tient pas trop rigueur de ce travers de rhétoricien, l'on ne peut qu'admirer l'aisance et la variété de son pinceau. Lisez par exemple le tableau de la tempête (2) (IV, l. vers 18 suiv).

« Du calme, surgit tout à coup une tempête aussi vio(1)

vio(1) van Aemsteh v. 1708-12 (ed van Lennep, I, p 417).

(2) Cf. Het Leven ende Dood van Jésus Christus, chant XXI,

37.


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lente qu'imprévue. De sombres nuages rodent çà et là

et obscurcissent le jour. Le, flux des vagues, qu'entrecoupe l'abîme, résiste à l'effort des rameurs, à l'élan de

la creusé carène. Le vent devient contraire et souffle, impétueux, dans le vacarme des flots soulevés, tandis

que le fracas terrible du tonnerre ébranle les oreilles et

i les coeurs. Arrachée à son antenne, la voile glisse le long

dû mât et tombe dans la mer. Les avirons se brisent, le gouvernail est jeté loin de la poupe et le navire, sans

pilote, oscille et roule de ça de là, à la merci de l'onde écumante. La cale, à demi renversée par le fiux et la tempête, commence à recevoir l'eau salée et s'enfonce. Alors s'élèvent vers le ciel les plaintes, les désespoirs, les

colèreset les larmes. Les coeurs se serrent de terreur et d'angoisse. »

Si l'imitation des maîtres classiques est manifeste dans cette description, il n'est pas téméraire d'y lire aussi un bon nombre de traits fournis par l'observation. Maintes fois De Swaen a contemplé des scènes analogues du bord de la mer, et sa vive imagination n'a pas eu de peine

à les fixer par écrit, dans un langage extrêmement

expressf.

Ce goût pour la réalité se trahit en d'autres passages

de Mauritius. Ecoutez comment le messager Rufyus rapporte le supplice des jeunes princes impériaux (1).

« Tels que des loups, les bourreaux se ruent, chacun sur sa proie, et leur lient les mains sur le dos. Le premier saisit Tibère par sa chevelure bouclée, le jette à terre, tout de son long, tel un agneau sans défense enchaîné pour l'immolation : de sa hâche, il lui donne trois blessures au cou, qui séparent son notile chef de son corps;. Un autre met la main sur Probus : tandis qu'à demi

(I) Acte V, scène 1re vers 10 suiv.


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raidi, figé par la peur, le prince regard ait les membres de son frère massacré, le cruel lui coupe la gorge et étouffe dans le sang son coeur pantelant. Un troisième tigre en courroux, saute sur Vérus : il saisit l'enfant frissonnant en poussant des cris sauvages; sans pitié il enfonce le glaive à travers les muscles et les veines du cou ; la victime chancelle ; la rouge sève coule, et l'âme quitte le corps. Mais hélas ! Justin, comment conterai-je ta fin ?.... J'ai vu l'innocent, enlacé dans les serres d'un vautour, appeler son père, d'une voix faible et bégayante, au secours de sa vie. En vain ! le cruel bourreau, poussé par une haine infernale, découvre sa tendre poitrine blanche comme l'ivoire; entrebâillant les côtes avec son coutelas, de sa main farouche il déchire, fouille, arrache, et jette aux pieds de son père, le coeur do l'enfant qui se glace parmi le sang coagulé et la boue immonde. »

Ici, l'on dirait que De Swaen a voulu rivaliser en horreur avec les peintres Flamands : ce Thierry Bouts qui a représenté avec une exactitude si frappante et un flegme si imperturbable le martyre de Saint Erasme (1) — ou plutôt encore le grand maître Rubens, dans cet étonnant supplice de Saint Liévin (2), ou ce massacre des. Innocents (3), en face desquels l'on est aussi remué par le calme résignation des victimes que par la rage meurtrière des monstres qui les torturent comme à plaisir.

Il est à remarquer que De Swaeh a mis une certaine complaisance à raconter de pareilles scènes. Il en a parsemé la plupart de ses oeuvres de longue haleine. (4).

Faut-il y voir uniquement un trait du réalisme inné chez

(1) AT église Saint-Pierre de Malines.

(2) Musée de Bruxelles.

(3) Pinacothèque de Munich.

(4) Cf notamment Het lecen en de Dood nan J. C, II, chant 9, !e suicide de Judas, et.chant 12, la Flagellation.


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nos compatriotes ? Nous pensons qu'il y a plus, et que le chirurgien habitué à taillader la chair humaine, le médecin coutumier des opérations sanglantes, trouvait son compte dans ces rudes tableaux. Celui que nous venons de traduire est tout hérissé de termes précis et circonstanciés que seul pouvait connaître un professionnel de la dissection (1).

Il nous semble que dans quelques uns de ces passages, De Swaen dépasse parfois la limite du bon goût. Ce n'est pas a coup sûr dans Corneille, ni encore moins dans Racine, qu'il a trou vé les modèles de ce genre. Mais il s'en présenterait dans Ibsen, Hauptmann ou les disciples de Zola. Hâtons-nous d'ajouter que ce réalisme ne règne que dans les narrations, et que De Swaen, fidèle à la règle d'Horace suivie par les classiques, évite avec le plus grand soin de mettre sous les yeux de son auditoire les spectacles horribles dont il trace une si vivante peinture. Ce qu'il a imaginé de plus hardi dans Mauritius, c'est la scène où Phocas présente l'empereur et l'impératrice, chargés de chaînes et affublés d'une couronne d'ail, à la risée de la foule et de la soldatesque (2), qui avec l'étrange plaisir qu'ils ont coutume de prendre à la douleur d'autrui, honnissent ceux qu'ils acclamaient: naguère au temps de leur prospérité.

Nous pourrions aussi, en ce qui regarde l'intrigue et les caractères de cette pièce, renouveler les critiques que nous avons faites jadis, en analysant l' Abdication de Charles Quint. De Swaen ne connaît pas l'art de former et de nouer, pour la délier ensuite et la mener jusqu'à la catastrophe finale, une fable dont les épisodes s'enchaînent et se présentent au speetateur en excitant graduellement

(1) Ex de Strot — 't Kloppend herte — Spalckende met 't vliem de ribben dwers van een — 't stollend bloet, etc.

(2) Cf Acte V, scène cinquième, vers 257.


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son intérêt. Mauritus est une juxtaposition de; tableaux émouvants plutôt qu'une tragédie savamment composée.

Même faiblesse dans la constitution des caractères. Le principal personnage, Maurice, est une sorte de pius OEneas dont la patience est admirable, sans doute, mais quelque peu exaspérante: nous voudrions que ce chef d'empire fût plus énergique, et qu'après avoir prié, il sût agir en homme. L'impératrice est cent fois plus virile que son mari ; et sa mâle vigueur n'exclut point la tendresse, comme nous l'avons suffisamment expliqué plus haut. Nous la trouvons cependant trop verbeuse, trop Cornélienne ; et en outre, c'est la supposer bien endurante que lui faire essuyer le récit de la mort de ses quatre fils presque tout d'une haleine, en lui laissant à peine le temps de jeter un cri. Je sais que la mère des Machabées poussa bien plus loin l'héroïsme : mais je ne crois pas que la vraisemblance théâtrale s'accommode de ces situations plus, édifiantes, que croyables.

Phocas est le tyran, l'Hérode de nos vieux mystères, que raille Shakespeare, et Conon le traître classique, sans rien d'original qui vaille la peine d'être relevé.

Comme d'habitude, c'est l'écrivain qui chez De Swaen l'emporte sur le dramaturge ; le style et la versification sont aussi remarquables ici que dans le reste de son oeuvre.

Sauf quelques faiblesses (en très petit nombre) la langue conserve une belle allure : elle est ferme, variée, élégante, toujours noble (sauf dans les passages réalistes) et excellente dans les tirades oratoires et les monologues. Elle se prête moins à la conversation et au dialogue, à raison même de sa solennité.

Nous pourrions y noter les figures favorites de De Swaen ; l'antithèse (1), la répétition (2), l'énumération des parCi) Cf. II, 3, v. 120 et suiv.

(2) Cf. I, 4, v. 169-1 -III, 1, v. 109 et 111, etc.


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ties (1), etc., et l'abus des tours éloquents, l'interrogation et l'exclamation (2).

La versification n'offre rien de particulier, si ce n'est une souplesse plus grande de la phrase poétique et un usage très fréquent du rejet ou enjambement (3). Comme tous les maîtres, De Swaen en vieillissant s'affranchit volontiers de la règle classique qui confine l'expression de la pensée dans deux ou trois distiques et lui interdit d'empiéter sur le vers suivant. Il y gagne en souplesse et et en harmonie, ce qu'il perd en régulière ordonnance ; ce n'est pas nous qui l'en blâmerons !

(l).Cf, II, 1, v. 58-75.

(2) Cf. II, 1, v. 40-50 — Ib, 1, v. 274-280, III, scène 2 et 3, etc.

(3) Cf. I, 1, v 10, 11, 19, 20, 23 etc. — les exemples surabondent.



M AUR ITIU S

TREURSPEL 1702

Persoonagien

MAURITIUS, keyser.

CONSTANTIN A. ■

TIBERIUS, PROBUS, VERUS, JUSTINIUS, hunne soonen.

EUSTOLIA, hunne dochter.

NARSES, PHILIPPICUS, PHOTINUS, krygsoversten van MauPHOCAS,

MauPHOCAS, [ritius.

LEO, krygsoverste van Phocas.

CONON, verrader van Mauritius.

RUFUS, ARCAS, hoplieden van Mauritius.

LYFWACHT.

YOESTER, vertroude van Constantina.

HAER soontie, stom.

Het tooneel is te Constantinopelen in 't keyserlyk voorhof.



EERSTE BEDRIJF

1en uytgangh

PHILIPPICUS, PHOTINUS

PHILIPPICUS

1 Mynheer, ik ben 't gevaer te nauwernoot ontcomen : Geheel het léger is voor Phocas, 't Ryk van Romen Heeft eenen and'ren heer dan Vorst Mauritius.

PHOTINES

Die tydingh-perst m'y 't hert, Mynheer Philippicus 5 Des keysers onheyl sal den staet met hem verpletten.

PHILIPPICUS .

Een wederspanningh heir ve3rkent nogh Recht, nogh

[wetten; Den Rykstaf buygt voor 't sweert, 't vermogen voor 't

[gewelt. Soo ras in 't léger wiert des vorsten last vermelt, Tot overwinteringh der benden, in het noorden 10 Yan d'Isterstroomen, reesin aile de slaghorden Den oproer ; het gesach der oversten was uyt. De scharen rotten t' saeni, en roepen overluyt : « Indien Mauritius het noorden wil bewaren,

» Hy treck er hene en stutden inval der Avaren.


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15 » Wy houden goede wacht, aen dees sy van den vloet. » Syn afgeekeertheyt is ons langh bekent ; het bloet » Der crygslien was van outs by hem in cleyne waerde.» Op desen roep verschynt elle met den blooten swaerde In d'hant. De Ruytery en 't voetvolk onder een

20 Vermengt, en eens gesint, betuygen in 't gemeen, En sweeren nimmermeer Mauritius te volgen, Geen insicht, geen ontsach can breyd'len de verbolgen Gemoederen : ni en trapt destandaerts met denvoet, Men schuert de Vaenen : al wie tegensworstelt moet

25 Verplet syn. Endelyk begint men te bedaeren

Door t' samenstemmingh, en eenwilligheyt der schaeren Tot wederspannigheyt : sooryst uyt twist verdrach, Uyt stooringh, rust, men raemt aen wie men sal 't gesach Des légers, met de Kroon en Keyserstaf op dragen.

30 Maer nimmer was myn hert door meerder schroom ver[slagen

ver[slagen als ik Phocas sagh verheffen op den schilt En door het leger nu gheel vredsaem en gestilt Omdragen, met gejüych, en hantgeklap der troepen, Door wie men onder een eenstemmigh hoorde roepen :

35 » Langh leve Phocas, vorst van Rome. »

PHOTINUS

Ick beken Myn heer, dat ik my selfs niet tegenwordigh ben Naer een soo vreemdemaer. Hoe ! Phocas vorts van Romen Een hopman tot dien trap van eir en grootheyt comen Tot onderdruckingh van Mauritius ! een helt 40 Door vorstelyke keur in's keysers troon gestelt?

PHILIPPICUS

Is uw' verbaestheyt groot, de myne en is niet minderj Dogh geene grootheyt is op aerden vry van hinder ;


— 113 —

'T geluk, gelyk de ramp, heeft synen wederkeer, Men merkt hier in, 'tbeleyt van eenen opperheer,

45 Voor wiens gerechtigheyt en goddelyk vermogen Den koningh en den slaef eenparigh syn gebogen. Indien men dit beleyt naukeuriglyk doorsiet, Des keysers ongeluk en is soo wonder niet. Gy hebt met my verwenscht het gen wy nogh betreuren

50 Wanneer Chaganis schier voor Constantinus mueren Die groote menigte van krist' nen, in hun bloet Versmoorde, om dat den vorst,.uyt een te wreet gemoet, Ontsey voor yder hooftvier penningen te geven. Naer dese daet begost hem yder te begeven,

55 Syn naem wiert hatelyk by menigh onderdaen ; Men sagh hem voor tiran en niet voor kejrser aen. Ik selve, die tot hem soo vierigh ben genegen, En con niet sonder schroom die wreetheyt overwegen.

PHOTINUS

Myn heer, wie hadde dit oyt van den vorst verwacht ?

60 Hy die soo yverigh Godts vetten nam in acht, De clachten der gemeent genadiglyck aenhoorde En't heyligh Recht soo kloekmet synen schouderschoorde, Wort door een misslagh quyt den roem van soo veel

[deught. En met er daet wanneer myn ziel dat feyt geheught,

65 Mauritius doet my Mauritium vergeten.

PHILIPPICUS

Al sien wy eenen vorst op's werelts troon geseten Al voert hy 't hoogste woort naervolgens synen wensch, Hyis soo Avankelbaer als eenen andren mensch. Dit leertmy syn misdaet medogentlyk aenschouwen ; 70 Hoe grof hy heeft gefaelt, syn rampen doen my rouw," En toont my syn bedryf 't gen ik verwysen moet Syn onheyl houdt my voor 't gen my versuchten doet.


— 114 —

Terwyl voor myn gesicht syn groote deughden schynen, 'T gelykt my dat syn feyl allenxkens gaet verdwynen ; 75 En als ick hem aenschouw met sulk een straf beswaert Het dunkt my dat hy was een beter nootlot w aert Dit doet my synen val, en ondergangh beclagen, Dit wekt my om voor hem myn goet en bloet te wagen.

PHOTINUS

Ik stem uw opset teo, en blyv' hem tôt er doot 80 Getrouwîgh ; mynen eedt verbindt my in den noot Te sterk, om dat ik hem lafhartigh sou verlaten. Indien myn raet of daet, of leven hem can baten, Ga voor, ik volgh u na door allerley gèvaer.

PHILIPPICUS

'K heb langh daer op gemikt en vinde niet alwaer 85 Beginnen om den loop syns ongevals te stutten.

Al d' oudste benden en krygsoverslen. beschutten .

Den Dwingelant ; hy praelt vol hoogmoet en trotseert

Mauritius, mt al wie synbevelen eert.

Waerschynlyk wie dieu vaert betracht te wederstreven 90 Verwaereloost met syn, ook synen ieysers leven.

Best sullen wy dien storm ontwyken in 't begin

En schuylen met den vorst en 't vorstelyk gesin

Tôt Theodosius met d' Asiaensche scharen

Ons ondeis teune in dese aendringende gevaeren. 95 Hier comt den keyser self met Narses ; hooren'wy

Wat tôt syn onderstant hem best geradigh sy.


- 115 -

-+2en Uytgangh MAURITIUS, NARSES, PHILIPPICUS, PHOTINUS

NARSES

O Vorst, het is my leet u dit bericht te geven.

MAURITIUS

Pilippicus, syt gy alleen my tromv gebleven !

PHILIPPICUS

Heer keyser, 'k heb vergeefs het uyterst uytgestaen, 100 Geheelhet léger keert den nek, wy syn verraen.

MAURITIUS

Hoe ! heeft er dan niet een van soo veel krygsgeleden En oude benden, voor Mauritius gestreden ?

PHILIPPICUS

Den veltheer Priscus Aviert in 't eerst der muytery Gevangen als een guyt en door de Ruytery

105 Gebracht voor Phocas, die onaengesien syn jaeren En daden, d'handen smeet in syne gryse hairen Nogh vers belauweriert, en sleurd hem als een hont Ter aerden, twyl den helt aen syn eelmoeden mont Niet d'alderminste clacht uyt ondult liet ontvlieden.

110 D'omstaende bende der meyneedige oorloogslieden Involgende den haet van Griekens dwingelant Doorbooren 't oudt geraemt en krimpend ingewant Des veltheers met gewelt van vinnigh hellebaerden, Tot dat hy crachteloos blyft uytgestreckt ter aerden


— 116 —

115 Waer Phocas met den voet hem 't stervend hert toedouwt. Dit sagh een lyftrouwant door wie 't my wiert ontvouwt Terwylen wy 't gevaer te samen syn ontvloden.

MAURITIUS

Onmenschelyhe daet !

PHILIPPICUS

Hier nevens dee hy dooden Den marschalk Pertinax met twintigh van syn wacht.

MAURITIUS

120 Gy siet uyt dit begin wat uytcomst my verwacht :

Dogh niet verbaest my; 'k ben gheelin den Avil des Heeren Getroost. Com, Narses ; com, Photinus, 't luk can keeren : Beset de suyerpoort en burgwal ; rukt by een Wat wapen dragen can ; 't gevaer is algemeen :

125 Haelt op de valbrugh ; schikt de roosters ; spant de keten ; Ondekt de borgery, en aile d'ingeseten Den noot.

3en Uytgangh MAURITIUS, PHILIPPICUS

MAURITIUS

Philippicus, den burgh is u vertrout : Ga, schik myn lyfwacht waer den noot vereyscht, ontvout 's Rykx standaert ; 't is nu tyt van winnen of van sterven.

PHILIPPICUS

130 O Vorst ! k sal 't leven eer dan myne trouheyt derven.


117 —

4en Uytgangh

MAURITIUS, alleen

Gy die geheel den al be'stiert naer uwen Avil En aile uytwendige beroerten altyt stil, En ohgestoort doorstaet : gy die de tegenwichten Van rampen en geluk beswaren cont en lichten

135 Met eenen oogewenk ; die aller scheps'len lot

In uwen eeuw'gen raet geschikt hebt : grooten Godt ! By wiens almogentheyt en eyndeloose waerde Al 's Averelts grootheyt is gelyk Avat stof en aerde : Gy hebt my in gesach, geluk en mogentheyt

140 Verheven, mynen troon door glans en majesteyt Verheerlykt bovenal des werelts koninkrycken. 'T beliefd' u myn geslacht en stamme te venwcken Met kindren soet van aert en edel van gemoet : 'T beliefd' u myn gesin metvollen overvloet

145 Van aerdsche goederen te zeg'nen. Al die gaven Uyt deernis my gejont, den minsten van uw slaven, Syn d'uwe ; in uwe haut is gheel myn rust enmacht, Myn scepter, kroon en ryk, myn leven en geslacht, Gelyk 't al van u quam soo moet het naer u keeren.

150 Gy kont my van geluk, besittingen en eeren Beroven als 'tu lust ; 'k heb tegen umisdaen, En ben volveerdigh om van uwe hant t' ontsaen Soodaenge straf als 't ubehaegt my op te leggen. 'K verwacht uw vonnis en wil sonder tegenseggen

155 Aenveerdenhetbesluyt van uw genadighehant,

0 goedertieren heer ! kapt, kerft hier, schend, en brand Verplet, vermorsel my, verniet my in dit leven, Behoudens dat gy 't my voor eeuwigh wilt vergeven :


— 118 —

Maer t' wyl g' uw strenge recht met myne straf voldoet, 160 Ey, spaer togh, bid ik u, spaert het onnoosel bloet,

Spaert myne gemalin en kinderente gader.

Al wat 'er is misdaen, misdee den man en vader,

Den man en vader wenscht alleen gestraft te syn.

Stort neder, goede Godt, stortneder al de pyn 165 Die myne sond verdient op myn strafweerde leden

En laet, ik bid u weer, d'onno,osele met vreden.

5en Uytgangh MAURITIUS, CONON Maer Avat vraegt Conon ? Spreek.

CONON

Heer keyser, 't crygsgerucht Bedaert, het lantvolk comt niet meer naer stat gevlucht, De borgery begint haer vreese te betoomen.

MAURITUS

170 Door wien hebt gy soo ras dees nieuwe maer vernomen?

CONON

Ick com uyt Narses naem die door Photinus Avacht Hiervan versekert wiert. Nauw Avas de wraek volbracht Op Priscus oude romp en afgeslete leden, Of Phocas voelt syn hert bevredight : 't licht der reden 175 Ervonkt in sj'nen geest. Dat dierbaer heldenbloet Soo jammerlyk gestort verbeelt aen syn gemoet De reukeloosheyt van syn aenslagh, het meedoogen Ontstelt syn woeste ziel, en 't schynt datm'in syn oogen


— 119 —

Of traenen Avort gewaer of iets aen traen gelyk. 180 Tot drymaels keert hy die naer 't uytgestrekte lyk

Tot drymaels tracht hy 't selve uyt deernis aen te spreken,

Maersyne stemme blyft iirsynekeel versteken.

De droefheyt houdt met cracht syn spraek en woorden op.

D'omstaende schaeren staen verslagen ; eenen trop 185 Van deftige oversten en moedige hoplieden

En sien niet wat dien rouw en weedom magh bedieden.

Men schikt de legerplaets, en sonder iemants last Een yder kiest de Avyk die op syn bende past.

MAURITIUS

Segh Narses dat hy sigh doet vorder onderrichten ; 190 Blyft dese tydingh vast sy sal myn hert verlichten.

6en TJytgangh

CONON (alleen)

Rampsaligen, ga heen : den gronisteen is geleyt Tot UAven ondergangh ; gy siet niet dat men vleyt Om dies te veyliger u in het net te krygen. Vraegh Narses vry om raet, hy sal u seker swygen 195 't gen hem onkundigh is : den Keyser Phocas stelt Tôt uw verderf in't werk en listen en gewelt. Uw grootheyt is ten eynde, en uw geluk verloopen ; 't bloet der gemeenten heeft te langh oni wraek geropen.


— 120 —

TWEEDE BEDRIJF

1en Uytgangh

CONSTANTINA, VOESTER

Ach ! Voester, vleyt my niet ; ik voorspel al te klaer Myn rampen ; myn gemoet is van nu af gewaer De smerten die myn ziel sigh niet en can verbeelden. De voorgedachten van dees ongelucken speelden 5 Al langh in mynen geest : 'k heb naekt genoegh voorsien Wat al die muytery en oproer wou bedien, Van'als dien aertsverraer in't aensichtwiert geslagen Wanneer hy bj den vorst quam over Priscus klagen.

VOESTER

Meyrou, gy maekt u self rampsaligh voor den tyt.

10 Sult gy wanhopen van den zegen voor den stryt? Hoe ! Als er in een ryk beroerte is opgeresen Can sonder vorsten ramp die niet bevredigt Avesen ? En moet den keyser syn van syne kroon berooft Om dat een bende volkx een hopman kiest voor hooft ?

15 Gelooft my, om een vorst uyt synen troon te Averpen Met moet veel lanssien, men moet veel sweerden scherpen ; Dat werk heeft swarigheyt, gevaer en aerbeyt in, Men comt niet sonder bloettot een soo grootgewin. Waerom soo licht gelooft onsekere geruchten ?

20 Wat macht heeft Phocas om dat gy hem soude duchten ?


— 121 —

Wat voor crygsoversten, Avat amptlien staen hem by ?

Wie van den edeldom wilt houden met syn zy ?

Want schoon geheel het heir weerspannigh w'as gewordeh

En Phocas tegen u aenvoerde hun slagorden, 25 Biedt Constantinus burgh hem geenen wederstant?

Diezùyl van 't Ryk, wiens vestgenoegsaemis bernant

Om af te sien 't gewelt van veele koninkryken.

Salsy voor eenen hoop van yloekverwanten wijken?

Gy hebt hier Narses en Philippicus, wiens raet 30 En dâpperheyt opweegt soo menigen soldaet :

Gy hebt Photinus, en, om andre niet te melden,

Gy hebt den Keyser self, den braefsten aller helden ;

En vreest gy nogh ?

CONSTANTINA

Het is dien helt, die my verflaut;

Waer hy uyt desen noot, ik waere min benaut. 35 O Voester ! mynen angst en is niet uyt te drucken !

't gevaer Aran die ik min, schuert myne borst aen stucken.

Ik kan myn oogh op geen van myne kinders slaen

Of worde op selven stont als met de doot bevaen :

Nu perst my eenalleen, dan dry, dan vier te gader. 40 Maer boven al besAvaert my hunnen weerden vader ;

Al Avatik voor hun ly is by die perssingh kleen.

't voorsién van synen ramp vernietigt al myn ween.

Mauritius ! myn vorst ! my waerder dan het leven !

Heeft vader u met my daertoe soo hoogh verheven 45 Op dat ons t' samen sou verplettren sulk een val ?

Is dit de soete rust en 't minnelyk geval

Die my uw vaste trou en grootheyt dee verhopen ?

O wankelbaer geluk ! hoe ras syt gy verloopen !

Hoe spoedigh stort gy neer ! 'k Avas van myn oirsprong af 50 Geschikt tot Keyserin gebooren met den staf,

En conde, voor ik sprak, bevelen engebieden.

'k sagh in myn eerste jeught, met duysent edellieden


— 122 -

Veel vorsten op myn Avenk tot alleh last bereyt. Geheel de prael van 't Ryk met al de heerlykheyt 55 Myns vaders, quam te saem in myn en schoot geseghen. Het scheen dat al den pronk, grootdadigheyt en zegen Der eeuwen t' myner Roem en grootheyt was vergaert. Ick wiert door reyne min met eenen prins gepaert In wien myn herte vondt al 't gen het conde wenschen, 60 Behaeglyk aen den heer, en minsaem aen de menschen, Lieftalligh in syn aert en dapper van gemoet. Al wat ik in hem sagh was edel, groot en soet. Hy stygt naer vaders doot tot in den top van eeren ; Hy siet syn Ryken staegh aenwassen en vermeeren ; 65 Syn heldennaeni bereykt de païen van den dagh ; Den vorst der Persen moet syn keyserlyk gesach Verkennen, en verheugt sigh in syn vrient te Avesen. Tot desen trap van eer en hoogheyt opgeresen Voorsiet den hemel my met een vruchtbaren schoot. 70 Myn dochters bloeyen voort, myn soonen worden groot, En Theodoos belooft Aran syn kintsche dagen Dat h y ook met de daet dien grooten naem sal dragen : Syn jeught versterkt dees hoop ; hy +schynt door 't gansche

[Ryk In deught en dapperheyt syn vader gheel gelyk, 75 En Avort door hem vereertm et 't keyserdom van Oosten. Wat cost my meer voldoen ? Avat cost ik Avenschen dat Ik nieibesitten con, of met 'er daet besat? 0 valsche vreughden ! o bedriegelyke grootheyt ! Terwyl 't geluk, soo 't schynt, gevest in mynen schoot leyt, 80 't ontsnapt, 't ontvliegt my ; 'k sie eens om, en ben het

[quyt., Dien ramp beviel m' op dien beclagelyken tydt, Wanneer den coningh der bloetdorstige Avaren, Bloetdorstiger dan sy, het ryk quam ingevaren Met 't vier en sweert in d'hant, en met een enkel sleep


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85 Hetlant van volk beroofde : Ach ! 't Avas dees wreeden

[kneep, Die 't rat van myn geluk eerst springen dee aen stucken. Wat syn my zedert dien al ween en ongelucken Gevallen op den hais !... Mauritius, 'k sagh dan Een feyl, het gen m' in u alleen berispén can.

VOESTER

90 Hier comt den vorst. Mevrou,bedwingh uw bittre clachten.

2en Uytgangh MAURITIUS, CONSTANTINA, NARSES, VOESTER

MAURITIUS

Waerom uw hert aldus in droefheyt te versmachten Myn liefste keyserin ? de maeren syn versoet. Des vyants nioetwil sal met syn opsiedend bloet Bedaeren : 't woedend rot begint naer rêen te luysteren 95 Menhoopt den oproer in syn oirsprongh te verduysteren.

CONSTANTINA

Die tydingh streelt u, vorst.

MAURITIUS

Verset dien achterdocht Gy suit eer lange sien een opset uytgeAvrocht 't gen uAven weedom sal voor 't meeste deel verminderen. Ik bid' u, syt bedaert, en sorgt voor onse kinderen, 100 Terwylik overlegh wat t' ouser rust verstreckt.

CONSTANTINA

'k wensch dat u Godtdaer toeden rechten wegh ontdekt.


— 124 —

3en Uytgangh

MAURITIUS, NARSES

MAURITIUS

Wy connen nu in rust en vryheyt overwegen Wat middlen in een saek soo lastigh en verlegen Ons oirbaer syn en die (behoudens roem en eer)

105 Gedooglyk syn, uyt dwangh, aen eenen opperheer. Het feyt is openbaer, en, om naer Recht te spreken, Ik vinde my verplicht te straffen en te wreken ; Maer, 't rasende gewelt verplettert myn gesach : Ik vraegh niet wat ik doen maer wat ik dulden magh ;

110 Dit is het eenigh wit Avaerna 't my voeght te Averken, En 't eenigli dat ik u bevele te bemercken. U trouheyt, dapperheyt, en raet syn my bekent ; En in den Avreeden noot die myn grootachtingh schendt, 'k wil van myn opperrecht niet 't minste doel af leggen

115 Voordat gy my daer op suit uw gevoelen seggen. Spreek, Narses.

NARSES

Te veel eer doet my uw Majesteyt, Heer- keyser ; dogh gelyk gy myn getrouwigheyt Waerdeert, 'k wil ailes Avat my mooglyk is bedryven Om in dees achtbaerheyt altyt by u te blyven. 120 Twee swarigheden stelt my uw beradingkvoor ;

Een hoogheyt-schender door verwaentheyt buten spoor, Met" synen opperheer te brengen tot versoeningh. Den Avederspannigen is plichtigh aen voldoeningh,


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En derft syn rechter self wegstellen door gewelt : Den opperheer is in syn recht-saék vast gestelt,

125 Maer om die 't houden staen ontbreekt hem het vermogen. Dees wil het al door dwangh ; dien magh het nietgedoogen ; Dees derft onwettelyk rechtschendery bestaen ; En dien magh wettelyk niet van syn recht afgaen ; Twee staets geschillen, die elckahderen tegensteken ;

130 Hier wreveligh gewrelt ; daer onmacht om te wvreken. Uyt desen tegenstryt blykt claerder dan den dagh, Dat hier geen hoop is van versoeningh nogh verdrach, Ten sy men wedersyds wilt afgaen en toegeven. Indien gy tusschen u Avilt effenen 't oneven,

135 Heer keyser, dit geschil wort nimmermeer geslecht Voor hy van syn gewelt, gy wycke A'an uw Recht. Dogh wie sal naer de Avet en reden vonnis stryken Hoe dat gy van uw Recht suit Avettigh mogen wyken ? 't is sorglyk aen een vorst te wyken voor gewelt ;

140 Wie door toegevingh 's ryxberoerten effen stelt

Schynt aen oproerigheyt een nieuwen voet te geven : D'eerst houdt nogh qualyk op of d'andre Avort verheven, En wacht van 't feyl geen straf maer diergelyke loon. Soo ondermynen twist en wederspalt den troon,

145 Wanneer sy voor geen Recht nogh Avetten moeten duchten. Indien gy seker cost verargeimis oirtvluchten, Heer keyser, dit gevaer Avaer lichtelyk t' ontgaen, + Met Phocas eenige voorwaerden toe te staen.

MAURITIUS

O Narses! ghebt gelyk : 't is sAvaerlyk om betoogen, 150 Wanneer en hoe een vorst magh afgaen syn vermogen; Hy is in aile noot aen syne plicht gebeclit ; 't gen hy daer tegen doet is altyt tegen Recht : Syn achtbaerheyt moet hem meer weert syn dan syn Aen die v;erbintenis en magh hy noyt begeven ; . [leven;


— 126 —

155 Hy houde t' allen tydt veei hooger in gewicht 't verlies van synen roem dan 't derven van het licht. Ik nam dien eerplicht waer van myne jonge jaeren, Maer heb nu meer dan roem en leven te bewaren ; De ruste van den staet, myn ondersatens bloet

160 Waerdeer ik veele meer dan al myn eygen goet.

Ten sy men middel vindt om Phocas Avraek te stutten Dien twist gaetgoet en bloet niyns onderdaens uytputten, Verpletteren de stêen, verwoesten 't platte lant. En stellen 't gansche Ryk in eenen lichten brant.

165 Dies Avensch ik mjm gesach een Aveynigh te versetten Om dese jammeren en rampen te beletten ; En door gedoogsaemheyt die naer de zyden neygt, Te keeren het gevaer dat myn gemeenten dreygt. Maer hoe geweldigh my hun opsicht maekt verlegen

170 Dien schender van myn roem steekt my geduerigh tegen ; En myn gemoet vergeet het voordeel van den staet, Wanneer het sigh vérbeelt dat godeloos verraet. Soo wortmyn angstigh hert staeg heen en weer gedreven Nu om te weygeren en dan om toe te geven.

NARSES

175 Heer keyser, als den staet sulk een beroerte lydt, Toegeven is van noodeen weygren buyten tydt. Men moet voor een misdaet somAvylen d'oogen l'uyken Wanneer men niet en derft of can de straf gebruyken. Dit hebben langh, voor heen, meer koningen gedaen.

180 Een uytgestelde straf wort op syn tydt voldaen ;

Het gen geen macht vermagh can list te Avege brengen. Een vorst moet wederspalt gedoogen en gehengen, Soo langh tot hy gewelt can dwingen door gewelt. Laet dien weerspannigen braveeren in het velt,

185 Betrouwt hem voor een tyt 't bestier van uAve benden, Ontveyns vreedsamelyk de rampen en ellenden,


— 127 —

Die synen oproer baer, tot 't Asiaensche heir Met Theodosius, den niont van 't swerte meir Besette en overscheep in Constantinus Avallen.

MAURITIUS

190 'K vrees dat naer UAven wensch d.t niet en sal uytvallen. Gelooft gy Phocas soo uytsinnigh of verblint, Dat hy met sulk een macht niet vorder ôhderwindt, En, sigh vernoegende met Priscus te doen dooden, Niet sien sal naer een troon die hem van selfs gaet nooden ?

195 Neen, syn hoogmoedigheyt is my te seer bekent ; Syn feyl is op myn kroon en Rykstaf aengewendt ; Verwacht niet dat syn drift in haer besluyt verslappe, Voor hy myn mogentheyt met gheel myn huys vertrappe. 'k heb syn eergierigheyt al langen tydt bespiet ;

200 Syn herte vol van sucht naer hoogheyt en gébiet Syn opgeblasen moedt en heeft my niet bedroogen, Van als hy Priscus ampt en ooreloogs vermogen Benydde, en soo verwraent quam klagen tegen hem. Let op syn ommegang ; syn reden, uytsicht, stem,

205 Gheel syn gestalte schynt van tiranny te spreken. O Narses ! Avist ik waer myn kinderen versteken, Waer myne keyserin versekeren, 'k vond my In desen rampspoet van 't meest achterdencken vry ; 't syn dese die myn hert beroeren en verdrucken.

NARSES

210 Gy'laet uw groote ziel te seer door vrees weghrucken O Vorst, 't gevaer is verre om dat gy 't soo ontsiet., . Gy wet wat Conon ohs... -

MAURITIUS.

Spreek my van Conon niet : Syn eenigh oogwit Avas my sorgeloos te maken. Te weten Phocas liet sigh door berouw aenraken


— 128 —

215, Van Priscus doot... Dien list verscheen my al te klaer ; Maer'k heb met voordacht dit ontveynst. voor dien verraer, Om hem in 't alderminst geen achterdocht te geven.

NARSES

Ik ben aen myne plicht ook niet te cort gebleven En heb de Suyerpoort versterkt met goede Avacht. 220 Photinus neemt de trou der borgery in acht ;

Men spant op synen last de ketens door de straten.

MAURITIUS

Ik wil dit niet alleen op syne sorgh verlaten ; Volgh, Narses, gaen wy sien wie sigh met ons vereent ; 'k vrees d'ongestadigheyt der driftige gemeent 225 Die sigh geduerigh als een Aveerhaen laet bewegen

En uyt veranderingh hoopt voordeel, winst, en zegen.

4en Uytgangh

CONON, alleea

Myn vreugde ryst in top ; den keyser Phocas naekt De Avallen, met een heir dat sigh ontsachlyk maekt, En in syn eersten vaert de stat sal overrompelen ;

230 Men hoort de borgery niet meer inAvendigh mompelen, Elk spreckt in 't openbaer syns hertens meyningh uyt. Mauritius wort van den troon geschopt ; 't besluyt Gaet vast ; geen Narses, geen Photinus sal 'tbeletten. Sy hebben schoon de poort en wallen te besetten,

235 Al d'eerste benden sy voor onsen nieuwen heer. Een yder haekt om hem met alle liefde en eer, En onderworpentheyt te gaen verwellecomen. De straten staen gepropt van menschen, die als stroomen


- 129 —

Vergad'ren om den vorst in syn triomf t'ontfaeu.

240 Soo noem tmen syne comst ; de dry stats-orden gaen Hem tegen : geestlykheyt, gemeente en edellieden Beyveren om eerst hem hunne dienst t' aenbieden. Ik heb dit groote werk soo heymlyk aengeleyt Dat sigh Mauritius op desen stont nogk vleyt.

245 Maer syn' uytstootingh en verderffenis genaken : Ter werelt heeft men noytin statelyke saken Bemerkt soo spoedigen en grooten ommekeer. Van àl de troepen die Mauritius, nogh eer Twee dagen, voor hun vorst eu opperhooft verkenden

250 Behout hy nainvelyx syn wacht; ; al d' andre Avenden Den standaert van hem af naer Phocas. Maer, hier is DeKeyserin, die reeds in haer verbeeltenis, Het ongeluk voorsiet. Ik moet haet droefheyt vleyen Op dat sy haeren val gerusfer sou verbeyen.

gen uytgangh

CONSTANTINA, CONON, VOESTER

255 Hoe staen Avy Conon? Wat voor tydingh brengt gy mee ? Wat seght men in de stat ?

CONON

Mevrou, de rust en vvee Syn algemeen ; men hoort van oproer nogh van muyten, Men weet van stooringh, nogh van binnen nogh van

[buyten ; Een yder wil den vorst getrouw syn tot 'er doot. 260 : Bevredigt uw gemoet, \vy sien ons buyten noot

9


— 130 —

Van scheuringh : d'oorloogslien besegenen elckandren Met vree, wy sullen twist in eendracht sien verand-'ren.

CONSTANTINA

Dat geve Godt ! Maer ach ! myn her veerhoopt het niet.

CONON

Ontschuldigh my, mevrou, 'k ga waer men my gebiet ; 265 Ick moet voor d' aenkomst van de mert en 't raedshuys

[sorgen.

6en Uytgangh

CONSTANTINA, VOESTER

Dees antwoord, Voester, heeft iet duyster en verborgen Och ! och ! ik vreese dat wy seker syn verraen.

VOESTER

Gy merkt al wat men seght staeg t' uwer nadeel aen : Wat twyffelachtigheyt can ons dees' antwoort leeren, 270 Mevrou ? Wy sullen twist in eendracht sien verkeeren ?

CONSTANTINA

Te weten, als myn vorst gedreven is uyt stat.

VOESTER

Maer, Keyserin....

CONSTANTINA

; Ik heb dit al te wel gevat ;

Myn geest gingh in het hert van dien verrader lesen. Elk, seght hy, wil den vorst ter doot getrouwigh wesen ;


— 131 —

275 Soo noemthy Phocas. O vervloekelylc bedryf ! Wee mynen Keyser ! wee my rampsaligh wyf. ! Wee ! wee, myn kinderen !

VOESTER

Mevrou ! Avat spooreloosheyt Is dit?

CONSTANTINA

Swygh, Voester, swygh, of segh wat trouweloosheyt Wort mynen heer bereyt !... Mauritius ! myn helt ! 280 Myn weerde vorst ! 't voorsien van uwe rampen knelt Myn herte toe !... myn lief ! uw lot doet my beswyken.

VOESTERWaer

VOESTERWaer nu, Keyserin, dat moedigh hert !

CONSTANTINA

Een blyken .

Van seker ongeluk ! myn herte niet gewemt

285 Aen ongegronde vrees, voorseght my al d' ellend

Van myn rampsaligh huys, door dit inwendighschroomen. Men moet verdwelmt syn, of door waensucht ingenomen Om niet te sien wed dees verraedsche rust bediedt. Het gansche leger smaedt Mauritius gebiet,

290 Versaekt syn eesten heer om een tiran te volgen, Die, door bloetdorstigheyt ontsteken en verbolgen Bysanssens wal genaekt, en 't is er al in vree, Men weet van geen beroerte... Is dees hoveerde stee En borgery bereyt te pralen of te vallen

295 Met vorst Mauritius, hoe hoort men langst de Wallen

Soo weynigh krygsgerucht ? Avaer blyft het stormgevaert En schiet-tuygh ? hoe verwacht het volk soo onvervaert Een vyant, die met yier en bloedigh stael in handen, Niet anders voorheeft, dan verwoesten, moorden, branden?

300 Misleyde Voester ! swygh, en Adeyt myn hert niet meer : Ik sie den ondergangh van myn geluk en eer. Daer conit Photinus... och ! al myn gewrichten beven.


— 132 —

7en Uytgangh CONSTANTINA, VOESTER, PHOTINUS

PHOTINUS

Waer is den keyser !..,

CONSTANTINA

Wet bericht hebt gy te geven ? Spreek uyt.

PHOTINUS

Mevrou, waer is den keyser? het doet noot, 305 Den vyantnackt... -

CONSTANTINA

O maer, my vreeder dan de doot... Gy, bergh myn kinderen... Ik ga myn man versellen.

8en Uytgangh

AROESTER (alleen)

Mauritius ! myn heer, en keyser ! hoe ontstellen Derampôn vanuw huys myn krimpende geraemt? Tibeer ! Eustolia ! Justinus ! och ! hoe praemt 310 My uw aenstaende noot !... O keyrserlyke vruchten ! Onnoosle kinderen !.,. waer sal ik met u vluchten ?


— 133 —

DERDE BEDRIJF 1 en Uytgangh

MAURITIUS, CONSTANTINA, VOESTER

MAURITIUS

Verset die wreede clacht, Mevrou, het is nu tydt Te scheppen nieuwen moedt, te toonen wie gy syt. Des vyants voorwacht is in 't sicht van onse Avallen Hy can ons onvoorsiens, en schielyk overvallen. 5 'Kmistrouw my van de trou der Bysantyners, die Begint te waggelen met myne heerschappie : Gy hebt d'ontrouwigheyt des legers reeds vernomen, 'Tis noodigh dat men sorghe om desen noot t' ontcomen Terwyl er ons nogh tyt en middel wort gejont.

10 Het jacht îs veerdigh ; gaet, vertrekt op desen stont Met onse kinderen en trouwste dienstgenoten. Myn boesem is dooru gevaer als toegesloten Myn ziel wort in de sorgh voor myne kroon verflaut Terwylen u myn oogh, metmy, in noot aenschouwt.

15 Ach ! mocht iku eens sien in sekerheyt geborgen

'K sou voor myn eygen self met minder onrust sorgen, En schoon my d'uyterste vervolgîngh overviel Ik son nogh syn getroost in myne tweede ziel ; Maer nu gy met my syt in en gevaer benepen,

20 Myn herte wort door twee benautheên toegeknepen En 't genik heden ly soo langh gy met my tydt Is my een dobbel wee, een doodelyken stryt. Indien gy vande h'elft myn smerten widlt vermindren


— 134 —

Vertreckt togh, met ons kroost, waer niem'ant u can

[hindren; 25 Soo ras gy syt met hen dit wreet gevaert ontgaen Myn trouwigh herte Avort met minder angst bevaen.

CONSTANTINA

Wat derft gy, weerde lief, my hier voor oogen leggen? Gelooft gy dat myn hert daer niet sal tegen seggen, En dat uw levens noot my minder pyn aendoet,

30 Dan 't gen ik voor hun leet en 't myne vreesen moet? Gelooft gy, dat, soo ras Avy syn 't gevaer ontcomen, Myn ziel ophouden sal van voor uw hooft te schroomen, En dat my ramp my sal verdragelyker syn,- Als ik van hier vertrecke en u verlate in pyn ?

35 Och ? weertmy dat gedacht, het doet myn trouheyt hinder ; Vreestgy soo seer voor my, ik vrees voor u niet minder ; Terwyl gy voor-my lydt, denkt watik voor uly, Wilt gy dat ik vertrek, vertrekt dan ook met my. Ik was uw deelgenoot in voorspoet en verblyden

40 Ik blyve uw. deelgenoot in tegenspoet en lyden, Myn hert ontsiet met u, geen onheyl, geenen noot,- Myn hert wort noyt aan u gerukt dan door de doot. Indien gy geerne 't licht wilt t' myner liefde derven 'k wil niet min geere ook voor uwe liefde sterven ;

45 Myn teerheyt wil aen d'uw niet wyken in gewicht, 't gen ai de trouw belast, belast my myne plichf. Dunktu, dat myn vertrek uw smerten sal versoeten Denkt Avat om uw gevaer myn hert sal lyden moeten ; Terwyl gy soo besorgt voor myn gerustheyt syt,

50 Vergeet niet Avat myn ziel om uw onrustheyt lydt. Ach ! cost ik u de rust, de vrede wedergeven Ik gaf, meer dan myn rust ; ik gaf er voor.myn- leven 'k sie niet wat my behoeft als gy maer rust geniet 't gen ik in u bemin en is myn woordeel niet.


— 135 —

55 Uw deughden conden my soo nauw met u vervoegen Dat uv geluk alleen myn herte con vernoegen, Niet'omdatiiwe trou "my daervan deel aenboodt Maer om dat mynen vorst en bruygom dat genoot. Begeert gy dan myn hert aen dese ween t'ontrucken

60 En sorgt voor myne niet maer voor uw' ongelucken, En wilt gy dat ik my bevry van dit gevaer,

Ik stem aen ailes toe, ga voor, ik volgh u naer.

MAURITIUS

Mevrou, om datik my sou aebn dien noot ontrecken 't is noodigh dat men eerst u sie voor my vertrecken ;

65 Uw liefde wil dat ik voor my sorgvuldigh sy, Nadien gheel uwe rust gelegen is in my : Gedenkt-dan, eer gymj-nogh meer suit spreken tegen, Dat aile myn geluk gheel is in u gelegen, En dat, om my te sienbevryt van angst en pyn,

70 Gy tegen desen noot eerst moet versekert syn. In uw vertrek bestaet de ruste van myn leven; ; Het gene gy my wenscht moet gy my selve geven, Vertreckt dan, op dat ik gheel uwen wensch geniet, T' wyl gy in myne rust uw eygen vrede siet.

75 Nadien gy niynen troost behertight boven allen, Stemt myne bede toe, soo sal my troost bevallen En gy van uwen kant te vreen syn en voldaen Als gy uyt mynen troost den mven suit ontfaen. Dogh 't gen my heden doet myn ongeluk beclagen

80 Is, datg'om mynent wil moet dese rampen dragen En dat den wreeden slagh die my van roem berooft, Van myne schouderen gaet vallen op uw hooft. De teerheyt, die uw hert comt t' myner liefde drucken Vermeerdert myne ween, beswaert myn ongelucken;

85 En hoe gy meer gevoelt het gene my benaut

Hoe meer my mve smert en medèlyden rouwt.


— 136 —

Maer, spyt de swarighêen, die my en u soo pramen Ik Avil met cracht van deught de bleeke nyt beschamen En toonen dat het hert van een rechtschapen helt 90 Can onberoert doorstaen vervolgingh en gewelt.

Al valt my 't leger af, myn roem sal staende blyven ; Myn herte verre van een lafheyt te bedryven Verheft sigh tegen noot, werraet, en ongeval : Sy stormen te vergeefs, myn moedt verduert het al.

CONSTANTINA

95 O edelmoeden helt ! meer uwe deugdhen blyken, Meer uwe rampen my doen treuren en beswyken : 'K gevoel met meerder smert d' onteeringh die gy lydt, Wanneer myn ziel bemerkt het gen gy weerdigh syt. Ach ! moest men sulk een helt tot sulk een kroon verkiesen 100 Om dat hy die daer na soo schandigh sou verliesen ? En moest my sulk een vorst tot lief gegeven syn Om hem met my te sien in soo veel smaet en pyn? O nootlot ! noyt genoegh met suchten te betreuren ! O jammerlyken val ! hoe can 't myn hert verdueren ?

MAURITIUS

105 Vorstin, bedwingt dien rouw en innerlyken stryt ;

Denkt dat gy moeder, kint en vrou van vorsten syt.

Dat welgebooren hert magh door geen ongevallen,

Hoe swaer die mogen syn, sigh laten overvallen ;

Trou, moederschap, geboort, geslachte, staet en bloet 110 Versoeken van uw hert een onbesweken moedt.

CONSTANTINA

Trou, moederschap, geboort, geslachte, bloet en staten Versochten dat my 't luk sou nimmermeer verlaten, En eyschen sy van my een edelmoedigh hert, Ik had van hen verwacht meer toevingh, minder smert. 115 Eylaes ! hoe qualyk syn myn hopen u ytgevallen !

't gen my werlichten moest wort't swaerste leet van allen,


— 137 -

VOESTER

Mevrouwe, matigh togh 't gewelt van u we druk.

CONSTANTINA

Wat spreekt gy my van maet in sulk een ongeluk Wiens grootheyt alle maet en palen gaet te boven ?

120 Had my een sachter lot myn kindren comen roven Den vader had my nogh in sulk een leet getroost ! Of waer ik weduwe gebleven met myn kroost Myn weedom wiert versoet in een soo ruckigh quelen Als ik des vaders geest en wesen had sien spelen

125 In syn doorluchtigh zaet, en synen edlen aert

Uytschynen, in syn soons, een beter nootlot waert. Maer, 't gen myn ziele doet door eenen dootstryt pramen, Den noot dreygt mynen vorst en kinderen te samen En tot vervullinge van myn beklaeglyk lot, 30 Verjaegt my uyt den troon, vol laster, smaet, en spot. 'K moest my een hert van stael en yser laten smeden Om sonder smert t' aensien al die rampsaligheden.

MAURITIUS

Mevrou, die vreese jaegt u verder dan 't betaemt.

En uwe teerigheyt wort voor den tyt gepraemt : 35 Gy stapelt ramp op ramp, ellenden op ellenden.

'k hoop dat den hemel die ten deele sal afwenden

Van myn vervolgde stam, en van uw edel hert

Afweiren het gewelt van een soo wreede smert.

Maer 't is te langh gedraelt, den tyt dient waergenomen. 40 Ga, trouwe voester, doet myn kinderen hier comen;

'k wil dat gy u terstont met hen te scheep begeeft.


— 138 -

2en Uytgangh

MAURITIUS, CONSTANTINA

CONSTANTINA

Wat keyserin heeft oyt soo wreeden tyt beleeft! Mauritius ! myn vorst ! wat lot is ons beschoren ? Waer hene stiert gy my ! eylaes ! wy syn verloren !

3en Uytgangh

MAURITIUS, CONSTANTINA, TIBERIUS, PROBUS, VERUS, JUSTINUS, EUSTOLIA, VOESTER

MAURITIUS

145 Comt hier, myn kynderen, myn kroost, myn eygen bloet, Omhelst uw vader eerst nu gy vertrecken moet. Tibeer ! Eustolia ! myn kindren al te gader Omvangt my, drukt myn borst.

TIBERIUS (met d'andere)

Myn heer ! myn liefsten vader !

VOESTER

Och ! och ! myn herte breekt !...

CONSTANTINA

O wanhoop ! o verdriet !


- 139 -

MAURITIUS

150 Myn Probus ! myn Tibeer ! myn soons, beroert u niet! Myn dochter, laet uw hert soo hevigh niet ontstellen. Ik volgh u, gaet maer voor ; ik com u vergesellen : Eustolia ! myn troost ! myn Dochter ! schep togh moedt.

EUSTOLIA

Och Vader ! och myn vorst !

MAURITIUS

Veertreck togh met' er spoet.

CONSTANTINA

155 Myn Kinderen ! hoe is uw Moeders hert bedroogen ! Ik had u tot den troon en grootheyt opgetoogen Tot voorspoet, eer, en roem, gesach en Majesteyt, Sorgvuldigh opgevoedt. Ik hadde my geveijt Dat gy in uwen schoot het erfdeel soudt vergadren

160 Uw nagelaten van soo edele voorvadren.

Mar ach ! hoe qualyk valt al myn verwachtingh uyt ! Uw grootheyt is voorby : uw schatten syn tot buyt Gegeven aen het hooft der wreetste dwingelanden. De steden van uw Ryk en onderworpen landen

165 Verwachten, vol van schroom, verwoestingh, brant en

[moort ; De vreemdelingh sleypt wegh het gen u toebehoort En stoot u uyt den troon, gelyk verworpelingen. O wreeden noot !

KINDEREN

Och! och!

VOESTER

Myn bliefste voesterlingen Comt, volgt my, het is tyt...

CONSTANTINA

Och ! Voester ! och ! Waerheen ?


— 140 —

MAURITIUS

170 Vorstinne, houd togh in die buytenspoorigheen,

Wy moeten voor 't gewelt en 's hemels schickingh wyc

[ken.

CONSTANTINA

Myn vorst ! myn kinderen ! gy doet myn hert beswy

[ken.

EUSTOLIA

Vrou Moeder, laet ons gaen waer ons den Keyser sendt.

MAURITIUS

Och ! spoeyt u, Keyserin...

CONSTANTINA

O hartseer ! o ellend ! 175 Myn weerste lief !.. eylaes ! hoe sal ik u verlaten!

4en Uytgangh

MAURITIUS, CONSTANTINA, TIBERIUS, VERUS,

PROBUS, JUSTIN US, EUSTOLIA,

VOESTER, RUFUS

RUFUS

Myn heer het krygs gebaer ryst door de naeste straten : Den veltheer Narses wort door Phocas aengetast. Hy heeft de binnenwacht der zuyerpoort verrast Mits hem in d'halve maen geen weerstant wiert geboden. 180 Hy strekt de stat in met verlies van weynigh dooden ; Dit doet den veltheer u boodschappen door myn mont.


— 141 -

CONSTANTINA

O schandelyk verraet !

MAURITIUS

Mevrou, vertreckt terstont Met onse kinderen ; ik volgh u strax te paerde.

CONSTANTINA

Oh ! vlucht met ons te saem, myn liefste vorst !

MAURITIUS.

Myn waerde 185 Vorstin, en wederstreef togh myn versoek niet meer. Gy, Rufus, leydt mevrou.

KINDEREN

Myn vader ! mynen heer.

CONSTANTINA

O pynelyken dwangh. ! o onverdraeglyk lydden ?

MAURITIUS

O vreeden noot !...

5en Uytgangh

MAURITIUS, PHOTINUS

Hier comt Photinus van ter syden Gewondt in 't aengesicht.

PHOTINUS

Heer keyser, 't is gedaen 190 Den booswicht Conon heeft uw Majesteyt verraen,


— 142 —

Hy is met gheel de stat voor Phocas aengespannen. Dien woesten dwingelant en vindt niet t' overmannen In d'ongetrouwe vest ; een yder valt u af En wenscht hem zegen met uw keyserlyke staf.

MAURITIUS

195 Getrouwe vrient ! den wil des Heeren moet geschieden.

PHOTINUS

Outrent tweehondert van uw trouwigste edellieden Weerstaen, met Narses en Philippicus, 't gewelt Des vyants, die al wat hem voorcomt nedervelt, En met den bystant der ontrouwige ingeseten,

200 Vol spyt en tooren breekt, door d'uytgespanne keten, En sigh een wegh baent langs de hoogstraet naer het hof. Den braven Narses, gheel bemorst met bloet en stof, Stut hunnen aenval met cleynachtingh van syn leven Om uwe Majesteyt meer vluchtens tyt te geven :

205 Hy harselt naer de plaets van sint Sophiens kerk Die hy afschutten dee met een vast bollewerk, Om daer te veyliger sigh aen 't gevaer t' ontrecken. Hy bidt den vorst terstont naer d' haven te vertrecken Mits daer geen hoop meer is van langer uyt te staen.

MAURITIUS

210 O trouwe dienaers ! 'k wensch uw edelmoede daen T' erkennen naer waerdy.

6en Uytgangh MAURITIUS, NARSES, PHILIPPICUS, PHOTINUS

NARSES

O Vorst, wat wil dit seggen ?


— 143 —

MAURITIUS

Getrouwe helden !...

NARSES

Vlucht, en wil niet wederseggen.

PHILIPPICUS

Wy bidden u, Mynheer, neemt uwen tyt togh waer.

MAURITIUS

O schandelyken noot !...

NARSES

Volgh gy den Keyser, naer 215 Photinus met de wacht, die wy daer buyten lieten.

7en Uytgangh

NARSES, PHILIPPICUS

NARSES

De stonden, weerde vrient, die ons nogh overschieten Syn cort : Waer heen gevlucht? ontdekt my uw besluyt.

PHILIPPICUS

Mauritius gesach, en heerschappy is uyt. Myn heer, ik wil voortaen geen wapens meer aentrecken 20 Maer heymelyk my in een eensaem slot vertrecken, Om daer myn eygen selfs den oorloogh aen te doen Tot myner schulden boet en 's Alderhoogstens soen. Dat opset heb ik langh in myn gemoet gedragen, Dogh voelde hoyt daer toe van al myn levens dagen


__ 144 —

225 Soo vurige begeert dan als ik heb gesien

Hoe eenen grooten vorst, van soo veel oorloogslien, Die onder syn soldy en hoogh vermogen stonden, Soo weynigh heeft getrouw aen synen dienst gevonden, O valsche werelt ! o bedriegelyken schyn !

230 Uw yd' le grootheyt sal niet meer myn oogwit syn, Myn ziele wil voortaen een meerder goet betrachten.

NARSES

'k volgh om daer by u myn nootlot af te wachten.

(Groot crygsgerucht.)

8en Uytgangh LEO, CONON, WACHTEN

LEO

O spyt ! Mauritius is desen noot ontgaen.

CONON

Heer Leo, trecken wy recht op de haven aen, 235 Ik heb een roeyschip klaer ; wy sullen hem vervolgen Al waer hy door den kolk der stroomen ingeswolgen.

(crygsgerucht)


— 145 —

VIERDE BEDRIJF 1e Uytgangh

RUFUS, ARCAS

RUFUS

Och ! arcas ! in Wat ramp vervalt dien grooten vorst ! Syn ongeluk benaut myn hert en sluyt myn borst Door angst en droefheyt. Soo hy t' scheepe was getreden Met syne Keyserin en kinderen, besteden 5 Wy onse sorgh en cracht, om hem met alle spoet, Te brengen uyt 't gevaer. Het weder enden vloet Geleeken ons besluyt eendrachtigh toe te stemmen Wanneer wy met een galm van jammerlyke stemmen Van 't land afstaken vol verslagehtheyt en schroom.

10 Men trekt het zeyl in top : de krabbelende stroom Door twintigh riemen,. van weersyden doorgesneden, Wykt voor de kiel, terwil de landen en de steden Van ons afschuyven met geboomten en geberght. Den schrik verslapte dan een weynigh : yder bergt

15 Syn voorraet, soo best can, voor 't storten van de baeren. Des vorstens onrust schynt allenxkens te bedaeren, Door d'hope van syn huys haest uyt den noot te sien. In dese stilte ryst een fel en onvoorsien Ontweder t' effens op. Een swerf van duystre wolcken

20 Beswalkt den dagh : den stroom der watervloen, in

[kolcken Verdeelt, weerstaet de drift der roeyers, en den vaert Der holle kiel ; den wint keert tegen ons en baert

10


— 146 —

Onstuymigh in 't gedruys der opgeheven watren : Terwyl het vreet gedreun der dondervlaegh, al schatren

25 Gehoor en hert ontschudt, het zeyl wort van de ree Geschuert en sliddert langs den mast tot in de zee. De riemen tegen een gebroken, 't roer van 't steven Gesmeten, laten 't jacht onstierbaer hene sweven En slingeren, ter gena van 't schuymend element.

30 Het scheepshol, door den vloet en storm half omgewendt Begint het bracke nat, al sincken, in te swelgen. Dan rysen jammeren, wanhopen, en verbelgen En treuren hemelwaert ; ons hert wort toegeklemt Door schrik en angst, het bloet trekt innewaerts en

[stremt

35 In d'adren der vorstin, die tusschen doot en leven In 's vorsten armen swymt : hy, sonder eens te beven Of t' harselen, verwacht kloekmoedigh het beschik Des hemels, twyl den wint, op eenen oogenblik 'T schip met een swaren golf doet rysen uyt de stroo[men

stroo[men

40 En stooten tegen 't strant. Dit wiert terstont vernomen Door Conon, die den vorst en 't vorstelyk gesin, Met syn verraedsen hoop onmvingh. De keyserin Door 't versch gevaer nogh in haer hert met schroom

[benepen Siet sigh met haeren heer en kroost ter slachtbank slepen

45 En van een minder noot naer meerder overgaen.

ARCAS

Ik ben als met de doot, om hunnent wil bevaen. O vrient ! wie sal 't geheym des hemels doorgrondeeren ? Een deugtsaem keyser van syn eygen volk en heeren Verlaten en verraen door synen ondersaet, 50 Terwyl een snooden wulp, een eereloosen wraet,

Bloetdorstigh, woest en wreet, wort op den troon

[verheven!


— 147. —

Wat reedlyk mensch can dit bemercken sonder beven ? 'k sagh dien geweldenaer in 't Hebdomum omvaen Door al de standen van het ryk, in synen waen

55 Verydelt, op 't gejuych der dwase borgeryen, Tot keyser, heer en vorst uytroopen en inwyen. Het raedshuys, Edeldom, gemeente en geestlykheyt Toeeygent een verraer den glans der Majesteyt, En ciert een vloek-romp, die den beul moest vierendeelen,

60 Met Constantinus kroon en edle ryk-juweelen. O tyt! o eeuwen ! o beklagelyk- geval ! Maer vrient, bedencken wy wat ons behoeden sal In desen ommekeer : ik heb voor my genomen Te veynsen om den haet des dwingelants t' ontcomen,

65 En mynen vorst, can 't syn, te dienen in den noot.

RUFUS

'k ben met u eens gesint : geen onheyl, geene doot Sal my den keyser en myn trouwplicht doen vergeten. Com, laet ons gaen ; ik ben begeerigh om te weten, Wat end Mauritius en syne stam verbeyt.

ARCAS

70 Ik volgh, eh blyv' met u tot alle ramp bereyt.

2en Uytgangh

PHOCAS, CONON, LEO

PHOCAS

Uw trou verplicht my, en uw diensten overstreven, O Conon, wat ik u can tot vergeldingh geven.


— 148 —

CONON

'K dien uyt genegentheyt, maer niet uyt eygenbaet, Heer keyser : sie my aen als uwen ondersaet, 75 En onderworpen slaef, die nimmer sal gedoogen, Al wat in 't minste can vercleenen uw vermogen.

LEO

Geheel de stat verheugt in uw verheven lot, O vorst ! Mauritius dient yder een tot spot ; 't moet u een ongemeen, en groot vernoegen wesen 80 Op een soo corten tyt soo hoogh te syn geresen.

PHOCAS

Gy mist, daer faet tot myn vernoegingh nogh veelmeer, Dan gy u duncken laet.

LEO

'k beken recht uyt, myn heer, Dat uwe meyningh my seer moeylyk is om vatten. In een besittinge van grootheyt, eer en schatten

85 Die uw voorsaten soo veel sorgen, sweet, en bloet En aerbeyt heeft gekost, wat is 't dat uw gemoet Misnoegt? wat can 'er nogh aen uw begeert ontbreken? Bemerk den luyster van uw vorstlykheden ; reken Hoe menigh rycken en lantschappen uwe kroon

90 Ten dienste staen ; weegt op 't gesach van eenen troon Aensienelyk by al de koningen der aerde ; Verbeelt u gheel den glans en ongemeene waerde Van 't keyserlyk gebiet, het gen in uwen schoot Vreedsamigh nedersakt, en sonder slagh of stoot

95 U jont op eenen dagh, al, wat na menigh jaeren Vorst Constantinus heeft door duysenden gevaeren Te nauwernoot versaemt ; gy vindt u in 't genot Van soo veel heerlykheyt, en goederen, als tot


— 149 —

Vernoegen van uw heert en wenschen can verstrecken, 100 Gy siet uw haters voor uw voeten nederstrecken, Mauritius met gheel syn huys in uwe macht. Syn syne kinderen, of hy, by u verdacht, Gebied, gy wort van hen en uwe vrees ontlagen.

