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Titre : Les caresses / par Jean Richepin

Auteur : Richepin, Jean (1849-1926). Auteur du texte

Éditeur : M. Dreyfous (Paris)

Date d'édition : 1882

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb31212975x

Type : monographie imprimée

Langue : français

Format : 1 vol. (III-251 p.) ; in-16

Format : Nombre total de vues : 255

Description : Contient une table des matières

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k54927g

Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, 8-YE-187

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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LES CARESSES


30 Exemplaires sur beau papier de HoUande. sur papier Whatman. sur papier de Chine. sur papier du Japon.

IL A ÉTÉ TIRÉ

KVREUX, .MPRtMERIE DE CHARLES HÉmSSKY.


J EAN R ICH EPI N

LES

CARESSES

ÉDtHON DÉPtNtTtVE

PAR IS

MAURtC E DREYFOUS, EDU Ë UR <3, RUE DU FAUBOURG-MONTMARTRE, t t3

~88~

t



FLORËAL



1

DKCLAUATTO~

.'amour que je sens, l'amour qm me cuit,

n'est pas l'amour chaste et platonique,

)0rhct a !a neige avec un htscuit

~est i'amout' (!c chair, c'est un ptat tonique. ~e n'est pas l'amour des htondins pa!ots

ont le rêve notte au ciel des estampes.

C'est ramom' (mi rit parmi des sanp'tots

Et frappe a coups drus l'cnctumc des tempes. C'est t'amour hrutant comme un t'en ~re~eois. C'est t'amour féroce et l'amour solide.

Surtout ce n'est pas !'amour des bourgeois. Amour de bourgeois, jardin d'invandc.


Ce n'est pas non plus l'amour de roman, Faux, prétentieux, avec une glose

De si, de pourquoi, de mais, de comment. C'est l'amour tout simple et pas autre chose. C'est l'amour vivant. C'est l'amour humain. Je serai sincère et tu seras iolle,

Mon cœur sur ton cœur, ma main dans ta main. Et cela vaut mieux que leur faribole

C'est l'amour puissant. C'est l'amour vermeil. Je serai le flot, tu seras la dune.

Tu seras la terre, et moi le soleil.

Et cela vaut mieux que leur clair de lune


Le jour on je vous vis pour la première fois, Vous aviez un air triste et. ~ai dans votre voix Pteuraient (tes rossi~nots captifs, sif~aient (tes merles; Votre bouche rieuse, ou f!curissaicnt des perips, (:ar<!att a ses deux coins (rimpcrceptihtps ptis Vos grands yc'u\ bteus scmhiaicut des caHccs remplis Parrora~c, et sachant les larmes de ta p!uic A ta t)rise d'avrit qui chante et les essuie Kt des ombres passaient sur votre front vermeil Comme un p!tpi!!on noir dans un rais de soleil

H 1


m

RONDEAF

Votre beau thé, moins rare que vos yeux. Votre thé vert, fleuri, délicieux,

Qui vaut quasi dix mille francs la livre, Moins que la Heur de vos yeux il enivre Et fait rêver qu'on s'en va dans les deux. J'ai bu les deux arômes précieux

Et jusqu'au jour dans mon lit soucieux H m'a sonné des fanfares de cuivre,

Votre beau thé.

Je vous voyais passer parmi les Dieux, Dans un ~rand char aux namboyants essieux Et sous la roue en or, n'osant '.ous suivre, J'ai mis mon front, et j'ai cesse de vivre En bénissant, écrase mais joyeux,

Votre beauté.


IV

SONNET MADRIGAL

Bonjour, ô mignonne pantouiïe, Dont t'hôtc est encor 1)ltls mignon. Ma bottine a bien du quignon Telle, auprès d'un ~ant, une monn<\ Regarde on dirait un maronne, Quelque grand et gros Bourguignon. Près d'une fille d'Avignon

Svelte et légère comme un soufn< Les poètes sont vaniteux

Et tout doit céder (levant eux Pourtant, ô pantoune inédite,

Moi, je t'envie en t'adorant:

Tu ne peux être plus petite

Que mon amour ne sera grand.


v

SÈRÈXADE

~<Ï/~<M. «< '< M0~/ ~< ~<~

Chantez, chantez, u mes chansons, Et comme de ~ais echansons

Versez l'ivresse

A celle que rameur vainqueur Dans le royaume de mon cœur Fit la maîtresse.

Nous prendrons un pan du ciel h!cu, Depuis !a li~nc du milieu

Jusqucs aux pôles,

Afm qu'elle drape en riant

Dans un lambeau de l'Orient

Ses deux épaules.


Cette nuit-ci, pendant qu'il dort, ~ons irons au ~rand soleil d'or

Ravir sa uamme,

Et ses rayons ardents feront

Un diadème pour le front

De notre dame.

Les astres lointains dont l'œil Init Et qui parsèment de la. nuit

La sombre toile,

Les ayant pris au fn-mann'nt,

Vous taillcrons~un diamant t

Dans chaque étoile

Et pour la beUe aux yeux d'axur Cette rivière en astre pur

Que ma main fcr~e,

De son cul, comme un serpent Uanc Ira, sur sa peau ruisselant,

~ai.ser sa ~or~e.

Chantez, chantez! il t'aut~u'eHe ait Chez nous son royaume au complet. La souveraine,

Couronne et tronc re!uisants. Une cour et des cout'tisaus,

Puisqu'eHe pst reine.


Oui, je vous veux, ci mon amour, Composer une étrange cour

De poésie.

Vous aurez pour char un grinon, Pour gens mes vers, et pour bouffon Ma fantaisie.

Prêts a vous servir a genoux,

Voyez sourire autour de nous

Les rimes belles,

Les grands vers sculptes d'un trait net. Le doux rondeau, le ncr sonnet, Rhythmes rebelles.

Je les ai domptes à loisir,

Pour que vous pussiez les choisir En toutes choses,

Heureux, si vous daignez parfois Ouvrir pour leur donner des lois Vos lèvres rosés.

Ils seront plus obéissants

Que <!es chiens et ptus caressants Qncdes nourrices

Us chanteront quand vous voudrez. En chants frivoles on sacres, Tous vos caprices.


Leur bouche est doucc etm* nient pas, Et <h' c~t~i~'ei' vus appas

Est c<)))tnmi<Tf.

Ils diront ({ne votre heant~

A tY'c!at (tes grands jours d\t/'

P!p!ns (t~ hunn'rc.

Hs diront que vus deux seins nus Ont tu pur contour des Venus De Ironie,

Qu~ votre cœur ut, votre corps Ont entre <'nx!cs puissants accords D'une )i:)rmonie.

Hs()iront one vus yeux divins

t'usent mieux (H)e testneiHeurs vins L'unie ravie.

Us diront que vos t~onds cheveux Sont la longue corde <H') j<. veux Pen(h'e ma vie.

!!s diront enun, tout peureux. Ce que vous diriez bien p'jur eux: Que je vous aime.

Y'ous le savez, tous tant qu'ils sont. ~'<'st la leur meil!eure chanson, 1 Toujours ta mente.


Amour amour! i!s 01 eut faim, Et vont vous ennuyercnnn

De rimes foUcs,

Hacieurs de luth dont le concert Va marmottant sur te metne air Mêmes paroles.

Alors, douren)t'nt somm-iHez' Us vous serviront ()'"reiHers. BeHe itmotente.

Dans un t'ahuteux on(''ra

Leur rhythntevous endorunra D'une voix tente.

Chantez, chantez, 6 mes chansons, Chantez, et que vos niusdoux sons Versent les rêves!

Chantez ces chants tointams et frais ~ue ta t)rise chante aux ibtets Et !'ond<' aux grèves


Vi 1

A <)uoi hun des scrDtcnts? ~!a j)t'cn\~L'st('!i i:)(j[-n)L'niu. I"<'))t'savoir si je tncns

Quant) j~ (tts que je t'cunic, I'\ns dune cc(tuc tu <)uis I~t. c:' '[ncjc tn(''rit<'

~~a vk' est, (tans t('s dut~ts Co:HH]u une inar~ucr~c; ~dL's, cœ'H-, et. tout,

!<'uii!c-)a tui-niL'mc;

<a))<) tu seras au bout, T" vn-as si je t'amx'.


vu

r N CADEAU. SON NET D'ENVOI

Fiere, vous tic' voulez jamais rien recevoir Que des fleurs, et des plus sunpies, des amarantes, Des lilas, des (yiHets, des rosés odorantes, Toutes choses <)u\)n peut trop aisément avoir. .!e vousoifre pourtant, pour remptir mon devoir, Le cadeau <~e voici. Ce ne sont pas des rentes, Mais <)uetques Uns tahteaux d'époques dinerentes Que vous accrocherez dans votre hh'u houdoh'. .îe tes ai ibrt soignes pour qu'Us pussent vous plaire. Le dessin en est pur, !a couleur en est claire. Ce sont de tout petits (ptadros de chevalet.

Si toutefois vous y truuvex des choses sottes, Que le dessin soit gauche on <)ue te ton soit hdd, Vous en poum'x ;mssi rairp des papiHotes.


ViH

SONNET GREC

CY'tait un grand sculpteur que le Grec Praxitèle. La légende pourtant nous raconte qu'un jour, Voulant faire une coupe et ne rien mettre autour, H ne vit point de forme assez pure pour elle. Mais le soir, fatigue de son travail rcbeHe, Comme il haisait un sein façonne par l'amour, Tout a coup il trouva. Ce bouton ce contour Et la coupe naquit sur ce parfait modèle.

La femme dont la ~or~-e avait un tel dessin Qu'on moula l'idéal aux rondeurs de son sein, Cette déesse en chair, comment se nommait-elle ? Xut ne !e sait. Mais ~racc au sculpteur, a l'amant, La coupe a survécu dans sa forme immortelle, Et sa beauté demeure imnerissablement.


IX

S()NM:T HOMAIX

La belle JuHa languissamment s'eta)e

Sur les gradins du cirque, assise au premier ran~, Sans voir l'œi! inquiet du Samnite mourant Dont la vie est pendue a son doi~t de vestale. La vierge songe bien a !a clameur brutale De !a ptebe, au vaincu qu'un vain espoir reprend Elle son~c, rêveuse et !e cœur soupirant, Au beau prêtre de la Venus orientate,

Au ~Syrien irise qui sait ies chants d'amour, Et qui, le soir, marie aux san~ots du tambomSur un rbytbme voile sa voix chaude et lascive. Kt !a vierge, (mi sent tressai)!ir soti sein nu, Se ferait avec joie enterrer toute vive

Pour connaître par iui !e mystère inconnu.


x

SONNET MOYEN AGE

Dans te décor (te ta tapisserie ancienne L:L < ..ftelaine est roide et son corsage est lon~.

1. u ,mnlviue c~st roi~l~~ ct son corsane est lonn.

Un i~rand voHe de Un pend jusqu'à son ta!on Du hout de son bonnet pointu de ma~ictentw'. Aux accords d'un rebec ta belle musicienne Chante son chevalier, le lier preux au poil htond Qui combat sans merci le Sarrazin feton. Elle' ~arde sa toi comme il ~arde la sienne. Il reviendra quand il aura bien mérite

De cucinirle lis !)lanc de sa virginité.

Peut-être il restera dix ans, vin~rt ans loin d'elle. 1~ s'il )u' revient pas, s'il périt aux lieux saints, t~He mourra dans son serment, chaste et fidèle, Et nul n'aura fondu la nei~e de ses seins.


\t 1

SONNET RENAISSANCE

D'un pas leste et gâtant sautant hors du bateau, Un grand seigneur, en t~'s somptueux équipage, Pose ses doigts gantas sur t'epaute (tu page Qui porte dans ses bras lY'pee et !e manteau. Le compliment en vers qu'on remettra bientôt Est barbouille par un pédant sur une page,. Et les musiciens en chœur font du tapage

Sous la fenêtre ouverte et sombre du château. De son retrait, la dame entend voix et guitares, Tandis que son mari, triste, en proie aux catharrcs, Fait dans l'herbe du parc tendre maint pie~c-a-Ioups. Mais près du mur, cache dans l'ombre, sur la pierre, Pour donner un ~rand coup d'estoc au vieux jaloux, Le rou~e spadassin aiguise sa rapière.


\H

SONNET WATTEAI;

C''))e-)a ne couna!t ni jeûnes ni visites. EHc pst sur l'herbe,auprès des débris (!'un festin. Son nez moqueur il t'airde narguer !e destin. E!!e )''ntuchc (!es fruits avec ses doigts a~ih's. Au !oin vo~uc un ))ateau dont tesa~res fragiles Tendant dans !ecietb!eu des voiles de satin. C'est lui qui va !î)e~~er au nays clandestin !.a troupe d'Arlequins, de Bergers et de Git)es. A <moi son~e !a be!te enfant aux doigts rosés? Sur sa bouche rieuse ou chantent, des ttaisers Ht!e écrase les sœurs de ses lèvres, !es fraises.

<

Et dans son Nanc peignoir Heuri (!e fathatas, E))e ressemble au t~eau nua~e plein (~e nraiscs Qui monte de Cythere, a l'horizon, t.has.


Autrefois elle était iiere, la belle Ida.

De sa gor~c dp lune et de son teint de rosc. Ce ~on~oristc fou, le marquis de Monrose, Surnommait ses cheveux les jardins d'Armida. Mais le corbeau du temps de sou bec la rida. ~'importe Elle sourit à sou miroir morose, Appelant sa palourde morte une chlorose. Et son cœur est plus chaud qu'une olla-podrida. 0 folle, c'est en vain que tu comptes tes piastres. Tes yeux sont des lampions et ne sont plus des astres. Tu n'achèteras pas même un baiser de ~ueux. Pourtant si ton désir frénétique se cabre,

S'il te faut a tout prix un cavalier fougueux, Tu pourras le trouver a la danse macabre.

SONNET ROMANTIQUE

XH! I


XIV

SONNET MODE H NE

EHe mit son plus beau chapeau, son chapeau bleu, Et la robe que nul encorn'a dégrafée.

Puis elle releva la boucle ebouritîee

Que sa voilette avait fait redescendre un peu. Ette se'Ht –C'est mal, tres-mul! Et comme il pleut .!<* senn f.utc, vrai, comme une vieille fce l~uis, avant de sortir, pour prendre une bouffée D'air chaud, elle ail' n~a s<~s mains devant le feu. Et sous sou en-tout-cas la voil~ qui trottine l):)i)stapluie.(m ne voitd\'l!e(mc saltottine. Et sa ctoupc qui fait un pouf au waterproof. E))e arrive.–Mon Dieu! que c'est haut le cinquième 1~( c)e< est sur la porte, elle entre, elle fait (htt Et !')i mouille le nez en lui disant Je t'aime.


XV

~e sois pas jatouse, va

Dans le monde où je me vautre, Celle que mon cœur rêva

C'est toi, ce n'est pas une autre. Les autres femmes, vois-tu,

Les superbes, les jolies,

Qu'elles aient de la vertu,

Qu'elles fassent des folies,

Qu'elles soient ceci, cela,

N'tmporte ~risettes douées,

Princesses à tralala,

Brunes, blondes, jaunes, rousses. Près de toi, l'astre vermeil,

Elles sont laides et ternes.

Peut-on voir en plein soleil

Le lumignon (les lanternes ?


Au milieu de ce troupeau, Catins ou dames honnêtes, Tu brittes comme un drapeau Au milieu des baïonnettes.


1

\L JA!U)iX iM; MO X C<i:r

Qu;md\os yeux amoureux ne me sont point tttoroses MoncœuresttmjartHnp.'ein <)'(t.it)etset :'u ruses. Tuut est joyeux, !es Heurs, tes conteurs, !es odeurs,

Lesaheiiles vihr;)))f, tes u:){)[t!ous rôdeurs.

Les moiucaux, tes {tiusons, !es tiuots, tes !nes;)"-es, Tous !es oiseaux crises chantent eonnne des an~es. Le jet d'eau, qui ~xoutHe aussi doux <tue (!u miel, ~cmhh~ un iris ayant pour ueur un arc-en-ciet. Quan(t Votre Majesté, madatne, est satisfaite, Au jannn du !non c'eurtonHe tnonde est en iete. Mais quand vus yeux se tout eruetsetineeontents, Adieu ies HeurseUes oiseaux A(!ieu)ninte!nps!


Les roses, tes œillets, se fanent sur leur tige. Aucune abeille, aucun papillon n'y voltige. Mésanges, et moineaux, et linots, et pinsons, S'en vont loin de chez moi pour chanter leurs chansons. Otant son arc-cn-cici ainsi qu'on ôte un masque, Le jet d'eau rauquc et lourd sanglote dans sa vasqu'?. T.mt que je n'ai pas vu vos regards adoucis, Mon cœur e~ un jardin tout plante de soucis.


xv H

ÉTOILES FILANTES

itp!eut,il pleut, ber~crc, Tout!a-haut, tout là-bas. La pluie est si légère

Que l'on ne l'entend pas. Il pleut Cela traverse Tout le ciel et s'enfuit.

I! pleut C'est une averse D'étoiles dans la nuit.

ï! pleut! il pleut Peut-être Au firmament qui dort Un soleil vient de naître Comme un papillon d'or.


Il pleut Ces étincelles Pour nous font ilamboyer La poudre de ses ailes

Qu'il vient de déployer. 11 pleut, il pleut, mon an~e! Courons là-bas! Je veux De cette poudre étrange Poudrer tes blonds cheveux.


XVI II

T'N MtHACLE

Pour embaumer ses toilettes, Je lui cueillais

Des roses, des violettes

Et des cei!!ets.

Sur sa figure rosée,

Je fis ce jeu

De secouer la rosée

Pour rire un peu.

Se cambrant a la renverse, Le cher trésor

Ferma vite sous l'averse Ses lon~s cits d'or.


Elle enflait ses belles joues, Et suffoquait,

Et soufflait avec des moues Sur le bouquet.

Et soudain les fleurs follettes, Filles du sol,

OEillets, rosés, violettes,

Prirent leur vol,

Et partirent vers les nues En tourbillons.

Les fleurs étaient devenues Des papillons.


XIX

LA NOCE FÉERIQUE

La noce sera. belle et riche galamment.

Sur la route, ou l'or fin nous servira d'arène, Aux chevaux pomponnes je lâcherai la rené, Et notre dais d'azur sera le firmament.

Je serai cuirassé de velours, moi l'amant. Vous serez en dentelle et satin, vous la reine. Nous aurons pour parents notre vieille marraine Qui nous donne le grand soleil, son diamant. Et tous les amoureux viendront à la soirée Où chantera la Nuit dans sa robe moirée.

Tous viendront, les oiseaux, les fleurs, les papillons. Ils seront deux a deux, et salueront par paire En me disant Seigneur~ nous nous émerveillons De voir qu'un homme ait pris l'Idéal pour beau-père.


XX

Si tu veux, m'amour, ce soir

Nous nous en irons derrière

La maison, pour nous asseoir Où commence la clairière.

La, je veux, l'oreille au vent, Te bien faire entendre comme Les grands arbres en rêvant

Parlent tout haut dans leur somme. Ainsi qu'un vague soupir,

Tu sentiras une à une

Leurs musiques s'assoupir

Sous les baisers de la lune.

