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Titre : Les Nouveautés photographiques : complément annuel à La théorie, la pratique et l'art en photographie / par Frédéric Dillaye

Auteur : Dillaye, Frédéric (1848-1917). Auteur du texte

Éditeur : Librairie illustrée (Paris)

Date d'édition : 1893

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328258554

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb328258554/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 3855

Description : 1893

Description : 1893.

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5492749q

Source : Bibliothèque nationale de France, département Sciences et techniques, 8-V-24469

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 17/01/2011

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ÈES NOUVEAUTES

PHOTOGRAPHIQUES

ANNEE !893


PARIS. — IMPRIMERIE r.A.ROUSSlî

171 KU1S MONTPARNASSE, 17



ÉTUDE DU PLEIN AIR

« J'TE DIS QL'SI! — J'TE DIS QU'.NOX ! » (Phototype de l'auteur.)


PHOTOGRAPHIQUES

COMPLÉMENT ANNUEL A LA THÉORIE, LA PRATIQUE ET L'ART EN PHOTOGRAPHIE

P A R

FREDERIC DILLAYE

Ouvrage orné de 125 illustrations

DONT 1'l IMIOTOTYPOO RAPIUKS D'APRÈS DES PHOTOTYPES DE L'AUTEUR,

DKPAKT POUR LA PROMENADE (Phototype «le l'auteur).

PARIS A LA LIBRAIRIE ILLUSTRÉE

8, RUE SAINT-JOSEPH, 8

Tous droits réservés.



AVERTISSEMENT

- Devant le grand et nous ri hésitons pas à ajouter le • légitime succès qui a accueilli, dès son apparition, La Théorie, la Pratique et l'Art en Photographie, nous nous sommes demandé quel devoir s'imposait à nous. Certes, M. FRÉDÉRIC DILLAYE avait voulu écrire et avait écrit un livre mettant la théorie et la pratique à la portée de iousr renfermant en lui seul tout une bibliothèque photographique et la renfermant dautant plus complètement qu'elle conte^ nait une partie spéciale réservée à l'Art. Mais la'Photographie est une des filles les plus actives du Progrès. Si complet que soit le portrait qu'on ait fait d'elle la veille, il démettre incomplet le lendemain. Pour rester, en un seul et même ouvrage, la bibliothèque photographique que son auteur avait rêvée et réalisée, il devenait nécessaire, à chaque tirage nouveau, de remanier et de grossir La Théorie -, la Pratique et l'Art en Photographie pour Vamener à rendre tout ce qu'elle promettait.

Cette méthode facile, connue sous le nom « d'édition revue et considérablement augmentée », ne laissait pas de nous causer certaines perplexités. Nous nous faisions, en effet, un véritable cas de conscience d'offrir à ceux qui


il LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

avaient accueilli avec tant d'empressement Voeuvre première, cette même oeuvre, agrémentée d'aperçus inédits, et de les obliger à acquérir encore ce qu'ils avaient acquis déjà, pour connaître et posséder certaines nouveautés. De plus, sous peine d'arriver dans un temps prochain à un volume exagéré de proportions et de prix, nous mettions M. FRÉDÉRIC DILLAYE dans l'obligation de couper ici pour ajouter là, par conséquent de rendre son oeuvre moins complète, tout en voulant la faire paraître plus complète.

Ces questions de détail, minimes d'apparence, présentent cependant, à la i"è flexion, des proportions dignes d'être prises en considération. Nous les avons examinées, analysées, pesées. Il en est résulté que nous avons prié l'auteur de La Théorie, la Pratique et l'Art en Photographie de laisser son oeuvre première telle qu'elle était au début et quel que soit le nombre des éditions que le succès nous force et nous forcera à lui donner. Toutefois, pour qu'elle continue à répondre à son succès, pour qu'elle reste à la hauteur du mouvement progressiste dont la Photographie est animée, nous avons demandé à M. FRÉDÉRIC DILLAYE de nous fournir chaque année, sous le titre Les Nouveautés Photographiques, un complément à La Théorie, la Pratique et l'Art en Photographie. Il a bien voulu, acquiescer à notre demande, tout en élargissant son cadre afin que ces compléments forment, à la longue, un recueil complet, intéressant et d'une lecture facile pour tous, des différents progrès ayant trait à la Photographie.

Les Nouveautés Photographiques se diviseront donc en cinq parties. Les deux premières: Théorie et Pratique; Art et Nature, rappelleront directement la division suivie dans La Théorie, la Pratique et l'Art en Photographie. La troisième : Fantaisies et Petites Industries, répondra aux voeux


AVERTISSEMENT.

exprimés par beaucoup d'amateurs, tendant à connaître et les récréations auxquelles ils peuvent se livrer entre des études plus sérieuses et les petits moyens de réparer leur matériel ou d'y suppléer. La quatrième : Applications, les tiendra au courant des différents râles joués par la Photographie dans l'industrie ou dans la science, leur offrant ainsi soit une lecture instructive ayant trait à Fart dont ils s'occupent, soit des éléments rudimentaires mais suffisants pour qu'ils puissent, suivant leurs aptitudes, agrandir le champ de leurs travaux ou changer la direction de leurs études. La cinquième : Variétés, renfermera les faits les plus saillants de l'année expirée, mettant, pour ainsi dire, un cachet annuaire aux Nouveautés Photographiques; déplus, l'auteur y groupera les principales préparations photographiques en un formulaire simple, pratique et noté suivant les conditions requises par le Congrès.

Aussi bien en raison du succès de l'oeuvre de M. FRÉDÉRIC DILLAYE, que de l'importance de cette oeuvre même, la question du Congrès méritait qu'on s'y arrêtât. La Photographie se généralisant de plus en plus et donnant chaque jour naissance à de nouveaux rameaux, il pouvait être, en effet, utile, nécessaire même, de lui appliquer des notations et des vocables clairs et précis, comme on l'a fait pour l'électricité. Avec l'indépendance mais aussi avec la franchise qu'il avait apportée dans son oeuvre première et qui en ont fait un des nombreux éléments de succès, l'auteur des ■ Nouveautés Photographiques, en se chargeant de la mission de contribuer aux progrès de l'art et de la science photographiques s'est rendu aux voeux exprimés par le Congrès. Abdiquant ses sentiments personnels pour n'envisager que l'intérêt général, il s'est attaché à appliquer toutes les décisions prises par celuici, à les vulgariser par cette application ; plus encore, à leur


iv LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

aplanir la voie en tenant compte, pour les choses non encore décidées, du caractère et de l'esprit des premières décisions. Sous ce'point de vue tout particulier:, Les Nouveautés Photographiques offrent un cachet très intense d'actualité.

Ce complément annuel à La Théorie, la Pratique et l'Art en Photographie, nous osons l'espérer, viendra donc non seulement répondre au légitime désir d'avoir sur la Photographie un livre de lecture et d'enseignement attachant par son style et sa clarté, mais encore une oeuvre dont l'ensemble constituera, en l'honneur de cet art si français, un monument accessible aussi bien aux adeptes qu'aux profanes.

LES ÉDITEURS.


LES NOUVEAUTÉS

PHOTOGRAPHIQUES

PREMIERE PARTIE THÉORIE ET PRATIQUE

TERMINOLOGIE PHOTOGRAPHIQUE

Je ne suis pas de ceux qui ont été enthousiasmés, de prime abord, par les résolutions prises par le Congrès de 1889, relativement aux dénominations photographiques. J'avoue en toute franchise que la longueur et la rudesse quasi teutoniques des noms proposés ont effarouché mon amour sincère et mon admiration profonde pour cette langue si souple, si délicate et si harmonieuse qu'on appelle la langue française. De plus, je me suis demandé s'il y avait vraiment lieu d'introduire dans le langage courant un nombre de vocables déjà grand, encore indéterminé et qui, pendant longtemps, nécessiterait, pour beaucoup, l'emploi d'un petit glossaire de poche.

Quant à l'objection qui pouvait être faite que cette terminologie, étant déduite d'après les procédés français, pourrait bien ne pas être internationalement admise, je ne m'en suis pas soucié. L'objection n'est pas sérieuse. Les mots, en effet, s'ils sont formés comme nous avons coutume de le

1


LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

faire pour tous les néologismes scientifiques, empruntent leurs composants à la langue grecque, c'est-à-dire à une langue morte. Par conséquent il ne saurait y avoir dans leur adoption rien qui pût froisser l'orgueil national de tel ou tel peuple. Une raison analogue fait la force du système métrique et sera la cause de son adoption universelle. Basé sur une division du méridien terrestre, il est impersonnel, si je puis m'exprimer ainsi, et ne présente dès lors aucune marque originelle. Quel que soit l'Etat qui l'emploiera, ses nationaux sauront, par l'histoire seulement, l'origine française du système métrique.

Loyalement, j'ai combattu mes propres objections. Aux arguments contre j'ai opposé les arguments pour. J'ai fini, peu à peu, par me convaincre que la photographie se généralisant de plus en plus et donnant chaque jour naissance à de nouveaux rameaux, il pouvait être, en effet, utile, nécessaire même, de lui créer des vocables clairs et précis comme on l'avait fait pour l'électricité. Etouffant donc mes répugnances toutes personnelles, j'ai fini par me dire qu'il fallait bien admettre la terminologie établie par le Congrès de 1889. Gomme l'homme n'est pas parfait, j'avais cependant fait une réserve encore : attendre les décisions du Congrès de 1891.