PHOCAS

Geen keyserlyk gesach, geen kroon can my behagen 105 Soo langh Mauritius soo edelmoedigh blyft :

Syn ramp verheft hem ; syn groothertigheyt verdryft De schandvlek Aran syn val. Syn schreckige ongelucken Vermeerdren synen moedt in plaets van 't onderdrucken. Begeert gy, dat ik my verheuge, in syn ellend, 110 Maekt dat in hem niet sy dan synen naem bekent ; Dat hy uyt lastigheyt, en vreese voor syn leven Versoeke myn gena, al schudden ende beven. 'T is weynigh dat syn lyf is onder myn gewelt, 'K wens dat syn achtbaerheyt daer nevens sy gestelt : 115 Soo langh hy die behoudt, 'k verwensch al mynen zegen; Syn leven quelt my 't minst; syn eere steekt my tegen.

LEO

Denkt gy, heer keyser, hem te spaeren ?

PHOCAS

Ver van daer ;

Maer 'k wil dat syne doot syn grooten naem beswaer,

En yder hem, in 't end, van synen roem geweken, 120 Sie, niet als eenen vorst, maer als een slaef besweken

Syn doot alleen is my een al te cleyne wraek ;

Soo langh syn eernaem leeft, sy doet my geen vermaek.

Gheel myn begeiren is, dat eerst in hem begeven

Syn achtingh voor syn hert, syn glory voor syn leven ; 125 Op dat wie hem hier na soo schandigh siet verplet

Op syn cleynhertigheyt niet op myn aenslagh let,


— 150 —

En oordeel dat my 't lot dee tot den troon verkiesen Om dat hy weerdigh was den selven te verliesen.

CONON

Hoe wilt gy, mogendvorst, dat winnen op syn moedt !

PHOCAS

130 Het leven van syn vrou' en kind'ren is hem soet, En maekt het syne hem voor geenen noot verlegen, Misschien sal hun gevaer syn ziel daertoe bewegen. Daer valt my tot dien end iet dienstigh in 't gedacht. Segh Constantina, dat ik haer alleen verwacht

135 Om alle middelen tot eendracht t' overleggen.

3en Uytgangh PHOCAS, LEO

LEO

Mynheer, wat sal sy u, wat hebt gy haer te seggen ? Gy weet hoedanigh gy by haer in afkeer syt; Gy kent haer vinnigheyt, wilt gy aen haer verwyt En bitter schelden u vrywilligh uyt gaen setten?

PHOCAS

140 Geen schelden, Leo, geen verwyt sal my beletten ;

'K wil 't alles uytstaen tot vernoegingh van myn haet.

Hoe meerder ondult en misbaer sy blyken laet,

Hoe meer voldoeningh en genucht my sal bevallen.

Hoe 't uytvalt, 't moet altyt tot haer verdriet uytvallen, 145 'T sy dat zy toestemt, of hoogmoedigh wederstreeft.

Wie weet of haeren trots en fierheyt niet begeeft,


— 151 —

Wanneer sy van verdrach en vree sal hooren spreken ? Wie weet of hy dan self my niet sal comen smeken En kennen voor syn staetsgesel en ryxgenoot ? 150 Och ! cost ik hem daertoe eens brengen voor syn doot, Ick sou in eenen slagh een dubble wraek verwerven Hem siende synen roem en leven t' samen derven.

LEO

Hier comt Mauritius hoveerde gemalin.

4en Uytgangh

PHOCAS, CONSTANTINA, LEO, CONON, LYFWACHT

PHOCAS

Geef stoelen, lyftrouwant... Sit neder, Keyserin... 155 Gy hebt waerschynlyk met verwonderingh vernomen, Mevrou, dat ik met u tot t' samenspraek wou comen ; En dat ik, t'wyl gij mij uw meesten vyant acht, Naer vredehandelingh en uwe vrientschap tracht ;

Dogh 'k hoop, indien gy my vreedsamigh wilt aenhooren 160 Dat gy, uyt uw gemoet alle achterdocht sult stooren ; En 't gene nu, door my, schijnt tegen u gepleegt Ontschulden, als gy siet waer door ik wiert beweegt. Den eersten oirsprongh der beroerten, is geresen Uyt Priscus gierigheyt en hoogmoet lang bewesen 165 Maer al te laet geAveirt. Mevrou, 't was u verclaert Hoeweynigh ik myn rust en leven heb gespaert Om desen tweedracht in syn wortel te verpletten ; Gy weet hoe hoe vierigh ik my tegen hem durf setten En uyt den naem van 't heir vervordren syne staf. 170 Als dien Patricius my eenen kaeksmeet gaf


— 152 —

In 't aensien van den vorst, die scheen door dit gedoogen

Den veltheer toe te staen syn wetteloos vermoogen.

In dese storingh heb ik stadigh aengeleyt.

Ten dienste van den staet, en syne Majesteyt, 175 Om Priscus dwinglandy en hoogmoet te vermindren ;

En dus den oproer van het leger te verhindren, Dat tegen syn gesach eendrachtigh was gekant.

Wat myn verkiesingh raekt, ik moest die, overmant

En tegen mynen dank, gedogen, om de schaeren 180 Te houden in hun trou, in 't bysyn der Avaren,

Die voordeel sochten uijt ons onderlinge twist.

Indien er iet in dees uytvoeringh is gemist,

Mevrou, dit sy 't geval maer niet aen my geweten.

CONSTANTINA

'K bekenne dat gy u getrouwigh hebt gequeten,

185 In myn heer vaders dienst, en heb nogh in 't gedacht, Hoedaenigh gy van hem bemint waert en geacht. Maer, als ik van syn jonst en goetheyt u magh spreken Gy weet in uw gemoet hoe dese u syn gebleken. En hebt gy aen Tibeer uw trouwigheyt betoont

190 Hy heeft met overvloet daer tegen u beloont.

Dit heeft my t' allen tyt met sekerheyt doen gissen Dat gy bedencken soudt al uw verbintenissen ; En dat de dochter sou te beter syn gedient Om dat soo veel van u den vader had verdient.

195 'K beken het u rechtuyt, wanneer men d'eerste maeren Der wederspannigheyt in 't hof quam openbaeren lk heb met twyffelingh en moeyten nauw gelooft, Dat Phocas sou daervan geworden syn het hooft. Schoon of men, soo gy seght, u daertoe heeft gedwongen

200 Waerom soo onvoorsiens de keyser vest besprongen En raet en geestlykheyt genootsaekt door het swaert Tot 't gen, waertoe gy segt dat g' ongewilligh waert.


— 153 —

Moest gy, om dat hat het heir in syne trou sou blyven Uyt Constantinus wal uw heer en keyser dryven,

205 Syn trouwe dienaers self bedreygen met de doot, En jagen syne vrou en stam in sulk een noot? Waer in dit noodigh was en can ik niet beseffen , Dogh om geen klachten meer daer tegen te verheffen Laet al 't voorleden daer, en leght uw voorstel uyt.

210 Waer over vraegt gy my ? wat is 't dat gy besluyt Tot welstant van het ryk, tot ruste van de landen?

PHOCAS

Mevrou, dees alle bey syn in des keysers handen; Den oorloogh, of de vree, de stooringh of de rust Verbeyden synen last, en hangen van syn lust.

215 Hy heeft syn vryen wil geheel en ongeschonden :

Heb ik my tegen hem, soo 't schynt, iet onderwonden Dit is om beters wil en slechts uyt dwangh geschiet. Men kent geen overheyt, geen orden, nogh gebiet In oproer, oirsprongh van verwerringh en mistrouwen.

220 Den wederspannigen en is niet weer te houwen ; 'T gesach is uyt, hy volgt syn toornigheyt of baet. Hoe was 't my mogelyk te sorgen voor den staet En vorst, wanneer ik self als met gewelt gedreven En weghgesleypt, my moest aen muyters ovrergeven ? 25 Men roept my toe, men heet my wellecom, men wydt, Men hulst en kroont my, eer my vryigheyt en tydt Van spreken, wort gejont. Ik sie voor my gebogen Den raet en adel ; gheel de stat kent myn vermogen ; Sy sweeren my al t' saem, hun trou als uyt een mont,

230 Den keyser wort verjaegt al op den selven stont. In eenen ommekeer die gheel het ryk dee wagen Wat kon ik anders doen, dan dulden en verdragen? Dogh ik en vraegh, Mevrou, geen voordeel uyt myn macht Ik neem den welstant van het Ryk alleen in acht:


— 154 —

235 En om al wat u can verdacht syn af te breken

Ik vraegh u selve hier om van verdrach te spreken.

CONSTANTINA

Van wat verdrach ? Wie is den oirsprong van 't geschil ? Wie heft den twist begost ? Indien men eendracht wil, En tot de vreedsaemheyt rechtsinnigh sy genegen

240 Men sta d'oproerige muytmakers dapper tegen. Men suyvere de stat en 't hof van oorloogslien, Men schicke 't leger, om den vyant 't hooft te bien Men doe den keyser in syn roem en troon erstellen : Soo sal men hem in 't end sien naer versoeningh hellen,

245 Soo wort oneenigheyt en tweedracht bygeleyt. Wat meer believen sal aen syne Majesteyt, Is redelyk van hem eerbiedigh af te vragen. Dogh, Phocas, om dat u dit voorstel sou behagen Stilt wederspannigheyt, en legh de wapen af,

250 'K; verseker, op myn woort, u van den veltheerstaf ; Soo vindt gy 't wettelyk vermogen voor u open, 'T gen gy niet anders kont, dan tegen recht verhopen.

PHOCAS

Mevrou, myn keur en doet aen 't recht geen ongelyk ;

Men heeft dit nogh voor heen gesien in 't Roomsche Ryk : 255 De krooningh van een helt can geene wetten stooren

Als hy door kercke, volk en Adel is gekooren ;

Dit is een onderlingh, en wettelyk verbont.

'K bekenne dat my 't self, in d'aenvangh, tegenstont,

En had ik op dien tydt myn vryen wil behouwen, 260 Gy soude heden niet om myn verkiesingh rouwen.

Maer dit's te laet beclaegt, het werk is nu volbracht,

En 't weygeren en hangt voortaen niet van myn macht.

'T en staet my niet meer vry de kroone neer te leggen,

Gemeent en Raedshuys magh met recht daer tegen seg265 De staten syn aen my, ik aen de staten vast ; [gen ;


155

270 De kroon wort my een plicht te samen met een last. Dogh is Mauritius tot vrede soo genegen, Waerom misgunt hy my een deel van synen zegen ? Hy neme my met bey syn soons tot Ryxgenoot, Soo vindt hy nogh in my een steunsel in den noot :

275 Den last van 't keyserryk is swaer om 't onderschraghen; Vier helden vinden daer soo veel sy connen dragen. Indien dit voorstel niet aen synen wensch voldoet, Hy denk niet wat hy wilt, maer wat hy volgen moet ; Nogh 't leger nogh den Raet sal immer onderschryven

280 Dat Phocas heden sou uyt staets bestiering blyven, Het ryk heeft synen raet en deegen wel van doen. Daer siet gy 't eenigste besprek tot vrede en soen 'T gen ik Mauritius met eeren voor can leggen ; 'T hangt nu van synen wil of ja of neen te seggen.

285 Hy hope nimmermeer dat ik de kroon aflegh.

Sy baent tot eer en roem my al te schoonen wegh ; Een helt die immer wort tot haer genot verheven Verlaet het noyt, dan met den lesten snik van 't leven.

CONSTANTINA

Hoveerde dwingelant, vol loosheyt en verraet !

290 Is 't soo, dat gy den vorst syn vryen wille laet? Te weten 't is hem vry van weygren en verkiesen, Wanneer gy hem syn kroon en achtingh doet verliesen, Het leger en den staet van synen dienst affeydt, En.hem, soo schahdelyk, door stat gevangen leydt?

295 Maer spyt den wreeden last van uwe dwinglandyen Syn edelmoedigh hert sal noyt geen perssingh lyen, Syn vryen wil alleen trotseert al uw gewelt. 'T is vruchtloos gheel uw macht en list in 't werk gestelt ; Gy sult togh nimmermer syn ziel soo ver bewegen,

300 Dat hy uyt laffigheyt een schandigh werk sou plegen. Geen noot, geen rampspoet drukt rechtschapen hoog[moet

hoog[moet :


— 156 —

En denk niet, snooden, dat de dochter van Tibeer

Haer man on weerdige gevoelens sal instorten ;

Sy siet haer leven liefst dan haeren roem vercorten. 305 Trouloose ! myn gedult wort uwe boosheyt moe :

Legh af die kroon, dien staf, sy comt myn keyser toe.

En gy, afvallige, waer is uw trou gebleven ?

Sult gy vor een tiran uw Keyser tegenstreven ?

Verdient dit syne jonst ? gedoogt dat uwen eedt ? 310 Gaet, pesten van den staet en vorsten, uytgereet

Om eendracht, recht, en wet, en trouheyt te versmachten:

Gy moogt uw weerde straf op synen tydt verwachten.

5en Uytgangh

PHOCAS, LEO, CONON, LYFWACHT

PHOCAS

'T is veel te vroegh gedreygt : ik sal daer in voorsien, Verwaende, en maek het soo dat uwe trotsheyt dien,

315 Om u met meerder smaet en smerten te verdrucken.

Hebt gy myn wraeksucht doen in 't eerste deel mislucken Ik neem het tweede waer ; u naekt een ongeval Dat allen eeuwen, volk, en stam verbasen sal. Ga Leo, doet de soons in 's vaders bysyn dooden.

320 U, Conon, is de wacht van 't vinnigh wyf geboden

Sorgh dat haer geenen mensch in 't heymlyck spreek, of

[sie.


157

6en Uytgangh

PHOCAS (alleen)

Ik geev' met lust den toom aen myne rasernie : Geen opsicht sal myn haet in syn besluyt beletten, Ik moet Mauritius met gheel syn huys verpletten.

7en Uytgangh

MAURITIUS, TIBERIUS, PROBUS, VERUS, LEO, LYFWACHT, VOESTER, HAER SOONTIE

MAURITIUS

325 Rampsaligh teelsel van soo edelmoedigh bloet !

Uw ramp versmacht my 't hert, uw droevigh nootlot doet Het margh in myn gebeent, het bloet in d'aders styven. Nu sie ik d'hemelwraek door Phocas hant bedryven, 'T gen my voorseyt wiert door de letters van syn naem.

330 Myn Godt ! uw orden is my altyt aengenaem, Ik blive aen uwen last vrywilligh onderworpen. 'K sie niet de hant waer door myn huys wort omgewor[pen,

omgewor[pen, uwen eeuwgen wil die dese hant gebruykt. Terwyl my Phocas treft, myn rouwigh hert ontluykt

335 Myn oogh, om uw besluyt in syn bedryf te mercken : Wil my, genadegodt! in desen noot verstercken.


— 158 -

TIBERIUS

Myn vader ! mynen vorst ! waer gaen sy met ons heen ?

MAURITIUS

Waer 't Godt belieft, myn soon.

TIBERIUS

Wy syn met Godt tevreen. PROBUS Och ! och ! sy hebben ons de deegens afgenomen !

VOESTER

340 Onnoosle ! 't is nu ver met uw gesach gecomen!

LEO

Wat voor een kint is dit !

VOESTER

'T is 't jongste van de vier.

LEO

Dit is een valsche vrou.... Hael strax Justinus hier En neemt dit wicht met u, of 'k salt u doen berouwen.

MAURITIUS

Wat doet gy, Voester? Laet geheel den last van rouwen 345 En ongelucken, voor myn druckigh huys alleen. Die bystant is voor myn verlaten stam te cleen : Sult gy uw eygen soon voor mynen overgeven ?

VOESTER

O cost ik, vorst, met myn en al myn kinders leven Versekren uw geslacht, behoeden voor dien noot ! 350 Ik liep met lien al 't saem blymoedigh naer de doot.

MAURITIUS

Den hemel wil u voor soo trouwe liefde loonen !


- 159 —

LEO

Ik segh u, hael terstont den jongsten van de soonen.

LYFWACHT

Sa, wyf, ga voort.

MAURITIUS

Ga heen, brengh hier myn liefste kint.

VOESTER

Ey, laet my doen, myn heer !....

LYFWACHT

Al woorden in den wint 55 Ga voort... of...

VOESTER

Dreygt of stoot, gy sult niet op my winnen

LEO

Com, lyfwacht, trekt dat wyf strax met gewelt na binnen En keert niet voor sy u Justinus overgeeft.

VOESTER

Is't daerom dat den vorst u soo verheven heeft, Troulosen, om dat gy syn stamme soudt verdrucken !

LEO

60 Moet ik dat hatigh wyf dan self van hier weghrucken ?

LYFWACHT

Sa, niet te tieren, voort...

VOESTER

Barbaer, comt g' aen myn lyf ?...

MAURITIUS

Och ! Voester ! hael myn soon.

LYFWACHT

Dat 's een hartneckigh wyf.


— 160 —

MAURITIUS

Ga, Voester, wil niet meer den hemel wederstreven. Hy vraegt my gheel myn huys, ik wil 't hem overgeven.

VOESTER

365 Myn alderliefste vorst...

MAURITIUS

'K gebiede 't u : ga heen, Hael myn Justinus hier, weest met myn lot tevreen.

8en Uytgangh

MAURITIUS, TIBERIUS, PROBUS, VERUS, LEO,' LYFWACHT

TIBERIUS

Wat praemt de Voester om Justinus te versteken Hoogweerde vader ?

MAURITIUS

Och ! gy doet myn herte breken ! Tiberi ! mynen soon !

VERUS

Myn vader !

PROBUS

Mynen vorst ; 370 Och ! waerom soo bedroeft ?

MAURITIUS

Comt, druk u aen myn borst, Myn kindren ! Verus, com ! com, Probus ! valt te gader My om den hals !... omhelst uw jammerlyken vader.


— 161 —

TIBERIUS.

Heer Keyser ! moet ghy dan van ons gescheyden syn !

MAURITIUS

370 Myn soon !

TIBERIUS

Dit waer voor u en ons te groote pyn.

VERUS

Neen, myn heer vader, neen ; wy willen by u blyven.

PROBUS

'K sal my, door geen gewelt, oyt laten van u dryven.

MAURITIUS

'T behaegt den hemel niet, myn alderliefste kroost ! Myn soons ! myn eygen bloet ! ik hadde my getroost 375 In mynen ouderdom, uyt u veel edle neven

T' aenschouwen, in myn huys vol heerlykheyt verheven, Maer ach ! hoe vals heeft my die ydle hoop gevleijt.

TIBERIUS

O Vorst ! hoe pynigt my dees uw mistroostigheyt.

MAURITIUS

Veel meer benauwen my d' ellenden die u naken.

LEO

380 Hier comt het wyf... Mynheer, 't is tyt uw clacht te staken

9en Uytgangh

MAURITIUS, TIBERIUS, VERUS, PROBUS, JUSTINUS, LEO, VOESTER, LYFWACHT

MAURITIUS (aen Justinus)

O kint ! dat ik nogh eens u aen myn herte druk. Eer my dien noot van u, en uwe broers afruk !

11


— 162 —

Myn soon ! myn hertelief ! gy schuert myn boesem open ! Moet gy soo jongh, soo teer, voor vaders schult bekoopen ? 385 Onnoosel lam ! o wee ! o hopelose pyn !

'T is dan met u gedaen, rampsaligste Justyn !

VOESTER

Och, och ! wat mensche can dit onberoert aenhooren !

MAURITIUS

O soon ! syt gy daer toe uyt eenen vorst geboren !

KINDEREN

O wee ! o wee ! o wee !...

MAURITIUS

O Kinderen ! mocht ik 390 Myn vaders hert, voor u, op desen oogenblik,

Met ingewant en bloet en margh ten besten geven !

KINDEREN

O wee ! o wee ! o wee !...

MAURITIUS

Mocht ik u met myn leven Bevryden van dien noot !...

LEO

Myn heer, 't is meer dan tyt.

KINDEREN

O wee ! o wee ! o wee !

MAURITIUS

O doodelyken stryt !


— 163

VYFDE BEDRIJF

1en Uytgangh

CONSTANTINA, RUFUS

RUFUS

Gy praemt my, Keyserin, u een bedryf t'ontvouwen Dat m'y inwendigh comt door schroom en angst benau [Aven.

O woeste wreetheyt ! o omnenschelyke moort !

CONSTANTINA

Voldoet myn liefdens eysch : op dat de Moeder hoort 5 Het gen den Vader moest aenschouwen voor syn oogen.

RUFUS

Den wreeden Leo met een hert soo onbewogen, Als synen naem bediet, sagh 't keyserlyk geslacht In 't Neerhof, naulyx met den droeven vorst gebracht, Of geeft vier beulen last om 't vonnis uyt te voeren :

10 Sy vallen, elk syn proy, als wolven aen en snoeren De handen op den rugh. Den eersten grypt Tibeer By 't krolligh hair, en drukt hem plat ter aerden naer, Gelyk een weirloos lam ter slachtingh vast gebonden : Daer geeft hy, met de byl, hem in den nek dry wonden,

15 Die 't edelmoedigh hooft afscheyden van het lyf. Een ander leght de hant op Probus, die half styf En stram door schrik, aensagh syn broers vermoorde

[leden,


— 164 —

Terwyl den wreeden hem de strot heeft afgesneden En 't kloppend herte dee versmooren in syn bloet.

20 Een derden tyger springt naer Verus; als verwoet : Hy vat het trillend kint al bulderen, en tieren, En drukt den moortpriem ongenadigh door de spieren En adren van den hals, die achter over gaet, T' wyl met het purper zap de ziel het lyf verlaet.

25 Maer ach ! Justine ! hoe sal ik uw end beschryven ! 'T geclacht alleen daervan doet myne tong verstyven ; Myn hert gevoelt een wee, gelyk aen d'hoogste noot, Wanneer ik my verbeelde uw schroomelyke doot. Och Moeder ! Moeder och ! laet myne stem verstommen

30 Eer, door soo wreet verhael, uw hert wort toegeklommen. Dat bloedigh schouspel praemt myn ziel met eenen gruw En, eer ik 't u vertel, ik schrik alree vor u.

CONSTANTINA

Myn hert becomt syn wit als ik u hoor ontvouwen

'T gen myne levens krackt allenxkens doet verflauwen.

RUFUS

35 'K sagh dien onnooslen, in de klaeuwen van een gier Benepen, met een flauw en stammelend getier, Syn vader manen, tot beschermingh van syn leven ; Vergeefs : den wreden beul, door helsche nyt gedreven, Ontbloot de teere borst soo wit als elpebeen,

40 En spalckende met 't vliem de ribben dwers van een, Rukt met een woeste hant al schueren en al wroeten 'T hert uyt de borst, en werpt het voor den vaders voeten, Waer 't in syn stollend bloet en 't drabbigh slyk verstyft.

CONSTANTINA

O tyger ! O barbaer ! O bloethont !... Wat bedryft, 45 Wat seght den vader dit aensiende met met syn oogen ?

RUFUS

Mevrou, men sagh hem van 't beginsel ingetoogen


— 165 —

Door schroom, soo roerloos als een beelt van mariner staen Alleen syn oogen, door den rouw ontluystert, gaen Nu aerd nu hemelwaers : daer kan men 't herte kennen,

50 Daer telt men al de ween, die d'ingewanden schennen Des vaders ; daer in siet men al de rampen weer Der kinderen. Daer kapt men 't hooft weer aen Tibeer ; Daer snyt men Probus strot ; daer wort den hals doorsteken Des derden broeders, twyl den vader ombesweken

55 Al desen noot verduert, met een stantvasten moedt. Maer endelyk begint syn edel helden-bloet T' ontroeren, als hy siet Justinus borst doorsnyden: Syn aengesicht versterft ; de vraek en 't medelyden Versamen in syn hert, en deelen syne plicht.

60 De teerheyt overwint, en lydt geen tegenwicht ;

Syn moedigheyt geraekt aen 't wagglen en 't beswyken ; Hy yselt, schudt, en beeft, al syne crachten wyken. Ten lesten roept hy uyt het diepste van syn borst, Met een gebroken stem : ontfangt, o hemel vorst,

65 Al dit onschuldigh bloet tot soen van uwen tooren.

CONSTANTINA

Godtsvruchten helt ! wie can al dese ween aenhooren En niet betreuren ?.... 't hert der droeve moeder moet Versmooren, in een zee van soo veel kinder-bloet ! O alderliefste soons ! O keyserlyke vruchten !

70 Uw blyden opgangh comt op duysent ongenuchten En ween, en rampen uyt. Hebt gy tot sulk een end U van uw kints gebeent de grootheyt aengewendt Om een soo schandelyke en vreede doot te sterven ? Tiberi ! reeds bequaem om grootvaers ryken t' erven

75 En gy, o Probus? aen uw vader soo gelyk! Met Verus, yder een soo lief, soo minnelyk! En gy onnoosel lam ! Justinus ! jongste broeder ! Het leste en soetste pant van uw bedrukte moeder !


— 166 —

Had my den hemel nogh gejont in desen noot 80 Dat ik uw leden mocht versamlen naer uw doot,

Besproeyen met myn traen, omvangen in myn armen !

RUFUS

Myn weerde keyserin, ey staekt dit bitter karmen.

CONSTANTINA

Och Rufus ! ghebt gelyk : t'is nu geen kermens tyt. Wegh, kermen ! tranen, wegh ! maekt plaets voor telle

[spyt

85 Voor wraeksucht, rasemy, onduldigheyt en tooren.

'K heb niet te swichten ; man en kindren syn verlooren : Myn dulden is vergeefs ; den wreeden dwingelant Vernoegtsigh in myn leet. Brengt vier, ik wil den brant Met eygen handen in dees woeste wooningh steken. 90 Geen noot ontstelt my : 'k wil myn man en kinders

[wreken Begeert het nootlot, dat ik mede nederstort, Ik storte : 't is genoegh als ik gewroken wort.

RUFUS

Mevrou, gy weet wat last my Conon heeft gegeven.

CONSTANTINA

Hoe ! als ik 't myne waegh, vreest gy nogh voor uw leven?

RUFUS

95 Men wage 't niet vergeefs, mevrou, op dat de wraek Ons diene, niet tot spyt en druk, maer tot vermaek.

CONSTANTINA

Waer is de Voester ? sou ik haer niet connen spreken ?

RUFUS

Sy dacht sigh t' uwer troost en bystant te versteken, Maer wiert door Leos last geworpen in een kot.


167

CONSTANTINA

100 O pynelyken dwangh ! O ongenadigh lot !

RUFUS

Hier comt den dwingelant : 't is tyt dat wy vertrecken.

CONSTANTINA

Och! mocht ik mynen vorst nogh eens myn hert ontdecken!

2en Uytgangh

PHOCAS, LEO, CONON, LYFWACHT

PHOCAS

Gy hebt my, Leo, daer een trouwen dienst gedaen. Soo wil ik dat verwaent geslachte doen vergaen

105 En 't vorsten bloet voor 't bloet des onderdaens doen boeten. Daer con geen liever wraek myn toornigheyt versoeten Dan dese : hunnen trots wort endlyk onderdruckt, En is myn opset door syn lafheyt- niet gel ukt 'T lukt my door syn beroerte en onvrywilligh lyden.

110 Ik wil hem selve sien syn hoogste noot afstryden En my in syn ellende en hartseer gheel versaen : Behoudens dat hy klage en suchte, ik ben voldaen. Ga, lyfwacht, hael my dien hoogmoedigen gevangen.

3en Uytgangh

PHOCAS, LEO, CONON

CONON Tibery dochter sal al wat sy can aenvangen


— 168 —

115 Om uwe Majesteyt te werpen uyt den troon. Sy steunt op Cosroes en haeren oudsten soon Die tegen u een heir in Asien oprucken.

PHOCAS

Ik sorgh in tyts, om dit besluyt te doen mislucken ; Niceyens lantvoogt sal daer op myn last ontfaen. 120 En soo dat schendigh wyf iet vorder derft bestaen,

'K sal haer, eer sy my deirt, doen endlyk neder maken

LEO

Groottnogend vorst, ik sie Mauritius genaken.

4en Uytgangh

MAURITIUS, PHOCAS, LEO, CONON, LYFWACHT

MAURITIUS

Wat vraegt gy, Phocas ? wat gebiet gy ? is myn doot Beslooten, of bereyt gy my een wreeder stoot,

125 Om 't vaderlyk gemoet tot ongedult te brengen ?

G' hebt macht, beveelt ; ik wil uw wreeden lastgehengen. Gy kont, naer uwen lust nu schenden, moorden, woen, Gy kont my alle leet en smert, en smaet aendoen, En 't past my alles wat gy opleght te gedogen.

130 Gy hebt in uw gewelt hetkeyserlyk vermogen ; Het heir, geheel den raet, gehoorsaemt uw gebodt : Gy hebt in handen, met uw onderdaenens lot, 'T lot van Mauritius ; hy can u niet ontwyken. Den Heer der heeren die all' aerdsche koninkryken,

135 Naer syn oneyndige voorsienigheyt erstelt,


— 169 —

'T vernederde verheft, 't verheven nedervelt, En in syn hant draëgtal de Mogentheen der aerde, Liet toe dat ik, vol smaet, uyt myn voorsatens waerde En Rykstoel wiert geschopt, en gy daer in geset.

140 Het voegt my synen wil t'ontfangen als een wet En al uw dwinglandy en wreetheyt te verdragen Om, voor u wykende, te volgen syn behagen. Daer siet gy myn besluyt. Verwacht niet dat ik laf, Of ongoduldigh, kreune, en klage van de straf,

145 Die hy, door uw bedryf, myn huys wil oversenden. Gy strekt tot geessel aen Godts liant, om my te schenden; Ik eer syn deerenis in uwe onmenschlykheyt, En syn rechtveerd'gen wil in uw onrechtigkheyt.

PHOCAS

En ik verheuge my in syn gerechtigheden 150 Om eenen vorst te syn, en om u te vertreden :

Nu ik Godts geessel ben, ik pas op syn besluyt, 'T gen hy rechtveerdigh wil, voer ik rechtveerdigh uyt.

Men heeft my wettelyk op eenen troon verheven Waeruyt gy door den staet syt wettelyk gedreven ; 155 En als de wet u doet voor my te rechte staen

'K sie u niet meer als vorst, maer als misdadigh aen.

Gy wort voor mynen stoel van moordery betegen ;

Nadien ik Rechter ben, het past my recht te plegen ;

Soo siet men, in de straf die gy hier onderstaet 160 D' uytwerckingh van 't gerecht, en niet van mynen haet.

Indien u swaere ween en smerten syn te dragen, Gy hebt dies over u, niet over my, te klagen ;

'T is 't bloet van uw gemeent, 't is 't overtreden Recht

Dat wraek ten hemel roept, en u die straf opleght. 165 Dogh nu my 't Recht gebiet uw vonnis voorts te dryven En denk niet dat myn haut hierin te cort sal blyven ;

Het oordeel is gevelt, de straffen syn bereyt,

Verwacht de volle maet van d' hoogste strengigheyt.


— 170 -

MAURITIUS

Ik ben daer toe gereet, en can van nu af seggen

170 Hoe menschlyk Phocas is om straffen op te leggen : Ik heb alree gevoelt 't gewicht van syne hant. 'K verbey ook anders niet van eenen dwingelant Die met gewelt en list, in mynen troon gedrongen, Tot syn verkentenis heeft kerk en raet gedwongen.

175 Soo eygent Phocas sigh vorst Constantinus macht ; Soo trapt hy met den voet het vorstetyk geslacht, En naer hy op den troon door oproer is gestegen, Hy acht het wettelyk, en roemt op 's Hoogsten zegen. O schendigh lasterstuk ! O gromvelyke daet !

180 Wort dan een keysers keur gewettigt door verraet ? En was er oyt een volk dat spreken durf van wetten Om synen eygen vorst en keyser af te setten? Gemente en keyser syn in onderlingen echt, 'T gemeent is onderdaen, den keyser heer van 't recht :

185 Mibruykt hy syne macht, 't misbruyk is tegen reden Maer daerom magh 't gemeent den keijser niet vertreden. Hy sy een dwingelant en goet slechts in den schyn, 'T gement moet niet te min hem onderworpen syn En is hem schuldigh dienst, eerbiet, en trou te gader

190 Gelyk de kindren syn aen hunnen echten vader. 'K beken, ik heb gefaelt uyt onvoorsichtigheyt En menigh onderdaen naer syne doot geleyt : Myn misslagh is te groot, ik can niet tegenspreken, Sy heeft in 't openbaer voor gheel het Ryk gebleken ;

195 Maer, heb ik straf verdient, van wie verwacht ik die ? Is 't van myn leger, raet of borgery ? door wie ? Door Phocas ? uyt wiens macht, bevelen, of vermogen! De werelt-vorsten syn alleen voor Godt gebogen, Hun troon verkent geen troon dan synen ; syn gebiet

200 Is boven myn gesach ; al 't ander ken ik niet.


— 171 —

PHOCAS

Gy suit noghtans 't gesach van Phocas moeten kennen

MAURITIUS

Schoon gy, naer uw begeert my moorden kont en

[schennen, Schoon gy myn leven, stamme en kroon hebt in uw hant, 'K ben altyt uwen heer, gy mynen dwingelant : 205 En doet gy door gewelt myn lichaem nederbuygen, Noyt sal u myne ziel de minste plicht betuygen ; 'K blyv altyt die ik ben, spyt d'alderhoogste noot, 'K blyv altyt uwen vorst in leven en in doot.

PHOCAS

'K weet rniddel om dien trots en hoogmoet te verdrucken 210 Die u allenlyk dient tot meerder ongelucken.

Trouwanten, haelt my hier de dochter van Tibeer.

MAURITIUS (stil)

Myn Godt ! stort over my gheel uwen bystant neer ! Myn zielens rouw en wee en syn niet af te meten

PHOCAS

Gy, laedt Mauritius met desen ysren keten. 215 Rukt hem 't merkteken af van 't vorstelyk gebiet, Op dat hem in dien smaet syn Constantina siet.

5en Uytgangh

MAURITIUS, PHOCAS, CONSTANTINA, LEO CONON, LYFWACHT

CONSTANTINA

Rechtveerden hemel ! och ! wat sie ik voor myn oogen ? Mauritius ! moet gy dit voor uw doot gedogen !


— 172 — Myn Keyser ! mynen heer ! met ketenen gelaen !

MAURITIUS

220 Mevrou, laet u niet een onweerdigh woort ontgaen : In alle swarigheyt die ons can overvallen, Is ongeduldigheyt het meeste quaet van allen.

PHOCAS

Sien wy of u dit quaet niet haest bevangen sal.

CONSTANTINA

O schendigen verraer ! die in ons ongeval, 225 En rampspoet u verheugt, en daer toe schynt verheven Om aen ons hert en huys den lesten steek te geven, Nu toont gy wie gy syt, nu kent men uwen aert. Uw slaefsche wreetheyt, haet, en bloetdorst openbaert Sigh aen de werelt, met al uwe ondankbaerheden. 230 Troulose ! erkent gy soo al de goetjonstigheden Die u Tiberius soo milt bewesen heeft ! Verdiende vader dat gy met syn dochter leeft Soo wreet, soo eerloos, soo omnenschelyk ? verdiende Myn goetheyt, dat gy my met sulk een ontrou diende, 235 Myn bloet, myn stam en troon vertrapte met den voet ? O hatigh monster, tot verwoetheyt uytgebroet ! O schroom ! o laster, van voorgaende en nakende euwen.

PHOCAS

Mevrou, 'k vernoege my in u te hooren schreeuwen. Trouwanten, slaet dat wyf de boey aen yder hant.

CONSTANTINA

240 Meyneedige ! derft gy my aendoen dese schand?

Hebt gy tot sulk een feyt soo langh myn jonst beseten? Hebt gy met uwven vorst ook uw vorstin vergeten ? Comt, trouweloose ! comt weerspannige! siet daer, Uw wettelyken heer, by een geweldenaer.

245 Hier staet Mauritius, daer Phocas : hier een vader


— 173 —

Des vaderlants ; daer een oproerder, en verrader. Hier eenen vorst die eyscht, daer een tiran die dreygt. Is 't mooglyk dat uw hert nogh naer den lesten neygt En dat gy, om syn haet en wreetheyt te behagen, 250 Uw heer en keyser doet de boey en ketens dragen.

PHOCAS

Hier, lyfwacht, voegt daer by nogh dese kroon van look !

MAURITIUS

Soo eyndigt's werelts roem en pracht in stank en rook,

PHOCAS

Vereert hem met gejuych en maetklank van trompetten.

Uytbauwingh en geschal

CONSTANTINA (stil)

O spit ! o smaet ! hoe comt gy minen moedt verpletten!

MAURITIUS

255 Mevrou, vergeet u niet in sulk een ongeval ; Bekouden wy den moedt, wy overwinnen 't al : Geen Phocas, geenen noot can onsen roem verdrucken. En gy verleyder ! die nu met myn ongelucken Den schim houdt, en uw hert met mynen smaet voldoet

260 Twyl ik dit alles ly tot myner misslags boet,

Gedenkt wat straffen u nadesen staen te lyden. Een schroomelyken ramp hangt met verloop van tyden, U over 't hooft : hy leeft, hy comt, hy is naer by, Die wrekeh sal op u al wat gy pleegt op my.

PHOCAS

265 Hoogmoedigen ! derft gy my dreygen in de banden ? Weergadeloose spyt ! uw lot is in myn handen, En gy trotseert my ? O onlydelyke smaet !... 'K wil dat Bysanssens vest, dat Keyserryk en staet Van myn rechtveerde wraek en uw verwaentheyt wa[gen.

wa[gen.


— 174 —

270 Hier priemen, vliemen hier! hier pynen, smerten, plagen. Quetsueren ? 'K wi myn haet voldoen met mynenspijt. Syn hoogmoet, synen trots belet niet dat hy lydt, Dat hy d'uytwerckingh voel van myn getergden tooren.

CONSTANTINA

Bloetdorstige ! al uw woen en wraeksucht is verlooren.

275 Gy cont Mauritius doen lyden allen leet,

Gewelt, en ramp : gy kont wat schandigh is, en wreet Versamen om syn roem en leven t' onderdrucken, Maer uwen aenslagh sal u nimmermeer gelucken. Spyt al de wreetheyt die gy t' syner noot bereyt,

280 Sal syn godtvruchten naem en edelmoedigheyt, Door allen eeuwen syn vercondigt en gepresen Terwyl gy sult verwenscht, vervloekt, gelastert wesen Om uw onmenschlykheyt, rechtschennis, en verraet.

PHOCAS

Sleypt wegh dat monster ; spoeyt; doorboort dien onverlaet

285 En doet syn snooden kop op eene spiesse planten.

MAURITIUS

O Constantina !...

CONSTANTINA:

O Mauritius !...

6en Uytgangh

MAURITIUS, PHOCAS, LEO, CONON, LYFWACHT

PHOCAS

Trouwanten, Geen uytstel meer ; voldoet myn wraeksucht en gerecht.

MAURITIUS

Gy syt rechtveerdigh, Heer, en oordeelt altyt rechts TOT MEERDER EERE GODTS


Thierry GHERBODE

SECRÉTAIRE et CONSEILLER

DES

DUCS DE BOURGOGNE et COMTES DE FLANDRE PHILIPPE LE HARDI et JEAN SANS PEUR

ET

PREMIER GARDE DES CHARTES DE FLANDRE

13 -1421

ÉTUDE BIOGRAPHIQUE

PAR

Félix de COUSSEMAKER

Docteur en Droit, Archiviste-Paléographe.



INTRODUCTION

La cour des ducs de Bourgogne, sous les règnes de Philippe le Hardi, Jean sans Peur, et Philippe le Bon, offrait le spectacle d'une cour vraiment royale.

Rien n'est plus, fastueux que les fêtes, les tournois de chevalerie, qui s'y passent alors ; les officiers du duc sont aussi nombreux que ceux du roi de France, et, chaque année, le duc leur distribue des gratifications en espèces, et des dons en nature. Les comptes de cette époque, conservés à peu près intégralement aux archives du Nord et de la Côte d'Or, nous fournissent sur ce point les renseignements les plus curieux. Le duc est entouré de serviteurs fidèles à sa personne, complètement dévoués à sa cause, et il les emploie aux missions les plus délicates. Il y aurait des monographies intéressantes à écrire sur Jean Canard (1), Jean de Thoisy, qui furent successivement chanceliers, sur Jean de la Keythulle, Henri Goethaels, et tant d'autres, qui furent mêlés à la plupart des affaires de leur temps.

Le personnage dont nous allons tenter une esquise biographique, pour être moins important que ceux que nous venons de nommer, occupa néanmoins une place fort honorable parmi les agents secondaires du duc. Nous

(1) Ce personnage vient de faire l'objet d'une monographie très complète qui a valu à son auteur, M. Edouard Giard le diplôme d'archiviste paléographe. Elle a pour titre « Jean Canard, avocat du Roi au Parlement, chancelier de Bourgogne et évêque d'Arras, 13.-1407. » Le sommaire de ce travail a paru dans les Positions des thèses de l'Ecole des Chartes pour 1902, pp. 23-28.

12


— 178 —

le voyons s'élever peu à peu et parvenir grâce a ses qualités et à son intelligence, au poste de conseiller et de maître des Comptes.

Thierry Gherbode est assurément une figure remarquable de cette époque. M. Finot, archiviste du Nord, a bien voulu nous le signaler comme le sujet d'une étude intéressante, et nous a guidé avec la plus grande obligeance dans les recherches que nous avons faites dans le dépôt des archives départementales du Nord (1).

Nous y avons consulté la série B, et spécialement dans cette série tout ce qui a rapport aux négociations entre la Flandre et l'Angleterre, à cette époque. La série E du même dépôt nous a fait connaître également quelques documents plus récents, d'un caractère généalogique, et qui se rapportent aux membres de la famille Gherbode, vivant aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Nous avons complété nos recherches par la visite des archives communales d'Ypres et de Werwicq (2), où nous avons puisé; surtout dans les premières, des renseignements sur les ancêtres et la famille de Thierry Gherbode. Les secondes ne nous ont donné que des détails sans importance sur ses descendants aux derniers siècles.

(1) On y procède actuellement à une refonte de l'inventaire des archives de la Chambre des Comptes de Lille (Série B), et le tome I refondu vient de paraître. C'est ce qui explique dans le cours de notre étude la présence de certaines indications qui ne sont pas en correspondance avec celles du tome I ancien.

M. Finot a poussé l'obligeance, ce dont nous lui sommes profondément reconnaissant, jusqu'à nous communiquer, pendant l'impression, les feuilles du nouvel inventaire.

(2) A Ypres, M. Arthur Merghelynck a bien voulu nous communiquer les nombreux renseignements qu'il possède sur les membres de la famille Gherbode à Ypres aux XIIIe et XIVe siècles et à

Werwicq, M. Blieck a confirmé sur quelques points le résultat de nos recherches. Nous prions ces deux érudits de recevoir ici l'expression de nos remercîments.


— 179 —

Les archives communales de Bruges nous ont fourni quelques renseignements suivies relations de Thierry Gherbode avec cette ville, surtout au moment des négociations avec l'Angleterre. Nous avons visité personnellement le dépôt, et avons été, à cette occasion, en relations avec M. Gilliodts-van Severen, mais, pour les renvois, nous nous sommes uniquement servi de son Inventaire des Archives de la Ville de Bruges.

Dans cette même ville, M. le chanoine De Schrevel, secrétaire de l'Evêché, a bien voulu faire pour nous des recherches aux archives épiscopales. On sait que l'Evêché de Bruges a succédé à la Collégiale de Saint-Donatien, et est devenu l'héritier de ses archives. Nous espérions y trouver des détails curieux, surtout sur la vie privée de Thierry Gherbode, mais notre espoir a été déçu, et nous n'y avons rencontré que son acte de nomination à une prébende de Saint-Donatien.

Les archives générales du royaume de Belgique ne nous eut fourni aucun renseignement, et à la Bibliothèque royale, nous avons pu consulter seulement, dans les portefeuilles Goethaels, quelques données généalogiques sur la famille de notre personnage.

Nous avons été plus heureux aux archives de la Côte d'Or (série B) où nous avons relevé, dans les comptes de l'époque, de nombreuses et intéressantes mentions de notre personnage. Bien que formée d'extraits des Archives départementales de Dijon, la Collection de Bourgogne, à la Bibliothèque nationale, nous a fourni néanmoins quelques détails que nous n'avons pas retrouvés a Dijon, et à la Bibliothèque nationale également, les Collections Moreau et de Flandre nous ont procuré quelques renseignements.


— 180 —

Malheureusement, nos recherches aux Archives Nationales de Paris ont été complètement infructueuses.

Il nous reste à mentionner en dernière ligne les deux fragments de généalogie de la famille Gherbode, que nous avons consultés aux bibliothèques de Lille et de Douai. Datant du XVIIIe siècle, paraissant procéder tous les deux d'une source commune, n'offrant que des détails très douteux sur les origines de la famille, ces deux fragments ne nous ont semblé vraiment utiles à consulter que pour certaines branches de la famille Gherbode, et encore seulement pour les XVIIe et XVIIIe siècles.

Avant de donner la bibliographie de notre sujet, il nous reste à en indiquer la division. Nous l'avons partagé en trois parties : la première comprendra l'examen des origines de la famille Gherbode, les quelques détails que nous avons recueillis sur la vie privée de notre personnage, et enfin nous y examinerons ce que deviennent ses descendants dans la suite des temps. Dans nos deux autres parties, nous nous attacherons surtout à sa vie publique; nous le verrons au service du duc de Bourgogne, en qualité de secrétaire d'abord, de garde des Chartes de Flandre ensuite.

Nous verrons aussi les diverses missions qui lui furent confiées par les ducs, et nous examinerons les longues négociations auxquelles il fut si activement mêlé, pour arriver à la conclusion, entre la Flandre et l'Angleterre, de trèves protégeant la liberté du commerce sur terre et sur mer entre les deux pays.


— 181

BIBLIOGRAPHIE

ANNALES du comité flamand de France, 1850... (En

cours de publication) Dunkerque, in-8°, tome XIII. BARANTE (de) : Histoire des ducs de Bourgogne (avec les

remarques du baron de Reiffenberg). Bruxelles,

1835-1836, 10 volumes in-8°. BIBLIOTHÈQUE de l'Ecole des Chartes, 1839... (En cours

de publication). Paris, in-8°, tomes LIX et LX. BIOGRAPHIE des hommes remarquables de la Flandre

Occidentale. Bruges, 1845, in-8°.

BIOGRAPHIE NATIONALE publiée par l'académie royale de Belgique. (En cours de publication). Bruxelles, 1880.. in-8°.

CATALOGUE GÉNÉRAL des manuscrits des bibliothèques des départements. Paris, 1872, in-8°, tome IV.

CHAMPOLLION : Mélanges historiques. (Collection des documents inédits). Paris, 1843, in-4°.

CHRONIQUES relatives à l'histoire de Belgique sous la domination des ducs de Bourgogne : le livre des trahisons. (Édition Kerwyn de Lettenhove). (Collection des chroniques belges). Bruxelles, 1873, in-4°,

COVILLE (A.) : Les Cabochiens et l'Ordonnance de 1413. Paris, 1888, in-8°.


- 182 —

DELEPIERRE (0.) : Précis analytique des documents que

renferme le dépôt des Archives de la Flandre Occidentale, 2me série (Comptes du Franc), 2 tomes en

1 volume. Bruges, 1843, in-8°. DEMAY (G.) : Inventaire des sceaux de la Flandre. Paris

1873, 2 volumes in-4°. DEVILLERS (L.) : Cartulaire des comtes de Hainaut, de

1337 à 1436 (Collection des chroniques belges).

Bruxelles, 1881-96, 6 tomes en 7 volumes in-4°. DICTIONARY OF NATIONAL BIOGRAPHY edited by Stephen.

London, 1885... (En cours de publication), in-8°. DUCHET et GIRY : Cartulaire de l'église de Thérouanne

(Société des Antiquaires de la Morinie). Saint-Omer,

1881, in-4°. DUFFUS HARDY (Thomas) : Syllabus of the documents...

continued in the collection known as « Rymer's

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PREMIERE PARTIE

Thierry GHERBODE

ET SA FAMILLE

CHAPITRE I

ORIGINES DE LA FAMILLE GHERBODE

Le chanoine Carton, dans un article biographique (1) consacré à Thierry Gherbode, nous dit que ce personnage « était le petit-fils d'Eloi Gherbode, échevin d'Ypres, de 1271 à 1300 (2), et qu'il était issu de la très noble maison de Gherbode... dont un des membres fit, en 1001, une donation à l'abbaye de Saint-Pierre... Un autre accompagna, en 1066, Guillaume de Normandie, à la conquête de l'Angleterre, où il obtint, après la défaite d'Harold, le comté de Chester. »

(1) Biographie des hommes remarquables de la Flandre Occidentale, t. I, pages 156 et suivantes.

(2) Même allégation dans la Biographie nationale, t. VII, col. 712.


— 186 —

Le dictionnaire de la noblesse de La Chenaye-Desbois nous mentionne également dans son article sur la famille Gherbode, à la date de 940, un Gherbode, avoué de l'abbaye de Saint-Bertin, à Saint-Omer. Ce nom se retrouve parmi les avoués de cette abbaye, en 975, 993, 1012, 1045, 1056, 1087, 1114 et 1147, où l'on voit cité, à cette date, Arnould de Gherbode, qui paraît comme témoin dans un acte de confirmation des possessions et privilèges de l'abbaye. Les références citées par l'auteur du dictionnaire de la noblesse sont une sentence du 15 novembre 1583 en faveur de François de Gherbode, écuyer, rendue par les commissaires du Roi, établis en Artois pour le droit de franc fief et de nouvel acquêt (1).

Nous avons cherché à vérifier ces origines, et nous avons rencontré à des dates éloignées des mentions assez nombreuses de personnages portant le nom de Gerbodo. La plupart furent en relations avec l'abbaye de SaintBertin; d'autres se retrouvent dans divers documents. Ainsi, en suivant l'ordre chronologique, nous avons en 975 un Gerbodo témoin de la donation de la comtesse Richilde à l'abbaye de Saint-Bertin (2) de sa terre d'Herbelles (3). De même, en 994 (?) nous trouvons un personnage de ce nom témoin d'une confirmation par un abbé de. Saint-Bertin d'une donation du domaine de Fléchinelle (4), donation qui a été faite à titre viager par les abbés précédents (5).

(1) La Chenaye-Desbois : Dictionnaire de la noblesse, t. 9, colonnes 196 197 et 198, 3e édition.

(2) Haignere : Les chartes de Saint-Bertin (Société des Antiquaires de la Morinie), t.1, p. 64.

(3) Herbelles, Département du Pas-de-Calais, arrondissement de Saint-Omer, canton d'Aire-sur-la-Lys.

(4) Fléchinelle, département du Pas-de-Calais, arrondissement de Saint-Omer, canton de Fauquemberghes, commune d'Enquin.

(5) Haigneré, opus citatum, p. 66.


— 187 —

Wauters (1) nous cite, d'après un fragment publié par Van de Putte (Annales abbalioe sancti Petri Blandinensis, pièce 116) une donation portant la date des 29-30 mars 1001, faite à ce monastère par un certain Gerhodo, de huit bonniers de terre sis à Lathim (Paulatem) (2) et de serfs. C'est à cette donation que faisait allusion M. Carton dans son article rappelé plus haut. En 1042 (1er mars) un Gerbodo, moine de SaintBertin, contresigne comme témoin l'échange entre l'abbé de Saint-Bertin et le prévot Baudouin de quelques parcelles de terres nécessaires pour l'établissement d'une chapelle (3).

En 1054, Gerbodo et se femme Ada donnent à Dieu, a saint Pierre et à saint Bertin, un alleu consistant dans le tiers « totius villoe Ostraseld » à la condition de faire distribuer aux religieux, le jour de leur anniversaire, un surcroît de pitance (4 et 5).

En 1060-69 une dame du nom Geva et son neveu Gerbodo constituent l'une de leurs serves Hermengarde et sa fille tributaires de l'abbaye de Saint-Pierre au mont Blandin (6).

Vers 1063 un Gerbodo junior attaque la donation faite par son père et son aïeul à l'abbaye de Saint-Bertin (7).

(1) Wauters : Table chronologique des chartes et diplômes imprimés concernant l'histoire de la Belgique, t. I, p. 440.

(2) Paulathem, Belgique, Flandre orientale, arrondissement d'Audenarde, canton d'Hoorebeke Sainte-Marie.

(3) Haigneré ; op. cit, t. 1, p. 72.

(4) Ostraseld pour Oosterzeele , Belgique, Flandreorientale, arrondissement de Gand, chef-lieu de canton.

(5) Haigneré : t. I, p, 75. Wauters : op: cit., t. I, p. 560, cite cette pièce d'après Guerard : Cartulaire de l'abbaye de SaintBertin et la date d'environ 1084.

(6) Wauters : op. eit., t. VII, p. 149, d'après Van Lokeren : Chartes et documents de l'abbaye de Saint-Pierre, à Gand, t. I, p. 97.

(7) Haigneré : op. cit., t.I, p. 80.


— 188 —

La même année, nous trouvons le consentement de Bovo (1), abbé de Saint-Bertin, à ce que Arnulph, frère de Gerbodo, jouisse, sa vie durant, du bien d'Ostraselt que ce dernier avait donné à l'abbaye (2).

Jacques Meyer nous rapporte que ce fut un chevalier du nom de Gerbodo qui, en 1071, assassina le comte Arnoul luttant contre Robert le Frison, son oncle paternel, pour la possession du comté de Flandre, et qui venait d'être vaincu à la bataille de Cassel. Il ajoute que, touché de repentir l'assassin obtint son pardon à Rome, et alla finir ses jours au monastère de Gluny (3).

L'abbé de Saint-Bertin Jean (4) réclame, en 1087 aux deux frères Gerbodo et Arnulph l'alleu que l'abbaye possédait à Osterzeele (5) et nous voyons en 1096 les deux mêmes personnages vendre à l'abbé Lambert (6) pour 14 marcs d'argent l'alleu qu'ils possèdent à Roquetoire (7 et 8).

Ce n'est pas seulement comme avoués de l'abbaye de Saint-Bertin que nous trouvons des personnages du nom de Gerbodo ; nous en rencontrons encore dans divers documents relatifs à des abbayes ou à des églises du comté

(1) Bovo : 37me abbé de Saint-Bertin, gouverna ce monastère de 1043 à 1067, date de sa mort.

(2) Haigneré : op. cit., t. I, p. 80.

(3) J. Meyer : Annales rerum flandricarum, p. 28.

« Tradit Gilbertus in rebus Hanoniae Arnulphum comitem dum » ab equo deturbaretur ab Gerbodone quodam, suo ipsius milite » fuisse jugulatum; Gerbodonem postea, gravi ductum penitentia, » Romanum consuluisse pontificem, ab illo missum ad monaste» rium Cligniacense, ibique dum viveret magnam egisse poeni» tentiam. »

(4) Jean, 39me abbé de Saint-Bertin, régna de 1081 à 1095.

(5) Haigneré : op. cit. p. 85.

(6) Lambert, 40me abbé de Saint-Bertin, régna de 1095 à 1125.

(7) Roquetoire, Pas-de-Calais, arrondissement de Saint-Omer, canton d'Aire-sur-la-Lys.

(8) Haigneré: op. cit. p. 96.


de Flandre. Ainsi, nous avons la mention d'un Gerbodo de Schelde qui, en 1184 donne à l'abbaye d'Eenaeme (1) des terres situées à Hoorebeke-Sainte-Marie (2 et 3).

Le chanoine Van Drival nous cite, à la daté de 1091 , un cellérier de l'abbaye de Saint-Vaast d'Arras du nom de Gerbodo (4). En 1138, nous trouvons la mention d'une donation faite par Milon (5), évêque de Térouanne, à un chantre du nom de Gerbodo, pour lui et ses successeurs des autels d'Hervedinghem (6) et de Hermelinghem (7 et 8). Quelques années plus tard, en 1147, nous voyons un Gerbodo Canonicus Atrebatensis figurer comme témoin dans l'acte par lequel Robert de Verquigneul (9) obtient du prieur de Saint-Bertin l'autorisation de faire célébrer la messe à Verquigneul (10).

A la fin du XIIe siècle, se. trouvait à la tête du monastère de Saint-Vulmer de Boulogne un abbé du nom de Gerbodo, XIe abbé du monastère, qui obtint en 1193 du pape Célestin III une confirmation des privilèges de son abbaye, qu'on rencontre comme témoin dans une charte de la comtesse Ida en faveur de Saint-Bertin. En 1199,

(1) Eenaeme, Belgique, Flandre orientale, arrondissement et canton d'Audenarde.

(2) Hoorebeke Sainte-Marie, Belgique, Flandre orientale cheflieu de canton, arrondissement d'Audenarde.

(3) Piot : Cartulaire de l'abbaye d'Eenaeme p. 64.

(4) Van Drival : Nécrologe de l'abbaye Saint Vaast d'Arras, p. 47.

(5) Milon, 31e Evêque de Térouanne de 1131 à 1158.

(6) Hervedinghem (Hervelinghem) Pas-de-Calais, arrondissement de Boulogne-sur-Mer, canton de Marquise.

(7) Hermelinghem Pas-de-Calais, arrondissement de Boulogne, sur Mer, canton de Guînes.

(8) Duchet et Giry : Cartulaire de l'église de Terouanne, page 17, pièce 9.

(9) Verquigneul, Pas-de-Calais, arrondissement et canton de Béthune.

(10) Haigneré: opus citat.


— 190

il vendit, avec l'approbation de Lambert (1), évêque de Térouanne, quelques biens au monastère de Clairmarais, et, cette année, il obtint du pape Innocent III une nouvelle confirmation des privilèges et possessions de l'abbaye qui fut mise sous la protection du Saint-Siège (2). On le trouve encore cité en 1210, et on a en 1214 la mention de l'abbé qui fut son successeur (3).

On possède à la bibliothèque d'Arras un évangéliaire du XIIIe siècle, contenant des mentions de donations faites à l'église cathédrale, et on y trouve cette note : " Sunt etiam cappee festive quorum nomina qui has dederunt sunt hoec... Gerbodo (4) ».

Nous trouvons encore dans le cartulaire de l'abbaye d'Eenaeme, à la date de 1228, un certain Gerbodo de Honse qui fut témoin de la ratification par Robert de Béthune, avoué d'Arras et sire de Termonde, de la cession faite à l'abbaye d'Eenaeme par Bauduin d'Iseghem, du quart des dîmes à Oostroosebeke (5 et 6).

Cette revue rapide de quelques personnages portant le nom de Gerbodo, et résidant dans diverses parties du comté de Flandre, nous permet de rejeter l'opinion émise par M. le chanoine Carton, que nous avons reproduite en commençant cette étude, et que M. de Borchgrave, dans son article de la Biographie belge, a acceptée sans contrôle. Le nom de Gerbodo nous paraît être un nom d'origine germanique, porté aux Xe et XIe siècles par de

(1) Lambert.II, 34e évêque de Térouanne, siéga de 1191 à 1207.

(2) Wauters : Opus. citat., t. III, p. 109, d'après Migne : Innocentii III Pontificis Romani opera omnia, t. IV, col. 41.

(3) Gallia Christiana, t. X, colonne 1596.

(4) Catalogue général des manuscrits des bibliothèques des éépartements, t. IV, p. 70.

(5) Oostroosebeke, Belgique, Flandre occidentale, arrondissement de Thielt, chef-lieu de canton.

(6) Piot : Cartulaire d'Eenaeme, p. 401.


— 191 —

nombreuses personnes. Une série d'avoués de l'abbaye dé Saint-Bertin se sont appelés ainsi, et paraissent constituer une seule et même famille ; mais il nous est téméraire d'affirmer, faute de témoignages suffisants, que cette famille ait été la souche des Gherbode, bourgeois de Werwicq et d'Ypres, apparaissant avec leur forme patronymique qui se conservera dans la suite des temps, seulement au milieu du XIIIe siècle.

C'est en 1254, en effet, que nous trouvons la mention la plus ancienne qui nous soit connue. Il s'agit d'une reconnaissance de dette faite par un bourgeois d'Ypres, du nom de Jean Gherbode. La somme s'élevait à 8 livres et était due à un bourgeois de la Rochelle. Elle est datée du 23 septembre 1254 (1).

Les mentions relatives à des membres de la famille Gherbode se multiplient dès cette époque dans les documents que nous rencontrons aux archives communales de la ville d'Ypres. L'orthographe du nom varie quelquefois, mais nous n'avons pas hésité à relever même celles qui offrent des variantes. Nous sommes persuadé qu'il s'agit toujours d'une même famille : au XIIIe siècle, en effet, l'orthographe des noms était loin d'être fixée d'une manière absolue, et, d'autre part, il nous est arrivé de rencontrer le nom de Thierry Gherbode écrit de la même manière dans certaines pièces qui ne s'appliquaient évidemment qu'à lui.

En 1267 (30 juillet) nous trouvons un Jakemes Gherbode, bourgeois d'Ypres, qui reçoit une lettre de créance de 10 livres d'argent, pour la foire de Messines (2 et 3). Nous voyons le même personnage disposer, à la date dû

(1) Archives communales d'Ypres, cyrographes de l'année 1254. (2) Archives communales d'Ypres, cyrographes de 1267.

(3) Messines, Belgique, Flandre occidentale, arrondissement d'Ypres; chef-lieu de canton.


— 192 —

13 mars 1272, d'une lettre de change de 12 livres d'Artois sur Michoeus Gissels, lettre qui sera payable à Thourout (1), et, de nouveau sur le même, à la date du 6 novembre de la même année, d'une autre lettre de 8 livres (2). Enfin, quelques années plus tard, le 25 février 1277, le même Jakemes Gherbode signe une reconnaissance d'une dette s'élevant à 3 marcs (3).

Vers le même temps, en 1271 (13 avril), nous voyons un Baudouin Gherbode, également bourgeois d'Ypres, prendre une maison à bail pour un terme de dix années (4).

Guillaume Gherbode nous semble, à cette époque, l'un des marchands les plus riches de la ville à en juger par les nombreuses créances qu'il possède. Le 26 août 1273, il dispose de 23 livres payables à la foire de Messines, et pour en assurer le paiement, il prend hypothèque sur la maison de Jean Laut de Bixschoote (5 et 6) ; l'année suivante, le 27 septembre 1274, il dispose de 5 marcs d'argent en faveur de Jean de Meulenbeke (7), somme qui sera payable à la foire de Lagny (8 et 9). On le voit encore dans le courant des années 1275 et 1276, prêter différentes sommes à des bourgeois d'Ypres, sommes qui seront payables aux foires de Bruges ou de Lille (26

(1) Thourout, Belgique, Flandre occidentale, arrondissement de Bruges, chef-lieu de canton.

(2) Archives communales d'Ypres, cyrographes de 1272.

(3) Archives communales d'Ypres, cyrographes de 1277.

(4) Archives communales d'Ypres, cyrographes de 1271.

(5) Bixschoote, Belgique, Flandre occidentale, arrondissement et canton d'Ypres.

(6) Archives communales d'Ypres, cyrographes de 1273.

(7) Meulenbeke, Meulebeke, Belgique, Flandre occidentale, arrondissement de Thielt, chef lieu de canton.

(8) Lagny, département de Seine-et-Marne, arrondissement de Meaux, chef-lieu de Canton.

(9) Archives communales d'Ypres, cyrographes de 1274.


— 193 —

août 1275: 5 livres, 25 septembre: 5 livres, 16 novembre : 10 livres, 17 novembre : 5 livres, 20 juin 1276 : 60 marcs, 18 décembre : 65 marcs).

Lui-même se reconnaît débiteur, le 28 mai 1277, envers un bourgeois de la Rochelle, d'une somme de 51 livres (1).

Le 6 avril 1284, il achète sa part dans la dîme de Zillebeke (2), pour le prix de 36 livres, et, l'année suivante, à la même date, il se trouve encore créancier d'une somme de 12 livres, 9 sols, 4 deniers (3). En juin 1285, il achète de Chrétien Baerdonc et de Chrétienne, sa femme, six rentes à lever sur des maisons sises à Ypres (4). Nous le retrouvons encore en 1290 créancier de 11 livres 4 deniers (5).

C'est à cette époque que paraît dans les archives d'Ypres le nom d'Eloi Gherbode, qui joua dans cette ville un rôle considérable, et que les auteurs de biographies de Thierry Gherbode, cités au début de notre étude, indiquent comme le grand-père du personnage dont nous nous occupons, Relevons immédiatement Terreur qu'ils commettent en disant qu'EIoi Gherbode fut échevin d'Ypres de 1271 à 1300. Nous n'avons trouvé mention de ses fonctions

d'échevin qu'en 1291, année où il décréta une peine contre les gens qui avaient des dettes (6) et en 1300 ; cette année, le dimanche 4 décembre, il contresigna,

(1) Archives communales d'Ypres ; cyrographes des années 1275, 1276,1277.