Nous ne parlerons de rien

Nous ferons un ~rand silence Jusqu'à temps qu'ils dorment bien Dans la nuit qui les balance.


Alors, folle, entre mes bras Tu riras de ne rien dire, ~t tes éveilleras

A.f( cet ec!at de rire.


XXt 1

LA CHANSON DES CHANSONS

J'ai vu les près, les bois, les étangs, les buissons, Et les petits oiseaux m'ont appris leurs chansons. Jn sais, faisant rouler dans ma gorge une perle, Fiùter comme un bouvreuil et sifuer comme un merle. Je connais le refrain des cailles dans le foin, Et des perdreaux perdus qui s'appellent au loin. Je peux dire d'un trait la cantilenc douce

Que file la mésange en dansant sur la mousse. J'ai retenu la gamme aux bonds capricieux, Trilles de l'alouette en fusant vers les cieux. Jo répète la brusque et stridente ariette

Du pinson, du linot et de la mauviette.


J'imite jusqu'aux cris éclatant tout à coup

Du geai, du loriot, du pivert, du coucou.

J'ai garde sûrement au cœur de ma mémoire La romance de la fauvette à tête noire.

Enfin j'ai su noter la merveille des voix,

Le grand air tout entier du rossignol des bois. Comment donc se fait-il que ta voix me paraisse, 0 mignonne, plus belle et plus enchanteresse? Pourquoi tous ces concerts me semblent-ils moins doux Que ta parole quand je suis à tes genoux ? 0 maîtresse, ta voix gaie, amoureuse et tendre, Ces chanteurs aimeraient eux-mêmes à l'entendre. Viens voir les prés, les bois, les étangs, les buissons. Je veux que les oiseaux apprennent tes chansons.


XXI 1

LE SOLEIL ÏUCHE

Pour te laver du sommeil

Qui sur tes yeux pesé encore, Viens voir lever le soleil

Dans son alcôve d'aurore.

Regarde le paresseux,

Comme il bâille il a l'air ivre. On voit qu'il n'est pas de ceux Qui vont travailler pour vivre. Lentement il cligne un œil. 11 veut redormir peut-être.

Mais la Nuit, la veuve en deuil, Crie en ouvrant la fenêtre


–Allons, allons, fainéant,

Il faut sortir de la plume.

Déjà là-bas l'Océan,

Votre grand miroir, s'allume. Alors, se frottant les yeux, Débarbouille de rosée,

Le dormeur aux beaux cheveux Met le nez a la croisée.

Et l'on voit, dans l'air léger, D'un nuage qui rougeoie

Un vol de nocons neiger

Comme des papiers de soie.

L'un est blanc, l'autre vermeil, Tous sont roulés en pelotes. C'est Monseigneur le Soleil Qui défait ses papillottes.


X\!H

LE SOLEIL PAUVRE

Vois-tu le soleil d'hiver.

Comme il est blanc, le pauvre homme Comme il a l'air triste, et comme De haillons il c~t couvert

Ces haillons sont faits de brume Que met en loques l'autan.

Le vieux soleil grelottant

Dans le ciel brouillé s'enrhume. Pendant qu'ici nous plaçons

Nos pieds sur la cheminée,

Sa face parcheminée

A pour barbe des glaçons.


Nous grillons notre pantoufle Contre le chenet ardent.

Lui, là-haut, nous regardant, Sur ses doigts roidis s'essouffle. Le gel lui gerce la peau

Son nez coule comme un cierge. On dirait un vieux concierge. Tiens il tire son chapeau. 0 m'amour, quelle ruine

Lui qu'on vit incendiant

Tout le ciel, ce mendiant

Tend la main dans la bruine. Roulant des yeux en dessous, Il quémande, pitoyable.

Jadis il nous fut bon diable. Il faut lui donner deux sous. A ce roi chassé du trône,

Pour le rechauuer un peu, Envoie aussi fort qu'on peut Ton baiser comme une aumône.


XX tV

Tu me demandes, rieuse

Curieuse,

Combien de jours y a,

Combien de jours que je t'aime ? Prends toi-même

La branche d'acacia,

Prends et casse cette branche Toute blanche

De (leurs moins blanches que toi, Compte les Heurs et les feuilles Que tu cueilles

Une par une, et dis-moi

Combien les fleurs et les feuilles Que tu cueilles

Sont sur tout l'acacia;

Alors, depuis que t'aime

Dis toi-même

Combien de jours il y a.


C'est le matin. A la fenêtre grande ouverte Tu viens respirer l'air de la ramure verte,

Et tes yeux sont encore imprègnes de sommeil. Aussi, pour les garder des baisers du soleil, As-tu mis sur ta tête un grand chapeau de paille. Quel chapeau merveilleux, étrange Une broussaille De rubans clairs, de fleurs folles s'ébouriffant, Un nimbe de féerie à ton minois d'enfant. Pour goûter la fraîcheur du jour tu te recueilles. Tous les petits oiseaux dans leurs maisons de feuilles Redoublent de chansons et de cris éclatants A voir s'épanouir en toi tout le printemps. Moi j'admire, dans la fenêtre grande ouverte, Le bouquet chaud que mêle a la ramure verte Ton chapeau d'arc-en-ciel, jardin des sept couleurs, Tout fleuri de rubans, tout ruban~ de fleurs.

\\v


\\V i

Eh! oui, c'est toi la plus forte Entre tes mains je serai

La plume ou la feuille morte Que le vent roule son gré. Avec un simple sourire,

Même un traderidera,

Tu me feras faire et dire

Tout ainsi qu'il te plaira.

Je conviens que ta magie Fait de moi ce que tu veux. Tu mates mon énergie

Sous le fouet de tes cheveux. Tu peux avec une amorce M'irriter ou m'apaiser.

Tu peux engluer ma force Dans le miel de ton baiser.

4. a


Un mot de ta lèvre rose, Voilà ma bible et ma foi. Je suis ton bien et ta chose. Mais aussi, je sais pourquoi Et quand je courbe la tête, Je me dis, tout en rampant Patience le poète

Est un charmeur de serpent.


Connais-tu ta chanson des iils du télégraphe? Avec neuf des, ainsi qu'une lyre, il s'agrafe Dans les blancs clochetons des sonores godets, Qui sous la porcelaine ainsi que sous un dais Couvent la s~ammc errante aux fibres de la corde. CeLetran~c instrument, c'est le vent qui l'accorde C'est le bruit du midi, de l'aube et du couchant, Qui lui donne son vai~ue, et bizarre, et doux chant. L'homme, en dressant le bois des poteaux parla plaine, \<' s'est pas souvenu que la nature est pleine De soupirs, de sanglots, de notes, de frissons, Et que toute la terre est un nid de chansons. Ou son travail posait l'appareil de physique, La nature a su mettre m. peu de sa musique.

LA VOIX DES CHOSES

XXVI:


Applique ton oreille, enfant, contre le bois, Et ton cœur entendra. la voix, la grande voix, Murmurer comme un flot sans fin, lointaine et douce. Ecoute! c'est le grain qui poind, la fleur qui poussp; Tous les germes obscurs qui vont sourdre ~u sol Et tous ceux que la brise emporte dans son vol Tout ce qui veut jaillir près de tout ce qui tombe, Car la terre est berceau comme la terre est tombe; C'est la chose qui naît et la chose qui meurt C'est la mystérieuse et confuse clameur

De vie universelle eparse par l'espace.

Et tout cela tient dans ces fils où le vent passe! 0 maîtresse, emplis bien de ce chant tout ton cœur. Il dit qu'il faut aimer, et que l'amour vainqueur, Dans les ruines, dans les morts, dans les desastres, Anime les brins d'herbe aussi bien que les astres, Et toujours plus vivace, en efforts plus ardents, Palpite, et vibre, et souffle, et s'allume dedans Les coins les plus perdus de l'immense matière. 11 dit qu'a moi tu dois te donner tout entière.

Viens, je ferai chanter mes baisers sur ton corps, Et, tel qu'un violon dominant les accords, Le cri de notre amour comme un fou qui s'esclaffe Couvrira la chanson desutsdu télégraphe.


XXV II!

DA~S LES FLEURS

Mignonne, allons-nous-en dans un pays de son~e, Joli, capricieux, absurde, comme vous,

Azun'' d'impossible et fleuri de mensonge. Où les arbres, les eaux et le ciel seront fou~. Regardez le soleil sort de chbz sa maîtresse Et) calant nc~ligc du matin, pâli, las,

Tandis qu'à l'horizon traînant sa noire tressa Elle lui jette au nez des bouquets de lilas. Lilas de l'aube, blancs lilas semés de perles Mettez a votre front ce nimbe gracieux.

La dfane déjà chante au gosier des merles. Les feuilles au réveil s'ouvrent comme des yeux.


Le ruisseau qui gazouille a pour vous des cascades De diamant ou bien des miroirs de cristal. Les cailloux du sentier roulent des noix muscades, Et l'écorce du bois est en bois de santal.

Le vent luxurieux sur vos lèvres dérobe

L'arome des baisers et le vol des chansons, Et le désir troublant qui dort sous votre robe Fait courir un frisson d'amour dans les buissons. Et sous vos pieds, vos mains, vos regards, votre haleine, Tout va fleurir dans la fôrêt d'enchantement. De fleurs aux mille noms pour que l'herbe soit pleine, 0 fée, il vous suffit de m'aimer un moment. L'héliotrope sombre embaumant la vanille, L'aspérule aux relents de musc, le romarin, La marjolaine en blanc qu'on nomme la gentille La sauge qui dans l'air met un souffle marin, L'encens du basilic, la myrrhe des glycines, L'œillet qui sent le poivre et l'anis plein de miel, La gueule ouverte rouge et or des capucines, Le bleu myosotis, goutelette de ciel,

La mauve, le muguet, les lis, les violettes, Le chèvrefeuille avec ses coraux blancs-rosés, La lavande, l'iris, le thym, ces cassolettes, Tous les pois de senteur, ces papillons posés,


La jacinthe, l'arum, l'ache, les amarantes, Les clochetons ambrés des pâles liserons, Les rosés, firmament d'aurores odorantes, Tout va s'épanouir quand nous nous baiserons.

Au printemps de nos cœurs tout se mêle et s'enivre. Etreintes de parfums, de formes, de couleurs Notre baiser d'aveu, comme un clairon de cuivre, Sonne la charge en rut aux batailles des fleurs. Mignonne, nous voict noyés dans cette foule. Tu n'y peux échapper, c'est en vain que tu cours. Les fleurs aiment encor sous ton pied qui les foule, Sous nos corps enlacés les fleurs aiment toujours. Leur sang coule embaume du cœur de leurs calices, Ru par les vents, pareils à des chiens maraudeurs, Qui trament dans l'air chaud saturé de délices Des lambeaux de couleurs, de formes et d'odeurs. Elles meurent d'aimer. Elles meurent, qu'importe ? Mort d'amour, ô le plus savoureux des trépas Et leur dernier soupir est un souffle qui porte L'âpre besoin d'aimer à ceux qui n'aiment pas. 0 mignonne, mourons comme ces fleurs qui s'aiment. Donnons tout notre sang de désirs parfumé, Et que les vents, grisés par nos baisers qu'ils sèment, Aillent dire partout que nous avons aimé.


Qu'ils Je disent au bois, au champ, à la ravine, Le disent à la nuit et le disent au jour, Qu'ils disent par sanglots notre extase divine Au monde fatigué qui ne sait plus l'amour! Qu'ils le disent au ciel, à la nature entière, Qu'ils racontent que nous nous sommes épousas, Et que l'éternité de toute la matière

A neuri ce jour-la dans un de nos baisers!


A quoi bon la clef des champs ? C'est en vain que je la guette. Une fée aux yeux méchants M'a touche de sa baguette. Comme esclave je lui plus. Moi, j'eus soif de la connaître. Or je ne m'appartiens plus, Car elle a change mon être. J'allais, fier, libre et hardi, 0 femme, moi que tu mènes. .t'écoutais ce que l'art dit A nous, ses catéchumènes.

XXIX

L'ENSORCELÉ


J'espérais vivre au milieu

Des noms de gloire qu'on nomme. Poète, on est demi-dieu.

Or je ne suis plus qu'un homme. Mon esprit clair se voila

Dans les plis de son corsage. Je vis, je l'aime, voila

Suis-je fou? suis-je cncor sa~e? Je ne sais, et je ne veux

Point le savoir. Qu'on me laisse Au bout d'un de ses cheveux, Comme un chien je vais en lais.sc. .!e marche dans la furrt

l'amour tend ses lianes,

Où sa voix comme un foret

Perce l'air de ses dianes,

le lon~ des verts sentiers Ses menottes enfantines

Sèment sur les chantiers

Mon sang rou~c en e~Iantines. Et je vais, je suis sa voix,

Je suis sa main. Que m'imp'.trtr. !)u moment que je la vois.

Oil son caprice m'emporte


Je me moque bien des cieux

EL des vierges Amériques

Ou s'enfonçaient les essieux

!)e mes grands chars chimeriqu''s Je me moque des rayons

Que nous, pauvres sans pelures. Poètes, nous essayons

!)'' mettre a nos chevelures.

Je me moque que le vent

i)e me von'decoiue rie.

Ptus haut que lui m'eul'nut t

.1(' vis en pleine teerie.

!1 tnc semble que je suis

));ms t'He de la Tempête.

La sorcière que je suis

A < han~e mou âme en !)e.


LES CARESSES

XXX

Crois-tu que mon cœur amer Ptem'e ses vieiHes étoiles,

Et l'hateine (te la mer

Dont ma ncf~'ontlait ses t~i!ps, Et ({'t'en voyant mes a~t\'s

Hcpticr leurs aHes lentes,

Je sun~e avec des r''g'rets

Aux ~ran(!es\a~urs hurlantes? Xop., je ne regrette point

Cn seul (!e mes anciens rêves. Je ne montre pas !epoin~

Au port dormant dans les grèves. Dut sa vase m'engloutir,

J'y reste, près d'; !a hei~ Je veux Lien mourir martvr, ~tais je ne mourrai pas vierge.


XXXI

LE BATEAF ROSE

Je m'embarquerai, si tu le veux, Comme un ~ai marin quittant la ~r'~ve, Sur !ps (lots dor~sdn tes cheveux, Vers un paraflis f)enri de rêve.

Ta jupe (lottante au vent du soir Conn~ra ses plis comme des voiles, Et quand sur la mer il fera noir r Tes grands yeux seront mes deux étoiles. Ton rire éclatant de vermillon

Fera le fanpl de la grand'hune.

J'aurai ton ruban pour pavillon

Et ta blanche peau pour clair de tune.


Nos vivres; sont faits et nos boissons Pour durer autant que le voyage. Ce sont des baisers et des chansons Dont nous griserons tout l'équipage. Nous aborderons je ne sais ou,

La-bas, tout la-bas, sur une g'r(''vc Du beau pays bl~u, sous un ciet fou. Dans te paradis ueuri de r~'v~.


Tm; RMIDOR



LE PENDU JOYEUX

Je te l'ai dit, je suis a toi jusqu'au trépas.

Quoi <tu'il puisse arriver, je ne me plaindrai pas. .h' sais bien que l'amour est une maladie

A laquelle il n'est rien de sur qui remédie;

sais que d'écouter l'ensorcelante voix,

C'~st hoire a pleine gorge un poison, et j'en bois. Je connais (pt'on en soutn-e, et je crains qu'on n'en meure. Mais au diable demain Je veux jouir de l'heure. Le soir où <ou beau corps entre mes bras tournait, Si quelqu'un m'avait dit Ce corps est ton gibet,–J'aurais dit Qu'on me pende alors, pourvu qu'on m'aime j'aurais a mon cou mis la corde moi-même.

Je suis comme ce gueux qui riait de la mort,

Et qui sans peur, sans pleurs, sans regret, sans remord, Chantait un air a boire en lâchant l'existence,

Kt dansait une gigue au bout de sa potence.

t


H (

VIEILLES AMOURETTES

Aux presue l'enfance on cueitte Les petites amonrettcs,

Qu'on j~ttt~an \~nt fcutHp a fr'niHc A'nsi que dps pâquerettes.

On cuctile dans ces prah~es

Les voisines, les cousines,

Les amourettes ueuries

Et qui n'ont pas(!e racines.

0 douce j~el'he Hee

Avec des rubans d'aurot'e.

Fraîche rosée oubliée,

~îe parfumez-vous o~'ore ?


Heias i~ouquets epliemeres, Depuis cette heure lointaine

Combien ()e larmes ameres

Ont coule dans nia fontaine! Des choses se sont passées

Qui tn'ont change ma jeunesse beaucoup trop, ô trépassées, ~onr <~te je vons reconnaisse. Le dur amour qui ravage

Dans mon cœur a pris racines. Gonnne un ~'rand rosier sauva~ Aux <pines assassiiies.

Qu'etes-vous près de ces rosés Sanglantes, éblouissantes,

0 pâquerettes ecloses

Dans les près aux vertes sentes? Qu'est votre parfum <pn rode Kvapore da)is la l)rise,

Près de rôdeur acre et chaude Qui me pénètre et me ~nse? 0 mignonnes marguerites,

Enfantines amourettes,

Heias! mes pauvres petites,

Je ne sais plus qui vous êtes.


Dans de vagues mausolées, Enfants blondes, rousses, brunes, Pour moi vous dormez voilées Au pays des vieilles lunes.


m

L'IDÉAL

La poésie est non pas

Un idéal qu'il faut suivre

Uien haut, bien loin, tout là-bas Mais c'est, d'aimer et de vivre. En cherchant la toison d'or Les héros perdent la rive. En aimant, pendant qu'on dort La fortune vous arrive.

Sans ecorchcrdu hoyau

Une terre racornie

On découvre maint joyau

Dans notre Californie.


0 chercheurs,vous descendrez Aux puits ou For met sou trune. Moi, dans des cheveux cendres Je prends des mèches d'or jaune. Lorsque le désir rougit t

Le satin de sa peau pale,

Je baise l'endroit ou ~it

Cette chatoyante opale.

Sous quel roc en soupirai',

Dans quel not, mer qui delerl's. Ses g'encives de corail

Ont-elles mordu leurs perles? Et quel diamant phénix

Venu du pays des jungles

Vaut le clair et dur onyx

Doses rosés petits on~'es?

Et ses yeux bleus, dont le Wu Est changeant, chez quels .n-hstcs, Chez quels rois les trouve-t-on, Ces saphirs pleins d'améthyste ? Et ses rires, ses chansons,

Quel urand cristal de Hohem<' Est plus pur, plus riche en sons, Plus vibrant ~ue ce poème ?


Ah son espoir triomphant Est une verte emeraudc.

Dans ses colères d'enfant

L'éclair d'une ~-emmc rôde. Et mon sang sur ses habits Fait une mer purpurine

De grenats et de rubis

Ruisselant de ma poitrine. 0 rêveurs que l'idéal

Dans les nuages enrôle

Pour )e vaisseau boréal

Qui cherche a trouver le po!e: Mineurs qui vers !e nadir

Vous enterrez ()ansle somh'r Pour voir enfin resplendir Un tllon qui fuit sousi'omhrc. Quesout vos pierres, vos ers, Vos richesses il vous autres? Pauvres fous, tous vos trésor \)' valent pas un des nôtres.