Ce Congrès n'a rien modifié. Il a cru devoir laisser les choses en l'état. C'est conclure implicitement que les ouvrages écrits en français, ou dans les autres langues dérivées du latin, doivent être rendus plus clairs et plus précis par l'adoption de cette terminologie. Soit! Je crois d'ailleurs que l'unique moyen d'arriver à consacrer l'établissement de vocables spéciaux ou d'en reconnaître l'utilité est de les vulgariser par l'emploi, quel que soit, du reste, leur caractère modifiable.

Cette amende honorable faite, il me semble nécessaire de porter tout d'abord à la connaissance de mes lecteurs, les résolutions complètes du Congrès de 1889 à ce sujet.

1° L'expression photo sera employée à l'exclusion du mot hèlio pour la formation des mots désignant les procédés


TERMINOLOGIE PHOTOGRAPHIQUE.

dans lesquels peut intervenir l'action d'une source de lumière quelconque et non pas seulement l'action de la lumière solaire. L'expression hèlio restera exclusivement réservée pour désigner les procédés dans lesquels intervient seulement cette dernière.

2" On conservera les expressions positives et négatives pour désigner respectivement les images dans lesquelles les effets d'ombre et de lumière sont semblables à ceux de la nature ou dans lesquelles ces effets sont renversés.

3" En ce qui concerne les photographies obtenues par la seule action chimique de la lumière, on distinguera sous le nom de phototypes les images produites directement par l'intermédiaire de la chambre noire. On appellera photocopies les reproductions de ces images par une nouvelle opération photographique comportant une simple application sur une surface sensible, avec intervention de la lumière.

Enfin, on désignera sous le nom de photocalques les reproductions obtenues de la même façon à l'aide de dessins originaux non photographiques.

. 4° Les tirages photographiques ou phototirages obtenus par les procédés de l'impression mécanique, que l'on peut aussi désigner sous le nom de photoprinties, seront distingués entre eux par les appellations suivantes :

On réservera, pour désigner ces différents procédés, les mots composés formés en intercalant entre les deux radicaux qui composent le mot photographie les abréviations rappelant les caractères principaux de ces procédés particuliers.

D'après cette règle, on désignera par le mot photocollographie les procédés de reproduction aux encres diverses, dans lesquels on fait usage de substances colloïdes (gélatine, albumine, bitume, etc.) étendues sur des supports variés et rendus propres à l'encrage par l'intervention de la lumière.

On emploiera le mot photoplaslographie pour désigner les procédés dans lesquels une substance plastique, se défor-


4 LES NOUVEAUTES PHOTOGRAPHIQUES.

mânt sous l'action de la lumière, répartit en épaisseur convenable une encre gélatineuse colorée.

On adoptera le mot photoglyptographie pour désigner les procédés de gravure en creux par la photographie.

On désignera sous le nom de phototypographie des procédés de gravure en relief permettant l'emploi de la typographie.

On appellera enûnphotochromographie les procédés d'impression permettant d'obtenir la reproduction polychrome d'images photographiques.

5° Les désignations plus complètes des procédés ou opérations photographiques s'obtiendront, en principe, en ce qui concerne la langue française, en ajoutant aux mots génériques qui précèdent les indications nécessaires sur la nature de ces procédés ou opérations.

A cet effet, on fera précéder des prépositions à ou par, suivant le cas, les mots désignant la nature de la substance sensible employée ou celle du mode opératoire et de la préposition sur les mots désignant la nature du support des préparations. Les noms des auteurs, si l'on a à les indiquer, pourront être placés à la suite sous laforme : procédé un tel.

Exemples :

PHOTOGRAPHIES

' 10 Phototype positif, à l'iodure d'argent, sur plaque métallique (procédé Daguerre).

2° Phototype positif, au collodion, sur plaque métallique (procédé Ad. Martin).

3° Phototype négatif, au collodiobromure, sur verre.

40 Photocopie positive, au gélatinochlorure d'argent, sur papier.

Photocopie positive, aux mixtions colorées (procédé Poitevin).

6« Photocalque négatif, au ferroprussiate, sur papier bleu (procédé de Motileff).

7° Photocalque positif, au gallate de fer.


TERMINOLOGIE PHOTOGRAPHIQUE.

PHOTOTIRAGES

8- Photocollographie, à la gélatine bichromatée sur glace

dépolie.

90 Photoplastographiê, aux encres gélatineuses colorées (procédé Woodbury).

io° Photoglyptographie, au bitume de Judée sur acier (procédé Niepce).

iio Phototypographie, au bitume de Judée sur zinc.

6° On réservera pour la désignation des applications diverses de la photographié, à des buts ou à des usages spéciaux, les mots composés obtenus en faisant précéder le mot photographie des radicaux désignant par abréviation ces applications particulières.

Exemples :

MICROPHOTOGRAPHIE, pour la photographie des objets microscopiques.

HÉLIOPHOTOGRAPHIE, pour la photographie de la surface solaire.

SPECTROPHOTOGRAPHIE, pour la photographie des spectres donnés par les sources lumineuses.

URANOPHOTOGRAPHIE, pour la photographie des espaces célestes.

CHROMOPIIOTOGRAPHIE, pour l'obtention directe de la reproduction des couleurs par la photographie, etc.

Le Congrès de 1891 laissant, comme je l'ai dit, les choses en l'état, a cependant mentionné l'utilité de choisir entre les termes: proposés pour désigner les procédés ou les substances qui ont pour but d'obtenir une égale action des rayons de différente coloration dans la reproduction des images des objets. On sait, en effet, qu'à l'heure présente on emploie indistinctement les mots : orthochromatique, isochromatique, orthoshiagraphique, orthoscopique

D'autre part, M. Londe a signalé, non sans raison, la nécessité d'adopter un mot spécial pour désigner les pro-


G LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

cédés de photographie à la lumière artificielle, qui tendent de jdus en plus à se généraliser. 11 a proposé dans ce but le mot pyropholographie, auquel je me rallie, bien qu'il soit affecté à la production des émaux photographiques. On peut, en effet, désigner ceux-ci sous l'expression tout à fait satisfaisante et très rationnelle de cèramophotographie.

M. Londe a également signalé l'utilité d'adopter un mot désignant les opérations photographiques, ayant pour but les phénomènes morbides, les attitudes particulières des malades et toutes les affections se rattachant à la médecine. Le mot pathopholographie me paraît à coup sûr bien plus général, dans ce sens, que le mot nosophotographie.

La commission de permanence du Congrès a été saisie, en outre, d'un voeu émis par M. Thouroude, demandant que les noms des unités photographiques rappelassent ceux des premiers inventeurs de la photographie, comme cela a lieu pour l'électricité.

C'est parfait; mais qu'on prenne garde de ne pas faire une oeuvre trop française, par conséquent ne présentant pas cette sorte d'impersonnalité qui est une des plus grandes forces vulgarisatrices de notre système métrique.

LES CHAMBRES NOIRES

Parmi les nombreux appareils qui figuraient à la dernière exposition de photographie, j'ai revu, non sans une mince satisfaction, la chambre brevetée de Jonte, agrémentée de perfectionnements nouveaux qui la rendent impeccable. J'avoue que j'ai toujours eu une grande prédilection pour les appareils de papa Jonte, comme on le nommait amicalement, mais un peu irrévérencieusement. A un moment donné, ils constituaient les meilleurs qui fussent en France. Leur réputation avait passé la frontière et était devenue quasi universelle. Ce n'était que justice. Je peux même dire ce n'est, car ils n'ont pas .démérité, bien que l'ébénisterie française ait fait, en l'espèce, des progrès


LES CHAMBRES NOIRES.

étourdissants. Cette prédilection m'a amené, bien entendu, à me servir d'une chambre brevetée. Si je veux vous en parler aujourd'hui, ce n'est pas seulement parce que je l'ai longuement expérimentée, mais encore et surtout pour répondre à quelques indiscrets Correspondants, voulant toujours savoir de quels instruments je me sers. Cette indiscrétion est aimable. Je l'accorde. En âme et conscience, est-ce une raison suffisante pour admettre qu'il n'y ait de bon que ce que j'emploie? Je le nie. Une affirmation de ma part constituerait une injure gratuite envers bien des fabricants, et j'avoue humblement que mes moyens personnels ne me permettent pas de me servir de tous les appareils qui paraissent, si excellents soient-ils. Il faudrait pour tout employer un budget photographique phénoménal. Enfin, puisque quelques-uns d'entre vous tiennent tant à connaître par le menu ma manière de faire, parlons de la chambre brevetée de Jonte puisqu'elle constitue mon outil courant de travail.

Grâce à son système d'accrochage et au mouvement de son chariot, elle se prête à tous les genres de travaux : études à l'atelier, études en plein air, reproductions. Dans la majorité des cas, l'arrière, monté sur un excentrique qui lui permet de se mouvoir de droite ou de gauche suivant l'axe vertical, reste fixe. C'est l'avant, supportant la planchette de l'objectif, qui avance ou recule suivant les besoins de la mise au point. Cette planchette est maintenue parallèlement à la glace dépolie par des supports de métal assujettis avec des olives à vis de pression agissant sur des repères. D'autres repères indiquent la position médiane de l'objectif dans les cas où la plaque se trouve en longueur ou en hauteur. Il va de soi qu'elle est décentrable, comme dans toute bonne chambre noire. De plus elle peut basculer en avant ou en arrière, suivant l'axe horizontal, qualités qui, combinées avec le mouvement du châssis de l'arrière, peuvent être précieuses pour l'obtention de certains motifs architecturaux. Mais de tous ces repérages les plus intéressants sont, sans contredit, ceux que fournissent les échelles gra-


LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

duées du chariot. Elles permettent, en effet, une mise au point immédiate, à une longueur déterminée, comme celle que l'on trouve par le calcul, lorsqu'il s'agit de se servir de cette chambre pour les agrandissements, les diminutions ou les reproductions.