(2) Zillebeke, Belgique, Flandre Occidentale, arrondissement et canton d'Ypres.

(3) Archives communales d'Ypres; cyrographes de 1284 à 1285.

(4) Archives hospitalières d'Ypres : Fardes des pauvres veuves, Chartes, tiroir n° 6.

(5) Archives communales d'Ypres : cyrographes de 1290.

(6) Vandenpeereboom : Y priand, t. IV, p. 103.

13


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comme échevin de la ville, une donation de terre faite à Saint-Martin d'Ypres (1).

Nous avons une mention d'un bail d'une terre accordé par lui le 2 août 1271 ; le 20 mars 1272, nous le voyons créancier d'une somme de 100 marcs prêtée à Chrétien Cougne. En 1281 (20 novembre) il obtint la permission dé saisir les biens d'un débiteur ; en 1282 et 1283, nous avons deux reconnaissances de dettes, l'une de 720 livres, dues par lui à un marchand de Rome (27 décembre), l'autre de 200 livres, dues à Guillaume Gérard (17 mai 1283). Nous trouvons qu'en 1284 il doit 113 marcs payables à la fête de Messines (19 août 1284) ; il est débiteur de 170 marcs d'argent qu'il doit payer à un bourgeois de la Rochelle (28 août 1284) ; il doit de même à un bourgeois de Rome la somme de 184 livres (31 octobre 1284) (2). En 1285, il fournit, pour la construction des halles d'Ypres qu'on commençait à rebâtir à cette époque, 309 tonneaux pour faire des lattes, et il reçut pour cette fourniture la somme de 40 livres 12 sols 2 deniers (3). Dans le courant des années 1286, 1288, 1289, 1291, nous trouvons encore des mentions de différentes sommes dont était débiteur Éloi Gherbode ou de créances qui lui étaient dues à son four (4).

(1). Feys et Nelis : Cartulaire de la préooté de Saint-Martin d'Ypres. t. II, p. 262.

(2) Archives communales d'Ypres : Cyrographes de 1281, 1282, 1283, 1284, 1285.

(3) Vandenpeereboom : Ypriana, t. I, p. 103, qui cite en note l'extrait du compte, communal de 1285.

(4) Archives communales d'Ypres : Cyrographes de 1286, 1288, 1289, 1291 :

Créances : 12 livres 5 deniers (20 Novembre 1286); 7 marcs 1/2 d'argent (20 janyier 1288; 6 livres (11 avril 1288); 11 livres (12 mai 1288); 247 livres (5 février 1288); 9 livres (16 juillet 1288); 5 livres (16 août. 1288) ; 100 livres (24. novembre 1288).

Dettes : À un bourgeois de Beauvais, 217 livres (17 juin 1288); à un bourgeois de la Rochelle (145 marcs, 21 juillet 1289).


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Eloi Gherbode devint échevin d'Ypres en 1291, et décréta, en cette qualité, un règlement du 7 septembre 1291, très sévère pour les débiteurs récalcitrants, et qui établissait pour ceux-ci le traitement le plus dur (1);

Dans le compte de la ville d'Ypres allant du 1er novembre 1297 à pareille date de 1298, nous rencontrons plusieurs mentions de ce personnage; au chapitre des voyages, diverses indemnités : 13 livres pour quatre jours passés à Gand, près du comte et du roi d'Angleterre, second et troisième voyages à Gand, de cinq et de deux jours (2).

Nous le retrouvons de nouveau parmi les membres de l'échevinage en 1300, car nous l'avons vu plus haut, contresigner en qualité d'échevin à cette date une donation faite à Saint-Martin d'Ypres, et il est probable qu'il a exercé à plusieurs reprises ces fonctions, qui étaient renouvelables.

Un mouvement populaire éclata à Ypres, le 29 novembre 1303, émeute dirigée surtout contre l'échevinage et le conseil de la ville dont faisaient partie un certain nombre de « Léliaerts », alors les ennemis de la classe populaire. La foule s'empara rapidement de l'Hôtel de Ville, et mit à mort plusieurs magistrats. Les nouveaux magistrats improvisés par l'émeute, s'érigèrent en juges et prononcèrent le bannissement à perpétuité de la cité de plusieurs personnes notables parmi lesquelles trois anciens échevins. Eloi Gherbode se trouvait parmi eux.

Philippe de Thiette, en sa qualité d'administrateur du comté, réunit, à la nouvelle de ces graves événements, son Conseil, et convoqua les échevins des bonnes villes de Flandre (Gand, Bruges, Lille et Douai). Le comte accorda,

(1) Vande en peereboom, Y priana, t. IV, p. 103. (La Keure à été publiée par Warnkoenig, traduction Gheldolf, t. V, p. 405).

(2) Archives communales d'Ypres, Comptes de 1297-1298.


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le 16 décembre 1303, des lettres de grâce, mais l'enquête continua, et les négociations se prolongèreut jusqu'au 4 mai 1304, veille du jour de l'Ascension. La sentence des échevins de Gand, Bruges, Lille et Douai, réunis à Ypres, fut prononcée ce jour « en la vierscare à Ypres, en présense dou commun de chelui vile » et un des articles de cette sentence portait le rappel d'Eloi Gherbode et des autres anciens échevins qui avaient été bannis à perpétuité de la ville (1).

Nous trouvons une dernière mention d'Eloi Gherbode, rentré à Ypres à la suite de ces événements. Il est cité dans le compte de 1304-1305, comme ayant reçu l'arrérage de la trésorerie. Etait-ce là une fonction nouvelle qni lui fut confiée à son retour de l'exil, ou s'agissait-il pour lui de toucher des sommes qui lui étaient dûes avant son départ ? Nous ne saurions le préciser, mais la seconde solution nous semble préférable, car le temps qui s'écoule entre son retour et cette mention nous paraît trop court pour qu'il puisse déjà s'agir d'arrérages (2).

A la même époque, vivait à Ypres, Nicolas Gherbode, dont nous avons des mentions comme créancier et comme débiteur de 1284, 1286 et 1287 (3). Sa fille Elisabeth, au mois de mars 1310, vendit à Lambert Belle, bourgeois d'Ypres, 4 verges de terres situées au métier d'Ypres (4). Dans le courant de la même année, au mois de septembre, Lotin Gherbode vend au même Lambert Belle,

(1) Vandenpeereboom : Y priana, t. IV, p. 165 et suivantes à p. 190. Voir également Diegerick : Inventaire des chartes de la ville d'Ypres, t. I, p. 193.

(2) Archives communales d'Ypres. Compte du 23 avril 1304 à pareil jour de 1305.

(3) Archives communales d'Ypres. Cyr. de 1284, 1286, 1287 : Créances 26 livres à payer au carême (15 janvier 1284). Dettes : 31 livres (7 novembre 1886); 25 livres ( 5 février 1287).

(4) Archives communales d'Ypres : Cartulaire de l'hospice Belle, folio 75, verso.


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la moitié de 4 mesures 1/2 de terres dont sa soeur Marie lui avait déjà vendu le quart (1).

Au début du XIVe siècle, nous voyons aussi, parmi les sergents de la ville d'Ypres, un Jean Gerbode, qui reçoit la somme de 32 francs comme salaire de l'année 1304, et qui, en 1311-1312, voit ce salaire s'abaisser à 24 livres (2). Ce même Gerbode se trouve mentionné comme clerc de la ville dans une série de comptes communaux allant de novembre 1304 à novembre 1311 (3), sauf quelques interruptions. Dans le compte de novembre 1311-12, on le voit recevoir une indemnité pour perte d'un cheval (4). Le même nom de Jehan Gherbode, occupant les mêmes fonctions de clerc de la ville, reparaît dans le compte de 1315-1316 pour continuer sans interruption jusqu'au compte de 1326 (5). On y remarque une somme de 45 sols qui lui est allouée pour un voyage et un séjour à Deynze (6 et 7). Mais nous ne pouvons dire si ce Jehan Gherbode est le même qui figure déjà aux comptes de 1304. Nous le voyons au compte de 1328-1328 recevoir de la ville la somme nécessaire pour le harnachement d'un cheval (8). Dans le compte de 1328, nous le retrouvons recevant une indemnité pour un voyage fait à Lange(1)

Lange(1) communales d'Ypres, ibidem, même folio et verso.

(2). Vandenpeereboom.: Ypriana, t. IV, pp. 378 et 386.

(3) Archives communales d'Ypres, Comptes de 1304-1305,1385-1306, 1308-1309, 1309-1310,1310-1311, allant de novembre à novembre.

(4)'Archives communales d'Ypres, Comptes de 1311-1312 (nov. à nov.).

(5) Archives communales d'Ypres, Comptes de 1315-1316, 13171318,1318, 1319, 1319-1320, 1320-1321, 1322-1323, 1323-1324,1326.

(6) Deynze, Belgique, Flandre orientale, arrondissement de Gand, chef-lieu de canton.

(7) Archives, communales d'Ypres, Comptes du 3 octobre au 25 décembre 1325.

(8) Archives communales d'Ypres, Comptes d'octobre 1327 au 31 Janvier 1328.


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marck (1 et 2). Le compte de 1332-1333 lui alloue une somme de 40 sols pour avoir fait faire des joutes (3), Enfin, au mois de juillet 1343, Jehan Gherbode parait comme vendeur à Anne Bruns, bourgeoise de la ville d'Ypres, d'une rente annuelle de 4 sous 2 deniers, à lever chaque année sur une terre située au nord de la rue de Thourout (4).

Le compte communal d'Ypres de 1311-1312 fait mention aussi d'un loyer payé à Loys Gherbode pour une location d'un bâtiment à l'usage des gardes de la ville pendant 14 semaines, loyer qui s'élevait à 52 sols (5).

Le même compte cite un Guillaume Gherbode qui fournit des vins pour la somme de 33 sols (6). Ce Guillaume Gherbode reparaît dans plusieurs comptes de la ville comme fermier de Tassise sur les épices (7), des assises des boulangers (8) et des brasseurs (9), comme fermier de la balance au fil (10).

A la même époque, apparaît dans les comptes delà ville le nom de Jacques Gherbode, qui semble avoir occupé dans la ville d'Ypres une situation assez importante. On le voit, au mois de janvier 1333, acheter de Jean Amman des terres situées à Langhemarck (11).

(1) Langemarck, Belgique, Flandre occidentale, arrondissement d'Ypres., canton d'Ypres.

(2) Archives communales d'Y près. Compte de 1328.

(3) Archives communales d'Ypres, Comptes du 1er nov. 1333.

(4) Archives hospitalières d'Ypres : Fardes de la Léproserie,- charte, tiroir n° 1.

(5) Archives communales d'Ypres, Compte de 1311-1312.

(6) Archives communales d'Ypres, Compte de 1311-1312.

(7) Archives communales d'Ypres, Compte de 1312-1313.

/8) Archives communalesd'Ypres,Comptes de 1329-1330,13.38-1339.

(9) Archives communales d'Ypres, Compte de 1329-1330.

(10) Archives communales d'Ypres, Compte de 1335-1336 et 13361337.

(11) Archives hospitalières d'Ypres, Fardes Ecole St-Elisabeth, tiroir unique. .


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Le dimanche 1er mai 1334, il donne à cens, conjointement avec la demoiselle Belle, sa femme, une-maison à Jean le Slaper, bourgeois de la ville (1). Le 2 janvier 1336, il donne également à cens à Gilles van Esschen une mai-- son située au sud de la rue de Menin. (2)..Nous retrouvons sa trace-dans les comptes de 1338-1339 où il figura comme créancier de la ville d'Ypres pour une somme de 72 livres, et de 1341-1342, où il reçut pour un voyage â Bruges qui dura 9 jours la somme de 20 livres, et 10 livres pour l'achat qu'il y fit de quatre arbalètes ; enfin, le compte de 1342-1343 nous le montre allant à Gand ponr y régler certaines questions monétaires, et recevant de ce chef, pour un voyage de 3 jours la somme de 5 livres (3).

Un Pierre Gherbode est cité quelques années plus tard dans les comptes communaux parmi les officiers de la ville (4). On voit aussi qu'en 1364 un Jehan Gherbode tient à Sercus (5) « 2 mesures de terre gisant en le parodie de Sarcus en fief et en un hommage frankement» dépendant de la cour de Càssel (6), et nous voyons un Olivier Gherbode faire foi au bailly de Cassel au mois d'août 1384 probablement pour les mêmes biens, caria mentionest la suivante « par le mort Jehan Gherbode son ger-:- main cousin » (7). A la même date de 1384, nous trouvons aussi la mention d'un Clay Gherbode faisant foi au

(1) Archives hospitalières d'Ypres., fardes école Sainte-Elisabeth, tiroir unique.

(2) Archives hospitalières d'Ypres, fardes pauvres veuves chartes., tiroir n° 7.

(3) Archives communales d'Ypres, Comptes de 1338-1339, 13411342,1342-1343.

(4) Archives communales d'Ypres, Comptes de 1358-1357, 1357- ' 1358, 1358-24 août 1359.

(5) Sercus, departementdu Nord,arrondissementd'Hazebrouck, canton d'Hazebrouck.

(6) Annales du comité flamand de France, t. XIII, p. 89.

(7) Annales du comité flamand de France, t. cité, p. 117.


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bailly de Gassel « par le mort Demisele Marie sa mère (1). »

Enfin, pour terminer cette série de membres de la famille Gherbode antérieurs à Thierry, nous avons trouvé à la bibliothèque royale de Bruxelles la mention d'un Hughe Gherbode, mort en 1402, et qui épousa"Matb.ilde Van Arzeele (2).

Malheureusement dans- cette: longue énumération de personnages portant le même nom, rien ne nous permet de fixer avec précision les liens unissant entre elles ces diverses personnes.. Rien non plus ne nous permet d'accepter avec certitude.l'affirmation de MM. Carton et Borchgrave nous indiquant Eloi Gherbode comme étant le grand-père de Thierry. La chose est possible et même probable, mais si cette hypothèse est plus A^raisemblable que celle faisant monter la famille Gherbode aux Gerbodo des Xe en XIe siècles, ce n'est néanmoins qu'une hypothèse.

L'origine et le maintien, durant de longs siècles de la famille Gherbode à Ypres et Wervicqmilitent en sa faveur, mais le manque absolu de renseignements sur le lieu de naissance et les premières années de Thierry Gherbode nous empêchent de l'accepter avec certitude.

(1) Annales du comité flamand de France, t. XIII, page 117.

(2) Bibliothèque royale de Belgique, section des manuscrits. Portefeuilles Goethals, n° 1053.


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CHAPITRE II

Thierry GHERBODE, sa vie privée (1)

Les divers auteurs qui ont consacré à Thierry Gherbode une notice de quelque étendue, MM." de SaintGénois, le chanoine Carton et de Borchgrave, sont sobres de détails sur la période de la vie dé notre personnage, s'écoùlant depuis sa naissance à son entrée au service du duc de Bourgogne.

Voué à l'état ecclésiastique, dit M. de Borchgrave, Thierry devint chanoine de Saint-Donat, à Bruges, et ses aptitudes le signalèrent à l'attention du duc de Bourgogne (2). »

Tous sont muets sûr le lieu et la date de sa naissance, mais on donné comme son aïeul Eloi Gherbode, le fameux échevin d'Ypres au début du XIVe siècle. Nous avons été aussi peu favorisé que nos devanciers, et il nous a été impossible à notre tour de préciser la date exacte de sa naissance, que nous plaçons, suivant toute probabilité, au milieu du XIVe siècle, et nous n'avons pu vérifier d'une manière certaine la façon dont il se ratta(1)

ratta(1) réunissons dans ce chapitre les quelques renseignements que nous avons pu rencontrer sur la vie privée de Thierry Gherbode, sa fortune, ses propriétés. — Nous y joignons divers détails qui ne peuvent rentrer dans aucun des chapitrés consacrés aux fonctions qu'il occupa à la cour des dues de Bourgogne.

(2) Biographie nationale belge, article de M. de Borchgrave.


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che à Eloi Gherbode ; de même le lieu de sa naissance, Wervicq ou Ypres, puisqu'à cette date des représentants de sa famille se trouvent dans ces deux villes, n'a pu être déterminé d'une manière certaine (1).

Mais il nous a été possible, grâce à son acte de nomination à une -prébende de Saint-Donat de Bruges (2), de retrouver le nom de son père, qui était Jean Gherbode, un des nombreux membres portant ce nom dans.la famille, et de savoir qu'il avait un frère du nom de Gautier, que nous retrouverons plus tard, qui lui succéda dans sa prébende, et qui lui survécut.

Voué à l'état ecclésiastique, Thierry Gherbode reçut-il jamais les ordres sacrés ? Il nous est permis d'en douter : en effet l'acte de nomination de sa prébende le cite sous le titre de Clericus diocesis Tornacensis alors que son successeur est cité avec le titre de presbyter (3) ;' d'autre part, les actes de légitimation en faveur de certains de ses enfants ne mentionnent pas à côté de son nom la. qualité de presbyter qui ne manque pas de s'y trouver à cette époque quand il s'agit de personnes faisant régulariser des situations identiques. Nous croyons donc que Thierry Gherbode était simplement entré dans la cléricature parla réception de la tonsure.

Il est également difficile de préciser la date de son entrée au service du duc. Nous sommes sûr cependant qu'il fut au service de Louis de Maie, prédécesseur de Philippe le Hardi. Celui-ci, dans plusieurs actes de dona(1)

dona(1) Blieck est arrivé par des recherches récentes à nous montrer que Thierry Gherbode était né à Wervicq et était, commenous l'indiquons plus bas, fils de Jean.

(2) Archives de l'Éoëchi de Bruges : fonds de Saint-Donatien-.. Registre C, allant de. 1395 à 1413, folio 86. (Voir aux. pièces justificatives., n° I)..

(3) Archives de l'Evêché de Bruges : fonds de Saint Donatien registre C, allant de l395 à 1414, fol 86.


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tion, lui rappelle les services qu'il lui rend, et ceux qu'il à rendus au comte son prédécesseur, et un acte du prince nons permet en même temps de fixer d'une façon approximative la date de son entrée aux affaires. Le duc y dit que Thierry Gherbode lui a exposé qu'il fut au service de son père pendant six ans, ce qui nous reculé en 1378 ou 1379 (1). Quoi qu'il en soit, nous ne possédons de lui dés traces certaines qu'à partir de 1384.

Nous n'avons pas trouvé non plus d'indications sur le mariage de Thierry Gherbode; nous savons pourtant qu'il eut plusieurs enfants. Kerwyn de Lettenhove, dans son édition de Chastelain affirme que ce fut grâce à ses relations, en 1403, avec un des fils du secrétaire du duc de Bourgogne, étudiant à l'université de Paris, que Pierre Cauchon, alors simple maître ès-arts et recteur de l'un des collèges de l'université, put connaître le duc de Bourgogne, et parvenir, grâce à son patronage, aux plus grands honneurs (2). Nous ignorons le nom de ce fils; nous connaissons seulement le nom de plusieurs de ses enfants illégitimes par les lettres de légitimation qui nous ont: été conservées.

Ainsi, en 1407, nous voyons, le duc Jean légitimer par lettres datées de Bruges, au mois de décembre,- EArrard Gherbode, clerc, fils de Thierry.et de Jeanne Le Merchière de Lille « àmbobus tune solutis (3) », de même, le 17 mai 1420, Philippe le Bon légitime Jeanne Gherbode, fille de Thierry et de Péronelle « dicta Patinière » éga(i)

éga(i) B, 1601. fol. 32. verso, et 3' recto, et B, 1597, fol. 42, -r°, ,

(2) Kerwyn de Lettenhove : éd: de Chastelain, t. I. p. 204 (note.), du Boulay (Histoire de l'Université de Paris), ne nous indiqué ,pâs de quel collège Pierre Cauchon était recteur. Kerwyn de Lettenhove qui nous donne cette indication de la .présence à l'université de Paris des. fils de Thierry Gherbode et de Jean de la Keythuilé.né nous cite pas la source ou il a puisé cette assertion.

(3) Archives du Nord, B. 1600, fol. 81, recto.


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lement de Lille (1) ; enfin, après la mort de Thierry, le 28 avril 1424, le duc de Bourgogne légitime, Henri, Georges, Jean, Pierre et Marie Gherbode, issus de Thierry et de Jeanne Wave (2),-elle-même fille légitimée de Martin et de Marie Slangen, dite Carbonnelle, de Lille (3). Nous retrouverons du reste ces divers personnages, au chapitre suivant.

Thierry Gherbode occupa plusieurs bénéfices ecclésiatisques, mais peu de temps en général, car nous voyons que le duc, dans ses donations, y fait allusion et le récompense pour le dédommager de les avoir quittés afin d'être tout entier â son. .service (4). Il nous est impossible de préciser quels étaient ces bénéfices; nous savons seulement que Thierry Gherbode fut chanoine de Saint-Donat de Bruges, où il obtintune prébende le 26 juin 1406, par la démission d'un chanoine appelé Minne, qui était prêtre; qn'il fut installé le. 30 du même mois, mais qu'il se hâta de résigner l'année suivante, le 22 juin 1407, son canonicat en faveur de son frère Gauthier, que nous rencontrerons plusieurs fois encore (5). . Secrétaire du duc en 1385, ''garde des Chartes de Flandre le 30 novembre 1399, Thierry Gherbode devint maître des Comptes le 30 avril 1407, et prêta serment en cette qualité, le 20 mai, entre les mains du sire de Courtivron (6). Il mourut au mois de janvier 1421.

(1) Ibid., B. 1602, fol. 160, verso et recto.'

(2) Ibid., B. 1603, fol. 45 verso et 46 recto.

(3) Ibid., B. 1603, fol. 45, recto.

(4) Archives du Nord, B: 1601, fol. 32 verso et 33 recto, où le duc fait allusion à trois bénéfices ecclésiastiques résignés par Thierry Gherbode pour mieux le servir.

(5) Archives de l'Evêché de Bruges, fonds de Saint-Donatien registre C allant de 1395 à 1413, fol. 86. — Voir aussi : Compendium chronologicum episcoporum Brugensium necnonprepositorum, decanor.um et canonicorum. Bruges, 1731, in-8, pp. 109-110.

(6) Archives du Nord, B. 1600. fol. 47, recto.


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Nous le voyons, le 15 mai 1387, recevoir du duc un don de 200 francs (1), puis, le 25 juillet, 100 livres à titre de gratification et pour reconnaître ses services (2) ; de même, le 8 décembre 1388, nouvelle donation de 200 francs d'or allouée à Thierry Gherbode par le duc «pour ses agréables services », et quittance -de Thierry du 30 juin 1389 (3). Le 26 janvier 1391, il reçoit une somme de 59 francs, 2 sols, 6 deniers, qui lui restait due de ses gages au 31 décembre précédent (4).

Vers la fin de cette même année, il se rendait acquéreur d'un fief de la Salle de Lille, consistant en terre à prendre sur l'espier de Lille, à la charge du douaire de Marie Hanastelle, mère de Gérard Destailleurs, A'endeur de ce fief. L'acte est du 28 septembre 1391, la contenance de . 8 muids 5 rasières, l'échéance la Saint Pierre et Saint Paul, le prix 516 francs d'or (5).

La même année, Thierry Gherbode se-rendit acquéreur du fief de la-Pesquerie, situé à Wevelgheui (6), qu'il acheta à la dame Gheylaerts, épouse de Jean de Menin, et au sujet de cette acquisition nous voyons les échevins de Gand déclarer au bailli de Courtrai qu'un bourgeois de leur ville leur a dit que pour ce fief on avait l'habitude de nommer un bailli et quatre échevins (7). De même, le duc ordonnait au bailli de Courtrai d'in(1)

d'in(1) Nationale, département des manusc, Coll. du Bourg, t. XXIII, fol. 64, v. et archives de la Côte d'Or, B. 1469,

foi. 79, r.

(2) Ibid., B. 1467, fol. 58, r.

(3) Archives du Nord, B, 1848, pièce n° 6, parchemin.

(4) Ibid., B. 1849, n° 34. Orig. pareil., scellé sur simple queue.

(5) Ibid., B. 1638, pièce parch., scellée sur double queue de sept sceaux, parmi lesquels celui de Jean de Daminois, décrit par Demay. (inventaire des sceaux de la Flandre,t. II, n° 5048).

(6) Wevelghem, Belg. Fland. occid., arrondi et canton de Courtrai.

(7) Archives du Nord, B., 1624, orig. parch. non scellé.


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former si ce fief lui appartenait ou était à Thierry Gherbode, à cause du fief de la Haie que celui-ci avait eu la même paroisse de Wevelghem (1). Ceci se passait en avril 1392 ; en mai suivant, Jacques de Lichtérveldè que nous retrouverons plus loin-, et qui-était bailli de Courtrai informa, les gens de comptes que Thierry Gherbode était bien le légitime possesseur du. fief (2), et à la suite de cette enquête, le due lui permit d'exiger l'hommage dufief de la Pesquerie tenu par Jean de Heule, fils de la dame de Wevelghem (3).

Le compte communal d'Ypres, du 1er octobre 1390 au 31 décembre de la même année, nous montre Thierry Gherbode recevant de la ville, en même temps que Jean de la Keythulle, une gratification de 24 livres (4),- et en 1391, nous le Aroyons recevoir pour 17 jours de travail en compagnie du chancelier des appointements calculés à raison de 1 franc par jour (5). Le 13 novembre de la même année 1391, il obtenait du duc pour sévices rendus à lui et au défunt comte de Flandre « les offices de clergie de notre baillage de Lille et de l'escripture des lettres qui se font soubz le scel des contraux et obligations et soubz les signez des commissaires de. par nous es dictes choses en nos villes et chastellenies de Lille, Douai et Orchies (6). » Mais le duc ordonnait en même temps de laisser Jean Le Brune jouir de cette charge sa vie durant (7). En avril 1394, Thierry Gherbode reçut

(1) Ibid., B. 1851, n° 17 (2), ibid. . . .

(2) Ibid., B. 1891, de 17, ibid.

(3) Ibid., B, 1597,-fol.44.-v.

(4-) Archives communales d'Ypres, compte du 1er octobre au 31 décembre 1-390.-

(5) Archives de la Côte d'Or, B, 1487, fol. 41, r.

(6) Archives de la Côte d'Or, B, l597. fol. 42, v.

(7) Ibid.-


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la somme de 24 francs pour 12 jours qu'il alla passer sur l'ordre du duc, à Bruges et à Gand (1). Son traitement, que nous voyions en 1391, calculé à raison de 1 franc par jour, s'élevait cette fois à 2 francs. , Le 30 mars 1394, Thierry Gherbode recevait du duc un. don de : 300 francs pour, ses' bons services et pour le dédommager des chevaux qu'il avait perdus en le servant (2) ; et,en 13.95, le 30 novembre nous Aboyons lé chancelier. (3)donner une attestation au sujet' des missions remplies par Thierry Gherbode (4). Cette attestation devait lui permettre de se faire payer, car, le 13 décembre suivant, le duc ordonnait à son trésorier de payera Thierry: Gherbode la somme de 156 francs (5). Le 22 mars 1396, le'duc lui faisait don à titre viager d'une maison sise à Wanteghem (6) au territoire, de-Termonde (7).

- .En 1396, aux mois de Juillet, Août et Septembre,- Thierry Gherbode accompagna' le comte de Nevers et reçut pour sa dépense la somme de 58 francs d'or, qui lui furent donnés par lettres de Paris du 19 novembre 1397 (8). Quelques jours plus tôt, du 27 juin au

(1) Archives de la Côte d'Or, B,. 1500, fol. 41, verso,, et Bibliothèque nationale. Dép. des manuscrits, collection de Bourgogne, t. XXIV, fol. 64, v.

(2) Archives:de la. Côte d'Or, B. 1501, fol 40, v.

(3) Le chancelier de Bourgogne était alors Jean Canard, moine de Saint-Denis, qui devint évêque d'Arras en 1391 ou 1392. Il remplit diverses missions, et fût notamment envoyé en ambassade, près de Benoit XIII (Pierre de Lune). Il mourut le 7 octobre 1407, et fut inhumé dans le choeur de la cathédrale d'Arras.

! (4) Archives du Nord, B, 1859, n° 2J3, orig. pârcli. non scellé.

(5) Archives du Nord, B, 1858, n° 71, orig. parch.

(6). Wanteghem, territoire de Termonde, Belgique, Flandre orientale, arrondissement et canton de Termoride.

. (7) Archives du Nord,B; 1598,fol .34, v.

(8) Archives de la Côte d'Or, B, 1514, fol. .118, y.


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7 juillet, il s'était rendu, sur l'ordre de la duchesse, à Beauté-sur-Marne (1), puis était retourné à Arras et à Lille, et il avait reçu pour son absence, qui avait duré 11 jours, la somme de 22 francs (2). Le duc avait sèjourné en effet à Beauté, du 20 juin au 7 juillet 1397 (3).

En 1398, nous voyons, à deux reprises différentes, le duc de Bourgogne faire à Thierry Gherbode des donations importantes : ainsi; le 6 juillet, par mandement donné à Conflans, il le gratifie de 400 livres (4), et le 10 décembre, il lui accorde un nouveau don de 300 livres (5). L'année suivante, le 13 mars, il lui donne, en reconnaissance de ses services, 60 livrés pour les robes de l'année (6), et à la fin de cette même année 1399, on le Aroit accorder de nouveau 400 livres pour reconnaître ses services (7).

En dehors de ces sommes, nous rencontrons encore diverses . libéralités laites par le duc à son secrétaire, pour ses robes de Tannée et pour d'autres causes : le 13 février 1398, il reçut ainsi une somme de 80 francs (8). En 1402, nouvelle donation de 200 francs par lettres datées de Melun, le 12 septembre (9) ; et le 8 juillet 1403, nous trouvons encore une libéralité de 200 francs « pour

(1) Beauté-sur-Marne était un château, actuellement détruit, situé dans le bois de A'incennes à peu de distance de Nogeot-surMarne.

(2) Archives de la Côte d'Or, B, 1514, fol. 86, v.

(3) Petit E., Ilin. des ducs de Bourgogne, p. 264.

(4) Bibliothèque Nationale, dêp. des manusc. Coll. de Bourg., t. XXVI, p. 262. — Archives de la Côte d'Or, B. 1514. fol. 163, r.

(5) Bibliothèque Nationale dêp. des manusc. même tome, p. 293 — et Ibid., B. 1526, fol, 120, r.

(6) Ibid., p. 269.

(7)Ibid„ p. 64, v. — Archives de la Côte d'Or.,B. 1517, fol. 108, v,

(8) Archives de la Côte d'Or, B. 1532, fol. 180, r. et v,

(9) Ibid., B. 1538, fol. 120. r.


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ses services et en considération de ce que pendant deux années de suite il n'avait eu de robes de Monseigneur comme les autres secrétaires (1). »

L'année suivante, en 1404, il reçut une somme de 266 francs-pour diverses missions que le duc lui avait ordonnées' (2), et nous le voyons, également en 1404, recevoir ie remboursement de 8 livres parisis qu'il avait payées pour la duchesse de Bourgogne à un notaire du Châtelet de Paris (3). Il obtient aussi à titre de paiement de plusieurs voyages, effectués en 1406, du 26 Mars an .29- Mai ; du 29 mai au 18 juin ; du 30 juillet au 23 août, une somme de 330 francs (4), et une sommé de 255 francs pour 85 jours d'absence qui -ont duré du 27 août au 29 Septembre 1406, et du 19 octobre an 8 décembre de cette même année (5). En 1407, le 17 août, le duc lui accorde, pour ses services et pour des pertes de chevaux qu'il avait, faites, une somme de 200 francs, et il gratifie en. même temps de 30 francs le clerc de Thierry Gherbode, Jean de Gand (6).

Le 9 février 1409, le duc le gratifiait de nouveau de 200-francs (7) dont il donnait quittance, le 15 janvier 1410-(8) et au compte de 1410-1411, nous trouvons en sa faveur une nouvelle donation de 50 francs d'or,

(1) Archives delà Côte d'Or, B. 1538, fol. US, T. Bibliothèque .Nationale, dép. des manusc. Coll. de Bourg., t. XXVI, p. 87. .

(2) Ibid., B. 1554, fol. 164, v.

(3) Archives du Nord, B. 3331, fol. 70, v.

(4) Archives de la Côte d'Or, B. 1547, fol. 179, r. . . .: (5) Ibid., B. 1547, fol. 179, v.

(6) Ibid., B. 1554, fol. 47, v.

(7) Archives de ia Côte d'Or, B, 1568, fol. 72, r. et Bibliothèque Nationale, département des Manusc , collect. de Bourg., t. XXIII, fol. .64, r.

(8) Ibid., B. 364, liasse 19, cote 17, 14


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en récompense de ses bons services et pour ses. robes de ■l'année (1).

Le 4 septembre 1410, nous voyons Thierry Gherbode donner quittance à Jean 4e Lanstais, receveur de Lille, de 3 muids de blé (mesure de Quesnoy-sur-Deûle) et d'une somme de 20 sols parisis, qui lui étaient dûs, peur lès termes de Noël 1409 et de la Saint-Jean 1410, d'une rente qu'il possédait sur les portes et moulins de Quesnoysur-Deûle (2), rente qu'il avait acquise de Jeanne de Pacy, fille de maître Jean de Pacy (3). La même année, il recevait du duc 50 francs pour ses robes de Tannée, et nous savons qu'il obtint une somme identique pour la même cause l'année suivante (4).

Nous avons vu plus haut que, le 13 novembre 1391,' le duc avait accordé à Thierry Gherbode les revenus des offices de la clergie de la gouvernance de Lille, Douai et Orchies, mais quelques années plus tard, le duc avait appliqué aux dépenses de sa. fille et du comte et de la comtesse de Charolais, les profits des offices de la clergie de Flandre et d'Artois. Cependant Thierry Gherbode ne fut pas lésé par cette ordonnance, car le duc, le 30 mai 1414, consentit à lui laisser la jouissance des offices de la gouvernance de Lille. Il rappelait dans l'acte qui accordait à son conseiller cette faveur,Tes services que celui-ci avait rendus tant au duc, son prédécesseur, qu'à lui-même, et les bénéfices ecclésiastiques qu'il avait volontairement

(1) Ibid., B. 1560, fol, 120, in-8°.B. 1570. et Archives du Nord, B. 1894, fol. 164, r.

(2) Quesnùy-sur-Deûle, département du Nord, arrondissement de Lille, chef-lieu de canton.

(3) Archives, du Nord. B. 1833, n° 28. Orig. pareil. Scellé sur sur simple queue, sceau de cire rouge.

(4) Bibliothèque nationale, dèp. des Manusc. Coll. de Bourg, t. LVI, p. 240, v., et LVII, p. 147, r.


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résignés pour le servir avec plus de fidélité (1). 11 Confirma de nouveau cette décision, qui paraît avoir été un instant menacée le 3 juillet (car l'acte y fait allusion), par des lettres données à Gand le 1er octobre 1414 (2). •

Nous trouvons Thierry Gherbode témoin en 1416 de l'amortissement par le duc de Bourgogne de dîmes:à Boesinghe (3), et nous le Aroyons recevoir une dernière gratification de 200 francs, que lui accorde le duc, par lettres de Troyes du 16 mai 1420, pour plusieurs voyages à Arras et à Matines et pour pertes faites à son service (4).

Enfin, nous trouvons de notre personnage une dernière mention, qui servira à fixer d'une manière précise-le moment, de sa mort. Nous le voyons, en effet, figurer à l'audition des comptes de la ville d'Ypres, audition qui eut lieu le 8 février 1421 (5).

• Thierry Gherbode mourut quelques mois après, le 14 janvier 1421, et fut inhumé en l'église paroissiale de Werwicq.

Son épitaphe, telle qu'elle est reproduite dans l'ouvrage de M. de Saint Génois, dans le Messager des sciences historiques de Gand (année 1842), et telle qu'elle est inscrite sur la pierre tombale qui marque aujourd'hui à Wérwicq l'endroit de sa sépulture, porte MCCCCXIX. » M. de Borchgrave,. dans son article biographique sur

(1) Archives du Nord, B. 1601, fol. 32 v. et 33 r.

(2) lbid., B. 1601, fol. 49, v.

(3) Fèys et Nelis : Cartulaire de la prévôté d'Ypres de 1420, t; III, pp. 582 et 585.

(4) Arch. de la Côte d'Or, B. 1605, fol. 61, verso.

(5) Arch. du royaume de Belgique : Compte de la ville d'Ypres, de 1420, n° 38645, f. 90. Cette date de février 1421 est certainement le résultat d'une erreur, Thierry Gherbode étant mort, suivant son épitaphe au mois '.de janvier de cette année. Le fait doit s'être passé en 1420, quand nous voyons le même mois, quelques jours plus tard, notre personnage assister à une séance analogue en la ville d'Oudenbourg.


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Thierry Gherbode, avait déjà douté de l'exactitude de cette date. Il avait signalé le passage de Thierry Gherbode à Oudénbourg (1), le 28 février 1420, où il. clôture le compte communal ; de plus, il était allé le 11 octobre 1420, à Ruppelmonde, avec Jean Moenac, pour y faire des recherches en faveur des intérêts de la ville d'Oudenbourg. Enfin, ajoute M. de Borchgrave, son successeur au poste de garde des chartes de Flandre Jean de la Keythulle (2) fut nommé le 21 janvier 1422, et il .n'est pas vraisemblable que le duc de Bourgogne ait laissé vacant durant deux ans ce poste important (3),

Nous pouvons ajouter à ces arguments que le 16 mai 1420, le duc de Bourgogne accorde, nous l'avons vu; 200 livres à Thierry Gherbode, et que, d'autre part, nous voyons ce personnage assister, au début de février 1420, à l'audition des comptes de la ville d'Ypres. L'hypothèse de M. de Borchgrave, qui croit à une interversion dans les deux derniers chiffres de la date (MCCCCXIX, au lieu de MCCCCXXI) nous semble d'autant plus acceptable, que l'épitaphe actuelle n'est plus l'épitaphe primitive et nous semble avoir été renouvelée au siècle dernier.

La sépulture de Thierry Gherbode se trouve en l'église paroissiale de Werwicq, dans une petite chapelle, fondée par la famille Gherbode, au.côté Nord (4). Elle se

(1) Oudénbourg, Belgique, Fland. occid. arrond. et canton d'Ostende.

(2) Jean de la Keythulle conseiller en 1409, succéda comme garde des chartes à Thierry Gherbode, fut chargé de diverses missions, mourut le 26 août 1432, et fut inhumé chez les dominicains de Gand. D'après Foppens, Hist. du conseil de Flandre, p. 93 et 94.

(3) Biographie nationale belge : Article de M. de Borchgrave.

(4) Le baron Jean Béthune reproduit dans ses « Epitaphes et monuments des églises de la Flandre au XVIe siècle, p. 265 » la note suivante au sujet de la sépulture de la famille Gherbode eii l'église de Werwicq « Op de zuutzijde van den ommeganck zyn twee capellen, van ouden tijden van die van Gherbode», et cette mention appelle une double observation : D'abord, actuellement il n'existe plus qu'une chapelle et ensuite elle est du côté Nord. Il

est probable qu'au XVIIe ou au XVIIIe, lors de la-réfection de l'épitaphe, on modifia l'ancien état de choses, ...


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compose aujourd'hui d'une simple dalle funéraire de marbre blanc, de forme losangée, placée dans le sol, et nous donnons en-note (1), l'épitaphe qui s'y trouve inscrite. A droite et à gauche se trouvent deux dalles similaires, mais plus petites,, sépulture d'un membre de la famille Gherbode, décédé au XVIIIe siècle, et d'uii membre de la famille Laumosnier, alliée aux Gherbode.

(1) En tête se "trouve l'écusson (*) des Gherbode avec la devise « Effen uut ».

D. O. M.

Renouvellement

d'une grande pierre sépulchrale

de marbre blanc autour de laquelle étoit écrit :

Hier licht

M. HER THIERRY DE GHERBODE

Raed -myns gheduçhten Heer van Bourgoignen

Grave van A7laenderen - . -

die stierf in t'jaer ons Heere

Als men schreef MCCCCXIX (MCCCC.XXI)

-■ Den xiv dagh in Lauwe

Bidt God over

de zieie (**)

(*) D'argent à la fasce vivrée d'azur, accompagnée de trois tètes de griffon arrachées de même, beeguées et membrées d'or, deux en chef et une en pointe.

(") Traduction littérale de l'épitaphe flamande : « Ici repose Monsieur Thierry » de Gbef bùde, Conseiller de mon redoute Seigneur de Bourgogne, Comte de » Flandre, qui mourut en l'an de Notre-Seigneur, quand on écrivait MCCCCXIX » (MCCCCXXI) le 14 jour de Janvier. Priez Dieu pour son âme ».


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CHAPITRE III

Membres de la Famille GHERBODE

Contemporains de Thierry GHERBODE, et postérieurs

§ I. — CONTEMPORAINS DE THIERRY GHERBODE

En même temps que vivait à la cour des ducs de Bourgogne Thierry Gherbode, des membres de sa famille remplissaient à cette cour des fonctions d'un, autre ordre. . Nous en voyons aussi occuper à la même époque différentes magistratures dans le comté de Flandre.

En 1387, le duc de Bourgogne, par des lettres datées du 30 Septembre, gratifia Jean Gherbode; frère de Thierry, d'un gobelet d'argent doré du prix de vingt francs, à l'occasion de ses noces (1), et Thierry lui-même donne à son frère, le jour de ses noces, la somme de vingt francs, en exécution d'un mandement du duc du mois d'avril précédent (2).

(1) Bibliot. Nat. dép. des man. Coll. de Bourg, t. 23, fol. 64, v.

(2) Ibid.


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En 1394, Jean Gherbode est devenu clerc des offices de l'hôtel du duc de Bourgogne, et celui-ci, par lettres de Paris du 2 mars 1394, lui fait don" de 20 francs d'or'; par: lettres de VilIeneuve-lès-Avignon (22 juin 1395), il. lui fait un nouveau cadeau de trente-six livres pour se monter -en son service (1). Le 19 février 1396, nouvelledonation de trente francs d'or, datée de Conflans (2). Quelques jours plus tard, le 1er mars, le duc lui octroie quarante francs (3). Eii mai de la même année, lé 14suivant la collection de Bourgogne, le 24, suivant les: archives départementales de la Côte d'Or, il reçoit trente 1 francs pour acheter un cheval qu'il montera au service du duc (4). L'année 1399 voit se' continuer pour Jehan 1 Gherbode la suite des donations du duc de Bourgogne. Le 20 janvier, il reçoit trente-trois livrés et demie (5)/le 20 février, neuf livres (mandements "du duc, - datés dé;- Gonflans-les-Paris (6). La première de ces donations-est' faite pour lui permettre de se-procurer un-nouveau cheval, la seconde, pour lui faire cadeau d'une robe.-En1398, il avait reçu un don de 40 francs (mandement du 28 . août, Corbeil) (7), mais les pièces . de comptabilité s'étant égarées, 4e duc le lui réitéra le 1er novembre sui(1)

sui(1) Nat. Départ, des man. Coll. de Bourg t. 23; fol! 64, v.

(2) Bibliothèque Nationale, dép des manuscr., Coll. de Bourg, t; 26, fol. 237 recto, et Archives de la Côte d'Or, B, 1514, fol. 132, r.

(3) Bibliothèque Nationale, dép. des manusc. Coll. de Bourg,, t. 26, fol. 262, r. et Archives de la Côte d'Or, B, 1414, fol. 165 r.

(4) Bibliothèque Nationale, dép. des manusc. Coll. de Bourg, t. 26, fol. 44 v. et Archives de la Côte d'Or, B, 1508, fol. 102 v.

(5) Bibliothèque Nationale, dép. des manusc- Coll. de Bourg., t.. 23, fol. 64 v. et Archives de la-Côte d'Or, B, 1517, fol. 116 v.

(.6) Bibliothèque Nationale, dép. des manusc. Coll. de Bourg., t. 23, fol. 64 v. et. Archives de la Côte d'Or, B, 1532/ fol, 200 r. ■;

(7) Archives de la Côte d'Or, B, 1514, fol. 132, v.


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vant par un mandement daté de Confians (1). Les comptes des archives de la Côte d'Or nous signalent encore de', nombreuses donations en sa faveur vers la même époque (vingt francs.le 20 janvier, trente francs le 3 décembre; 1395,vingt francs le 6 mai 1397) (2), et nous savons qu'outre ces présents, il recevait encore des gages assez: élevés. ■

Ainsi, nous le voyons obtenir pour solde de ses gages dû 1er février 1396 au 31 janvier suivant, la somme de 32'livres 14 sols 7. deniers (3) ; et une nouvelle somme, de 16 livres 8 sols 6 deniers est mentionnée en son nom et également à titre de gages dans le même compte (4) ; du 1er février 1397 au 31 janvier suivant, il reçoit 51 livres 2 sols 4 deniers (5).

Le 23 mars 1400 (6), nouvelle donation faite par le duc pour le récompenser de ses bons services, (mandement daté de Confians) (7). Enfin, le 26 décembre 1401, le duc, à l'occasion de son mariage, par lettres dictées de Paris, le gratifie d'une somme de 200 livres (8).

Plusieurs homonymes de Jean Gherbode se rencontrent(1)

rencontrent(1) B, 1532, fol. 200 v.

(2) Ibid., B, 1511, fol. 55 v. et 56 r,

(3) Archives de la Côte d'Or, B, 1519, fol. 89 r.

(4) Ibid.,B, 1519,fol. 93, r.

' (5) Ibid., B, 1511 b, fol. 54, r.

(6) La Collection de Bourgogne donne à ce mandement la date, du 24 mars, mais nous avons suivi ici le document des archives de la Côte d'Or, qui porte celle du 23.

(7) Archives de la Côte d'Or, B, 1521, fol. 58, v. et Bibliothèque Nationale, dép. des manuscrits, Collection de Bourgogne, t. 26, fol. 190, r.

(8) Archives de la Côte d'Or, B, 1532, fol. 224, v. et Bibliothèque Nationale, dêp. des manuscrits, Collection de Bourgogne, t. 26, fol. 210, r. Il doit probablement s'agir ici de secondes noces contractées par Jean Gherbode, car il est impossible de le distinguer de Jean Gherbode, également clerc des offices du duc et frère de Thierry, qui reçut en 1387 une donation â l'occasion de son mariage.


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à cette époque, et sont également au service du duc. Le premier est un chevaucheur, qui, en 1401, reçoit ; adeux reprisés 'différentes des sommes pour divers, voyages(33 francs d'or, mandement d'Arras, du .19.-juillet.14.01 J et56 francs 7 sols 6 deniers,mandèment de Paris!du 30 decemhre 1401) (1) ; en 1403. (4 juillet) il est gratifiéavec d'autres de 30 francs 1/2 (2) ; de même, en 1404, il." reçoit diverses, sommes, s'élevant en total à 242. francs 2 sols 6 deniers, avec d'autres chevaucheurs du duc (mandement de Paris des 17 janvier et 22 février, Lille, 6 avril 1404) (3). Un autre personnage du nom de Jehan. Gherbode-est, en; 1406, sergent à cheval des bois, eaux et garennes de la chatellenie d'Hesdin, car nous le voyons, à la date du 13 avril, donner quittance d'une somme de 9 livres 4 sols 8 deniers qui lui étaient dûs à titrés de gages (4).

En Flandre, nous avons deux Jean Gherbode, qui, â cette époque, occupent des fonctions administratives : à Bruges, l'un d'eux joue un rôle politique important. On voit,-par le compte de 1389-1390, qu'il a été chargé de correspondre, au sujet de certains règlements contraires au pays de Flandre, avec les villes d'Allemagne, et qu'il a reçu de ce chef, la somme de 40 sous de gros ; le 13 septembre 1394, il fut envoyé à Lille près du chancelier pour n'entretenir d'un procès qu'avait le magistrat de Bruges ; le 13 avril 1404, il alla à Gand pour s'entretenir de certains attentats commis par les Anglais (5). -

(1) Archives de la Côte d'Or, B, 1526, fol. 95, v. et 96, v.

(2).Ibid. B, 1538, fol. 184. v.

(3) Ibid. B, 1538, fol. 200. v. et 201 r.

(4) Archives du Nord, B, 1538, n°28. Orig. pareil, scellé sur sim.- pie queue.

(5) Gilliodts-van Severen. Inventaire des archives de la ville de Bruges, t. III, pp. 247, 410,453.


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A Ypres, nous avons, en 1408, un échevin de la ville, du nom de Jean Gherbode, qui, le 9 mars de cette année, ordonne de payer à la Prévoté de Saint-Martin ce qui lui manquait de sa part dans les dîmes de Langhemark (1),

Nous trouvons dans le fonds de l'Abbiette, aux archives du Nord (2), la mention, à la date du 5 mars 1399, d'un François Gherbode. En qualité d'échevin de Werwicq, . il figure dans une sentence confirmative de la possession d'une: rente, et son sceau qui est conservé porte les armoiries qui sont celles de Thierry Gherbode « écu à la fasce vivrée, accompagnée de trois têtes d'aigles, brisé d'un croissant en chef,- soutenu par un ange, "dans un encadrement oblong, avec la légende « S. Francisci Gherbode. » C'est un sceau rond mesurant 22 millimètres(3).

Le 3 mars 1411, David de Brimeu, seigneur de Humbercourt et conseiller du duc de Bourgogne, reçut le serment de Jacques Gherbode, nommé portier du château d'Hesdin, en remplacement de son frère Jacquemont, et il semble qu'il faille rapprocher ce personnage de Jean Gherbode que nous avons rencontré en 1406 remplissant à Hêsdin un office de sergent à cheval (4).

Pierre Gherbode occupa sous les ducs Philippe-le-Hardi et Jean sans Peur des fonctions importantes dans le comté de Flandre. Il fut bailli du métier de-West-Ypres du 15 janvier 1396 au 25 juin 1398 ; bailli de l'Ecluse (5)

(1) Feys et Nelis, Cartulaire de la Prévôté de Satni-Martin d'Ypres, t. III. p. 536:

(2) Le fonds de l'Abbiette, n'étant pas encore classé aux-archives du Nord, il nous a été impossible de donner la cote exacte de cette pièce.

(3) Demay (G.), Inventaire des Sceauce de la Flandre, t. I, p. 419. n° 3827 .

(4) Archives du Nord, B. 1884, n° 27 : Orig. parc, scellé sur simple queue (le sceau manque) un double dé cette pièce existe aux mêmes archives : B. 1885, n° 18

(5) L'Ecluse, Hollande, province de Zélandê, arrondissement de Middelbourg, canton d'Aardenbourgh.


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de juin 1398 au 22 septembre 1401, bailli de la ville et chatellenie d'Ypres du 22 septembre 1404 au 29.mai 1407; bailli de l'Eau à l'Ecluse du 10 mai 1407 au 12 janvier 1411, et enfin êcoutète de Bruges du 2 avril 1412 au 5 août,1413.(1).

Nous: ne possédons aucun document sur, ce personnage alors qu'il était bailli du métier d'Ypres, mais nous avons la série de ses comptes comme.bailli de l'Ecluse (2).

Nous voyons aussi par un document des archives de la Cote d'Or que, pendant qu'il occupait, ces, fonctions, il prêta a Jean de Bourgogne et à son frère Antoine, fils du duc, la somme de 307 écus, avec le capitaine de l'Ecluse, le, capitaine .du château et le bailli de l'Eau, et que. les créanciers reçurent des bijoux comme gages de leurs créances (3).

. Nous, possédons également les comptes qu'il établit comme bailli-de.la ville d'Ypres du 22 septembre 1404 au 9 niai -1407; (4) et le compte communal de cette ville de 1404-1405 Je cite comme ayant reçu un don de la cité, probablement à son entrée en fonctions (5).

La série complète de ses comptes, comme bailli de l'Eau à l'Ecluse comprend 11 comptes à raison d'un

compte par trimestre, partant du.10 mai 1407, date de son entrée en fonctions, pour finir le 12 janvier 1412 (6).

(1) -Gilliodts-van Severen : Inventaire des archives de la ville de Bruges, t-V. p. 132.

(2) Archives du Nord. Registre de là Recette générale de Flandre n°2897 à 2901, Comptes de 1398, 1399 (3 comptes) 1400, à 1404 (14 comptes).

(3) Archives de la Côte d'Or. B.1538. fol. 42

(4) Inventaire des archives de la Chambre des Comptes de Brubélles, t. II. pp. 359, 377, et 428.

(5) Archives communales d'Ypres,Compte du 1er octobre 1410 au 31 décembre 1405.

(6) Archives du Nord, Registre de la Recette générale de Flandre N°s 2963 à 2973.


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Le 2 Avril 1412, il fut nommé par le duc de Bourgogne écouté te (1) de la ville de Bruges. C'est-la date que nous donne M. Gilliodts-van Severen, mais il nous semble que cette nomination doive être avancée d'un mois ou deux, car nous avons vu, d'une part, que son dernier compte, eh qualité de bailli de l'Eau à l'Ecluse, s'arrête au mois dé janvier, et nous avons, d'autre part, une lettre du duc, datée de Paris le 12 mars 1412, qui décharge Pierre Gherbode de l'office de bailli de l'Eau, le nomme son écoutète à Bruges, et qui confie le soin de passer en revue la garnison du château de l'Ecluse à Jean de la Berghe (2) (Yan den Berghe) son conseiller et bailli de l'Eau de l'Ecluse, remplaçant dans ces fonctions Pierre Gherbode qu'il avait précédé comme écoutète de Bruges (3). Dans le compte de la ville de Bruges de 1411 à 1412; se rencontrent diverses donations faites à Pierre Gher-' bode. En même temps que son prédécesseur, il reçoit en franchise 2 pièces, 26 setiers, 24 pots de vin (4)-; plus

(1) L'écoutète était sous un certain rapport une espèce de sousbailli. Ses attributions paraissent en général calquées-sur celles de l'ancien sculdasius des lois lombardes,comme l'on peut aisément s'en convaincre par l'état de ses émoluments et dépenses. Cette charge était génèralement occupée par un homme de considération ; d'après quelques auteurs, elle aurait été, vers l'an 1240, héréditaire dans la famille de Sysseele. Sous l'écoutète fonctionnait l'amman chargé des citations et des exécutions mobilières et portant dans les solennités une masse ou verge aux armes du bailli. Il avait aussi sous ses ordres les sergents du comté, le geôlier de la prison et le portier de la maison dés échevins. (Warnkoenig : Hist. de Flandre, IV, p. 156.)

(2) Bibliothèque nationale, dép. des manuscrits. Collection de. Bourgogne,t. 23 fol. 65, recto ; et Archives de la Côte d'Or, B. 348 (Vidimus de la lettre du duc). La Collection de Bourgogne porte « de le Verghe », mais il faut lire « de le Berghe » en flamand « Vari den Berghe ».

■ (3) Gilliodts-van Severen, t. IV, p. 143, le cite comme écoutète de Bruges recevant à ce titre en franchise 2 pièces de vin (Compte de 1411-1412).

(4) Gilliodts, op. cit., IV, 143. Comptes de 1411-1412.


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tard, il reçoit également en franchise 8 tonnés: de ceiv voise (1). Enfin, en même temps que les deux ;bourgmestres de la ville, il reçoit un costume d'arbalétrier, car il avait de concert avec le bailli et les deux bourgmestres le commandement de ces gens d'armes, et ce don était fait en nature ou pouvait être remplacé par une somme .dé quinze sous gros.en argent (2).

En 1412, le 2 septembre, il figure en qualité de commissaire du duc à la clôture du compte communal (3), et on le voit, le 24 décembre-de la même année recevoir à résipiscence au nom. du duc, les échevins de iFurnes qui avaient usé d'opiniâtreté envers la ville de Bruges, leur chef de sens, en déniant aux échevins de cette cité le -droit d'assister à une enquête (4).

Il maria sa fille pendant qu'il exerçait ses fonctions d'éCoutète, et le compte communal de 1411-1413, nous fournit la curieuse mention d'un don fait par la ville à « Guy van Vlaendren », don s'élevant à 2 livres 2 sols et lait à l'occasion dé son mariage avec la fille de l'écoutète (5),: Gherbode termina ses fonctions■ d'écoulète, le 5 août 1413 (6), et nous possédons, à la date du 2 juillet 1413, datées de Paris, des lettres du duc révoquant la nomination du successeur de Pierre Gherbode, parce que celui-ci, Barthélémi Le Voogt, son receveur à l'Ecluse; avait épousé la fille d'un bourgeois de Bruges (7) et que cette nomination se trouvait ainsi contraire à la charte

(1) Gilliodts, op. cit. IV 146. Comptes de 1411-1412.

(-2) Gilliodts, op. cit. IV, 168.' Comptes de 1411-1412.

(3) Gilliodts, op. cit. IV, 253. Comptes de 1411-1412.

(4) Gilliodts. op. cit. t. IV, p. 220.

(5) Gilliodts. op. cit. t. IV, p; 179. ■

(6) Gilliodts. op. cit. t. V, p. 132.

(7) Gilliodts. op. cit. t. IV, p. 251.


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de privilèges accordée par Gui de Dampierre, le 15 mai 1297 (1).

Cette-nomination était-elle une disgrâce pour Pierre Gherbode? On ne peut le dire. Se rattacherait-elle au complot toujours obscur de Jacques Hutterhelle, arrêté à Paris, enfermé au Châtelet et transféré ensuite à.Maie; où il fit d'importantes révélations qui amenèrent .plusieurs notables brugeois-à aller successivement se "justifier près du comte de Charolais, à Gand, près du duc lui-même à Audenardé. M. Gilliodts-van Severen pose la question qu'il ne résout pas,- en l'absence de documents positifs'(2), Nous trouvons une .dernière fois la trace de Pierre Gherbode quelques années plus tard dans une .taxation s'élevant à 80 écus faite le'6 juin 1417 par lés commissaires- ordonnés par le duc au sujet des «aliénation et .finances levées indûment sur les gens d'église'et -non nobles de la Flandre. » Cette somme était due pour le droit de nouvel acquêt d'un fief acheté au seigneur de Brisseul par Pierre Ghe.rhode, et situé à Fiers (3),, Ascq(4)et Annappês (5 et 6).

(1) Gilliodts, op. cit., t. I, p. 52, n° 98 et t, IV, p. 252. '

« Nous lor ottregons et donnons que nous ne nostre hoir » conte de Flandres- ne ferons ne establirons des ore en avant » bailliu ne escoutète de Bruges homme s'oit neis ne manans ou » mestier ou dedans lé pourohainte du mestier de" Bruges».

(2) Gilliodts-van Severen. Inventaire des archives de la ville de Bruges, IV p. 252.

(3) Fiers, département du Nord, arrondissement de Lille, canton de Lannoy. ;

(4) Ascq, département du Nord, arrondissement de Lille, canton de Lannoy.

(5) Annappês, département du Nord, arrondissement de Lille, canton de Lannoy.

(6) Archives du Nord. B. 1601. fol. 92. v.


223 —

§ Il —DESCENDANTS DE THIERRY GHERBODE

Dans les textes de l'époque, nous voyons apparaître un Thierry Gherbode, que parfois les généalogistes ont confondu avec le .garde des Chartes de Flandre, et qui dut être son contemporain. On le voit jouer un rôle important dans la guerre que soutint en Hollande contre Jacqueline de Bavière le duc Philippe, le Bon, en 1424, 1425, et

1426 (1). Il s'y trouvait sous les ordres de Roland d'Uutkerke qui marcha au secours du duc de Bourgogne, et il fut armé chevalier au cours de la guerre (2).

Dans les comptes de la Recette générale de Flandre, à la date de 1426, nous trouvons .'une mention, de la somme de 510- francs accordée à Messire Thierry Gherbode, chevalier bachelier, pour ses gages et soldes et ceux de 8 hommes d'armes au service du duc en son armée de Zélande et de Hollande(3). Malheureusement ce chevalier fut tué au siège de Zevenberghe (4) le 20 mars 1427, dans une escarmouche, et la ville se rendit le 15 avril

1427 (5), M de Borchgrave, dans son article biographique sur Thierry Gherbode, mentionne « in fine ». son

(1) Voir pour les détails de cette guerre, Kerwyn de Lettenhove : Histoire de Flandre, t. IV, pp. 239, 240, 241.

(2). Livre des trahisons de France envers la maison de Bourgogne (Edition Kerwyn de Lettenhove, Collection des chroniques belges, p.,182 et.su.iv.)

(3) Archives du Nord, B. 1935, fol. 158, recto. -

(4) Zevenberghe, Hollande.

(5) Livre des trahisons, p. 194. — Kerwyn de Lettenhoye : Histoire.de Flandre, IV,- p..241.


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homonyme, mais il fait erreur en disant qu'il fut tué au. siège de Harlem.

Au dire d'un manuscrit généalogique de Bruxelles, il était petit-fils du personnage dont nous écrivons la bipgraphie, par Jean Gherbode, qui avait épousé Adélaïde de Cuninghem (1).

Thierry Gherbode, garde des Chartes de Flandre, et conseiller du duc de Bourgogne, eut plusieurs enfants naturels ; nous avons vu plus haut les différentes lettres de légitimation qui leur furent accordées par le duc. Nous en trouvons plusieurs qui occupèrent, après sa mort,, un rôle considérable dans le pays, ou qui y contractèrent les alliances les plus honorables. Ainsi, Jeanne Gherbode, qui était fille légitimée, par acte du 17 mai 1420, de Thierry et de Peronelle Patinière de Lille (2), épousa Charles de Glifoeille (3). Nous trouvons dans le même volume la mention d'Elise Gherbode, que nous n'avons pu rattacher avec certitude à notre personnage, et qui, en 1440, fut mariée à Antoine de Baent (4).

Marie Gherbode, fille légitimée de Thierry et de Jeanne Waye (5) épousa, comme seconde femme, Gauthier van

(1) Bibliothèque royale de Bruxelles. Département des manuscrits. Fonds Goethaels N° 737, p. 30.

(2) Archives du Nord.B, 1602, fol. .101, verso et recto. — Le manuscrit de Bruxelles l'indique comme petite-fille de Thierry.

(3) Gilliodts-van Severen : Coutumes des pays et Comtés de Flandre, t. IV : quartier de Furnes (p. 458) Bruxelles, 1897, in-8». M. Dhondt de Waepenaert (Quartiers généalogiques des familles "flamandes, Bruges, 1871, in-4°, pp. 77 et 78), indique comme père 'de Jeanne Gherbode, Philippe, qui aurait épousé Isabeau de Landas, qui est donnée dans les portefeuilles Goethaels, comme femme de Thierry Gherbode.

(4) Gilliodts, op. cit., p. 124. Le manuscrit n" 737 du fonds Goethaels, l'indique comme petite-fille de Thierry, fille de Jean.

(5) Archives du Nord, B, 1603, fol 45, v. et 46, r. Jeanne Waye dont il est ici question était elle-même là fille légitimée, aux dires de l'acte de légitimation de ses enfants, de Martin Waye et de Marie; Slangen dite Carbonnelle -de Lille. — Lé Manuscrit de Bruxelles indique Marie Gherbode comme petite-fille de-Thierry'.


de Gasteele, chevalier-bailli de Flandre, qui avait épousé en premières-noces Catherine van de Woestyne (1).

En 1438, la ville de Bruges fit une émission de rentes viagères; et nous voyons, par une double mention des archives de cette ville, Pierre Gherbode faire un achat de ces rentes pour lui et ses deux frères Georges et Jean (2).

C'étaient trois enfants de Thierry Gherbode et de Jeanne Waye, légitimés par lettres du duc, en date dû 28 avril 1424 (3). Georges Gherbode, qui porte alors le titré de" contrôleur des comptes -des officiers de Flandre; reparait dans le compte 1460-1461. Il y reçoit la somme de 300 livres pour la vente au duc d'une maison située, à Lille, près du palais Rihoult (4). Jean Gherbode devint écuyer-bailli du métier d'Ost-Ypres, et en cette qualité nous possédons de lui une série de six comptes allant du 14 février 1452 au 5 mai 1460 (5). Il fut aussi receveur du domaine de la ville et seigneurie de Wervicq et en cette qualité rendit les comptes du 25 décembre 1459 au 24 juin 1461 et de l'année suivante (6). .

Au mois de décembre 1407, par lettres datées de Bruges, le duc de Bourgogne légitimait Evrard Gherbode, ' clerc, fils de Thierry et de Jeanne Le Merchière de Lille (7) qui joua dans la suite du siècle un rôle assez considérable. On le voit dans le compte de la ville de Bruges de 1431-1432 recevant une gratification à raison

. (1) Merghelynck (Arthur), Recueil de généalogies inédites en Flandre, 1.1, p. 53.