IV

Puisque mon fauve amour tu voulus te soumettre, Il faudra désormais le nourrir comme uu maître. Et tu sais qu'il est plein d'appétits exigeants. Un féroce mang-cur M n'est pas de ces ~cus Qu'un morceau de pain sec rassasie et contente. Ce qu'il demande, lui, c'est ta chair palpitante, C'est ton corps tout entier, c'est ton être absolu. Et tout le nécessaire et tout le supcruu

Serunt a peine assez pour notre convoitise. Madame, il faut nourrir le feu, quand on l'attise.


v

REPAS CIIAMPÈTBE

Sous la branche (le houx vert. Attendant que tu paraisses,

Je fais mettre le couvert

Des baisers et des paresses. P'turnous donner l'air frugal X'ayons que des fruits, ma chère. Mais tu verras quel re~al

Et comme on tait bonne chère! Pour fraises nous cueillerons Tes deux lèvres que tu fronces. Je trouverai des mourons

Sur tes caprices pour ronces.

6.


Le bigarreau se promet

D'être à ton oreille un lobe. La framboise est au sommet De tes blancs tetins en globe. Ces fruits qu'Avril adulait,

Mangeons-les sans défaillance En les mêlant a du lait t

Au fond des plats de faïence. A l'ombre des frais noyers

V

Buvons le vin délectable.

P-uis a midi, soûls, noyés,

Xous dormirons sous la table. Et lorsque viendra !e soir

Solennel (mi nous assomme. Halancer son encensoir

Sous le nex de notre sonu.ie. Lors, sans vouloir écouter

Quoi que ce soit, quoi qu'on dise. Recommençons un goûter

D'amoureuse gourmandise.


Vt I

HO~hKA FX MK'.XONS

La rosée

S't'nvot'' ctl'onont'' aux f'i.'ux <J))an<I !<' S()!i i':w)!<'ux

L\' ihus~c.

Ainst !cs pleurs nx's \ru\

S'évaporant, <pta.))') [n \<)\.

En t'~sr<

Rnss~)~

Ton <)<n)\cH:u)L sous la r.un'Scn))))'' !iL voix cnrtmnu'

De Gui~not,

Lorsque de n~t hien-aitnee

Charte ta vuix parfumée.

Rossi~!io).


L'hirondelle

S'en revient quand le printemps A chasse les noirs autans

A coups d'aile.

Ainsi tes ris éclatants

Ramènent de mes vin~t ans L'hirondelle. I"

Aies amours

Sont comme un vin qui détonne Et lait craquer de l'automne Le velours.

Et je chante, et je festonne, Et je ris, tnrsque j'entonne

~!es .impurs.


Pourquoi donc t'hahitler si matin, ma chérie? Pour<tuoime deroitersi tut ta chair Hcunc? X~'t). ncnn'ts p~s cncor t'\s s~ins au cachot noir ))'; t"!tc<)t's:)~ ~ardc un peu ce !on~pci~'n'tit' (Jni tnuu! to'i)~\im corps tout nu sous!adcnt<(\ I~tt)"Ht ta manche lar~c a cotmnc un ft'isso)! daUc. Xons irons an jai'tHn hoirc un coup de printemps, M"ni))e)'dans les ~axonsta trahie aux plis ïïottauts, Voir tes t'mit. <{neje!nor()set!esneursquctucueiHes, \ons rat'raichir les yen\<)ans )cs \'en\ verts des feuiHes, !~t respirer Faurore ainsi que deux oiseaux. Viens, tes fusons de soie, en dépit des reseaux, S'et~ot'-rontausontue amoureux delattrise; Tu ver! as au travers, dans l'atmequi s'iris<\ )!t"nds et uns, les crêpons d'un nua~'e veDnei): t.t tes cheveux seront avec ceux du sotei!.

Vil l


Vi H u

LE G L A T J A H D ï M t; H

Lorsque dans votre jardin. Mignonne, j'entrai sonftain. Vous avez fut comme un daim. Vous avez cach' vos cramh~s Daus (h's coins on iahyrmttx's: ~!aisj\u suivi vos ount'fintcs. J'ai su voir, UK'U!pcu)brouiH<s Parmi les ~axous mouiurs, Les baisers (te vos souliers. Et, bon cbien chassant de race, Aton nair que rien n'embarrasse A retrouve vot.'e trace.


Enfin mus yeux obstines

Dans l'ombre on vous vous tenez Voient le t'ont de votre nez.

Rendez-vous! on je saccade Tons les arbres dn bocage,

Pour mettre l'oiselle en ca~'e. Alors, d'un rire mofmenr

Von s avez ri de bon co'ur

A la barbe dn vainqueur.

Riez! mais il tant nromettre (Jne j'aurai le (h'oit de m'être Introduit, la comme un maitre, Et (me dans ce beau verger,

Ainsi (m'nn calant bercer,

Vous-même allez m'i)e)/t.'r~'er. Ators tels '~n'un vin (mi mousse. Inondant votre frimousse,

Vos pleurs ont momUe la. mousse.

–Picurfz! tout est superflu. Je suis te maître absutu, J'aurai ce (~)cj\d voulu. Ah')'s,crai~'u:ntt ma colère, Voyaut (~)'iN'<.L)!:).iL meutau'c, Vous a\'cx chautc hunau'c,


Tra la la, turlututu,

Au nez de votre vertu,

Et m'avez dit Que veux-tu? J'ai mis ma main dans la votre, Et, faisant le bon apôtre,

J'ai dit Une chose ou l'autre. J'ai dit Bail! comme des fous Allons tout droit devant nous, Pour voir si vos fruits sont doux. Je voudrais coûter, les unes Apres les autres, vos prunes. Qu'elles soient blondes ou brunes. Et si vous ~e m'empêchez,

En dépouillant vos pêchers

Je ferai de ~ros pèches.

Même, si mon espoir ose,

Je pourrai cueillir la rosé

Que votre main blanche arrose. Alors tu cédas. Alors

Tu m'abandonnas ton corps. Ton jardin plein de trésors. Ces fruits dont l'odeur all'che. Ces beaux fruits (pie l'été lèche Et mûrit a coups de ueche,


Ces fruits fermes, savoureux,

Que mes désirs amoureux

Savaient être faits pour eux,

Ces fruits d'or et d~emeraudc

Sur lesquels Fabcille rôde

Et prend du miel en maraude,

Je pus selon mon plaisir

Les toucher et les choisir

Et m'en repaître à loisir.

Maintenant, sans qu'on m'evince, Au jardin je suis un prince

Absolu dans sa province.

Yai droit de vie et de mort

Sur les fruits que sans remord

Ma palpe et ma dent mord. Peuh dit m'amour, qui badine, Es-tu bien heureux? Pardme! Je jardine, je jardine.


IX

La salive de tes baisers sent la dragée

Avec je ne sais quoi d'une épice enragée,

Et la double saveur se confond tellement

Que j'y mange à la tois du sucre et du piment. C'est dans le même instant l'eau courante et la braise, C'est plus chaud qu'un alcool et plus frais qu'une fraise. Et ton souffle s'y mêle et me monte au cerveau Comme le vent du soir grise de foin nouveau.


x

Comment, mignonne, j'ai fait souffrir votre orgueil Et vous voilà, comme un enfant, la larme à l'œil Voulez-vous bien finir! vous aurez le nez rouge. Mais vous continuez. Votre lippe qui bouge Mêle un peu de grimace à vos airs de grandeur. 0 la petite laide ô le vilain boudeur! 1

Hall vous avez beau faire et malgré cette moue, Maître le Hot salé qui brûle votre joue,

Les sourcils contractes qu'une ride rejoint, Vous êtes belle encore et ne m'enrayez point. Vermeille, votre peau de larmes arrosée

Est la rose au matin laissait choir sa rosée Vos narines, ou la fureur creuse un sillon, Palpitent comme des ailes de papillon

Votre bouche pourprée, où la lèvre se fronce, Semble un meuron bien mur ensanglantant la ronce; Votre menton crispe, que vous croyez fort laid, Me fait songer aux plis délicats d'un œillet Vos yeux sont comme un ciel d'été lavé de pluie, Plein de nuages bleus que le soleil essuie


Votre nez n'est pas rotige, il est un rubis clair Et le pleur qui scintille à son bout rose, a l'air D'un diamant qui va rouler comme un grain d'orge Pour les deux ramiers blancs nichés dans votre gorge.


Xt 1

Quand je vous ai mise en colère, Votre front vermeil

Sembla un l)loc de g'Iace polaire Qui nambe au soleil.

Votre nez mig'non bat des ailes Comme un roitelet

Qui fait la chasse aux demoiselles Dansant un ballet.

Vous froncez vos lèvres en moue Tel, au mois de mai,

Le bouton de Heur que secoue Un frelon pâme.

Les mets de vos veines bleues Font sur votre cbair

Des glycines tordant leurs queues Sur un marbre clair.


Et vos yeux, que des lueurs values Viennent sillonner,

Verts, miroitent comme les vagues Quand il va tonner.


XH

RÉVEIL

Nous avons été des gens sages Cette nuit, je ne sais pourquoi. Or, ce matin, je sens en moi Des éternités de nuages.

Toi-même sur ton front vermeil Tu gardes des reuets nocturnes, Et tes yeux sont comme des urnes Où fume un restant de sommeil.

\ous avons trop dormi, nia chère. Notre vorace amour se plaint De n'avoir pas le ventre plein, Lui qui fait toujours bonne chère.


Allons, mignonne, allons, debout Chassez-moi nos pensers funèbres. J'ai nourri mes yeux de ténèbres, J'ai fait des rêves de hibou.

Mais en vous voyant fraîche et rose, J'en fais qui sont couleur de jour. J'entends la voix de notre amour Qui pour fleurir veut qu'on l'arrose. C'étaient nos vœux inapaisL's

Qui nous rendaient mélancoliques. Donnons il nos cœurs faméliques Un large repas de baisers.

C'est le remude, c'est la vie

Tu m'enlaces; moi, je t'ctreins; Et mangeant le feu de nos reins, Se tait notre bute assouvie.

Les desespoirs les plus ardents,

Les tristesses les plus farouches, Quand nous unissons nos deux bourbes Sont égorges entre nos dents.


xi n

Tu dors? Ce n'est pas vrai, folle, tu fais semblant.

Tu sais bien que ton corps est plus rosé etplusidanc Ouand il se laissa aller cette nonclialance Dans le I)amac de soie ou ma main te balance, Tu sais que la langueur tranquille du sommeil T.. rend la peau plus fraîche et le san~ plus vermed, Et que tes deux ir-tins, tandis que Ht reposes, Suutdeux l)OU(iuetsde lis et deux boutous de rosés; Tu sais (p.tc des frissons amoureux et trouvants Viennent, ensoleiller la nei~-e de tes Hancs Tu sais que tous ces fruits dont ta chair me repaie. ne puis les ilairer sans avoir la fringale Tu sais trop bien cela, friponne, et, doucement. Sure de me tenter, tu souris en dormant

Car tu sens mon désir dont le re~-d flamboie Planer sur tou sommeil comme uu oiseau de prête.


XIV

Bien avant d'aveu' pu contempler a mon gré Ta statue en chair tonte nue,

J'avais vu tout ton corps, uuoiqu'it me fut mure, Et sa béante m'était connue.

Des corsages ja!onx traversant les rideaux, Mes yeux touchaient ta ~or~e blanche Et j'avais devine !a chute de ton dos.

Ta croupe, ton ventre, ta hanche,

Ton mollet rond, ta cuisse au contour ferme et plein, Rien qu'A voir ta cheviHe preste.

Le bas de jambe est comme un espion maiin Qui trahit les secrets du reste.


XV

Depuis !urs je t'ai tenue

Entre mes doigts curieux.

J\n vu ta chair toute nue

Sous mes yeux.

J'avais bien devine juste

Tes invisibles trésors,

Tes Hancs, tes reins et ton buste. Tout ton corps.

!t tnudrait un dit!tyrandje

Pour cel-'brer tes appas.

Car, san~-dieu ton bas de ja'nbc ~e ment pas.


XVI

Son corps est d'un blanc monotone Comme la neige sur les cliamps Mais sa toison semble un automne Dore par les soleils couchants. Ses seins droits ont la pointe aiguë Ainsi que la ronce des murs

Et sont froids comme la ciguë Pleine de poisons doux et sûrs. Dire l'odeur de sa peau fraîche, Aucun parfum ne le saurait,

Ni le foin séché dans la crèche, Ni l'haleine d'une foret,

Ni le thym, ni la marjolaine, Ni le muguet, ni le cresson

Nourri des pleurs de la fontaine Et tout baigné de sa chanson,


Ni le repli des coquillages Qui garde un arôme énervant, Souvenance d'anciens sillages, D'algues, de marée, et de vent.


XV H

BEAUTÉ MODHRX1:

Certes, tu m'éblouis quand tu es toute nue. Ainsi l'âpre soleil de juin, brûlant la nue, Fait baisser le regard par sa flamme irrite. Tu ressembles alors à quelque déité

Splendide, arrondissant le contour de ses lignes Dans un marbre plus blanc que la plume des cygnes. Mais je t'admire autant, je te veux plus encor En moderne beauté, quand un savant accord De rubans, de chinons, de robe revêtue,

Dans la toilette étreint ta vivante statue.

J'aime l'étroit corsage où tes seins à l'étroit Semblent deux étalons qui se cabrent tout droit. .l'aime ton bras sortant à demi de la manche Où la dentelle écume autour de .ta chair blanche. J'aime ton buste fier cuirassé de satin.

J'aime ton pied cambré frétillant et mutin


Sous les boutons de la bottine mordorée. J'aime ta jupe énorme à la traine éplorée Qui fait comme un fouillis épars de noirs cheveux De ta croupe onduleuse à ton mollet nerveux. J'aime à sentir ployer tes reins, fondre ta taille, Dans le froufrou soyeux et craquant de la faille. J'aime tes bracelets, tes bagues, tes bijoux, Tout ce que ton caprice enfant a pour joujoux. Et rien ne me rend fou, frénétique, idolâtre, Comme l'éclat de tes toilettes de théâtre, Quand, faisant palpiter au bout fin de ton gant Comme un grand papillon l'éventail élégant, Avec des airs de reine et des rires de fée, La poitrine en avant, la tète ébouriuée, Tu te plais à montrer aux lustres envieux Tes diamants aigus qui poignardent les yeux.


XVI H

AU THÉÂTRE

Nous n'étions pas au tond d'une baignoire obscure, Mais en pleine avant-scène. Oh j'ai mal conserve Dans ma mémoire si l'on jouait de l'Hervé Ou du Donizetti je n'en avais pas cure.

Nous nous tenions la main. Je sentais la piqûre Du désir s'enfoncer dans mon cœur énerve, Et le désir croissait de se voir observé.

Oh l'âpre volupté que le danger procure Nous aurions pu si bien nous embrasser chez nous, Où j'aurais mis ton corps tout nu sur mes genoux Pour te porter au lit comme un enfant (m'en couche. Mais ici, c'était fou! Tous ces yeux à l'entour 1 Soudain je fis claquer mon baiser sur ta bouche, Ktce baiser valait toute une nuit d'amour.


XIX

UNE FANTAISIE

C'est toi qui l'as voulu. Tu faisais ton devoir De femme curieuse, et ton désir de voir

Était si fort que j'ai cède, petite folle.

Comme un saint fatigue du poids de l'auréole Qui voudrait dans l'enfer se promener un peu, Comme un enfant g~te qui joue avec le feu, il te plaisait d'entrer au cœur de la fournaise Où le Paris viveur fait la noce à son aise.

Et c'est pourquoi je t'ai conduite sans ennui Dans un de ces cafés ouverts toute la nuit, rôde sur le gras velours d'une banquette La prostitution comme une chienne en quête. Le gaz, le ruolz clair, les cristaux découpes Mêlaient leurs namboicments aux fumets des soupers: Tout chantait, les baisers, le Champagne, la soie, Les bijoux, les louis; et tu connus la joie 8.


D'être servie, au bruit prisant du bacchanal, Par un garçon pressé, bouffi, glabre et banal. Quelle drôle de chose est une Parisierne!

Dans ce milieu nouveau tu semblais une ancienne. Avec un tact exquis tu t'étais sans façon,

Pour ne pas détonner, mise au diapason.

Malgré le luxe moins voyant de ta toilette, Malgré l'enroulement d'une chaste voilette, Et le bcngoût des Ûeurs qui semaient ton chapeau, Tu sentais la débauche et portais à la peau Si bien qu'en te voyant les coudes sur la table, Rieuse, le teint chaud et l'air peu respectable, J'ai mené notre amour, les prunelles en feu, Achever le dessert dans un cabinet bleu.


XX

Tes paroles ont des musiques cristallines.

Rien qu'à les écouter, que de fois j'ai joui! Je pâme, les yeux clos, et presque évanoui, Quand pour me parler bas, dans le cou, tu t'inclines. Ce n'est pas de ton souffle enr baumant les pralines Que je me grise alors; c'est du ton inouï

Que tu mets dans un mot quelconque, un simple oui. Ta bouche a des façons de prononcer câlines.

Voilà ce qui me fait tous les sens engourdis. Je t'écoute, mais sans savoir ce que tu dis, Comme si tu parlais une langue inconnue; Je me laisse couler dans l'extase; et je sens Une invisible main passer sur ma peau nue, Car tes paroles même ont des doigts caressants.


\X! i

Mes désirs ne sont point lassas. Donne-moi tes baisers, ma!trcsse Je n'en aurai jamais assez.

Je veux boire jusqu'à l'ivresse. Donne-moi tes baisers Encor Je veux boire a ta bouche rose. Tu me dis, et j'en suis d'accord, Que c'est toujours la même chose Ilais c'est toujours nouveau pourtant! Je suis un buveur peu sévère,

De ceux qui boivent tant et tant Qu'ils se noient au fond de leur verre. Folle, il faut te griser aussi.

Laisse-toi donc faire, et sois ivre Donne tes baisers, comme si

Tu n'avais plus qu'un jour a vivre.


XXII

La possession dégoûte! Et pourtant je te veux toute Jusqu'à la derrière goutte. Car, jamais désaltère,

Sur tes lèvres je boirai

Toujours (!l'inespéré.


XX! 11

Encore et toujours, te dis-je Abîme de volupté,

Tu me donnes le vertige.

Je possède, quand je t'ai,

Plus de mille et trois maîtresses. Plus que don Juan n'en nommaiL Ton corps peuplé de caresses Est le ciel de Mahomet


XX tV

LE TU ES OU

Tu sers aines désirs un étemel repas.

Tu peux donner toujours, tu ne t'appauvris pas.

Pour rajeunir la fleur de tes roses caresses, Il suffit qu'après une absence tu paraisses. Quand sans voir tes yeux bleus je reste plus d'un jour, Je trouve un renouveau piquant dans ton amour. Ta bouche a conservé la fraîcheur d'une aurore. Comme ava:lt de t'avoir, je veux t'avoir encore.