L'appareil tout monté, la planchette de l'objectif peut, sans qu'il soit besoin de faire mouvoir le chariot, se placer à différents points compris entre deux distances maxima et minima. La distance maxima est de 0"',25 ; la distance minima

minima Om,ll pour une chambre 13x18. Cette latitude convient à tous les cas généraux du travail et des objectifs construits pour celte grandeur de plaque. Nous n'avons donc à nous préoccuper que de la reproduction exigeant souvent une longueur focale dépassant 0"',25, ou de l'emploi d'un très grand angulaire nécessitant, pour les intérieurs, une longueur focale plus courte que 0"',11.

Supposons dans le premier cas que la longueur déterminée soit de 0m,37. Nous placerons tout d'abord l'index delà planchette de l'objectif sur le numéro 25 de la règle graduée placée à droite de l'opérateur, lorsque celui-ci regarde l'objectif. Dans cette position, il verra à sa gauche une seconde règle graduée, dont le zéro se trouve en regard du côté supérieur de la plaque recouvrant la crémaillère et qui sert de repère. 11 n'aura donc qu'à faire déborder le chariot jusqu'à la douzième division de cette seconde règle pour

Chambre brevetée fennec.


LES CHAMBRES NOIRES.

obtenir de prime coup sa longueur déterminée de 0m,37. Supposons dans le second cas que notre longueur soit inférieure à Om,ll. Il suffira : 1° de décrocher de la partie fixe du chariot le cadre d'arrière contenant le châssis pour l'accrocher à l'extrémité de la planchette mobile horizontale; 2°- de fixer sur cette planchette, à l'aide de crochets ad hoc, la planchette supportant l'objectif; 3° de faire mouvoir

mouvoir chariot, ce qui rapprochera l'arrière de la planchette de l'objectif, jusqu'à obtention de la mise au point.

Telle est la manipulation fort simple et très ingénieuse qui permet à la chambre brevetée de se prêter à tous les genres de travaux qu'un amateur peut tenter. L'étanchéité de la chambre est absolue. On peut opérer en plein soleil en négligeant de la recouvrir du voile noir sans craindre de voiler la plaque exposée. Depuis le mois de février 1892, j'ai muni cette chambre d'un anastigmat Zeiss 1 : 6,3 de 214 millimètres de foyer et je développe, comme je vous le indique avec le pyrogallo-iconogène.

Voilà, chers indiscrets, tout ce que je peux faire pour satisfaire votre indiscrétion.

Chambre brevetée ouverte.


10 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

LES OBJECTIFS ZEISS

Lorsque paraissait mon ouvrage, La Tlièorie, la Pratique et l'Art en Photographie, on commençait seulement, en France, à parler des objectifs Zeiss. La nécessité m'imposait donc le silence à ce sujet. Ne l'eût-elle pas fait, que je me serais tu encore. Il faut, en tout, et en photographie très particulièrement, se méfier des choses nouvelles. Souvent, à leur apparition, elles donnent naissance à un engouement que le temps étouffe bien souvent au lieu de le développer. Cet engouement provient, en général, soit de membres de quelques sociétés photographiques désireux de faire parler d'eux en présentant une nouveauté, soit d'une réclame commerciale aussi éhontée qu'intempestive, soit de cette manie bizarre qui pousse certains amateurs, que M. H. Fourtier a spirituellement dénommés « les Snobs de la photographie », à préconiser quand même ce qui est nouveau.

Je l'ai dit et je le répète, en photographie, nous devons avoir un peu le genre de foi de saint Thomas. Non seulement il faut s'assurer par soi-même et par les essais des voisins ce que donne tel ou tel produit nouveau, mais encore attendre les perfectionnements qui peuvent être apportés à ce produit. Il est bien rare, en effet, qu'au jour du lancement la chose lancée ait atteint son maximum dé perfection. Cela tient au désir que nous avons tous de prendre date, d'arriver bons premiers dans la partie dont nous nous occupons.

Ainsi, les objectifs Zeiss, bien qu'ils ne rentrent en aucune façon dans la catégorie des nouveautés qui produisent un engouement passager, ont été modifiés depuis leur apparition. La série présentée sous le nom d'anastigmat F/6,3 est devenue celle de l'anastigmat F/7,2; de même celle F/10 est devenue F/12,5, et d'autres séries annoncées viennent à peine de paraître. Je ne suis donc.point en retard en parlant aujourd'hui de ces objectifs. A tout prendre, je pourrais me considérer comme encore en avance. Cepen-


LES OBJECTIFS ZEISS. • Il

dant il y a lieu de ne pas garder le silence plus longtemps. Ces objectifs, tels qu'ils existent, contiennent en effet une véritable innovation dans la photographie. Au point de vue même tout spécial de l'Art en photographie, qui à été et reste ma plus chère préoccupation, ils valent la peiné d'être pris en très grande considération. Il se pourrait bien qu'ils fissent faire à cet art autant de progrès que lui en a fait faire l'emploi du gélatino-bromure d'argent. ■ Les lentilles dont se composent les objectifs Zeiss sont établies d'après des formules toutes nouvelles qui n'ont pu être mises en pratique qu'à l'aide de verres spéciaux, connus maintenant dans le commerce sous le nom de verres d'Iènà.

Jusqu'à ces temps derniers, le flint et le croion étaient les substances exclusivement employées pour la fabrication des objectifs. La première est un silicate de potassium et de plomb ; la seconde un silicate de potassium et de chaux. Le flint disperse et réfracte fortement les rayons lumineux. Le crown les disperse et les réfracte faiblement. En lès unissant on compense leurs effets. Toutefois les rapports de cette union sont tels qu'on ne peut faire varier le pouvoir réfractif sans que le pouvoir dispersif varie dans le même sens.

En 1842, un verrier français, Grimaud, songea à substituer des borates aux silicates. Malheureusement, depuis que le monde existe, une invention n'a jamais été viable qu'autant que le besoin de sa naissance se faisait sentir. L'emploi de l'acide borique fut donc abandonné aussitôt qu'indiqué. Tout d'abord, d'ailleurs, on avait reconnu une grande instabilité aux verres préparés avec des borates. L'optique marchant, elle aussi, dans la voie du progrès, les essais de Grimaud furent repris, sans grand succès en France, mais bien plus sérieusement à l'étranger. C'est, je crois, M. Schott, à Iéna, qui a produit le premier ces nouvelles matières optiques. De là leur nom de verres dTéna.

Avec elles, le Dr Abbe reconnut bientôt qu'on pouvait faire disparaître dans les lentilles l'existence des spectres


12 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES,

secondaires. L'opticien Zeiss se chargea de confectionner des objectifs pour microscope sur les données du savant docteur. De l'avis de tous les micrographes, les résultats furent merveilleux. Ce progrès réalisé en appelait d'autres. De l'objectif du micrographe à l'objectif du photographe, il n'y avait qu'un pas. Quand on veut marcher de l'avant, ces pas-là se franchissent vite. MM. Voigtloender, Steinheil, Hartnack et Berthiot l'ont franchi. Leurs objectifs construits ainsi donnèrent une grande amplitude au champ de netteté et permirent la diminution du temps de pose. C'était beaucoup déjà. Pas assez encore.

Cet avis était sans doute celui du D 1' Rudolph, car il se mit vaillamment à chercher des formules nouvelles applicables aux objectifs photographiques, c'est-à-dire à des objectifs réunissant une grande intensité lumineuse à une grande profondeur de foyer. S'appuyant d'une part sur un principe général préconisé pour l'uranophotographie, en 1885, parle D 1' Hugo Schroeder et se basant, d'autre part, sur un plan proposé par le D 1' Abbe, il arriva à donner à l'opticien Zeiss la composition d'un objectif constitué par deux mécanismes simples en crown, entre lesquels se trouve une lentille de diamètre plus petit et à correction triple. Cette partie centrale, au point où elle se trouve, n'équivaut guère qu'à une lame à faces parallèles. C'est dire, en d'autres termes, qu'elle ne prend qu'une part minime à l'action lenticulaire du système. En revanche, elle corrige admirablement toutes les aberrations chromatiques ou sphériques de l'objectif. Il s'ensuit que l'action correctrice et la fonction rassemblant la lumière sont nettement séparées. L'objectif peut donc allier à une très grande ouverture une excellente correction des aberrations sphériques.

Cet objectif porte le nom de Triplet apochromalique à correction centrale. La lentille de correction étant du flint borate, l'achromatisme est corrigé pour trois couleurs au lieu de l'être pour deux, et le spectre secondaire disparaît totalement. Il donne des images tout à fait dépourvues de distorsion et ne présentant jamais la tache lumineuse cen-


LES OBJECTIFS ZEISS.

13

traie. De plus, le champ de l'image est plan et l'astigmatisme pouvant encore résulter des rayons obliques ne dépasse pas celui qu'on obtient avec de bons aplanétiques présentant une ouverture correspondante. C'est un véritable objectif universel. Le dessin que nous en donnons représente

représente triplet de 150 millimètres de foyer aux trois quarts de sa grandeur réelle.

Ainsi qu'on peut le voir par la coupe, cet objectif, construit symétriquement, se compose de cinq lentilles. Entre les deux grandes, mises à l'avant et à l'arrière et qui sont des lentilles simples, se trouve une lentille triple d'un diamètre plus petit, mais choisi de façon que l'objectif puisse donner d'excellents résultats avec une ouverture maxima de F/6,3. Le champ de visibilité mesure environ 90° et se trouve très

Le Triplet.