(2) Gilliodts-van Severen. Inventaire des Archives de la ville de Bruges, v. p. 177.

(3) Archives du Nord, B, 1602, fol. 45, v. et 46, r. (4): Archives du Nord, B, 2040, fol. 203, v.

(5) Inventaire des archives des chambres des comptes,t. Il, p. 430.

(6) Archives du Nord, registres 939 et 940.

(7) Archives du Nord, B, 1600, fol. 81, r.

15


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d'un appel qu'il poursuivait, devant le Parlement de Paris, au nom de cette ville, dans une affaire contre la ville de Thielt(l).

Il était, nous dit Foppens, dans son histoire du Conseil de Flandre (2), clerc du diocèse;de Tournai, chanoine de l'église Saint-Donat de Bruges, et il fut conseiller, au Conseil de Flandre de 1440 au 12 avril 1458, date de sa mort indiquée par son épitaphe (3) en l'église SaintePharaïlde de Gand, où il fut inhumé. Il assistait, le 13 novembre 1451, à la. publication des instructions du duc Philippe le Bon, au Conseil de Flandre, siégeant-à. Ypres (4), et il recevait de la ville d'Ypres une rente, viagère annuelle de 144 livres (5). Le 5 mai 1439, nous voyons Jacques. Gherbode et sa femme Isabelle conclure un échange de 8 mesurés de terre avec Saint-Martin d'Ypres (6).

(1) Gilliodts-van Severen. Inventaire des archives de la ville de Bruges, t. V, p. 42.

(2) Foppens (François) Histoire du conseil de Flandre, p. 105 et 106

(3) Voici son épitaphe, rapportée par Foppens, op. cit., p. 106:

« Cy gist honorable homme

M. EVERAUD GHERBODE, licencié ez-loys

Conseiller du roy, nostre sire

et de très-redouté Seigneur Mgr le duc

Philippe de Bourgogne, de Brabant, de Limbourg

Comte de Flandre.

Lequel trépassa à Gand, le 12e jour d'avril 1458.

Priez Dieu pour l'âme. »

Le Compendium chronologicum épiscoporum Brugensium (p. 110), donne à Gauthier Gherbode, frère de Thierry et qui lui succède en 1407, les titres que possède Evrard et le fait mourir à la même date du 12 avril 1458.

(4) Vandenpeereboom (A.) : Le Conseil de Flandres à Ypres, p. 221.

(5) Archives communales d'Ypres. Compte des rentes viagères du 31 décembre 1459 au 1" janvier 1461.

(6) Cartulaire de Saint-Martin d'Ypres, t. II, p. 717.


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Nous rencontrons vers la même époque Gilles Gherbode. Il est indiqué dans les fragments généalogiques du fonds Goethaels comme un des petis-fils de Thierry Gherbode. Il doit avoir quitté Ypres pour aller se fixer à Werwicq, où nous avons déjà vu qu'un membre de sa famille remplissait, quelques années auparavant, les fonctions d'échevin.

Nous le voyons obtenir la permission de se marier hors de la ville avec une fille de Werwicq, à la condition de payer une taxe d'une livre, et de revenir dans la quinzaine coucher dans la ville (25 juin 1441) (1). Il devait s'agir probablement de secondes noces, car nous savons que Gilles Gherbode avait épousé Marie Witten : qui mourut le 16 avril 1439, et qui possédait une rente viagère annuelle de 36 livres parisis (2). Dans la -même année 1439, le 20 juin, ce personnage vend 4 mesures de terre, sises à Brielen (3), à Christophe Paeldinc (4). C'est probablement le même qui figure parmi les commissaires établis par le duc de Bourgogne, pour faire une enquêté sur les excès commis par les serviteurs du duc (5),- le même aussi qui fut bailli du métier du WestYpres, et dont nous possédons en cette qualité une série de quinze comptes allant du 18 août 1462 au 10 janvier 1468 (6).

Les archives du Nord nous citent dans le compte de 1440 Mre Guérard Gherbode, « conseiller de mon dit

(1) Archives communales d'Y près. Reg. unique aux publications, fol. 13. v.

(2) Archives communales d'Ypres. Comptes rentes viagères du 31 décembre 1438 au 1er janvier 1440.

(3) Brielen : Belgique., Flandre Occidentale, arrondissement et canton d'Ypres.

(4) Cartulaire de Saint-Martin d'Ypres, t. Il, p. 721.

(5) Inventaire des Archives des Chambre des Comptes, I, p. 332.

(6) Inventaire des Archives des Chambres des Comptes, II, p. 428:


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seigneur en sa Chambre de conseil à Gand, » mais il faut, selon nous, admettre une faute du copiste et identifier ce personnage avec Evrard Gherbode, qui était conseiller du duc à cette époque.

M. Gilliodts-van Severen, dans l'édition de l'obituaire de Saint-Donat de Bruges, cite, à la date du 18 mars, M. Gautier Gherbode (1), chanoine et sous-diacre, à la date du 27 avril, un Alard Gherbode (2), chanoine de StDonatien, le même dont parle l'obituaire. On le voit dans cet acte ratifiant avec sept autres chanoines un traité par lequel la ville de Bruges rachète au chapitre de SaintDonat, moyennant 5 livres 6 sols à payer annuellement un service pour les trépassés auquel elle était obligée chaque année, le 22 mai, par ordre du duc (3).

Au XVIe siècle, nous possédons encore diverses mentions de la famille Gherbode. L'obituaire de l'abbaye-de Cysoing nous cite un Thierry Gherbode, qui y était moine et sous-diacre, et qui y mourut au mois de juillet 1549 (4),

(1) Indiqué également dans les fragments généalogiques de Bruxelles comme un petit-fils de Thierry Gherbode. — Nous venons d'avoir, par un document des archives de l'évêché de Bruges, la preuve que Gautier Gherbode était le frère de Thierry, garde des Chartes des Flandres, étant, comme lui, fils de Jean Gherbode. Il succéda à son frère dans la prébende qne celui-ci occupa durant un an à la Collégiale de Saint-Donatien de Bruges,, et obtint, le 22 juin 1407, le canonicat vacant par la démission de son frère Thierry. (Archives de l'Evêché de Bruges, fonds de Saint-Donatien. Registre C, 1395-1413, fol. 91, verso).

(2) Gilliodts-van Severen : Compte-rendu de la Commission royale d'Histoire de Belgique, année 1889, p. 333 et 335. « L'ancien planaire, dit M. Gilliodts-van Severen, dans les conclusions de son article, est un. manuscrit du commencement du XIVe siècle, ou tout au plus tard de la fin du XIIIe siècle, et le nouveau du milieu du XVe siècle, sauf les additions qui furent continuées jusqu'à la fin XVIe siècle ». — Les mentions de Gautier et d'A-lard Gherbode figurent parmi celles du « Novus liber ».

(3) Gilliodts-van Severen : Inventaire des archives de la ville de Bruges, t. V, p. 286.

(4) « Nonis Julii obiit frater Theodericus Gerbode, subdiaconus et canonicus noster (1549) ». Obituaire de Cysoing, 1468-1670. Coussemaker (Ignace de), Cartulaire de l'abbaye de Cysoing, p. 738. -


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En 1591, nous rencontrons-une commission de bailli de Werwicq, donnée à François de Gherbode (14 août 1591 (I). Nous avons conservé deux comptes que ce personnage rendit en qualité de bailli de Werwicq, l'un du 15 décembre 1598 au 15 avril 1602, l'autre du ;15 avril 1617 au 15 avril1620 (2), et nous le voyons dans les comptes de la ville d'Ypres, recevoir en 1599 un cadeau de six pots de vin (3).

Pour les XVIIe et XVIIIe siècles, nous avons trouvé aux Archives: départementales du Nord quelques documents sur la famille Gherbode. Ils sont venus confirmer et parfois heureusement compléter les fragments généalogiques que nous avions rencontrés, relatifs à cette famille. Ce sont d'abord des débris d'une lettre adressée à un membre de la famille Gherbode par un moine de l'abbaye de Sairit-Bertin à Saint-Omer, dans laquelle il répète ce que nous avons reproduit plus haut des divers Gerbodons qui ont été avoués de l'abbaye, et où il raconte que l'abbé a signalé les armes d'un Gerbode.dans un vieux vitrail d'Ecosse, au dire d'un officiel', d'où il conclut en faveur d'une origine écossaise de la famille (4). Nous y voyons ensuite un fragment généalogique de la , famille Gherbode commençant à Jean de Gherbode qui -épousa Marie Horgel (5).

Nous y avons aussi, à la date du 16 décembre 1681, un

(1) Archives du Nord. B, 56. Refondu, fol. 18, verso.

(2) Inventaire des Archives des Chambres des Comptes, II, p. 421.

(3) Archives communales d'Ypres. Comptes du 1er janvier au 31 décembre 1599, fol. 43.

(4) Archives du Nord, Série E. (Le classement de cette série n'étant pas encore effectué, il nous a été impossible d'indiquer le numéro de cette pièce). La lettre n'est pas datée mais semble de l'époque que nous lui. assignons. Elle parait incomplète et est paginée de la page 13 à la page 16.

(5) Archives du Nord, série E.


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procès-verbal du bourgmestre et des échevins de Werwicq.'A la prière de Jean-Baptiste de Gherbode, ils constatent l'état d'une épitaphe aux armes de Gherbode dans l'église des soeurs grises de Werwicq, à côté de l'entrée, épitaphe de Jean de Gherbode (+ 1540) et de Katherine de Haudion (+ 1552), dans le réfectoire du couvent deux vitraux-aux armés des Gherbode, et dans l'église paroissiale, la chapelle (1) des Gherbode où se trouvent leurs écussons et leur, devise « effen uut » en lettres d'or (2). La série E des Archives du Nord nous offre également, à la date du26 août 1686, l'enquête qui se fit sur le fait de la noblesse de la famille (3).

L'armoriai général, dans le volume consacré à la Flandre, contient trois mentions de la famille Gherbode avec l'enregistrement do leurs armoiries ; la première est de Jean-Baptiste de Gherbode et d'Eléonore de Mailly Couronel, son épouse ; la seconde est encore du même; la troisième de Anne-Thérèse de Eeckoute, veuve de Philippe-Jean de Gherbode (4).

Une branche de la famille Gherbode se fixa en Artois d'assez bonne heure, car nous trouvons parmi les officiers de la chancellerie d'Artois Pierre-Horace de Gher(1)

Gher(1) chapelle, dont nous avons constaté l'existence actuelle, se trouve située au côté nord de l'église,'vis-à-vis du choeur. On n'y voit plus actuellement que trois pierres blanches en forme de losange dans le sol; celle du milieu, la plus grande, renouvelle l'épitaphe de Thierry Gherbode ; la seconde porte l'inscription funéraire de Jean-Baptiste de Gherbode, décédé en 1720, et qui fit une fondation dans l'église; l'autre, celle d'un descendant des Gherbode, qui s'appelle Laumosnier. La clôture de la chapelle est en bois sculpté, dans le goût du XVlIIe siècle, et porte les armes des Gherbode.

(2) Archives du Nord, série E, pièce en papier contenant quatre feuilles.

(3) Archives du Nord, ibid., registre en papier.

(4) Armoriai général: Flandre, état présenté en 1697, bureaux d'Ypres, de Lille, pages 141, 206, 366.-


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bode, fils de Nicolas, qui. épousa Marguerite de Douai, fille d'un échevin d'Arras, et en secondes noces Margue^ rite Le Comte, et qui eut trois enfants : Charles-Albert, mort à Arras en 1681, Philippe-François et Jean-Baptiste qui mourut à Werwicq, le 13 avril 1721, ne laissant pas de postérité et le dernier de saiamille (1). On a conservé l'épitaphe de ce dernier en l'église de Werwicq ; elle offre une variante pour la date de la mort qu'elle place au 16 avril 1720 (2).

Jean Philippe de Gherbode, seigneur d'Espaing, figure comme un délégué de la noblesse des Provinces Unies aux Etats de Lille dans un passeport délivré à Versailles par le roi de France, le 29 avril 1707 (3) ; de même, par une lettre du 10 octobre 1737, de Fontainebleau, le roi Louis XV convoque aux Etats d'Artois, pour le 4 novembre suivant, un autre membre delà famille Gherbode, qui déjà fixée à Werwicq devait encore compter quelques représentants dans cette province (4).

Au milieu du XVIIIe siècle, un membre de la famille

(1) Ténias (A. de). La chancellerie d'Artois, ses officiers, leur généalogie, p. 134.

(2) Epitaphe de J. B. Gherbode.

Ecusson et devise

D. O. M.

Sépulture

de noble homme J. B. DE GHERBODE

Ecuier, sgr. de la Haye, d'Hazebrouck et

fils d'Horace Pierre et de dame

Marguerite de Douay

fondateur de quatre messes par

semaine à célébrer à perpétuité

dans cette chapelle

pour le soulagement

des âmes du purgatoire,

décédé le 16 avril

1720

R. I. P.

(3) Archives du Nord, E, pièce en papier.

(4) Archives du Nord, E pièce en papier.


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Gherbode, Charles Gherbode d'Espaing devint abbé de Saint-Bertin, et reçut le 29 août 1745 en son église la Bénédiction abbatiale en présence des abbés de Bergues Saint-Winoc et d'Auchy des mains de Mgr de Valbelle (1), évêque de Saint-Omer (2).

En 1767, le 29 janvier, nous trouvons les lettres de provision de l'office du gouverneur de la ville de Bailleul, en faveur de Louis Philippe Marie de Gherbode d'Espaing, et c'est la dernière mention que nous avons de cette famille (3).

Les bibliothèques des villes de Lille (4) et de Douai (5) possèdent des fragments généalogiques sur la famille Gherbode. Ils sont l'oeuvre de généalogistes du XVIIIe siècle, et s'arrêtent à l'état de la famille à cette époque, mais ils ne nous apprennent aucun détail intéressant sur les origines et les premiers temps des Gherbode. Ils peuvent être complétés par quelques documents de la série E des Archives du Nord.

(1) Joseph Alfred de Valbelle, évêque de Sarlat, coadjuteur de Saint-Omer, le 2 avril 1723, y mourut le 13 Juin 1754 (Gains: séries episcoporum, p. 619).

(2) Pruvost : Chronique et Cartulaire de l'abbaye de Bergues, Saint-Winoc, t. II, p. 706.

(3) Coussemaker (Ignace de) : Documents inédits sur la ville de Bailleul, t. II, p. 368.

(4) Catalogue des manuscr. des bibliot. publ. des départements, t. 26, Paris 1897, N°s 181 et 182. Fonds Godefroy, p. 618.

(5) Catalogue des manuscr. des bibliot. publ. des départements, t. 6, Douai-Paris 1878, N° 950, p. 686.


DEUXIEME PARTIE

Thierry GHERBODE

Premier Garde des Chartes de Flandre et Secrétaire du Duc de Bourgogne

CHAPITRE I

Thierry GHERBODE Premier garde des Chartes de Flandre

« Il ne semble pas, dit M. de Saint-Génois dans son inventaire des Archives des Comtes de Flandre, que pour la Flandre il y ait eu des gardes-Chartes en titre avant la fin du XIVme siècle. Il est probable qu'antérieurement à l'établissement de la Chambre des Comptes de Lille, en 1385, la surveillance des « lettrages et muniments était confiée au secrétaire des Comtes » (1).

(1) de Saint-Génois : Inventaire, analytique des Chartes des Comtes de Flandre, p. xxv. ...


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M. de Samt-Genois cite, à l'appui de cette opinion, une lettre du 31 mars 1357, dans laquelle Jean Hardis, clerc conseiller de Marguerite, comtesse de Flandre, et de son fils Louis, déclare recevoir de Jacques de Libaufosse (1), secrétaire du comte de Flandre, un certain nombre de documents, que ce dernier avait eu soin d'inventorier et de revêtir de sa signature (2). L'aimée suivante, en 1358, maître Sohier de la Beque, prévôt de Harlebefce (3), et chancelier de Flandre, ouvrit un répertoire contenant les chartes du comte, et qui existait encore au moment où Thierry Gherbode entrait en fonctions. Il fut remplacé en 1386 par un autre registre similaire (4).

Quand Philippe le Hardi eut réclamé l'héritage de son beau-père, il institua à Lille pour la Flandre une Cour analogue à celle qui réglait les finances de son duché. Parmi les obligations des nouveaux conseillers il prescrivit, par son ordonnance du 15 février 1385 (vieux style) « de s'employer quand ils auront espace à visiter les chartes registres et lettres touchant ledict seigneur, pour être mieux instruits de ses faits au temps adverse » (5). C'était conférer virtuellement à la Chambre des Comptes de Lille un droit de haute surveillance sur les archives du comté de Flandre. Ces archives se trouvaient réparties,

(d) Sur Jacques de Libaufosse qui apparaît en divers actes du comte Louis de Maie, voir Cartulaire de Louis de Maie édité par le comte de Limbourg-Stirum, t. I, p. xtx.

(2) Cité par de Saint Génois d'après l'original conservé aux archives do là Flandre Orientale (Chartes de Ruppelmonde).

(3) Hàrlebekè, Belgique, Flandre Occidentale. — C'est probablement Sohier de la Beke, qui fut prévôt de Saint-Donat de Bruges, de 1378 à 1393.

(4) Champollion : Mélanges historiques. (Coll. de documents inédits) p.p. 46 et suiv.— Art. de M. Le Glay sur les Archives du département du Nord.

(5) Placards de Flandre, t. 1, p. 234, et Le Glay : Mémoire sur les Archives départementales du Nord, pp. 2 et 3.


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depuis un temps immémorial, entre deux dépôts, l'un situé au château de Ruppélmonde (1), dans le territoire flamingant, et l'autre au château de Lille dans le pays wallon (2).

Le château de Ruppélmonde se trouvant éloigné du siège de la Chambre des Comptes, et ne paraissant pas offrir une entière sûreté, on en retira, immédiatement un grand nombre d'actes originaux, de cartulaires et d'autres documents, qu'on amena au château de Lille (3) ; et trois ans plus tard, en 1388, Thierry Gherbpde, alors secrétaire du duc, fut chargé, avec Pierre Blanchet, qui était conseiller et maître des requêtes, d'inventorier ce qui était resté dans le dépôt flamand (4). Ce fut en février 1388 qu'eut lieu cet inventaire, qui contient en tête la mention des deux auteurs, Thierry Gherbode et Pierre Blanchet, et nous savons par lui que le château de Ruppélmonde contenait, réparties en dix-sept armoires, cent cinquante trois layettes différenciées les unes des autres par un signe particulier (5). Ce classement des archives de Ruppélmonde dura du 30 janvier 1388 au 11 juin suivant, et Thierry Gherbode reçut pour ces 134 jours, qui lui furent payés à raison de 2 francs par jour, la somme de 268 francs, allouée par. un mandement du duc du 10 janvier 1389 (6). Au mois de mai 1388, Thierry Gherbode ne se contenta pas défaire l'inventaire des chartes du château de Ruppélmonde. Avec le même Pierre Blanchet, il y fit un in(1)

in(1) Belgique., Flandre orientale, arrondissement Saint-Nicolas, canton dé Tamise.

(2) Le Glay : Op. cit. p: 27. — Gachard : Notice sur le dépôt des archives du royaume de Belgique, p. 2. — de Saint Génois : Op. cit. p. XI.

(3) Inventaire de la série B des Archives du Nord (t. I ancien),, Introduction, pp. IX et X.

(4) Ibid. p. xi.

(5) de Saint Génois: Op. cit. p. XI.

(6) Archives de la Côte d'Or, B. 1469. Fol. .32. Verso,


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ventaire complet des meubles et de l'artillerie qui s'y trouvaient et il exécuta la même opération dans les châteaux que possédait le duc à Beveren (1), Chaestinghe (2), et l'Ecluse, mais les archives du Nord ne possèdent pas les inventaires faits dans ces deux derniers châteaux (3).

Le duc de Bourgogne accorda, par lettres du 5 juillet de la même année, une somme de 30 francs à Thieriy Gherbode et à Jean de la Keythulle pour lès récompenser de ce qu'ils avaient copié au château de Ruppélmonde certaines lettres relatives à la Flandre, et la quittance de cette somme porte la date du 18 juillet (4). De même, un an plus tard, les 23, 24 et 25 décembre, Thierry Gherbode, après s'être rendu de Malines à Gand près du Prévôt de Saint-Donat de Bruges (5), que le duc appelait à Malines, et être revenu dans cette ville, s'en alla, les 4 et . 5 janvier 1390, pour visiter, en compagnie de Pierre Blanchet, les archives du château de Ruppélmonde. Puis il retourna à Gand et à l'Ecluse près du duc, le quitta de nouveau pour avoir une entrevue avec don Denys de Portugal (6), et il reçut, pour ces divers voyages, une

(1) Beveren : on trouve quatre Beveren dont trois dans la Flandre occidentale. (Arrond. de Furnes,' de Courtrai, et de Roulers, et un dans la Flandre orientale, arrond. de St-Nicolas).

(2). Chaestinghe. — Il nous a été impossible d'identifier cette localité.

(3) Archives du Nord, B. 3533.

(4) Ibid. Comptes de la Recette générale de Flandre, N° 238 (reg. non folioté).

(5). Le prévôt de Saint-Donat de Bruges était alors Sohier de la Beke, qui occupa ces fonctions de 1378 à 1393.

(6) Don Denys de Portugal, fils de Pierre I, roi de Portugal, et d'Inès de Castro (Art de vérifier les dates, t. ï, p. 780, édition del783).

Sur Denys de Portugal, voir la notice que Le Glay a insérée dans ses Archives historiques, pp. 418-458 où l'on explique comment ce personnage vint en Flandre. Une pièce du duc Philippe le Hardi, relative à cette affaire, datée de Gand du 7 janvier 1389 ( 1390 nouv. style), et contresignée par Thierry Gherbode, est reproduite par Le Gay, op. cit., pp. 455457.


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somme de 14 francs, qui lui fut octroyée par un mandement du duc, eu date du 27 janvier suivant (1),

Les 28 et 29 janvier 1390, Thierry Gherbode se rendit à Lille et Arras, pour y travailler avec le chancelier, et du 4 au 13 février Suivant, il s'en alla à Audenarde et à1 Ruppélmonde en compagnie de Pierre Blanchet, et il reçut pour cette double absence, qui dura 17 jours, la somme de 34 francs (2). En 1392, il demeura 5 jours à Lille en compagnie du chancelier, pour.y travailler avec lui, puis retourna à Ruppélmonde, pour y chercher certaines lettres qu'il alla rapporter au duc en le rejoignant à Hesdin. Ce second voyage dura 7 jours, et une somme de 24 francs lui fut allouée par mandement du duc, du 23 juillet suivant (3). En 1393, par lettres datées d-e Paris, le 7 août, le duc l'envoya en Brabant, aux gages de 2 francs par jour, en compagnie de plusieurs autres. Il avait pour mission d'aller trouver la duchesse dé Luxembourg et de Brabant (4), tante du.duc, et de travailler avec ses gens à un inventaire et à une mise en ordre de ses chartes, qui se trouvaient déposées à Nivelles (5 et 6). Le duc mettait l'expérience de son

(1) Archives de la Côte d'Or, B. 1479, fol. 35, r.— D'après M. Petit (Itinéraire des dues de Bourgogne, Philippe le Hardi et Jean sans Peur), le duc fut à Malines du 21 au 26 décembre 1389 (p. 215), à Gand, du 2 au 9 janvier 1390, et à l'Ecluse, le 17 janvier (p. 216).

(2) Ibid. B. 1479, fol. 31, r, (Syibid. B. 1495, fol. 25, v. ■

(4) Jeanne, fille du duc Jean III, régna à partir de 1355, bellesoeur de Louis de Maie, tante de Philippe le Hardi, veuve en 1383, de Wenceslas, duc de Luxembourg; elle mourut en 1405, laissant comme héritiers la duchesse dé Bourgogne, Marguerite de Maie, sa nièce, et un de ses. fils, Antoine de Bourgogne, tué à Azincourt, en 1415.

(5) Nivelles, Belgique, province du Brabant, chef-lieu d'arrondissement.

(6) Bibliothèque nationale, Départ., des manuscrits. Coll. de Bourgogne, t. XXIV, p. 64, v.


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secrétaire au service de sa famille; c'est la meilleure, preuve qu'il appréciait déjà son' habileté et ses bons services.

La mission de Thierry Gherbode à Nivelles dura quatre-vingt-huit jours, du 9 août 1393 au 6 novembre suivant, et il quitta à cette date le Brabant, pour regagner Dijon. Le duc lui donna pour ses gages et les frais de son voyage, la somme de 176 francs (1). En outre, ses clercs, qui l'avaient accompagné pour faire ce classement et dresser l'inventaire des archives de Nivelles, reçurent, en vertu d'un mandement du duc, daté du 17 septembre 1394, une gratification de38frs (2). Thierry Gherbode retourna, en 1395, visiter les archives de Brabant, et il fut absent, à cette occasion, cent sept jours, pour lesquels le duc lui donna 214 francs. Il retourna rejoindre à Paris le duc le 6 août, et son absence avait duré depuis le 4 mars (3).

Quelques années plus tard, nous voyons Thierry Gherbode s'en aller chercher des copies de certaines lettres dont le duc avait besoin et s'absenter ainsi seize jours, recevant pour cette mission la somme de vingt-cinq francs, la dépense de sa journée étant toujours calculée à raison de deux francs (4).

Mais nous avous vu, au début de ce chapitre, qu'une partie des archives du comté avait été, lors de la création de la Chambre des Comptée, transportée à Lille sous la surveillance des maîtres des comptes. Ce fut en cette ville, le'30 novembre 1399, par lettres datées de Rouen, que le due créa un garde des Chartes, à l'exemple

(1) Archives de la Côte d'Or. B. 1500, fol. 41, v°

(2) Archives du Nord. Registres de la recette de Flandre, n° 239. f° 52, verso.

(3) Archives de la Côte d'Or, B. 1503, f° 47, r° et v°.

(4) Ibid, B. 1508, f ° 45, v°.


de ce qui se passait au royaume de France, et même en Bourgogne, comme nous le verrons plus tard (1), Les archives de Lille et de Ruppélmonde étaient placées sous sa responsabilité directe, et M. de Saint-Génois croit, à tort selon nous, car nous possédons une lettre de nomination postérieure,. que le titre de garde des Chartes impliquait de droit la charge de conseiller du duc (2).

Le registre; conservé aux archives du .Nord (3) date l'acte;dénomination de Rouen (2 novembre 1399). Par - cet acte Thierry Gherbode était nommé aux fonctions de garde des chartes, lettres et privilèges des pays de Flandre, d'Artois, de Réthelois, de Limbourg, - ainsi que des - terres d'Oultre-Meuse et du Brabant, lorsque ce dernier pays écherra au duc de Bourgogne. Mais -rémunération était trop complète, car nous avons rencontré du vivant de Thierry Gherbode-un garde des chartes d'Artois, qui était Jean d'Espoulette. Il est qualifié, en 1416, du titre de « Garde des chartes et registres du comté d'Artois »,- et le duc, dans cette pièce, lui ordonne de prendre les fonds nécessaires pour visiter les domaines échus au prince de Brabant, s'assurer de la valeur des offices, et recevoir le serment des officiers dudit domaine (4). . Les gages attribués à Thierry Gherbode en sa qualité de garde des chartes s'élevaient à la somme de 300 livres par an, et étaient payables,' suivant l'acte de nomination, aux deux termes de la Noël et de la Saint Jean-Baptiste. . M. Finot, archiviste du Nord, dans son introduction au,: tome I refondu de l'inventaire sommaire des archives du département, évalue cette somme à environ 10.000 francs

(1) Saint-Génois (de). Inventaire analytique des Chartes des Comtes de Flandre.— On y trouve la lettre de nomination in-eoetenso d'après une copie de M. Le Glay, pp. XXVI et XXVII.

(2) Saint Génois (de), op. cit., p. 27.

(3) Archives du Nord, B, 1599; fol. 32, v. et 33, r. ;

(4) Ibid. B, 1429. .


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de notre monnaie (1). -Déplus, le garde des: chartes était logé « en son hostel de Lille » au château qui contenaitlés archives, et il était tenu, quand il quittait la Flandre, 1 de remettre les clefs de la trésorerie de Lille au premier maître des comptes (2). Le château contenant à Lille les archives du comté était le château de Courtrai bâti au début du XIVe siècle, qui se trouvait situé à l'emplacement actuel de la place du Château et de la rue des Tours. Le trésor des chartes y demeura jusqu'en 1579; il fut alors transféré à l'Hôtel de la Poterne, où siégeait la Chambre des Comptes, et qui occupait le quadrilatère compris entre les rues actuelles Esquermoise,'Thiers, des Poissonceaux et de l'Hôpital-Militaire (en partie). Avant d'occuper cet hôtel, la Chambre des Comptes avait occupé, de sa création à 1413, date de la construction de l'Hôtel de la Poterne, le château de la Salle, qui formait un . quadrilatère que délimiteraient les rues actuelles de la Monnaie, de la Deûle, Comtesse et le quai dé la BasseDeûle (3).

Nous avons plusieurs quittances relatant le paiement des gages octroyés à Thierry Gherbode en qualité de garde des chartes. Ainsi, le 18 septembre 1409, il donne quittance de la moitié de son traitement qui lui était due depuis la Saint Jean passée (4). Le compte de 1411-1412 contient .une mention identique, et on y trouve cette mention que Thierry Gherbode ne recevra rien en dehors de ses gages pour les voyages qu'il fera en Flandre, mais

(1) Finot (J.) : Introduction au t. I refondu, de l'Inventaire des Archives du Nord, t. XVIII.

(2) Archives du Nord, B. Registres de la recette générale de Flandre, n° 242, fol. 40, v. et r.

(3) Finot, op. cit., p. VII, IX, X, XVII.

(4) Archives du Nord, B, 1886, n° 33.


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que-s'il y voyageait pour un autre motif il serait payé (1). Cette même disposition se retrouve dans lé compte' de 1415-1416, ou on a encore la mention des gages accordés au garde des Chartes (2). Le compte du 26 novembre. 1416 au 24 juin 1418 contient la mention de paiements faits à Thierry Gherbode, pour les termes de Noël 1416, de Saint-Jean-Baptiste et de Noël 1417, et de Saint-Jean-Bâptiste 1418 (3). De même, le compte de 1418 à 1420 le mentionne pour les termes de Noël 1418, de Saint-Jean et de Noël 1419 (4).

Thierry Gherbode, promu aux fonctions de garde des Chartes, exécuta pour les documents qui se trouvaient à Lille un travail analogue à celui qu'il avait fait â Ruppélmonde, avec Pierre Blanchet, en 1388. Cet inventaire dont nous donnons l'intitulé parmi nos pièces justificatives, est actuellement conservé aux archives du Nord en double exemplaire. Il est écrit sur papier. L'un des exemplaires a 316 feuillets, l'autre 252 seulement, et il contient une analyse des différentes pièces qui se trouvaient alors à Lille. A la suite, un des successeurs de Thierry Gherbode, Georges d'Ostende, a ajouté une copie du traité d'Arras, de 1435 (5). Ce fut cet inventaire qui servit de base à un autre travail beaucoup plus détaillé exécuté de 1506 à 1512 par les soins des conseillers Jean Ruffault et Charles de Boulogne, chargés spécialement .de-ce travail par lettres patentes du roi Philippe le Beau (6);

(1) Archives du Nord, B. Registres de la recette générale de Flandre, n° 245, fol. 55, r. (2)Ibid; n° 246, fol. 89, v.

(3)Ibid. n° 248, fol. 81, v.

(4)Ibid, n°249, fol. 99, v. (5) Ibid., B, 113 (252 feuillets), B, 114 (316 feuillets), t. I refondu. (6). Finot : Introduction au t. I réf., de l'Inventaire des archives du Nord, p. XYIII.

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L'inventaire dressépar Thierry -Gherbode lui fit obtenir, pour la première fois son traitement de garde des-Chartes, car nous trouvons une mention d'une somme de 300 francs, valant 495 livres, à lui accordée pour, ce travail dans-le compte de 1399-1400, avec l'observation que cette somme lui a été attribuée pour faire l'inventaire (1) ; puis, dans le compte de 1401-1402, nous trouvons mention de la même somme à son profit, cette fois, pour les deux termes de la Saint-Jean'et de la Noël 1401 (2).

Le 9 août 1405, le nouveau duc de Bourgogne Jean renouvelait à Audenarde, en faveur de Thierry Gherbode, les lettres de garde des Chartes que lui avait accordées son père quelques années auparavant, et nous verrons en 1419 Philippe le Bon agir de même au moment de son avènement (3).

Le nouveau garde des Chartes de Flandre ne se contenta pas d'inventorier les pièces confiées à ses soins. Il commença aussi en 1402, à tenir un mémorial ou répertoire, qui alla jusqu'en 1414, et dans lequel il consignait avec soin les pièces qui dans ces années furent distraites par lui de la trésorerie des chartes, par ordre du duc de Bourgogne. M. Gachard, qui nous parle de ce mémorial, et qui paraît l'avoir connu, puisqu'il nous en cite un passage reproduit par M. Gilliodts-van Severen dans son Inventaire des archives de la ville de Bruges (4), nous dit qu'il est conservé actuellement à Bruxelles dans les

(1) Archives du Nord, B. Registres de la recette générale, n° 242, et non le registre n° 241, cité par erreur par Mgr Dehaisnes : Histoire de l'Art dans la Flandre, l'Artois et le Hainaut, t. n, p. 792. -

(2) Ibid. n°243, fol. 40, v.

(3) Ibid., B, 1600, fol. 23, v.

(4) Gilliodts-yah Severen : Inv des Arch. de la ville de Bruges, t. IV, p. 117.


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archives du Royaume, et en indique même la cote (l), mais nous n'avons pu l'y retrouver, malgré nos recherches > personnelles 'et celles que nous y avons fait faire (2).

Quoi qu'il en soit, Thierry Gherbode ne se désaississait d'aucun document conservé dans le dépôt confié à sessoins, sans exiger au préalable une pièce le déchargeant de toute responsabilité au sujet de l'acte délivré, et sans obtenir des instructions spéciales.

M. de Laborde nous cite, à la date du 27 avril 1405, une lettre donnée à Male, par laquelle Antoine de Bourgogne, comte de Limbourg, et frère du duc Jean, promet de restituer à Thierry Gherbode les clefs et les répertoires de la trésorerie de Nivelles, qui étaient en.sa possession. Thierry Gherbode les avait remis, sur l'ordre du duc de Bourgogne, au comte Antoine, qui désirait consulter les chartes de ce dépôt pour son contrat de-mariage (3 et 4).

Eu 1408, le 29 avril, le chancelier de Bourgogne écrit à Thierry Gherbode, et lui ordonne de conserver dans ses archives les chartes originales, s'il s'agit de chartes émanant du duc lui-même, et seulement les copies, si ce sont des pièces provenant du comte de Nevers (5). La même année Antoine de Bourgogne, par lettre écrite à

(1) Registres aux Chartes (n°s .777 et 823) de l'Inventaire imprime :.Ce sont de simples copies, de titres demeurés à Lille, qui furent remises, collationnées par Godefroy, aux commissaires chargés de prendre dans les archives de -Lille, ce qui concernait les pays cédés par la France, au siècle dernier.

(2) Gaehard : Notice sur. le dépôt des Archives du Royaume de Belgique, p. 397.

(3) Antoine de Bourgogne épousa.: 1° le .21 février 1402, Jeanne fille unique de Walrand de Luxembourg, et 2° le 6 juillet 1409, Elisabeth, fille de Jean de Luxembourg. On sait qu'il fut tué,Te 25 octobre 1415, à la bataille d'Azincourt.

(4) Laborde (de) : Les ducs.de Bourgogne, t. I, p. IX.

(5) Archives du-Nord, B, 528-(trésor des. chartes, ,n° 19527).


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Bapaumé, le 8 juillet, lui demande plusieurs pièces touchant ses terres et seigneuries (1).

Cette année aussi, nous voyons le duc Jean lui-même s'adresser directement à Thierry Gherbode pour lui demander certaines pièces ou donner décharge de celles qu'il avait reçues. Ainsi, le 1er juin, il lui donna décharge d'une lettre, sous le vidimus du Châtelet, du roi de .France qui lui pardonnait l'assassinat du duc d'Orléans, et déclarait « oster de son corage toute desplaisance que par le rapport d'aucuns de nos malveillans ou autrement povoit avoir envers nous pour occasion de la mort de feu le duc d'Orléans » (2).

De même, en 1409, nous voyons le duc de Bourgogne écrire à Thierry Gherbode pour lui ordonner de préparer le récépissé que les villes du pays de Liège devront donner de leurs lettres et de le copier â l'imitation de ceux que les villes de Flandre ont eus en 1329. Il lui demande encore de prendre une copie du traité de mariage du comte de Clèves et de la fille du duc (3 et 4). Ceci se passait le 7 novembre ; quelques mois plus tôt, le 9 août, - le duc avait accordé à Thierry Gherbode une décharge complète de toute responsabilité concernant deux bulles qu'il avait été autorisé d'extraire de la trésorerie de Lille pour les remettre aux doyen et chapitre de Saint-Donat de Bruges (5). La même année, le 2 décembre 1409, Thierry Gherbode, dans une ordonnance sur

(1) Arehiv&s du Nord, B, (pièce non encore inventoriée mais comprise dans le trésor des chartes sous le n° 19665).

(2) Bibl. Nat., Dép.-des manuscrits. Collection Moreau, t. 1423, pièce n° 50, orig. parc, scellé d'un sceau plaqué de cire rouge.

(3) Archives du Nord, B, (non encore classé). Très, des Char. n° 19661.

(4) Adolphe, duc de Clêves, marié à Marie, fille du duc de Bourgogne. Cette princesse mourut le 30 octobre 1463.

(5) Saint-Génois (baron de) : Op. cit., p. XXVIII.


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245un d'armes tenu à Lille, est désigné pour remontrer et deviser au roi d'armes de Flandre les cris et serments qui doivent être faits par les combattants (1), et nous avons aux archives du Nord des détails plus complets sur cette, affaire. Nous savons que le combat était entre le seigneur de Coutan et messire de Craon, et nous voyons le rôle dé Thierry Gherbode en cette circonstance nettement défini (2)..

En 1409, le duc de Brabant revint probablement à la charge et obtint la délivrance, le 9 août, d'un certain nombre de pièces relatives à son duché, qui furent données par Thierry Gherbode à- Guillaume Blondel, premier chambellan du duc Antoine et à maistre Jehan Mousquet, son secrétaire. L'énumération des pièces alors rendues est suivie d'un accusé de réception émanant du duc de Brabant lui-même, daté du. 9 août 1409 et de Lille (3). Ce ne furent pas les seules pièces délivrées par Thierry Gherbode au duc de Brabant, car le 7 février 1412, il lui remit encore de nombreux actes, transportés probablement à Lille lors de la conquête du Brabant en 1357, et nous trouvons, dans l'ouvrage de M. de SaintGénois un récépissé du duc Antoine.au sujet des pièces qui lui furent alors rendues (4).

En 1411, le 10 octobre, le duc de Bourgogne ordonna à Thierry Gherbode d'aller . aussitôt à Gand près de son fils le comte de Charolais et près de son conseil, et

(1) Champollion : Op. cit., t. II, p. 46.

(2) Archives du Nord,.B, 1600, fol. 88, r. et v. « Item a ordonné que maître Thierry Gherbode sera dedens les lices pour deviser audit Roy ledit cry et les sermens aussi qui seront faits par les dessusdits devant les dits connétables qui les recevra d'eulx comme il est accoustumé »

(3) Archives Royales de Belgique : Cette pièce n'est pas cotée et nous l'y avons retrouvée après plusieurs recherches.

(4) Saint-Génois (baron de). Op. cit., p. XXVIII.


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d'emporter avec lui toutes les lettres qu'il a sous sa garde, touchant la ville .de Bruges, tant celles scellées ;par les métiers portant promesse de ne point déployer leurs ■bannières sur le marché que toutes autres du même genre (1) et le 15 octobre, le duc, par lettres datées de Beauvais, lui donnait décharge de ces lettres que par son .ordre il avait enlevées des archives de Lille (2). Ces pièces, que le duc remettait aux corps des .métiers brugeois, afin d'obtenir de nouveau leur faveur, furent rendues, le 18 octobre, aux députés brugeois dans une assemblée tenue à Saint-Bavon de Gand, et on les y déchira pièce par pièce. D'après le mémorial de Thierry Gherbode, que cite l'auteur de ce récit, les sceaux en furent même arrachés (3).

Thierry Gherbode reçut à cette occasion de la ville de Bruges, pour le dédommager du transport du « Calfvel» (c'est ainsi qu'on appelait la fameuse charte restituée par le duc aux brugeois) la somme de 72 livres parisis (4). '

En 1417, le duc lui accorda encore par un mandement du 11 juillet, 20 francs d'or pour un voyage fait à Hesdin au mois de mai précédent. Thierry Gherbode y avait été appelé par le duc du 16 au 25 mai, pour la confection de certaines grandes lettres patentes (5). .Certaines lettres relatives aux biens du duc, après enregistrement en la Chambre des Comptes de Lille, étaient -déposées en la trésorerie par Thierry Gherbode lui-même qui y mettait au dos son attestation. Ainsi,

(1) Ibid.

(2) Archives du Nord, B, (non encore classé) : très, des chart., n° 19663, copie collationnée des Godefroy.

(3) Naméche : Histoire des ducs de Bourgogne jusqu'à, la bataille de Gavre, p. 106.

(4) Gilliodts-van Severen : Inventaire des archives de la ville de Bruges, t. IV. p. 119.

(5) Archives du Nord B. Registres de la recette de Flandre, n° 249, fol. 124, r.


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nous avons une-pièce du 28 octobre 1414 portant une attestation de ce genre : c'est la cession de la moitié de la forêt d'Houthulst faite par le duc Jean à son conseiller Jean de le Berghe (1).

Thierry Gherbode conserva ses fonctions de garde des Chartes de Flandre jusqu'à sa mort, arrivée, nous le savons, au mois de janvier 1421, et nous possédons, auxarchives du -Nord, les lettres de nomination de son successeur qui sont datées du 28-janvier.1422 (2). Ce fut Jean de la Keythulle, " compagnon de Thierry clans de nombreuses missions, qui obtint sa succession,- et qui l'occupa jusqu'au 20 décembre 1433, date dé son remplacement par maître Georges d'Ostende, qui fut nommé garde-des lettres et trésors estant es châteaux -de Ruppélmonde et de Lille, et dont les instructions reproduisent celles adressées jadis à Thierry Gherbode, en lui ordonnant de déposer les clefs de la trésorerie en la Chambre des Comptes, les jours où il serait absent (3). • ; L'institution du poste de garde des Chartes de,Flandre: ne fut pas pour le duc une nouveauté ; elle fut faite à l'imitation de ce qui existait depuis longtemps déjà au duché et en le comté de Bourgogne, et dé même que le duc avait fait, à Dijon et- à Poligny, procéder, à un inventaire et à une mise en ordre de son trésor des Chartes, de même en Flandre, dès son arrivée, nous le voyons s'occuper du classement des chartes de Ruppélmonde, en faire transporter à Lille la majeure partie, enfin, mettre en 1399 tout ce qui concernait ce service sous la direction de Thierry Gherbode, en appliquant les mêmes règles qui étaient en vigueur en Bourgogne.

(1) Archives du Nord, B. 1423 (très, des chart. n° 15289).

(2) Ibid, B. 1602, fol. 176, v.

(3) Bibliot. nat., Dép. des manusc. Coll. de Flandre, t. LII, fol. 129, r. etv.


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C'est en 1366 que nous trouvons la première mention d'un garde; des Chartes du duché de Bourgogne, et il est probable que cette fonction existait déjà aûparavant, C'était la règle de la voir occupée par le doyen de la chapelle du duc, qui était aussi maître des Comptes. Dans le. compte de 1366-1367, nous voyons Guy Rabby recevoir en qualité de garde des. Chartes la somme de six sols par jour (1) et comme il recevait six sols en qualité de gardé des Chartes, il n'avait plus aucun traitement en qualité de maître dés Comptes (2) .-

Guy Rabby occupa ces fonctions jusqu'en 1381, et fut remplacé par Jean Pottier, qui fut garde des Chartes de Bourgogne jusqu'en 1392, et sur lequel nous n'avons rencontré aucune mention intéressante (3) ; il n'en est pas de même de son successeur, Jean Coulier, qui occupe ces fonctions jusqu'en 1408 (4). Le compte de 1392 mentionne son traitement de six sols par jour (5). On le voit recevoir, en outre six charrettes de foin, don en nature qui lui était fourni par le châtelain de Saulx (6).

En 1395, on le voit obtenir du duc une pension de 300 francs, somme qui sera plus tard allouée également à titre de gages à Thierry Gherbode (7).

En 1408, on retrouve la mention de ses gages journaliers évalués toujours à 6 sols (8).

Il en fut ainsi pour son successeur Jean de Maroilles,

(1) Bibliot. nat., Départ, des manusc. Coll. de Bourgogne, t. CIX, fol. 113, v.

(2) Ibid., t. CIX, fol. 115, r.

(3) Laborde (de) -.Les ducs de Bourgogne, t. I, p. 524. (i)Md.

(5) Bibliot. nat., Départ, des manusc. Coll. de Bourgogne, t. CVI, fol. 162, v.

(6) Ibid., t. CVI, fol. 127, r.

(7) Ibid. t.CVI,fol. 125,v.

(8) Ibid. t. CIV, fol. 124, r.


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qui, comme Thierry Gherbode; était secrétaire du duc, et qui fut nommé gardé des Chartes à Dijon en remplacement de Jean Coulier, décédé le 6 mai 1409 (1). Il occupa •longtemps cette fonction, car nous voyons, le 31 mars 1418, le duc de Bourgogne lui écrire afin-de faire délivrer par lui les originaux concernant le mariage de Catherine de Bourgogne et du duc d'Autriche (2 et 3). Nous savons, par le compte de 1428, qu'à cette époque il recevait, à.titre de "gages annuels, la somme de cinquante francs (4). Il mourut le 18 juin 1430 (5).

Leduc de Bourgogne avait encore un garde de son trésor- des Chartes à Poligny, et nous avons-en 1408 la mention d'un certain Aubry Bouchart qui occupait alors cette fonction, et auquel par lettres de Paris, le duc déclare qu'il n'est pas compris parmi les officiers du duc dont les gages viennent d'être réduits (6). Il n'en fut plus de même, le 11 décembre! 412, date d'une ordonnance du duc Jean, dans laquelle il modérait et restreignait les gages de maître Bouchart, « lequel tant comme notre conseiller, comme garde de nos Chartres à Pôligny, a et prend de nous quatre-vingt livres esté venins, chacun an, à cinquante francs » (7).

Nous avons vu, en commençant cette étude sur les fonctions de garde des Chartes occupées par Thierry Gherbode, que son inventaire servit de basé à un inventaire plus

(1) Bibl.riat. dëp, des manus..Coll. de Bourgogne, t. CIV, fol. 125, r.

(2) Catherine de Bourgogne, fille du duc Philippe le Hardi, née en 1378, mariée à Léopold, duc d'Autriche, le 15 août 1393, dècèdée à Gray, le 26 janvier 1425 et inhumée aux Chartreux de Dijon.

(3) Bibl. nat. départ, des man. Coll. de Bourgogne, t. LV, fol. 280. v.

(4) Ibid. t. CIV, fol. 134, v.

(5) Ibid.

(6) Ibid. t. LVII, fol. 77. (7). Ibid. t. LV, fol. 53, r.


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complet rédige, de 1506 à 1512 par les conseillers Jean Ruffault et Charles de Boulogne chargés spécialement de ce travail par lettres de Philippe le Beau, de l'empereur Maximilien et de l'archiduc Charles d'Autriche. Ce dernier inventaire, conservé "actuellement encore aux archives du Nord, est un volume in-folio, comprenant 258 feuillets de parchemin, ornés de 62 dessins, à la plume (1).

Les dix gardes des Chartes qui se succédèrent de 1421 à 1550, époque où l'emploi parait avoir été supprimé, avaient continué à s'occuper,, avec zèle et intelligence, à à les classer et. à les analyser. De 1550 à 1667, date de la, suppression de la Chambre des Comptes, ce fut celle-ci qui, par l'intermédiaire de conseillers désignés à cet effet, veilla indirectement à la conservation du dépôt des Chartes (2).

(1) Archives du Nord, B. 118 (t. I refondu).

(2) Finot (J.), Introduction au t. I, refondu de l'Inventaire des Archives du Nord, p. XVIII.


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CHAPITRE II

Thierry GHERBODE Secrétaire du duc dé Bourgogne

Nous avons déjà vu (1) que Thierry Gherbode occupa diverses -fonctions à la cour de Louis de Maie, comte de Flandre, et que Philippe le Hardi, successeur du comte défunt, ne fit que lui conserver sa confiance. Les documents lés plus anciens, relatifs aux fonctions de secrétaire du comte, occupées par Thierry Gherbode, viennent confirmer absolument cette assertion. En effet, Louis de Maie mourut le 9 janvier 1385, et nous trouvons déjà, dans le compte dé l'année précédente, des mentions de sommes d'argent accordées à Thierry Gherbode « secrétaire de'Monseigneur » pour ses gages, ou à titre de gratification.

Ainsi, nous le voyons obtenir, pour ses gages de lll journées, passées au service du comte, du 13 mai au 1er septembre 1384, la somme de 222 livres, le gage d'une journée s'élevant ici à 2 livres (2); la même année encore, il reçoit du comte, à titre de don, une somme de

(1) Voir plus haut le chapitre II de notre première partie.

(2) Archives du Nord, B, Registres de la Recette générale de Flandre, Reg. n° 234 (non folioté).


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200 livres, dont il donne quittance le 26 novembre (1). Il obtient encore, cette année, pour ses gages, durant les mois de septembre et octobre, c'est-à-dire pour 61 jours, la somme de 122 livres (2). Enfin, du 1er novembre' 1384 au 30 avril 1385, nous le voyons recevoir une somme de 360 francs (3).

Nous savons aussi qu'outre les indemnités qui leur étaient allouées pour les voyages effectués au service du duc, les secrétaires avaient diverses sommes, pour achat de cire, parchemin et autres accessoires (4). De plus, ils recevaient de nombreuses gratifications de personnes ou de villes, auxquelles ils rendaient des services : nous voyons Thierry Gherbode, au moment des négociations avec l'Angleterre, obtenir une somme d'argent de la ville de Bruges, pour avoir écrit en son nom au.Roi et aux villes d'Ecosse, et nous savons que le Franc de Bruges accordait aux secrétaires du duc de Bourgogne une gratification annuelle de 20 livres (5). ;

En 1386, le duc de Bourgogne avait onze secrétaires à son service (6), et dans le compte de cette année, nous voyons Thierry Gherbode recevoir une somme .de 24 livres, pour papier, parchemin, cire, encre, et autres choses, qu'il a employées au service de Monseigneur pendant l'espace d'un an (7).

En 1385, les comptes de la recette générale de Flandre

(1) Archives du Nord, B. Registres de la Recette générale dé Flandre, Reg. 234 (non folioté).

(2) Ibid. ; loco citato.

(3) Ibid.

(4) Archives de la Côte d'Or, B, 1500. fol. 6.3, v. et 64.

(5) Delepierre (0.), Comptes du Franc de Bruges, p. 120.

(6) Bibliothèque Nationale, dép. des manusc, Collection de Bourgogne, t. C, fol. 43.

(7) Archives de la Côte d'Or. B. 1462, fol. 86, r.


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nous apprennent que Thierry Gherbode reçut 123 francs pour les mois dé mai, juin, juillet et août, et une somme de 47 francs pour un séjour qu'il fit à Paris près du duc (1) du. 1er septembre au 18 octobre' de cette année, en même temps que pour son retour de Paris à l'Ecluse, et qu'il obtint enfin 63 francs, pour solde de ses. gages de 1385 (2). La même année, le 20 septembre, le duc lui fit unegratification de 100 francs, dont Thierry Gherbode donna quittance le 29 janvier suivant (3).

Le 30 juillet 1386, nouveau don du duc à son secrétaire ; cette fois, il est de 200 francs, et la quittance de Thierry Gherbode est du 23 novembre suivant (4). Au mois de septembre de cette année, Thierry Gherbode alla de Mons à Lille, en compagnie de Robert Dangeul, un autre secrétaire du duc « pour avoir plusieurs briefs touchant Monseigneur » et il reçut pour son absence qui dura 6 jours, la somme de 12 francs (5). De même, il reçut 10 francs pour être allé la même année à Audenarde, le 23 octobre, et y être resté 5 jours (6). Enfin, cette année, encore, le duc lui-accorda une gratification de 500 francs, parce qu'il a laissé plusieurs bénéfices de Sainte Eglise à cause du service Monseigneur, et Thierry Gherbode donna quittance de cette somme le 12 juin 1387 (7).

En 1387, nous rencontrons encore deux donations faites parle duc à son secrétaire : le 25 juillet, il reçoit

- (1) Le duc de Bourgogne fut à Paris du 28 Septembre au 19 octobre 1385. (Petit : Itinéraire des ducs de Bourgogne, p. 181).

(2) Archives du Nord. Registres de la recette générale de Flandre, n° 235 fol. 45, v.

(3) ttid., fol. 53, r.

(4) Ibid.,.n°236, fol.,82, r.

(5) Ibid., n° 236, fol. 68, r.

(6) Ibid., fol. 69, r.

(7) Ibid., n° 237 (non folioté)


100 francs « en récompensation d'aucuns chevaux qu'il avait, affolez au service mondit seigneur » (1) et le 29décembre, une nouvelle gratification s' élevant à 220 francs, dont il donne quittance le 17 février suivant (2).

Le 19 juillet 1388, donation de 200 -francs (3),et paie ment de 50 francs pour ses voyages de Châlon à Gand, Bruges et l'Ecluse, du 30 août au 24 septembre, sa-journée étant calculée à raison dé 2 francs par jour (4)L'année suivante, il fut absent du 12 au 17 novembre, alla de Lille à Arras, puis à Sâint-Omer près du duc (5), qu'il avait à entretenir de « certain fait secret » et reçut, pour cette-absence de 6 jours, une somme de 12 francs (6). Les 4, 5 et 6 août précédents, il s'était rendu de Saint-Omer à Lille, avait rejoint le duc à Bergues (7), et avait reçu pour ces trois jours la somme 1 de 6 francs (8).

En 1390, il se rend, du 20 octobre au 2 novembre, de Béthûne à Bruges, puis rejoint le duc à Beauvais (9), et reçoit 26 francs pour ce déplacement (10). -

En 1393, Thierry Gherbode, comme tous les autres

(1) Archives du Nord. Registres de la recette générale de Flandre,- n° 237 (non folioté).

(2) Ibid

(3) Ibid., n° 238 (non folioté).

(4) Ibid..

(5) Le duc de Bourgogne fut-à St-Omer du 15 au 30 novembre 1389 (Petit : Itin. des ducs de Bourgogne; p. 215).

(6) Archives de la Côte d'Or, B. 1479, fol. 33, v.

(7) En août 1390, le duc est à St-Omer, le 5, et à Fumes, les 10; et 11. Il a pu vraisemblablement se trouver le 6 à Bergues, qui est la première étape ordinaire, si l'on se fend de St-Omer à Furnes (Petit : Itinéraire des ducs de Bourgogne, p. 222).

(8) Archives de la Côte d'Or, B. 1479, fol, 33, v.

(9) Le duc était à Beauvais le 6 novembre 1390 (Petit : Itin. des ducs de Bourgogne).

(10) Archives de la Côte d'Or, B. 1479, fol. 33, r.


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secrétaires, du duc obtint une somme de 80 .francs destinée à payer les robes de l'année précédente (1) ; et la même année, le 8 août, il reçut un don de 200. francs pour-ses «bons, et agréables services » (2). Le 21 janvier; 1394, nouvelle, donation , de 80 francs pour ses robes (3) et par mandement du 29 décembre de cette: année, le duc le gratifia, de 300 francs pour ses bons services et pour la peine qu'il s'est donnée au voyage de la duchesse et dû. comte de Nevérs, qu'il a accompagnés "en Flandre et en Artois, (.4). De même, en 1395, il reçoit 156 francs pour un voyage de 78 jours, qu'il a fait, du 25 août au 1er novembre, en Flandre et en Artois, en compagnie de Jean Canard, évêque d'Arras et chancelierr du duc (5). En 1395 également,- lé.9 décembre, le duc lui fit une nouvelle gratification de 300 francs (6), et il est probable que, de cette date à l'époque de sa: nomination au poste de garde des Chartes de Flandre, Thierry Gherbode reçut encore du duc de nombreuses donations. Malheureusement les. comptes de 1395 à 1399 n'en laissent aucune trace.

Nous avons relevé les nombreuses mentions que nous avons trouvées de Thierry Gherbode contresignant sur le repli les actes du duc de Bourgogne. Nous n'en avons, pas rencontrées avant 1385, et la première signature de Thierry Gherbode, à notre connaissance, en qualité de secrétaire du duc, est celle qui se trouve au repli du traité

(1) Archives du Nord, B. Reg. de la Recette générale de Flandre, n° 239, fol. 52, v.

(2) Ibid., fol. 54, v.

(3) Ibid., n° 240 (non folioté).

(4) Ibid., n° 240 (non folioté).

(5)Ibid., n° 241 (non folioté). (6)Ibid.


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signé à Tournai le 18 décembre 1385, terminant la : révolte: des Gantois (1).

En 1386, nous trouvons sa signature au bas de lettres du duc adressées, le 5 janvier, aux Brugeois, dans les-, quelles le duc annonce qu'il a rappelé les personnes bannies de la ville pour participation à la révolte de Gand (2).

Le 8 mars 1386, il contresigne les lettres de rémission de la paix entre ceux de Prémesques (3) et des bourgeois de Lille, à cause de la mort de Pérceval de Prémesques (4), le 17 avril 1386, on le voit contresigner une lettre de donation en faveur d'un officier du duc (5) et .en octobre suivant, un don perpétuel de 9 bonniers, fait à Pierre de. la Zype(6 et 7),

Le 15 janvier 1387, il contresigne une lettre ouvrant. les ports de Flandre aux marchands étrangers, à l'exception toutefois des Anglais(8).Le même mois, on le trouva contresignant des lettres de rémission en faveur des marins 1

(1) Arch. nat, J, 971. — Ce traité a été publié dans le Corpus chronicorum Flandrioe, t. I, page 386, et dans Gilliodts-van Severen : Inpent. des archives de la ville de Bruges, t. III, p. 67.

(2) Gilliodts-van Severen-: Inv. des Arch. de la ville de Bruges, t. XII, p. 8.

(3) Prémesques, département du Nord, arrondissement de Lille, canton- d'Àrmentiéres.-

(4) Archives du Nord, B. 1597. f° 5, v°

(5) Ibid., B. 1846, n° 28.

(6) Pierre de la Zype était, suivant Meyer, natif d'Ypres, suivant

d'autres, né à Gand. En 1383, étant gouverneur d'Ypres, il défendit

cette place contre les Anglais et les Gantois. Il fut ensuite nommé

gouverneur de Lille. Douai, et Orchies, et membre de la Chambre

des Comptes créée à Lille en 1385.

Il avait épousé Marie de Dixmude, mourut en 1404, et fut inhume dans l'église de Saint-Pierre de Lille. (D'après Foppens, Histoire du Conseil de Flandre, pp. 49 et 50.

(7) Archives du Nord, B. 1681, fol. 8, v.

(8) Pièce publiée par Varenbergh, dans son Histoire des relations entre la Flandre et l'Angleterre, Cf. Gilliodts-van Severen : Inventaire des Archives de la ville de Bruges, t. IV, p. 95.


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espagnols qui avaient attaqué par erreur des navires flamands en les prenant pour des navires anglais (1).

En février de la même année, les privilèges accordés parle duc aux gens de l'Ecluse-et la foire concédée au même endroit portent également sa signature (2) ; en juin, où là voit au repli d'un acte accordant des privilèges et des franchises aux marchands écossais venant et demeurant en Flandre (3), et lé 29 juillet sur un acte dû même genresigné par le duc en faveur des marins et des négociants portugais (4).

Le 31 juillet, il contresigne une lettre adressée par lé duc au doyen de Saint-Donat de Bruges, à Philippe de Masnières, au sire de la Chapelle et à Pierre de la Zype, pour faire redresser des torts commis envers des-marchands de Flandre (5), et le 1er août suivant, la commission pour le renouvellement du magistrat de Bruges, qui devait se faire le 2 septembre suivant (6) ; le 29 septembre, son nom figure au bas d'une permission donnée par le duc aux Brugeois de continuer à percevoir pendant un an leurs assises, - moyennant une contribution de 3200 livres parisis (7).

En 1388, nous trouvons Thierry Gherbode contresignant, le 11 février, les lettres dé la duchesse de Bourgogne à la duchesse de Bar pour lui accuser réception de

(1) Arch. du Nord, B. 1681, fol. 11, r, publié par J. Finot, Etude historique sur les relations commerciales entre la Flandre et l'Espagne au moyen-âge. Paris 1899, in-8° p. 344, pièce justif, n° 5.

(2) Archives du Nord, B. 1681. fol. 17, r°, et 18 -r°. (3) Ibid. fol. 25, v.

(4) Gilliodts-van Severen : Inventaire des Archives de la ville de Bruges, t. IV, p. 104. v

(5) Archives du Nord B (pièce non encore classée) Très, dès Chartes, n° 19276.

(6) Gilliodt-van Severen : Inventaire des Archives de la ville de Bruges, t. IV, p. 106.

(7) ibid. t.; vi,. p. 107.

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ses lettres (1), en juin de la même année, l'octroi par le duc de privilèges aux habitants" de Ruppélmonde (2), et, le 6 août, la commission pour le renouvellement du magistrat de Bruges (3).

En 1389, nous voyons son nom au repli de l'acte de nomination de conseiller du duc, aux gages annuels de 300 francs, de Josse de Halluin (4) le 31 janvier (5) ; en mars, de privilèges accordés par le duc, aux habitants de Longueville, en Champagne (6 et 7) ; le 4 novembre, d'une ordonnance du duc, prescrivant au gouverneur de ses finances de payer au receveur d'Arras 160 livres 6 sols (8) ; de nouvelles lettres adressées par le duc à ce personnage le 19 décembre (9). Enfin, le 20 du même mois,, il contresigne une ordonnance du duc, fixant le cours et défendant l'exportation des espèces monnayées (10), Le 4 août 1390, son nom figure au bas d'une ordonnance du duc, datée de Saint-Omer, accordant un octroi aux Lombards de Lille (11).

En 1391, le 30 août, on le voit contresigner une convention entre le duc de Bourgogne et Jean le Voleur

(1) Archives du Nord, B. (pièce non encore classée) : très, des chartes, n° 19306.

(2) Ibid., B, 1681, fol. 45, v.

(3) Gilliodts-van Severen : Invent, des Arch. de là ville de Bruges, t. III, p. 125.

(4) On trouve à la fin du XIVe siècle plusieurs mentions de personnages divers portant le nom de Josse de Halluin. — Voir sur ces personnages, Leuridan (Bull, de la Comm. hist. du Nord. t. XVII, pp. 119 et suiv.).

(5) Archives du Nord, B, 1846, n° 37.

(6) Longueville, dép. de l'Aube, arrond. Arcis-sur-Aube, cant. de Méry-sur-Seine.

(7) Archives du Nord, B, 1681, fol. 55, v.

(8) Ibid., B, 1848, n° 36.

(9) Ibid., n° 42.

(10) Gilliodts-van Severen, Invent, des Arch. de la ville de Bruges, t. III, p. 135.

(11) Bibl. Nat., dèp. des manus., Coll. de Flandre, t. IV, p. 134.


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« ouvrier'de quarreaux pains et jolis » (1), le lendemain,- la commission pour le renouvellement du magistrat de 1 Bruges (2) ; le même jour, un acte du duc, accordant au capitaine de l'Ecluse un don d'une certaine quantité de vin, à l'occasion, de ses noces qui doivent se faire prochainement (3) ; le 5 septembre, une donation de 20 francs faite par le duc à un de ses valets de chambre (4); le 7 octobre, un octroi d'assises fait à la ville dé- Bruges (5).

■ En 1392, nous le voyons figurer au mois' de mars dans des lettres de rémission,; datées de Paris (6) ; dans la" charte par laquelle, le 12 mai de cette année, le duc accorde de nouveaux .privilèges aux négociants de la Hanse d'Allemagne, pour la conservation de- leurs personnes et de leurs biens dans: le pays de Flandre (7) ; dans un mandat de paiement du 2 juillet (8), dans les lettres de renouvellement du bailli de Saint-Omer, le 7 septembre (9).