Tes charmes sont pareils au laurier toujours vert Qui garde son printemps même au cœur de l'hiver. Ton corps plein de secrets connait l'art de renaître. .le ne verrai jamais le fin fond (le ton être.


Ton corps voluptueux ressemble a ce trésor Ou les Mbel'mgcn accumulaient leur or. On peut le dissiper comme ou jette du sable, Il en reste toujours. Il est Inépuisable.


9

XXV

LE GOINFRE D'AMOUR

Non, non, l'amour vivant, quoi que toi-même en dises, N'est pas un délicat épris de gourmandises Qui grignote du bout des dents, plein de dégoûts, Réglant son estomac, buvant à petits coups, Craignant les larges plats et la grande rasade, Et restant sur sa faim pour n'être pas malade. C'est un goinfre attablé qui, plus que de raison Enivré de vin pur, gavé de venaison,

Ote le ceinturon qui lui gène la taille,

Et sans peur d'avoir mal au ventre fait ripaille. Il ne sait si demain sera jour de gala

Et veut manger de tout pendant que tout est là. Le Temps peut survenir, majordome intraitable Qui dira brusquement de se lever de table, Qui fera remporter les bons mets~t les brocs,


Et vous mettra dehors avec rien dans les crocs. Que direz-vous alors, vous les convives mièvres, Qui n'aurez pas touche vos verres de vos lèvres, Qui n'aurez pas voulu repaître votre faim,

Sous prétexte de vous réserver pour la fin ? Vous n'aurez pas mordu cette dinde si grosse, Vous n'aurez pas trempé votre pain dans la sauce. Vous aurez fait les fins, les fiers, les délicats, Vous aurez attendu le moment des muscats, Des bonbons, du gâteau monté qui trône au centre, Et vous vous en irez en vous brossant le ventre. Pas d'indigestion, pour sûr! Et puis après? Croyez-vous que demain vous serez sans regrets, En songeant aux bons crus qui rougissaient les coupes, Au fumet des ragoûts, à la bisque des soupes, Aux légumes charnus, aux rôtis cuits à point, Que vous pouviez avoir et que vous n'eûtes point? Ah lorsque vous irez, mangeurs de confitures, Dans la rue, en serrant les crans de vos ceintures, Affamés et grinçant des dents comme les loups, Vous aurez des remords, et vous serez jaloux De ceux qui se seront gaîment garni la panse. Mais vous aurez beau faire et vous mettre en dépense, Et chercher autre part un semblable repas Ces beaux festins d'amour ne se retrouvent pas. A la table divine l'on doit manger vite

La jeunesse prodigue en passant vous invite. Il faut mettre à profit cet hôte hasardeux,

Qui reçoit une fois les gens, mais jamais deux.


Maîtresse, c'est pourquoi je bois à perdre baleine, Pourquoi je veux avoir toujours la bouche pleine, Pourquoi mes appétits, sans paraître apaisés, Font si large bombance au banquet des baisers. Et ne me parle pas, toi, d'y mettre bon ordre Laisse-moi tout mon soûl m'emplir, bâfrer et mordre, Me régaler de notre amour comme un goulu. Je me ferai du mal, soit! Je l'aurai voulu. Mais au moins, quand viendra le jour épouvantable, S'il doit venir jamais, d'abandonner la table, Je ne m'en irai pas ainsi que ces piteux

Qui laissèrent passer leur bonheur devant eux; Je m'en ira' repu, la gueule satisfaite,

Le'ncx rouge, les pieds dansants, les yeux en fête; Je chanterai, même en roulant dans les ruisseaux Je scandaliserai les bourgeois et les sots Et quand la Mort avec sa lanterne pâlotte Viendra me ramasser pour me mettre à sa hotte, Je ne sentirai pas son crochet debifun,

Je n'aurai pas uni de cuver tout mon vin.


Sous tes lèvres de miel quand tu fermes mes yeux. A travers tes baisers je te vois encor mieux.

Si je ne réponds pas alors a ta caresse,

C'est qu'une pâmoison m'envahit et m'oppresse. Mon sang ne fait qu'un tour, mon cœur manque au dedans, Toute ma peau frissonne, et je claque des dents, Et du haut jusqu'en Las, je sens une secousse Qui m'ébranle les nerfs, a la fois brusque et douce, Et, se laissant couler a ce néant profond,

Ma chair dans un courant électrique se fond.

XXVt


XXVII

INSATIABLEMENT

Quand tu me vois pâlir de fièvre, Le rire écume sur ta lèvre.

Je suis las. Laisse Que veux-tu ? N'as-tu point us6 ma vertu? N'as-tu pas dévoré ma vie

Et bu mon sang, inassouvie? N'entends-tu pas tinter le glas De tous mes désirs? Je suis las. J'ai besoin de cesser la lutte. Je veux dormir comme une brute. Mais ton rire strident, moqueur, Sonne la diane à mon cœur.


Ah tes yeux sont des précipices Et tes paroles des épices.

Allons, mon corps lâche, il le faut! Condamné, baise l'échafaud.

Encor?je ne puis plus. 0 rage La force manque à mon courage. Mes yeux troubles vont se fermer. Assez je ne veux plus t'aimer. Je ne veux plus t'aimer ? Mensonge Inassouvi, je t'aime en songe.

Tes doigts brûlent mes reins nerveux. Embrasse-moi Je puis. Je veux.


xx vm

UN PEU DE REPOS

Ma foi, nous passerons notre journée au lit. Le repos du combat d'amour vous amollit, Et sur la volonté comme sur les paupières Pose ses doigts câlins plus pesants que des pierres. A quoi bon nous lever? Il est plus de midi. Des langueurs vont flottant et font l'air attiédi Dans la chambre bien close et pleine de silence. La paresse sous nos courtines se balance,

Ainsi qu'un de ces grands papillons aux vols lourds Qui traînent dans la nuit leurs ailes de velours. Rien ne respire autour de nous, rien ne s'agite, Rien ne viendra troubler la paix de notre gîte. Oh n'ouvrons pas les yeux, ne levons pas nos fronts Dormons profondément Nous nous réveillerons Plus tard, bien tard, pas même aujourd'hui, pasencore, Mais demain seulement, quand, peut fèter l'aurore, Dans le rayon filtrant par le trou du volet, Les atomes dorés danseront leur ballet.


XXIX

LENDEMAIN DE FÊTE

Qu'as-tu donc ce matin, chère ? Tu n'es pas gaie. Parce que ta frimousse est un peu fatiguée, Ta lèvre un peu pâlie et ton front un peu lourd, Vas-tu me reprocher d'avoir bu trop d'amour? Laisse là ton miroir où tu me fais la moue.

Que veux-tu, moi qui n'ai point de rose à la joue, Comme toi je ne puis être paie au réveil.

Est-ce ma faute, à moi, si mon cuir peu vermeil, Lui que le travail tanne et que le soleil dore, Est plus solide au feu que ta fraîcheur d'aurore? C'est vrai, tu gardes, toi, les traces de la nuit. Mais cet air fatigué, tu crois donc qu'il te nuit? Non. Je t'aime encor mieux en ta paresse lasse, Et ta défaite, enfant, te donne plus de grâce. Sur tes lèvres de fraise, où jourait un sang pur, L'âpre fièvre a passé comme un glacis d'azur, Et mes baisers ardents, qui les ont calcinées, ·


Font de ces roses des violettes fanées.

La pâleur de ton front mystérieux me plaît.

Ton visage aujourd'hui semble pétri de lait.

Le noir qui sous tes yeux met son estompe brune Est comme un chaud nuage à l'entour de la lune. Reste je t'aime ainsi, quand ton regard mouillé A l'air d'un fou qui rêve et dort tout éveillé,

Quand ton corps alangui s'abandonne à ta hanche Comme un beau fruit trop mûr qui fait ployer sa branche, Quand ta gorge palpite et ne peut s'apaiser,

Quand tu sembles prête à mourir sous un baiser. Reste! je t'aime ainsi. Reste, ma pauvre chatte, Pose bien sur mon cœur ta tète délicate,

Enlace-moi de tes deux bras mis à mon cou, Et dors dans mon giron, chère, dors un grand coup. Ferme tes yeux, ainsi qu'une fleur son calice. Dors, je te bercerai, je ferai la nourrice,

Et je fredonnerai, sur des rhythmes très lents, Les chansons que l'on chante aux tout petits enfants.


XXX

0 maîtresse, ta bouche exécrable et charmante Est un rosier fleuri de baisers chauds et frais Qui laissent après eux comme un parfum de menthe. On me dit que tu dois mentir. Et puis après ? Je veux que ta lèvre mente

Bah si tes baisers sont vrais 1

Donc, au clair de lune, ô chère, ouvre ta porte 1 Donc, au fond de l'alcôve, ô belle, ouvre tes bras! Ton corps est le tombeau de ma volonté morte. Enfer ou paradis, sois ce que tu voudras.

Baise-moi d'abord! Qu'importe

Ce qu'après tu me feras ?

Au bois vert de mon cœur ton œil mit l'étincelle. Si tu dois en jeter les cendres quelque jour, En serai-je plus mort? en deviens-tu moins belle? La souu'rance n'est rien. Le tourment le plus lourd C'est d'être un oiseau sans aile,

D'être un homme sans amour.


Va, prends ma vie, elle est à toi, je te la livre. Écris ce qui te plaît sur ce grand vélin blanc. Déchire, si tu veux, tous les feuillets du livre. Mange ma chair, bois mcn esprit, vide mon flanc. Mais vivons! c'est encor vNre

Que de voir couler son sang.


XXXI

ESCLAVAGE

Je t'aime, plus je te vois! Quand pour la première fois Je te vis, je fus sans voix. Devant ma vue embrumée S'étendit une fumée

Sensuelle et parfumée;

Ainsi monte du cuveau

La vapeur du vin nouveau Qui lend trouble le cerveau. Lorsque tu levas ton voile, Ton profond regard d'étoile M'entra jusque dans la moelle;


Tel un couteau d'acier dur

S'enfonce au cœur d'un fruit mûr. Je dus m'appuyer au mur;

Je tremblais de telle sorte

Que tu souris, toi, la forte,

Devant cette feuille morte.

Et, comme alors je sentis

Tous mes nerfs appesantis,

D'abord je me repentis.

Cil rire ptein de superbe

Retroussa ma lèvre acerbe.

Main soudain, vert comme l'herbe, ~eus, sous tes doigts souverains, Un froid qui me prit aux crins, A la nuque et dans les reins.

C'était fait, j'étais en proie Pris dans tes cheveux de soie, Je t'ai donne cette joie

De voir mes torts expiés

Car ma force est à tes pieds, Car tes yeux sont mes guêpiers

~0


Car devant ta beauté fraiche Mon orgueil fume et te lèche Comme un feu de paille sèche; Et je trouve qu'il est bien Que je reste à jamais tien, Toi la chaîne, et moi le chien.


XXXII

ABDICATION

Vous êtes le Seigneur, vous êtes la Madone. Rien ne me ~semble mal si votre voix l'ordonne. Les douze stations de ce corps sans défaut

Sont mon chemin de croix jusques à l'echafaud. Avec une de vos câlines attitudes

Vous obtiendrez de moi toutes les platitudes. Je commettrai, s'il faut ces fleurs à vos autels, Sept fois dans un moment les sept péchés mortels. Si vous désirez voir le soleil de l'orgie,

Je le ferai flamber sur ma trogne rougie.

Si vous voulez d'un grand héros porter le deuil, Je mourrai sceptre en main pour natter votre orgueil.


Si vous ne demandez que baisers et caresses, Je vous endormirai dans un lit de paresses. Si votre chair s'allume au désir libertin, Je saurai dépasser Pétrone et l'Aretin.

S'il vous faut des bijoux, de l'or, dp la p~'cune, Je volerai pour vous le soleil et la lune.

S'il vous plaît que pa<' moi l'Art dieu soit abjura, Aux métiers les plus vils je le prostituerai. Si le bonheur d'une autre excite votre envie, J'aurai le mauvais œil pour lui gâter sa vie. Si mon cœur vous distrait et vous sert de joujou, Vous pourrez le casser cauunc un objet d'un sou. Si d'un coffre-fort, plein vos vœux sont en résine, J'apprendrai san~ drgouL l'usure et, la lésine. S'il vous faut un bouquet de crimes pour vos seins, Je prendrai le couteau rouge des assassins. Si mon meilleur ami vous fait dire peut-être Pour le perdre a jamais je serai lâche et traître. Si de mon sang verse vous voulez boire un coup, Soyez la guillotine et coupez-moi le cou.


XXXIII

Dis-moi n'importe quoi porte-moi n'importe où Tout me plaira pourvu que ton désir le veuille. Pour moi, je ne sais plus vouloir et je suis fou. Tu seras l'ouragan et je serai la feuille.

Porte-moi n'importe où! dis-moi n'importe quoi! I Quel que soit le pays, l'instant et ton caprice, Je ne verrai que toi, je n'entendrai que toi. Le monde est un théâtre et toi seule es l'actrice. Dis-moi n'importe quoi porte-moi n'importe 1 Je ferai sans remords tes volontés sans cause. Tout rien n'importe quoi n'importe où Je suis fou. Je ne suis plus un homme, un moi. Je suis ta chose. Mon cœur n'a plus de vœu. Ton désir est le sien. Tu m'as versé le vin d'amour plein ma timbale. Comme l'initié du mystère ancien,

J'ai mangé du tambour et bu de la cymbale.


Hurrah! Que notre nuit toujours recommencée Soit comme une bataille aux aveuglants éclairs Qui fasse évanouir le jour dans mes yeux clairs Et tant mieux si ma mort doit en être avancée. Redouble de caresse et de rage insensée, Jusqu'à vider mes os, jusqu'à rompre mes nerfs Dans des spasmes pareils au rut fauve des cerfs. Fais saigner largement mon corps et ma pensée Tu peux m'ouvrir le ventre et me casser les reins. Frappe! Je ne crains pas la mort. Ce que je crains, Test que ta soif d'aimer ne soit pas assouvie Et je veux t'enivrer sans tin, jusqu'au moment Où, les yeux enarés, tu briseras ma vie

Comme un ouvrier soûl brise son instrument.

A CORPS PERDU

XXXIV


L'AMOUR MALSAIN

xxxv

Non, nous ne savons plus aimer comme nos pères. lis aimaient en lapins. Nous aimons en vipères. Ils avaient l'amour calme et faisaient des enfants. Nous, nos plaisirs fiévreux ont des nœuds étouffants. Notre bonheur n'est point le fade cataplasme; C'est le vésicatoire aigu qui donne un spasme. Nous voulons c3 qui tord, nous voulons ce qui mord, Et nous fouillons la vie en désirant la mort. La femme de nos vœux est courtisane et sainte, Un mélange infernal d'eau bénite et d'absinthe.

Nous cherchons le poison subtil et l'art nouveau Qui nous crispent les sens, les nerfs et le cerveau.


Nous sommes dégoûtés de l'épouse placide Dont le baiser n'est pas rongeant comme un acide. Vos amours, ô bourgeois, sont des fromages mous Le nôtre, un océan d'alcool plein de remous. Dans ce malstrom vorace et noir voguons sans trêve Vers le ciel fantastique où fleurit notre rêve Tout le vieux monde, ainsi qu'une vieille liqueur Rance au fond d'un flacon, nous fait lever le cœur. Notre espoir, dédaigneux des paradis antiques, Est en route pour (tes pays transatlantiques. Là-bas, c'est le sol neuf, étrange, absurde, fou! Nous voulons le trouver, nous ne savons pas où. Mais nous fuyons l'amour ancien comme une geôle, Et notre âpre débauche a l'inconnu pour pôle.


BRUMAIRE



t

SOXXET D'AUTOMNE

Ah l'automne vient aux amours comme aux années! On a beau n'y pas croire et ne l'attendre pas, La navrante saison arrive pas à pas

Et se fait un bouquet de nos heures glanées.

Dans sa robe flottante aux nuances fanées, Faite de velours jaune et de rouge !ampas, Sa chair de fruit trop mûr garde encor des appas Mais sa bouche l'odeur des pâtes solanees.

Ses grands yeux sont brouillés comme un ciel orageux. Orgueilleuse, méchante et folle, elle a pour jeux De tuer les oiseaux et d'arracher les feuilles. 0 mauvaise saison, semeuse de remords,

Te voilà donc! Bientôt, pour peu que tu le veuilles. Tous mes bois seront nus et tous mes oiseaux morts.


II

SES YEUX

Les beaux yeux bleus de notre reine Hier par ma faute ont pleura.

Je m'en accuse et pour ma peine En les chantant je veillerai.

Beaux yeux bleus aux lueurs profondes, Comment mes vers oseront-ils

Voguer sur les mouvantes ondes Que font vos changements subtils? Quelles nuances sont les vôtres ? Votre azur n'est pas un moment Comme l'azur banal des autres.

Vous êtes bleus étrangement.

Quand votre surface reflète

Un coin du ciel au ton très doux,


Je ne sais quelle violette

Fleurit, sombre et triste, au-dessous Et vraiment on ne peut pas lire Dans ce mélange qui se fond

Si l'espérance y va sourire

Ou si le regret pleure au fond.

Sous les brouillards de la colère Vous devenez noirs et couverts, Et quand la gaîté vous éclaire

Vous étincelez de feux verts.

Parfois c'est gris à fendre l'âme Parfois brûlant d'éclat moqueur; Puis, soudain, froid comme une lame Qui plonge en sifflant dans un cœur. Passe un rayon dans une larme, Rire du soleil sur la mer,

Et vos tristesses ont un charme Délicieusement amer.

Mais surtout, ô chère maîtresse, J'aime tes regards de velours,

Alors qu'à mon cœur en détresse Ils versent les opiums lourds,

N ,i


Et qu'ils font taire les querelles De mon désespoir soucieux Qui s'endort en ouvrant les ailes Dans le firmament de tes yeux.


t

Ne sois donc pas méchante, ô ma petite fille

C'est si doux, c'est si bon, vois-tu, d'être gentille! Nb me fais pas ta lippe, enfant souris-moi donc Qu est-ce que je t'ai fait? j'en demande pardon. Tu sais bien que c'est mal de t'obstiner quand même, Et qu'un tout petit rien fait souffrir lorsqu'on aime. Ton geste tle colère et ton dépit moqueur

Me font venir de gros sanglots au fond du cœur.

Ton regard qui me fuit, ta main qui me résiste, C'en est assez pour que tout le jour je sois triste. Viens, je veux a deux mains te prendre par le cou. Donne-moi tes baisers. Un ? Ce n'est pas beaucoup. Mais j'ai beau la baiser, ta bouche reste close. J'aimerais mieux avoir mâché du laurier-rosé.

III

123

4


IV

LA FORGE

Dans la forge qui s'allume Tu chantonnes en forgeant Avec un marteau d'argent, Et mon cœur est sur l'enclume. En veux-tu pour le bourreau Faire une tranchante epee ? Que la lame en soit trempée Av~-c mes larmes pour eau. En veux-tu pour ta poitrine Faire un bijou délicat?