14 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

uniformément éclairé à la toute grande ouverture de l'objectif, laquelle varie entre F/4,3 et F/5.

Ce triplet, grâce à sa parfaite correction des aberrations de sphéricité peut donner des agrandissements considérables en leur conservant une netteté absolue. Aussi lumineux que les nouveaux aplanats d'une ouverture relative de F/6 faits avec du flint de baryte d'Iéna, cet objectif peut être employé à un usage quelconque et il est vraiment un objectif universel. Portraits et sujets de genre à l'atelier, paysages animés, nature en mouvement, vues architecturales ou d'intérieurs, il donne tout avec une pose très diminuée et une égale rectitude et netteté des lignes. Le flint borate contenu dans la lentille correctrice et dont on exagère beaucoup peut-être l'instabilité, est rendu presque fixe, sous nos climats au moins, par son emprisonnement dans l'intérieur du système.

Le D 1' Rudolph ne s'en est pas tenu aux calculs l'amenant à donner un objectif conciliant l'étendue du champ avec une grande ouverture. Il a voulu aussi simplifier le système lenticulaire. A côté du triplet, il a construit le doublet.

On sait qu'un objectif aplanétique donne une image qui est nette au centre, mais reste floue sur les bords. L'adjonction de petits diaphragmes détruit le flou des bords sans augmenter la netteté du centre. L'objectif non aplanétique donne au contraire une image floue dans toutes ses parties et l'adjonction des petits diaphragmes la rend nette partout. De là ce problème intéressant : trouver des courbures et des épaisseurs de lentilles telles que le système lenticulaire d'un objectif non aplanétique présente une image nette à toute ouverture ou tout au moins avec un très grand diaphragme.

C'est ce problème que le D'' Rudolph avec ses calculs et M. Zeiss avec sa construction, ont résolu avec leur doublet non aplanétique auxquel ils ont donné le nom à'anastigmat.

Dans cet objectif, les deux parties du système lenticu-


LES OBJECTIFS ZEISS. 1S

laire composées de lentilles soudées ensemble sont séparément achromatiques, mais la lentille convergente (terme positif) possède, dans l'une de ses parties, un indice de réfraction plus grand et, dans l'autre, un indice de réfraction plus petit que la lentille divergente (terme négatif). C'est grâce à l'emploi du verre d'Iéna à base de silicate de baryte et d'un indice de réfraction très élevé que M. Zeiss a pu ainsi introduire dans ses anastigmats les parties achromatiques séparément. Il en résulte une correction à peu près complète dans les aberrations astigmatiques des faisceaux obliques. De plus, l'obtention de ce résultat laisse l'image plane et très nette sur un champ étendu. Gela avec un éclairement uniforme sur tous les points.

Les lentilles des différents objectifs construits sur le modèle du doublet non aplanétique sont d'un diamètre plus grand que l'ouverture du diaphragme maximum destiné à chaque objectif. Il peut donc travailler nettement avec le grand diaphragme. Condition indispensable pour la rapidité.

La maison Zeiss construit actuellement des anastigmats d'après plusieurs types, dont la différence consiste dans leur rapport d'ouverture et l'angle d'image utilisable. Ces types sont classés en série portant les numéros V, IV et III. Les séries I et II sont réservées pour d'autres objectifs dont le rapport d'ouverture est plus grand. Pour la série cinquième le rapport d'ouverture est F/18 ; pour la quatrième F/12,5; pour la troisième F/7,2, ce que M. Zeiss désigne par anastigmat 1 : 18; anastigmat 1 : 12,5; anastigmat 1 : 7,2 en prenant le foyer de l'objectif de chaque série pour unité. Le rapport de la deuxième série est 1 : 6,3 et celui de la première 1 : 4,5. Ces deux séries n'ont été mises que tout récemment dans le commerce. En réalité l'ouverture ne se trouve pas en fonction du foyer. Ainsi, par exemple, 1 : 7,2 correspondrait arithmétiquement à F/8,7 et 1 : 9 à F/10,7. Toutefois dans la pratique, grâce à l'extrême luminosité des lentilles, l'ouverture F/10,7 donne les mêmes résultats qu'un objectit construit avec des verres ordinaires et diaphragmé exactement à F/9.


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LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

L'anastigmat 1 : 18, formé de quatre lentilles collées ensemble deux à deux, donne une parfaite rectitude de lignes sur toute l'étendue du champ malgré le manque de symétrie de sa construction. Notre gravure représente, aux deux tiers de sa grandeur réelle, un objectif de ce genre,

ayant une distance focale de 632 millimètres. Son angle optique est d'environ 90°. Avec les petits numéros de cette série il atteint jusqu'à 108°. L'image, d'une netteté remarquable, est complètement plane et astigmatiqué.

Ces objectifs sont de véritables grands angulaires, ayant l'avantage, sur ceux qui les ont précédés, de pouvoir travailler avec une grande ouverture. Ce qui permet de les employer pour obtenir des instantanées à ciel couvert.

Anastigmat I : 18 (série V).


LES OBJECTIFS ZEISS.

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Ils sont donc, pour les appareils à main, d'un secours inappréciable.

En ce qui concerne spécialement l'Art en photographie, pour lequel mes lecteurs sont habitués à me voir plaider, ces objectifs, tout en restant meilleurs que leurs aînés, gardent le défaut primordial de ceux-ci, à ce point de vue particulier de l'Art. Ils sont grands angulaires, et l'Art, en général, ne saurait admettre l'objectif grand angulaire.

Celui-ci, en effet, produit dans les différents plans de l'image une exagération anti-artistique. Les premiers plans sont trop accentués ; les derniers trop diminués. Ils gênent l'harmonie de la composition. Dans un cas seul ils peuvent lui aider. Ce cas a lieu quand les arrière-plans possèdent des masses trop importantes pour les premiers ; quand le motif, en un mot, n'a pas de premiers plans suffisants. Mais il ne faut pas oublier que si le grand angle ramène l'harmonie, en trichant, l'image obtenue, pour harmonieuse et bien ordonnancée qu'elle puisse être, n'est plus l'expression de la nature. Ce cas même ne peut donc être admis que sous toutes réserves.

De plus, le grand angulaire nous permet de nous appro3

appro3

Anasligmal 1 : 12,ï (série IV).


18 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

cher du motif beaucoup plus près que l'Art ne le veut. Il en résulte, surtout lorsque le motif contient des monuments, des convergences de lignes dont la brusquerie choque notre regard et désoriente notre goût. C'est une perspective, non pas fausse, mais exagérée, absolument anormale.

Pour que notre oeil voie un objet bien en perspective, nous devons être éloignés de cet objet d'une distance égale à trois fois sa hauteur; deux fois et demie au moins. Nous l'embrassons donc sous un angle relativement petit. Voilà pourquoi, en photographie, l'artiste ne doit pas chercher le trop grand angle et, par conséquent, la trop courte distance focale. Un angle de 45 à 50° et une distance focale d'au moins 200 millimètres, pour une plaque 13 X 18 voilà ce qu'il faut à celui qui cherche l'Art.

Cette réserve faite, j'admets très bien qu'il existe des grands angulaires pour ceux qui désirent prendre un monument sans avoir le recul suffisant, ce qui est toujours le cas d'un intérieur d'appartement ou d'église. Or, en tant que grands angulaires, l'anastigmat 1 : 18 est véritablement très remarquable. On obtient avec lui ce qu'on n'avait pu encore obtenir avec aucun autre objectif de ce genre.

L'anastigmat 1 : 12,5 est, comme le précédent, un grand angulaire pour instantanées et pour reproductions. Le dessin que nous en donnons représente un des petits numéros de ce type. C'est l'objectif de 119 millimètres de distance focale, pris en grandeur naturelle. Au point de vue de la forme extérieure, les numéros plus élevés rappellent celle de l'objectif précédent. Le diamètre des lentilles est tel que, pour les petits numéros de ce type, l'objectif peut travailler avec une ouverture de F/10. Il peut donc être aisément monté sur les petites chambres à main où il constitue un grand angulaire instantané. Calculé sur le grand côté d'une plaque 13x18, l'angle de champ des objectifs correspondant à cette dimension dépasse 60°. Celui de ceux qui sont indiqués pour des plaques de dimensions inférieures atteint 100°.

L'anastigmat 1 : 7,2 est un objectif à grande ouverture


LES OBJECTIFS ZEISS. 19

pour instantanées. Son emploi devient ainsi des plus étendus. Il demeure éminemment supérieur à l'aplanat, considéré jusqu'à ce jour comme l'objectif à tout faire. Notre gravure représente un objectif de cette catégorie, possédant 195 millimètres de distance focale et dessiné aux cinq sixièmes de sa grandeur réelle. En examinant la coupe de l'appareil on remarque qu'il se compose d'une lentille de front double et d'une lentille postérieure triple. Cette multiplicité de lentilles constitue un défaut bien faible, il est vrai, mais enfin un défaut. Cet objectif est extrêmement lourd.

En revanche combien ses qualités compensent cette légère imperfection.

Comme dans tous les objectifs Zeiss, en général, l'image projetée sur le verre dépoli se trouve nettement éclairée dans toutes ses parties. Impossible de trouver une différence sensible entre les bords de la plaque et le centre. Aussi, au développement, le phototype négatif vient-il uniformément brillant sur tous ses points. Comparé avec le meilleur rectilinéaire rapide qui soit, il donne, à ouverture relative égale, un phototype négatif moins intense, par conséquent plus posé. Ce qui prouve une fois de plus sa grande puissance d'éclairement, donc la possibilité de travailler avec une plus grande rapidité. D'autre part, la netteté de l'image est bien plus vite acquise. Alors que le rectilinéaire rapide exige pour l'obtenir un diaphragme plus grand F/18, l'anastigmat Zeiss ne réclame qu'une ouverture F/12,5. Donc encore possibilité d'augmenter la vitesse. Avec cet appareil, j'ai pu obtenir des phototypes instantanés de paysages, très brillants et très modelés, avec un ciel d'hiver couvert et pluvieux.