L'année 1393 vit Thierry Gherbode contresigner, le 3 janvier, un ordre de paiement adressé par le duc, ce: même jour, a sa Chambre des Comptes de Dijon, en faveur de certains de ses officiers (10): Le 19 février de

(1) Archives du Nord,B, 1151. Publié par Mgr Dehaisnes : Hist. de l'Art en Flandre, p. 684

(2) Gilliodts-van Severen : Invent, de la ville de Bruges, t. III, p. 209.

(3) Archives du Nord, B, 1851, n° 9. (4) lbid., n° 10.

(5) Gilliodts-van Severen : Invent, des Arch. de la ville de Bruqes, t. III, p. 221.

(6) Archives du Nord,..B, 1681, fol. 118, r.

(7) Gilliodts-van Severen : Invent, des Areh.de la ville de Bruges, t. III, p. 224 et suiv.

(8) Archives.du Nord, B, 1852, n° 61.

(9) Ibid., n° 65.

(10) Bibl. Nat., dép. des manusc, Coll. de Bourgogne, t. LUI, p. 135, v.


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cette année, il paraît comme secrétaire au contrat de mariage d'Antoine de Bourgogne et de Jeanne, fille de Walrand de Luxembourg (1), et on voit, au mois d'octobre, son nom au bas des lettres de privilèges et de franchises accordées aux gens de la draperie de la ville de Langhemarck (2).

En 1394, nous le retrouvons dans divers actes où il exerce ses fonctions de secrétaire : ainsi, le 18 février, dans une lettre adressée par le duc aux membres delà Chambre des Comptes de Lille (3), le 8 août, dans un acte de la duchesse Marguerite permettant à la ville de Bruges de lever des assises pendant un an (4) ; le 18 septembre, dans une lettre adressée à la ville de Bergues lui réclamant l'aide pour un voyage en Artois (5) ; de même, en 1395, le 7 octobre, dans une ordonnance du duc, relative à la réparation des grands chemins de la Châtellenie de Lille (6) ; en 1396, le 13 janvier, dans un nouvel octroi, à la ville de Bruges, de la perception des assises (7) ; le 6 mars, dans un mandement relatif aux travaux exécutés alors au château d'Audenarde (8) ; le 13 juillet, dans une donation- faite par le duc « à la prieure et couvent de la neuve abbiette à Lille » (9) ; le 26 septembre, dans une nouvelle perception d'impôts

(1) Dom Plancher : Hist. de Bourgogne, t. III, p. CLXIV.

(2) Archives du Nord, B, 1681, fol. 127, r.

(3) Ibid., B, (pièce non encore classée), (très, des chart, n° 19377).

(4) Gilliodts-van Severen : Invent, des Arch. de la ville de Bruges, t. III, p. 277.

(5) Archives du Nord, B, (pièce non classée), (très, des chart., n° 19372).

(6) Mb., B, 1859, N° 36.

(7) Gilliodts-van Severen: Invent, des Arch. de la ville de Bruges, t. III, p. 369.

(8) Archives du Nord, B, 1859, n°;7.

(9) Ibid., B, 1600, fol. 61, r.


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accordée aux Brugeois (1) ; le 7 novembre, il contresigne une commission de fauconnier donnée à Jean de Haverskerke(2).

Les archives du Nord ont conservé de nombreux actes portant la signature de Thierry Gherbode en qualité de secrétaire. Nous venons d'en citer un certain nombre, en les classant par ordre de date, et en mentionnant d'une façon sommaire leur objet. Nous donnons ici simplement les dates d'autres, qui n'offrent en eux-mêmes qu'un intérêt plus restreint.

: En 1387, en février, mars et août, Thierry Gherbode contresigne des lettres de rémission, et d'amortissement; (3) de même en février, mars, juin, août et septembre 1389 (4) ; en février, août et septembre 1390 (5) ; en mai et septembre 1391 (6) ; en février et mars 1393 (7). Enfin, on trouve aux archives du Nord, dans le registre B. 1397, une série de signatures de Thierry Gherbode ; l'une d'elles est datée du 18 décembre 1385, les autres de 1391, 1392, 1393 et 1394 (8) ; le registre suivant B. 1598 continue la série, et en contient 33, des années 1394, 1395, 1396, 1397, 1398 et 1399 (9). Enfin, le registre B. 1599 en contient 10, de 1399, 1400 et 1401 (10).

Malgré sa nomination au poste de garde des Chartes

(1) Gilliodts-van Severen : Invent, des Arch. de la ville de Bruges, t. III, p. 391.

(2) Archives du Nord, B, 1862, n° 16.

(3) Ibid,B, 1681. fol. 18, v., 19, r., 20, r., 24, v.

(4) Ibid , B, 1681, fol. 56, r., 58, v., 60, r., 62, r., 63, v. et 64, r.

(5) Ibid., B, 1597, fol. 17, v., 18, r., 19, v., 20, v., 25, r. et 30, v.

(6) Ibid., fol. 33, v. et 34, r.

(7) Ibid., fol. 82, r. et v.

(8) Ibid., fol. 34, 36, 38, 40, 42, 46, 54, 55, 56.

(9) Ibid., B, 1598, fol., 7,11,17, 19, 20, 21, 22, 29, 37, 43, 65, 66, 67, 69, 76, 89, 96, 97, 102, 103, 104, 105, 120,121.

(10) Ibid., B, 1599, fol. 14, 16, 18, 40, 45, 65, 70, 73, 80, 81.


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de Flandre, le 30 novembre 1399, Thierry Gherbode n'abandonna pas aussitôt ses fonctions de secrétaire, et.il est probable qu'il ne les résigna que lorsqu'il fut nommé membre de la Chambre des Comptes de Lille.

Nous avons trouvé, au début du XVe siècle, quelques pièces signées par Thierry Gherbode comme secrétaire. Ainsi, il contresigne, le 30 avril 1403, une lettre du duc accordant aux Yprois le privilège déporter, pendant trois ans, dans tout le comté, des armes pour « la .garde, défense et tuition de leurs corps » (1), et des lettres à un bourgeois de Bruges, au sujet d'une rente à payer au duc de Bourgogne, au mois de mai 1403 (2) ; enfin, le 20 juin de la même année, des lettres du duc, accordant aux habitant de Tamise (3) le droit de lever une assise de 40 livres, pour exécuter des travaux à la tour de leur église et y placer une horloge (4). Ce sont les dernières mentions de Thierry Gherbode en qualité de secrétaire du duc, Peutêtre en trouverait-on encore de 1404 ou de 1405, mais il est probable qu'il a quitté ces fonctions vers cette époque. Son activité était absorbée alors par les négociations commerciales avec l'Angleterre, et par les occupations résultant de sa nomination au poste de garde des Chartes de Flandre.

(1) Diegerick : Invent, des Arch. de la ville d'Ypres, t. III, p. 13. (2) Archives du Nord, B, 1600. fol. 3, r.

(3) Tamise : Belgique, Fland. orient., arrond. de Saint-Nicolas, chef-lieu de canton.

(4) Archives du Nord, B, 1600, fol. 4, v.


TROISIEME PARTIE

Thierry GHERBODE

Chargé par le due de Bourgogne de diverses négociations

CHAPITRE I

Thierry GHERBODE chargé par le duc de diverses négociations

En dehors du rôle important joué par Thierry Gherbode dans les négociations commerciales entre là Flandre et l'Angleterre, rôle qui sera étudié au chapitre suivant, notre personnage, même simple secrétaire du duc, fut mêlé à diverses négociations délicates, que nous nous proposons d'examiner en ce chapitre, en adoptant, pour leur étude, l'ordre chronologique.

En février 1387, il fut envoyé à Gand, en compagnie de Pierre Blanchet, pour s'occuper du procès de Clay de


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Lit, détenu à Ruppélmonde, et rendit compte au duc de la conduite des échevins de Gand, qui se firent renvoyer le coupable, à cause de sa bourgeoisie, et le condamnèrent à un banissemeut de 50 ans (1).

Du 1er octobre au 31 décembre de la même année, il se rendit avec Jean de Poucques à Malines, pour « certaines besognes » que les documents ne précisent pas, et il obtint, pour ce voyage, la somme de 106 francs, calculée à raison de 2 francs par jour (2).

En 1388, il assista un renouvellement du magistrat de de Bruges, et il reçut, à cette occasion,, de la ville de Bruges, six coupés d'argent pesant 8 marcs (3).

Quelques années plus tard, en 1395, il fut envoyé, nous l'avons vu dans dans un chapitre précédent, pour visiter, avec Gilles le Foulon, les chartes de la duchesse de Brabant, puis se rendit « vers le gouverneur de Limbourg, et ailleurs pour certaines besognes secrètes » (4).

Il fit également partie de la suite du comte de Nevers, quand celui-ci s'en alla en expédition contre les Turcs, et il est probable qu'il fut son compagnon d'infortune à la suite de la bataille de Nicopolis. Il ne se trouve pas cité dans la liste officielle de « ceux que Mgr a Ordonné aler. au voyage de Hongrie en la compagnie de Mgr deNevers » (5), mais les mentions précises que nous possédons ne nous permettent aucun doute sur ce point : ainsi, le duc lui ordonne d'avoir pour ce voyage un valet et un cheval de supplément outre les deux valets et les trois

(1) Archives du Nord, B, 1069.

(2) Archives de la-Côte d'Or, B, 1469, fol. 32, v.

(3) Gilliodts-van Severen : Invent, des Arch. de la ville de Bruges, t. III, p. 125.

(4) Archives de la Côte d'Or, B, 1503, fol. 47, r. et v.

(5) Bibl. Nat-, dép. des manusc, Coll. de Bourgogne, t. XXVI, et pp. 249, 250, 259, 273, t. LXV, p. 62, t. CIX, p. 241 et suiv.


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chevaux qu'il avait habituellement en son service (1), et il le gratifie de 200 francs, pour l'aider à supporter ses frais "et pourvoir à son habillement « pour aler au voyage de Hongrie avec et en la compagnie de Mgr lé Comte de Nevers » (2). Enfin, le duc lui accordé mille francs en récompense de ses pertes en ce voyage de Hongrie,et But-- gariè, et «en rémunération des grans peines et travaulx qu'il y soustint, dont il fut petitement rémunéré » (3).

Thierry Gherbode fut utile aussi au comte de Nevers, pour: lui faire obtenir des pays qu'il gouvernait l'aide nécessaire pour sa rançon, et il reçut, à l'occasion des services qu'il rendit alors par. mandat du 29 novembre 1400, une gratification de 300 francs d'or (4). Il alla, en effet, pour obtenir cette rançon à Douai et à Malines, et il perçut pour ce voyage une somme de 238 francs 1/2 (5).

Dès son retour de la croisade, Thierry Gherbode fut mêlé, aux affaires du duché de Gueldre, à la lutte entre le duc de ce pays, Guillaume (6), et la duchesse de Brabant, qui s'était alliée à l'éveque de Liège, et au duc de Bourgogne, le 19 avril 1398 (7). La guerre avait éclaté en 1397 au sujet d'une sentence d'un magistrat de Bois le Duc, et le duc de Bourgogne avait promis de fournir 300 gens d'armes, à condition que ses alliés fournissent le même contingent, et qu'aucun traité ne fût

(1) Bibl. Nat., dèp. des manusc, Coll. de Bourgogne, t. XXVI, p. 258.

(2) Archives de la Côte d'Or, B, 1508, fol. 85, r.

(3) Ibid., B, 1514, fol. 177, r. et Bibl. Nat., dèp, des manusc, Coll. de Bourgogne, t. XXVI, p. 258.

(4) Ibid., B, 1526, fol. 157, v. et Ibid , t. XXIII, fol. 69, v.

(5) Ibid., B, 1519, fol. 78, r. et 79, v.

(6) Guillaume, duc de Gueldre, de 1383 à 1402, année où il meurt sans postérité.

(7) Archives du Nord, B, 283, (très des chart,,: n° 13829).


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conclu sans son. intervention, Les conférences pour la paix se tinrent à Aix la Chapelle, le 2 mai 1398, et. Thierry Gherbode fut un des délégués du duc de Bourgogne. Il quitta Lille, le 21 avril, en compagnie de Jean de" Pouques, Guillaume-de Halluin et Henri d'Espierre (1).

L'assemblée prit fin le 12 mai suivant. Les députés, à l'issue de ces conférences, allèrent trouver la duchesse de Brabant, qui se trouvait alors à Bruxelles, et Thierry Gherbode reçut pour ce voyage 133 francs (2). L'entrevue avait été sans résultats, et nous savons, par les instructions de Philippe le Hardi à ses ambassadeurs, qu'on réclamait du duc de Gueldre, l'abandon de la ville de Gavre (3), qui appartenait au Brabant, et la reconnaissance de ses torts dans l'affaire de Bois le Duc où une servante de la duchesse de Brabant avait été tuée, et qui avait été le motif de la guerre (4). En 1399, Thierry Gherbode alla de nouveau avec Jean de Pouques et Guillaume de Halluin, ses collègues, se réunir avec les gens du pays de Gueldre, du 1er au 16 juillet, et du 21 août au 13 septembre, et revint, après chaque entrevue, rendre compte au duc de ce qui s'y était passé (5). Du 25 octobre au 10 janvier 1400, il s'occupa de la remise de certaines forteresses d'Outre-Meuse, qui étaient occupées au nom du duc, auquel il. alla rendre compte, à Paris, de sa mission, et il reçut pour ce voyage la somme -de 242 francs 1/2(6).

(1) Bibl. Nat., dép. des manusc, Coll. de Bourgogne, t. XXIII, p. 64, v.. et LXX, p. 67, r.

(2) Archives de la Côte d'Or, B, 1514, fol. 79, r. et v.

(3) Gavre, Belg. Fland. orient, arrond. dé Gand.

(4) -Archives du Nord, B, 283. (très, des chart., n° 13829 bis).

(5) Archives de la Côte d'Or, B, 1519 fol. 71, v. et 72 r.

(6) Ibid., 1519, fol. 79, v. et 80 r.


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En 1401, il exécuta encore diverses missions. Ainsi, il reçut 203 francs et demi pour un voyage de Paris à Liège près de Jean dé Bavière (1), administrateur de l'église dé cette ville, et Jean Gilles, :son prévôt (2); puis près de Albert(3), comte de Hollande, enfin près du chancelier a Lille, du 2 mars au 13 avril ; il repartit, le 16 suivant, pour aller trouver le duc à Conflans (4), où il resta jusqu'au 28 mai. Ses gages étaient calculés à raison de 2 francs par jour (5). Le 27 juillet suivant, il alla retrouver le duc à Arras, puis Jean, Gilles, prévôt de Liège, et le chancelier du 12 au 27 du même mois, et enfin il revint près du duc à Abbeville (6) le 11 août. Ses gages, cette fois, étaient de 2 francs et demi par jour (7).

Du 18 au 21 août de cette année, il se rendit de Lille à Arras, pour assister près du duc à l'audience d'un bourgeois de Liège, Jacquemin Baudoul; du 26 août au 4 septembre, il alla à Bruxelles, pour s'y rencontrer, en présence du duc, avec Jean Gilles, prévôt de Liège, et il reçut pour cette double absence la somme de 28 francs d'or (8),

(1) Jean V, fils d'Albert de Bavière, évêque de Liège de 1390 à 1418.

(2) Jean Gilles devint prévôt vers 1395, et fut chargé de mettre fin aux querelles entre les Liégeois et Jean de Bavière. Il devint ensuite cardinal du titre dé Saint Corne et Saint Damièn, appelé vulgairement Cardinal de Liège; il fut inhumé à Saint Lambert de Liège devant l'autel de Saint Cônlê et de Saint Damien.

(3) Albert, comte de Hollande en'1389, exilé de 1392 à 1394, mort le 13 avril 1404.11 avait épousé: 1° Marguerite, fille du duc

de Silêsie, morte en 1386, et 2° Marguerite, fille d'Adolphe, due de Clèves, qui ne laissa pas de postérité.

. (4) Petit (E) : Itinéraire des ducs de Bourgogne, p. 303. Le duc, en 1401, séjourna à Conflans, du 24 avril au 30 suivant. (5) Archives de la Côte d'Or, B, 1526, fol. 90, v.

(6) Petit:(E.): Itinéraire, des ducs de Bourgogne, p. 38; le duc en 1401, fut à Abbeville, les 3 et 4 août. .

(7) Archives de la Cote d'Or, B, 152.6, fol. 91, r.

(8) Ibid., B, 1532, fol. 108, v.


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Le 14 mai 1404, il fut commis par la duchesse de Bourgogne avec - le vidame d'Amiens pour recevoir le serment des officiers de Champagne, et ces officiers furent confirmés ou institués par les deux représentants de la duchesse, le 1er juin suivant (1).

On voit aussi, par les archives du Nord, que,, cette même année, il reçut 32 francs et demi, qui lui furent alloués par la duchesse pour un voyage d'Arras à Bruxelles, près du comte de Rethel (2), puis à Nivelles, aux archives du Brabant, pour y copier certaines pièces/et assister ensuite à une entrevue avec les gens du conseil du comte de Rethel. Le voyage dura du 6 au 18 juillet 1404 (3).

La même année, il reçut, comme membre de la Chambre des Comptes, de la ville de Bruges, 32 tonnelets de murènes. Une députation de cette ville était venue à Arras prier la duchesse de visiter ses états de Flandre, et de conclure promptement un traité de commerce avec l'Angleterre (4). Le 20 avril 1405, il assistait à Ten Walle, près de Gand, à l'entrevue entre le duc Jean sans Peur et les délégués des Quatre Membres de Flandre (5). Quelques jours plus tard, le 24 avril, il était envoyé avec Jean de la Keythulle et l'écoutète de Bruges (6), pour renouveler de la part du duc, les lois des

(1) Dom Plancher : Histoire de Bourgogne, t. III, p. 212.

(2) Le comte de Rethel était alors Antoine, fils du duc Philippe le Hardi et de Marguerite de Maie. Il avait obtenu le comté en 1392, et le céda, en 1404, à son frère Philippe.

(3) Archives du Nord, B, 3331, fol. 84, r. ...

(4) Gilliodts-van Severen : Inventaire des archives de la ville de Bruges, t. III, p. 497.

(5) Ibid., t. III, p. 514.

(6) C'était alors Pierre Boudins qui fut écoutète de Bruges, du 24 septembre 1404, au3 novembre 1416. (Voir Gilliodts-van Severen: Inventaire des archives.de la ville de Bruges, t. IV, p, 202, et la note à cette page).


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petites, villes enclavées dans le territoire du Franc, et cette mission dura jusqu'au 1er juillet suivant (1).

Le 1.2 janvier 1406, Thierry Gherbode fut désigné par les maîtres dés comptes en compagnie de Jean de

Pacy, d'André de Douai, et de Jacques dé la Tannerie, conseillers du duc, pour aller à Lille recevoir lés comptes des baillis, entendre leurs .plaintes, et réserver aux maîtres-des comptés les cas difficiles qui pourraient se produire (2).

Thierry Gherbode fut, en .1404 et 1405, chargé, delà partie la duchesse de Bourgogne, d'une mission considérableà Paris. Il s'y rendit avec le vidàme d'Amiens et Jean de Nielles, du 14 mai 1404 au 30 juin suivant, et il reçut pour ce voyage la somme de 117 francs (3). Il s'agissait, comme nous l'indique une lettre de la duchesse à ses ambassadeurs, en date du 6 juin, d'obtenir du roi de France le don des aides, et aussi une lettre dé dispense pour le mariage d'un fils de la duchesse; elle leur ordonnait de poursuivre ces affaires avec ténacité, et leur adressait de l'argent pour le paiement de leurs gages (4). Lé 23, nouvelle missive de la duchesse à ses envoyés, leur annonçant le départ pour Paris, de Jean Canard, èvêque d'Arras et chancelier de Bourgogne, et leur

ordonnant de lui soumettre toutes les difficultés qui se

produiront (5).

Nous possédons les instructions que la duchesse avait adressées à ses ambassadeurs en vue de ces diverses

(1) Biblioth. Nat., dép. des manusc, Coll. de Bourgogne, t. LVII, p. 202,

(2) Archives du Nord, B, 1880, n° 27, copie en papier.

(3) Ibid., B, 3331, fol. 33, v. et 34 r.

'.(4) Ibid^B, 530 (très, des chart., n° 19544). (5) Ibid.', (n° 19552).


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affaires, mais elle ne sont pas datées (1). Le 28 février 1405, elle écrivait de nouveau à ses députés qui se trou-- Avaient à Paris,: et leur faisait savoir que le bailli de Béthune avait réclamé au nom de la comtesse de Namur (2), les aides dé cette ville, que le roi de France venait de donner à cette comtesse. La duchesse de Bourgogne protestait en disant qu'elle avait reçu cette donation ; elle chargeait ses envoyés de s'en occuper à la cour de France et d'en parler aux ducs de Berry et de Bourbon (3). Le 6 mars, elle annonçait à ses délégués à Paris que le roi de France avait annulé le don des aides fait au comte de Saint-Pol, neveu de la duchesse, en son comté. Elle croit que ces lettres ne sont pas valables, et ordonne à ses délégués de régler cette question, en leur annonçant de son côté l'envoi de certains mémoires (4). - En 1408, au mois d'octobre, nous voyons Thierry Gherbode se trouver à Bruxelles, en compagnie de Robert de Lemverghem. Il s'y rencontra avec le duc Antoine de Brabant (5), et des ambassadeurs de l'Electeur de Cologne (6), et on agita à cette entrevue la question d'une alliance entre ces trois princes (7). L'absence de Thierry Gherbode se prolongea jusqu'au 6 novembre ; le 9 du même mois, il se rendit de Lille à, Mons, pour y recevoir, avec les

(1) Archives du Nord, B. (pièce non encore classée). (Très, des Chart., n° 19641).

(g) Ibid., (n° 19619).

(3).Il s'agit de Marie, fille de Robert, duc de Bar, ou de Jeanne, fille du comte d'Harcourt, qui épousèrent successivement Guillaume II de Namur (1391-1418).

(4) Archives du Nord, B, (pièce non- encore classée). (Très, dés Chart., n° 19623).

(5) Gachard : Voyages des souverains des Pays-Bas, t. IV,.p. 574,

(6) Frédéric, comte de Saërwerden, Electeur de Cologne de 1370 au 9 avril 1414, date de sa mort.

(7) Biblioth. Nat., dèp. des manusc, Coll. de-Bourgogne, t.LXV, p. 93, v.


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députés du comte de Hainaut et de Hollande (1), Suivant ce qui avait été décidé par les princes à Lille> les chartes apportées par les Liégeois (2), et il retourna près dû duc, le 18. Celui-ci Se trouvait alors à Arras, et quitta cette ville le lendemain pour se rendre à Paris (3). C'était, en effet, à la suite de la révolte des Liégeois contre leur évêque Jean de Liège, que cette démarche, devait se.-faire. Les Liégeois avaient été battus par les troupes du comte de Hainaut venu au secours de son frère et celles de son beau-frère (4), le duc de Bourgogne, le 23 septembre 1408, à la'bataillé qu'on a coutume d'appeler la bataille d'Hasbain, qui eut lieu en réalité à Gthée (5), près de Tongres,. dans la Herbaie, et le 24 octobre suivant, les princes vainqueurs imposèrent aux Liégeois, par un traité signé à Lille,, les plus dures conditions : on exigeait.la remise de tous les titres du pays de Liège, de Looz, d'Hasbain ;: on décidait qu'aucun nouveau privilège ne serait accordé sans le consentement des ducs, et enfin on donnait à l'évêque le droit de nommer les échevins des villes et communautés et de convoquer les assemblées. En outre, il était, interdit aux Liégeois de lutter contre les ducs, contre la France et contre le comte de Namur ; les ducs pouvaient traverser le pays avec une armée ; une chapelle et une messe commémoratives de ces événements

(1) Guillaume IV succéda en 1401 à son père Albert dans le gouvernement de la Hollande et du Hainaut. Médiateur en 1408 entre les ducs d'Orléans et de Bourgogne, il soutint contre les Liégeois, l'évêque Jean de Bavière, son frère. Il mourut à Bouchain, le 31 mai 1417, laissant une fille, Jacqueline.

(2) Biblioth. Nat., dèp. des manusc, Coll. de Bourgogne, t. LVII, p. 187 et t. LXV, p. 93, v.

(3) Petit (E.) : Itinéraire dés ducs de Bourgogne, p. 368.

(4) Jean sans Peur était le beau-frère de l'évêque de Liège Jean pa.r son mariage avec Marguerite de Bavière qu'il avait épousée en 1385 et qui mourut le 23 janvier 1423;

(5) Othée, Belgique, province de Liège, arrondissement de Liège, canton de Fextre les.Ilins.


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devaient être fondées ; enfin, les forteresses devaient être démolies et le pays était frappé d'une contribution de guerre de 220.000 écus d'or (1).

C'est pour recevoir les chartes des Liégeois, que nous avons vu en novembre 1408, Thierry Gherbode se rendre de Lille à Mons. Il se trouva mêlé assez activement aux" négociations diverses qui suivirent le traité que nous venons d'indiquer. Ainsi, le 13 décembre, il est chargé-, avèc d'autres délégués (2) du duc de Bourgogne et du comte de Hollande, de répartir la contribution de 220.000 écus d'or, que devaient les Liégeois, de publier et de faire exécuter cette répartition, ce à quoi l'évêque de Liège s'était refusé (3). Le 13 janvier 1409, il est chargé avec les mêmes délégués, -qui s'étaient trouvés lors de la répartition, d'aller à Mons pour y visiter et inventorier les lettres de franchises, privilèges et autres, que les députés des villes de Liège, Huy et Dinânt, y avaient apportées pour être déposées dans la trésorerie du Val des Ecoliers (4). Nous savons que pour ces derniers voyages il reçut du duc une somme de 212 francs (5).

Quelques mois plus tard, le 20 juin, 1409, le duc Jean de Bourgogne appelait Thierry Gherbode à Saint-Quentin, où devaient se trouver, le 30 du même mois, le comte de Hainaut, l'évêque de Liège, des députés du chapitre de cette ville et du pays, et il lui ordonnait d'apporter les

(1) Archives du Nord, B, 287, (très, des chart, n° 15133).

(2) Les délégués étaient Thierry Gherbode, Jacques de la Tannerie, Jean de la Keythulle, Jacques de la Tour, Etienne Wiard et Jean de Binche.

(3) Devillers (L.) : Cartulaire des comtes du. Hainaut, t. III, p. 352, pièce n° 862.

(4) Ibid., p. 355, pièce n° 864.

(5) Archives de la Côte d'Or, B, 364, liasse 24, coté 184, (quittance de Thierry Gherbode, du 1° férier 1409. Orig.: parchemin scellé sur simple queue, sceau de cire rouge." ,


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répertoires relatifs aux chartes-du pays (1). Le 11 juillet dé la même année, Enlart des Aubeaux (2) écrivait de Gand à Thierry Gherbode pour s'excuser de ne pouvoir venir à Mons au jour indiqué, le 12, pour s'occuper de la modération et de la sentence touchant les Liégeois, et le priait de remettre cette assemblée (3). Ces modérations furent accordées,-car nous voyons, le 12 août suivant, l'évêque Jean de Bavière les publier ; on aura la permission de suivre la loi impériale, le chapitre sera consulté pour accorder desprivilèges, et comme l'évêque, recevra le serment des châtelains et des capitaines; la défense de ■bâtir des forteresses ne demeurera en vigueur que pendant la vie des ducs et celle de leurs fils (4).

En 1410, nous voyons encore que le 18 avril, Thierry Gherbode était venu à Mons avec Jacques de la Tannerie .et Gui Arminier, pour y conférer avec les députés du .comte de Hainaut sur lés modérations à accorder aux Liégeois. L'état de modération fut présenté au duc de Bourgogne, qui renvoya à Mons ses délégués du 24 mai au 21 juillet, (5). Nous savons que pour ces divers voyages

(1). Archives du Nord,B, 835 (t. II refondu, en préparation), (très, des chart., n° 18689), orig. pap., traces extérieures d'un cachet de cire rouge. Le duc de Bourgogne ne put venir à Saint-Quentin, et Thierry Gherbode y demeura du 28 juin au 3 juillet 1409, Archives de la Côte d'Or, B, 1558, fol. 223, v , 224, r. et v. 225, r.

(2) Enlart des Aubeaux fut conseiller au Conseil de Flandre dès les premiers temps de son institution, mais on ne sait exactement la date de son entrée en fonctions. (D'après Foppens, Histoire du Conseil de Flandre, p..90).

(3) Devillers, op. cit., t. III, p. 368, pièce 871. M. Devillers indique la cote ancienne de cette pièce aux Archives du Nord, B, 1392. Elle y est classée actuellement sous la cote B, 287.

(4) Archives du Nord, B, 287, (très, des chart., n° 15154).

(5) Dom Plancher : Histoire de Bourgogne, t. III, p. 304. Ces faits semblent se rapporter plutôt à 1409, car, le 12 août de cette année, l'évêque de Liège adoucit les conditions du traité, mais nous adoptons la date de 1410, car nous trouvons en cette année des:sommes payées à Thierry Gherbode pour négociations au pays de Liège.

18


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Thierry Gherbode reçut la somme de 410 francs d'or pour les négociations de 1409, et-de 108 francs pour les négociation de 1410 (1).

, En 1411, il fut envoyé, au mois de février, à Bois le Duc pour s'y rencontrer avec l'es ducs de Brabant et,de Gueldre, mais l'entrevue n'eut pas lieu, et il se rendit à Ravenstein (2) avec les conseillers du duc de Brabant, pour y. conférer avec les gens du duc de Gueldre; Il fut absent pour cette affaire du 9 février 1411 au 26 du même* mois, reçut pour ce voyage 120 francs d'or, et retourna à Bruges près du duc (3) pour le mettre au courant de ce qui s'était passé (4). - Dans ces mêmes années, Thierry Gherbode remplit aussi le rôle de conciliateur entre diverses villes flamandes '; ainsi, du 25 septembre 1409 au 1er octobre suivant, il alla, avec Jean de la Keythulle, régler les difficultés, qui s'étaient élevées entre Bruxelles .et Malines. (5)., De. même, en 1411, à peine revenu de son entrevue de Ravenstein, le 27 février, il part avec le chancelier de Bourgogne à Anvers et à Malines, et-s'y retrouve avec les conseillers du duc de Brabant. Il s'agissait de difficultés au sujet du tonlieu de Rumpst, dont ceux de-Malines prétendaient être exempts, de la justiee d'Hérenthals (6), du cours

(1) Archives de la Côte d'Or, B, 1558, fol. 223, v. 224, r. et v. 215, r. et IMd.,..B,. 1560, fol. 227,. v. Cf. Biblioth. Nat.,dép. dès manusc, Coll. de Bourgogne, t. LXV, p. 92, v.

(2) Ravenstein, Hollande, province du Brabant septentrional.

(3) Le duc de Bourgogne se trouvait en effet à Bruges, le 26 février 1411. (Petit:Itinéraire des ducs de Bourgogne, p. 378).

(4) Archives du Nord, B, 1894, fol. 88, r.

(5) Ibid., B, 1897, fol. 60, v. et Archives de la Côte d'Or, B, 1558, fol. 130,..v,, et 131 r. Les Archives de là Côte d'Or indiquent, comme date extrême, le 3 octobre.

(6) Herenthals, Belgique, province d'Anvers, arrondissement de. Turnhout, chef-lieu de canton.


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de l'Escaut, du moulin, de Lierre (1), du cours de la Nèthe et du commerce du sel. Les conférences se tinrent, à Anvers le 6 mars 1411 (2), et le 20 mars, Thierry Gherbode lut de: retour a Gand (3). Les difficultés, se prolongèrent longtemps encore, et, en 1413, nous voyons notre personnage se rendre de nouveau, du 9 septembre, au 13 octobre, à Malines, avec Roland d'Uutkerke et le sire de Roubais (4), afin d'y signifier l'accord fait à Tenrémonde entre les ducs de Bourgogne et de Brabant au sujet des difficultés : entre Anvers et Malines. Il revint ensuite, à Saint-Omer près du duc (5) pour le mettre au courant de ses négociations (6).

La même année, à peine rentré de son voyage à Anvers, Thierry Gherbode fut chargé avec Pierre de la Trémoïlle d'aller à Beauvais « quérir Mlle Catherine, fille du duc » et recevoir les joyaux et autres meubles délivrés par le roi de Sicile, et d'en donner quittance. Le pouvoir-du duc lui conférant cette mission est daté de Lille, le 29 octobre 1413 (7), et le voyage commencé le

(1) Lierre, Belgique, province d'Anvers, arrondissement de Malines, chef-lieu de canton.

(2) Archives du Nord, B, 288. (très, des chart., n° 15179) rouleau en papier.

(3) Ibid., B, 1897,.fol. 60, v. (4) Jean, seigneur de Roubâix, conseiller et chambellan du du duc de Bourgogne, commença sa carrière militaire à Roosebeke, en-1382, à l'âge de 14 ans, et fut mêlé à tous les événements du dèbut du XVe siècle. Il fut chevalier de la Toison d'Or, lors de la première promotion, et mourut âgé de 80 ans, le 7 juin 1449. 11 fut inhumé en la chapelle de Jean-Baptiste, dans l'église-de Saint-Martin, de Roubaix. (D'après Leuridan : statistique féodale du Nord. La chatellenie de Lille. Bulletin de la Commission historique du Nord, t. XVII, fol. 259).

(5) Le duc de Bourgogne fut à Saint-Omer, du 25 septembre au 10 octobre 1411, (Petit : Itinéraire des. dues de Bourgogne, p. 401).

(6) Archives du Nord, B, 1.903, fol. 62et 63, v. et r. (7) Archives du Nord, B, 1405: Orig. scellé sur simple queue, sceau .de cire rouge.; Publié par Coville : Les Cabochiens et l'Ordonnance de 1413, p. 442, pièce justificative, n°-6.


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1er novembre suivant, put finir le 26 du même mois. Ce jour, Thierry Gherbode avait rejoint le duc (1) à Bruges. La princesse, fiancée à Louis, fils du roi de Sicile, depuis trois ans, avait été amenée à Beauvais par le maréchal de Longuy (2).

Il s'agissait ici de Catherine de Bourgogne, quatrième fille du duc, qui, promise-en 1408 à Philippe d'Orléans, comte de Vertus, J'avait été ensuite à Louis d'Anjou,, fils - aîné de Louis II, comte d'Anjou et roi de Sicile, mourut sans être mariée, à l'âge de 32 ans, et fut enterrée à Sainte Pharaïlde, de Gand. Le duc de Bourgogne, à l'occasion de cette union, avait versé au roi de Sicile la somme de 10.000 écus (3). Mais la princesse fut renvoyée au duc son père à la suite des événements qui se passaient alors à Paris et de l'alliance que le duc dé. Bourgogne avait conclue avec les ennemis du roi de France (4).

Pour ce voyage de Beauvais, Thierry Gherbode reçut la somme de 78 francs, qui lui fut comptée en outre de ses gages (5).

(!) Le duc de Bourgogne fut à Bruges du 25 au 28 octobre 1413 ; et le 29, il était à Gand, ou le rejoignit, sa fille, Mademoiselle Catherine de Bourgogne. (Petit : Itinéraire des dues de Bourgogne, p. 404.

(2) Coville, op. cit., p. 283.

(3) Biblioth. Nat., dèp. des manusc, Coll. de Bourgogne, t. CX, p. 56.

(4) Voir sur cet événement : Juvènal (Jouveneî) des XJrsins (Ed. Michaud et Poujoulat), t. 11, p. 491, et Journal d'un bourgeois de Paris, (Edit. Tuetey), p. 48. ■. -

(5) Archives du Nord, B, 1903, fol. 85, r.

Les objets d'or ou d'argent délivrés à.la princesse lors de ses fiançailles, furent rendus par Jean de Tuci, chambellan du roi de Sicile, à Pierre de la Trémoille et Thierry Gherbode à Beauvais, le 15 novembre 1413, à l'exception d'une couronne garnie de pierres, d'une aiguière d'or, un plat et treize tasses d'argent ■ pour lesquels, le roi Louis donna une obligation de deux notaires du Chatêlet. Ces objets ne furent jamais rendus. La quittance est signée : Thierry Gherbode, (Lecoy de la. Marche : Extraits des Comptes et Mémoriaux.du.roi René, p. .203). ... .


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On sait les difficultés qui s'élevèrent à cette époque, en 1414, entre le duc de Bourgogne et le roi de France, et la guerre qui s'ensuivit. Le roi de France marcha contre son vassal et s'empara de Compiègne et de Sôissons. Puis il passa par Laon, Saint-Quentin et Douai et vint mettre le siège devant Àrras (1).

Ce fut devant cette ville que s'ouvrirent, au mois de Septembre, les pourparlers pour arriver à la paix. Le duc de Brabant, le comte de Hainaut et les députés des villes de Flandre, présentaient au roi de France, en présence du duc de Guyenne, une requête du duc de Bourgogne : celui-ci demandait au roi pardon de ce qui s'était passé, lui remettait les clefs d'Arras, lui rendait le Crotoy (2), promettait d'éloigner de sa personne les ennemis du roi et du duc de Guyenne, prenait l'engagement de répudier toute alliance anglaise et d'observer le traité de Chartres (3). Le 16 octobre 1414, le duc Jean Sans Peur, par lettres de Quesnoy4e-Comte (4), chargeait le duc de Brabant, la comtesse de Hainaut, son frère et sa belle-soeur, l'évêque de Tournai Jean de Thoisy, les sires de la Viesville, de Roncq (5) et de Bonnières, Thierry Gherbode et les députés de Flandre, de parfaire ce qui avait été projeté dans l'entrevue d'Arras (6). Henri

(1) Voir pour les détails de cette campagne, Barante (de): Histoire des ducs de Bourgogne, t. III, pp. 102 et suivantes.

(2). Le Crotoy, dèp. de la Somme. arrond. d'Abbeville, canton de Rue.

(3) Archives du Nord, B, 311.

(4) Aujourd'hui Le Quesnoy, dép. du Nord, arrond. d'Avesnes chef-lieu de Canton.

(5) M. Leuridan (Bulletin de la Commission historique du Nord, t. XVII), dans sa statistique, féodale du Nord, ne donne aucun renseignement sur ce seigneur de Roncq.

(6) Biblioth. Nat., dép. des manusc , Coll. dé Bourgogne, t. XCIX, pp. 121 et 122, et t. C, p. 152, et Devillers : Cartulaire des comtes de Hainaut, t IV, p. 17, pièce 1004.


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Goethaels, doyen de Liège, figurait également parmi les plénipotentiaires du duc de Bourgogne (1).

: Thierry Gherbode se rendit d'abord à Tournai (2), puis, en compagnie des autres délégués du duc, il partit à Compiègne, Senlis, St-Denis et Paris, le 6 janvier 1415. Les négociations se prolongèrent assez longtemps, et ce fut seulement le 27 mars de cette année qu'il revint à Lille (3).

Le 10 février, le duc de Bourgogne écrivait à ses représentants pour les prier de ne pas se détourner de leur mission, leur ordonner de voir le duc de Guyenne, de réclamer une amnistie générale en faveur de 500 personnes, et de protester aussi contre l'envoi près du souverain Pontife d'une ambassade composée de ses plus grands ennemis (4).

Le 18 février, les ambassadeurs bourguignons publiaient une protestation contre un accord conclu à Saint-Denis au nom du duc de Bourgogne, par le duc de Brabant, et le Dauphin de France (5), et le même jour ils écrivaient au duc et au gouverneur du Crotoy pour annoncer la publication du -traité et demander que cette ville fut remise aux Français (6). Un traité, en effet, avait été signé le 2 février précèdent (7), mais il fallut répéter plusieurs fois encore cette injonction pour obtenir la l'émise du Crotoy (8).

(1) Biblioth. Nat., dép. des manusc, Coll. de Bourgogne, t. LXV, p. 113, r.

(2) Ibid., t. LXV, p. 1.04, v.

(3) Ibid , t. LVIII, p.47.

(4) Archives du Nord, B, 311,2 pièces papier.

' (5) Biblioth. Nat., dép. des manusc, Coll. Moreau, 1.1424, pièce 67.

(6) Archives du Nord, B, 311, 3 pièces papier.

(7) Archives Nationales, J, 948. Copie collationnée du traité scellé-du grand sceau de majesté.

(8) Voir notamment Archives du Nord, B, 311, et Devillers, op. cit., t. IV, p. 31, pièce 1112.


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Le 22 février, un sauf-conduit était accordé par le roi de France aux délégués flamands venus à Paris pour y conclure la paix au nom du duc de Bourgogne (1), et vers la même époque, le 16 février, Jean de Pressy, trésorier-du duc, leur envoyait, par l'intermédiaire dé Dino Rapondi, et sur leur demande, une somme de deux cents écus pour subvenir à leurs dépenses (2).

Le 13 mars, le roi de France prolongeait le sâuf-conduit accordé aux délégués flamands jusqu'au dimanche après Pâques (3), et cet acte contient l'énumération complète des plénipotentiaires du duc de Bourgogne. C'étaient le duc de Brabant, l'évêque de Tournai, les sires de Roncq et de Bonnières, Thierry Gherbode, conseiller, et Jean Seguinat, secrétaire, délégués du duc ; l'abbé de SaintPierre de Gand, et Henri Goethaels, délégués du clergé ; Jacques de Lichtervélde, sire de Coolscamp, Guillaume d'Estaules, châtelain de Fumes, et le sire de Pouques, délégués de la noblesse ; enfin, les représentants des quatre membres de Flandre, et chacun des membres avait envoyé trois délégués (4). Nous savons que le délai donné par le sauf-conduit ne fut pas mis en contribution, car nous avons vu plus haut que, dès le 27 mars, Thierry Gherbode était revenu à Lille.

Par les comptes du Franc de Bruges, nous voyons encore que Thierry Gherbode fut préposé par le duc à l'audition de ces comptes en 1416-1417,1417-1418, et qu'il reçut, à l'occasion de chaque audition, la somme de 50 livres 8 sols, pour 8 jours passés à Bruges ; qu'en outre,

(1) Biblioth. Nat., dép. des manusc, Coll. Moreau, t. 1424, pièce 6.8, orig. parch. scelié du sceau de majesté (cire brune).

(2) Archives du Nord, B, 311, (très, des chart., n° 15280), orig. pap.

(3) Pâques tombant en 1415 le 31 mars, le sauf-conduit était donc valable jusqu'au 7 avril.

(4) Biblioth. Nat., dép. des manusc, Coll Moreau, pièce 70 du t. 1424, parch. orig, scellé.


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son clerc reçut, à cette occasion, chaque fois, une somme 6 livres (1).

En 1420, Thierry Gherbode fut mêlé à un procès soutenu par la ville d'Oudenbourg, qui voulait montrer que le duc de Bourgogne était seigneur de la cité. Il se rendit, à cette occasion, avec Jean Moenac à Ruppélmonde, et il était bien intentionné pour la ville y ayant été, l'année précédente, commissaire pour le renouvellement des lois. On trouve dans les recherches faites à cette occasion, que le duc dé Bourgogne avait acquis la ville d'Isabelle, dame d'Oudenbourg, et Thierry Gherbode reçut des éclievins, en cette circonstance, la somme de 12 écus d'or, ou 25 livres 6 sols (2). «

(1) Delepierre : Compte du Franc de Bruges, pp. 200, 201 et 212.

(2) Feys : Histoire d'Oudenbourg, t. I, pp. 155 et 156.


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CHAPITRE II

Thierry GHERBODE, Négociateur dès trêves commerciales conclues avec l'Angleterre

Durant tout le cours du moyen-âge, la Flandre eut avec l'Angleterre des relations commerciales des plus actives, et ces relations ne furent pas sans exercer quelque influence sur la politique des deux pays. Nous ne voulons pas ici rappeler les diverses phases de ces rapports : qu'il nous suffise de dire que, durant tout le XIVe siècle, près de cent ambassades anglaises furent envoyées en Flandre pour y traiter des questions politiques ou commerciales.

MM. Mirot et Deprez (1) nous ont fait connaître le tableau chronologique de ces ambassades de 1327 à 1450, mais ce travail ne nous a point cependant permis de dater exactement certains documents pour lesquels nous n'avons que des dates incertaines, ou totalement absentes et il faut ici citer les lignes de M. Gilliodts-van Severen, qui, à la suite de M. Hingeston,-signalait déjà cette difficulté. « Le désordre qui règne dans la succession des pièces et l'absence ou renonciation trop laconique de leurs dates produisent souvent l'hésitation ; malgré de

(1) Léon Mirot et E. Deprez : Les ambassades anglaises pendant la guerre de Cent Ans, catalogue chronologique, 1327-1450. (Extrait de la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, années 1898, 1899 et 1900).


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pénibles recherches, le doute subsiste encore pour quelques-unes (1). »

Après les préparatifs de la descente en Angleterre, en 1386, les sympathies en faveur des Anglais, qui n'avaient jamais disparu en Flandre, reparurent de nouveau. Le 15 janvier 1387, nous voyons cependant le duc publier un mandement daté de Paris, dans lequel il accorde à tous les marchands la libre entrée de ses ports, à l'exception des Anglais, et il défend même de leur acheter quelque marchandise (2). Une flotte bourguignonne chargée de vin de Saintonge, fut prise quelque temps après-par des navires anglais, mais bientôt une trêve commerciale fut conclue, entre les deux pays, en 1388, renouvelée en 1389 et 1390, et les négociations furent entreprises pour arriver à un traité définitif (3). Nous trouvons dans Rymer.(4) les pouvoirs donnés "aux ambassadeurs anglais pour conclure ces trêves ; ils sont datés des 20 mai et 26 novembre 1388, 5 novembre 1389, et 8 avril 1390.

Ce fut surtout à partir du début du XVe siècle que les négociations redoublèrent d'activité, et nous voyons en 1403, le 11 janvier, le roi d'Angleterre ordonner par un mandement daté de Westminster, de faire comparaître à Londres devant les ambassadeurs flamands, le 1er février suivant, les violateurs des trêves qui avaient été faites précédemment (5).

(1) Manusc Cotton Galba, B. I. (Edit. Gilliodts et Scott), p. vi.

(2) Varenbergh : Histoire des relations diplomatiques entre le Comté de Filandre et l'Angleterre au Moyen-âge, pp. 478 et 479. On y trouve le mandement du duc contresigné par Thierry Gherbode, reproduit d'après l'original en parchemin, conservé aux Archives de la ville de Bruges.

(3) Ibid., p. 484, 485 et 486.

(4)'Rymer, t. III, p-IV,pp. 23, 35, 47 et 49. (5, Rymer, t. IV, pe I, p. 38.


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Au mois d'avril, Richard Aston. (1), chevalier, lieutenant de Calais et chef des délégués anglais, écrit à Thierry de Heuchin (2), l'un des:délégués de Flandre.-Ce dernier avait proposé de se réunir lé 8 mai suivant, mais Richardj à cause de l'expiration des trêves le 15 juin, voulant se ménager le temps pour les ratifications qui demanderont plus de SOjours, proposait le 28 avril et Calais comme lieu de réunion (3). A la date du 18 avril, l'évêque d'Arras répondit aux .délégués flamands.d'accorder le délai,, car les. Anglais mit attendu jusqu'au mois de novembre et le duc aura à ce sujet une entrevue avec les députés des Quatre membres de Flandre (4). Quelques mois plus-tard., le roi de France chargea le duc de Bourgogne et comte de Flandre de renouveler les trêves, avec l'Angleterre, et de traiter au sujet de la réparation des dommages causés aux sujets de France et tout spécialement aux flamands par « plusieurs escumeurs et gens de mer tenant la partie d'Angleterre, estant, en armes sur mer, à grant puissance de gent et de navire en diverses marches que par plusieurs fois ont pris, robe, emmené et mis à-mort... plusieurs de nos subgez ensemble leur navire, marchandise et biens et par espécial des marchans et habitans de la comté et pa'is. de Flandre en venant notoirement contre la teneur des trêves » (5).

(1) Il nous a- été impossible d'identifier ce personnage. — Le - Bictionary of national Biography renferme mention de plusieurs personnages portant ce nom, mais aucun n'a le prénom de Richard, et n'est de notre époque.

(2) Même observation pour Thierry de Heuchin que pour Richard Aston.

(3) Archives du Nord, B, 528, orig. pap. Cette pièce qui sert à dater la pièce suivante est datée du mercredi 18 avril sans mention de millésime. Le 18 avril, en 1403, est un mercredi, mais nous devons adopter cette date avec des réserves, car, en 1403, nous ne voyons pas Richard Aston occuper les fonctions de lieutenant de Calais, (n° 19520. Très, des chart.).

(4) Ibid., B, 528, orig. pap. Même observation que pour la précédente, (n° 19521. Très, des chart;).

(5) Ibid., B.286, (n° I5.000. Trésor des chartes).


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Le: même jour, le roi d'Angleterre mandait à divers sujets de son royaume de comparaître à Calais le 1er juillet suivant, en présence des ambassadeurs flamands et des commissaires.anglais, Nicolas Risheton (1) et Jean Urban (2), pour s'y justifier des plaintes qui auraient été dirigées contre eux (3). Enfin, le 27 juin, fut conclue à Leulinghem (4), une trêve commerciale entre la France et l'Angleterre, accordant la liberté du commerce, là délivrance des prisonniers et la réparation des dommages causés (5). Le 14 juillet, le roi d'Angleterre annonce qu'à la suite des plaintes des Flamands, il a donné pleins pouvoirs à Nicolas Rysheton et Jean Urban pour assister à l'entrevue de Calais qui a du avoir lieu le 1er juillet (6). Quelques semaines plus tard, le dimanche 5 août, Richard Aston écrit aux ambassadeurs flamands, parmi lesquels se trouvait Thierry Gherbode, pour leur demander certaines corrections dans les lettres patentes qu'on devait obtenir (7), et le 17 août, nous avons un mandement du roi de France au duc de Bourgogne au sujet de l'envoi et de la

(1) Nicolas Rishton (ortographe exacte), naquit probablement à Rishton (Lancashire), fit ses études à Oxford, négocia avec la France en 1403, et avec la Flandre la plus grande partie des années suivantes. En 1408, il fut envoyé en mission avec sir Covil et Jean Polton, près du pape Grégoire XII, et représenta l'Angleterre au concile de Pise. Il obtint de nombreux bénéfices en Angleterre, et mourut en juin 1413 (d'après le Dict. of Nat. Biog t. XLVIII, pp. 321 et 322).

(2) Le Dict. of Nat. Biog. s'arrêtant actuellement à la lettre T, il nous a été impossible d'identifier ce personnage.

' (3) Rymer, t. IV, I, p. 45.

(4) Leulinghem, Pas-de-Calais, arrondissement de Boulogne canton de Marquise.

(5) Archives du Nord, B, 286, (très, des chart., 15000 bis) et Rymer, IV, 1er par., p. 46.

(6) Rymer, IV, 1re partie p. 49.

(7) Archives du Nord, B, 532. (très, des chart., 19564). .


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confirmation des trêves (1). Enfin un nouvel-'accord est conclu à Calais, le 29 août, entre Nicolas Risheton et Jean Urban, commissaires anglais, et les. députés des Quatre Membres de Flandre; les trêves conclues en 1402 sont prorogées (2). Des prises cependant avaient encore "été faites aux Anglais, et ces infractions n'étaient pas pour amener une solution favorable des négociations ; aussi, nous voyons la ville de Bruges s'adresser le 15 septembre 1403 au conseil du duc de Bourgogne demandant d'empêcher la vente que le bailli de l'PCau de l'Ecluse voulait faire des biens pris aux Anglais (3), et nous avons la réponse du bailli de l'Ecluse, qui prétend avoir agi d'après les ordres du chancelier, et avoir reçu à cette occasion les plaintes les plus vives de ceux de Bruges, Ypres et Gand (4). Le conseil du duc en cette circonstance ne prit aucune décision ; il se contenta d'envoyer au duc les lettres qui lui avaient été adressées et le pria de résoudre la difficulté (5).

Le 1er décembre 1403, les ambassadeurs anglais écrivent au garde des Sceaux, Jean Langley (6) : ils ont reçu, le 29 novembre, à Calais, les députés des Quatre Membres de Flandre, qui ont demandé la reprise des négociations là ou ailleurs, mais les Anglais ont maintenu Calais, et ils sont sans nouvelles ^des ambassadeurs

(1) Archives du Nord,-B. 286. (très, des chart., 15000 ter).

(2) Rymer, IV, I, p. 54. (3) Archives du Nord, B, 542. (très, des chart., n° 19572).

(4) Ibid., (n° 19573).

(5) Ibid., (n° 19575). ■

(6) Jean Langley fut chanoine et doyen d'York en 1400 et 1401; en 1403, garde du Sceau privé ; en 1405, garde du grand Sceau, et élu.archevêque d'York. Mais le Pape' ne voulut pas confirmer son élection, et il fut nommé au siège de Durham, le 17 mai 1406. Il exerça diverses ambassades, en France notamment, fut nommé cardinal par Jean XX11I, en 1411, et mourut le 20 novembre 1437. Dietionary of National Biography, t. XXXIL


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de France qu'ils- ont cependant prévenus (1). Le 4 du même mois, les ambassadeurs anglais se plaignent au duc de Bourgogne de certaines infractions à la trêve, commises par le duc d'Orléans et le comte de St-Pol (2), de l'attitude offensive qu'a prise la flotte française, et ils demandent' une explication (3). Le 20 décembre, par lettres patentes données à Westminster, le roi Henri IV annonce qu'à la suite d'un accord conclu entre la Cour et les délégués flamands, il à donné pouvoir pour traiter dans dès conférences a Calais, en avril prochain, ces questions avec les ambassadeurs de Flandre (4).

Le 24 décembre, les députés flamands écrivent à ceux d'Angleterre afin que l'on fixe un lieu autre que Calais pour la réunion où doit se discuter la restitution des biens pris par les Anglais (5). La réponse datée du 29 contient des plaintes au sujet de nouvelles infractions à la trêve, commises par les Flamands, et des demandes de réparations ; cependant, pour le bien de la paix, on consent à changer le lieu primitivement fixé (6).- Ce fut en cette année que les communes :de Flandre s'adressèrent au roi et aux villes d'Ecosse, pour réclamer la restitution de marchandises que les Ecossais avaient enlevées

(1) Manus. Cotton Galba, B. I. (Edit. Gilliodts,: p. 63). La date de cette pièce est justifiée en note par les éditeurs

(2) Walran, fils de Guy de Luxembourg et de Mahaut de SaintPol, mort le 19 avril 1415.

(3) Hingeston : Royal and historical letiers, p. 170, pièce LXVI.

(4) Rymer, iV, I, 61. Cette pièce datée par Rymer de 1403, nous semble de 1402, car l'ambassade de Nicolas Scoorkin et Simon de Fromelles en Angleterre est de cette année 1402, (Rymer, I, p: 54). On pourrait dater la pièce de 1402 en admettant pour le début de l'année le style de la Nativité, mais ce style, qui était primitivement en usage en Angleterre, y fut abandonné aux,XI1' et XIIIe siècles. (Voir Giry : Manuel de diplomatique, p.. 125).

(5) Hingeston, op. cit., p. 175, pièce LXVII.

(6) Ibid., p. 177, pièce LXVI1I.


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à des marchands italiens. Ils - écrivirent: également plusieurs lettres au. roi d'Angleterre,, et ce fut: Thierry Gherbode qui en dressa - les minutes-. Il reçut à cette: occasion la somme de huit livres parisis, qui lui fut payée par-Bruges, Gand, Ypres, et le Franc (1); Le 2 janvier, réponses de Lutrell,.Croft (2) et RyshetoUj ambassadeurs anglais, au Magistrat de Bruges,.qui avait demandé la restitution de vins supposés, appartenir à un français et: qui avaient été capturés sur un navire flamand (3). Le 6 du même mois, les ambassadeurs des Quatre Membres - de Flandre écrivent aux Anglais pour leur annoncer qu'ils attendent la décision du duc deBourgogne (4), et, le 9, nous avons une lettre du chancelier de Bourgogne à Thierry Gherbode pour lui accuser réception de ses lettres et lui annoncer qu'il en référera au duc. Nous n'avons pu retrouver les lettres de Thierry Gherbode, et nous ne savons pas quel était leur objet (5). Le lendemain, les députés anglais écrivaient à ceux de Flandre, pour se plaindre de leurs retards vexatoires, et leur réclamer une réponse immédiate,. car ils doivent assister à la session du Parlement (6).

Le 14, les députés des Quatre Membres écrivent aux Anglais pour leur demander des saufs-conduits pour vingt personnes (7). Quelques jours,plus tard, le 4 février, le

(1) Gilliodts-van Severen : Edit. des manusc Cotton Galba, I, p. XLIII. (Compte de Gand, 19 janvier 1404 au 12 mars 1405, fol. 147,' n° 37). Cf. Delpierre : Précis analytique des documents que renferme le dépôt des Archives de la Flandre occidentale, 1.1.

(2) Il nous a été impossible d'identifier ces deux personnages, le Dictionary of National Biography, n'offrant sur. eux aucun renseignement. Jean de Croft était, .nous le savons par sa signature,. chevalier.

(3) Hingeston, op. cit., page 194. (4) Ibid., p. 200, pièce LXXIV.

(5) Archives du Nord, B, .535. (très, des chart., n° 15024).

(6) Hingeston, op. cit., pp. 202, 203 et 204, p. LXXV.

(7) Archives du Nord, B, 535. (très, des chart., n° 15024).


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lieutenant de Calais s'adresse à la duchesse de Bourgogne pour se plaindre de la prise d'un vaisseau, et, à la même date, des marchands anglais obtiennent de la duchesse un sauf-conduit pour venir en Flandre (1). Mais ce saufconduit ne satisfit pas les Anglais, car nous avons une lettre adressée par Nicolas Rysheton à-Thierry Gherbode, priant celui-ci de faire modifier le sauf-conduit: qui venait d'être accordé (2). ,

L'échange des correspondances continue activement : le 23 février, une lettre des Quatre Membres accuse réception aux Anglais d'un message du 14 précédent, et dit qu'une partie des délégués est encore à Paris, et que l'on est incertain au sujet des conférences qui doivent s'ouvrir à Leulinghem le 1er mars (3).

Le retard des Flamands mécontentait, vivement les Anglais, et nous voyons Croft et Rysheton s'en plaindre au roi Henri IV, lui réclamer en même temps le paiement de leurs gages et une protection sur mer plus efficace en faveur des sujets anglais (4). Les mêmes, le 14 mars, écrivent aux Quatre Membres de Flandre,, en vue de négocier le traité (5). Le 18 mars, Richard Aston écrivait au roi d'Angleterre pour lui annoncer qu'il avait demandé un sauf-conduit pour -ses collègues au duc de Bourgogne (6), et s'était plaint des pillages commis par les corsaires flamands (7) ; le 29 mars, il renouvelle ses doléances sur le même sujet (8).

(1) Archives du Nord, B, 533. (très, des chart., n° 15011).

(2) Ibid.

(3) Manusc. Cotton Galba, I, (Edit. Gilliodts), p. 69, pièceXXXII, et Hingeston, op. cit., p. 210, pièce LXX1X.

(4) Hingeston, op. cit., p. 212, p. LXXX.

(5) Archives du Nord, B, 528, (n° 19628 du très, des chart.).

(6) Hingestpn, op. cit., p. 225, pièce LXXX1I.

(7) Manusc. Cotton Galba, I. (Edit. Gilliodts), p. 75, pièce XXXIV.

(8) Archives du Nord, B, 533. (très, des chart., 19630), original en papier.


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Les négociations ne furent entamées qu'au mois d'avril. Nous voyons à cette date le vidame d'Amiens (1), Guillaume de Halluin (2), Jean de Nielles (3), et Thierry Gherbode se rendre à Calais (4), et leur absence dura quinze jours. Thierry Gherbode recevait trois francs par jour, les autres députés en avaient quatre et le vidame d'Amiens en-avait six (5).

Le 6 avril, le duc de Bourgogne accordait aux ambassadeurs anglais le sauf-conduit réclamé (6), et le 14, lès ambassadeurs du duc, parvenus à Saint-Omer, prévenaient le comté de Saint-Pol de leur arrivée, et le priaient de veiller à ce qu'aucun trouble ne survienne durant les négociations qui allaient s'ouvrir (7).

Les ambassadeurs anglais, auxquels on avait proposé de se réunir le 17, demandèrent, par lettre du 15, la remise de l'assemblée au 25, par suite de l'absence de

(1) Baudouin d'Ailly, et non Baugois d'Arly, chambellan de Charles VI, fils de Marguerite II et de Robert d'Ailly, succède au vidame d'Amiens, à la mort de sa mère, en 1398 ; tué à Azincourt en 1415. (Mas-Latrie: Très, de chronologie, col. 1661).

(2) Guillaume de Halluin était chevalier, fils de Rolland, seigneur de Halluin. mort en 1367, et de Marguerite de Bruges, et frère dé Gauthier III de Halluin. (D'après Moreri : Dictionnaire historique, t. V, p. 499).

(3) Nous trouvons dans les pièces originales (Biblioth. Nat., dèp. des manusc, t. 2112, n° 48000), diverses pièces dé 1385 à 1400, se rapportant à un Jean de Nielles, conseiller et maître des requêtes du roi, en 13S4, et gouverneur de Ponthieu. Froissart, (èdit. Kerwyn de Lettenhove, t. X, p. 238), nous cite un personnage du même nom, qui fit la guerre en Ecosse. Peut-être s'agit-il de notre,personnage ou de son père?

(4) Biblioth. Nat., dép. des manusc, Coll. de Bourgogne, t. LXV, p.76.,r.

(5) Arch. de la Côte d'Or, B, 1538, fol. 84, r.

(6) Arch. du Nord, B, 533, (très, des chartes, n° 15016), original parchemin scellé sur simple queue, sceau de cire rouge.

(7) Ibid. B, 533, (très, des chartes, n° 19651), original papier.

19


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plusieurs de leurs collègues encore en Angleterre (1), et le même jour, le comte de Saint-Pol écrivait aux députés flamands pour'obtenir la désignation exacte des gens de l'escorte des ambassadeurs anglais (2). Deux jours après, les ambassadeurs flamands écrivirent au duc pour le mettre au courant des événements (3).

L'entrevue ne put se tenir le 25, car, le 23, les ambassadeurs anglais réclamèrent une nouvelle prorogation (4), et le lendemain, les députés de Flandre en rendirent compte au duc en lui réclamant le paiement de leurs gages, à cause des frais considérables qu'ils avaient à supporter (5). Quelques jours après, l'évêque d'Arras, chancelier, leur répondait qu'ils peuvent fixer, l'entrevue avec les Anglais après la Pentecôte, et qu'il s'efforcera, malgré l'état des finances du duché, de leur donner satisfaction au sujet de leurs gages. (6). Sur ces entrefaites, mourait à liai, près de Bruxelles, le 27 avril 1404, le duc Philippe le Hardi. Dès le lendemain, les échevins et le conseil de la ville de Gand écrivaient aux députés désignés pour négocier avec l'Angleterre, pour leur annoncer cet événement, et les prier de continuer néanmoins les négociations (7).

Cette mort allait retarder l'entrevue qui se préparait. Le 2 mai, les députés du duc répondent d'Arras aux échevins de Gand, qui leur avaient écrit le 28 avril. Ils les mettent au courant des délais qu'avaient sans cesse

(1) Arch. du Nord, (très, des chartes, n° 15016 ter), original papier.

(2) Ibid., B, 533 (ibid., n° 15016 bis), original papier.

(3) Ibid., B, 522, (Ibid., n° 19484).

(4) Ibid., B, 533, (Ibid., n° 15016 bis), original papier.

(5) Ibid., (n° 19652), original papier.

(6) Ibid., B, 528 (Ibid., n° 19523), original papier.

(7) Ibid., B, 533, (Ibid., n° 19895), original papier scellé d'un sceau plaqué -de cire noire.


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réclamés les ambassadeurs anglais, et ils leur annoncent que,. par suite de la mort du duc, ils ont quitté SaintOmer, après avoir averti les Anglais de l'événement (1). Le même jour, Jean sans Peur, le nouveau duc, écrivait à ses ambassadeurs, pour les informer qu'il avait envoyé leurs lettres à sa mère, afin que celle-ci sollicite du roi de France les pouvoirs nécessaires pour la continuation de leur mission (2). Le lendemain, nous voyons une délégation des Quatre Membres se rendre, à Arras pires de la duchesse, pour la prier de demander au roi de France la continuation des pouvoirs donnés au duc défunt. Le 26 mai, Victor van Leffinghe vient à-Paris trouver Thierry Gherbode, pour s'informer près de lui si la prorogation a été obtenue (3). De leur côté, les ambassadeurs anglais écrivent, le 7 mai, à la duchesse douairière, en la priant de faire respecter le traité, et en l'assurant de leurs intentions bienveillantes (4).