Cherche au centre, ou se piqua Ton image purpurine.

En veux-tu faire des clous Lors il faudrait que tu prisses


Pour modelés tes caprices

Ou bien mes soupçons jaloux. Veux-tu l'arrondir en sphère? C'est le mouler sur ton sein.

ton désir assassin

Le forge pour n'en rien faire.

Tu ne veux que t'amuser,

Et tu frappes, forges, cognes

Pour voir mon cœur que tu rognes Sur ton enclume s'user.

Et tu ris comme une folle,

Quand, sous ton marteau vainqueur Du bloc rouge de mon cccur

Le feu vivant qui s'envolc,

Pétillant, éblouissant,

Semant d'étoiles la forge,

Vient éteindre sur ta gorge

Ses étincelles de sang.


v

Ses cheveux formant sa coiffure lumineuse, Elle se promenait, la belle matineuse-,

Dans le petit jardin planté de grands rosiers. Vous la trouviez si belle, oiseaux, que vous n'osiez, Voyant qu'elle rêvait, troubler sa rêverie Même de votre voix amoureuse et fleurie. Elle portait, la fée, une baguette en main. Nonchalante, parmi les herbes du chemin Traînant les plis brumeux de sa robe légère, On eût dit, sous le ciel très tendre, une bergère Dans un pays tout bleu, tout rose, tout riant, Ou la brise rimait des vers de Florian.

Quoi! c'est bien elle? où donc est son regard farouche Et le rire qui mord les deux coins de sa bouche? Je ne reconnaissais rien d'elle en cet instant. Mais tout à coup, parmi les rosiers s'arrêtant, Du bout de sa baguette ainsi que des rebelles Elle décapita les roses les plus belles,


M'en offrit une, la plus rouge, en rougissant, Et sourit de m'y voir mettre les doigts en sang Et, comme j'eneuillais la fleur dans sa poitrine, Ses yeux aigus m'entraient au cœur comme une épine.


VI I

FAÇON DE MADRIGAL u

Vous comptez trop sur mon amour Vos beautés vous rendent trop sure. La nuit vous pansez la blessure Que vous egrati~nez le jour.

Mais si j'aime trop ma blessure Pour renoncer a votre amour,

Je profiterai quelque jour

D'une heure vous serez moins sûre, Et pour m'enfuir de mon amour Prenant la route la plus sûre,

Je me ferai quelque blessure

Qui mettra tout mon cœur. a jour.


Alors, chère, soyez-en sûre, Vous pleurerez ce triste jour Ou je vomirai votre amour

Par la bouche de ma blessur


VII

LES DEUX LITS

Jadis, quand vous m'étiez doucc, Vous me faisiez de vos mains Un lit bien chaud dans la mousse, Plein d'œiiïcts et de jasmins. Aujourd'hui vous m'êtes dure Tous deux nous nous maudissons Et je couche a la froidure

Sur des peaux de hérissons.


VM!

LE DERNIER CADEAU

Lorsque je serai mort, mignonne, Je ne veux pas être enterré,

Car ma chair ne serait pas bonne Pour engraisser l'herbe d'un pré. J'ai trop pleuré.

Tu t'en iras chez les orfèvres, Portant dans un coin de ton drap Ma mâchoire, mon nez, mes lèvres, Mes yeux que ta main scellera, Et CtCtera.

Tu diras Voici l'héritage Que m'a laisse mon cher amant. Las il n'avait pas davantage. Mais tout cela vaut b'en vraiment Un dialnant.


Et comme leurs bouches épaisses Riront de nous et de ce troc, Tu mépriseras ces espèces.

Et tu laisseras là leur stock

D'objets en toc.

Mais tu feras de tes mains prestes, Avec quelques fils de laiton,

Dus bijoux taillés dans mes restes Pour ton doigt, ton oreille, et ton Rose téton.

Mus lèvres rouges comme braise En cercle dur s'arrondissant

Autour de ton doigt qui les baise Formeront un éblouissant

Anneau de sang.

A tes oreilles délicates

Mes yeux jaunes scintilleront Ainsi que de claires agates,

Et de tout près contempleront Ton beau col rond.

Mes dents, collier de perles fines, Aimant tes seins, iront entre eux Juste au milieu des deux collines, Ainsi qu'un ruisselet pierreux Dans un val creux.


Mais au lieu de la croix chrétienne, Comme un rubis plein de soleil Tu pendras au bout de leur chaîne Mon nez que mes pleurs au réveil Ont fait vermeil.

Et, parée ainsi qu'une idole,

Prenant pour avirons mes bras Et ma carcasse pour gondole, Aussi loin que tu le pourras

Tu vogueras,

Remontant, à la découverte

De nos anciens paradis,

Le ileuve noyés sous l'eau verte Flottent nos amours de jadis.

De prot'undis

~2


IX

JOURNÉE FAITE

Le temps n'est plus on nous allions courir les champs Pourvoir l'Aube frileuse en sa robe coquette Au seuil de l'Orient jouer a la raquette

Avec les flocons d'or des nuages changeants. Le temps n'est plus nous allions ouïr les chants Du peuple matineux qui sous les bois caquette. Midi lui-même est loin. Le soir brun s'empaquette Dans le manteau double de pourpre des couchants. Mignonne, il est bien tard déjà. Notre journée Dans le four de la nuit sera vite enfournée, Et bientôt notre amour dormira son sommeil. U s'éteint. Je le sens devenir une image.

Il est parti, l'oiseau matin, l'oiseau vermeil! J'entends chanter minuit, l'heure au sombre plumage.


x

BILLET DE FAIRE PART

Dcprot'undis! Monsieur, Madame Vous êtes priés d'assister

Aux funérailles de ma flamme

Que dans la terre on va porter.

Elle avait nom mademoiselle

Rosé, Blanche, Espérance, Amour. Mais elle n'était plus pucelle,

BiMi qu'elle eût sept ans moins un jour.

Hier, à dix heures et demie, Elle est morte d'un mot moqueur. Et peut-être aussi d'anémie, En son domicile, mon cœur.


De la part de son pauvre père, Qu'elle rendit heureux jadis Et qui maintenant desespère. Priez pour lui! De profundis


i37

Xt

L'HERBE SANS NOM

Je connais un pré rempli De marguerites fanées,

Où, parmi les solanees,

Pousse l'herbe de l'oubli. Cette fleur au suc étrange Verse le sommeil épais r)

Et procure un peu de paix Au malheureux qui la mange. Lorsqu'un loup vorace mord Un agneau, la pauvre mère En broutant la plante amère Plus ne pense à l'enfant mort. Contre la voix carnassière Du vieux souvenir vainqueur


Qui hurle au fond de mon cœur, J'ai cueilli l'herbe sorcière.

Dans le plus grand plat qu'on eut Je l'ai mangée en salade.

Je me suis rendu malade

Mais l'oubli n'est pas venu.


Quand je suis loin, je suis cependant près de toi, Car toute ma pensée habite sous ton toit. Comme un bélier laissant de sa laine à la crèche. J'ai laisse des baisers chauds sur ta ~org-c fraîche. J'ai beau ne point t'avoir près de moi; si je veux, Mon souftie peut d'ici chanter dans tes cheveux. C'est en vain que l'absence a mes mains te dérobeJe suis sur que tu sens mes mains froisser ta robe. Mes désirs caressants trament dans tes chinons. Tu dois me voir passer dans tes miroirs profonds. Mon amo.n' a mure ton corps dans une ~dôlc. Mon souvenir jaloux t'a ma~uee a l'épaule. Mon souvenir te tient comme dans un ~luau. Cette chemise en soufre est collée a ta peau.

XH


Le jour, quand ton pouls bat la charge de la Uèvre C'est que mon souvenir vient te mordre a la lèvre. Le soir, quand ton sang bout comme un damne d~nfer Ccst que mon souvenir vient allumer ta chair. La nuit, quand ton sommeil est un combat sans trêves C'est que mon souvenir vicnt violer tes rêves.

LES CARESSES


XIII

AIR RETROUVÉ

Uien M'est fini. Tout recommence. Rupture toujours ajournée

C'est comme un vieux bout de romance Qu'on chanta toute une journëf. Un moment on croit qu'on l'oublie. On marche sans en avoir cure. Mais la ritournelle abolie

Couve dans la mémoire obscure. Un beau jour qu'on prête l'orci))e A des bruits vagues, l'on s'étonne D'entendre la petite .abeille

Qui dans sa rucbc encor chantonne.


Et voità qu'on redit sans trêve Le bout oublié de romance.

On retourne à son ancien rêve. Rien n'est uni. Tout recommence.


XtV

REGAINS

Le fruit mûr tombe en automne, L'arbre sec meurt en hiver; Et c'est pourquoi je m'étonne De la fraîcheur monotone

Qu'a notre amour encor vert. Oui, depuis plusieurs années Que notre Avril est passe Bien des fleurs se sont fanées, Bien des herbes, qui sont nées Avec nous, ont trépasse.

Plus d'une espérance foltc

A germé sous notre ciel,

Puis, triste, a clos sa corolle Sans qu'une abeille qui vole Y vînt parfumer son miel.


Nos voluptés apaisées

Ont ressemblé bien des fuis Aux feuilles mortes, brisées Par la lourdeur des rosées Qui sont les larmes des bois. Tes rancœurs et mes colères, Comme un soleil irrité,

Ont tari des sources claires Où nos bêtes familières

Aimaient à boire l'ett'

Capricieux et sans causes, Tes feux en glace changes Ont, Thermidors et Nivôses, Tour à tour roussi des roses Et gelé des orangers.

Mes désirs fous et sans trêves, Comme des vents furibonds Ont disperse sur nos grèves Le sable uni de tes rêves

Dans leurs vertigineux bonds. Et malgré tout, ô mignonne, Maigté le soleil, l'htver,

L'orage, le vent, l'automne, Dans son Avril monotone Notre amour est encor vert.


Notre amour est la prairie

Où, malgré les fenaisons,

L'herbe n'est jamais flétrie, Et la luzerne fleurie

Qu'en chantant nous y faisons A des pousses toujours fraîches, Regains jamais épuisés,

nous menons hors des crèches Paitre loin des herbes sèches Le troupeau de nos baisers.


XV

LE VIOLON

Mon cœur est un viuk'n

Sur lequel ton archet joue,

Et qui vibre tout du lon~,

Appuyé contre ta joue.

Tantôt l'air est vif et gai i

Comme un refrain de fulie,

Tantôt le son fatigue

Traîne avec mélancolie.

C'est la chanson des baisers

Qui d'abord court, saute et danse, Puis en rhythmes apaises

S'endort sur une cadence.

.1-~

C'est la chanson des seins blancs Qui s'enilent comme des vagues,


Puis qui se calment, tremblants Comme un lac aux frissons vagues. C'est la chanson de ton corps Qui fait chanter ses caresses, Puis s'éteint dans des accords De langoureuses paresses.

C'est la chanson qui rend fou. Rends-moi fou, ça te regarde Mais si tu fais trop joujou

Sur le violon, prends garde Prends garde! Famé est debout; Les quatre cordes, tordues

Sur les clefs tout près du bout, Jusqu'à casser sont tendues.

Et pourtant, ô fol archet,

Sur ces cordes tu gambilles

Comme ce clown qui marchait En dansant sur des coquilles. Tu vas, tu les prends d'assaut, Et tu mords leur nerf qui vibre Et tu bondis, et d'un saut

Tu leur fais grincer la nbre Et pleurant a pleine voix,

Pour si peu que tu le veuilles,


Les cordes, l'âme et le bois.

Tremblent ainsi que des feuilles. A force de t'amuser

En caprices trop agiles,

Tu finiras par user

Les pauvres cordes fragiles.

Rompu comme un vieux tremplin. Déjà le bois perd sa force,

Et sur l'âme qui se plaint

II se fend comme une écorce. Un jour, sous un dernier coup, La merveilleuse machine

Entre tes doigts et ton cou

Laissant craquer son échine, Dans un tradéridera

Ou quelque autre galipetc

L'instrument éclatera

Comme une bulle qui pète.

Prends garde le bois méchant Entrera dans ta main doucf; Les cordes en se lâchant

Te cingleront la frimousse.

Alors rarchct,mais en vain. Hegrettera ses folies;


Car du violon divin

Et des cordes abolies

II ne te restera plus

Qu'un trait bleu sur ta peau mate, Des repentirs superflus,

Et puis du san~ la patte.

~3.


XV!

RÉVOLTE

J'étais las, je m'éloignais,

Quand tu m'as pris les poignets. Je t'implore;

Mais, serrant tes doigts nerveux, Tu me dis Non, je le veux, Reste encore.

Puis, comme j'osais nier

Que je fusse prisonnier

Et ta proie,

Tu m'as mis deux bracelets Faits de tes cheveux follets, Or et soie.

Et, vaincu, je suis reste,

Abdiquant ma liberté

Reconquise


Et,lâche,j'ai derechef

Ployé mon cœur et mon chef A ta guise.

Toi, tu t'amuses beaucoup De ta force encore un cou p Saine et sauve,

Et tu dis que mon orgueil Se dompte au doigt et a l'œil Comme un fauve.

Mais approche, et tu verras Que les muscles de mes bras, En pelotes,

~onH(''s, plus durs (me du fer, Sont prêts a jeter en l'air l' Les menottes.

Songe a ma force. Tu sais Avec (mois poids insensés Ma main jongle.

Songe, et tremble, tu le dois Car le sang perle à mes doigts Sous chaque ongle.

Lis dans mes yeux: on y lit t Que la colère m'emplit

Ftbre a nbre,


Qu'à la fin je suis à bout, Et qu'en moi le désir bout D'être libre.

Donc, folle, ne ris pas tant Il est tout proche, l'instant, Le suprême,

je hroîrai sans rien voir M'~u amour et ton pouvoir Et toi-nrx*'me.


XVtl

LHS POISONS I~FTtLES

J'avais pris en debout les fadeurs de la rosé, X~tiotropes, lis, violettes, œillets.

(.'rtaient les sombres Heurs que de pleurs on arrose. ~Y-taient les Hpurs de deuil qu'en ce temps je cueittais. Absinthe blanchissante aux feuilles découpées, <hnbeHcs de ciguë à l'ombre des vieux murs, Lm~ues de jusquiame avant des nls dY'pees, )'<))nmes de mandragore, astres des lieux obscurs, Hi~'bore de nuit qui rosis les collines,

Aconits d'or, ors verts, ors jaunes, ors vermci!s, i)atura, dont le fruit armé de javelines

!!<'rce en son orbe creux un nid de lourds sommeils, totale blanc pique de points noirs, belladone, t't'~ursd~ deuil, fleurs de mort, embaumant les poisons,


Vous formiez le bouquet dont cornais ma Madone, Vous qui soûlez les cœurs et tuez les raisons. J'espérais la dompter quand elle serait morte, Et je comptais ainsi n'en être plus jaloux. Mais plus que vos poisons la Madone était forte. Elle riait, montrant ses dents comme les loups; Elle noyait sa face au fond de vos calices, Buvait a pleins poumons la mort qui débordait. Et sa bouche si rosé, avec d'après délices

Était plus rose encor quand elle vous mordait.


XV 111

Sur mon beau jasmin d'Espace Trois oiseaux de la campagne Ce matin se sont posés.

-Fai dit:–Puistptcje vousio~e, Ct)ante/-n]oi deux mots d'eto~e Pour ma mie et ses baisers. Le pinson et l'alouette

Ont fait une pirouette,

Et sont partis tout a coup.

Le troisième, d\m air grave, Pour qu~cn mon cœur je le ~ra\e, Reste et dit Coucou coucuu


XtX

Et pourtant lu marguerite

On notre amour est écrite,

Blanche autour d'un bouton d'or, La fleur charmante et fatale

Toujours au dernier pétale

Dit que tu m'aimes encor.

Elle dit, la pâquerette:

Un peu, beaucoup; et s'arrête Avec passionnément.

Mais c'est une fleur, et dame Une fleur n'est qu'une femme. Peut-être bien qu'elle ment.


JALULSIE

Ah! n'uHanic pas la luHc,

Desdcmona,

Caritierenmoi la brute

Se démena.

Dans la cag-e, ton alcôve,

Gare au danger!

~îa jatousic est un fauve

Qui peut mander.

Une rage me rend ivre

En y pensant,

Et mes yeux couleur de cujvrc Sont pleins de sang.

Je sens grincer mes mâchoires. Tu le sais bien

1t


Que dans mes colères noires

Je ne vois rien.

J'oublierais tout, notre joie, Tes baisers irais.

Tu ne serais qu'une proie Que je mordrais.

Ou, comme Othello le More, Comme je dois,

Je prendrais ton cou d'aurore Entre mes doigts,

Et ne voulant pas, farouche, T'ouïr crier,

Je te mettrais sur la bouche Un ore'Mer.


XXI

LE CARNET

Ah je suis une canaille

.!<'ne sais rien garder pur.

J'avais un carnet d'azur

Avec des coins en écaille.

Sur le papier japonais

Plus fin qu'une peau de rousse, Fleurissait toute une pousse De rondeaux et de sonnets. Comme une bande ecoliere Les vers peuplaient ces buissons. Le carnet plein de chansons Avait l'air d'une volière.

Mais un matin, jetais fou.

Pour que son bec la saccade.


Je fais entrer dans la ca~c La jalousie, un hibou.

Et tous mes chanteurs d'aurore Ont été mangés par lui.

Les plus alertes ont fui

Et je les attends encore.

Sur mon carnet, sur le sol Où s'effeuillaient lis et roso~ Sur ces délicates choses

.1'ai versé du vitnoL


X\N 1

Li; n m'or ET

Dans un verger d'avril tout peuple de ileurs brèves J'ai dépouille ~aiment l'arbre où croissent les rêves. <

Avec un beau ruban du bleu le plus coquet, Pour porter sur mon cœur j'en ai fait un bouquet. Puis je l'ai mis dans l'or, au milieu de ma chambre Qu'il emplissait d'anis, de miel, de poivre et d'ambre. J'ai humé les parfums capiteux et subtils

Et j'ai mêlé ma bouche au pollen des pistils. .!e me suis endormi soûl d'un sommeil c'tran~e, Pendant lequel j'ai cru que j'épousais un an~-e.

Tous ses dcsn's étaient pour les miens complaisants. Kt !p son~o a (mrc (tf's jours~ f'ps mois, <1fs ans.


~!ais lorsque je me suis réveillé de mon somme L'ange était une femme et se moquait de l'homme: Et mon bouquet sptendidc, avec son rêve fou, Etait noir et fane comme un bouquet d'un son.


XX! H

Sous son joug las déployer, De gros pleurs sous la paupière, Je dis: –Je vais me noyer. Elle dit: Prends une pierre. Je mis ta pierre à mon cou; Mais le nœud fait, je raccorde. Ne me serrait pas beaucoup. Elle dit Tire la corde.

Un ruisseau contait tout près, Un gué, clair comme une ~tace, Très peu d'eau, fait tout exprès. Elle (ut: Changeons déplace.