L'anastigmat 1 : 6,3 conserve les mêmes qualités, en les augmentant toutefois, par une ouverture plus grande. Ce qu'on obtient du précédent avec une ouverture F/12,5 on l'obtient sensiblement de celui-ci avec une ouverture F/9. De plus, ce dernier appareil a sur celui qui le précède un avantage considérable : celui de peser beaucoup moins, avantage qu'il doit, je crois, à sa monture. Avec la toute


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LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

ouverture F/9, il couvre très nettement une plaque rectangulaire dont le plus grand côté est égal à la distance focale de l'objectif. Plus on diminue l'ouverture du diaphragme plus l'angle augmente. L'astigmatisme peut être considéré comme nul. Artistiquement parlant, la netteté est tout à fait suffisante

suffisante la toute ouverture F/6,3. Pour le portrait surtout.

L'anastigmat 1 : 4,5 a des qualités semblables. Ce qu'on obtient du précédent avec l'ouverture F/9 on l'obtient de celui-ci avec l'ouverture 1 : 6,3.

J'estime que ces deux derniers objectifs sont d'excellents appareils pour le portrait, voir pour le paysage bien qu'ils présentent, à toute ouverture, une assez faible profondeur de foyer. Au point de vue artistique ce n'est pas un défaut.

Une innovation heureuse a été de construire un nouvel

Anastigmat ] : 7,2 (série 111).


LES OBJECTIFS ZEISS. 21

anastigmat catalogué dans une série complémentaire (III a) et nommé anastigmat 1 : 9. A mon sens, il est supérieur au 1 : 7,2 pour le travail demandé aux chambres à main. Sensiblement plus profond de foyer que ses congénères, excepté cependant le 1:18, il garde sur celui-ci l'avantage d'être, à toute ouverture, quatre fois plus rapide que celui-ci. Aussi, il se peut qu'il détrône complètement le 1 : 7,2 qui du reste ne rentre pas dans la progression des ouvertures des autres anastigmats.

On comprend qu'avec une netteté absolue donnée par des ouvertures aussi grandes et une si parfaite luminosité dans les différentes parties de la plaque, les objectifs Zeiss accusent des résultats des plus intéressants. Ces objectifs sont munis de diaphragmes à vanne ou d'un diaphragme iris numérotés par le D'' Rudolph, avec des nombres indiquant l'intensité de lumière propre à chaque ouverture. Les temps de pose, toutes choses restant égales d'ailleurs,, demeurent donc inversement proportionnels aux numéros des diaphragmes.

L'intensité de lumière correspondant à une ouverture dont le diamètre est égal à un centième de la distance focale a été prise pour unité. Le tableau suivant rend compte d'ailleurs de la façon rationnelle dont les ouvertures de ces diaphragmes ont été calculés :

NUMÉROS RAPPORTS NUMÉROS RAPPORTS

des de des de

IlIAl'IMÎAGMIÏS Cl.Alîïlï DIAPHRAGMES CLAUTÉ

512 | : /,,» 1(> 1 : 25

256 1 : 0,3 S I : 36

128 1 : !» t, ■ 1 : 50

64 1 : 12,5 2 1 : 71

32 1 : 1S 1 1 : 100

Aucun appareil à cette heure ne présente des qualités identiques à celles des anastigmats Zeiss. Si, à valeur égale,


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LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

je me suis toujours plu, de préférence, à recommander les objectifs de fabrication française, mon patriotisme ne saurait cependant aller jusqu'à nier l'évidence. Si le monde entier a admis la photographie venant de la France, nous pouvons bien consigner les perfectionnements venant de l'au-delà de nos frontières. C'est le cas. Les objectifs Zeiss feront, accomplir.à l'Art en photographie des progrès que j'estime déjà considérables.

LE PERIGRAPHE EXTRA-RAPIDE

Un de nos meilleurs constructeurs français, M. Berthiot, a fabriqué aussi un nouvel objectif, qu'il dénomme, je ne

sais trop pourquoi, pèrigraphe extra-rapide. Au demeurant, le nom ne fait rien à la chose. Peutêtre n'est-il qu'une nécessité de catalogue. Le pèrigraphe, que j'ai pu voir, me paraît donner une image fine, bien rectilinéaire et très profonde. C'est un doublet à quatre lentilles. L'objectif, dont les lentilles mesurent 34 millimètres de diamètre, présente une distance focale de 230 millimètres.

L'ouverture utile du diaphragme maximun est de r/12, mais il faut diaphragmer à F/14 pour acquérir la bonne netteté d'un phototype.

Les périgraphes extra-rapides possèdent une très grande tolérance de mise au point, ce qui en permettra l'établissement sur les chambres à main. Ceux destinés à ces chambres, format 13 X 18, possèdent un foyer de 190 millimètres. Employés avec l'ouverture F/65 ils couvrent nettement une plaque 27 X 23. Munis d'une guillotine à pivot et embrassant un angle assez grand, les périgraphes semblent donc pouvoir très bien servir pour les chambres à main. Je n'ai

Pèrigraphe Berthiot.


LES TELEOBJECTIFS. 23

pas été à même, en effet, d'expérimenter d'une façon concluante les qualités de rendement de ces appareils.

LES TELEOBJECTIFS

Il n'y a pas de photographe qui, à un moment donné, n'ait pesté contre l'éloignement. De la falaise il a vu, en pleine mer, un superbe bateau ; de la berge d'une rivière il ■ a remarqué un motif intéressant, situé sur l'autre bord. Impossible d'approcher plus près de l'un ni de l'autre motif. Or, de l'endroit d'où il se trouve, l'imagé reçue sur le verre dépoli se limite dans des proportions minuscules. Comment faire pour obtenir le sujet à une échelle suffisante? Une réponse toute naturelle vient à l'esprit : placer une longue-vue devant l'objectif. Avec cet appendice, M. Lacombe obtint une image raisonnable du donjon de Vincennes, situé à 2 kilomètres de sa chambre noire.

Tout naturel qu'il est, ce dispositif ne saurait pourtant entrer dans la pratique courante. D'abord, pour tenir la longue-vue immobile et bien horizontale en avant de la chambre noire, il faut avoir recours à un mode de suspension tout particulier. De plus, la grande quantité de lumière absorbée par.les nombreux verres constituant le système optique de l'appareil allonge considérablement le temps de pose. Il était donc de toute nécessité de chercher un autre moyen.

Déjà, Petzval avec son orthoscopique et M. Derogy, en 1858, avec son objectif à foyers multiples, avaient essayé de recevoir l'image sur un oculaire donnant une image réelle et agrandie sur le verre dépoli. Est-ce bien là de la téléphotographie proprement dite? J'en doute beaucoup. Dans tous les cas,, il n'en était nullement question. Les auteurs cherchaient avant tout à reproduire les objets avec la rectitude absolue de leurs lignes, à produire, en un mot, un objectif vraiment orthoscopique. Or, je saisis mal, au point de vue optique, l'identité que d'aucuns veulent voir entre


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LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

l'orthoscope et l'amplificateur du microscope solaire sur lequel se base la photographie à distance ou téléphotographie.

Quoi qu'il en soit, la solidité nécessaire à l'obtention d'une netteté parfaite exigeant de grandes difficultés et un matériel assez encombrant, M. Jarret a eu l'idée de construire un appareil spécial permettant de monter directement l'objectif sur une combinaison optique donnant le grossissement immédiat. Ce téléobjectif se compose d'un tube muni d'un tirage à crémaillère et de pas de vis semblables à celui de l'objectif dont on se sert. Ce tube peut donc être

monté sur l'anneau fileté fixé à la chambre noire. Le système lenticulaire de grossissement se trouve à l'extrémité de ce tube conligue à l'orifice de la chambre, et l'on reporto l'objectif ordinaire à l'autre extrémité. La. grandeur de l'image fournie par cet appareil change en raison du tirage de la chambre. La mise au point s'effectue en faisant varier, au moyen de la crémaillère, la distance entre l'objectif et

Vue de Polsdiim prise à 2,500 mètres avec un objectif ordinaire.


LES TÉLÉOBJECTIFS.

2o

l'appareil de grossissement. Pour la netteté de l'image reçue sur le verre dépoli, il faut, en effet, que celle donnée par l'objectif se l'orme en avant et au foyer des lentilles grossissantes.

grossissantes. simple tracé de la marche des rayons lumineux, dans tout.le système, démontre que l'image reçue sur le verre dépoli se présentera non seulement très agrandie mais encore redressée. A la condition de ne point chercher un agrandissement trop accentué, cette image secondaire se présente avec une netteté très suffisante. La pose, toutefois, se trouve considérablement augmentée. On ne saurait

Vue de la partie encadrée dans la précédente ligure, obtenue avec le téléobjectif du docteur Miethc.


26 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

employer ce téléobjectif, par exemple, pour des navires passant au large.

Il restait donc à trouver un téléobjectif rapide.