Quelques jours plus tard, la duchesse enjoignait à ses baillis de publier dans tous les ports la défense de se livrer à la course ou à la piraterie (5), et, le 16 mai, elle priait ses ambassadeurs d'obtenir des Anglais, à leur prochaine entrevue, la réparation de certains dommages causés à des marchands d'Ypres et de l'Ecluse (6). Le 21, elle demandait à Thierry Gherbode des nouvelles des négociations, à cause du bien du pays et du grand état qu'en font les Quatre Membres (7). Le 31, elle

(1.) Arch. du.Nord, B, 529, (très, des chartes, n° 19528), original papier.

(2) Ibid., B, 523 (Ibid., n° 15016 quater) original papier.

(3) Manusc. Cotton Galba, I, (èdit. Gilliodts) p.,102.

(4) Ibid.., p. 82 et 83, pièce XXXVI.

(5) Manusc. Cotton Galba, I, (éd. Gillodts)p. 84, pièce XXXVII.

(6) Areh. du Nord, B, 529, (très, des chartes, n° 9534), original papier.

(7) Ibid., (n° 19540), original papier.


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écrivait encore au même personnage, et au vidame d'Amiens, et leur accusait réception de leurs deux lettres. Les deux ambassadeurs y annonçaient que le roi de France avait accordé le renouvellement du pouvoir pour le traité avec l'Angleterre, et avait accordé' à la princesse douairière, comme au duc défunt, douze mille francs par an pour la garde "du château de l'Ecluse, à la condition que le capitaine du château prête serment au roi de France. Mais la duchesse, trouvant trop dangereuse cette dernière condition, en réclama la suppression (1).

Le 7 juin, elle écrivait au lieutenant de l'Etaple de Calais ; elle lui faisait part de son désir de voir se conclure le traité et réparer les torts ; elle annonçait qu'elle avait obtenu du roi de France, pour elle et son fils, le renouvellement des pouvoirs concédés au duc défunt. (2). Le 14, les Quatre Membres de Flandre écrivaient de leur côté aux députés anglais, les remerciant de leur zèle, et annonçant que la duchesse a obtenu le renouvellement des pouvoirs de son mari (3); nouvelle lettre de ceux-ci, le 17, suppliant les députés anglais de déjouer les projets de l'évêque de Norwich (4) et de ses partisans qui voulaient envahir la Flandre; ils y ajoutaient que si la nouvelle d'une incursion de la flotte anglaise se vérifiait, ce serait un malheur pour le pays (5).

Le 17 juin, les Quatre Membres de.Flandre s'adressent aux marchands de Calais, pour leur demander d'user de

(1) Arch. du Nord, B, 533, (très, des chartes n° 19650), original papier.

(2) Manusc. Cotton Galba,I,(édit.Gilliodts), p. 88, pièce XXXIX. Hingeston, p. 245, pièce XC.

(3) Ibid., p. 92, pièce XLI. Hingeston, p. 249, pièce XCI.

(4) Henri Spencer, évêque de Norwich, de 1370 au 23 août 1406, date de sa mort. (GAMS : Séries episcoporum, p. 195).

(5) Manusc, Cotton Galba, I, (édit. Gilliodts), p. 99, pièce XLII, et Hingeston, p. 256, pièce XCIV.


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tous les moyens pour faire aboutir les négociations (1), et, les I7 et 20, les députés flamands reçoivent des lettres de la duchesse de Bourgogne et des échevins de la ville de Gand (2). Le 25, un clerc du roi d'Angleterre lui écrit pour lui annoncer que la duchesse de Bourgogne a obtenu du roi de France le renouvellement de la commission donnée au duc. (3) et lui demander des instructions, et lé 6 juillet, la duchesse elle-même écrivait à Jean Urban, l'un des députés anglais, pour lui confirmer le renouvellement de ses pouvoirs, et annoncer l'arrivée de ses délégués à Saint-Omer, le 20 juillet. Elle priait les députés anglais de bien vouloir se réunir sans retard à Rodelinghem (4) et préparer les saufs - conduits nécessaires (5). Les délégués flamands étaient ceux qui avaient été désignés précédemment : le vidame d'Amiens, Guillaume de Halluin, Jean de Nielles, et Thierry Gherbode (6). A la suite de la lettre de la duchesse, les délégués anglais écrivaient, le 20 juillet, aux Quatre Membres de Flandre pour leur annoncer que quatre commissaires anglais ont été désignés pour commencer les négociations avant l'Assomption (7), et la commission du roi d'Angleterre donnant pleins pouvoirs pour négocier est datée du 22 juillet (8). ' Le 24, Nicolas Rysheton, l'un des ambassadeurs dési(1)

dési(1) Cotton Galba, I,(édit. Gilliodts), p, 96, pièce XLIII; Hingeston, p. 253, pièce XCIII.

(2) Arch. du Nord, B, 534, (très, des chartes, n° 19866 et 19896).

(3) Manusc. Cotton Galba, I, (édit. Gilliodts), p. 102, pièce XLVI, et Hingeston, p. 264, pièce XCVI.

(4) Rodelinghem, Pas-de-Calais, arrond. de Saint-Omer, cant, d'Ardres.

(5) Manusc Cotton Galba, I, (édit. Gilliodts), p. 104, pièce XLVII, et Hingeston, p. 266, pièce XCVII.

(6) Ibid.

(7) Ibid.? p. 106, pièce XLVIII, et Hingeston, p. 277, pièce C.

(8) Ibid,; p. 108, pièce XLIX.


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gnés écrivait au roi Henri IV, qu'ayant reçu l'ordre: du chancelier, l'évêque de Lincoln (1), d'aller à Calais, il lui rappelait qu'on lui devait encore cent livres pour voyages et honoraires, et il priait le roi de lui faire payer cette somme (2). Thierry Gherbode, pour ces négociations, alla d'Arras à Paris, et ce voyage, pour lequel il reçut quarante-cinq francs, dura du 26 juillet au 12 août (3).

Le 5 août, Henri IV confirmait la commission de ses ambassadeurs, et leur permettait de délivrer des saufsconduits aux députés flamands (4) ; le 23 du même mois, les délégués anglais annonçaient aux Quatre Membres leur arrivée, demandaient d'examiner l'affaire des prises de l'Écluse, et proposaient de se réunir le 6 septembre à Santingfeld (5 et 6). Le même jour, ils écrivaient dans les mêmes termes à là duchesse de Bourgogne (7), et le 31 août, ils mettaient le conseil royal au courant de leurs lettres à la duchesse de Bourgogne et aux Quatre Membres de Flandre (8). Le 31 août également, les Quatre Membres de Flandre accusaient réception des lettres des Anglais (9), et le 2 septembre, la duchesse de

(1) Henri Beaufort, évêque de Lincoln, le 13 juillet 1398, translèré au siège de Winchester en 1404,y mourut le. Il avril 1447. (GAMS : séries episc, pp. 192 et 199).

(2) Manusc. Cotton Galba, I, (édit. Gilliodts), p. 112, pièce L, et Hingeston, p. 279, pièce CI.

(3) Arch. du Nord, B, 3331, fol. 34, v.

(4) Manusc. Cotton Galba, I, (édit. Gilliodts), p. 116, pièce LU.

(5) Ibid., p. 117. pièce LIII ; Hingeston, p. 294, pièce CVI.

(6) Santingfeld, aujourd'hui St-Inglevert, Pas-de-Calais, arrondissement de Boulogne, cant. de Marquise.

(7) Manusc. Cotton Galba, I, (édit. Gilliodts), p. 120, pièce LIV, et Hingeston, p. 297, pièce CV1I.

(8) Ibid., p. 122, pièce LVI, Hingeston, p. 303, pièce CXI.

(9) Ibid., p. 121, pièce LVI, Hingeston,- p. 302, pièce CX.


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Bourgogne mandait Thierry Gherbode près d'elle à Arrasy pour l'entretenir de certaines nouvelles reçues des Anglais, (l). Le 10 du même mois, les Anglais écrivaient au conseil royal, pour rendre compte des négociations, annoncer une réunion à Santingfeld pour le 25 septembre, et demander qu'on leur- adjoigne de nouveaux commissaires (2), et le 16, ils envoyaient aux ambassadeurs flamands lé sauf-conduit nécessaire pour venir à la réunion-(3)..

Le 26 septembre, les ambassadeurs anglais faisaient savoir au roi Henri IV que l'entrevue avec les Flamands n'avait pu se faire, car la duchesse avait voulu traiter sans- l'intervention des Quatre Membres, et ceux-ci avaient, vivement protesté (4). Deux jours plus tard, ils écrivaient à la duchesse pour réclamer la mise en liberté de l'évêque de Hereford (5) et de 168 pêcheurs pris parles pirates au nord de l'Angleterre, pour se plaindre des nouvelles courses entreprises par les pirates de Dunkerque (6) et.de Nieuport, et le 30 septembre, ils lui envoient un nouveau message sur le même sujet (7). Le 1er octobre, ils s'adressent aux Quatre Membres pour la même question, et promettent de se hâter dans la révision des saufs-conduits. A la suite de cette lettre,, les Quatre Membres envoient à Arras près de la duchesse des. députés

(1) Arch. du Nord;. B. 534, (très, des ch:, n° 15020), orig. en pap.

(2) Manusc. Cotton Galba, I, (édit, Gilliodts), p. 134, pièce LX1I, Hingeston, p. 331, pièce CXVII.

(3) Arch. du Nord, B. 534, (très, des ch. .N° 15020ter), orig. parch. scel. de 3 sceaux.

(4) Manusc. Cotton Galba, I, (édit. Gilliodts). p. 139, pièce LXIV, et Hingeston, p. 338, pièce CXIX.

(5) Robert Mascall, èvêqrïe- de, Hereford, du 2 juillet 1404 au 22 décembre 1416, date de sa mort. (GAMS : Séries.episcop. p. 190).

(6) Manusc. Cotton Galba 1 (éd. Gilliodts), p, 146, pièce LXVII, et Hingeston, p 345, pièce CXX.

(7) Ibid; p. 148, pièce LXVIII, et Hingeston, p. 348, pièce CXXI.


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pour lui demander qu'elle interdise d'une façon formelle la piraterie (1).

Le 3, nouvelle lettre des Anglais à la duchesse proposant de proroger le délai pour les négociations jusqu'au 1er janvier, demandant la mise en liberté de l'évêque de Hereford et des pêcheurs capturés, et se plaignant des armements de pirates au port de l'Ecluse (2). Le 6, Nicolas Risheton écrivait à l'archevêque de Cantorbery (3) et lui faisait savoir que la duchesse voulait négocier par ses seuls délégués, que les pirates s'armaient à l'Ecluse, et qu'il était encore sans réponse au sujet delà mise en liberté de l'évêque de Hereford et des pêcheurs qui avaient été pris (4). Enfin, le même jour, la duchesse de Bourgogne répondait aux Anglais en leur disant qu'elle avait interdit la course, mais à titre de réciprocité, et en leur rappelant leur descente à Wulpen (5), et elle promettait de s'informer des faits de piraterie, en se défendant de les avoir favorisés, elle ou les siens (6), et le IL octobre, cette lettre était communiquée par Jean Croft et Nicolas Risheton au roi Henri IV (7).

Au mois de novembre 1404, le roi de France Charles VI donnait de nouveaux pouvoirs à la duchesse de Bourgo(1)Manusc.

Bourgo(1)Manusc. Galbai (éd. Gilliodts), p. 150, pièce LXIX,et Hingeston, p. 350, pièce CXXII. Voir aussi la note de M. Gilliodts à la page 150.

(2) Ibid.,p. 156, pièce LXX, et Hingeston, p. 356, pièce CXXIII.

(3) Thomas Arundell, évêque d'Ely, du 13 août 1373 au 3 avril 1388, date de son transfert à York, où il siégea jusqu'au 25 sept. 1396. Il est promu à cette date archevêque de Cantorbery, où il.meurt le 19 février 1414. (GAMS : Séries episcop. pp. 188, 200 et 183.)

(4) Manusc Cotton Galba I (éd. Gilliodts), p. 160, pièce LXXI, et Hingeston, p. 367, pièce CXXV.

(5) Wulpen, Belgique, Flandre occident., arrond. et canton, de Furnes, village situé sur le Canal de Nieuport.

(6) Manusc Cotton Galba I (éd. Gilliodts), p. 165, pièce LXXIII, et Hingeston, p. 361, pièce CXXIV.

(7) Ibid., p. 173, pièce LXXVI, et Hingeston, p. 376, pièce CXXIX.


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gne et au comte de Nevers, pour négocier la prorogation des trêves avec l'Angleterre (1), et le 2 novembre, Nicolas Rysheton, qui avait quitté Calais, le 27 octobre, et avait obtenu, le 1er novembre, une audience du roi d'Angleterre, écrit de Coventry à la duchesse de Bouiv gogne, pour M faire part de son entretevue avec le roi* et insister-sur la libération de l'évêque et des pêcheurs anglais qui étaient toujours prisonniers (2). Mais les torts étaient réciproques, car nous voyons que des pirates écossais pillaient les navires flamands, et Thierry Gherbode écrivait, au nom de Bruges, au roi et aux villes d'Ecosse; pour obtenir réparation des dommages causés aux marchands de Flandre (3). Enfin, le 12 novembre, le roi d'Angleterre désignait de nouveaux ambassadeurs pour s'entendre à Calais, au sujet de la prorogation de la trêve et des changements à y apporter (4).

Les instructions du roi d'Angleterre à ses ambassadeurs portent aussi la date du 12 novembre. Il leur est prescrit de négocier avec les représentants de la duchesse, même si les Quatre Membres de Flandre n'ont pas de députés, de faire un traité général, d'exiger de la duchesse la communication de la commission royale. Enfin, le duc désigne comme conservateur de la trêve le comte de Somerset (5).

Le 7 décembre, un sauf-conduit est adressé par les Anglais aux députés flamands (6), et le 19, la duchesse renouvelle les pouvoirs de ses. ambassadeurs ordinaires

(1) Archives du Nord, B. 534, (très, des chartes, n° 15023).

(2) Man. Cotton Galba I (éd. Giliodts), p. 188, pièce LXXXIII, et Hingeston, p. 404, pièce CXL.

(3) Ibid,, pièce XXVII.

(4) Rymer, t. IV, 1re partie, p. 72 et 73".

(5) .Man. Cotton Galba I (éd. Gilliodts), p. 181, pièce XCV.

(6) Archives du Nord, B. 535 (très, des Ch., n° 15024) orig. parch., scellé sur simple queue.


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vis-à-vis de l'Angleterre, et leur donne ses instructions... (1) Un nouveau sauf-conduit est accordé, le 22 décembre, par le lieutenant de Calais, en vue d'une assemblée à St-Inglevert (2). Enfin, le 25, Richard Aston et les autres ambassadeurs anglais écrivent aux Flamands pour se plaindre de leur volonté changeante au sujet du lieu de là réunion, et pour annoncer qu'ils acceptent sur ce point l'arbitrage du bailli de Guînes (3). Quelques jours plus tard, le 29, la duchesse dé Bourgogne accusait réception à ses ambassadeurs de leurs lettres écrites d'Ardres^ annonçant leur venue à St-Omer, leur entrevue avec les représentants des Quatre Membres, et demandant des saufs-conduits en faveur des Anglais (4) ; le 31 décembre, nouvelle lettre des ambassadeurs flamands rendant compte de leur entrevue avec les Anglais dans l'église d'Andres (5) à mi-chemin entre Ardres et Guînes (6),

Les difficultés continuaient pourtant à se produire au sujet des pirateries exercées par les deux 1 pays : lé 9 février 1405, la duchesse de Bourgogne, par une lettre datée d'Arras et adressée aux gens de ses comptes, valide la saisie faite à l'Écluse, le Vendredi Saint 1403; de deux navires anglais et islandais (7). Deux jours plus tard, les députés des Quatre Membres de Flandre écrivent à la duchesse pour se plaindre d'attentats commis par les corsaires anglais et pour lui parler des réclamations

(1) Archives du Nord, (Ibid., n° 15024)orig. parch., scellèpour les pouvoirs, et orig. pap. non scellé pour les instructions.

(2) Ibid., (Ibid.) orig. parch. scellé.

(3) Ibid., (Ibid.) orig. pap. scellé sur le côté.

(4) Ibid., B. 534 (très, des ch. n° 19603).

(5) Andres, Pas-de-Calais, arrond. de Boulogne, canton de Guînes.

(6) .Archives du Nord, B. 536, (très, des ch. n° 19926).

(7) Ibid., B. 535 (très des ch. n° 15027).


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qu'ils avaient reçues au sujet de certaines prises qui avaient été amenées, à Gravelines (1).

Les" rapports entre la Flandre et l'Angleterre:, n'étaient pourtant pas interrompus, malgré ces réclamations incessantes, et,, le 12 mars, par lettres patentés datées de Westminster, le roi Henri IV nomme des ambassadeurs et promet de ratifier les décisions qu'ils prendront soit eh vue d'un traité ou d'une simple trêve (2). Nous voyons que Thierry Gherbode ne demeurait pas inactif dans ces négociations, que la mort de la duchesse de Bourgogne; arrivée, le 21 mars 1405, ne ralentit pas. Il va pour lés trêves avec l'Angleterre du 23 au 31 mars à Paris, puis eh compagnie de Guillaume de Halluin et de Thomas de Bauffremez; il va à Gravelines, et il reçoit 'pour ces voyages une somme de deux francs par jour (3).

Une lettré de l'évêque de Bangor (4) et de ses collègues au roi-Henri IV en date du 30 mars 1405, nous apprend que le 18 mars, à la suite d'une demande venue d'Arras et demandant de fixer la réunion au 20, on avait prorogé la trêve à une date ultérieure ; que les ambassadeurs flamands voulaient négocier à Gravelines, et que ceux de France avaient l'intention d'assister aux négociations. Mais les députés anglais viennent d'apprendre la mort de la duchesse de Bourgogne, et réclament de nouvelles instructions (5).

Les délégués anglais à la même date adressent au roi

(1) Archivés du Nord, 559 (Ibid n° 19646).

(2) Rymer, t. IV pr. partie, p. 79.

(3) Archives du Nord, B. 1894 fol. 88, v.

(4) Richard Young, évêque de Bangor, de 1400 au 27 juillet 1404 (d'après GAMS : séries episcopor, p. 181). Le siège de Bangor fut ensuite vacant jusqu'en 1408. — La date donnée par Gams est évidemment fautive, car il est question dans la- lettre écrite par l'évêque de Bangor de la mort de la duchesse de Bourgogne, qui arriva en 1405.

(5).Manus.: Cotton Galba. I.(éd Gilliodts); p. 198, pièce LXXXIX.


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une lettre sur le même sujet, et ils signalent les armements qui se font en Picardie (1). Huit jours plus tard, ils annoncent au conseil royal d'Angleterre que les conférences reprendront le 10 ou le 13 avril, mais qu'ils sont sans nouvelles des ambassadeurs français ; qu'ils savent seulement que l'un d'entre eux, le sire de Hugueville (2), est allé en Hollande, préparer des armements (3).

Les ambassadeurs flamands, Thierry Gherbode avec Guillaume de Halluin et Thomas de Bauffremez, furent à Gravelines du 10 au 25 avril pour y suivre les négociations (4), et nous voyons que le 15 mai le vidame d'Amiens se rendit à Paris par ordre du duc, y vit le roi et la reine, et revint à Lens le 15 juin suivant (5) près du duc qui, nous le savons, y fut du 12 au 24 juin (6).

Les marchands de Schiedam (7) s'adressèrent, eux aussi, au roi d'Angleterre, de même ceux deDordrecht (8), au sujet de captures qui avaient été faites par les corsaires anglais de vaisseaux leur appartenant (9). Leurs lettres sont datées du 26 avril 1405. Le 28, le duc de Bourgogne se plaint à son tour au roi d'Angleterre de la prise d'un vaisseau appartenant à un Brugeois, et qu'on

(1) Man. Cotton Galba I. (éd. Gilliodts), p. 200, pièce XC.

(2) Jean de Hangest, sire de Hugueville, grand maître des. Arbalétriers, fils d'Aubert de Hangest et d'Alix d'Harcôurt, conseiller et chambellan du roi, fut chargé de ramener en France Isabelle,-veuve de Richard II. Maître des Arbalétriers de France, il fut envoyé en 1403 prés de Owen de Galles pour l'encourager dans sa révolte, et il mourut en 1407.

(3) Man. Cotton Galba I. (éd. Gilliodts), p. 204pièce XCII.

(4) Archives de la Côte d'Or, B, 1570 règ. non fol. et 11689 liasse 23, côte 171.

(5) Bibl. nat. dépt. des man. Coll. de Bourg, t. LVIII, p. 111.

(6) Petit (Er.): Itinéraire des ducs de Bourgogne, p. .349.

(7) Schiédam, Hollande, province de la Hollande méridionale.

(8) Dordrecht, ibid.

(9) Man. Cotton- Galba I (éd. Gilliodts ), p. 206, pièce XCIII.


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avait arrêté à Plymouth (1). Le 3 mai, les ambassadeurs anglais écrivent à ceux de Flandre : « La conférence a été ajournée et il fut promis une remise de quatre mois ; les députés flamands demandent à porter ce délai à un an, mais le 21 avril dernier,. les pillards de Gravelines ont dévasté les environs de Calais, et le duc se prépare, dit-on, à l'envahissement de là Normandie. Le roy, au pays de Galles; ne peut répondre avant le 26, on peut maintenir la trêve au 25 et se réunir à ce jour » (2). Le 4 mai, lettre des ambassadeurs flamands aux Anglais; ils ont reçu, leur lettre du 25 avril réclamant un saufconduit pour deux chapelains du comte de Somerset ; ils le leur adressent. En réponse à celle du 26, se plaignant des préparatifs de guerre du duc de Bourgogne, ils protestent des intentions pacifiques de leur maître qui ne désire que la prorogation delà trêve (3).

Le même jour, les ambassadeurs anglais avaient écrit à Henri IV, pour le mettre au courant de leurs négociations et solliciter de sa part une prompte réponse (4). Le 7 mai, nouvelle demande de saufs-conduits faite par les Anglais en faveur de diverses personnes qui désirent traverser la Flandre, et de l'évêque de Rochester, Richard (5), qui a l'intention de se rendre à Rome (6).

Le duc de Bourgogne ne se fit pas prier, et nous possédons daté de Bruges le 8 mai 1405, un sauf-conduit accordé à Richard, évêque de Rochester, pour se rendre

(1) Man. Cotton Galba I (éd. Gilliodts), p. 208, pièce XCV.

(2) Ibid.,p. 214, pièce XCIX.

(3) Ibid., p. 218, pièce C.

(4) Ibid,, p. 222, pièce CL

(5) Richard Young, évêque de Rochester, transféré à ce siège de l'évêché de Bangor, le 28 juillet 1404. — Mort le 28 octobre 1418. (Gams : Séries episcoporum, p. 196.

(6) Archives du Nord,B. 529 (très, des ch. n° 19530).


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en Italie avec six de ses serviteurs et valable jusqu'à la Noël(1)..

Le duc de Bourgogne usait de représailles envers les Anglais, et il ordonnait le 12 mai de répartir entre les marchands de l'Écluse, Alost et Ypres, le prix des blés saisis sur deux vaisseaux anglais à l'Écluse, et cela en compensation des pertes causées auxdits marchands par les Anglais (2).

Deux jours plus tard, nous avons une lettre datée'de Calais, écrite par Nicolas Rysheton, - qui propose la réunion au 25 mai, pour conclure ce jour-là le traité, et qui réclame la mise en liberté de l'évêque Richard, arrêté à Gravelines par lé comté de St-Pol, au mépris du saufconduit que lui avait donné le duc de Bourgogne (3).

Non contents d'écrire à ses ambassadeurs, les Anglais écrivent directement, le 15 mai, au duc pour réclamer là délivrance de l'évêque de Rochester, qui avait_ été arrêté à Gravelines le lT mai, sous prétexte qu'il ne possédait pas de sauf-conduit (4).

La réponse des ambassadeurs flamands est datée d'Ypres, le 18 mai'; ils annoncent que le duc a désavoué le siège de Marck (5), qu'avait fait le comte de St-Pol, qu'ils acceptent la réunion fixée au 25 mai, et que l'évêque de Rochester a été arrêté, n'étant pas porteur de son sauf-conduit et revêtu d'un déguisement (6).

Nous ayons à la date du 20 mai, une lettre écrite.à Ypres par Thierry Gherbode et adressée à Jean de

(1) Archives du Nord, B. 535 (très, des ch. n° 19653).

(2) Ibid., B. 535 (ibid., n° 15036).

(3) Ibid., B. 529 (ibid., n° 19532).

(4) Ibid., B. 529 (ibid., n° 19533).

(5) Marclt. Pas-de-Calais,. arrond. de Boulogne, canton de Calais

(6) Archives.du.Nord. B. 529 (très, des ch. n° 19536).


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Nielles, pour lui annoncer que les Anglais acceptent pour l'entrevue la date du 25 mai, et lui faire part en même temps de la défaite du comte de Saint-Pol à Marck, des préparatifs de défense, et des projets d'attaque des Anglais et lui annoncer que, sur le conseil du duc de Bourgogne, le roi de France en verra une ambassade à Rome, en vue de l'union des églises (1). Le même jour, Richard Aston et ses collègues envoient aux Flamands leur acceptation définitive pour la réunion du 25. Reprenant l'affaire de l'évêque de Rochester, ils expliquent qu'il voyageait avec le sauf-conduit des chapelains du capitaine de Calais, et demandent sa liberté. Ils ajoutent qu'ils ne.quitteront pas-Calais, et qu'ils ont obtenu du capitaine de Calais la permission d'y recevoir les députés flamands (2). Le lendemain, les ambassadeurs anglais font .part au conseil royal des événements qui se sont passés : départ pour Rome de l'évêque de Bangor (3), attaque de Marck parle comte de Saint-Pol, et ils demandent de proroger la; trêve durant quatre mois ou un an, car la conférence a lieu le 25 mai (4). Le 23 mai, nous possédons une nouvelle lettre de Thierry Gherbode à Jean de Nielle, lui annonçant l'attaque de l'Ecluse-par quatre-vingt vaisseaux anglais et l'incendie de Cadzand (5), le départ du duc pour l'Ecluse, le voyage à Gravelines retardé. Il ajoute qu'il s'occupe des chevaliers prisonniers des Anglais, et qu'il pense suivre le duc, et il ajoute en post(1)

post(1) du Nord, B. 519 (très, des ch. n° 19539).

(2) Ibid., B. 529 (ibid., n° 19538). Nous trouvons la même pièce, probablement une copie, sous, la cote B. 449. (très, des ch. n° 15123). Elle porte au dos la date évidemment erronée du 20 mai 1408.

(3) Il devait s'agir probablement de l'évêque de Rochester, dont il vient d'être question, et qui était ancien évêque de Bangor.

(4) Manuscrits Cotton Galba I (éd. Gilliodts, p. 234, pièce.CVI).

(5) Cadzand, Hollande, village de la-province de -Zêlande.


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scriptum que les Anglais ont opéré une descente à la Mude (1), et incendient toute la région (2). Le même jour, les ambassadeurs flamands écrivent d'Ypres à Calais, pour demander la remise au 10 ou 12 juin de la confêr rence qui devait se tenir le 25 (3).

Les ambassadeurs anglais répondent, à la date du 25 mai, par une lettre où ils se plaignent encore de nombreuses infractions à la trêve, et notamment de l'arrestation de l'évêque de Rochester. Néanmoins, ils donnent un rendez-vous qu'ils fixent à huit ou dix jours après le 25 mai (4). De la fin du mois de mai sont les instructions du roi d'Angleterre à ses ambassadeurs. Il adresse les saufs-conduits, et désire que les négociations aboutissent. Il laisse les députés libres du choix du lieu de leur réunion, Calais ou Leulinghem, et il annonce qu'il a ordonné une information sur les prises faites en Flandre et en Hollande (5). De nouvelles instructions sont envoyées au mois de juin ; on prorogera la trêve pour un an avec le duc de Bourgogne et on en excluera les Français, Si on ne parvient pas à s'accorder, on agira au mieux des intérêts (6).

De son côté, le 1er juin 1405, le roi de France donnait à Jean, duc de Bourgogne, des pouvoirs pour la conclusion d'une trêve. Ces pouvoirs renouvelaient ceux donnés le 30 juin 1403 au duc Philippe, le 24 mai 1404, à la duchesse douairière Marguerite, et étaient accompagnés

(1) La Mude, Hollande, village de la province de Zélande.

(2) Archives du Nord, B. 549 (trésor des chartes, n° 15123) publiée par Varenbergh : Histoire des relations diplomatiques de Flandre et de l'Angleterre, pp. 493, 494 et 945.

(3) Archives du Nord, B. 549. (très, des ch. n° 15123).

(4) Ibid., B 529. (très, des ch. n° 19521).

(5) Man. Cotton Galba I. (éd. Gilliodts), p, 240, p. CVIII.

(6) Ibid, p. 251, pièce CXII.


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d'une -instruction pour le renouvellement-de la trêve (1). Le-12 juin 1405, Nicolas Rysheton adressait au conseil royal d'Angleterre une lettre rappelant- les lettres précédentes, et disant qu'une "démonstration de la flotte anglaise eût facilité-leur mission, et que -cette démonstration a eu . lieu les 22 et 23 mai ; que la trêve fut prorogée de dix jours à partir du 25 mai, que le comte de Somerset a réclamé la mise en liberté de l'évêque de Rochester, et que, ; d'autre part, le duc de Bourgogne a, sous peiné de mort, défendu aux Anglais l'entrée de ses États (2). Le 18 juin, Richard Aston écrivait à Thomas de Bauffremez, capitaine de Gravelines, son étonnement de ne voir arriver aucun ambassadeur du duc ou des Quatre Membres, alors que la trêve avait été prorogée jusque dix jours après le 25 mai. Il demande si l'on veut rompre les . négociations, et. renouvelle ses .plaintes contre les infractions à la trêve, commises par les Flamands (3). Le 29-du même mois, lettre au conseil royal d'Angleterre, des ambassadeurs anglais. Ils envoient en Angleterre leur collègue, l'évêque de Bath, (4), qui fera le récit des événements^ et ils réclament des instructions précises (5).

Les négociations durent se continuer plusieurs mois encore; avant qu'un résultat définitif fût atteint, car nous avons, à la date du 5 août, une lettre des ambassadeurs anglais, adressée à Thierry Gherbode et Thierry de Heuchin (6) en réponse à une lettre de ceux-ci, datée de Gravelines,

(1) Archives du Nord, B, 286. (très, des ch. n°s 15037, bis, ter, quâter.

(2) Manus. Cotton Galba I, (éd. Gilliodts) p. 243, pièce CIX.

(3) Archives-dû Nord,B, 530. (très, des ch. n° 19548).

(4) Henri Bowet, évêque de Bath, de 1401 au 7 octobre 1407 et transféré à cette date au siège archiépiscopal d'York. (Gams: seriés episcoporum, p, 182).

(5) Manus. Cotton Galba I, (éd. Gilliodts) p. 249, pièce CXI.

(6) Thierry de Heuchin était écuyer et résida longtemps à

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du 3 août. Ils leur proposaient dans cette missive une entrevue, à La Damme (1 et 2) ; puis, le 7, ils leur écrivent de nouveau pour réclamer, pour ce jour, un-sauf-conduit spécial délivré par le sire de la Viesville, et ils ajoutent des observations à ce sujet, de l'orthographe du nom d'un de leurs co-ambassadeurs, qui doit être appelé Pierre Le Loharenc, et non « Pierre Loharenc » (3). Nous ignorons ce qui se passa dans cette entrevue, mais nous savons, par les documents qui vont suivre, qu'elle ne mit pas fin aux négociations.-Nous voyons, en effet, Thierry Gherbode, appelé par le duc, se rendre à Paris à la fin du mois de septembre, pour ce que le traité d'Angleterre sur le cours de la marchandise entre ledit pais et le ledit pais de Flandre avoit été délaissée par aucun temps se devoit remettre sus » (4).

Après avoir reçu à Paris les instructions du duc, Thierry Gherbode se rend, à Gravelines, puis à Calais, en compagnie de Guillaume de Halluin, et de Thomas de Bauffremez. Il voit les députés anglais, et ne regagne Lille, qu'il avait quitté le 28 septembre,- que le 5 novembre suivant. Puis, le 13 novembre, il va retrouver à Paris le duc, qui y séjourne alors (5), pour le mettre au courant des négociations, revient à Calais au mois de décembre, et y attend jusqu'au 1er janvier, le retour des ambassadeurs anglais qui avaient été envoyés en Angleterre. Il reçoit, pour ces déplacements, qui.lui sont payés à raison

Gravelines. Sa famille était originaire de l'Artois, et portait « d'argent au lion de sable, couronné d'or, l'écu billeté d'argent ». — Bibliothèque nationale — départ, des manusc. pièces orig. t. 1520. n° 34576.

(1) La Damme lieu dit situé entre Calais et Marck.

(2) Archives du Nord, B, 532. (trésor des chartes n° 19562).

(3) Ibid. (ibid n° 19565).

(4) Ibid., B, 1878, fol. 89, v,

(5) Petit (Er.) : Itinéraire des ducs de Bourgogne, p. 352.- - .'


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de trois francs d'or par jour, la'somme' de deux cent cinquante francs, que le duc lui alloue par un mandement daté de Paris le 21 janvier 1406 (1). Les autres documents confirment absolument ce que nous apprend sur cette période des négociations le mandement ordonnant de payer les dépenses de Thierry Gherbode ; nous avons, daté de Paris, et du 8 octobre 1405, un pouvoir donné par le duc de Bourgogne à Baugois d'Arly (2), Guillaume de Halluin, Henry d'Espierre (3), Jacques dé Courtiamble (4), Thomas de Bàuffremez, Jean Blondel, Jean de Nielles, et Thierry Gherbode, de conclure avec les Anglais et pour la durée d'un an, une trêve marchande. Les pouvoirs conférés par le roi de France au duc de Bourgogne sont datés du 1er juin (5). A la date du 25 octobre, nous possédons un saufconduit délivré par Richard Aston aux ambassadeurs flamands (6), et nous trouvons, à la date du 22 novembre .et daté de Paris, un mandement du duc de Bourgogne, défendant demolester les Anglais pendant un an, durée de la trêve (7). La correspondance continue entre les ambassadeurs des deux pays, et nous avons du 21 décembre 1405 une lettre de Richard Aston annonçant qu'il a fait arrêter les auteurs de menaces de mort contre Thomas de Bauf(1)

Bauf(1) . du Nord, B, 1878, fol. 89, v. - Voir aussi pour le compte de Thierry Gherbode Archives du Nord, B, 1880. n° 7.

(2) Baugois d'Arty pour Baudouin d'Ailly.

(3) Conseiller du duc de Bourgogne, de la maison des sires d'Espierre. Portait « d'argent à la croix de gueules »;

(4) On trouve en 1372 une mention d'un Jacques de Courtiamble en qualité de chambellan du duc de Bourgogne. Il s'agit peut-être de notre, personnage, mais plutôt de son père ou d'un membre de sa famille.

(5) Archives du Nord, B. 536 (très, des ch. n° 15048) orig. parch. scellé double queue.

(6) Ibid;, (ibid., n° 15048 bis) orig, parch. scellé simple queue.-

(7) Ibid., (ibid., n° 15048) orig. parch,.scellé:double queue.


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freinez, et priant les ambassadeurs flamands de se rassurer sur ce.point (1).

Les négociations entre Flamands et Anglais se continuent aux mois de décembre 1405 et janvier 1406, et nous voyons Thierry. Gherbode aller de Calais à Paris mettre le duc au courant et revenir de nouveau reprendre à Calais les négociations (2). Nous voyons, par les comptes de cette époque, Thierry Gherbode quitter Lille, le 15 janvier, se rendre à Paris, à Calais, de nouveau à Arras et à Tournay (3), et enfin revenir à Lille, le 21 mars. Ses gages, calculés encore à trois francs par jour, s'élèvent à cent quatre-vingt-dix-huit francs, que le duc lui accorde par mandement daté de Paris du 3 avril 1406 (4).

Le 5 février, le roi de France renouvelle, en faveur du duc de Bourgogne, le pouvoir qu'il lui a donné de conclure une trêve avec l'Angleterre (5). Le 19 du même . mois, Richard Aston écrit à Thomas de Bauffremez, afin d'obtenir un nouveau sauf - conduit permettant aux ambassadeurs anglais de se rendre à Bourbourg, pour y traiter de la trêve marchande (6), et, le 21, par une lettre de Bourbourg, Thierry Gherbode et les autres délégués s'adressent au sire de la Vies ville pour réclamer de sa bienveillance un sauf-conduit spécial (7). Le 1er mars, Richard Aston, répondant à. une missive des

(1) Archives du Nord, B. 545 (très, des chartes, n° 19601).

(2) Bibl. Nat., Départ, des manusc, Coll. de Bourg, t. XXIV, p. 64, r. et t. LXV, p. 77, v.

(3) M. Petit, dans son itinéraire de Philippe le Hardi et de Jean sans Peur, ne mentionne à cette date aucun séjour du duc à Arras ou à Tournai.

(4) Archives du Nord, B. 1878, f 88, v. et-89.

(5) Ibid., B. 286 (très, des ch. n° 15055).

(6) Ibid.,B. 538 (ibid., n° 19913).

(7) Ibid., B, 5Z8(ibid., n° 19618).


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ambassadeurs, écrite à Saint-Omer, le 26 février, leur annonce l'envoi du sauf-conduit qu'ils désiraient, et leur fait savoir qu'il sera le 4 mars à Santynfeld (1). Mais bientôt une lettre vient contredire ces résolutions, et proposer comme date de la réunion le 7 et comme lieu -Calais (2).

- L'assemblée entre députés anglais et flamands y eut lieu en effet le 12 mars ; les Flamands y demandèrent la prorogation de la trêve pour un an, et départ et d'autre, on se remit des propositions en vue d'un traité définitif, puis l'on s'ajourna au 8 mai, ou plus tôt si c'était possible. Les députés flamands présents à cette réunion étaient Thomas de Bauffremez, Thierry Gherbode, Thierry Le Roy (3), et Thierry de Heuchin (4).

Le 15 mars suivant, les Anglais adressèrent au roi Henri IV un rapport sur les conférences qu'ils avaient eues avec les Flamands du 6 au 12 de ce mois .(5). Vers cette date, Richard Aston écrit aux ambassadeurs de Flandre pour se plaindre de ce qu'il avait reçu de leur . part des lettres qui ne semblent pas « selon l'entendement des saiges de pardeça procéder de si traitab.le gentil et bon esprit comme est nécessaire à si haultes et roïales matières comme le fait d'entre les messagers et ambassiators du roi d'Engleterre et de France, nostre très souverain lige seigneur d'une part et ceux de nostre très excellent prince nostre seigneur le duc de Bourgoigné

(1) Archives du Nord, B. 539(très, des ch. n° 19620). (2) Ibid., (ibid., n° 19621).

(3) Thierry Le Roy était issu d'une famille originaire de Térmonde ; il fut maître des requêtes du duc de Bourgogne en 1421, et.châtelain de Lens (d'après Foppens, Histoire du Conseil de Flandre, p. 102.

(4) Man. Cotton Galba I, (édit. Gilliodts) p. 254, pièce CXIV.

(5) Ibid., p. 256 pièce CXV.


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touchant le traité du fait de la marchandise entre l'Engleterre et le comté de Flandre » (1), et le 3 mai, nous voyons les ambassadeurs anglais s'adresser à ceux du -duc de Bourgogne au sujet de la rédaction de la trêve marchande (2). A la date du 4 mai, nous possédons un certificat de- publication de la trêve faite à Ardres par Pierre de Haverskerke, châtelain d'Orchies et capitaine d'Ardres (3), à la date du 19 mai, des lettres patentes, datées de Paris, du roi de France Charles VI, approuvant les conventions commerciales conclues entre la Flandre et l'Angleterre (4), et un pouvoir donné au duc, à la même date, par le roi pour renouveler les trêves, même au cas de guerre entre la.France et l'Angleterre (5). En vertu de ce pouvoir. royal, le duc, par mandement du 23 mai, nomme ses ambassadeurs, pour traiter une trêve. marchande d'un an avec l'Angleterre, le vidame d'Amiens, Robert de Wavrin, Guillaume de Halluin, Wiborst de Bours, Jean de Nielles, Thomas de Bauffremez, Jean de Thoisy (6), Thierry Gherbode, Thierry de

(1) Archives du Nord, B, 540. (très, des chartes- n° 19925). Cette pièce ne porte pas de date, mais est.attribuée dans le nouvel inventaire du Nord par M. Finot à l'année 1406. Nous avons conservé provisoirement cette attribution.

(2) Ibid., B, 540. (Ibid., n° 19927), Même observation que pour la pièce précédente.

(3) Ibid., B, 541 (Ibid., n° 15074) orig. parch. scellé sur simple queue cire rouge.

(4) Ibid., B, .540. (Ibid., n° 18303).

(5) Ibid. B, 286 (Ibid.; n° 15055).

(6) Jean de Thoisy, conseiller des ducs Philippe le Hardi et Jean sans Peur, était alors archidiacre d'Ostrevent ; il fut évêque d'Auxerre du 13 novembre 1409 au 17 septembre 1410. puis évêque de Tournai, et chargé, dans les années suivantes, de diverses missions. En 1419, il devint chancelier du duc de Bourgogne au traitement de deux mille livres. On le trouve mentionné .dans divers actes il mourut à Lille, à un âge avancé, en 1433, et fut enterré devant le maître-autel de la cathédrale de Tournai.


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Heuchin, Jacques de la Tannerie (1 et 2), et il y joint ses instructions : les ambassadeurs iront à Gravelines, et de là à Calais, car là seulement les Anglais voudront se réunir, et non à Andres, comme on l'avait proposé; ils

stipuleront les clauses ordinaires de sûretés réciproques entré Anglais et Français (3).

Ce ne fut ni à Calais ni à Andres qu'eut lieu la réunion .projetée, mais à la Damme près de Marck, le 15 juin 1406. Les commissaires anglais étaient Richard Aston, William Hoo, Pèrrin Le Loharenc et Richard Oldyngton (4) ; ceux de Flandre, Thomas de Bauffremez, Thierry Gherbode et Thierry de Heuchin. Les marchands de Brabant, Hollande et Zélande demandaient à être compris dans la trêve qu'on prorogeait pour un an, mais les députés ne le: voulurent pas accorder, sans en avoir auprèalable référé à leurs souverains respectifs (5).

Malgré ces entrevues successives et ces -prorogations de trêves sans cesse répétées, les négociations ne cessaient pas entre Anglais et Flamands. Un accord.est conclu le 15 juin; le 3 juillet, le roi d'Angleterre donne par lettres patentes pleins pouvoirs à de nouveaux commissaires pour négocier à Calais avec les délégués du comte de Flandre (6) ; le,5 août le comte de Somerset, gouverneur de Calais, délivre aux délégués flamands un sauf-conduit

(1) Jacque's de la Tannerie fut procureur général en Flandre en 1393, et conserva cette charge jusqu'en 1407, année où il fut fait conseiller, En 1419, on le trouve cité parmi les maîtres de la Chambre des comptes de Lille, (d'après Fopperis : Hist. du conseil de Flandre, p. 101).

(2) Archives du Nord.B, ,286. orig. parch. scel. cire rouge sur simple queue..

(3) Ibid., B, 286.

(4) Il nous a été impossible d'identifier Willam Hoo, Perrin Le Lobarenc, et Richard Oldyngton, le Dictionary of National biography ne contenant aucune mention à leur sujet.

(5) Ibid, B, 541. (très, des chartes n° .15063). (6) Rymer, t. IV, première partie, p. 99. .


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pour eux et soixante personnes, valable jusqu'au 1er octobre suivant (1).

Le 10 août, les ambassadeurs anglais écrivent à Thierry Gherbode et à Thierry de Heûchih qui sont à Gravelines. Ils accusent réception de leurs lettres, annoncent l'arrivée des autres ambassadeurs et donnent rendez-vous pour le. lendemain à la Damme à neuf heures du matin (2).

L'entrevue fut remise au 14; l'on y discuta les difficultés survenues depuis le traité de trêve marchande, et les ambassadeurs durent en faire rapport à leurs seigneurs respectifs. La réunion prochaine fut fixée au 21 septembre pour terminer alors les négociations. Les députés anglais présents à l'entrevue étaient Guillaume Hoo, Jean Urban, Perrin Le Loharenc, et Richard Oldyngton ; ceux de Flandre, Thomas de Bauffremez, Jean de Thoisy, Thierry Gherbode et Thierry de Heuchin (3).

Le 23 août, les ambassadeurs anglais accusent réception aux députés flamands de leurs lettres écrites à St-Omer le 21, et leur renvoient, en vue de deux modifications, le projet de traité qu'ils avaient préparé (4).

Quelques jours plus tard, le 27, nous voyons Thierry Gherbode quitter Lille, se rendre à Paris près du duc, où il trouve les autres ambassadeurs flamands, et lui rendre compte de l'entrevue du 14 précédent (5). Du mois de septembre 1406, nous avons plusieurs pièces du duc de Bourgogne, ou du roi de France, relatives aux négociations en cours: c'est un sauf-conduit accordé aux Anglais,

(1) Archives du Nord, B, 541. (très, des ch. n° 15074). Orig. parch. scellé sur double queue, sceau en cire verte.

(2) Ibid., B, 541. (Ibid., n° 19567)

(3) Ibid. (Ibid n° 15074).

(4) Ibid., B. 541 (Ibid., n° 19569).

(5) Bibl. Nat., départ, des manusc. Coll. de Bourg, t. XXIII, f ° 65, r.


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valable du10 septembre au 8 octobre, daté du 10 septembre et délivré à Hesdin par le duc de Bourgogne (.1), du 22 septembre, . une permission du roi Charles VI à tous pêcheurs de France, Flandre et Angleterre, de pêcher .librement sur mer pour gagner leur vie (2) ; puis, du 24, les instructions détaillées du duc de Bourgogne, à ses ambassadeurs eh vue des négociations de la trêve (3), et. du même jour, les pouvoirs donnés par Je duc à Baugois d'Arly, vidame d'Amiens, Pierre, sire de la Viesville, Guillaume de Halluin, Henri d'Espierre, Jacques de Courtiamble, Jean de Nielles, Thomas dé Bauffremez, Jean de Thoisy,. Thierry Gherbode et Thierry de Heuchin, pour conclure une trêve marchande avec l'Angleterre (4). Lés négociations commencèrent d'une manière effective le mois suivant : le 19 octobre, le lieutenant de Calais délivre un sauf-.conduit aux ambassadeurs flamands (5), et le même jour, Thierry Gherbode quitte Bruges, où il se trouvait près du duc, pour venir assister à l'assemblée dé Calais en compagnie du sire de la Viesville, de l'archidiacre Jean de Thoisy, et de Thierry de Heuchin (6). L'assemblée se tint le 24 octobre, et les ambassadeurs des deux pays s'y entendirent pour accorder la liberté du commerce. Deux points y furent laissés en suspens, la restitution des biens pris sur mer aux Anglais, et la remise des navires flamands qui avaient été capturés. On décida

(1) Archives du Nord., B. 541 (très, des chartes, n° 15074) orig. parch. scellé cire rouge double queue.

(2) Ibid.,(ibid.) scellé double queue, le sceau a disparu.

(3) Ibid,, (ibid.) scellé sceau-plaqué cire rouge. -

(4)'Ibid,,B. Ml ( Ibid.,n° 15074) orig. pareil scellé cire rouge sur simple queue.

(5), Ibid., B. 543 (ibid., n° 15075) scellé cire rouge sur double queue.

16) Bibl, Nat., dép. des man.. Coll. de Bourg, t. XXIII, f 65, r.


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de les régler définitivement dans une nouvelle réunion fixée au 8 novembre suivant (1).

Les députés réclamèrent au duc des instructions. Celles-ci sont du 1er novembre et datées de Saint-Omer. Le duc garantit la restitution des biens pris aux -Anglais, d'autre part il leur promet la neutralité des forteresses qu'il possède aux frontières de son pays (2). Les députés flamands avaient proposé de tenir à Bourbourg la réunion du 8 novembre, mais, par une lettre datée du 4, Richard Aston, au nom des. ambassadeurs anglais, refuse, en arguant les ordres du comte de Somerset, de se réunir ailleurs qu'à Calais (3).

Les ambassadeurs flamands protestèrent et proposèrent de nouveau Bourbourg comme lieu de réunion, mais, par lettre du 9 novembre, les Anglais s'y opposèrent énergiquement. L'assemblée fixée au 8 novembre, n'eut pas lieu, et aux ambassadeurs flamands qui avaient demandé à posséder au moins la liste exacte des points en litige, les Anglais répondent que tout leur fut remis en un rôle le

14 août à La Damme (4). Ce qui n'empêcha pas cependant le duc de Bourgogne d'accorder à des marchands anglais le 10 novembre 1406 un sauf-conduit daté de Saint-Omer, et valable jusqu'au 2 février 1407 (5). Le

15 novembre, le ton des ambassadeurs anglais, qui avait été singulièrement aggressif dans la lettre du 9 novembre, s'adoucit, et Richard Aston, dans le message aux Flamands, tout en persistant dans son refus de venir à

(1) Archives du Nord, B. 543 (très, des ch. n° 15075) orig. parch, scellé de six sceaux plaqués en cire rouge.

(2) Ibid., B. 543 (Ibid., n° 19654).

(3) Ibid., (ibid., n° 19580).

(4) Ibid., (ibid., n° 19581).

(5) Ibid., B. 543. (Ibid., n° 15075) orig. parch. scellé du grand sceau cire rouge double queue.


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Bourbourg, se déclare prêt, si les députés du duc ne veulent pas venir à Calais, à discuter les choses par écrit, et à se baser sur les points qui ont été décidés à l'entrevue de la Damme (1).

Le 19 novembre, pour donner une nouvelle preuve de ses dispositions conciliantes, le roi' d'Angleterre fait paraître des ordres pour la protection dés pécheurs du duché dé Bourgogne (2). Lé même jour, Richard Aston adresse de Calais à Gravelines aux ambassadeurs flamands, le projet du traité avec les modifications proposées par les envoyés du duc (3), mais ces dispositions favorables durent peu dé temps, et le 22, le même Aston écrit- aux députés flamands pour s'étonner des difficultés quesoudèvent' certains articles du traité, alors que deux seulement, la restitution de biens et celle de la flotte, sont en litige. Il ajouté que désormais il n'écrira plus, et demande la fixation d'une prochaine entrevue afin d'achever le traité (4) ; le 24, il écrit de nouveau pour assurer que le sauf-conduit délivré demeure toujours valable, et ajoute que si les ambassadeurs du duc viennent à Calais, ils ne seront nullement inquiétés (5). Cependant ces raisons ne durent pas sembler convaincantes, car nous possédons un nouveau sauf-conduit délivré aux Flamands par Richard Aston, à la date du 25 novembre 1406 (6), et nous avons également la lettre d'envoi de ce sauf-conduit aux députés flamands : elle est datée du lendemain (7).

(1) Archives du Nord, (très, des ch. n°. 19584). (2) Rymer, t.lV, 1er. partie, p 105.

(3) Archives du Nord. B. 544. (très, des ch. n° 19586).

(4) Ibid., B. 544. (ibid., n° 19592).

(5) Ibid., (ibid., n° 19593).

(6).Ibid., B. 543 (ibid.,n° .15075).

(7) Ibid.,B. Ml (ibid., n° 15596).


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Le duc de Bourgogne, par lettres de Douai du 26 novembre, expédiait enfin des instructions pour régler avec les Anglais les points en litige (1), et le lendemain, 30 novembre, le traité de trêve marchande, valable pendant un an entre la Flandre et l'Angleterre, fut conclu à Calais (2). Nous savons que Thierry Gherbode participa à cette conférence avec le sire de la Viesville et Thierry de. Heuchin (3), et qu'ensuite le même Thierry Gherbode s'en alla près du duc de Bourgogne pour lui rendre compte de ce qui avait été négocié avec les Anglais (4). Mais le traité de trêve conclu le 30 novembre ne mit pas fin aux négociations qui se prolongèrent longtemps encore.

Le 10 janvier 1407, le duc de Bourgogne ratifia le traité qui avait été conclu avec l'Angleterre (5) ; le roi de France Charles VI lé confirma le 15 suivant (6), et nous possédons une copie de la confirmation qui y fut donnée, par Henri, roi d'Angleterre, le 28 du même mois (7).

Le 21 janvier, Jean de Thoisy, qui se trouvait à Paris près du duc, écrivait à Thierry Gherbode pour l'appeler près de lui et mettre le chancelier de France au courant des négociations avec l'Angleterre, ou au moins, en cas d'impossibilité de sa part, lui envoyer les renseignements

(1) Archives du Nord, B. 544, (très, des ch, n° 19577) et B. 544 (très, des ch., n° 19599).

(2) Ibid., B. 543. (Ibid., n° 15075). cyrographe, orig. parch. scellé de douze- cachets.de cire rouge sur double queue.

(3) Bibl. Nat-, départ, des man., Coll. de Bourg., t. LXV, p. 94, r.

(4) Ibid., t. LVII, p. 188.

(5) Archives du Nord, B. 546 (très, des ch., n° 15082) orig. parch. scellé sur double queue sceau en cire rouge.

(6) Ibid., (ibid.,) scellé du grand sceau de majesté.

(7) Ibid., (ibid.,) copie en papier.


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nécessaires (1). Nous ne savons si Thierry Gherbode fit droit à cette demande, car nous n'avons trouvé aucune tracé de son passage à Paris à cette époque.

Le 3 février, les ambassadeurs anglais accusent réception des lettres annonçant la ratification du traité par ie roi de France et le duc de Bourgogne, et ajoutent qu'il faudra une nouvelle conférence pour résoudre quelques points (2). Ces réticences n'empêchaient pas le duc Jean de publier, à la date du 6 février, un mandement rendant exécutoire le traité de trêve marchande conclu entre la Flandre et l'Angleterre (3), en même temps qu'il envoyait, le 10 février, de Lille à Calais, Thierry Gherbode: et le

sire dé la Viesville, afin d'avoir avec les Anglais une nouvelle entrevue (4).

Le 14, les ambassadeurs anglais répondent aux Flamands, qui avaient réclamé une réunion nécessaire pour délimiter le champ d'application de la trêve, et régler la question de la garnison d'Oye (5), et leur demandent les noms de leurs députés, afin de leur accorder des saufsconduits, mais ils se refusent absolument à venir, en Flandre (6); et cinq jours plus tard, une lettre de Richard Aston annoncé l'envoi dés saufs-conduits (7). Le même jour, celui-ci écrit à Thomas de Bauffremez, qui" avait proposé de se réunir à l'abbaye d'Andres, et qui était à Bourbourg. Il lui dit qu'il faudrait pour cela un saufconduit spécial du capitaine de Picardie, qu'en outre Andres est un lieu dépourvu. de tout, et il propose

(1) Archives du Nord,B. 547 (très, des ch., n° 19609.

(2) Ibid., B. 534 (ibid., n° 19613).

(3) Ibid., B. 546 (ibid., n° 15085).

(4) Bibl, Nat,, départ, des man. Coll. de .Bourg., t. LVIL, p, 588. (5) Oyê, Pas-de-Calais, arrondis, de Boulogne, canton de Calais. (6) Archives du Nprd, B. 547!(trés, des ch., n°; 19614). (7).Ibid;, (ibid., n° 19615).


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Santyngfeld. La réunion dut avoir lieu à Calais, et se terminer assez rapidement,- car, le 26, Thierry Gherbode va près du duc à Bruges pour lui rendre compte de ce qui s'était passé (1). Les négociations durent se terminer d'une façon amiable, car nous voyons, le 10 mars, par lettres données à Westminster, le roi d'Angleterre promulguer l'accord conclu à Calais (2), et dans une seconde lettre du même jour, ordonner la restitution à tous les sujets du duc de Bourgogne des biens qu'on leur avait enlevés (3).

Les délégués anglais devaient rester à Calais d'une façon permanente, malgré la conclusion de la trêve, car nous voyons, le 15 mars,'le sire de la Viesville et Thierryde Heuchin écrire au duc de Bourgogne qu'ils sont sans nouvelles des délégués anglais (4).

Le 17 mars, Je duc Jean ordonnait par deux mandements de publier à Malines- et ailleurs la trêve conclue avec l'Angleterre (5) et dix jours plus tard, Jean de Thoisy écrivait à Thierry Gherbode, lui enjoignant de la part du duc de se rendre à Gravelines pour y négocier de nouveau avec les Anglais (6).

Thierry Gherbode, obéissant à l'ordre reçu, quitta Lille le 29 mars, et alla à Gravelines avec le sire de la Viesville,

(1) Archives du Nord, B. 547 (très, des ch.,n° 19616).

(2) Rymer, t. IV, première partie, p. 109.

(3) Archives du Nord, B. 546 (très, des ch., n° 15085) orig. parch. scellé sur simple queue d'un sceau en cire brune.

(4) Ibid., B. 516 (très des ch., n° 15085). Le tome I (refondu) de l'inventaire sommaire des Archives du Nord (p.366) indique à tort Thierry Gherbode comme l'un des auteurs de cette lettre.

(5) Ibid., B. 546 (très, des chartes n° 15085), orig. parch. scell. sur simple queue, sceau en cire rouge. -

(6) Ibid (Ibid n° (15087) origin. papier traces d'un sceau plaqué en cire rouge.


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Jean de Thoisy, et Thierry de Heuchin (1). Ils annoncèrent aussitôt leur arrivée aux Anglais, et leur offrirent de se réunir le 6 avril, mais Richard Aston, dans sa réponse,, proposa le lendemain, à cause de la; fatigue de certains ambassadeurs, et fixa Calais comme lieu de réunion ; il demanda de nouveau la délivrance de la garnison d'Oye, qui était encore prisonnière (2). La veille, le duc avait écrit-de Paris -à Thierry Gherbode, pour lui ordonner de fixer la date del'entrevue avec les Anglais, et de la lui faire connaître (3). Le séjour de Thierry Gherbode ne fut pas de longue durée à Gravelines, et il quitta.aussitôt, cette ville après l'entrevue du 6, pour se rendre près du duc à Gand (4), et lui demander des saufs-conduits que nous voyons accordés par: lettres du 13 avril, données à Gand : ils étaient destinés à des marchands anglais et valables jusqu'au 15 juin suivant (5). Puis il revint à Calais, où avec les-autres ambassadeurs du duc, il conclut définitivement le traité, et nous,avons des quatre députés flamands un acte du 20 avril 1407 dans lequel ils déclarent que la trêve prolongée pour un an ne prendra cours qu'à partir du 15 juin prochain (6).

Le 26 avril, à Bruges, le duc Jean fait la même déclaration (7), et défend de molester en quelque façon que ce

(1) Bibl, nat., dépt. des manus. Coll. de Bourgogne, t. LVIII, p. 322.

(2) Archives du Nord, B, 548 (très, des chartes.; n° 19655).

(3) Ibid., B. 546 (Ibid., n° 15087), orig. papier scellé de cire rougè.

(4): Bibl.- nat,, départ, des .manusc Coll. de Bourg., t. LVIII, p. 232, — M. Petit (Itinéraire des ducs Philippe Je Hardi et Jean sans Peur,- p. '348) dit que le duc fut en 1407 à Gand les 7, 10, 13. et 15 avril.

(5):. Archives du Nord, B, 546,, (très, des chartes n° 15087), orig. parch, scel.sur double queue, scel. en cire rouge.

(6) Ibid. (R>id,), orig. parch. scel. des quatre sceaux plaqués en cire rouge des commissaires.

(7) Ibid, orig. parch. scel sur simple queue, sceau en cire rouge.


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soit, les troupes et les sujets anglais qui se trouvaient.aux frontières de Flandre et de Picardie (1). Le même jour, Jean de Thoisy, qui était alors à Paris annonce à Thierry Gherbode que le roi est revenu à la santé, et qu'il a ordonné de faire préparer les lettres de prorogation de la trêve ; il demande que pour le duc on fasse .faire des lettres identiques (2). Thierry Gherbode. était revenu près du duc à Ypres, le 30 avril (3), et la trêve y était publiée le même jour; elle l'avait été à Gand le 28, et à Bruges le 25 (4). Elle le fut au mois de mai dans les pays de Flandre, Artois, Picardie et Normandie (5), et nous possédons les instructions qui furent données pour.la publication en Normandie et en Bretagne. Le messager sera porteur des lettres du roi de France et d'un vidimus de celles du roi d'Angleterre. Il aura en outre des lettres closes du duc à l'adresse des officiers en Normandie et du duc de Bretagne. Il ira à Rouen et dans les villes importantes, où il publiera la trèvé, en laissera une copie et prendra un certificat des juges du lieu ; il suppliera le duc de Bretagne de publier la trêve et ira la faire connaître dans les ports bretons (6). Thierry Gherbode lui-même fut mêlé à la publication de cette trêve, car nous le voyons quitter Lille le 22 mai, et aller à Malines pour y procéder à cette formalité, puis

(1) Archives du Nord, B, 516, (très, des chartes, n° 16087).

(2) Ibid. (Ibid), orig. papier, sceau en cire rouge.

(3) Bibliot. nat. départ, des manus.-Coll. de Bourgogne, t.LVIII, p. 322. — D'après M. Petit (p. 358), le duc était à Ypres le 30 avril 1407.

(4) Archives du Nord, B, 546 (très, des chartes, n° 15087), orig. parch. scel sur simple queue d'un sceau de cire verte (pour Bruges et Gand), le sceau d'Ypres a disparu.

(5) Ibid., B. 546 (très, des chartes n° 15093).

(6) Ibid., B, 548 (Ibid., n° 19657).


revenir le 28 (1). Au mois de, juillet suivant, il va à Tôurnay, le 23, pour conférer avec le duc au sujet du traité avec l'Angleterre, puis à Bruges, pour voir le chancelier et faire sceller par lui certaines lettres relatives à l'accord qui avait été conclu avec les Anglais(2)., On le voit ensuite reprendre le chemin de Calais, car les négociations avaient recommencé dans le but.d'aboutir à un. résultât final.

En effet, Jean de Thoisy et Thierry Gherbode venaient -d'adresser au comte de Somerset, capitaine ;de Calais, les certificats de publication de la trêve qui devait commencer le 15 juin: (3), et le roi d'Angleterre, le même jour, (12 juin) donnait des pouvoirs à. Richard Aston, Nicolas Rysheton, Perrin Le Loharenc, et Richard Oldyngton, de négocier à Calais ou ailleurs un accord commercial avec la Flandre (4).

Mais alors aussi se produisaient quelques infractions aux-trèves, qui avaient été stipulées: le 19 juin, trois vaisseaux anglais capturaient, en vue de Dunkerque, une barque de Berek en Picardie (5 et 6) ; de même le bailli et capitaine de Dunkerque Jean de le Haye, qui avait -annoncé cette prise demandait des instructions au-sujet de la-capture de deux vaisseaux anglais qu'on avait faite également prés de son port (7), et quelques jours plus

(1) Bibl. nat. dépt des manusc Coll. de Bourgogne, t. LVII, p. 185. et Archives de la Côte d'Or, B. 1558, fol. 130, r.

(2) Bibl. Nat:, départ, des man. Coll. de. Bourg., t. LVII, pi 188, et Archives de la Côte-d'Or, B. 1558, f. 128 et 129, r. et v. —M. Petit, (Itinéraire des ducs de Bourgogne, p. 360), place à la date du 23 juillet 1407 le.séjour du duc à Gand.

(3) Archives du Nord, B. 548 (très, des ch., n° 19658).

(4) Rymer : t. IV, 1re partie, p. 115.

(5) Berak, Pas-de-Calais, arrondissement et canton de Montreuil.

(6) Archives-du Nord, B. 530 (trés. des ch-, n°1955jD). :

(7) Ibid., (ibid., n° 19549.

21


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tard, 23 juin, Richard Aston écrivait à Thierry Gherbode -et à Thierry de Heuchin pour obtenir la délivrance des biens qui avaient été pris près de Dunkerque (1). Le 1er juillet, nouvelle lettre d'Aston à Thierry de Heuchin, annonçant que le roi d'Angleterre leur a écrit au sujet de la trêve, remerciant de la délivrance du -navire pris à Dunkerque, et plaidant la cause de Thomas Doune, clerc de Pyckerynck, qui était prisonnier à Boulogne (2).

La lettre du roi d'Angleterre était, en effet, une permission donnée à ses commissaires de traiter avec ceux du duc de Bourgogne et du roi de France, en vue d'une trêve marchande générale (3). Le 18 juillet, Aston écrit de nouveau aux députés flamands ; il annonce le retour de Jean Pyckerynck, et demande encore la délivrance de Thomas Doune, arrêté et détenu à. Boulogne, où l'on veut lui faire payer une rançon de 400 écus (4).