Plus loin, dans un entonnoir, Boulonnant avec colcr~

L'<'au faisait un ~rand trou noir. Elle dit- Voici t'apure.


Je dis: Quoi! dans un tel puits! Mais c'est la mort sans ressource Elle dit Qui sait?. Et puis Elle empoisonna la source.


XXtV

xrïï !/ADn:r

Dans!es hoisroux, dans !esj)oiss<~))'))<. Kntemts la c!mnso!t monotonp

D''s!)iscsd'octol)t'< aux vj!s !nurds. Les bois cnLcrr~nt (!ans l'automne Leurs amours.

Ah! dans mon cœur qui se rr'cupi!!p Pkm'cuu c!iant plus sourd, quaud j<' \t'i~ Sous ta main lourde qui Ipscuci))'' Tomb.'r nos bonheurs d'autrefois Feuiuc a feui!!p.

J~ v~ux t'aimer encore. Attoids' i.a sève i)out sous mon ecorcc.

.veux, comme 't notre priutonj's. Ht'verdir.J'ai toute ma rot't'p

nevit~t ans.


0 mignonne, aime-moi toi-même, Reviens au vieil amour vainqueur. L'arbre vit d'un bourgeon suprême. Avril dure aux rosés (!u cœur Quand ou aime.

Et si notre amour n'est plus vert. S'il perd ses brandies a la bise, Au moins dans l'atre lar~e ouvert (~haunbns a son bois qui se brise Notre hiver.

Que notre nuit d'adieu rougeoie C<mm)e le vin. la pourpre et l'or. 1-lamme t'olle, Hambe. flamboie! <Jup('e <leruier l'eu soit encor l'~eude joie.


XXV

t.)M'l-KHE.\C.l-;

J'étais tout pantelant cm~or de ses caresses, tmpren-ne de l'odeur su))tile de ses tresses, l~.u'Iume de sa. peau, brûlant de ses baisers; Et ies hoquets d'amour, un i un apaises,

Dans ma ~or~-e ratante avec des plaintes doucfs A penie assourdissaient leurs dernières secousses. Quand elle se leva, calme, l'air somnolent. EMe ne m'embrassa pas même en s'en allant. !.a-l)as, près du miroir, sans jouir de ma joie, Elle remit nonchalamment ses bas de soie, Connue, après le dessert da)is un dmerl)a)~al, La bourgeoise en causant met ses ~'ants pour le bal. Et je sentis alors l'abominaltle doute

Au profoud de mon cœur s'iutiltrer goutte a goutte; .)e cotnpris ce <)ue sa froideur me laissait voir. Que son amour pour moi n'était {dus (m'mi devoir, Qu'elle ne savait plus la volupté jalouse.

Que la maîtresse cntin prenaU des airs d'épouse.


)

1 ~s S U M M K

Ah! 1'-sommeil aussi main~-nant m'est un leurre. P:einde regrets, comme mi cadavre est plein de vers, Je veiiïe, le corps veule et l'esprit a l'envers. Aucun son~e riant de l'aHe ne m'efUeure.

Et j'econte sonner la donne après riienre,

L'heure après la demie, et toujours, a travers Les ténèbres, mes yeux restent tout grands ouverts. Comme le jour est 'ong a venir, quand on pleure! Du temps que nous dormions l'un à l'autre enlaces, Quoique las, nous trouvions qu'il venait vite assez. Même il venait trop tôt dans nos nuits d'insomnie. Mais mon cœur n'ayant plus le tien auprès uc lui. L'attente du matin me pc rait infinie.

Connue le jour est lon~ a venir aujourd'hui!


169

xxvn

LES SORCIÈRES

0 colère, ô jalousie,

Sorcières aux doigts crochus, A la hgure roussie,

o 1

Anges des amours déchus, J'ai pénètre dans votre antre Pour savoir la vérité.

Le cœur malade on y entre, On en sort le cœur bâté.

Vous m'avez dans votre filtre Et votre noir alambic

Distillé rhonible philtre

Qui me mord comme un aspic. Dans votre infernale forge Dont la haine est le marteau,


Votre patte a pour ma ~or~e For~e le (il d'un couteau.

Et c'est avec votre lame,

C'est avec votre liqueur,

Que j'ai meurtri ma pauvre dme Et soûle mon pauvre cœur. Sorcières de la caverne,

0 gueuses, je vous maudis. Vous avez fait uu Avertie

De mou divin paradis.


X\V!H

SOÏ'IURE POLI

Je regrette le temps nos deux cœurs jumeaux Se querellaient. Un rien vous mettait en colère. Vos caprices, changeants comme un spectre solaire, Boudaient, criaient, mordaient ainsi que des marmots. Aujourd'hui, dans vos yeux plus durs que des émaux, L'orgueil calme fleurit tel qu'une fleur polaire. Indifférente à tout, votre humeur me tolère

Et ne se cabre plus sous l'éperon des mots.

Ah! qu'un éclair de ra~e en tes regardf s'allume! Fâche-toi! frappe-moi! prends mon front pour enclume Déchire-moi le cœur en lambeaux mang'es-en!

R<veH)e-toi, terrible. en tigrcssc des jungles! ~!ais ne me jette pas avec l'ai'~ méprisant Ce sourire poti, pott comme tes on~tes.


XXIX

~!on cœur fut un fruit dans une haie, Un beau fruit sanglant comme une ptaie.

Chantez! l'automne s'en va. Le petit oiseau

Sans ~rain et sans eau

Un beau matin se trouva.

Pour voir s'il est mur, toutes les filles Ont piqué le fruit de leurs aiguiller.

Chantez! l'automne s'en va. Le petit oiseau

Au bout d'un roseau

Ferma son aile et rêva.

Une mit le fruit entre ses lèvres. Or ie fruit ~ate donnait les nevres.


Chantez! l'automne s'en va. Sans grain et sans eau, Au pied du roseau

Le petit oiseau creva.

Pourquoi me mords-tu? Mais la cruelle Mange tout le fruit. Tant pis pour elle

)


XXX

LA MORT DE L'AUTOMNE

Au vent du nord Qui If hatonne,

Le pauvre Automne Fuit sans remord. Le vent le mord. Lui dans sa tonne Se petotonne.

L'Automne est mort Et son glas tinte Comme une plainte Dans tes derniers Refrains de fête. Adieu, paniers!

Vendante est faite.


XXX t

Le cadavre est lourd Qu'en mes bras je porte. Car !na pauvre amour Est morte.

Loin, bien loin d'ici

Que la mer m'emporte! Qu'eue emporte aussi La morte!

Loin! iHautm'enfuir. Au diable! n'importe! Je veux enfouir

Ma morte.


XXX H

Ah c'est en vain que je m'en vais Je pourrais fuir dans les étoiles, J'emporte, figé dans mes moelles, Ton souvenir doux et mauvais. Dans les labeurs et les paresses Ton souvenir me liante seul. Tu m'as cousu dans un linceul Fait de baisers et de caresses. Partout ton souvenir me suit, Femme, car ton souvenir pue, Odeur suave et corrompue,

La chair, la mer, le rut, la nuit.


XXX! H

LE BATEAF KOIR

Je veux prendre un bateau sans bousso!e, Sans rames, sans agrès et sans voiles, Pour aller, sous un ciel saus étoiles, Chevaucher lut hasard la. tncrfoMe.

0 vapeur, hous ettturle avec ra~e!

Tourne,tourne, âpre vis de Mtelice! Sifuet, crie avec joie et detice,

Comuic un pétrel repu dans l'orage. Au branle étourdissant des marées,

MouiHe par les embruns et la pluie, Les yeux pleurant de sel et de suie, Dans les glaces du Nord démarrées, Dans les puits des malstroms qui tournoient. Dans les rocs des ecueils aux dents noires,


Près dos requins ouvrant leurs mâchoires, Tombeaux vivants (tes morts qui se noient,

Crevant de faim, de soif et de fièvres, J'irai je ne sais où, seul, farouche, Et peut-être qu'alors sur ma bouche Je n'aurai plus !e ~oùt de tes tevres.


M Y 0 SE



Le cicl est transi.

Sur la terre nue

La neige cs~ venue. Sur mon cœur aussi. Dans t'air obscurci

Les feuittes dernières Routent aux ornières. Mon bonheur aussi. 11 fait froid ici.

Les caiUes, les prives, Ont quitte nos rives. Ma maîtresse aussi.

<()


il

LE PLAT DE FAÏENCE

Notre amour fut semblable à ces plats de faïence Fon voit des pays fantastiquement bleus,

Des oiseaux à trois becs, des arbres onduleux, Des saints dont l'œil qui louche est ravi de croyance, Des buveurs digérant un jambon de Mayence, Des chiens verts sous lescluels on lit Cy/ sont des leups, Des chevaux imprévus au profil fabuleux,

Des rois enluminés d'une rouge vaillance.

Notre amour fut pareil, bizarre et précieux,

Un étrange pays sous d'impossibles deux,

Un plat bariolé de rêve et de féerie.

Plus d'un mets savoureux y fut bien fricassé, Nous y avons mangé des baisers en frairie.

Mais je l'ai laissé choir par terre. Il s'est cassé.


Il [

LES SOMNAMBULES

Quand on est amoureux, on vit A la façon des somnambules

Qui vont, plus levers que des bulles, Sur le bord des toits, l'œil ravi. Le bord glissant comme de l'huile Est sûr et ferme sous leurs pas. Le gouffre est la, qu'ils ne voient pas, Au bout de la dernière tuile.

Ils marchent les bras en avant Comme s'ils priaient les étoiles, Et ne sentent pas dans leurs moelles Monter le vertige énervant.

Débarrasses des lois physiques Un aveugle instinct les conduit.


Les précipices de la nuit

Ont pour eux de douces musiques.

La brise qui leur parle bas

A n'avoir pas peur les engage. L'infini leur tient un langage Que le monde ne comprend pas. Soutenus par un souffle étrange Ils cheminent, silencieux,

Comme s'il allaient dans les cieux Partir avec des ailes d'ange.

Ils vont ainsi jusqu'au moment Où, d'un cri perçant leur oreille Quelqu'un qui les voit les réveille, Et rompt le charme brusquement. L'ange s'enfuit Reste la bête, Qui, soûle encor d'avoir rêve, Chancelle, et va sur le pavé Sanglante se casser la tête.


C'est bien fait! Je me suis conduit comme un oison. Au lieu de suivre en paix le fil de la rivière, J'ai fait le beau plongeur au fond d'une englivière Où les limons bourbeux s'entassaient à foison. J'en suis sorti sans souffle et pris de pâmoison. Malgré mon cœur si fort et mon humeur si fière, On dut me rapporter au dos d'une civière. J'étais bleu comme si j'avais pris du poison. Et voilà ce que c'est que de n'être pas sage Je n'avais qu'à flotter, admirant au passage Les arbres, les coteaux, les nuages, le ciel. J'aurais nagé longtemps, les yeux ravis d'extase. Le courant me berçait aussi doux que du miel. J'ai voulu voir le fond, et j'ai bu de la vase.

PLONGEON

IV <

~6.


v

Du pic de la cime haute

Je suis tombé comme un fou Et me suis rompu le cou.

C'est bien fait, car c'est ma faute.

Je n'avais qu'à rester coi.

Mais j'ai voulu, trop rapace. Saisir le bonheur qui passe

Et le retenir. Pourquoi ?

Dans le ciel, à tire-d'aile,

Comme il planait d'un vol sûr, Je pouvais bien dans l'azur

Le suivre d'un œil ndèle.

Mais, plein d'un fauve appétit, Sans calcul, sans frein, sans règle, J'ai fait comme le grand aigle Qui veut nourrir son petit.


En voyant s'enfuir ma joie, J'ai voulu la raccrocher, Et j'ai contre le rocher

Brisé moi-même et ma proie.


VI

LE DOMPTEUR

Parce que ces fauves lions,

Les rhythmes, les mots, les idées, Ont courbé leurs rébellions

Sous nos paroles décidées,

Parce que nous avons le sort

D'être des vainqueurs qu'on acclame Et de dompter même la mort,

Nous espérons dompter la femme. Et c'est en chantant des chansons Comme un oiseau dans le bocage, Sans peur, sans regrets, sans frissons, Que nous pénétrons dans sa cage. La tigresse, en effet, pour nous Oublie un instant sa colère.


Elle vient, douce, à nos genoux, S'étonne, renâcle, et nous flaire. Elle sent comme un vague effroi En comprenant ce que l'on ose, Et met sur la main de son roi Le baiser de sa langue rose.

Humble, elle allonge sous nos pieds Sa souple échine qui se courbe. Mais nos gestes sont épies

Par un regard chargé de fourbe.

0 bête, je te vois encor,

Quand ta verte prunelle oblique Me jetait dans un éclair d'or Une menace famélique.

J'aurais dû sentir le danger,

Car tu crispais tes griffes noires, Et le désir de me manger

Te faisait grincer les mâchoires. Le fouet de ta queue en courroux Flagellait tes deux flancs sans trêve, Et tu ridais ton muffle roux

Pour miauler d'une voix brève.

Dans ta gorge aux rauquements sourds Grondait une rage etoufîee.


Mais, calme, je chantais toujours, Sûr de ma force comme Orphée. N'ai-je pas l'instrument vainqueur Qui charma le fauve et la bête?

N'as-tu pas, pour l'entendre, un cceur? On ne mange pas le poète

Oui, tu cèdes. Malgré ta faim,

Devant le dompteur tu te vautres. Victoire! Mais voici la fin

Je fus mangé comme les autres.


Après tout, est-ce tant ma faute? Elle savait Que ma mauvaise tête a l'orgueil pour chevet, Que mon cœur est brutal comme un oiseau rapace, Et que je suis jaloux même du vent qui p:tsse. Elle savait qu'un rien fait flamber un éclair Sauvage dans mon œil de métal jaune et clair. Elle savait mon sang plus bouillant qu'une lave. Alors, pourquoi m'avoir traité comme un esclave Elle m'a trop bâté, tant qu'à la fin d'un coup J'ai redressé la tête en cassant mon licou.

V11


V1U

L'ARMADA

Sur une mer cramoisie

Aux feux roses du levant

Quand j'ai lancé dans le vent Les nefs de ma fantaisie,

Tous ces bateaux amoureux, Plus frais qu'une matinée, Sur la vague satinée

Avaient un ciel fait pour eux. Ils voguaient à pleines voiles, Et les chants des matelots Faisaient sourire les flots

Et se pâmer les étoiles.

Tous les parfums de l'avril Doraient l'azur sur leurs têtes.


Ils ignoraient les tempêtes, Ella peur,et le péril,

Et les trombes abhorrées,

Et le mistral, et l'autan,

Et les banquises flottant

Sous rhalcinc des Dorées. Mais un jour de noirs soupçons, De jalousie et de rage,

La grande voix de l'orale A fait taire leurs chansons. La mer, comme une meg'ere Bondissant les crins épars, Aux values, ces léopards, Jeta la Hotte légère.

Et, meurtris sur les ecueils, Mes bateaux sans mats ni voiles Font sous les pleurs des étoiles Une armada de cercueils.


IX

PEINES PERDUES

Hélas pourquoi ces pleurs dans mes yeux que j'essuie Et pourquoi ces soupirs dans ma ~orgc crevant ? Je ne puis rappeler le passé décevant,

Ni ranimer le feu dans l'àtre plein de suie.

L'amour s'est envolé, la flamme s'est enfuie. A quoi bon soupirer, pleurer, en y rêvant, Comme un hautbois plaintif qui se nourrit de vent, Comme un vieux toit rompu qui se repaît de pluiu? Ah! pauvre cceur trouble de regrets, de remords, Tes soupirs rendront-ils le soumc aux oiseaux morts, Et tes pleurs feront-ils s'épanouir des roses '? An tond de ta douleur tu peux les latsscr choir. Soupirs et pleurs, tout est stérile. Tu n'arroses Qu'un linceul, et pis même encore. ton mouchoir!


x

Homme aux yeux cruels, prends garde! Tu nous écrases Regarde

Nos cadavres sous tes pas.

Tu pleures et tu t'irrites.

Nous sommes les marguerites.

Pitié Mais tu n'entends pas.

Si, je vous entends, menteuses. 0 peuple d'entremetteuses,

Sois-tu donc anéanti

Mourez sous mes mains brutales C'est en comptant vos pétales Que ma maîtresse a menti.


\t 1

J'ai rencontra le coucou

Qui m'avait dit Casse-cou. Il chantait, le bon apôtre! Son amour étant fini,

II avait quitte son nu);

Mais il couchait dans un antre. Chante, coucou, tu fais bien. Sans penser au nid ancien Dans le nouveau tu te vautres, Et pour toi rien n'est fini. Moi, d'avoir quitté mon nid, Ça m'a de~oût6des autres.


Que ta manresse soit ou blonde, ou rousse, ou brune, Quelle vienne d'en liant, ou d'en bas, ou d'ailleurs, Crains l'abandon certain promis par les railleurs. La femme et ses désirs sont rentes par la lune. Tous les amours du monde ont une fin commune. Ta maîtresse prendra (te tes ans les menleurs Et les ettcuillera sous ses doigts gaspilleurs. L < femme est un danger quand on n'en aime qu'une. Aime-les toutes, c'est le parti le plus sûr: La brune aux yeux de nuit, la blonde aux yeux d'azur, La rousse aux yeux de mer, et bien d'autres encore. Ne nxc pas ton cœur a leurs cœurs décevants, Mais change L'homme heureux est celui que décore Un chapeau d'amoureux qui tourne à tous les vents.

A MAURICE BOt'CHOU

X!!

n.


xm

PLAINTES COMIQFES

Sous la bise aigre

Qui mord,

Notre feu maigre

Est mort.

L'affreux décembre

Gelé

Dans notre chambre Je l'ai.

Rempli d'un sombre Effroi,

Tout seul dans l'ombre J'ai froid.

Hdas! que n'ai-je

Du feu


Contre la neige

Un peu! m

Opiniâtre

Espoir

Car le pauvre âtre Est noir.

En vain mon âme Attend

La rouge flamme D'antan.

Sous lit bise aigre Qui mord,

Notre feu maigre Est mort.


X!V

BALLADE DE BONNE RÉCOMPENSE

A qui, civil ou militaire,

A pied, même en aérostat,

Trouverait le mot du mystère

Par où mon être s'enchanta,

A qui m'appellerait bêta

De pleurer encor quand j'y pense, A celui-là j'oure recta

Quarante sous de récompense.

A qui, de Montmartre à Cythère, Trouverait, pour qu'il l'attestàt, Fille de gueux ou de notaire

Plus belle d'un seul iota

Que la maîtresse qui fit à

Mon cœur le grand trou que je panse, A qui de ses yeux s'abrita,

Quarante sous de récompense


A qui rapporterait de terre,

Ou du ciel que mon vol tenta,

Mon dernier espoir, solitaire

Loin de celle qui me quitta,

Las dans n'importe quel état,

Je lui garnirais bien la panse,

Pourvu qu'il me le rapportât.

Quarante sous de récompense 1

E~VOI 1

toi qui commis l'attentat,

Femme, voici pour la dépense

De la croix de mon Golgotha

Quarante sous de récompense.