Si l'on en croit la presse étrangère, cette recherche ne serait plus à faire aujourd'hui. En Allemagne et en Angleterre on mène, en effet, grand tapage autour de deux inventions donnant l'image agrandie en même temps que l'instantanéité. On a même dépensé des flots d'encre pour savoir à qui appartenait la priorité dans cette invention. C'est vraiment du dernier futile. Que l'idée première soit à l'un ou à l'autre, le véritable inventeur demeure véritablement celui qui met cette idée dans le courant de la vie. Nicéphore Niepce reste réellement l'inventeur de la photographie. Pourtant, la formation de l'image sur une substance métallique, par le fait de la lumière se retrouve dans les pratiques thaumaturgiques de l'Egypte ancienne. Il en va de même pour toutes les inventions. Je renverrai ceux qui désirent s'édifier à ce sujet, au Vieux-Neuf de cet étonnant polygraphe qu'on nomme Edouard Fournier.

En Allemagne le Dr Miethe et en Angleterre M. Dallmeyer prétendent, en même temps, mettre la téléphotographie à la portée des amateurs. Je m'inquiète peu de savoir lequel des deux arrive bon premier pourvu que l'un des deux ou tous les deux nous offrent la possibilité d'atteindre les résultats que nous cherchons.

En dehors des applications astronomiques, où le téléobjectif demeure nécessaire, cet instrument se présente comme un auxiliaire précieux dans les opérations militaires et dans celles de la métrophotographie, c'est-à-dire la transformation des perspectives en plans tQpographiques ou géométraux. Quant aux photographes amateurs ils ne manqueront pas de lui ouvrir tout grand leur sac de voyage, s'il peut vraiment, par sa rapidité, donner un champ illimité à leurs opérations journalières.

Nos gravures représentent deux vues de Potsdam, prises simultanément, d'un même point, situé à deux kilomètres et demi de l'objet. L'une présente la vue obtenue avec un ob-


LES TELEOBJECTIFS. 27

jectif ordinaire. Le petit rectangle qui s'y trouve tracé délimite la partie agrandie donnée par le téléobjectif du D 1' Miethe, que l'autre gravure retrace dans ses proportions exactes. Le principe du dispositif employé consiste dans l'interposition, entre l'objectif et son foyer, d'une lentille biconcave ayant pour objet de dévier le faisceau lumineux avant son arrivée au foyer de l'objectif. Entre les deux lentilles il existe un écartement à peu près égal à la différence de leurs longueurs focales. Les images reçues sont, cette fois, primaires et renversées. Leur grandeur varie avec la position respective des. deux lentilles et dépend aussi du rapport de leurs distances focales. Soit 12 à 1 ce rapport, l'image définitive mesurera douze fois la grandeur de celle donnée par l'objectif ordinaire.

Je me garderai bien de trancher la question de priorité entre MM. Dallmeyer et Miethe. Je laisse ce soin aux intéressés et aux débrouilleurs d'éeheveaux historiques. A en croire les brevets, la priorité serait à M. Dallmeyer. Pour l'instant, nous notons des résultats obtenus et nous ne faisons pas de l'histoire. Or, en fait de résultats obtenus, ces deux messieurs ont cherché à produire de grandes images primaires suffisamment brillantes pour acquérir une valeur pratique en photographie. Rien d'étonnant que l'idée leur soit poussée, à peu près simultanément, d'employer à cette recherche un dispositif en usage depuis longtemps déjà, dans le microscope solaire. Si même nous devons nous étonner d'une chose, c'est que cette idée ne soit pas venue plus tôt à l'esprit des opticiens. Cette méthode ne ressemble pas à celles précédemment mises en oeuvre. L'appareil de. M. Jarret, l'objectif à foyers multiples de M. Derogy, l'orthoscopique de Petzval, donnent une image secondaire procurant un grossissement de l'image primaire et ne présentant point le brillant nécessaire à la pratique. Quoi qu'on en ait dit, ils ne sauraient entrer en comparaison avec les téléobjectifs dont nous nous occupons actuellement.

Lorsque l'on compare deux objectifs mis au foyer sur un objet éloigné, et quelle que soit, d'ailleurs, la forme de leur


28 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

construction, on constate que si la grandeur de l'image donnée par l'un de ces objectifs est n fois celle donnée par l'autre, le foyer du premier est n fois plus grand que celui du second, à la condition, bien entendu, que les images soient directes, primaires et renversées.

Pratiquement, la longueur focale se mesure par la distance entre un des plans principaux passant par l'un des points nodaux de l'objectif vers le plan focal, où l'image est reçue, et ce plan. Bien souvent ce point nodal ne se trouve pas exactement situé à la fente du diaphragme, mais un peu en arrière ou un peu en avant. Par suite d'accidents de construction, il arrive même qu'on le rencontre légèrement en arrière ou en avant de l'objectif. Aussi le Congrès de 1889 a-t-il sagement agi en demandant que les constructeurs. veuillent bien inscrire, sur la monture de leurs objectifs, le point nodal d'émergence.

Le principe de l'invention de M. Dallmeyer consiste à rejeter volontairement le point nodal en avant de l'objectif, et à n'importe quelle distance, sans l'emploi d'un appareil volumineux et à long tirage.

L'élément antérieur du téléobjectif se compose d'une lentille positive (convergente), d'ouverture aussi grande et de foyer aussi court que possible; l'élément postérieur est une lentille négative (divergente), d'une longueur focale fractionnelle de celle de la longueur focale de l'élément positif. A la première image, il s'en trouve ainsi substituée une autre plus grande, mais également réelle, donc primaire. Pour un tirage donné de la chambre, la dimension du format de l'image demeure en raison inverse du foyer de la lentille postérieure, comparé à celui de la lentille antérieure. Quant à la préférence à. donner à un élément antérieur de grande ouverture et de court foyer, il réside dans ces faits bien connus : à une grande ouverture correspond une grande rapidité ; la distance de l'objet à l'objectif est en raison directe de la longueur focale de celui-ci, et à ouverture égale, plus le foyer est court, plus rapide aussi est l'objectif. En nous reportant à la figure 1, nous voyons que si la


LES TÉLÉOBJECTIFS. 29

lentille négative B est placée à des distances appropriées à la lentille positive A, les rayons pourront émerger parallèles, divergents ou convergents. Afin de former sur l'écran une image primaire directe et renversée, ils doivent être rendus

convergents. En principe, il demeure indifférent de choisir n'importe quelle position pour le verre dépoli sur lequel l'image doit être reçue. Dans la pratique, par la nécessité d'une bonne mise au point, il faut un ajustement correct de l'espace séparant les deux éléments.

Mettons au point un objet situé à l'infini, le soleil, par exemple, et supposons le verre dépoli placé à une distance donnée. Il deviendra impossible de trouver un plan où l'instrument puisse être au point pour des objets très rapprochés. Les rayons émanant de ces objets (fig. II) divergeraient au lieu de converser.

Le rayon supérieur indiqué en trait plein rencontre la lentille A parallèle à l'axe, et par un ajustement convenable entre A et B, vient au foyer en F sur la plaque PL. Si PL est éloignée davantage de la lentille B pour prendre là position P'L', la lentille A devra être rapprochée légèrement de B et prendre la position A'.

La ligne inférieure pointillée représente un rayon parallèle tombant sur A', qui passe à travers la lentille négative B et qui vient au foyer sur la nouvelle position de la plaque P'L 1, en F'

A la partie supérieure de l'axe, un rayon parallèle à A trouve son foyer, comme dans la ligne pleine, sur la plaque en F. Si cependant un rayon d'un objet rapproché tombe sur la lentille A dans la direction de la ligne pointillée, après avoir passé à travers la lentille B, on trouve qu'il est divergent et qu'il n'est pas possible d'obtenir un foyer primitif.

Dans la partie inférieure de la figure, cependant, A est présumé prendre une position convenable en A' lorsque le rayon de l'objet rapproché, passant à travers A' et également à travers la lentille B, trouve son foyer sur la plaque dans la position fixe choisie, en F.


30 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

. Réciproquement, lorsque l'appareil se trouve immuablement ajusté pour un objet rapproché, il ne donnera plus le point pour un objet très éloigné. Pour que la mise au point puisse s'effectuer dans tous les cas, il faut donc rendre possible la variation de la distance séparant les deux éléments composants. On remarquera, d'ores et déjà, que plus long sera l'élément positif du système, plus grande devra être la séparation entre les deux éléments. Il semble résulter de ces constatations qu'aucune limite n'existe au format de l'image pouvant être obtenue. Cela est vrai en

théorie; mais, dans la pratique, il ne faut pas oublier que plus grande sera la séparation entre le plan du verre dépoli et l'objectif, moins grande sera la rapidité du téléobjectif.

A ce sujet, voici en quels termes M. Dallmeyer lui-même s'est exprimé, dans une séance au Caméra Club de Londres :

« Supposons le verre dépoli placé à une distance de 10 pouces d'un objectif ordinaire. Si l'on met au point un objet éloigné, disons que l'objectif possède un foyer de 12 pouces pour les rayons parallèles. Si nous mettons le même objet au point avec le téléobjectif, on constatera que l'image produite se trouve être cinq fois plus grande avec le nouvel objectif qu'avec l'objectif ordinaire. Vous savez donc alors que vous employez pratiquement, pour tous les usages, un objectif de 60 pouces de foyer.

« Cette question se pose naturellement : « Quelle sera la « rapidité? » La réponse est que vous avez à considérer la lentille antérieure comme placée à une distance de 60 pouces

Représente un faisceau de rayons passant à travers les deux éléments composant A et B, venant au foyer sur la plaque PL. Pour déterminer la rapidité, il est nécessaire de considérer l'ouverture entière placée au plan focal principal passant par le point nodal en N ; A est, de cette façon, amené à prendre une position imaginaire.

La position du point nodal change pour les différentes positions de la plaque PL.