Les pouvoirs du roi de France en vue de nouvelles négociations, ne furent donnés au duc de Bourgogne que le 22 juillet 1407 (5), et ceux du duc à ses délégués portent la date du 17 août.(6). L'assemblée eut lieu néanmoins le 4 août. Thierry Gherbode y assista avec Thomas de Bauffremez, Jean de Thoisy et Thierry de Heuchin; puis le 12, retourna à Bruges (7), près du duc pour lui rendre compte de ce qui s'était passé à l'entrevue

(1) Archives du Nord, B. 530 (très, des chart., n° 19551).

(2) Ibid., B. 531 (ibid., n° 19654).

(3) Ibid. B, 546 (ibid., n° 15093).

(4) Ibid., B. 531 (ibid., n° 19556).

(5) Ibid., B. 546 (ibid., n° 15093).

(6) Ibid., B. 546 (ibid., n° 15093). La date de la réunion (4 août) antérieure aux pouvoirs donnés par le roi se trouve dans la Collection de Bourgogne. Nous l'adoptons sous toutes réserves.

(7) M. Petit : Itinéraire des ducs de Bourgogne, p, 360, indique qu'en 1407, le duc fut à Gand le 12 août, les 14, 17 et 18 à Bruges, puis revint à Gand.


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de la Damme (1). Ce fut alors, le 17 août, par mandement date: de Bruges; que le duc, pour, récompenser Thierry Gherbode de. ses voyages et de ses fatigues en vue des négociations avec l'Angleterre, et aussi le dédommager des pertes eh chevaux;qu'il avait faites dans ses déplacements continuels, lui fit une donation de,200 frs. d'or (2). Le 24 août, le capitaine et le châtelain de l'Ecluse écrivaient à Jean de Thoisy et à Thierry Gherbode pour les prévenir du danger qu'il y avait à permettre, avant "la conclusion de toute trêve, l'entrée du port de l'Ecluse à des navires anglais (3), et un mois plus tard, une lettre adressée au duc de Bourgogne l'informait que les députés de Flandre étaient venus à Gravelines, mais qu'ils avaient quitté cette Ville sans avoir traité avec ceux d'Angleterre (4). A. la date du 3 octobre, nous trouvons un projet de sauf-conduit à accorder par le duc de Bourgogne aux commissaires anglais (5). .

La réunion projetée avec les ambassadeurs d'Angleterre demeurait en suspens, et nous voyons, le 16 octobre, Thierry de Heuchin écrire dé Gravelines à Jean de Thoisy et à Thierry Gherbode, et les consulter sur le lieu où-ils désirent l'entrevue avec les Anglais (6) ; quelques jours plus tard, le 27, Jean dé Thoisy écrit à Thierry Gherbode, et lui propose de "demander qu'à cause delà ^mortalité qui y règne, l'assemblée n'ait pas lieu à Calais, et. de charger Thierry de Heuchin des saufs-conduits à ^obtenir. Il ajoute qu'il.doute de sa présence aux confé(1)

confé(1) Nat., départ, des man., Coll. de Bourgogne, t. LVII, p. 188.

(2) Ibid., t. LVII, p. 188,

(3) Archives du Nord, B. 545 (très, des ch., n° 15105) orig. pap. traces de signets. ■

(4) Ibid. (ibid.), origin. en papier.

(5) Ibid. (ibid.), parch. non scellé.

(6) Ibid. (ibid.), orig. pap,. traces d'un sceau plaqué de cire roug«.


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rences, car il a l'intention de partir incessamment pour Paris (1). Le 9 novembre, il écrit de Paris à Thierry Gherbode, lui accusant réception d'un message, et déclarant qu'employé à certaines affaires du duc, il ne peut actuellement quitter cette ville (2). Le lendemain, Thierry Gherbode recevait une lettre des échevins et du conseil de la ville de Gand, lui demandant de s'employer, comme il l'a promis, dans le but d'obtenir une conclusion du traité qui puisse favoriser leurs affaires (3). Enfin, le 20 novembre, Richard Aston adressa à Thierry de Heuchin les noms des députés anglais qui étaient, en dehors de lui-même, Nicolas Rysheton, Perrin Le Loharenc, et Richard Oldyngton (4).

Thierry de Heuchin, à la réception de cette lettre, écrivit aussitôt à la duchesse de Bourgogne pour réclamer des saufs-conduits. Celle-ci reçoit la lettre, la renvoie, le 25 novembre, à Thierry Gherbode, et ordonne à celui-ci de la communiquer à Jean de Thoisy et au chancelier, afin de faire établir pour les députés anglais les saufsconduits nécessaires (5). Thierry-Gherbode, à la réception de ces lettres de la duchesse, à Lille, écrit, le 27, au chancelier, pour le mettre au courant des événements, et s'informe du lieu où se trouve l'archidiacre d'Ostrevent, « qui scet si bien la matière, » et qu'il voudrait voir à rassemblée à cause de la présence de Nicolas de Rysheton qui «est homme moult cauteleux et mal traitable. » Il propose aussi, pour éviter les reproches des Anglais « qui

(1) Archives du Nord, B. 546 (très, des chart., n° 15105), orig. pâp. non scellé.

(2) Ibid., B. 548 (ibid., n° 15109), orig. pâp. tracés d'un.signet en cire rouge

(3) Ibid., (ibid.), orig. papier non scellé.

(4) Ibid., (ibid.), orig. pap. scellé cire rouge plaqué à l'extérieur.

(5) Ibid., (ibid.) Cette pièce se trouve aussi sous le n°544 (très, des ch., n° 19594), cette dernière portant la daté sous laquelle nous

■l'avons placée.


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sont bien capricieuses gens » de préparer un nouveau sauf-conduit, car l'autre est trop ancien. Enfin, il se permet, en terminant, de réclamer le paiement de ses gages (1).

Le même jour, il écrivait à Jean de Thoisy pour lui communiquer les lettres de la duchesse et de Thierry de Heuchin, le prier d'assister à l'entrevue de Calais et lui demander son intervention pour le paiement de ses gages (2).

Sur ces entrefaites, Richard Aston se plaignait à Thierry de Heuchin de ce que le 4 novembre, en vue de Calais, deux navires' anglais avaient été capturés par un pêcheur de Dunkerque et réclamait justice de cet attentat (3).

, Enfin, le 10 décembre 1407, le duc de Bourgogne se décidait à .nommer ses commissaires pour traiter avec ceux du roi d'Angleterre. C'étaient le vidame d'Amiens Baugois d'Arly, le sire de la Viesville, Guillaume de Halluin, Jean de Nielles, Thomas de Bauffremez, Jean de Thoisy, Henry Goethaels (4) Guillaume Bonnier (5), Thierry Gherbode, et Thierry de Heuchin (6).

(1) Archives du Nord, B. 544 (très, des ch., n° 19548).

(2) Ibid., B. 548 (ibid., n° 15109), orig. pap. non scellé. (3)Ibid., (ibid.).

(4) Issu d'une très ancienne famille de Tournay et de Gand, conseiller du duc, présidant le conseil du duc en l'absence de Jean de Thoisy, aux gages de mille francs par an(mand. de 1419). Maître ès-arts, bachelier en théologie, il fut doyen delacathêdrale de Liège, prévôt dé la collégiale de Saint-Pierre, en 1422,

: chanoine de la cathédrale de Tournai, et il remplit pour le duc de Bourgogne plusieurs missions importantes. Il mourut le 14 décembre 1433, et fut enterré au choeur de l'église dé NotreDame de Tournai. (D'après Foppens, Hist. du Cons.. de Flandre, pp. 99 et 100.

(5) Il semble qu'il s'agit ici de Guillaume de Bonnières, qui fut gouverneur d'Arras et mourut le 17 août 1423. Il fut mariè à Isabeau de Ghistelles, et eut pour fils Jean de Bonnières.

(6) Archives du Nord, B. 548 (très, des chartes, n° 15109), orig. parch. scellé sur double queue, sceau en cire rouge.


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Les négociations ne commencèrent pas avant le mois de janvier 1408, et nous voyons, le 9 janvier de cette année, Thierry Gherbode se rendre à Gravelines avec Jean de Thoisy, Henry Goethaels et Thierry de Heuchin, et y demeurer jusqu'au 25 (1), et, le 20 janvier, nous trouvons des plaintes adressées par les ambassadeurs anglais au sujet des infractions à la trêve (2). Le lendemaiu, une assemblée se tint à Calais, et on y décida d'instruire les souverains respectifs de la difficulté qui s'était produite sur la question de savoir si la trêve devait être étendue à tous les marchands ou seulement à ceux de France, de Flandre et d'Angleterre. On y proposa de remplacer le port de Wynkelsêa (3) par celui de Scorham (4) plus opposé à St-Valéry et de demander de nouveaux pouvoirs pour renouveler la trêve (5). Thierry Gherbode alla le 4 février à Arras, près du duc de Bourgogne, lui rendre compte de l'état des négociations (6).

Le 25 février, Jean de Thoisy, qui est à Senlis, écrit à Thierry Gherbode pour lui demander un projet de pouvoir à obtenir du roi pour la prolongation de la trêve, et le prie de le lui envoyer le plus tôt possible (7). Un mois plus tard, le 15 mars, le roi d'Angleterre donne à ses ambassadeurs tout pouvoir pour proroger, jusqu'au 15 j uin prochain, les trêves avec la Flandre (8) ; deux jours

(1) Bib. Nat., départ, des man., Coll. de Bourg., t, LVII, p. 185.

(2) Archives du Nord, B. 549 (très, des chartes, n° 15112).

(3) Wynkelsea, Angleterre, située à l'est de Hastings.

(4) Scorham : peut-être faut-il l'identifier avec New Schorcham, qui se trouve à peu de distance de Brighton à l'ouest.

(5) Archives du Nord, B. 549 (très, des ch., n° 15112) orig. parch., scellé de sceaux plaqués en cire rouge des députés.

(6) Bibl. Nat., dép. des man., Coll. de Bourg., t. LVII, p. 185, r.

(7) Archives du Nord, B. 549 (très, des ch., n° .15112) orig. pap. cachet extérieur de cire rouge.

(8) Rymer, t. IV, 1° partie, p. 125.


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auparavant, Thierry de Heuchin resté: à Gravelines, annonçait à Jean de Thoisy et à Thierry Gherbode, qu'il savait que Jean Urban possédait toutes les pièces relatives au traité déjà préparées (1). Le 6 avril, nouvelle lettre de Jean de Thoisy, qui est à Paris, à Thierry Gherbode, au sujet de la prorogation de la trêve (2). Le 24 avril, la duchesse de Bourgogne s'informe près de Thierry Gherbode de l'état des négociations avec l'Angleterre, (3) et celui-ci lui répond le lendemain (4).

Le 27 avril 1408, le roi de France Charles VI, prorogeait pour 3 ans, à partir du 15 juin suivant, le traité de trêve marchande conclu pour un an entre la Flandre et l'Angleterre (5). Le lendemain, Jean de Thoisy envoyait à Thierry Gherbode cette prorogation, avec un saufconduit réclamé, et demandait de faire parvenir au duc ces pièces, afin qu'il puisse faire la même prorogation. Il l'autorisait, en effet, à continuer les négociations avec les Anglais (6). Les saufs-conduits donnés par le duc de Bourgogne aux ambassadeurs anglais portent la date du 29 avril (7). Le 9 mai, Thierry de Heuchin écrit de Gravelines à Thierry Gherbode, pour lui rendre compte de l'arrestation, entre Mardyck et Dunkerque, par les gens de Jean de Bailleul, de deux pèlerins anglais traversant la Flandre pour aller à Jérusalem, et dont le passage avait été autorisé dans la dernière. conférence.

(1) Archives du Nord, B. 542 (très, des ch., n° 15120) orig. pap., cachet extérieur de cire rouge.

(2) Ibid., B. 549 (très, des charies, n° 15120) original papier non scellé.

(3).Ibid., (ibid., n° 15123) orig, pap.; cachet extérieur de cire rouge.

(4) Ibid., (ibid., n° 15129).

(5) Ibid., (ibid., n° 15123) or. parch. scellé sur double queue.

(6) Ibid., B. 528 (très, des ch , n° 19526), orig. pap.

(7) Ibid.,B. 549 (ibid., n° 15123) copie en papier.


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Ils ont été conduits à Bourbourg, et Jean de-Bailleul a, par trois fois, réclamé leur rançon, qu'il a fixée à 120 écus d'or (1);

Le 15 mai, le duc de Bourgogne, par lettres données à Paris,- prorogeait pour trois ans, à partir du 15 juin suivant, la trêve marchande qui avait été conclue pour" un an avec l'Angleterre (2), et, le 18, du même lieu, la duchesse prévenait Thierry Gherbode, et lui faisait savoir que, désigné pour aller à Gravelines avec Henry Goethaels et Thierry de Heuchin, il aille à Gand trouver Henri Goethaels et prendre avec lui ses dispositions (3).

Le lendemain, les échevins et le conseil de la ville de Bruges lui écrivaient leur impatience de voir arriver les lettres du duc prorogeant la trêve pour trois ans (4).; le même jour, Jean de Thoisy lui adressait de Paris les lettres du duc et celles du roi portant prorogation de la trêve, et s'informait de la date de la prochaine entrevue (5).

Thierry Gherbode quitta Lille le 22 mai, et suivant les ordres reçus, alla d'abord à Gand près de Henri Goethaels, puis,- en sa compagnie et en celle de Thierry de Heuchin, il se rendit à Gravelines (6), où les ambassadeurs flamands trouvèrent une lettre de Richard Aston leur proposant de . se réunir à Calais le 28 du même mois (7). L'entrevue eut lieu quelques jours plus tard, le

(1) Archives du Nord, B. 549 (très, des ch., n° 15123).

(2) Ibid., (ibid.) orig. parch. scellé sur double queue, cire rouge.

(3) Ibid. (ibid.).

(4) Ibid, (ibid.), orig. pap. scellé à l'extérieur d'un sceau plaqué de ciré rouge aux armes de Bruges.

(5) Ibid., B. 549 (très, des chartes n° 15123), original papier, cach. de cire rouge à l'extérieur.

(6) Bibl. Nation., départ, des manusc, coll. de Bourg , t. LVII, fol. 185, r.

(7) Archives du Nord, B. 549 (très, des chartes n° -19541). .


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1er juin, à Calais, et où s'étendit pour une prorogation triennale - des; trêves de commerce'..' Les ambassadeurs anglais étaient "Richard Aston, Jean Burghof, Perrj-n Le.: Loharenc, et'Richard Oldyngton, et ceux de Flandre, Thierry. Gherbode, Henri Goethaels et Thierry, de Heuchin (1). Nous savons que les ambassadeurs flamands y fournirent un mémoire au sujet de la prise faite, au mois demâi:, par les marins de Wïnckelsea, d'un navire venantdu Crotoy (2), et-, à la date du 3 juin, nous avons à la fois un mandement du roi d'Angleterre au. comte Somerset, capitaine de Calais, à son lieutenant, à.ses ambassadeurs, à, ses capitaines: d'Oye et de Marck, ordonnant dé respecter les trêves conclues avec les Flamands (3), et un mandement du duc Jean de Bourgogne daté de Paris, par lequel il ordonne de publier à Malines et en Flandre la prolongation de la trêve,(4), Le 4 juin,, les ambassadeurs anglais rendaient compte de leurs négociations dans une lettre adressée au conseil royal: dans l'entrevue.du 1er juin, ils ont prorogé pour trois ans, à partir du 15 juin, les trêves avec la Flandre ; ils se sont ajournés au 22 juillet pour discuter ce jour la question de sûreté générale sur mer, et à quinzaine pour régler - la difficulté au sujet des prises. Du reste, Pyckerynck donnera les détails de vive voix ; ils ajoutent que les Flamands désiraient voir désigner le comte de •Somerset comme conservateur de la trêve (5). Le même

(1) Archives du Nord, B. 550 (très, des chartes, n° 15130), cop. pap. _

(2) Ibid., (ibid.), orig: papier, tracés d'un sceau plaqué en cire brime.

(3) Rymer, t. IV, 1er partie, p.:137. Duffus Hardy (Syllabus, t. II, p. 561), date cette pièce du 3 juillet.

(4) Archives du Nord, B. 550 (très, des chartes, n° 15130), origin, parch scellé sur simple queue, cire rouge.

(5) Manusc. Cotton Galba, I (édit. Gilliodts), p. 269, pièce CXXI.


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jour, le duc de Bourgogne, muni des pouvoirs du roi de France, qui ont la même date (1), donnait pleins pouvoirs au sire de la Viesville, Jean de Nielle, Thomas de Bauffremez, Jean de Thoisy, Thierry Gherbode, Henry Goethaels et Thierry de Heuchin, de négocier une trêve commerciale pour une durée de trois ans avec l'Angleterre (2), et, à la même date, les échevins et conseil de la ville d'Ypres écrivaient à Thierry Gherbode pour lui faire part de leur joie à l'annonce d'une réunion prochaine, et lui dire l'espoir qu'ils fondent sur lui, espérant qu'il les mettra au courant des négociations (3).

Il y a là une contradiction assez étrange avec les faits qui précèdent, et qui nous montrent les trêves conclues, publiées, et les ambassadeurs rendant compte au roi d'Angleterre des négociations. Pourquoi ces nouveaux pouvoirs donnés pour conclure une trève ? C'est peut-être dans le but de régler toutes les questions accessoires (prises et indemnités en résultant). Cependant, ici, les documents sont datés 'd'une manière précise, et ne permettent aucun, doute.

Thierry Gherbode quitta Gravelines, le 5 juin, mais il y revint, le 10, pour publier la trêve, et après être allé à Gand près du chancelier, il retourna à Calais près des ambassadeurs anglais (4). Le 7 juin, les échevins et le conseil de la ville de Bruges écrivent à Thierry Gherbode pour s'informer quelles sont les lettres à fournir par les Quatre Membres de Flandre pour la prorogation

(1) Archives du Nord, B. 550 (très, des chartes, n° 15130), origin. parçh. scellé double queue cire brune.

(2) Ibid. (ibid.), origin. parch. scellé sur double queue, cire rouge.

(3) Ibid. (ibid.), origin. papier, traces extérieures d'un sceau plaqué.

(4) Bibl. Nation., départ, des manusc, coll. de Bourg., t. LVII, p.185, r-, et Archives de la Côte d'Or, B. 1558, fol. 167, v. et 168, r.


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-triennale de la trêve (1), que le "roi d'Angleterre vient n'accorder par lettres données à Westminster le 10 juin 1408 (2). Le 11 juin, le bourgmestre:de l'Ecluse écrit aux ambassadeurs flamands, pour leur annoncer l'envoi en ambassade à Calais d'un bourgeois chargé de réclamer justice au sujet de la prise de deux navires remplis de blé, appartenant à dés bourgeois de l'Ecluse, et demander leur appui pour cette affaire (3).

Le 14,. missive des ambassadeurs anglais, qui font savoir que le roi a permis de publier la trêve (4), et, le lendemain, lettre du comte de Somerset aux députés du duc et des .Quatre Membres, confirmant la lettre précédente, et annonçant l'ouverture du port de Calais, 8 jours après le 15 juin (5).

Nous possédons les nombreux certificats de publication de la trêve dans les villes de Flandre (6), et nous ■voyons, par une lettre de Jean de Thoisy, que, contrairement aux affirmations des Anglais, la trêve ne fut pas aussitôt -publiée en-Bretagne, alors qu'elle l'avait déjà été en Normandie (7). Le 25 juin, le duc de Bourgogne se décidait à envoyer au duc de Bretagne une lettre lui demandant cette publication (8). Cette démarche était nécessaire, car, le 28 juin, Richard Aston se plaignait à

(1) Archives du Nord, B. 550 (très, des chartes, n° 15130), origin. pap., sceau plaqué extér. en mauvais état aux armes de Bruges.

(2) Archives du Nord, B. 550 (très, des chartes, n° 15130), original ■'pareil.; scellé double queue cire brune. Rymer, t. IV, 1° partie,

p. 132, et Archives du Nord, B. 550 (très, des chartes, n° 19658), cop.

(3) Archives du Nord.B. 550 (très, des chartes, n° 15130). orig. pap.

(4) Manusc. Cotton Galba, I (Gilliodts. p. 273, pièce CXXII).

(5) Ibid., p. 274, pièce CXX.III.

(6) Archives du Nord, B. 550 (très, des chartes, n° 15130), parchemins scellés sur simple queue.

(7) Ibid., (ibid.), original papier non scellé.

(8) Ibid., (ibid.), orig. pap., traces ext. de cire rouge (1 cachet).


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Jean de Thoisy. et à Thierry Gherbode dé la non-publication en Bretagne de la prorogation de la trêve (1). Nous trouvons, durant le mois de juillet, différentes pièces relatives aux infractions commises contre là trêve, qui devaient se régler entre les ambassadeurs des deux pays dans une entrevue prochaine : à la date du 1er juillet, le maire d'Etaples (2) atteste la prise d'un navire sortant'dé son port, par deux baleinières anglaises (3), et le duc répond de Paris à une lettre des Quatre Membres de Flandre, écrite au sujet de six pêcheurs de Dunkerque, emmenés prisonniers avec leurs navires à Calais, par les corsaires anglais (4).

Le même mois, le 24, le duc fait délivrer aux délégués anglais un sauf-conduit valable jusqu'au 1er août, pour régler les questions relatives à la trêve (5). Le 26, Thierry de Heuchin écrit de Gravelines à Thierry Gherbode pour le consulter au sujet de la fixation de la date de l'entrevue avec les Anglais (6) ; enfin, le 31., Richard Aston répond aux députés flamands, qui.avaient proposé de se réunir à Gravelines ou à Bourbourg, qu'il ne peut s'absenter de Calais, et propose comme lieu de rendez-vous la Damme, d'où il sera possible à chacun -de rentrer le soir à Gravelines et à Calais (7).

La trêve, sur . ces entrefaites, était publiée en 'Normandie et en Picardie, et, comme pour la, Flandre,

(1) Archives du Nord, B. 550(trés. des chartes n° 15130), orig, pap,, à l'extérieur, 3 cachets de cire rouge.

(2) Etaples, Pas-de-Calais, arrond. de Montreuil, chef-lieu de canton.

(3) Archives duNord, B. 550 (très, des chartes, n° 15135), origin. papier, traces d'un sceau plaqué de cire brune.

(4) Ibid., B, 550 (très, des chartes, n° 19868).

(5) Ibid. (ibid., n° 15130), originalparch. non scellé.

(6) Ibid. (ibid., n°15135), original papier. (7) lbid:,B. 531 (ibid., n° .19560).


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nous avons de nombreux certificats de publication émanes de ces deux provinces, portant la date des mois de juillet et août 1408 (1).

L'entrevue projetée au sujet de l'exécution du traité eut lieu le 4 août à la Damme. Trois; ambassadeurs anglais, Richard Astoh; Jean Bùrghof, et Richard Oldyngton. étaient présents. Thomas de Bauffremez, Jean de Thoisy, Thierry Gherbode et Thierry de Heuchin représentaient le duc de Bourgogne (2). Deux jours plus tard, Richard Aston renvoyait aux députés flamands le projet de traité que ceux-ci lui avaient adressé, sous prétexte qu'il n'était pas conforme à ce qui avait été décide dans l'assemblée dû 4 (3), mais on ne tarda pas à se mettre, d'accord, et le duc de Bourgogne, par lettres 'données à Bruges le 19 août 1408, accepta le traité (4).

Le 22, il recevait une requête de marchands anglais au sujet de la capture faite, près de Middélbourg, d'un navire et adressait une réclamation à ses ambassadeurs Henry Goethaels et Thierry Gherbode (5). Ces négociations avaient occasionné des dépenses considérables, car nous voyons le duc Jean, par lettres datées de Couftray, le 31 août, accorder des lettres de non préjudice aux Quatre Membres de Flandre,, au sujet de la levée de vingt mille doubles faite sur les villes deFlandre pour couvrir les frais du traité (6).

Le 24 septembre, Thierry Gherbode se rendit, à Paris

(1) Archives du Nord, ,B. 550.(trés. des.chartes, n° 15135), pièces en parchemin scellées sur simple queue.

(2)Ibid., (ibid.) (cyrogr. en parch. scell. des sceaux des délégués).

(Z)Ibid. B. 541 (ibid., n° 19568).

(4) Ibid,. B. 550 (ibid., n° 15135), orig. parch. scellé sur double queue, sceau en cire rouge.

(5) Ibid., B, 550, (très, des,ch., n° 15135), deux pièces en papier.

(&).lbid. (n° 15135), orig. parch., scellé sur simple; queue, sceau en cire rouge.


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avec Jean de Thoisy, pour obtenir du roi de France la confirmation du traité. Il rejoignit ensuite le duc (1), chargé près de lui d'une mission secrète de là part de la reine et du duc de Berry, lé 17 octobre suivant (2).

Le 5 octobre, le roi d'Angleterre accorda sa protection à tous les marins qui iraient pêcher'dans l'étendue de ses domaines (3), et, le même jour, le roi de France ratifia le traité de commerce conclu avec l'Angleterre pour une durée de trois ans, et accepté par le duc de Bourgogne Je 19 août précédent (4), Le 5 octobre également, le roi d'Angleterre Henri IV donnait des pouvoirs pour négocier avec la France un traité pour la liberté de la pêche (5). Le même souverain, le 20 novembre, confirmait le traité conclu pour trois ans à partir du 15 juin 1408 (6).

Des infractions à cette trèvé durent se commettre assez vite, carie 18 janvier 1409, le duc de Bourgogne ordonnait déjà à ses officiers de respecter la trêve marchande conclue le 15 juin précédent, (7) et le 21 du même mois, le roi Charles VI nommait conservateurs de la trêve le sire de Torcy son chambellan, et le bailli de Caen (8).

Le 17 février, le duc Jean de Bourgogne écrivait à

(1) Ce fut probablement à Gand, où le duc séjourna du 11 au 17 octobre, ou à Lille, où il fut du 23 au 27 de ce mois (Petit : Itin.

des ducs de Bourgogne, p. 367).

(2) Biblioth. Nat. dép. des man. Coll. de Bourg., t. LVII, f 187.

(3) Arch. du Nord, B. 550 (tr. des ch;, n° 15137), copie en papier.

(4) Ibid., orig. parch. scell. sur double queue, sceau en cire brune. Rymer, t. IV, première partie, p. 139.

(5) Ibid., B, 550 (très, des ch., n° 15137), copie en papier.

(6) Ibid. (n° J5140), orig. parch. scell. double queue, sceau en cire brune. Sous la même cote, nous avons un vidimus de cet acte,

sous le scel de la ville de Lille (parch,, trace d'un sceau sur double queue).

(7) Ibid., B. 552 (tr. des ch., n° 15145), orig. parch, scell. simple queue, sceau de cire rouge.

(8) Ibid., copie en papier.


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Thierry Gherbode alors occupé aux affaires de Liège, et qui recevait sa lettre eh cette ville, et lui,prescrivait de se trouver le 2 mars 'suivant à Gravelines, afin de conférer avec les députés anglais (1). Le 19 et le 26, lé duc.écrivait de nouveau de Bruges.et de.Senlis, au même Thierry Gherbode, pour le mettre au courant des événements (2). Enfin, une entrevue eut lieu à Calais, le 8 mars entre Richard Aston, Jean Burghof, et Perrin Le Loharenc d'une part ; Jean de Thoisy, Thierry Gherbode et Thierry de Heuchin, de l'autre : l'on y décidait que le 28 suivant les députés anglais rapporteraient, le traité de sûreté générale conçu dans les mêmes termes que le projet présenté par les envoyés du duc de Bourgogne (3). Le 27 mars, le duc écrivait à Thierry Gherbode, et après avoir accusé-réception des lettres de Thierry de Heuchin, il annonçait ses instructions ultérieures (4). Quelques jours plus tard, le 2 avril, Jacques de Lichtervelde. (5), seigneur de Coolscamp, et Guillaume de Rabecque écriraient de Calais à Thierry Gherbode et à Thierry le Roy, leur demandant de revenir au plus tôt ; ils les priaient de se plaindre au duc des injures et outrages reçus de la part de là garnison d'Ardres (6 et 7).

(1) Archives du Nord, B. 552 (très, des chart., n° 15145), orig. pap., traces extérieures d'un cachet de cire rouge.

(2) Ibid-, B, 552 (très, des ch., n° 15145), orig. pap., à l'extérieur Cachet de cire rougè.

(3) Ibid. (n° 15146), orig. parch. scellé de six cach. de cire rouge.

(4) Ibid. (très, des ch., n° 15146), orig. pap. cachet de cire rouge à l'extérieur.

(5) Jacques de Lichtervelde, sire de Coolscamp, fut aussi bailli de Courtrai, écoutète et souverain bailli de Flandre en 1393, conseiller, du duc. Il mourut en 1431 dans un voyage outré mer contre les infidèles, et fut inhumé à Coolscamp. (D'après Foppens : Histoire du Conseil de Flandre, pp. 96 et 97. (6) Ardfes. Pas-derGàlais, arr. de St-Omer, chef-lieu de canton.

(7) Arèhives du Nord, B. 552 (très, des chartes, n° 15146) origin. papier, cachet de cire rouge à l'extérieur.


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Le 23 mai, les ambassadeurs anglais écrivirent à ceux de Bourgogne au sujet des prises dont ils avaient à. traiter dans leur prochaine négociation (1), et le 25 du même mois,' les échevins de l'Ecluse adressaient aux députés du duc, une attestation des dommages causés, l'année précédente, par des corsaires anglais à des navires de la localité. (2) Le 30 mai, le roi d'Angleterre donna à ses ambassadeurs un nouveau pouvoir pour, traiter avec les Flamands, et désigna comme ses représentants Thomas Pickworth, lieutenant de Calais, Guillaume Bardolph, Jean Bagot, Hugue Blice, Jean Urban, Jean Burghof, et Perrin Le Loharenc. (3)

Le 19 juin, il ordonna la restitution à des marchands flamands des biens qui leur avaient été enlevés: au préjudice de la trève^ (4) Le 1er août, Thomas Pickworth, écrivant au nom de tous, fit savoir à Thierry Gherbode et à Thierry de Heuchin, qu'en l'absence de Jean Burghof et de Perrin Le Loharenc, retenus en Angleterre au service du comte de Somerset, on ne pourra se réunir que le 8 septembre suivant, et protesta vivement contre les violations do la trêve par lès Normands (5).

Le 17 août, le roi Henri IV s'adresse directement aux ambassadeurs du duc de Bourgogne qui - lui avaient communiqué un projet de croisade; il y applaudit de tout coeur ; quant à la proposition de suspendre pour ce motif la guerre avec la France, il déclare ne-plus, par suite •des dernières ruptures, avoir.confiance dans l'observation

(1) Archives du Nord, B. 552 (très, des chartes, n° 15149), origin. papier, traces extérieures de trois cachets de cire rouge plaqués.

(2) Ibid., (ibid.), original papier non scellé.

■. (3),Rymer, t. IV, 1er partie, p. 155, et Arch. du Nord, B. 552 (très des chartes, n° 15149), cop. en pap.

(4) Archives du Nord, B. 551 (très, des chartes, n° 15151), copie .en papier.

(5) Ibid., (ibid.) B. 552 (n° 9561).


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des trêves (1).; Le même jour, le .due donnait de nouveaux; pouvoirs pour négocier avec les. Anglais, et ses délégués étaient le sire dé la Viesville, Guillaume d'Estâules, Jean de Nielles, Guillaume Bonnier, Jean de Thoisy, Simon: de .Fromelles, Henry Goethaels, Thierry Gherbode, Thierry Le Roy et Thierry de Heuchin (2),

Le 23 août, le roi d'Angleterre permettait, à la requête du dogé, aux marchands vénitiens de faire, le commerce eni Angléterre et en Flandre (3) et le 29, Perrin Le Loha'rëhc .écrivait aux Flamands qui gavaient demandé une prorogation de l'assemblée projetée et leur proposait de se réunir le 15 octobre (4). Le 17 Septembre, le même écrivait à Thierry Gherbode et Thierry de Heuchin ; il leur promettait réparation des infractions.commises à la trêve, et leur adressait les noms des plénipotentiaires anglais afin d'établir les saufs-conduits (5)..Le lendemain, le duc de Bourgogne envoyait Thierry Gherbode à une assemblée à Amiens, entre les députés, de France et d'Angleterre, où devaient se régler les réparations dues pour les infractions aux trêves, commises dans les deux pays (6).

Le 1er octobre, pour éviter les retards, lé duc de Bourgogne invitait Guillaume d'Estâules, châtelain de Fumes, et Thierry Gherbode, à entrer en négociations

(1) Manusc. Cotton Galba, I (édit. Gilliodts), p.276, pièce CXXIV.

— Nous reproduisons ici la note.de M. Gilliodts, page 276 : depuis la. défaite de Niçopolis, il fut maintes fois question de projets de croisade. La présente réponse émanant du roi d'Angleterre, nous croyons qu'il s'agit ici de la croisade sarrazin, dont parle Monstrelet : Chronique, t. I, p. 9.8, édit. de Paris 1595.

(2) Archives du Nord, B. 551 (très, des chartes, n° 15152), origin. parch. scell. sur double queue, sceau de cire rouge.

(3) Rymer, t. IV, 1er partie, p. 157.

(4) Archives du Nord, B. 541 (très, des chartes, n° 19571). (5) Ibid.,. B. 54.2 (ibid., n° 19574).

(6) Ibid., (ibid., n° 19577).

22


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avec les Anglais, malgré l'absence de Simon de Fromelles (1 et 2). Mais, cependant, les négociations ne reprirent pas aussitôt, car nous possédons une lettre de Thomas Pickworth annonçant que les ambassadeurs anglais viendront à Gravelines, mais qu'ils ne pourront aller à Bourbourg ou ailleurs en Flandre (3).

La réunion eut lieu à Calais le 19 novembre. Y assistaient Thomas Pyckworth, Guillaume Bardolph, Jean Bagot, Perrin Le Loharenc, et, du côté des Flamands, Guillaume d'Estaules, Thierry de Heuchin, et Thierry Gherbode. Le but était de s'entendre au sujet de la trêve, et surtout des infractions qui y avaient été commises (4). Le: lendemain, un rapport détaillé de cette conférence était adressé à Londres (5), et, le 12 décembre, le roi d'Angleterre, Henri IV, ordonnait de publier de nouveau la trêve qui avait été conclue pour trois ans (6). De même, Thierry Gherbode allait de Lille à Paris, le 17 décembre, pour mettre le duc au courant des événements", et demeurait absent jusqu'au 13 février 1410 (7).

Le 5 janvier 1410, le roi de France Charles VI

(1) Simon de Fromelles était seigneur de Fromelles,et d'Oostkerke, fut conseiller en 1405, puis président du conseil de Flandre en 1409. Il se démit, de sa charge en 1440, en demeurant, néanmoins Conseiller, mourut le 8 mars, 1446, et fut enterré à Gand, en l'église paroissiale St-Michel, en compagnie de sa femme Catherine de Lovendeghem. (D'après Foppens : Histoire du Conseil de Flandre, pp. 52 et 53).

(2) Archives du Nord, B. 550 (très, des chartes, n° 15137), origin. pap., traces extérieures d'un cachet de cire rouge,

(3) Ibid.,B. 551 (ibid., n° 19582).

(4) Ibid., (ibid., n° 15156), parch. scellé de cinq cachets de cire rouge.

(5) Manusc. Cotton Galba, I (édit. Gilliodts), p. 279, pièce CXXV.

(6) Rymer, t. IV, 1re partie, p. 164.

(7) Archives du Nord, B. 1894, fol. 86, v. — M. Petit (Itin. des ducs de Bourgogne, pp. 373-374) fait en effet séjourner le duc à Paris en décembre 1409, en janvier et février 1410.


ordonnait à son tour une nouvelle publication de là trêve qui avait été conclue à partir du 15 juin 1408 pour une: durée de trois ans; (1), et le 16 du même mois, Thomas. Pyckworth accusait réception d'une lettre de Thierry Gherbode du 9 janvier, annonçant qu'il s'était occupé de la nouvelle publication ordonnée par le roi de France (2). Le 28 février nous trouvons un sauf-conduit accordé par le roi d'Angleterre à Simon de Fromelles, député des, Quatre Membres de Flandre (3), et le 20 mars, Thierry de Heuchin écrit à Thierry Gherbode au sujet des négociations avec l'Angleterre et des réclamations faites au duc de Bourgogne par des marchands de Saint-Omer (4). Enfin, le 8 mai, par lettres données à Paris, le duc de Bourgogne renouvelait les pouvoirs des délégués qui étaient l'évêque, d'Auxerre (Jean de Thoisy), le sire de la Viesville, Guillaume d'Estaules, Guillaume Bonnier, Simon de Fromelles, Henri Goethaels, Thierry Gherbode, Thierry Le Roy et Thierry de Heuchin (5) ; l'entrevue fixée au 15 mai ne put avoir lieu, caries délégués anglais; prétendaient ne pas être munis de pouvoirs suffisants pour délivrer aux Flamands des saufs-conduits, et Thierry Gherbode revint à Lille le 28 mai (6).

Nous trouvons, à la date du 21 mai, et datée de Calais,

une lettre des ambassadeurs anglais à leurs collègues de

Flandre, annonçant qu'ils écrivent en Angleterre pour

réclamer les saufs-conduits nécessaires aux négociations

(1) Archives du Nord, B. 553 (très. des chartes, n° 15158), origin. parch. scellé sur simple queue, sceau de cire jaune.

(2) Ibid., (ibid.), orig. pap. non scellé.

(3) Rymer, t. IV, 1re partie, p. 168.

(4) Archives du Nord, B. 553 (trés. des chartes, n° 19628).

(5) Ibid., (ibid., n° 15165), origin. parch. scellé sur double queue, sceau de cire rouge.

(6) Ibid., B. 1894, fol. 86. v., et Arcfhives de la Côte d'Or, B. 1570 (regist. non folioté).


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(1). Enfin les choses restèrent en état, et à la date du 17 novembre 1410, nous voyons le roi d'Angleterre ordonner une enquête au sujet des plaintes que lui avaient adressées les Quatre Membres de Flandre (2) ; le 29 du même mois, il renouvelle les pouvoirs de ses mandataires (3). Le même jour, le prince de Galles, fils du roi et capitaine de Calais, obtient le pouvoir de délivrer des saufsconduits aux ambassadeurs du duc de Bourgogne (4).

Le 20 janvier 1411, le roi d'Angleterre accorde un sauf-conduit à Simon de Fromelles, ambassadeur du duc de Bourgogne et aux députés des Quatre Membres de Flandre, pour leur permettre de venir en Angleterre avec une suite de quarante personnes, pour y traiter les questions relatives au traité de la commune marchandise (5), et, le 20 mars suivant, Thomas Beaufort, chancelier et amiral d'Angleterre (6), écrit à Jean sans Peur, pour se plaindre des représailles exercées par les Flamands contre les Anglais, à cause des violations de la trêve marchande (7). Le 27 mars, le roi d'Angleterre

(1) Arch. du Nord, B. 553 (très, des chartes, n° 15165), orig. papier, traces extérieures de cachet en cire rouge.

(2) Rymer, IV, 1re partie, p. 189.

(3) Ibid., p. 181.

(4) Ibid., p. 182.

(5) Ibid., p. 184. — Duffus Hardy (Syllabus, t. II, p. 567) date cette pièce du 26 janvier.

(6) Thomas Beaufort, chancelier et amiral d'Angleterre, troisième fils de Jean de Gand et de Catherine Swynford, légitimé en 1397 par Richard II. Il fut amiral, en 1403, de la flotte du Nord, en 1408-1409, de la flotte septentrionale et occidentale, et grand chancelier en 1410. Il démissionna en 1412, fut créé, à cette date, comte de Dorset, lieutenant d'Aquitaine en 1413, ambassadeur de France en 1414. En 1416, il fut nommé lieutenant de Normandie, et, la même année, créé duc d'Exeter. Il fut aussi comte d'Harcourt en 1419. Il participa activement à la conquête de la Normandie en 1420-1421, et prit part aux négociations du traité de Troyes. Il mourut en 1427 (D'après le Dictionary of National Biography, t. IV. p. 49 in fine et 50.)

(7) Archives du Nord, B. 560 (trés, des chartes, n° 15177 bis), orig. parchemin scellé extérieurement d'un sceau plaqué de cire rouge.


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donne pouvoir à Thomas Pickworth, lieutenant de Calais, Jean Catryck, William Walderne, l'évêque de SaintDavid (1), d'aller à Calais s'entendre, à la Saintt-Georges prochaine (23 avril), avec les députés du duc de Bourgogne (2), et par les lettres patentes donnèes le 16 avril, à Westminster, il annonce qu'il a désigné ses ambassadeurs (3). De son côté, le duc de Bourgogne, le 3 avril, avait donné pouvoir de remédier aux infractions de la trêve, et de reprendre les négociations à Guillaume de Halluin, Guillaume d'Estaules, Henry Goethaels, Simon de Fromelles, Thierry, Gherbode, et Thierry de Heuchin (4), et le 24 avril, Pierre Bye, délégué des Quatre Membres, se rendait à Gravelines pour aller avec les députés du duc à Calais traiter de la prolongation de la paix. Il fut absent vingt jours, mais les négociations ne réussirent pas avant une entrevue des députés avec le duc, car, récemment encore, les Anglais s'étaient emparés d'une flotte à destination de la Flandre, venant de la Rochelle (5). Nous savons que Thierry Gherbode fut occupé à cette négociation, du 17 avril au 27 juillet, qu'il alla durant' cette période à Calais, puis à Arras et à Paris, près du duc, et qu'il reçut pour ces déplacements la somme de 238 francs et demi, y compris une somme de 4 francs et demi qui lui fut donnée « pour le grossoiement de six grans lectres du roi de certaines prorogations obtenues jusques à cinq ans dudit seigneur (6). »

(1) Henry Chicheley, évêque de St-David, du 4 octobre 1407 au

27 avril 1414, date de son transfert au siège de Cantorbery, où il

mourut le 12 avril 1443. (Gams : Series episcoporum, pp. 186 et 183.)

(2) Rymer, t. IV, 1re partie, p. 188.

(3) Ibid., p. 189.

(4) Archives du Nord, B. 560 (très, des chartes, n° 15177 bis), original parchemin scellé sur double queue, sceau de cire rouge.

(5) Dèlepierre : Comptes du Franc, pp. 131 et 132.

(6) Archives du Nord, B. 1894, fol. 87, r., et Archives de la Côte

d'Or, B. 1570.


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Nous savons par le compte du Franc qu'une cause de la difficulté, des négociations était la saisie d'une flotte flamande par les Anglais. Cette flotte comprenait onze

vaisseaux, et le chancelier de Flandre, le 28 avril, envoyait à Thierry Gherbode copie de la réclamation énergique qu'il adressait au lieutenant de Calais au sujet de cette prise (1). Le même jour, il lui annonçait que les lettres relatives au traité étaient préparées, et qu'il retenait près de lui Henri Goethaels qui viendrait néanmoins à l'entrevue prochaine de Gravelines (2).

Le 5 mai, le lieutenant de Calais envoyait aux députés flamands des passeports en vue d'une réunion prochaine à Gravelines (3), et, le 6, les députés des Quatre Membres de Flandre s'adressaient directement au roi d'Angleterre pour réclamer contre les infractions sucessives commises par les Anglais aux trêves conclues, infractions dont la listé avait été remise au roi par Simon de Fromelles. Lé roi leur avait annoncé son intention de proroger les trêves, et avait nommé ses délégués en vue d'une réunion,

le 22 avril. Vers cette date, les Anglais s'emparent de onze navires flamands. Les députés des Quatre Membres prient le roi d'Angleterre de restituer les prises, et de faire reprendre les négociations (4).

Le 11 mai, les marchands de Calais s'adressent à Henri IV, pour le prier d'user de modération et de proroger au moins la tréve au. 1er septembre suivant, afin de leur éviter des pertes énormes (5), et le même jour, les am(1)

am(1) du Nord, B. 528 (trés. des chartes, n° 19525), origin. papier.

(2) Ibid., B. 560 (ibid., n° 15181), orig. papier, traces extérieures d'un cachet en cire rouge.

(3) Ibid., B. 560 (ibid.), orig. parch. scellé sur simple queue, sceau de cire rouge.

(4) Manusc. Cotton Galba, I (édit. Gilliodts), p. 295, pièce CXXXI.

(5) Ibid., p. 302, pièce CXXXIII.


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bassadeurs d'Angleterre écrivent au roi, pour lui annoncer qu'ils ont convenu avec les Flamands de la restitution des prises, et de la prorogation de la trêve pour une durée de Cinq ans. Les négociations avec la France seront reprises plus tard. Les députés flamands ont quitté Calais pour prendre l'avis du duc et des Quatre Membres. Les Anglais proposent pour réussir de restituer les prises aux Flamands, et de proroger la trêve deux ou trois mois, afin de négocier d'une façon moins hâtive, car, en Flandre, l'effervescence s'accroît, et les Brugeois ont en otage le comte de Salisbury (1).

Une nouvelle conférence eut lieu à Calais, le 27 mai, entre Thomas Pyckworth et Jean Catryck et Guillaume d'Estaules, Henry Goethaels et Thierry Gherbode (2). Le même jour, le roi d'Angleterre prorogeait la trêve pour une durée de cinq ans, à partir du 15 juin suivant, et il répétait cette prorogation le 2 juin. Le 10 juin et le 26 du même mois, il désignait comme conservateurs de cette trêve le capitaine de Calais, le connétable du camp de Douvres, et Thomas Beaufort, amiral d'Angleterre (3). De son côté, le 9 juin, le roi de France, Charles VI, confirmait la trêve commerciale conclue pour cinq ans entre le roi d'Angleterre et le duc de Bourgogne (4), et, le lendemain, par lettres données à Lille, ce dernier faisait de même, et rappelait les trêves précédentes, accordées aux pèlerins, aux clercs, aux pêcheurs, et aux marchands des deux pays (5).

(1) Man. Cotton Galba, I (édit. Gilliodts), p. 299, pièce CXXXII.

(2) Archives du Nord, B. 560 (très. des chartes, n° 15181). minute en papier.

(3) Rymer, t. IV, 1re partie, pp 192 et suiv. —Archives du Nord, B. 560 (très. des ch., n° 15181), orig. parch. scel. sur double queue.

(4) Archives du Nord, B. 560 (trés. des chartes, n° 15182), origin. parch. scellé sur double queue, sceau en cire brune.

(5) Ibid., (ibid.), orig. parch. scellé sur double queue, sceau en cire rouge, et Manusc. Cotton Galba, 1 (édit. Gilliodts), p. 312, pièce CXXXVI. ...


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Pour régler la question des prises, on décida de nommer une commission, qui siégea à Calais à partir dû 1er août pendant 25 jours, pour fixer les restitutions réciproques (1).

Le 1er juillet, le roi d'Angleterre y désigna comme ses représentants : l'évêque de St-David, Henri de Beaumont, ■Thomas Pyckworth, et Jean Catryck (2). Le, 18 juillet, le sire de Pouques (3) écrivait à Thierry Gherbode et à Simon de Fromelles pour demander la restitution de six tonneaux de vin pris par les Anglais à un certain Pieter Ghemken (4). Le 31 du même mois, Nicolas Duchesne (5) écrit à Thierry Gherbode qu'il a reçu l'ordre du duc, ainsi que le sire de Coolscamp, d'aller à Calais à l'assemblée du 1er août, mais qu'ilne peut y venir, étant souffrant. Il a, d'après les ordres du comte de Charolais, commencé son enquête sur les attentats commis contre la trêve, et il envoie le résultat de cette enquête dans un rôle scellé de son scel (6).

Le 7 août, le duc écrivait à Thierry Gherbode pour lui annoncer que le sire de la Viesville assisterait à l'entrevue, et qu'il l'a muni, à cet effet, d'un pouvoir spécial (7). Thierry Gherbode quitta Lille pour se rendre à la réunion, le 11 août, et ne fut de retour que le 28 suivant , il reçut pour ce voyage la somme de cinquante-quatre

(1) Man. Cotton Galba, I.(éd. Gilliodts), p. 312, pièce CXXXVI.

(2) Archives du Nord, B. 560 (très, des chartes, n° 15182), cop. pap.

(3) Pouques. Belg., Flandre orientale, arrond. de Gand, canton de Nevéle.

(4) Archives du Nord, B. 560 (très, des chartes, n° 19638).

(5) Nicolas Duchesne exerçait en 1409 les fonctions de procureur fiscal près du conseil de Flandre. On ignore la date de sa mort et celle des autres emplois qu'il a occupés. (D'après Foppens, Histoire du Conseil de Flandre, p. 103.) .

(6) Archives du Nord, B. 560 (très, des chartes, n° 15182), origin. pap. scellé extérieurement d'un sceau plaqué en cire rouge.

(7) Ibid., B. 560 (ibid,, n° 15188), orig. pap. scellé extér. en cire rouge.


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francs en or, qui lui fut allouée : par lettres du duc, en date du 18 septembre (1). Le 13 août, les passeports étaient Renvoyés par le lieutenant de Calais à Guillaume d'Estâules, Henry Goethaels et Thierry Gherbode (2). Vers la même époque, il était question d'une union d'une fille du duc de Bourgogne avec un prince anglais, et le 1er septembre, le roi d'Angleterre donnait, avec ses instructions que reproduit M Gilliodts (3), pleins pouvoirs au comte d'Arundell, au sire de Pembroke, à Hugue Mortimer et à Jean Catryck pour négocier cette affaire (4), mais il ne s'agit plus ici de trèves commerciales, et Thierry Gherbode ne parait avoir joué aucun rôle dans ces négociations.

Le 7 décembre 1411, Jean Fortier, secrétaire du duc, l'évêque d'Arras, le prévôt de St-Donat (5), le sire de Viesville, et Roland d'Uutkerke, partaient en ambassade en Angleterre, et étaient munis de la copie du traité concernant les trêves marchandes (6). Ces négociations avec l'Angleterre firent obtenir à Thierry Gherbode des gratifications considérables en argent. Ainsi le duc lui accorde, à cette occasion, par lettres du 28 juin, une somme de 300 francs en monnaie d'or (7). D'autre part, les Quatre Membres lui donnèrent, pour le dédommager

(1) Archives du Nord, B. 1894, fol. 87, v., et Archives de la Côte d'Or, B. 4570.

(2) Ibid.,B. 560 (très, des ch., n° 15188), orig. parch. scellé sur double queue, sceau de cire rouge.

(3) Man. Cotton Galba, I (édit. Gilliodts), p. 322, pièce CXXXVII.

(4) Rymer, t. IV, 1re partie, p. 196.

(5) Raoul le Maire, prévôt de Saint-Donat, le.26 mars 1410, est . envoyé en ambassade en Angleterre, puis assiste au concile, de

Constance, et repart de nouveau en Angleterre, en 1415 ou 1416 Il fut aussi prévôt de la collégiale Saint-Amé de Douai, et mourut le.22 décembre 1437.

(6) Archives du Nord, B. 560 (très, des chartes, n° 15192), origin. papier ; à l'extérieur, traces d'un cachet de cire rouge.

(7) Ibid., B. 1894, fol. 163, v., et Archives de la Côte d'Or, B. 1570.


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des peines qu'il, s'était données, une somme de 200 livres parisis, et allouèrent à son clerc Jean de Gand une gratification de 4 livres 16 sols, pour les écritures qu'il avait faites en cette circonstance (1).

Malgré la conclusion' de trêves commerciales faites pour une durée de cinq ans, les rapports continuent entre les ambassadeurs des deux pays.; il en fut alors comme durant la période comprise entre 1408 et 1411, et d'après les documents, ces négociations et ces entrevues nous semblent: surtout avoir pour but la réparation des infractions qui avaient été commises contre les trèves.

Le 11 janvier 1412, le roi d'Angleterre accorda un sauf-conduit aux ambassadeurs flamands : Martin Porée (2) évêque d'Arras, le sire de Viesville, Raoul le Maire, prévôt de Saint-Donat, Roland d'Uutkerke, et Jean Fortier, qui venaient en Angleterre (3), et quelques jours plus tard, le 21, il permettait, à la requête du doge de Venise aux marchands vénitiens, de faire le commerce en Angleterre et en Flandre (4).

Le 6 février, Thomas Pickworth écrivait à Thierry

Gherbode et à Henry Goethaels, pour accepter la remise

proposée par eux de la réunion du 15 février au 15 avril

(5), et le 10 suivant, le roi d'Angleterre donnait des pou(1)

pou(1) : Comptes du Franc, p. 140.

(2) Martin Porée, dominicain, né à Sens, fit ses études à l'Université de Paris, devint le confesseur et le prédicateur du duc de Bourgogne. Il fut élu élu évêque d'Arras en 1408, et assista au concile de Pise. En 1411, il fut envoyé en ambassade en Angleterre, et en 1413, prés du roi de France, Charles VI. En 1415, il assista au concile de Constance, et s'en alla, avec le prévôt de St-Donat de Bruges, conférer avec le roi d'Angleterre au sujet du concile. Il fut député de nouveau, en 1418, pour régler la question de la paix entre le Dauphin et le duc de Bourgogne.

Enfin, il mourut le 6 septembre 1426.

(3) Rymer, t. IV, deuxième partie, p. 3. (4) Ibid. .

(5) Archives du Nord, B. 561 (trés des chartes, n° 15201), orig. pap. scellé d'un cachet de cire rouge à l'extérieur.


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voirs à l'évêque de Durham, au sire de Grey, à: Hugue Mortimor, à Richard Holme et à Richard Courteney, de négocier le mariage de son fils Henri avec Anne, fille du duc de Bourgogne, et, en même temps, de régler toutes les contestations relatives aux trêves marchandes (1). Le 16 avril, Thomas Pickworth écrivait aux ambassadeurs du duc et aux députés des Quatre Membres, qu'il attendait, pour la réunion qu'on avait fixée au 15 avril, l'arrivée de l'évêque de Saint-David, qui était le principal négociateur (2) ; et cette lettre était transmise à Thierry Gherbode, le 18, par Thierry de Heuchin, qui se trouvait alors à Bergues (3).

L'entrevue ne dut pas avoir lieu aussitôt après, car, le 16 mai suivant, le roi d'Angleterre écrivait aux Quatre Membres de Flandre pour leur demander si, malgré l'alliance du duc de Bourgogne avec le parti français, ils veulent continuer à observer les trêves, et il se déclare prêt à y rester fidèle de son côté (4). Cette lettre suscita un vif mécontentement de la part du duc de Bourgogne, et nous le voyons, le 12 juin, écrire au prince de Galles pour se plaindre de cette missive (5). Le 29juin, par ordre du comte de Charolais, qui gouvernait la Flandre en l'absence de son père; Thierry Gherbode; se rend avec Guillaume d'Estaules et Robert de Capples, ainsi que les députés des Quatre Membres, près du comte Saint-Pol, à Saint-Omer, et ensuite à Calais, et cette absence dura jusqu'au 16 juillet (6) Robert de

(1) Rymer. t. IV, deuxième partie, p. 6.

(2) Archives du Nord, B. 561 (très des chartes, n° 15215.), orig. pap., sceau plaqué de cire rouge à l'intérieur.

(3) Ibid., orig. pap., traces extérieures d'un cachet de cire rouge.

(4) Rymer, t. IV, 2me partie, p. 12.

(5) Bibliothèque nationale, départ. des manuscrits. Coll. Moreau, t. 1424, pièce 55.

(6) Ibid. Collect. de Bourgogne, t. LVII, p. 241.


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Capples, qui n'avait pu rejoindre Thierry Gherbode, lui écrit le 7 juillet, pour lui dire qu'il se trouvera au rendez-vous à Saint-Omer (1), où l'entrevue eut lieu, le 8 juillet, comme nous le montre une lettre du châtelain de Fumes, datée du 7, par laquelle il s'excuse, lui aussi, de ne pouvoir venir à Ypres, et. annonce qu'il, sera le lendemain à Watou (2), sur la route d'Ypres à Saint-Omer, pour y rejoindre Thierry Gherbode (3). Le 13 suivant, Daniel Alarts (4) écrivait à Thierry Gherbode, qu'il appelle son frère, et lui demandait de s'occuper de la prise, faite récemment par les Anglais, de trois vaisseaux de Nieuport, chargés de vin et de sel, et qui appartiennent à son ami Jacques Houvenaghel, bourgeois et échevin de Bailleul (5).

Nous trouvons datées du mois de juillet 1412, des lettres du, roi d'Angleterre, qui nommait des gardiens des trèves avec la Flandre (6), d'autres, du même prince, ordonnant de publier les trêves conclues avec les Flamands (7), d'autres, enfin, du 29 juillet, ordonnant aux gardiens des

(1) Archives du Nord, B. 561 (très, des chartes, n° 15216), orig. papier, traces extérieures d'un cachet en cire brune.

(2) Watou, Belgique, Flandre occid., arrond. d'Ypres, canton d'Haringhe. .

(3) Archives du Nord, B. 561 (très, des chartes, n° 15216), orig. pap., traces extérieures d'un cachet.

(4) Daniel Allaerts fut au service de Louis de Male en sa jeunesse, puis devint secrétaire du roi de France et de Philippe le Hardi, qui le nomma son conseiller. Il était savant jurisconsulte, et mourut, à Gand le 26 décembre 1430. Il était membre de la Chambre des Comptes de Lille, et avait épousé Marie de Percheval. Il fut inhumé dans la Collégiale de Sainte-Pharailde de Gand, devant le maître-autel. (D'après Foppens : Histoire du Conseil de Flandre, pp 90 et 91.)

(5) Archives du Nord, B. .561 (très, des chartes, n° 15216), origin. pap., traces extérieure d'un cachet en cire rouge.

(6) Rymer, t. IV, deuxième partie, p. 23. — D'uffus, Hardy (Syllabus, t. II, p. 272), écrit ici Winchester au lieu de Winkelsea.

(7) Ibid., t. IV, deuxième partie, p. 24


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cinq ports de restituer aux Flamands les marchandises et les vaisseaux que les Anglais; leur avaient capturés (1). Le 23 août, le duc de Bourgogne écrivait au roi d'Angleterre que, se conformant à un ordre du roi de France, il renonce à toutes les alliances qu'il a conclues avec l'Angleterre (2). Cependant, malgré cette rupture solennelle, nous voyons ses ambassadeurs, Thierry Gherbode, Robert de Capples, et Guillaume d'Estaules, revenir à Calais, le 1er septembre, et y demeurer jusqu'au 11 (3), et nous possédons le sauf-conduit qui leur fut accordé, et qui est daté du 4 septembre (4).

Du reste, Thierry Gherbode revint encore à Calais le 2 octobre; en compagnie de Roland d'Uutkerke, pour régler la restitution d'un navire anglais pris à Dunkerque, lesquestions relatives à la trêve, et d'autres, dont ils avaient été chargés par le comte de Charolais, et il y demeura jusqu'au 19 suivant (5).

Les archives du Nord possèdent un rôle contenant la liste d'un certain nombre d'attentats commis, au mèpris des trèves qui commençaient en juin 1411, notamment eu 1411, 1412 et 1413, avec les évaluations, des pertes qui avaient été subies (6), et nous voyons qu'en 1413, les négociations continuaient toujours afin d'obtenir la réparation de ces infractions'.

Le 12 mai 1413, Thierry Gherbode quitta Lille de

(1) Rymer, t. IV, deuxième partie, p. 24.

(2) Man. Cotton Galba, I (éd. Gilliodts), p. 329, pièce CXXXIX.

(3) Bibliothèque nationale, départ, des manusc. Coll. de Bourg., t. LVII, p. 241.

(4) Archives du Nord, B. 561 (très, des chartes, n° 15221), origin. pap., sceau plaqué de cire rouge à l'inférieur

(5) Bibliothèque nationale, départ, dès manusc. Coll. de Bourg., t. LVII, p. 241. ...

(6) Archives du Nord, B. 562 (très, des chartes, n° 15232), pièce en pap. scell. de trois signets plaqués en cire rouge.


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nouveau, et se rendit avec les autres ambassadeurs du duc et les délégués des Quatre Membres, à. Saint-Omer et à Calais, et il fut absent jusqu'au 25 du même mois (1). Le 17, Perrin Le Loliarenc remettait aux Flamands une demande en dommages-intérêts dirigée notamment contre Jean Slyp et Pieter Gherbode, pour dommages causés à un marchand anglais, et la réponse des Flamands est datée du même jour (2).

Le 20 mai, le duc Jean de Bourgogne appelait à Arras, près de lui Thierry Gherbode, « pour certains grans et hastiz affaires qui tant nous touchent que plus nous peuvent et dont il nous convient nécessairement parler à vous (3). »

Quelques mois plus tard, le roi d'Angleterre donnait à Henri évêque de Saint-David, au comte de Warwick, à Guillaume La Souche, à Henri le Schrof, à Raoul Grenehurst, à Richardllolme, le pouvoir de conclure une alliance avec le duc de Bourgogne (4), après avoir accordé, le 4 juin précédent, un sauf-conduit à Raoul le Maire, prévôt de Saint-Donat de Bruges, et à Guillaume de Rabecque, qui venaient en Angleterre régler certaines affaires (5).

Le 28 septembre 1413, le duc de Bourgogne donnait, de son côté, une commission à Guillaume d'Estaules, Simon de Fromelles, Thierry Gherbode, et Thierry Le Roy, à l'effet de terminer les contestations avec l'Angleterre au sujet du commerce (6). Mais ce fut seulement le 7 octobre

(1) Bibliothèque nationale, départ des manusc. Coll. de Bourg, t. LVII, p. 241.

(2) Archives du Nord, B. 562 (très, des chartes, n° 15232), pièce en papier.

(3) Ibid. (ibid,), orig. pap. scellé d'un cachet de cire rouge.

(4) Rymer, t. IV, deuxième partie, p. 40.

(5) Ibid., p. 37.

(6) Archives du Nord; B. 562 (très, des, chartes, n° 15244), orig, parch. scellé sur simple queue, sceau de cire rouge.


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1413, qu'eut lieu à Calais une conférence entre l'évêque de Saint-David, Guillaume de la Souche et Richard Holme, et le châtelain de Furnes et Thierry Gherbode (1). Le 25 novembre suivant, le roi d'Angleterre donnait un saufconduit en faveur de trois vaisseaux chargés de vin, appartenant au duc de Bourgogne (2).

Nous ne possédons que peu de renseignements sur les négociations qui furent assez rares, en 1414, entre Flamands et Anglais, et nous croyons que Thierry Gherbode, occupé à cette époque sur un; autre théâtre, n'y prit pas une part bien active.Nous voyons; le 29 janvier, le roi d'Angleterre délivrer un sauf-conduit en faveur de Raoul le Maire, prévôt de Saint-Donat, Thierry de Dixmude, le sire de la Viesville, Guillaume de Halluin, et Jean de Robais (3). Nous le voyons ordonner, le 11 février, à ceux qui ont à se plaindre des Flamands, d'aller le 15 mai, trouver les commissaires à Calais (4), et charger, le lendemain, des sergents d'armes, Jean Burton Jean Chamberleyn et Robert Spellonce de faire une enquête sur les déprédations commises par les Anglais au préjudice des Flamands (5).

Les 17. et 18 mai, nous trouvons une correspondance échangée entre Thierry Gherbode et les échevins d'Ypres au sujet des députés des Quatre Membres qui se trouvent déjà à Gravelines en vue de la prochaine entrevue avec? les Anglais (6). Le 4 juin, le roi d'Angleterre donnait pouvoir à ses

(1) Archives du Nord, B. 562 (très. des chartes, n° 15245), deux, pièces en papier.

(2) Rymér, t. IV, deuxième partie, p. 54.

(3) Ibid., p. 70.

(4) Ibid.

(5) Ibid., p. 71.

(6) Archives du Nord, B. 563 (très, des chartes, n°15257), origin. pap. non scellé.


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ambassadeurs, de traiter avec ceux du duc de Bourgogne, parmi lesquels ne figurait pas Thierry Gherbode, la question du mariage du roi avec Catherine, fille du roi de France, de conclure une alliance avec le duc de Bourgogne, et de recevoir son hommage.(1), et le 23 du même mois, il accordait à ces mêmes ambassadeurs des pouvoirs pour la prorogation de la trêve commerciale avec le duc de Bourgogne (2).

Enfin, à la date du 1er septembre, nous trouvons un sauf-conduit en faveur du sire de la Viesville, qui est accordé par le roi d'Angleterre, et renouvelé à la date du 16 novembre 1414 (3).

L'année 1415, marquée par la bataille d'Azincourt, ne vit pas entre la Flandre et l'Angleterre des négociations bien, suivies au point de vue des trêves commerciales, d'autant plus qu'en 1411, une trêve de cinq ans avait été. publiée, et il ne fut guère alors question que d'infractions, à cette convention.