XV

Je veux chanter ma folie

En jouant du mirliton,

Mettre A ma mélancolie

Un nez en carton,

Et rire, et faire des frasques, Sauter, crier dans un bal,

Suivre le troupeau des masques, Comme un carnaval.

Je donnerai la venette

Aux épouses des badauds

En pinçant leur gorge honm'tp Dans le bas du dos

Et je casserai les vnres

Avec mes poings et mes pieds; Je serai le roi des pitres

Et des hurluhiers.


Mais en vain je fais le brave Et je raille mes chagrins Ils dominent d'un ton grave Le bruit des crincrins.

Mes sanglots de douleur folle Otit crevé le mirliton,

Et mon flux de pleurs décolle Le nez en carton.


Les vrais crucifies ce sont les amoureux

Ils sont cloués vivants aux bras de la femelle Lapine dérisoire à leurs cheveux se mêle

Le san~ perle en sueur sur leur front douloureux. Et. quand les routes pleurs tombent de leurs yeux creux, Aucun ange ne vient rafraîchir d" son aile

La brûlure du trou b(''ant a leur mamelle.

Un Dieu n'entrouvre pas le ciel exprès pour eux. Pas même un bon larron Gcl~otha solitaire! Le désespoir qu'ils ont au cœur, il faut le taire. Ou, s'ils osent crier La~y/M S~ac<Aa~Leur croix, la femme, au vent railleur se prostitue; Et, sentant qu'avec eux leur amour est uni, Ils meurent en doutant de la foi qui les tue.

LES

XV!

CRLC1FIÉS


X Vit

L II 0 T K

A quoi bon insulter l'amour quand il s'en va? Quand il quitte. le seuil, 'nsulte-t-on son hôte ? S'il ne tut pas aussi constant qu'on le rêva, ~'est-ce pas notre faute ?

L'avons-nous bien ~arde des besoins, de l'ennui? A-t-il trouve chez nous les choses qu'il préfère? ~'a-t-il pas a se plaindre? Avons-nous fait pour lui Tout ce qu'il fallait faire ?

crois avoir dom~' pourtant tout ce que j'ai. M eut toutes les clefs sans aucune défense. Je ne ménageais rien pour qu'il fût héberge Connue un ami d'enfance.

Il mangeait a son gré, buvait comme un sonneur, Autant qu'il en voulait, de mon vin délectable.


Je le faisais asseoir à la place d'honneur

Au bon bout de la table.

Je lui laissais cueillir mes roses a foison. Je le menais chasser au bois et sur la lande. Il couchait dans le plus beau lit de la maison, Dans mes draps (le Hollande.

Mais il faut bien le dire aussi, comme un marmot Je me levais parfois grincheux, l'humeur mauvaise, Et je restais des jours entiers sans souftler mot A bouder sur ma chaise.

Ma jalousie avait des désirs exigeants.

Il jurait de n'aimer que moi seul; mais n'importe J'étais en rage quand il parlait à des ~ens Sur le pas de la porte.

Comme il me repondait par un rire moqueur, J'excitais contre lui mes colères malsaines, Je l'appelais ingrate oublieux, mauvais cœur. Je lui faisais des scènes

Si bien qu'un triste soir où je l'avais blessé, Ses yeux ayant pleuré, la porte étant ouverte, Il est parti sans rien me dire et m'a laissé Dans ma maison déserte.


Je crus qu'il reviendrait. Sans doute il aurait dû Me pardonner ma faute et n'avoir pas rancune. Mais non Et me voilà seul comme un chien perdu Aboyant à la lune.


XV) H I

vivre? Dans queUe omhre Etounermou ennui?

Met. tristesse est ptus sombre Que la nuit.

OH mourir? Sous queHe onde Noyer mondeuH amer? '?

~ta peine est pms profonde Que la mer.

fuir? De quelle sorte Egorger mon remord ?

Ma domeur estptus forte Que la mort.


X!X

LE MAr~IT

J'ai men< tTKnichagrn~ maudit dans les prairtes On je me suis route, sanglotant comme'un fol; M''s ptcurs sat~'s (aisaicnt des brûlures au so~ Et laissaient des trous noirs dans les herbes fleuries. Je l'ai conduit au bois et dans les closcrics Pour entendre le ~ai pinson, le rossignol;

Mais les oiseaux bien loin de nous prenaient leur vol Devant l'epouvantail de nos mines netrics. Alors je l'ai traîne jusqu'au bord de la mer, Ou les pleurs en tombant se noient au gouffre amer, l'on n'a pour témoins que la vague et la roche; Mais la récite restait muette de stupeur,

La va~uc en frissonnant fuyait a mon approche. Et les monstres marins en avortaient de peur.

tS.


Je le sais bien, ce qui m'arrivc est très normal, Et ce n'est pas de quoi me traîner sur la claie. Je devrais la payer de la même monnaie, Et l'oublier, ainsi qu'un mot dit dans un bal. Mais je ne puis. Au lieu d'imiter l'animal Qui va tapir sa mort dans le coin d'une haie Je fouille ma poitrine et tourmente ma plaie, Comme un enfant rameur qui fait saigner son mal. Je n'enterrerai pas ma peine elle est trop forte. J'ai beau sous terre avoir claquemure la morte, Je l'entends toujours peindre au fond du noir caveau. Pour étouffer vraiment sa voix accusatrice, Il faudrait m'arracher le cœur et le cerveau Et me couler du plomb dans chaque cicatrice.

L'OUBLI IMPOSSIBLE

XX


XXI

L'INCONSOLABLE

L'amour parti, je suis tout seul dans la nuit noire, Sans fenêtre à ma prison.

Vous, vous avez gardé, dans ce mal transitoire, L'espoir d'un autre horizon.

Vous croyez qu'il existe un ciel où vont les âmes, Un paradis rose et bleu,

Ou les anges fleuris, le front coifM de flammes, Font de la musique à Dieu,

Où l'on connaît enfin le mot du grand mystère, les pauvres cœurs brises

Achèvent la chanson qu'ils commençaient sur terre, Et reprennent leurs baisers.

Vous croyez que la mort n'est pas aussi cruelle Qu'on le raconte ici-bas,


Et qu'elle est seulement l'aube spirituelle

D'un jour qui ne fmit pas.

Tant mieux, que vous ayez le bonheur mettable De croire a ce lendemain.

Elle vous servira, la toi dans cette fable,

D'étoile à votre chemin.

Elle vous servira de pôle et de boussole.

Elle sera pour vos pas

Le compagnon qui ~uide et l'ami qui console Jusqu'au seuil blanc du trépas.

Vous mourrez les yeux pleins d'extase,en voyant poindre Le soleil qui vous est dû,

Sûre que vous pourrez, quand j'irai vous rejoindre, Retrouver l'amour perdu.

Mais moi, que la science a la tétine amere

A nourri de son lait noir.

Je crois aux vérités qu<* m'apprend cette nu're, Et je n'ai pas votre espoir.

Je crois profondément que l'am~, au cd'ps fidèle, Nait, vit, et meurt avec lui.

Quand la flamme de vie a fondt. la chandelle, Je crois que plus rien ne luit.

Je ne puis concevoir le paradis ni l'ang'e,

Ni le bon Dieu qu'on re\a.


Je crois a la matière, a qui le ver qui mange Rend l'être mort qui s'en va.

S'il existait pour moi, ce Dieu, c'est un blasphème Qu'a son tronc j'enverrais.

Car il n'est qu'un bourreau, s'il ordonne qu'on aime Et qu'on se sépare âpres.

Oh oui, femme fervente, oh! oui, je vous envie De croire qu'il nous entend.

Car je pourrais lui dire en lui crachant ma vie –J'ai souffert. Es-tu content?

J'ai souffert, et mes cris n'ont pas trouble ton somme, Et pourtant tu m'entendis.

Tu peux t'appeler Dieu; moi, je ne suis qu'unhomme, Et c'est moi qui te maudis.–

Mais je sais qu'il n'est point. Je n'aurai pas la joie De courir ce beau danger.

Je sais qu'a des hasards sans nom je suis en proie, Et sans pouvoir m'en venger.

La force qui m'etrcint ne m'est, pas vénérable. Elle m'etrcint, il suffit.

Je ne reclame rien a.u temps irréparable Qui défait tout ce qu'il fit.

Mais si vous supportez la cruelle rupture L'air serein, presque content,


En songeant que là-haut une extase future Renaissante vous attend,

Souffrez que moi, qui n'ai de recours que sur terre, Je songe aux anciens amours,

Et que je sois navré de me voir solitaire,

Privé de vous pour toujours.

Laissez-moi regretter cet oiseau qui s'envole, Ce passé qui fut présent.

Laissez-moi, sans que rien au monde me console, Pleurer des larmes de sang.


XXII

SOMBRES PLAISIRS

Il serait plus viril et plus noble sans doute De croiser sur son cœur ses bras las et meurtris, Ht de ne point pousser de lamentables cris Connue un enfant perdu la nuit sur la grand'route. Il faudrait, ainsi qu'un cadavre qui dégoûte, Enfouir son amour, en brûler les débris,

Et chanter au besoin, et crier qu'on est gris, Et boire en souriant ses larmes goutte à goutte. Mais on est soulage par les pleurs, les sanglots, La rage folle. Ainsi vos mères, matelots, Quand vous êtes noyés par la houle inhumaine, Arrachent des galets au bord du gouffre amer, Et, les jetant aux flots avec des cris de haine, Apaisent leur douleur en outrageant la mer.


XXI M 1

AU BORD DE LA MER

Je suis bien loin de vous et des choses passées. J'ai fui Paris, où mes anciennes pensées

Hantaient tjus mes chemins. J'y retrouvais partout les heures disparues Dont les spectres plaintifs me suivaient par les rues En me prenant les mains

Tous les regrets amers de nos belles années Y neurissaient partout en Heurs empoisonnées Aux fentes du pave

Je ne pouvais plus faire un pas hors de ma porte Sans voir le corbillard de l'Espérance morte; Et je me suis sauve.

Je me suis sauvé, faible et désertant la lu~tc, Sans oser regarder mon mal, connue une brute Qui cache ses yeux clos.


Xi7

Je me suis évadé loin de vous et du monde. Entre Paris'et moi j'ai mis la mer profonde, La mer et tous ses flots.

Mais le noir souvenir m'a suivi sans relâche. J'emporte mon remords, comme un assassin lâche Qui se serait enfui

Laissant un corps saigner au coin de quelque haie, Et qui croirait ouïr les lèvres de la plaie Crier derrière lui.

Pourtant, je pensais bien avoir trouvé l'asile. Je me suis enterré dans le calme d'une île Ainsi que dans un trou.

Je ne vois plus le rire ironique de l'homme, Je n'entends plus mentir la femme, et je vis comme Dans son arbre un hibou.

Partout, emprisonnant mon âpre solitude, Je ne vois, je n'étends que la mer, la mer rude Qui lutte avec le vent,

Qui déchire ses mains sur les dents de la côte, Et dont la grande voix endormeuse est plus haute Que nos sanglots d'enfant.

Mais la mer a beau faire et peut entier sa vague, Le vent a beau chanter sa chanson lente et vague, Je ne suis pas bercé.

19


Rien ne peut endormir ma tristesse qui rage Et qui pousse des cris ainsi que dans l'orage Un albatros blessé.

Des cruels souvenirs mon âme est encor pleine, Et c'est eux que j'enterds seuls dans la cantilène Du vent et de la mer.

J'entends, j'entends toujours les heures disparues, Dont les spectres plaintifs me suivaient par les rues, Me chanter le même air.

Et les regrets, et les remords, et le vieux rcve Aussi bien que là-bas viennent sur cette grève Me hanter jusqu'ici

Et rhythmant les sanglots de la mer qui déferle, Les larmes du rocher s'égouttent perle à perle, Et les miennes aussi.

Ah c'est en vain, c'est bien en vain que je m'exile Je ne trouverai pas le refuge et l'asile.

Pourquoi chercher ? Pourquoi ?

Je ne puis me sauver du passé qui m'accable. Je ne puis éviter le fantôme implacable.

Le fantôme est en moi.


XXIV

LES NAUFRAGÉS

Ah que le vent ce soir roule d'âpres sanglots C'est le vent de la mer. La mer doit être haute. Les crocs noirs et pointus des rochers de la côte Sont en train de grincer en éventrant les flots. Ah comme il fouette a coups d'aile mes volets clos! Qu'~ veux-tu ? que dis-tu? qu'apportes-tu, mon hôte ? J'entends passer le cri des pilotes en faute Et les rates perdus des lointains matelots. Et je pleurs en songeant à mes anciens nautrages, A mes espoirs, à mes bonheurs, à mes courages, Disperses, engloutis, noyés je ne sais où;

Et dans la cheminée où rôtit ma pantoufle, Le veut, le triste vent, souffle comme un vieux fou, Si triste, qu'on croirait ouïr son dernier souffle.


XXV

DEUX LIARDS DE SAGESSE

C'est vrai, j'étais un insensé

J'appelais notre amour te nùtre, Le nôtre nous; j'avais pensé

Qu'il n'était pas fait comme un autre. Nous avons beau voir et savoir Pauvres orgueilleux que nous sommes, Nous nous imaginons pouvoir

Ce que n'ont jamais pu les hommes. Nous sourions lorsque l'aïeul

Dit J'ai cueilli ce que tu cueilles. Chacun de nous pense être seul Maître du trèfle à quatre feuilles. Tout le monde est ainsi construit. Chaque flot de la mer profonde


Croit que le ciel n'est que pour lui. Et j'ai fait comme tout le monde.

J'ai cru que notre court printemps Serait une immortelle chose,

Et qu'on pouvait rester cent ans A respirer la même rosé.

J'ai pris mon sou pour un trésor. Ainsi la fillette ravie,

A qui l'on donne un louis d'or, Pense qu'elle en a pour la vie.

J'ai cru que je pouvais chercher L'éternité dans l'heure brève,

Et que je saurais dénicher

Le merle blanc qui siffle en rêve. J'ai cru que dans mon petit nid,

Loin du Temps, cet oiseau de proie, Je ferais couver l'innni

Par les deux aUcs de ma joie.

J'ai cru. Mais que n'ai-je point cru ? J'ai pris pour le jour la nuit brune, Ma piquette pour un ~rand cru, Et mon fromage pour la lune.

Hélas je connais aujourd'hui

Que l'homme est un fétu de paille

<9.


Par la valse du vent conduit.

Où le vent soumc, il faut qu'on aille. On ne fait pas ce que l'on veut On fait ce que veut la Nature.

Quand nous écrivons notre vœu, La main du hasard le rature.

Et je souffre, et je suis navré,

Et toujours d'une âme aussi folle, Dans l'azur lointain je suivrai

Mon espérance qui s'envole.

Je suis puTu, je suis fouetta

Par cette mère méconnue,

L'imp)acablc Réalité,

Qui m'a rattrappé dans la nue. Je suis puni, je suis en deuil, Pour avoir voulu l'impossible Car les flèches de mon orgueil l

Prenait une étoile pour cible.


XXVI

VAINES PAROLES

Pourquoi voulez-vous que j'oublie, Et que je mette au monument Ou bien ~u bûcher consumant ~!on ancienne amour abolie?

Pourquoi voûtez-vous à mes maux Trouver rinutilc remède?

Pourquoi ce vain discours qui m'atde A me consoler par des mots ?

Vous aurez beau dire et beau faire, Il manque pour mon cœur d'amant Une étoile a mon urmament,

Un parfum dans mon atmosphère.

D'un bon conseil vous m'edah'cz. Mais, hélas connais ~avance


Quelle pauvre et maigre chevance On apporte aux désespères.

On dit, je l'ai dit comme un autre, Que les regrets sont superflus, Que le passé nc revient plus, Et que ce sort-la c'est le nôtre, Et qu'une fois l'amour parti,

Le plus sage est qu'on y renonce. Mais tout cela vaut-il une once De son baiser le plus petit ?

D'autres pour calmer ma détresse, Vont me parler des cieux meilleurs. Et chanter que l'on doit ailleurs, La-haut, rejoindre sa maîtresse.

Ceux-là connaissent nos défauts Et nos désirs d'âme immorteHe. Mais cette âme-la, d'où sort-cité ? Et qui l'a vue? où donc? c'est faux. Il faudrait croire a ces mensonges Pour y trouver l'apaisement. Pour moi votre hypothèse ment Encor plus que mes anciens songes. Je ne suis pas de vos chrétiens Que notre ici-bas embarrasse.


Je ne suis pas de votre race.

Je crois au bonheur que je tiens. C'est pourquoi mes regrets avides N'espèrent pas de lendemains.

J'avais mon bonheur dans les mains Et maintenant mes main~ sont vides. Mais je veux y penser; je veux, En fermant mes yeux lourds de uèvres, Sentir sa bouche sur mes lèvres, Sentir mes doigts sur ses cheveux Et dans ma pensée agrandie

Son souvenir qui vit toujours

Sur le pays de mes amours

Flambera comme un incendie.


XXVI! I

Te souviens-tu du baiser,

Du premier que je vins prendre? Tu ne sus pas refuser,

Mais tu n'osas pas !c rendre. Te souviens-tu du baiser,

Du dernier que je vins prendre? Tu n'osas pas refuser

Mais tu ne sus pas le'rcndrc.


XXV1H

Bien souvent je ne pense à rien, comme une bête. Soudain un mot bourdonne et passe dans ma tête, Mot jadis entendu,

Un de ces mots de rien où vivait tout ton être; Et je sens mille échos de mon passé renaître Dans cet écho perdu.

Je me souviens (le l'an, du mois, (lu jour, de l'heure, Et je ferme les yeux sans rien dire, et je pleure. Car dans ce mot en l'air

J'entends toutes les voix de ma jeunesse heureuse, Comme on entend au fond d'une coquille creuse Chanter toute la mer.


XX !X

Te souviens-tu d'une étoile Qui nous regardait un soir, Ainsi qu'un œil sous un voile. Dans le ciel noir?

Nous avons fait la grimace A cet astre curieux

Cachant à demi sa face

Pour nous voir mieux.

Elle est toujours dans l'espace. Mais c'est l'étoile aujourd'hui Qui là-haut fait ~a grimace A mon ennui.


229

XXX

AU COIN DL FEU

Rappelle-toi le mois d'antan qu'il fit si froid Tout le monde a souffert de ce cruel décembre. Notre amour cependant y vécut comme un roi, Tant son large soleil chauffa bien notre chambre. Nous nous moquions du froid et du temps qu'il faisait, Ayant capitonné de baisers notre geôle.

Au feu de notre cœur plus rouge qu'un creuset Nous aurions fait flamber les banquises du pôle. Parfois nous regardions les Horaisons du gel Au jardin de la \itre où croît l'arbre du givre. Tout était blanc dehors, les champs, les toits, le ciel. Rien qu'a voir ce linceul nous nous sentions mieux vivre, Bougonnant, se mouchant, toussant, crachant, couvert D'un grand feutre de neige avec des plumes grises,


Parmi les aboiements des dogues de l'hiver

Du pays de l'onglée arrivait Jean-des-Bises.