LES TELEOBJECTIFS. 31

du verre dépoli. En d'autres termes, le point nodal est rejeté extérieurement en avant de l'objectif à une distance de 60 pouces de l'écran de mise au point (fig. III).

« Il est évident, pour moi, qu'on ne saurait attacher trop d'importance à la nécessité d'une grande ouverture pour l'élément positif antérieur. Dans le cas cité, en supposant la lentille possédant une ouverture de 3 pouces, on travaillerait donc avec une intensité de F/25. »

C'est de l'instantanéité à la mer.

Les images que nos gravures reproduisent, et qui ont été très exactement mesurées sur des phototypes de M. Dallmeyer, représentent une petite chapelle. La première, située à une distance d'environ dix minutes à vol d'oiseau de l'opérateur, a été prise avec un objectif ordinaire de 0m,44 de longueur focale. La seconde nous montre cette même chapelle prise du même endroit, avec un objectif téléphotographique, également de 0m,44 de longueur focale.

J'ai dit déjà qu'il n'existe aucune limite à la grandeur de l'image. Elle dépend uniquement du pouvoir de l'élément divergent, l'élément convergent ne changeant pas. Néanmoins, toute question de rapidité à part, plus cet élément divergent sera grand, plus petit sera l'angle de vision.

Dans une lettre privée, au cours de laquelle M. Dallmeyer me fait l'amabilité de me donner quelques détails particuliers sur son téléobjectif, il m'informe qu'il a construit une série d'éléments négatifs, spécialement corrigés, qui pourront servir,, avec ses objectifs à portrait brevetés, à former une combinaison de beaucoup supérieure à celle du téléobjectif à deux éléments seulement. Ces objectifs à portrait donnent en effet, en eux-mêmes, un rapport d'ouverture en fonction du foyer, qui ne saurait être atteint dans une combinaison simple. Par la construction toute spéciale des éléments divergents, M. Dallmeyer obtient ainsi une plus grande netteté et un plus grand éclairage. On comprend, du reste, que l'élément positif étant plus court de foyer, la longueur totale de la combinaison se trouve moindre, et,


32 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

par conséquent, elle embrasse un plus grand angle qu'une combinaison contenant un élément positif à long foyer.

Cette note ne peut manquer de faire plaisir à tous ceux qui possèdent un objectif à portrait breveté de la maison Dallmeyer.

Vue prise avec un objectif ordinaire de r,.', centimètres de foyer.

Même vue prise avec un téléobjectif Dallmeyer de /|/i centimètres de foyer.

Je terminerai en constatant que les vues prises avec les téléobjectifs ne sauraient être artistiques. Elles sont forcément plates. Le motif se trouvant, en effet, extrêmement éloigné, est pris sous des angles extrêmement petits. La perspective linéaire ne s'y trouve plus suffisamment accentuée. Ceci, du reste, rentre dans la question de la vérité de la perspective en photographie, qui demande une étude spéciale. J'aurai donc à y revenir quelque jour.


PORTE-OBJECTIF,

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PORTE-OBJECTIF

Les moyens d'adapter l'objectif à la chambre noire ont été une des préoccupations du Congrès de 1889. Il a même préconisé l'emploi d'une série normale d'embases filetées présentant des dimensions nettement définies. Ce n'était, en somme, qu'une réglementation de la chose existante, dont quelques modifications pratiques avaient déjà été données par MM. Molteni et de Villechole. La remise au

jour du diaphragme iris, indiqué jadis par. Niepce, a permis, grâce à ses modifications nouvelles, de résoudre le problème d'une monture unique pour les objectifs de toute grandeur. Je crois que l'idée première en est due à M. H. Fourtier. Toujours est-il que l'exécution appartient à MM. Clément et Gilmer, ce'qui est suffisamment constaté par le nom de Clègil, qu'ils ont donné à l'appareil.

Seize lames de cuivre minces sont logées dans une bague de faible saillie. A l'une de leurs extrémités, elles tournent autour d'un pivot fixé sur l'embase de l'appareil destiné à être vissé sur la chambre noire. A l'autre extrémité, elles portent un tenon saillant s'engageant dans des fentes rayonnées pratiquées sur une couronne de cuivre. C'est le moteur. Il est solidaire d'une seconde bague portant une embase qui recouvre exactement l'embase inférieure. Deux boutons de manoeuvre se dressent aux extrémités du diamètre de cette contre-bague, et permettent de lui imprimer un mouvement rotatif dont l'amplitude atteint un sixième de circonférence environ. En agissant sur ces boutons, les extrémités des lamelles se rapprochent du centre. Il suffit donc de présenter dans l'ouverture l'extrémité de l'objectif débarrassée de sa rondelle d'attache, et d'agir sur les boutons jusqu'à ce que l'objectif soit fortement saisi et retenu

Le Clégil.


34 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

par cette sorte de mâchoire circulaire, qui reste fixée par le serrement à fond d'une vis moletée montée sur l'un des boutons. L'ouverture fournie par l'appareil n'est pas, il est vrai, un cercle parfait, mais bien un polygone de seize côtés curvilignes. Il se rapproche suffisamment de la circonférence pour que la chambre noire reste complètement étanche. C'est certainement jusqu'à nouvel ordre, le meilleur porte-objectif qui soit.

LES PLAQUES

Que de plaques sont posées pendant la grande saison du plein air ! Les compter occuperait les loisirs d'un statisticien curieux et... qui aurait du temps à perdre. Que de déboires aussi elles ont causé, en dehors de ceux provenant d'une erreur de pose, de développement ou de quelque accident émanant du chef de l'opérateur! D'ailleurs, dans l'espèce, c'est toujours l'éternelle histoire de l'enfant et de la tartine de confitures. Quand le moutard, distrait ou bâillant, la laisse choir de ses mains, vous pouvez être certain qu'elle tombera presque toujours sur le côté... des confitures 1 Déveine éternelle qui trouve sa similaire dans la photographie : Si une plaque a quelque accroc le plus souvent cette plaque présentera un bon phototype. Pour ma part, la chose m'est arrivée au cours des dernières vacances... Tous les photographes, mes frères, se rendent compte de ma mauvaise humeur, sans qu'il me soit besoin d'y insister.

Malgré cette mauvaise humeur, je ne serais pas juste en prétendant que les plaques de bonne marque soient mal préparées. Les accidents venant du fait du fabricant diminuent de jour en jour. Si minime que soit leur nombre il reste trop grand encore. Il est considérable si l'on veut s'arrêter à la qualité du verre. A ce point de vue, la maison Lumière, qui fait parade de son grand prix à l'Exposition universelle, mériterait plutôt une première mention de blâme. Sur douze plaques six, au moins, ont des yeux, des


Vue d'ensemble de l'appareil à recouvrir les plaques, du Dr J.-H. Smith.


36 LES NOUVEAUTES PHOTOGRAPHIQUES.

bulles, ou des coups de diamant. Je me crois d'autant plus en droit de crier que la renommée de cette maison est grande et qu'elle la mérite à bien des points de vue. Quant aux maculatures, au revers, toutes en ont.

Or, puisqu'il est à peu près admis aujourd'hui que personne ne prépare ses plaques et qu'on les achète toutes préparées, il serait à souhaiter que les fabricants missent une certaine dignité commerciale à les livrer d'autant plus irréprochables qu'ils nous les font payer bien au-dessus de leur valeur réelle.

Pour atteindre ce but, on a cherché et on cherche des moyens mécaniques. Le docteur J.-H. Smith, dont les plaques sont célèbres, en Suisse, a. proposé à ce sujet une machine qui pourrait bien, en effet, donner d'excellents résultats. La voici :

Les plaques de verre AA, préalablement choisies de première qualité etnettoyées comme il convient, sont successivement emboîtées clans les guides CC et portent sur de petites roues DD, jusqu'au moment où on les pousse sur la bande sans fin E. Afin de pouvoir servir à des plaques de largeurs différentes, une manivelle .F permet de rapprocher les guides l'un de l'autre.

Un arbre de commande G, tourné par une force motrice ou simplement par un volant à manivelle .1:1, actionne les bandes sans lin destinées à entraîner les plaques. La force d'un enfant est très suffisante pour faire mouvoir cet arbre.

Les plaques sont amenées par la bande de front E sous l'appareil à couvrir .1.

Cet appareil consiste en un récipient bas divisé en deux compartiments par une cloison K.

Quant à. l'émulsion, elle se trouve contenue dans un vaisseau L affectant la. forme d'un petit tonneau et dont, au moment de l'opération, on recouvre les parois avec des feutres.

Une manivelle M permet de lever ou de baisser ce tonneau. Une (lèche 0 indique sur l'échelle N la quantitéd'émulsion employée. Le tonneau peut être incliné, suivant le besoin,


LES PLAQUES. 37

à l'aide delamanivelleP. Par le tube Ql'émulsion s'échappe et coule dans le premier compartiment du récipient J et

gagne le second grâce à une fente ouverte dans la cloison. L'émulsion, entièrement de niveau dans ce second coin-


38 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

partiment, déborde en un ou plusieurs courants bien réguliers, correspondant chacun dans sa largeur avec la largeur de la plaque ou des plaques à. couvrir. Coulant à sa sortie du récipient sur des pièces courbées B.R qui, par un pivotement sur un axe, peuvent s'appuyer légèrement sur les plaques et s'adapter d'elles-mêmes à leurs différentes épaisseurs, l'émulsion couvre toutes les plaques à la fois.

Pour éviter lesmaculatures sur les revers, qui pourraient avoir lieu par une négligence de l'opérateur ayant laissé des espaces entre les plaques, l'émulsion s'écoule dans un réservoir S.