Ainsi, le 9 mai 1415, les Quatre Membres de Flandre, écrivent à Henri V pour. se. plaindre des pirateries de ses sujets, et déclarent, en réponse aux lettres du roi du 5 mai précédent, qu'ils ne restitueront les vaisseaux saisis à l'Ecluse, que si on leur rembourse les dommages qui leur ont été causés (4). Le 25 mai, le comte de Charolais écrit, à son tour, au roi Henri V, accusant réception de ses lettres, et lui indiquant les mesures prises pour éviter les infractions, priant enfin le roi de. s'abstenir de représailles, et de relâcher une flotte allant de la Rochelle en Flandre, et qui a été capturée par les Anglais (5).

(1) Rymer, t. IV, deuxième partie, p. 79.

(2) Ibid., p. 81.

(3) Ibid., p. 87 et 95.

(4) Man. Cotton Galba, I (éd. Gilliodts, p, 335, pièce CXLI. (5) Ibid. (ibid.,), p. 338, pièce CXLII.


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De nouveau, il lui écrit le 6 juillet pour lui accuser réception dé sa lettre; du 17 juin, et l'assurer qu'il s'occupera d'un navire pris par les Flamands, en le priant d'accorder la restitution de la flotte venant de la Rochelle (1). Le 15 juillet, les Quatre Membres de Flandre écrivent au roi Henri V, au sujet de cette double affaire de navire écossais et de la flotte venant de la Rochelle, et lui renouvelent l'assurance de leurs

bonnes dispositions ; ils réclament en outre la restitution d'un petit navire chargé de poissons, appartenant à pêcheur de Heyst (2) et que les Anglais ont capturé le 1er juillet (3). Le 30 août, nouvelle lettre des Quatre Membres au roi 'd'Angleterre pour lui exposer les nombreuses déprédations commises par les Anglais en vue des côtés de Flandre (4). Le surlendemain, le comte de Charolais, écrivait au roi Henri V, pour lui signaler la prise par les Anglais, d'une flotte chargée de vin, venant de la Rochelle et allant à Bruges et a l'Écluse (5). Le 4 septembre, l'évêque de Winchester (6), s'adressait à son Collègue de Durham (7), pour obtenir au nom des Brugeois, la restitution d'un navire venant de Gênes et capturé à Plymputh (8). Enfin, le 8 novembre, le duc dé Bedford répondait au nom du roi au comte de Charolais;

(1) Manus, Cotton Galba, I (éd. Gilliodts), p. 344, pièce CXLIII,

(2) Heyst, Belgique, Flandre occidentale, arrondissement de Bruges, canton de Blankenberghe.

(3) Manus. Cotton Galba, I (éd. Gilliodts), p. 346, pièce CXLIV. (4) Ibid. (ibid.), p. 350; pièce CXLV.

(5) Ibid. (ibid.), p. 366, pièce CXLVI.

(6) Henri Beaufort, transféré de Lincoln, où il fut évêque de 1398 a 1401, cardinal; mort le 11 avril 1447 (GAMS : series episcoporum, p. 192 et 199.

(7) Thomas Loangley, qui occupa ce siège du 8 septembre 1406 au 28 novembre 1437 (GAMS : op. cit., p. 187).

(8) Man. Cotton Galba, I (éd.Gilliodts), p. 359, pièce CXLVIII.

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il lui accusait réception des lettres du 30 août et flu 1er septembre.et lui promettait réparation (1).

Les trêves conclues pour, une durée de cinq ans, en 1411, entre la Flandre, et l'Angleterre, expiraient en 1416. Aussi, dès le début cette année, nous voyons une reprise active des négociations entre: les deux pays. Le duc de Bourgogne, le 2 février, donnait des pouvoirs (2), pour renouveler avec l'Angleterre, le traité de commerce, à l'évêque de Tournay, Jean de Thoisy; Raoul Le Maire, Jacques de Liclitervelde, Guillaume d'Estaules, Roland d'Uutkerque, le sire de Pouques, Henry Goethaels, Simon de Fromelles; Thierry Le Roy, Thierry Gherbode, Nicolas Duchesne, Guillaume de Rabecque.

De son côté, le 6 mars, le roi d'Angleterre donnait les mêmes pouvoirs à Philippe Morgan, Jean Chirche, Jean Michel, et Jean Pyckerynck (3), et, le 18 mars, il accordait un sauf-conduit en faveur des ambassadeurs du duc de Bourgogne (4). Les instructions du roi d'Angleterre sont du 21 mars : elles sont particulièrement favorables aux Flamands, car elles permettent de conclure avec leurs ambassadeurs, en l'absence de tout pouvoir, du roi de France, et même de faire un traité général, si tel est le désir des plénipotentiaires flamands (5).

Le 24 mars, William Bardolph, lieutenant de Calais, délivrait un passeport à Jacques de Liclitervelde, Thierry le Roy, Thierry Gherbode, et Guillaume de Rabecque, et

(1) Manus. Cotton Galba, B. I (èdit. Gilliodts), p. 361, pièce CL.

(2) Archives du Nord, B, 564 (tr. des ch., n° 15315), orig. parch. scellé sur double queue, sceau de cire rouge.

(3) Rymer, t. IV, deuxième partie, p. 154, et Archives du Nord, B, 564 (très, des chartes, n° 15316). cop. lat., parch. non scellé.

(4) Ibidem:

(5) Manusc. Cotton Galba, I (édit. Gilliodts); p. 364, pièce GLI.


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leur donnait droit à une suite; de 40 personnes (1) Le 6 avril, le duc de Bourgogne renouvelait à ses ambassadeuus les pouvoirs qu'il leur avait déjà donnés pourrenouveler le traité avec l'Angleterre, et régler les infractions à la trêve (2). L'entrevue entre Anglais et Elamands eut lieu à Calais le 25 avril, et l'on y décida de se réunir le 1er août suivant pour régler alors' la question des.déminages Philippe Morgan, Jean Chirche, Jèan . Michel et Jean Pyckerynek y représentaient l'Angleterre Jacques de Lichtervelde, Thierry Le Roy, Thierry Gherbode, Guillaume de Rabecque, Liévin de le Ufil, Baudouin de le Poele, Thierry de le Wall; Jacques le Verre, le duc de Bourgogne (3),

A la suite de cette entrevue, la trève fut prorogée, le 16 mai, pour un an, c'est-à-dire jusqu'au 15 juin 1417, par le duc de Bourgogne (4), et, le 22 suivant, par le roi d'Angleterre (5) qui, le 28, ordonna de publier cette prorogation. (6), et en justifia le 1er juin 1416 (7).

Enfin, le 24 juin, il donnait un sauf-conduit à une' ambassade flamande, qui s'était rendue en Angleterre, mais dont Thierry Gherbode ne faisait pas partie (8). La trêve, qui avait été prorogée pour un an, fut

(1) Archives du Nord,. B, 564 (très des chartes, n° 15316), orig. parch. scellé d'un sceau plaqué de cire rouge.

(2) Ibid., B, 564 (ibid.), scellé sur double queue,sceau de cire rouge.

(3) Ibid., B, 564 (très, des chartes, n° 15320), copie en papier.

(4) Jbid. (ibid.) orig. pap. scellé sur double queue, sceau cire, rouge.

(5) Rymer, t. IV, deuxième partie, p. 164, et Archives du Nord, B. 564.(très, des chartes, n° 15320); orig. parch. scellé sur double queue, sceau de cire brune.

(6) Ibidem, p; 162.

(7) Ibid., p. 164:

(8) Ibid., p. 166.


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publiée en Angleterre, et nous avons la lettre du roi Henri V, du 1er juin, certifiant cette publication (1). D'autre part, le roi de France confirma la prorogation le 2 juin, et en nomma conservateurs les baillis de Bruges et de l'Ecluse(2). Le même jour il écrivait au sire de la Viesville, capitaine général de la Picardie, lui ordonnant de mettre en liberté les marchands anglais qui avaient été arrêtés au préjudice de la trêve (3).

Le 8 juin, les ambassadeurs anglais écrivaient de Calais à leurs colllégues de Flandre, pour leur annoncer l'envoi par le roi d'Angleterre, de lettres prolongeant la trêve pour un an à partir du 25 juin (4), et, le 12 suivant, un nouveau' passeport était délivré aux députés flamands par le lieutenant de Calais (5).

Le 24 juillet, le duc de Bourgogne, donnait de nouveaux pouvoirs à ses ambassadeurs (6), et à la date des 5 et 7 août; nous voyons le roi d'Angleterre munir de son côté ses délégués d'instructions suffisantes pour traiter avec le duc de Bourgogne (7). D'autre part, le 16 août, il ordonne au capitaine de Calais de publier la trêve qui a été. conclue avec le duc de Bourgogne (8). Enfin, le 1er octobre, le roi d'Angleterre accordait un sauf-conduit au duc Jean de Bourgogne pour lui permettre de venir à Calais avec une suite de huit cents personnes (9).

(1) Archives du Nord, B, 564 (très, des chartes, n° 15324), orig. parch.; le sceau a disparu.

(2) Ibid. (ibid.), orig. parch. scellé sur double queue, sceau de cire brune.

(3) Ibid. (ibid.), copie en papier non scellée.

(4) Ibid., B. 535 (très, des chartes, n° 19893).

(5) Ibid., B. 564 (ibid, n° 15324), orig. parch. scellé sur simple queue, sceau de cire rouge.

(6) Ibid. (ibid.), scellé sur simple queue, sceau de cire rouge.

(7) Rymer, t. IV, deuxième partie, pp. 169 et 170.

(8) Ibid., p. 173.

(9) Ibid., p. 176.


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Enfin, le 12 octobre, une réunion avait dieu' entre les ambassadeurs des deux pays, et on convenait de la restitution des prises; on s'ajournait au 15 mars, pour avoir les éléments d'information qui seront remis le 1er mars aux capitaines de Gravelines et de Calais, et l'on s'occupera alors de la question de la prorogation de la trêve où de la confection d'un traité général (1). Le 19 mars 1417, Thierry Gherbode quitta Lille avec le sire de Coolscamp, Thierry le Roy et Guillaume de Rabecque pour aller négocier à Calais, et ils revinrent à Lille: le 8 mai, ayant complètement réussi dans leur mission.

Quelque temps après, le 10 juin, ils allèrent de nouveau à Calais, pour y porter des lettres du roi de France, et du duc; afin d'obtenir la liberté de plusieurs marchands retenus prisonniers malgré les trèves, et recevoir les lettres patentes du roi d'Angleterre (2).

Le 24 avril précédent, celui-ci avait donné des pouvoirs pour conclure une trêve avec le duc de Bourgogne (3) ; le 10 mai, il les avait renouvelés, et le 14, il confirmait la promesse faite par ses commissaires à Calais, de comprendre la ville de Boulogne dans le traité de trêve de quinze mois, fait à Londres, en 1416, et qui devait expirer au mois de septembre 1417 (4).

Le 18 mai, nouveaux pouvoirs du roi à ses ambassadeurs (5). Le 1er juin il accorde un sauf-conduit à Henry

(1) Manusc. Cotton Galba, I (éd. Gilliodts), p. 366, pièce CLII.

(2) Dom Plancher : Histoire de Bourgogne, t. III, p. 449. (3) Rymer, t. IV, deuxième partie, p. 198.

(4) Ibid, p. 199.

(5) Archiees du Nord, B. 566 (très, des chartes, n° 15350), orig. parch. scellé sur double queue, sceau de cire brune, et Rymer, t. IV, deuxième partie, p. 200. — Duffus Hardy (II, p. 597) indique par erreur le tome III de Rymer.


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Goethaels, Guillaume Champdivers et Georges d'Ostende, ambassadeurs du duc de Bourgogne, et il leur renouvelle ce sauf-conduit le 24 juin et le 23 juillet suivants (1). Le même jour, il donne à ses ambassadeurs, pouvoir de conclure une trêve avec le duc de Bourgogne (2), et ce jour, par acte donné à Porchester, les commissaires anglais Ware et Lynckevood prorogent la trève jusqu'à Pâques de l'année suivante, et stipulent que le comté de Saint-Pol, possédé par le duc de Bourgogne, sera compris dans la trève (3). Les actes officiels, portant prorogation de la trêve jusqu'à Pâques, sont du 31 juillet 1417 (4). La confirmation de cette prorogation accordée par le roi d'Angleterre est du 12 août suivant (5), celle du duc de Bourgogne, du 17 août (6), et le même jour, le duc, par un mandement, ordonne la publication de cette trêve (7). L'ordre de publication est daté du 5 décembre suivant (8).

Bien que Thierry Gherbode ne figurât pas parmi les députés flamands envoyés par le duc en Angleterre, on peut croire qu'il participa cependant aux négociations, car nous voyons le duc lui accorder par un mandement donné à Chartres le 26 novembre 1417, la somme de soixante

(1) Rymer, t. IV, deuxième partie, p. 201, et t. IV, troisième partie, pp. 4 et 6.

(2) Ibid., p. 7.

(3.) Archives du Nord, B. 566 (original parchemin scellé sur double queue de deux sceaux de cire rouge.)

(4) Ibid. (original parch. scellé de deux cachets de cire rouge plaq.). — Rymer, t. IV, troisième partie, page 10.

(5) Ibid., B. 566 (très, des chartes, n° 15363), orig. parch. scellé sur double queue, sceau de cire brune,

(6) Ibid. (ibid.), orig. parch. scellé sur double-queue, sceau de cire rouge. — Manusc. Cotton Galba, I (éd. Gilliodts), p. 375, pièce CLV. — Rymer, t. IV, troisième partie, p. 12.

(7) Ibid. (ibid.), orig. parch. scellé sur simple queue, sceau de cire rouge.

(8) Rymer, t. IV, troisième partie, p. 29.


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quatre francs, pour être allé à Gand du 2 au 17 septembre, à Calais, du 27 septembre au 3 octobre, et être revenu ensuite à Gand près du comte de Gharolais (1). Il figure également parmi ceux qui reçoivent, le 21 novembre 1417, des. pouvoirs du duc, pour négocier avec les Anglais. C'étaient Jacques de Lichtervelde, Guillaume d'Estaules, Henri Goethaels, Simon de Fromelles, Thierry Gherbode, Guillaume de Rabecque, Baudouin de la Poele, Liévin de le Uffle, Jean Paeldinc, Nicolas Bourgeois, et Pierre Bye (2).

Les négociations se poursuivirent sans incidents, et nous ne possédons sur leur marche qu'un très-petit nombre de renseignements : ainsi, nous voyons, le 16 mars 1418, le comte de Charolais écrire à Thierry Gherbode, et l'inviter à venir le trouver à Gand pour y conférer, au sujet des infractions à la trêve, avec Jean de la Keythulle, Jean de le Berghe, le sire de Steenhuyse, grand bailli de Flandre, et Guillaume de Rabecque (3).

Le 21 du même mois, le roi d'Angleterre, par lettres, datées de Bayeux, donne pouvoir au comte de Warwicq de traiter de la prorogation de la trêve avec le duc de Bourgogne (4), et Rymer nous donne les deux actes anglais et bourguignon, relatant cette prorogation (5). Le 11 avril, le comte de Charolais écrivait d'Amiens à Thierry Gherbode, et le priait de lui envoyer le plus tôt possible l'acte de prorogation de la trêve marchande entre la Flandre et l'Angleterre, afin de le faire ratifier directeXi) Archives du Nord, B. 1910 (pièce n° 3), origin. parch. non scellé.

(2) Ibid., B. 566, original parchemin scellé surdouble queue, sceau de cire rouge.

(3) Ibid. (très, des chartes, n° 15373), orig. papier, traces d'un cachet extérieur de cire rouge.

(4) Rymer, t. IV, troisième partie, p. 42. (5) Ibid., p. 43.


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ment par la reine, « qui a par octroi irrévocable le gouvernement de royaume de France », sans le montrer au roi, attendu son état et l'hostilité de son entourage au duc de Bourgogne (1). Le 20 avril, le roi d'Angleterre à Caen confirmait la trève conclue avec le duc de Bourgogne (2) et le 28 avril, il ordonnait au bailli de Caen d'annoncer que tous ceux qui auraient à faire des réclamations relatives aux infractions des trêves, devraient se trouver à Verneuil (3), le 5 mai suivant. Il nommait également des commissaires pour régler ces difficultés (4).

Le 6 mai, la reine Isabelle ratifiait à son tour la trève conclue entre la Flandre et l'Angleterre (5). Le 2 juin, le roi d'Angleterre désignait de nouveau des commissaires pour remédier aux infractions commises contre la trêve (6), et le 1er août enfin, le roi de France, Charles VI confirmait à son tour la prorogation des trêves entre la Flandre et l'Angleterre (7). Quelques jours plus tard, Thierry Gherbode se rendait à Calais pour y régler, avec les Anglais, certaines questions, car nous voyons Guillaume Bardolph lui délivrer, le 26 août, un saufconduit valable pour lui et une suite de quatre personnes pendant une durée de sept jours (8).

La trêve avait été prorogée jusqu'aux fêtes de Pâques 1419 ; pendantles derniers mois de 1418 et le commen(1)

commen(1) du Nord, B. 567 (très, des chartes, n° 15375), orig. pap. scellé à l'extérieur d'un cachet de cire rouge.

(2) Rymer, t. IV, troisième partie, p. 49.

(3) Verneuil, département de l'Eure, arrondissement. d'Evreux, chef-lieu de canton.

(4) Rymer, t. IV, troisième partie, p. 50.

(5) Archioes du Nord, B. 567. cop. en papier.

(6) Rymer, t. IV, troisième partie, p. 54.

(7) Archives du Nord, B. 567 (très, des chartes, n° 15383), orig. parch. scellé sur double queue, sceau de cire brune.

(8) Ibid. (ibid., n° 15386), orig. pap., sceau plaqué de cire rouge.


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cement de 1419, les négociations politiques entre la Flandre et l'Angleterre reprirent le dessus ; et reléguèrent au second plan les préoccupations en matière commerciale; Ce fut seulement le 24 mars. 1419, que les Quatre Membres écrivirent de Gand à Henri V pour lui rappeler l'expiration de la trève, le jour de Pâques, le 16 avril, et prier le roi de la proroger pour un an, afin qu'il soit possible, de part et d'autre, soit de négocier une trêve; plus longue, soit de conclure un traité d'alliance, (1) ; le 10; avril suivant,: nous voyons le duc Jean donner au comte de Gharolais, son fils, ; un pouvoir pour le renouvellement de la trève marchande avec l'Angleterre (2) ; enfin, le 20 avril, le roi d'Angleterre; répondit de .Vernon aux Quatre Membres, protestant de; son bon vouloir, et leur annonçant qu'il avait envoyé au conseil et. au duc de Bedford, son frère, l'ordre, d'expédier à ses ambassadeurs de. Calais les pouvoirs nécessaires pour ouvrir les négociations (3); Le 28 avril, il écrit au duc de Bedford, lui envoie ses instructions, et lui laisse le soin de. fixer la date de l'ouverture des conférences (4). Enfin, les pouvoirs ; de négocier sont envoyés, le 20 mai 1419, à Jean Escourt, Guillaume Bray, Jean Chirche, et Jean Pickerynck (5); et le 29 mai, à Meulant, le roi Henri V décida, avec la reine de; France Isabelle et le duc Jean, de continuer les négociations jusqu'à la conclusion de la paix (6), Le 1er juin, Henri V adressait ses instructions à ses ambassadeurs ; il ordonnait de rédiger l'acte en latin, de stipuler de sérieuses

(1) Manusc. Cotton Galba, I (éd. Gilliodts), p. 391, pièce CLIX.

(2) Archives du Nord, B. 568 (très, des chartes, n° 15403), orig. parch. scellé sur double queue, sceau de cire rouge.

(3) Manusc. Cotton Galba, I (éd. Gilliodts), p. 394, pièce CLX. (4) Ibid., p. 396, pièce CLXI.

(5) Archives du Nord, B. 568 (très, des chartes, n° 15410), cop. en papier. - Rymer, t. IV, troisième partie, p. 117.

(6) Rymer, t. IV, troisième partie, p. 118


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garanties pour l'observation. de la trève jusqu'à la Toussaint, de s'abstenir de tout fait de guerre, enfin de conclure une convention provisoire le 15 août ou le 8 septembre. Le roi commandait de réserver formellement les:prises de l'Ecluse (1). Le 7 juin, il faisait accorder des saufs-conduits aux ambassadeurs du roi de France et du duc de Bourgogne (2), et le 19 juin, celui-ci nommait les ambassadeurs qu'il envoyait pour négocier les affaires pendantes ; c'étaient les mêmes qu'aux ambassades précédentes, et Thierry. Gherbode était parmi eux. Leur nombre cependant était plus considérable, car on avait augmenté le nombre des députés pris en dehors des conseillers du duc (3).

La collection de Bourgogne à la Bibliothèque Nationale nous dit, au sujet de cette ambassade, qu'au mois de juin 1419, le duc envoya Thierry Gherbode, son conseiller à Calais, avec Messieurs de la Chapelle et Simon de Fromelles, pour faire un traité de commerce entre la Flandre et l'Angleterre (4). Thierry Gherbode passa trente-cinq jours dans cette ambassade du vingt juin au vingt-sept juillet, qui lui furent payés, outre sa pension de garde des Chartes de Flandre, à raison de trois francs par jour, et le duc ordonna de lui allouer une partie de cette somme, l'arriéré, s'élevant à quarante francs vingt(!)

vingt(!) t. IV, troisième partie, p. 118, et Manusc. Cotton Galba, I (éd. Gilliodts), p. 397, pièce CLXII. M. Gilliodts ajoute en note que la trève fut prorogée le 14 juillet jusqu'à la Toussaint, et que cette prorogation fut publiée le 28 juillet suivant,

(2) Ibid., p. 121. .

(3) Ibid., pp. 122 et 123, et Archioes du Nord, B. 568 (très.des chartes, n° 15410 bis), orig. parch. scellé sur double queue, sceau de cire, rouge.

(4) Bibliothèque nationale, départ, des manusc. Coll. de Bourg., t. LXV, p. 134, v.


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sept sols, par un mandement donne à Arras le deux novembre 1419 (1).

L'entrevue, nous l'avons dit, eut lieu à Calais le 14 juillet 1419, et eût pour résultat la prorogation de la trève jusqu'à la Toussaint. Les ambassadeurs des deux pays y assistaient nombreux : du côté des Anglais, on voyait Bardolph, Escourt, Bray, Chirche et Pyckerynck; du côté des Flamands, Jacques de Cappel, Simon de Fromelles, Thierry Gherbode, Liévin de le Uffle, Baudouin de le Poele, Ance lin le Bouteillier, et Pierre Bye (2). Le 28 juillet, le roi d'Angleterre donnait aux shérifs de Londres, d'Yorck et de douze autres villes l'ordre de publier la prorogation de la trêve (3) et nous voyonsThierry Gherbode recevoir, le lendemain, la somme de 140 livres-parisis pour son voyage à Calais. Nous avons dit que le reste de ses frais de voyage lui fût payé quelques, mois plus tard (4).

Cependant, malgré cette prorogation des trêves, dès infractions étaient commises par les corsaires des deux pays. Le 14 septembre; le roi Henri Y écrit au comte de Charolais pour se plaindre de la capture par les Flamands de quatre vaisseaux qui revenaient d'Islande chargés de poissons (5), et le lendemain, Guillaume Bardolph; capitaine de Calais, s'adressait aussi au comte de Charolais, pour obtenir la mise en liberté d'une barque de Sandwich qui avait été prise par un corsaire

(1) Archives du Nord, B. 1920, fol. 52, r., et Archives de la Côte d'Or ; B. 1605, fol. 60, v et 61, r.

(2) Ibid., B. 568 (très, des chartes, n° 15413), cop. en papier.

(3) Rymer, t. IV, troisième partie, p. 128,

(4) Archives du Nord, B. 568 (très, des chartes, 15113), origin. parch, non scellé.

(5)Ibid., B. 569 (très, des chartes, n° 15415) copie parch. non scellé.


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ostendais (1). Le même s'adressait, quelques jours plus tard, le 24 septembre, au duc Philippe qui venait de succéder à son père, et après lui avoir exprimé ses condoléances au sujet de l'assassinat de Montereau, il l'invitait à négocier pour renouveler la trêve qui avait été. prorogée jusqu'à la Toussaint (2). Le 28 septembre nouvelle lettre de Bardolph, au duc de Bourgogne. Les Anglais n'ont pas encore donné suite à leur plainte touchant la capture d'une nef de Whitby par un pirate ostendais, en considération de la mort funeste du duc son père « duquel fait chascun gentilhomme et loïal coer en devoit avoir, pitié et aussi en vérité nous avons » mais l'intérêt de leurs nationaux les force, maintenant à reprendre leurs démarches (3)

Le 9 octobre, le roi d'Angleterre accorde divers saufs-conduits à des envoyés que lui adresse le duc de Bourgogne (4), et le 12 suivant, il donne pouvoir à William Bardolph, lieutenant de Calais, David Pryce, Guillaume Bray, Jean Chirche, Richard Bakeland et Jean Pyckerinck, de conclure une trêve marchande avec le duc Philippe « fils et héritier de feu duc Jean de Bourgogne (5) ». Le même jour, les ambassadeurs anglais, qui étaient à Calais, écrivaient au duc de Bourgogne pour lui accuser réception de ses lettres du 5, annonçant la mise en liberté de la nef de Whitby, et

(1) Archives du Nord, B. 569 (très, des chartes, n° 15415) orig. pap; scellé extérieurement de trois cachets de cire rouge plaqués.

(2) Ibid. (ibid.), orig. pap., traces d'un sceau extér. plaqué de cire rouge.

(3) Ibid, (ibid.), orig. pap. scellé exterieurement de trois cachets de cire rouge plaqués.

(4) Rymer, t. IV, troisième partie, p. 135.

(5) Ibid. p. 136.


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demandant une mesure semblable en faveur de celle de Sandwich (1).

Le 14 octobre, le roi d'Angleterre accorda des saufsconduits à des députés du duc de Bourgogne (2), et celuici, le lendemain, donna pleins pouvoirs à ses ambassadeurs ordinaires, parmi lesquels nous voyons figurer Thierry Gherbode, pour renouveler les trèves, marchandes avec l'Angleterre (3), Le duc de Bourgogne avait ordonné à ses députés de se trouver à Calais cinq ou six jours après le 15 octobre, mais le 19, Guillaume Bardolph lui écrit, pour lui annoncer qu'il n'a encore reçu aucun pouvoir du roi d'Angleterre (4), et le 23 octobre, le duc communiquait cette lettre à Thierry Gherbode, en se réjouissant du délai, et en lui prescrivant de ne pas se rendre à Calais avant d'avoir reçu de nouveaux ordres(5).

Le 26 octobre, le roi d'Angleterre écrivait à ses réprésentants de Calais, que si les députés du duc n'ont pas de commission des' Quatre Membres de Flandre, on s'en tiendra à une prorogation provisoire jusqu'au mois de mars, et on fera confirmer cette prorogation par les Quatre Membres (6). Le 27, les députés anglais écrivaient au duc de Bourgogne que Thierry Gherbode et le sire de là Chapelle avaient annoncé leur venue à Gravelines, mais que, avertis à temps, ils ne sont pas arrivés ; que l'expiration des trèves est imminente, et que les échevins de

(1) Archioes du Nord, B. 569 (très. des chartes, n° 15415), orig pap. scellé extérieurement dé trois cachets de cire rouge plaqués.

(2) Rymer, t. IV, troisième partie, p. 136.

(3) Archives du Nord, B. 569 (très, des chartes, n° 15415), orig. parch. scellé sur double queue. Le sceau a disparu.

(4) Ibid., B. 569 (trés, des chartes. n°15415), orig. parch., traces extérieures de trois cachets de cire rouge.

(5) Ibid. (ibid.), orig. pap., traces extérieures de sceau de cire rouge.

(6) Manusc. Cotton Galba, I (éd. Gilliodts), p. 400, pièce CLXIII.


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Gand leur ont demandé une. prorogation jusqu'à la Chandeleur, mais qu'ils n'ont pas pu prendre de décision, par. suite de l'absence de l'un de leurs collègues, qui se trouve, à Douvres, où il attend, pour s'embarquer, un vent. favorable (1). Mais, le 30, William Bardolph se ravise, et écrit aux députés flamands qu'il prend, sur lui de proroger jusqu'à douze jours après la, Toussaint les trèves sur terre, et il écrit à la même date et, dans le même sens au duc de Bourgogne (2). Le 7 novembre, le duc de Bourgogne donnait de nouveaux pouvoirs à l'évêque d'Arras, à Roland d'Uutkerque, Guilbert de Lannoy, et Simon de Fromelles (3), et le 9 novembre; Bardolph écrivait au duc pour accorder une nouvelle prorogation de la trève au 25 novembre (4) , le 12, il annonçait l'arrivée, lui de ses collègues, qu'un vent contraire avait retenus à Douvres, afin que les députés flamands puissent venir aussitôt à la conférence (5), et le roi accordait un sauf-conduit en date du 19 novembre (6).

Quelques jours plus tard, le 21, les échevins de Bruges écrivaient au duc, et lui. annonçaient qu'un messager qu'ils avaient envoyé, à Calais leur avait, raconté que depuis huit jours les Anglais attendaient à Calais ; ils supplient le duc de faire diligence, attendu que la trêve prorogée expire le.27 janvier, prochain.(7).

(1) Archioes du Nord, B. 569 (très, des chartes, n° 15415), orig. pap. scellé extérieurement de trois cachets de cire rouge.

(2)Ibid. (ibid.), copie pap. et orig. pap., traces extérieures d'un cachet de cire rouge. (3) Ibid. (ibid., n° 15418), minute en papier.

(4) Ibid. (ibid.), orig: pap., cachet de cire rouge plaqué à l'ext (5) Ibid. (ibid.), orig. pap. scellé exiérieurement d'un cachet de cire rouge.

(6) Rymer, t. IV, troisième parties p. 138.

(7) Archives du Nord, B. 569 (très, des chartes, n° 15418), orig. pap., traces extérieures d'un sceau plaqué de cireverte


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Le 22 novembre, le duc répondait à William Bardolph qu'il a ordonné le départ de ses députés, mais qu'ils a attendu les; envoyés du roi d'Angleterre, et que c'est là la cause du retard qui est survenu (1). Le 24 novembre, le duc recevait des échevins de Gand une lettre identique à celle que lui avaient adressée, le 21, les échevins de Bruges (2), et, le même jour, William Bardolph, après avoir accusé réception des lettres du duc, du 22, lui annonce que les ambassadeurs attendront, et qu'il consent, à une nouvelle; prorogation de la trève pour une durée de douze jours (3).

C'est qu'en effet, le 27 novembre, se tint à Arras une assemblée très importante des principaux personnages, familiers et conseillers du duc de Bourgogne; on y adopta le principe de l'alliance étroite et complète avec le roi d'Angleterre. On possède aux Archives départem'entales du Nord la liste de ceux; qui y assistèrent, et nous voyons y figurer, le nom de Thierry Gherbode (4).

La conséquence de cette réunion du 27 novembre fut la confirmation par le duc de Bourgogne des articles arrêtés entre les rois deFrance et d'Angleterre, (mariage. du roi d'Angleterre: avec la fille du roi de, France, son avènement au trône de France, et la régence du royaume, en attendant la mort de Charles VI (5).

(1). Archives du Nord, B. 589 (très, des chartes, n° 15418), minute en papier.

(2) Ibid. (ibid.), orig. pap., traces . extér; d'un sceau plaqué de cire brune,

(3) Ibid. (ibid.), orig. pap. scellé extérieurement d'un cachet de cire rouge.

(4) Ibid., B. 295 (ibid.), papier, contenant simplement la liste des noms, avec l'entête suivant : « Noms de ceulx qui estaient au conseil de Monseigneur par lui tenu à Arras le XXVII jour de novembre mil IIIIC et dix-neuf sur le fait du traité d'Angleterre, »

(5) Rymer, t. IV, troisième partie, p. 140, et Archives du Nord, B. 295 (très, des chartes, n° 15419 bis), minute pap. non scellé, rédigée en latin.


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Le 6 décembre, le duc Philippe le Bon donnait à Jacques, sire de La Chapelle, à Jean de Cuelsbrbuck, prévôt de sainte Pharaïlde de Gand(1), et à Thierry Gherbode, un pouvoir pour terminer les différends avec l'Angleterre et procéder; an renouvellement des trêves (2), et nous voyons Thierry Gherbode recevoir la somme de soixante dix-huit francs trente-deux sols, pour être allé de Lille à Calais au sujet du traité avec l'Angleterre du 21 décembre 1419 (3). Les ambassadeurs avaient écrit au duc de Bourgogne, le 19 décembre 1419, qu'ils s'étonnaient de ce que ses députés n'arrivaient pas, et qu'ils avaient reçu ses lettres alléguant " les chemins dangereux et périlleux par les glaces. et neiges de gelées », mais que cependant, ils avaient lieu de s'en étonner « vuez. que journellement les gens veignent d'Arras en cestes marches sanz mettre leurs corps.en aventures » (4).

Le 25 décembre, le roi d'Angleterre s'alliait au duc de Bourgogne, à la condition du mariage de son frère avec une soeur du duc, et de son assistance pour son avènement à la couronne de France ; de plus, il faisait à Michelle de France, duchesse de Bourgogne, une donation d'une rente de vingt mille francs (5), et, le lendemain, il accor(1)

accor(1) de Cuelsbrouck était docteur en droit et fut conseiller des ducs de Bourgogne et leur ambassadeur près du Saint-Siège. Il était juge et commissaire apostolique, grand chantre de la cathédrale de Tournai, prévôt de sainte Pharaïlde de Gand et chanoine de Saint-Rombaut de Malines. Il mourut le 18 juillet 1443, et fut enterré à sainte Pharaïlde de Gand. (D'après Foppens : Histoire du Conseil de Flandre, p. 101.

(2) Archives du Nord, B. 569 (très, des chartes, n° 15419), orig. parch. scellé sur double queue, cachet de cire rouge brisé.

(3) Ibid. B. 1920, fol. 52, r. et v., et Archioes de la Côte d'Or, B. 1605, fol. 61, r. — Thierry Gherbode fut absent jusqu'au 21 janvier 1420. (Mandement du duc, daté d'Arras, du 1er février 1420.)

(4) Archives du Nord, B. 569 (très, des chartes, n° 15418), orig. pap. scellé extérieurement de cinq cachets plaqués de cire rouge.

(5). Ibid;, B. 295 (ibid., n° 15419 ter), cop. pap. — Rymer, t. IV, troisième partie, p. 144.


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dait dés saufs conduits à diverses personnes qui allaient trouver le duc de Bourgogne (1). Le 20 janvier suivant, le duc Philippe confirmait le traité conclu avec le roi d'Angleterre et dirigé contre le Dauphin (2).

Quelques jours auparavant, le 11, le bailli de Bourbourg écrivait au prévôt de sainte Pharaïlde et à Thierry Gherbode au sujet de la prise faite, par les Anglais occupant le château d'Oye, de certaines bêtes, propriété d'un cultivateur, et en demandait la restitution, car la prise avait été faite en Flandre, et les échevins de Bourbourg avaient certifié la chose à William Bardolph (3). Le lendemain, le 12, des trêves furent conclues à Calais entre la Flandre et l'Angleterre : William Bardolph, David Pryce, Guillaume Bray, Jean Chirche, Richard Bakeland, Jean Pyckerynck, représentaient le roi d'Angleterre ; Jean de Cuelsbrouck, et Thierry Gherbode, le duc de Bourgogne (4). Cette trève fut publiée en Angleterre, sur l'ordre du roi, le 20 janvier suivant (5), et confirmée par celui-ci à Westminster, le 12 février (6). La prorogation devait durer jusqu'à la fête de la Toussaint 1420;

A cette assemblée de Calais, les députés anglais avaient remis à ceux de Flandre une longue liste énumérant toutes les infractions commises par les Flamands, du 16 juillet à la Toussaint 1419 : prise, le 6 août, d'une nef du port de Sandwich ; saisie, le même mois, de quatre doggers ; enfin, saisie, à Gravelines, de la monnaie de

(1) Rymer, t. IV, troisième partie, p. 145.

(2) Ibid., p. 149.

(3) Archives du Nord, B.569 (très, des chartes, n° 15418), orig. pap.; le sceau a disparu.

(4) Rymer, t. IV, troisième partie, p. 151, et Archives du Nord, B. 570 (très, des chart., n° 15421 bis), orig. parch, scellé sur double queue de cinq cach. de cire rouge des commissaires anglais.

(5) Rymer, t. IV, troisième partie, p. 154.

(6) Ibid., p. 158.

24


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billon que portait sur lui un serviteur de Jean Pyckerynck, ambassadeur anglais (1).

Le 19 janvier, Thierry Gherbode et Jean de Cuelsbrouck écrivaient au bailli de l'Ecluse pour l'informer que la trève était prorogée jusqu'à la Toussaint de 1420, et que le 1er juin, une assemblée allait se tenir à Calais pour régler la question des attentats (2). Le même jour, ils écrivaient à leurs collègues anglais pour leur annoncer qu'on avait restitué au valet de Pyckerynck la monnaie de billon que le bailli de Gravelines avait saisie sur lui, en vertu des ordonnances du duc interdisant la sortie de ce numéraire (3).

Le 27 janvier, le duc de Bourgogne ratifiait l'accord conclu à Calais, le 12, au sujet de la prorogation de, la trève (4), mais le 3 février suivant, Jean Pyckerynck refusait les explications de Jean de Cuelsbrouck et de Thierry Gherbode, au sujet de la prise de la nef de Sandwich, et nous extrayons de la lettre le curieux passage qui donne une idée du ton des. négociations « et quant à vous, maistre Thierry, il est rapporté par deçà que vous donnastes à Ostende à lesdictes prenours tielx paroles de comfort, en disantz que quant vous avoiez envoiez vos gens à, Wynckelsea pour poursuer restitucion d'aucuns biens, eux furent prins et penduz par les dois, que vos gens furent en votre présence en point d'estre tuez, et pour ce il me semble bien que n'avoiez grande talent que les biens seraient délivrés » (5), et le lendemain, nousvoyons le duc de Bourgogne ordonner par un mande(1)

mande(1) du Nord, B. 570 (trés. des chartes, n° 15421 bis) rouleau en papier.

(2) Ibid. (ibid.), minute en papier.

(3) Ibid. (ibid.), minute en papier.

(4) Ibid. (ibid.), minute en papier.

(5) Ibid. (Ibid.), orig. pap., traces extérieures d'un cachet de cire rouge.


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ment, à ses baillis de Nieuport et d'Ostende, la restitution, promise à l'entrevue de Calais, des deux navires de Sandwich et de Whitby (1).

Le même jour, William Bardolph écrivait aux Flamands, et furieux de la lenteur qu'on mettait à restituer, les navires anglais que justement le duc venait d'ordonner de rendre, il refusait à son tour la restitution d'une certaine quantité de harengs, propriété de bourgeois de l'Ecluse et de Gand, qui avaient été pris le 15 décembre par le châtelain de Guernesey (2). Le 9 février, nouvelle lettre des députés anglais à ceux de Flandre pour obtenir, cette fois, la restitution de pièces de drap appartenant à un marchand anglais et saisies sur un navire (3). Enfin, le 12, le roi d'Angleterre confirmait à son tour la prorogation de la trève jusqu'à la Toussaint (4).

Le 16 février seulement, l'ordre était donné par le Conseil du duc au bailli de Gravelines de restituer au serviteur de Pyckerynck, la monnaie de billon qu'on lui avait enlevée (5), et le lendemain, Jean de Cuelsbrouck adressait à Thierry Gherbode une lettre de Jean Pyckerynck qu'il avait reçue à Gand (6). Le 8 mars, nouvel envoi par le même à Thierry Gherbode d'une correspondance anglaise (7) ; de même, le 19 mars suivant, une demande d'envoi des lettres de: confirmation (8).

(1) Manusc, Cotton Galba, I (édit. Gilliodts), p. 402, p. CLXIV.

(2) Archives du-Nord, B, 570 (très, des chartes, n° 15421 bis), orig. pap., traces extérieures de deux cachets de cire rouge.

(S) Ibid. (ibid.), orig. pap., traces extérieures de deux cachets de cire rouge.

(4) Ibid. (ibid.), orig. parch. scellé sur double queue; le sceau a disparu.

(5) Ibid. (ibid.), orig. en papier.

(6) Ibid. (ibid.), orig. pap., cachet extér. de cire rouge plaqué.

(7) Ibid. (ibid., n° 15423), origin. pap., traces ext. d'un cachet de cire rouge.

(8) Ibidem.


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Enfin, le 30 mars, nouvelle missive, dans laquelle Jean de Cuelsbrouck, après avoir parlé à Thierry Gherbode de son fils qui était à l'école de Sainte-Pharaïlde de Gand, l'entretient ensuite.d'un navire qui a été pris près de Dunkerque et des moyens de le restituer à son propriétaire (1).

Nous possédons un vidimus sous le scel de la ville de Lille de la confirmation datée de Troyes, le 2 avril 1420, de la prorogation de la trève accordée par le roi de France Charles VI (2), C'était quelques jours avant le traité signé à Troyes le 9 avril, et conclu entre Charles VI et le roi anglais par la médiation de la reine, pour le mariage de Catherine de France et pour la question de la succession au trône (3), quelque temps avant un autre traité signé également à Troyes le 21 mai suivant, et qui. rappelait les conventions arrêtées en octobre et en novembre précédents, entre le roi d'Angleterre et le duc de Bourgogne (4).

A la suite de ces négociations compliquées, Thierry Gherbode reçu une gratification de deux cents francs d'or, qui lui furent donnés par un mandement daté de Troyes, le 16 mai 1420 (5). Nous n'avons trouvé aucun document relatif à l'assemblée qui devait se tenir à Calais le 1er juin, comme nous l'avons vu plus haut, pour régler les questions résultant des attentats à la trève. Du reste, à partir de cette époque jusqu'à la fin de l'année, les rapports semblent moins fréquents (l'alliance du roi et du duc en avait diminué la nécessité) entre la Flandre

(1) Archioes du Nord, B. 570 (très, des chartes, n° 15423), orig. pap. cach. extér. de cire rouge plaqué.

(2) Ibid. (ibid.), origin. pap. scellé sur double queue ; sceau de cire brune aux armes de la ville de Lille.

(3) Ibid., B. 295 (très, des chartes, n° 15425), copie en papier.

(4) Ibidem.

(5) Ibid., B. 1920, fol. 52, verso.


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et l'Angleterre. Nous voyons seulement le 24 septembre le duc écrire aux ambassadeurs anglais et leur promettre avant le 15 octobre la restitution d'une barque de Sandwich qui avait été prise par les corsaires d'Ostende (1), et le 31 octobre, le conseil du duc correspondre avec William Bardolph, auquel écrivent également les Quatre Membres de Flandre, pour lui accuser réception de ses lettres du 27 précédent dans laquelle il demandait la désignation d'ambassadeurs pour régler la question des attentats (2).

Ce furent les dernières négociations auxquelles participa Thierry Gherbode, qui mourut, nous le savons au mois de janvier 1421. Après sa mort, les négociations commerciales entre la Flandre et l'Angleterre durèrent longtemps encore. Ainsi, nous voyons, en 1426, le roi d'Angleterre ordonner de respecter les biens et la personne desFlamands (3), nous voyons la trève des deux pays renouvelée en 1431, mais peu après, à la suite du traité d'Arras, les relations entre les deux pays furent complètement rompues. Le duc de Glocester, oncle du roi Henri VI, fit invasion en Flandre, ruinant tout le pays, et ce fut seulement en 1439, après des négociations longues et compliquées, qu'une nouvelle trêve marchande fut conclue pour trois ans, et qu'on retourna au système des prorogations successives auxquelles nous avons vu s'appliquer avec tant de zèle Thierry Gherbode pendant près de vingt ans.

(1) Manusc. Cotton Galba, I (éd. Gilliodts), p. 404, pièce CLXV, Cette pièce est datée de 1420, mais elle nous semble plus ancienne, car elle paraît faire allusion à un incident qui s'était produit l'année précédente., et qui déjà avait été réglé.

(2). Ibid., pp. 406 pièce CLXVI et 407 pièce CLXVII.

(3) Archives de la ville de Gand, inventaire n° 544. Orig. parch. scellé sur simple queue d'un sceau de cire blanche. Publié dans l'ouvrage de M. Varembergh comme pièce justificative.



PIÈCES JUSTIFICATIVES

I

Bruges, 28 juin 1406. —Lettres du prévôt de Saint-Donatien, conférant à Thierry Gherbode, un canonicat de cette église (1).

Balduinus de Niepa, licenciatus in legibus, prepositus ecclesie sancti Donatiani Brugensis, Tornacensis diocesis, Flandrieque cancellarius, dilecto nobis in Christo Theoderico Gherbode, filio Johannis Gherbode, clerico dicte diocesis, salutem in Domino sempiternam. Canonicatum ac prebendam dicte ecclesie Sancti-Donatiani Brugensis quos novissime obtinere solebat dominus Joannes Minne, presbyter, nunc liberos ac vacantes per ipsius domini Johannis simplicem, liberam et absolutam resignationem in meis manibus sponte factam et per nos admissam, ad nostras collacionem et provisionem pleno jure spectantes et pertinentes, recepto a nobis et per dictum dominnm Joannem corporaliter prestito juramento quod in dicta resignatione non intervenerit fraus, dolus, symonia seu quivis alius contractus viciosus tibi una cum juribus suis ac pertinenciis universis in persona venerabilis viri magistri Petri Militis, ejusdem ecclesie canonici prebendati, contulimus et comperimus per presentes et de eisdem intuitu pietatis providimus ac providemus, investientes

(1) Nous devons communication de cette pièce à l'obligeance de M. le chanoine de Schrevel, secrétaire de l'évêché de Bruges.


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dictum procuratorem tuum pro te ac tuo nomine per birreti nostri traditionem.

Datum et actum Brugis sub sigillo nostre prepositure die XXVIII mensis Junii, anno D'omini MCCCCmo sexto.

Archives de l'évêché de Bruges : fonds de Saint-Donatien : registre C allant de 1395 à 1413, folio 86.

II

1401 (nouveau style). — Quart compte François de le Hoftède, dit de Cupre, Receveur Général de Flandres et d'Artois, pour ung an fini le derrenier jour, de Fevrier

mil quatre cens .

Pensions à volonté et à rappel et gaiges de conseitliers et autres officiers

Nouvelle pension : A maistre Thierry Gherbode, secrétaire de mondit seigneur, lequel pour ce qu'il a bien sceu que les Chartres, privillèges et autres lettres, registres et escriptures touchans ses héritages, droiz, noblesses et seignouries, tant à cause de ses pays de Flandres, d'Artois et de Réthelois, comme de son pays de Lembourch, et de ses autres terres qu'il a oultre Meuse, ayent esté de long temps et soient encore mises en plusieurs et divers lieux senz y avoir esté, ne estre aucun commiz à les garder de par luy et parce que on n'y a mis autrement garde, se porroient empirer se pourveu n'y estoit, aussi soit très bien besoing de les visiter et aviser soigneusement par personne ydoine et souffisante à ce qui les puisse et sache mettre en ordenance là où chascune devrait estre mise et aussi pour les avoir en mémoire et en aviser mondit seigneur, monseigneur le chancellier et les gens de son conseil quant besoing serait et l'en aurait à faire, à la déclaracion et enseignement des diz drois, noblesses et seignouries de mondit seigneur et à la garde et sauve-


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d'Artois et de Bourgoingne, touchant son pays de Flandres, encommençié par moy, Thierry Gherbode, secrétaire de mon dit seigneur en. l'an mil IIIC IIII XX et dixneuf que, de par mon dit seigneur, j'ai esté ordonné et commis à la garde desdictes Chartres et lettres et continué par la manière que s'ensiut.

Archives du Nord, B. 113 (tome 1er refondu).

IV

Ypres, 20 mai 1405 (1). — Lettre de Thierry Gherbode à Jean de Nielles, l'informant de l'échec du comte de SaintPol à Mark, des préparatifs d'attaque des Anglais et des moyens de défense préparés par le duc de Bourgogne.

Mon très chier sire, je me recommende à vous tant comme je puis. Et vous plaise savoir que par un message de Calais les ambassateurs de la partie d'Engleterre énvoièrent Dimence derrain passé lettres aux commis de Monseigneur, desquelles et de la response que ce sur ce leur a esté faicte je vous envoie la copie enclose dedans cestes. Si porrez voir que par leurs dictes lettres, ilz ne respondent pas formeement sur la provision de quatre mois mais le remettent à la journée du XXVe jour de ce mois pour sur tout lors respondre. et mettre fin et conclusion. Si seroit bon que nous eussions response de vous au plutost que l'en porroit. Samedi matin, moy venu en ceste ville, je sceuz les doloreuses nouvelles que la journée par avant avoit eue Monseigneur.de Saint-Pol. emprès le chastel de Merck où tant de bonnes gens, dont c'est pitié,

(1) Cette pièce n'est pas datée, mais les événements auxquels elle fait, allusion permettent de l'attribuer avec certitude à l'année 1405.


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sont demourez mors et prins ; mais encores l'en né scet pas par deça au juste les quelz y sont demourez, combien que l'en nomme bien Monseigneur de Ondrecontre, messire Guy d'Ivregny et aucuns autres, bien jusques au nombre de vingt et plus gentilz hommes et des prisonniers très grand quantité, dont les plusieurs sont moult fort navrez. Toutes voies l'en a de cy envoie au jour d'uy un hérault devers le capitaine de Calais pour en savoir la certaineté. Monseigneur a envoie des arbalestriers et soldoiers de ceste ville de Lille, de Douay et d'ailleurs es forteresses de Gravelinghes, de Dunkerke et es autres sur la frontière de la mer, pour la garde et defiense d'icelles contre les ennemiz ; l'en dis par deça qu'il y a venu beaucoup de gens à Calais et que encores les Englès appareillent une très grande note et pensent à faire grant fait en ceste saison. Dieux, par sa grâce, doint que ce soit à leur confusion. Ce n'est encores nouvelles du partement de Monseigneur de cy où il y a des requestes assez. Encores ,y sont au jour d'uy arrivez ceulx des IIII membres de Flandres et pense qu'ils ne fauldront pas à faire des requestes, selon ce qu'ilz en sont bien accoustumez. Ceulx de l'Université ont encore par deça un maistre en théologie qui a fait aucunes requestes, c'est assavoir que Monseigneur volsist escripre et supplier au Roy pour l'expédicion d'une ambassiate que l'en doit envoier à Romme. Item que Monseigneur volsist labourer que les bulles que cellui de Romme a envoie à l'Université de Paris fussent publiées pour parvenir.à l'union. Item que Monseigneur volsist escripre aux gens du Pape qui sont à Paris et aussi ailleurs que ceulx de l'Université fussent tenuz paisibles de non paier le Xeme que le Pape a mis suz. Et en" la fin ont supplié que Monseigneur se volsist avancier d'aler à Paris. Et à Monseigneur sur ces poins fait respondre que pour accomplir les requestes, ilz envoieroit briefment de ses gens à Paris et aussi expédiées ses besoignes par deça et mesmement la frontière de ses pays pardeça mise en seurté, pour les nouvelles que l'en a eu des ennemis, son entencion est de soy trainé devers le Roy au plustost qu'il porra. Toutes voies, veu les affaires de par deça, ce serait fort qu'il peuist si tost partir de ces marches. Mon très chier sire,


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ment de ses demaines, qui autrement se porroient perdre et amenrir ou cheoir en obscurité, au préjudice de mondit seigneur et de ses hoirs et successeurs, Et pour ce obvier, au bien et pour la seurté et prouffit de mondit seigneur et de ses hoirs et successeurs dessus diz, eue considéracion de la souffisance dudict maistre Thierry qui

longuement et loyaulment a servi feu Monseigneur le conte de Flandres derrenier trespassé et depuis son trespas continuelment mondit seigneur et par lequel maistre Thierry autrefois aussi a esté aidié à faire l'inventpire et extraict de grant partie de ces chartres, privilèges, lettres et escriptures, et par ce et par l'exercite de son office qu'il a fait si longuement, doit de raison avoir plus grant expérience d'icelles et des autres lettres qui touchent mondit seigneur à cause de ses pays et terres dessus nommez, à icellui maistre Thierry fait, ordené et commiz garde de ses dictes Chartres, previlèges et lettres qui touchent et pevent touchier ses diz pays de Flandres, Artois, Réthelois, Lembourch et ses autres terres oultre Meuse et aussi le pays de Brabant quant il lui eschérra, pour les recevoir, visiter et mettre

en ordenance et registres et en faire des extrais et aussi des coppies là où besoing sera et toutes autres choses qui audit office de la dicte garde appartiennent, pevent et doivent appartenir de raison. Pour lequel office exercer il lui a ordené prendre et avoir chascun an tant qu'il lui plaira, la somme de IIIC frans de gages, moitié au jour de la Nativité saint Jehan Baptiste et l'autre moitié au jour de Noël, dont le premier terme fu au jour de la Saint-Jehan mil CCCC. Et parmi ce maistre Thierry, qui fera sa résidence à Lille, des voyages qu'il fera pour mondit seigneur en son pays de Flandres pour quelconque cause que ce soit, n'aura ou prendra autres gaiges aussi ne fera-il ou pays de Flandres, et d'Artois pour le fait des dictes Chartres et previlèges seulememt. Lequel maistre Thierry touttefois qu'il yra ou chevauchera hors du dit pays de Flandres sera tenus de baillier et délivrer

les clefs de la Trésorie de mondit seigneur à; Lille au premier et plus ancien maistre des comptes illec qui l'est à présent ou sera pour le temps avenir, adfin que durant l'absence dudit maistre Thierry, s'ilz en ont besoing ilz


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s'en puissent aidier, et au retour dudit maistre Thierry, il lui rendra et délivrera les dictes clefs, et que les clefs des trèsories de mondit seigneur qui sont ou seront ordenez en ses pays d'Artois, de Réthelois et de Lembourch ou de Brabant quant il lui sera escheu, ledit maistre Thierry laisse en chascun des diz pays en garde à aucuns des conseillers ou officiers de mondit seigneur telz comme bon lui semblera. Auquel maistre Thierry, mondit seigneur mande baillier et délivrer toutes les dictes Chartres, previlèges et lettres qui seront à mettre oudit Trésor pour les garder et mettre en ordonnance et registrer ainsi qu'il appartenra. Et mande les diz gaiges estre paiez audit maistre Thierry et estre allouez par rapportant pour la première foiz vidimus de la dicte retenue et quictance de tous payemens, si comme plus à plain est déclaré en ses lettres données à Rouen le derrenier jour de novembre mil CCC quatre vins et dix neut, dont vidimus est cy rendu à court. Pour ce cy pour les termes de la Saint-Jehan mil CCCC et la Noël en suivant oudit an, par sa quitance cy rendue avec ledit vidimus, IIIC francs valent IIIIC IIIIXX XV livres parisis...

Archives du Nord : Chambre des Comptés. Etat général de Flandre, registre n° 242, fol. 40, v. et r.

III

1399, — Intitulé de l'Inventaire dressé par Thierry Gherbode, à son entrée en fonctions comme garde des chartes de Flandre, et conservé aux Archives départementales du Nord.

Inventaire et extrait des Chartres et lettres qui sont mises en la Trésorie du chastel dé Lille appartenant à Monseigneur le duc de Bourgoingne, conte de Flandres,


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j'ai enquis deu ce dont espécialment vous plut moy enchargier de ce cuermaistrié d'Anvers (?) qui avoit esté donné à Michelet, vostreparent ; et m'a dit maistre Jehan de la Keythulle que Monseigneur de Lembourc l'a donné à Hannotin de Pernes, maistre de sa chambre aux deniers. Autre chose je ne vous s'cai que escripre de présent, fors que l'en a encore, riens ordonné sur le fait du gouvernement du pays de Flandres, ne aussi y est encore faicte aucune mutacion d'officiers.

Je vous suppli qu'il vous plaise moy recommender à Monseigneur d'Arras, à Monseigneur l'archediacre d'Ostrevans, à Monseigneur le vidame, à Monseigneur de Montperoux et mes autres Seigneurs de pardelà, en espécial aussi à Messire Germain. Le saint Esperit vous ait en sa benoîte garde et doint bonne vie et longue. Escript à Yppre le XXe jour de may. L'en m'a dit que Monseigneur de Pouques n'a pas été à la desconfiture, dont je suis bien liez.

Votre disciple : T. GHERBODE.

(Au dos) : A mon très chier seigneur maistre Jehan de Nyeles, seigneur d'Olehaing, conseiller de mon seigneur dé Bourgoigne et gouverneur des bailliageries d'Arras, de Lens et de Bappaumes.

Archives du Nord, B, ,529 (n° 19539 du Trésor des Chartes. Chambre des Comptes), original en papier.

V

Bapaume, 18 juillet 1408. — Lettre du duc de Brabant a Thierry Gherbode lui demandant de lui faire parvenir les chartes relatives a ses domaines.

Très chier et bon ami, vous savez assez comment pieça nous envoiasmes l'un de noz secrétaires par devers vous, atout lettres patentes de nostre très chier et très amé


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frère le duc de Bourgongne, pour avoir et recouvrer de vous certaines lettres, comptes et autres enseignemens qui sont en vostre garde, touchans pluseurs de noz terres et seignouries. A la délivrance desquelles choses qui sont ainsi que nous avons entendu en pluseurs trésoreries, vous ne peustes lors besoingnier pour certaines charges que vous aviez de par nostre dit frère, auxquels il vous convenoit nécessairement vacquier et entendre, selon ce que nostre dit secrétaire nous rapporta. Et pour ce, nous désirons très fort avoir devers nous les lettres et enseignemens touchans noz dictes terres et seignouries, comme raison est, meismement comme nous en avons souvent à faire. Vous prions tant à certes que plus povons que par le porteur de cestes ou par autre au plus tost que vous pourrez, vous nous veuillez rescripre et faire savoir un certain jour auquel: vous y pourrez entendre, afin que au dit jour et au lieu que vous nous ferez savoir, nous puissions renvoier aucun de noz gens, devers vous pour la dicte cause. Et de ce, ne nous veulliez faillir en aucune manière, sur tout le plaisir que faire nous désirez, car vous nous ferez en ce très grand plaisir.

Très chier et bon ami, Nostre Seigneur vous ait en sa saincte garde. Escript à Bapauhnes le VIIIe jour de Juillet.

Signé : LE MARCHANT.

(Au dos) : A nostre très chier et bon ami, maistre Thierry Gherbode, conseillier de nostre très chier et très amé frère le duc de Bourgoingne et maistre de ses comptes à Lille.

(Ibid.) : De Mgr de Brabant, pour le fait des lettres touchans ses pays, reçues à Lille par la main, du receveur de la Chastellenie, le XVIIIe jour de Juillet IIIIC et VIII.

Archives du Nord : B. (non encore mentionné dans les articles de cette série) — n° 19665 du Trésor des Chartres (Chambre des Comptes) 2me reg. aux let. mis. f° 128 r° — original papier.


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VI

Paris, 1er décembre 1408. — Lettre du duc de Bourgogne donnant décharge a Thierry Gherbode d'un vidimus de lettres royales dont il avait la garde et qu'il a délivré au duc.

Nous, Jehan du Bourgoingne, conte de Flandres, d'Artois et de Bourgoingne, palatin, seigneur de Salins et de Malines, faisons savoir a tous que de notre amé et et féal conseiller et garde de noz Chartres et autres lettres touchans nos pays de Flandres et d'Artois, maistre Thierry Gherbode nons avons receu un vidimus fait soubz le scel du Chastellet de Paris des lettres de Mgr le Roy par lesquelles mondit seigneur a osté et oste de son corage toute desplaisance que par le rapport d'aucuns de nos malveillans et autrement povoit avoir envers nous pour occasion de la mort de feu le duc d'Orléans, lequel vidimus que notre dit conseiller avoit en garde de par nous, il nous a délivré de notre commandement et voulons qu'il en soit et demeure desehargié par tout et de ceulx qu'il appartenra.

Donné audit lieu de Paris le premier jour de décembre, l'an de grâce mil quatre cens et huit.

par Monseigneur le duc (Place du sceau.)

(signe) : KEYTHULLE.

(Au dos) : Descharge d'un vidimus des lettres du Roy, octroiées à Monseigneur de ce que le Roy se tenoit content de lui de la mort de feu monseigneur, d'Orléans.

Bibliothèque nationale : département des manuscrits : collection Moreau, tome 1423, pièce. n° 50, — original parchemin scellé d'un sceau plaqué en cire rouge.


384 —

VII

Paris, 20 Juin 1409, — Lettres de Jean, duc de Bourgogne, à Thierry Gherbode, l'invitant à se trouver le 30 Juin à Saint-Quentin, où doivent se rencontrer le comte de Hainaut, l'évêque de Liège, des députés du chapitre et du pays, et d'y apporter les répertoires relatifs aux chartes de ce pays.

De par le duc de Bourgogne, comte de Flandres, d'Artois et de Bourgogne,

Chier et bien aimé, beau frère de Henau et nous, avons appoinctié d'estre au plaisir notre Seigneur à SaintQuentin en Vermendois le Dimenche prochainement venant en vin jours, qui sera le derrain jour de ce mois et là doivent estre par devers nous, beau frère de Liège, les députés de ceulx du chapitre et des autres gens d'église et autres de Liège.

Si voulons et vous mandons que semblablement vous y soiez et aportez avec vous tous les répertoires et extraiz que vous avez faiz touchans les Chartres et lettres 'dudit pays de Liège. Et afin que les commis dudit beau frère de Hénau qui ont visité avec vous les dictes Chartres etdettres soient pareillement ausdiz jour et lieu, nous avons enchargié à notre bailli de Hesdin que il die à icellui beau frère de Henau, se il est ou dit pays de Henau et si non à belle seur sa femme que il face savoir à iceulx commis que ilz y soient sans aucune faulte.

Chier et bien aimé, N. S. soit garde de vous. Escript à Paris le XXe jour de Juing.

(Signé) : FORTIER.

(Au dos) : De Monseigneur pour les lettres et Chartres du pays de Liège, R... à Lille, le XXVe jour de Juing IIIIC et IX.

(Ibid.) : A notre amé et féal conseillier maistre Thierry Gherbode.

Archives du Nord : B, 835 (tome II ref., en préparation), n° 18689 du Tréror des Chartes (Chambre des Comptes), orig. papier, traces exté rieures d'un cachet en cire rouge.


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VIII

Paris, 24 septembre 1409. — Lettre du duc de Bourgogne à Thierry Gherbode lui ordonnant de se rendre à Amiens pour l'y représenter à une entrevue entre les ambassadeurs de France et d'Angleterre,

De par le duc de Bourgoingne, conte de Flandres, d'Artois et de Bourgoingne.

Très chier et bien aimé, nous avons ordonné et voulons, ainsi que présentement escripvons à notre chancelier, que; à certaine assemblée et journée qui briefment se doit tenir pour le traictié de France et d'Angleterre à Amiens ou environ, où Monseigneur le Roy a jà envoie ses ambassadeurs, c'est assavoir iarchevesque de Sens et Tignonville, ses conseilliers, qui sont partis de ceste ville pour y aler, vous soiez de par nous, en requérant que provision soit faicte sur les attemptas faiz ou temps passé contre les traictiés et la seurté générale, si comme vous savez ; et aussi que l'en advise pareillement que pareilz actemptas ne sefacent ou temps advenir, Si vous délivrez de y aler et gardez bien qu'il n'y ait faulte. Aussi nous vous envoions unes lettres de par nous adrécans ausdits archevesque et Tignonville portant créance sur vous touchant ceste matière, afin que mieulx y puissiez besoingnier.

Très chier et bien amé Nostre Seigneur soit garde de vous.

Escript à Paris, le XXIIIIe de septembre.

(Signé) : C. D'OOSTENDE.

(Au dos) : A nostre amé et féal conseillier Maistre Thierry Gherbode.

(Ibid.) ; de Monseigneur pour aler devers les ambassadeurs des II Rois à Amiens pour le fait du traitié.

R. à Gand par Georges de la Boede, le Ve d'octobre IIII C et IX.

Archives du Nord: B, 542 (tome I refondu), n° 19577 du Trésor des Chartes (Chambre des Comptes), original en papier.



INDEX

DES TRAVAUX CONTENUS DANS LE PRESENT VOLUME ,

Pages

Liste des Membres d'honneur, titulaires et correspondants vu

Notre-Dame de Grâce et les trois Vierges de Caestre. Notes et documents publiés par M. le chanoine R. FLAHAULT 3

Saiut Winoc a-t-il demeuré à Bergues ? par M. l'abbé PRUVOST 53

Michel De Swaen. — Mauritius, treurspel (1702). Texte publié d'après le manuscrit du Comité flamand de France, avec une introduction littéraire, par M. l'abbé LOOTEN 91

Thierry Gherbode, secrétaire et conseiller dés ducs de Bourgogne et comtes de Flandre, Philippe le Hardi et Jean sans Peur, et premier garde des chartes de Flandre, 13. 1421. Etude biographique, par M. Félix DE COUSSEMAKER 175

LILLE. IMPRIMERIE VICTOR DUCOULOMBIER.