.6 stinence en carême, l'étiquette dans les repas, la sobriété en tout temps.et la moutarde après dîner, sentinelle avancée de la gastronomie, je vous crierai, comme d'Assas : A moi, d'Auvergne, ce sont les ennemis ! LE GASTRONOME.
CHRONIQUE DES SALLES A MANGER.
Mardi 3, un dîner de politesse a été donné par le nouveau grand-chancelier à Leurs Excellences les ministres : pas un n'y manquait. Tous , joyeux et de bon appétit, mangeaient sans s'inquiéter du lendemain. Un seul député, M. le baron Baron, beau-frère du chancelier, était au nombre des convives. On a été content de la chère et de l'entretien.
Jeudi 5 , le ministre des finances a réuni dans un splendide gala une quarantaine de députés du centre droit. Le premier dîner diplomatique est de bon augure pour les autres : les primeurs étaient en abondance, et les assistans se sont jetés sur les asperges et le discours du trône.
DIGESTION DRAMATIQUE.
Hemani. — Henri T^ et ses Compagnons.
Le drame de M. Victor Hugo porte un grand préjudice à la gastronomie : la foule se presse tellement aux représentations,qu'ilfaut, pour y trouver place, avancer l'heure dudtn'er, et même ne pas dîner du tout plutôt que de mettre les morceaux doubles. Ensuite l'effet produit par cette oeuvre de génie semble exiger un estomac à jeun ou légèrement' nourri. Pendant les premiers actes, on se sent enivré d'une poésie grande et neuve, capable de réveiller les esprits les plus blasés ; l'oreille se livre tout entière à cette bonne chère <le pensées sublimes , de vers superbes ou délicieux; mais l'émotion devient plus vive d'acte en acte; le fond l'emporte sur la forme, et quand vient le cinquième acte avec ses émo* tions déchirantes, son horreur profondément creusée, et le jeu pathétique de MUe Mars, alors l'impression du spectateur est si soudaine, si activée, si singulière, qu'une digestion, commencée au doux bercement de l'alexandrin, pourrait s'arrêter tout à coup et déranger le système gastronomique : Nefandum! .En outre, l'ébranlement nerveux qui constitue le talent de Firmin, sa voix criarde et chevrotante causeraient les mêmes inconvéniens que de jeude l'escarpolette au sortir de table. Ce n'est pas que le gastronome doive éviter cet Hernani, auquel l'Académie, la censure et les membres du Caveau classique voudraient bien rendre tous les sifflets qui firent justice de leurs ouvrages : bien au contraire, M. Victor Hugo, créateur de l'école romantique, a travaillé pour nous donner des plaisirs nouveaux , dès sensations nouvelles. Le gastronome doit être essentiellement avide des jouissances du corps et de l'esprit, d'après cette idée que les sens sont a la vie ce qu'un clavier est a-la musique. Il ne suffit pas que le clavier soit harmonieux, il faut en tirer des sons avec art : donc le gastronome ne peut rester indifférent au mérite original de Victor Hugo. Laissons les bégueuleries littéraires, dire qu Hernani est une composition qui blesse le goût !
Vous tous ( et grâce au siècle ! c'est la majorité), vous; tous qui vous distinguez de l'animal et de l'homme par la manière qui fait tout, disait le gastronome Collé, vous qui savez aspirer le parfum d'une succulente cuisine, courez aux Nouveautés lorsque vous aurez dîné confortablement, lorsque vous aurez fait sauter autant de bouchons; que de bons mots, lorsque vous serez dans cet état, de jubilation qui complète l'oeuvre dé tordre et avaler; oui, courez aux Nouveautés entrébuchant et le visage enluminé : voilà comme; Falstaff'reçoit ses amis! Ce Falstaff, si jovial, si plaisant,