Mais nous faisions la nique ses cheveux poudrés; Et quand a la fenêtre il nous jetait sa laine,

Nous lui disions -Entrez, vieux gueux, quand vous voudra Votre nez de glaçons fondra sous notre haleine.Et jusqu'au jour plus tiède où le carreau terni

Eut laissé couler Fcau de ses blanches écailles, Pelotonne au fond de notre amoureux nid

Nous avons eu toujours bien chaud, comme deux cailles.


Malgré tout, tu fus bonne et tu m'aimais vraiment. 11 me faudrait mentir pour dire le contraire. Aucun soupçon jaloux ne vient plus me distraire, Et je vois aujourd'hui quel fut ton dévouement. Tu passas près de moi plus d'un triste moment, Quand les soucis rendaient mon humeur arhitr aire. Mais tu savais alors me chérir comme un frère Au lieu de m'en vouloir, tu calmais mon tourment. Plein du trésor de tes charités merveilleuses, Tes yeux bleus se faisaient plus doux que des veilleuses; Câline, tu pressais sur toi mon front en feu; Tu me berçais avec ta chanson consolante;

Et tandis que mon mal s'endormait peu à peu, J'écoutais gazouiller ta voix rossignolante.

LA BERCEUSE

XXX! 1


x\xn

NOCTURNE

Le jour fuit,

La mer roule

Et roucoule

Dans la nuit,

Et le bruit

De la houle

Berce et soûle Mon ennui,

Et je doute

Si j'écoute

Dans les sons De la grève

Les chansons Du vieux rêve.


XXX! M

LE BO~ SOUVENIR

Je n'oublierai jamais ton premier mot d'amour, Quoiqu'il m'en ait coûté d'en avoir fait ma bible. Aux regrets, aux remords, je saurai rester sourd. Je ne penserai pas :i ce qui fut terrible,

~!ais a ce qui fut doux, n'aurait-ce été qu'un jour. Je n'oublierai jamais ta caresse première. Ni le mal enduré, ni le temps, ni l'oubli N'en teinirontia pure et lointaine lumière. Au livre de mon sort j'ai fait nu large pli Pour y mettre le cœur de ma rose trémière. Je n'oublierai jamais notre premier printemps, Lorsque le ciel, le bois, le soleil qui se couche, Tout me parut plus beau dans tes yeux éclatants, Lorsque je buvais l'air au sortir de ta bouche. Je n'oubherai jamais, quand je vivrais cent ans. 20.


Les oiseaux se prisaient au suc d'or des corolles Mille chansons dansaient avec mille couleurs. Car, rien que pour avoir écouté nos paroles, Les oiseaux étaient fous, folles étaient les fleurs. Nos paroles, hélas! étaient encor plus folles. Nous étions a cette heure absurde qu'on bénit, Où l'on croit que tout passe et que l'amour demeure, Où l'on arrange son avenir comme un nid.

Pauvres, pauvres enfants, rous étions a cette heure Où l'on commence avec ce mot Rien ne unit. Mais non je ne veux pas reveiller ma rancune, 0 ma maîtresse, ô ma bien-aimee, ô ma sœur Des souffrances d'antan je n'en irrite aucune. Je veux me rappeler seulement la douceur

De tes baisers pareils a des baisers de lune.

Je veux me rappeler aussi ton corps divin,

Ton corps que mes désirs avaient pris pour leur crèche, Le parfum de ta peau plus capiteux qu'un vin, Les effluves troublauts de ta ~or~e-si fraîche, Et notre lit fougueux creuse comme un ravin. Je veux me rappeler. Je veux souvent descendre Au plus profond de mon souvenir adore.

Et quand je serai vieux, laid, froid, tel qu'un Cassandre, Au feu de mon avril je me rechauuerai,

Car je saurai toujours le trouver sous la cendre.


Quand l'hiver et la mort viendront dans ma maison, Je me rappellerai notre saison première,

Je n'aurai qu'à sounler sur le dernier tison Pour emplir ma pensée et mon cœur de lumière, Et pour mourir en paix dans un clair horizon.


PARIS

Ce n'est pas dans les champs, au soleil, au ~rand jour, Qu'a pousse cette fleur de poison, notre amour. Ce n'est pas au penchant d'une calme colline Qui sur un bleu miroir (!c rivière s'incline

En y reuechissant ses près et ses bosquets.

Ce n'est pas sous un bois où les oiseaux coquets S'amusent à lustrer leur plume de rosée,

Où la fauvette, au bout d'une branche posée, Le rouge-gor~e ardent, le linot étourdi,

Le pinson, par l'écho de sa voix assourdi,

Le merle noir ~rise de genièvre et de mûres, Kt le rossignol roux, cette âme des ramures, Accompagnent aux sons d'un orchestre enivrant Le~ doux mots qu'on chuchote et les baisers qu'on prend. Ce n'est pas la, sous les sourires de l'aurore, Que notre pauvre amour eut la chance d'eclorc.


Et ce n'est pas non plus en face de la mer Qui rend le sang plus riche, et dont le souffle amer Courant dans les cheveux ainsi que dans des voiles, Vous conseille d'appareiller pour les étoiles. Et ce n'est pas non plus sous le ciel infini, Si n-rand qu'on en a peur et qu'on désire un nid. Ce n'est pas dans les bras de la mère Nature, A ses tétons tout amour cherche pâture, Que nous fûmes berces, que nous fûmes nourris.

Notre tlcur eut pour sol le fumier de Paris. C'est à Paris quelle a moussé, la fleur étrange, Dans ce bouge rempli de sang, d'alcool, de fange, l'on roule parmi les heurts, les coups de poing, Ou l'on parle il voix haute, ou l'on ne s'entend point, oit l'on ne peut trouver un seul coin solitaire, l'on ne peut jeter une épingle par terre, l'on ne voit le ciel qu'étrangle par des murs. 0 prison encombrée aux horisons obscurs

le soleil brumeux pend comme une lanterne 1 0 bal public bonde de danseurs 0 caserne Dont la rumeur grouillante étouffe les échos 1 0 charogne, que ronge un peuple d'asticots! C'est la, c'est dans ces chairs aux puanteurs infectes, Parmi ces escarbots, ces vers blancs, ces insectes, Dans ces putridites, dans cette syphilis,

C'est la que notre amour a fleuri comme un lis. Et j'ai connu tous les écœurements infâmes


Qui fatiguent les corps et qui froissent les âmes Les rendez-vous donnés au coin des carrefours; Les nuits tristes parmi des ~ens s~ais; et les jours Où l'on voit son bonheur foule par la cohue Comme un oiseau blesse qui crève dans la rue; Et les désirs meurtris d'un contre-temps mortel Qui cherchent pour refuse une chambre d'hôtel Et les soupirs noyés dans les clameurs banales Des affaires, de vains plaisirs, des bacchanales Et les aveux furtifs que l'on est oblige,

Parce qu'on se sent vu, de faire en abrège; Et les quarts de baiser, les moittes de caresse Qu'on arrache en cachette, en voleur, qu'on s'empresse De ravir n'importe où, sitôt qu'on est a deux. J'ai connu les rideaux du Haf're hasardeux. Et maître tout cela notre amour fut sincère. Cette fleur sans soleil, ileur du mal, tieur de serre, A senti cependant la sève entier ses nœuds; Et dans ce terreau noir, boueux et vénéneux, Elle a solidement enfonce ses racines;

Et dans cette atmosphère aux senteurs assassines Elle a puisL' du suc pour ses corolles d'or

Et verse son parfum qui me parfume encor. 0 Paris, cher Pans, qu'ai-je dit tout a l'heure ? J'ai voulu t'insulter. Et vui)a que je pleure En songeant au bonheur par nous abandonne; Et c'est toi, c'est toi seul qui nous l'avais donne. C'est chez toi que ma soif d'aimer fût assouvie.


C'est à toi que j'ai dû de connaître la vie. Et je suis un ingrat, un oublieux. Pardon Oui, Paris a des torts. Mais comme il a du bon Rappelle-toi, mon cœur, rappelle-toi les choses, Et que les jours passes ne furent point moroses, Et que la Seine est verte et dorée au couchant, Et que la grande ville aussi chante un doux chant Plus profond que celui (les oiseaux et des vagues. Le soir, sa voix grondante a des murmures vagues Qui roulent mollement dans les airs apaisés. C'est un llux de soupirs, de désirs, de baisers, Et cette voix étrange a sa mélancolie.

Puis, ta belle maîtresse eût été moins jolie Si Paris n'eût rien fait pour lui donner ses goûts. C'est lui qui façonnait ses robes, ses bijoux, Ses chiffons, tous ces riens dont un amant raflole. C'est lui dont l'art savant brillait sur ton idole. Et les bons soirs d'hiver, te les rappelles-tu ? Quand le ciel orageux et tout de noir vêtu Couvre d'horreur les champs la tristesse rôde, Etiez-vous assez bien dans votre chambre chaude ? Il pouvait faire nuit, et pleuvoir et tonner Paris autour de vous savait capitonner

Un boudoir plein de feu, de lumière et de joie. Ce n'était pas un nid de feuilles, mais de soie. Le bois flambait :~c des éclats de gaieté.


En buvant il loisir une tasse de thé',

Vous lisiez de beaux vers sous la lampe fleurie, Vous causiez de ceci, de ça. La causerie

Avait des stations de baisers, et je crois

Que vous faisiez sans deuil votre chemin de croix. Et les nuits de plaisir, de fougueuse insomnie? La chambre n'était pas toujours chambre garnie C'était bien plus souvent la sienne, sois loyal. Et son grand lit d'ébène était un lit royal. Oh Paris a raison. Rappelle-toi, mon âme l Tout ce que tu criais tout a l'heure est infâme. Paris fut un ami, Paris fut bon pour nous. Nous ne devons parler de Paris qu'à genoux. C'est l'église où mon cœur a reçu le baptême. Non, Paris n'est pas laid, noir, vulgaire.

Et quand même

Est-ce que ses laideurs, ses paves, ses replis Par notre souvenir ne sont pas ennoblis

Est-ce que notre joie, aujourd'hui disparue, N'a pas ensoleillé la fange de la rue

Lorsque nous y passions, gais comme des enfants? '? Est-ce que les rideaux des nacres étonnants N'étaient pas aussi purs dans leur étofte usée Que le voile de lin qui couvre l'épousée ?

Et la chambre d'hôtel, avec son papier bleu Où tout le monde a mis de sa sueur un peu, Avec son divan rouge à l'échine pointue


Sur lequel le plaisir vénal se prostitue,

Cette chambre, où le lit baille comme un égout, N'a-t-elle pas été notre temple après tout ? Il suffit d'être heureux, et qu'importe le reste ? L'amour peut toucher tout, comme le feu céleste. Si l'endroit est hideux, flétri, sali, souillé, Quand l'amour passe là tout est purifié.

Rien n'est laid, rien n'est triste à sa clarté divine. Que ce soit un nid d'ombre au creux d'une ravine, Que ce soit un palais, que ce soit un taudis, Si c'est là que j'aimais, c'est là le Paradis

2i


XXXV

PARFUM SUPRÊME

C'est bien fini. N'en parlons plus Cette fin est très naturelle,

Et j'ai vraiment versé sur elle Beaucoup trop de pleurs superflus. C'est bien fini. La tombe est close. C'est bien mort et bien enterré. Le bien, le mal que j'en dirai, Ou rien, sera la même chose. Pourtant je veux parler un peu, Encore un peu, deux mots encore, Quelques minutes. Je n'implore Que le temps de dire un adieu. T'ayant profondément aimée, Je garderai ton souvenir,


Et toute ma vie à venir

En demeurera parfumée.

J'aurai peut-être un autre amour, Ou deux, ou trois, ou vingt, ou trente. Mais je n'y planterai ma tente

Que comme un voyageur d'un jour.

Aucun ne me fera connaître

La joie et le deuil insensés

Que tes caresses m'ont versés.

Toi seule auras eu tout mon être. Dans les yeux les plus merveilleux Je ne verrai que ton image,

Comme le pèlerin Roi-Mage

Ne voyait qu'une étoile aux cieux. Sous les plus brûlantes caresses C'est ton corps que mes bras tiendront. Je n'aurai qu'à tourner le front

Pour qu'aussitôt tu m'apparaisses. Dans mes désirs inapaisés,

Dans mes plus frénétiques fièvres, Je retrouverai sur mes lèvres

Une goutte de tes baisers.

Et que nul ne s'en émerveille

Je serai comme ces buveurs


Que le vin suit de ses saveurs Et qui restent soûls de la, veille. Ils ont beau marcher en plein air, Boire les brises parfumées,

Leurs yeux sont remplis de fumées Où flambe encor le vin d'hier.


TABLE



1 DÉCLARATION. 3 II. Le jour où je vous vis pour la première fois. 5 Ut. RONDEAU. G IV. SONNET-MADRIGAL. 7 V. SÉRÉNADE. S Vt. A quoi bon des serments?. i3 Y!I. IN CADEAU. SONNET D'ENVOI. 14 VH1. SONNETGREC. i5 IX. SONNET ROMAIN. 16 X. SONNET MOYEN AGE. <7 XI. SONNET RENAISSANCE IS XI[. SONNKT~VATTEAU. 1~ XtH. SONNKT ROMANTIQUE. 20 XIV. SONNET MODERNE. 21 i XV. ~e sois pas jalouse, va. 22 XVI. AU JARDIN DE MON COEUR. 24 XVII. ÉTOILES FILANTES. 26 XVIII. UN MIRACLE. 28 XIX. LA NOCE FÉERIQUE. 30 XX. Si tu veux, m'amour, cc~oir. 3t XXI. LA CHANSON DES CHANSONS. 33 XXII. LE SOLEIL RICHE. · 3~ XXM1. LE SOLEIL PAUVRE. · 37 XXIV. Tu me demandes, rieuse. 39 XXV. C'est le matin. A la fenêtre pr:mde ouverte. 40 XXVI. Eh! oui, c'est toi la plus forte: XXVII. 'LA VOIX DES CHOSES. XXVIU. UANS LES FLEURS. 45 XXIX. L'ENSORCELÉ XXX. Crois-tu que mon cœur amer. XXXI. Lx BATEAU ROSE. 3

FLORÉAL


1. LE PENDU JOYEUX. II. VIEILLES AMOURETTES. HI. L'IDEAL. IV. Puisqu'à mon fauve amour tu voulus te soumettre V. REPAS CHAMPÊTRE. VI. ROXDEAUX MIG~OXS. VII. Pourquoi donc t'habiller si matin, ma chérie ? '? VIU. LE GALANT JARDINIER. IX. La salive de tes baisers sent la dragée. X. Comment, mignonne, j'ai fait souffrir votre orgueil XI. Quand je vous ai mise en colère. XII. REVEIL XIH. Tu dors? Ce n'est pas vrai. XIV. Bien avant d'avoir pu contempler à mon gré.. XV. Depuis lors je t'ai tenue. XVI. Son corps est d'un blanc monotone. XVII. BEAUTE MODEREE. XVIII. AU THEATRE. XIX U~E FANTAISIE. XX. Tes paroles ont des musiques cristallines. XXI. Mes désirs ne sont point lassés. XXII. La possession débute. XXIII. Encore et toujours, te dis-je. XXIV. LE TRESOR XXV. LEGOtXFRE D'AMOUR. · XXVI. Sous tes lèvres de miel. XXVII I\SATtABLEMEXT. · XXVIU. Ut PEU DH REPOS XXIX. LE~DEMAt?! DE FÊTE. XXX. 0 maitre~sc. ta bouche exécrable et charmante.. XXXI. ESCLAVAGE.

THERMIDOR

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XXXM. ÀBDtCATION. t. XXXH1. Dis-moin'importe quoi porte-moi n'importcoù! 1 ii3 XXXIV. A COUPS PERDU. XXXV. L'AMOUR MALSA~ ti5

RUMALH E

1. So~ET D'AUTOMNE H9 II. SHS YEUX. ~0 III. Ne fais pas la méchante, ô ma petite fiUe i23 IV. LA FORGE. V. Ses cheveux formant sa coiffure lumineuse.. i26 VI. FACONDE-MADRIGAL. ~8 VU. LES DEUX HTS. ~30 Vin. LE DERNIER CADEAU t3) I IX. JOURXEË FAITE. ~34 X. BILLET DE FAtREPART. ~3o XI. L'UERBE SA~SKOM. t37 XII. Quand je suis loin, je suis cependant près de toi i3') XIII. AIR RETROUVE. XIV. REGALS. ~3 XV. LEV!OLO?f. XVI. REVOLTE. XVII. Lt:SPOtSO'<SINUTtLES. 153 XVIII. Sur mm beau jasmin d'Espagne. ~5 XIX. Et pourtant la marguerite XX. JALOUSIE ~7 XXI. LE CARKET XXII. LE BOUQUET. XX11I. Sous son joug las de ployer. tC3


XXIV. NU!TB'ADtEU 1Q5 XXY. INDIFFERENCE. l(j7 XXVI. I~SO~N!E 168 XXVII. LES SORCIERES. 169 XXVIII. SOCRIREPOU 17t t XXIX. Mon cœur fut un truit dans une haie. 172 `? XXX. LA MORT DE L'AUTOMNE. 17t ~l~ XXXI. Le cadavre est lourd. 175 XXXII. Ah c'est en vain que je m'en vais. i76 XXXIII. LE BATEAU NOIR. i77

N IVOSE

I. Le ciel est transi. i81 II. LE PLAT DE FAÏENCE. 1S2 in. LES SOMNAMBULES 18~ IV. PLONGEON. 18;) V. Du pic de la cime haute. 180 Y!. LE DOMPTEUR 188 YH. Après tout. est-ce tant ma faute? Elle savait. 191 VIII. L'ARMADA. 192 IX. PEtNES PERDUES. 194 X. Homme aux veux crueis, prends garde 195 XI. J'ai rencontre )c coucou. 196 XII. A MAURICE BOUCHOR. 197 XIII. l'LAtNTES COMIQUES. 198 XIV. BALLADE DE BONNE RECOMPENSE. 200 XV. Je veux chanter ma folic. 202 XVI. LES CRUCIFtES. 204 XVM. L'HOTE. 205


XVHI. Où vivre ? dans quelle ombre. 208 XXIX. LE MAUDIT. 209 XX. L'OUBLI IMPOSSIBLE 210 XXI. L'INCONSOLABLE. 2ii XXII. SOIIBRES PLAISES. 215 XXIII. AjBORD DE LA MER 216 XXIV. LES NAUFRAGES. 219 XXV. DEUX LIARDS DE SAGESSE. 220 XXVI. VAtNES PAROLES. ~23 XVH. Te souviens-tu du baiser? 226 XVIII. Bien souventjencpcnseà rien, comme une bète. 227 XXtX. Te souviens-tu d'une étoile?. 228 XXX. AU COIN DU FEU. · 229 XXXI. LA BERCEUSE. 231 XXXII. NOCTURNE. 232 XXXUI. LE BON SOUVENIR. 233 XXXIV. PARis 236 XXXV. PARFUM SUPREME. · ~2

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t~r'-ux. t.t) iun'sst.<.hnp.–2<2