Sitôt recouvertes, les plaques se séparent l'une de l'autre par l'action de roue à vis sans fin T et sont disposées sur un long réservoir à refroidir VU avançant d'abord sur des rouleaux VV, puis sur une longue bande sans fin W supportée par un nombre suffisant de rouleaux X. L'alimentation de l'eau froide se fait par le tuyau Y.

Les plaques restant constamment sur ce bain d'eau froide, la prise de l'émulsion est régulière et parfaite.

Des couvercles de zinc Z recouvrent entièrement tout l'appareil pour empêcher l'adhérence des poussières ou l'arrivée d'un excès de lumière.

La machine totale a une longueur de 7 mètres, une largeur de 0m,80. Les révolutions de l'arbre de commande s'élèvent à 30 ou 40 tours par minute donnant aux plaques un avancement de 2 à 3 mètres et permettant la production de quarante plaques 18 X 24 à la minute.

Cet appareil me paraît excellent. Tous les fabricants l'emploieront-ils et donnera-t-il les résultats auxquels il permet de s'attendre? L'avenir peut-être nous renseignera. J'en doute cependant. C'est si commode de mal préparer les plaques et de les vendre tout de même à des prix fantastiques !


LANTERNE DE VOYAGE. 39

LANTERNE DE VOYAGE

Soit pour changer simplement les plaques dans les châssis, soit pour développer ces mêmes plaques, la lanterne rouge, en voyage, est de première nécessité. Orv chacun connaît les inconvénients des lanternes ordinaires, surtout au point de vue des substances employées pour leur éclairage. Dans les systèmes à l'huile, au pétrole, à l'essence, on doit, au préalable, s'occuper des mèches et les garnir de liquide.

Dans les systèmes à bougies, celles-ci fonctionnent très . irrégulièrement. Si les lanternes sont petites, les bougies coulent, leurs mèches s'allongent et fument. Sont-Belles dans un tube? Elles se trouvent soumises à l'action d'un ressort, s'arrêtent quelquefois dans leur montée. Ainsi emprisonnées les bougies s'épuisent vite, avant la fin de l'opération, et sans donner une clarté suffisante.

La nouvelle lanterne Decoudun a été étudiée et combinée pour supprimer ces inconvénients. Pour son éclairage, on fait usage de paraffine en tablettes, substance économique donnant une flamme brillante, non fuligineuse ni dangereuse, brûlant sans odeur et s'introduisant par morceaux très facilement, sans qu'il soit nécessaire d'ouvrir la lanterne.

Le tube porte-mèche est au centre d'une boîte métallique contenant de la paraffine pouvant fournir à l'alimentation dix heures durant. Le niveau visible baisse pendant là consommation. On le remonte en remettant, toutes les deux ou trois heures environ, une tablette de paraffine dans une ouverture spéciale, placée extérieurement derrière la lanterne. De là, elle tombe dans un réservoir, se liquéfie sous l'influence de la chaleur et s'écoule goutte à goutte dans la lampe.

Pour éteindre, on souffle par l'ouverture supérieure. En se refroidissant, la paraffine se solidifie et la lanterne devient transportable. De la sorte, elle se trouve toujours


40

LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

prête à fonctionner, en donnant un éclairage d'une durée illimitée.

Déjà on avait tenté d'utiliser les précieuses qualités de la paraffine solide pour l'éclairage, sans y parvenir toutefois. La mèche, en effet, se carbonisait, faute d'avoir assez de paraffine fondue autour de son tube, surtout avec la baisse du niveau. Il devenait dès lors impossible de la rallumer. L'inventeur a-tourné cette difficulté en plaçant tout simplement une lame d'un métal conducteur derrière et près de la flamme. La chaleur de cette lame, rapidement transmise

au tube porte-mèche, liquéfie la matière. La mèche, immédiatement alimentée, brûle sans hésitation, se conserve très longtemps, et peut être rallumée plus de cent cinquante fois.

La lumière arrive sur trois côtés. Les verres rouges sont glissés dans les rainures et dégagés instantanément par la levée du couvercle supérieur à charnière. Il est, par conséquent, facile de les nettoyer ou de les remplacer.

La lanterne spéciale pour le voyage se dresse sur une boîte métallique à charnière, formant une base solide qui l'élève à une hauteur convenable pour développement. Repliée, cette boîte protège les trois verres et réduit l'ensemble à 6 1/2 X-6 1/2 X 14 centimètres.

Pour appliquer cette lanterne aux usages du laboratoire, M. Decoudun a imaginé de la monter, sur un pied de fonte.

Ouverte.

Lanterne de voyage Fermée.

Avec pied pour laboratoire.


L'ÉCLAIRAGE DANS LE LABORATOIRE. 41

L'ÉCLAIRAGE DANS LE LABORATOIRE

M. Radiguet a cherché à rendre pratique l'éclairage à l'électricité dans le laboratoire.

Cette nouveauté constitue un progrès réel. La lumière électrique est vive, d'un maniement facile, d'un dégagement

dégagement chaleur faible. Avec elle ni odeur désagréable, ni gaz malsain. Toutes choses à considérer dans l'éclairage d'un endroit généralement très restreint, L'électro-photophore de M. Radiguet se compose d'un bocal de verre contenant une solution de bichromate de potasse. Trois vases de verre, à fond perforé, se placent dans ce récipient. Chaque vase reçoit les zincs et les charbons. Il se forme ainsi une trinité d'éléments montés en tension et réduits à un faible volume. Une triple attache soutient zincs et charbons et permet, suivant le besoin, de les plonger dans la solution de bichromate de potasse ou de les en retirer. Le courant porte à l'incandescence une petite lampe, donnant la puissance d'éclairage d'une bougie et enfermée dans un

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Lampe électrique américaine.


42 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

réflecteur parabolique muni d'un verre rouge. Ce réflecteur peut tourner autour d'un axe et prendre conséquemment toutes les inclinaisons, toutes les directions désirables.

Appareil commode, lumineux, éminemment pratique pour suivre un développement.

Je vous signalerai également une petite lampe de laboratoire américaine. C'est une lampe à incandescence contenue dans un hémisphère servant de réflecteur, fermé par un verre rouge et monté sur une poignée.

On peut ainsi l'approcher de la cuvette, suivre le développement aisément, sans fatigue et sans craindre le voile, puisque la plaque n'est éclairée que par petites portions et pendant un espace de temps très court.

Le développement fini, la lampe est suspendue à un crochet et sert à l'éclairage du laboratoire.

Puisque nous sommes à l'éclairage dans le laboratoire, permettez-moi de passer à l'influence de la lumière d'une bougie sur les plaques que je trouve dans un article du Photographische Correspondent.

L'auteur avait à répondre à ces deux questions :

1° Est-il possible de'mettre des plaques dans un châssis en se servant simplement de la lumière d'une bougie atténuée par un écran quelconque?

2° Peut-on développer sans danger en entourant une simple bougie d'une feuille de papier brun ou jaune?

L'expérience a démontré que des plaques mises en châssis à 4 mètres de la lumière libre d'une bougie et développées au rodinal à un vingtième ne donnaient la perception du voile qu'après deux secondes d'exposition et que cette influence de la lumière se trouvait diminuée d'un tiers en plaçant un carton devant la flamme de la bougie.

En entourant la bougie de papiers colorés l'influence de la lumière a de plus en plus diminué et celle provenant de la lumière réfléchie par les murs et le plafond a été nulle.

Il en résulte qu'on peut fort bien charger ses châssis en se mettant à 4 mètres d'une bougie allumée à laquelle on


LES BAROMETRES DU PHOTOGRAPHE. 43

tourne le dos et que tout développement peut être effectué devant la flamme d'une bougie entourée de deux ou trois doubles de papier brun ou jaune. Ces constatations sont précieuses pour le développement en voyage. Je puis vous affirmer que, tout dernièrement, j'ai pu, étant en tournée, développer bon nombre de plaques avec une simple lanterne conique démunie de son chapeau. La lumière blanche réfléchie par le plafond me donnait beaucoup plus-de clarté. Il est vrai que, suivant mon habitude, je tenais un carton sur la cuvette de développement, jusqu'à l'apparition des grandes niasses lumineuses du phototype. Il n'en est pas moins exact aussi que cette manière de procéder diminue la fatigue du travail.

LES BAROMETRES DU PHOTOGRAPHE

Dans la séance du 8 juin 1892 de l'Association belge de Photographie (section de Bruxelles), M. Alex, de Blochouse a donné quelques pronostics du temps, utiles aux photographes en campagne. Ils sont tous déduits de l'observation des animaux.

Si les poules s'abritent quand il pleut, dit-il, la pluie ne sera que momentanée. Si, au contraire, malgré la pluie, elles continuent à chercher leur nourriture, la pluie sera durable ; si elles rentrent de bonne heure, le temps sera beau le lendemain ; si elles s'attardent, signe de pluie. Les cousins voltigeant verticalement indiquent le beau temps ; si leur vol est en zigzag, pluie ; si les limaces portent de la boue, signe de pluie ; si elles portent un brin d'herbe, beau temps ; si la reinette pousse un cri particulier, beau temps ; de même si la reinette que l'on tient en bocal monte à l'échelle et sort de l'eau. Si les vaches enfoncent leurs naseaux dans les haies, également signe de pluie. M. de Blochouse termine cette série d'observations en invitant les membres de l'Association à recueillir les pronostics basés sur les faits et gestes des animaux et à vérifier ceux qu'il indique.


44 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

On peut tout d'abord ajouter qu'il y aura orage lorsque les mouches agacent les bêtes et les gens, ce que je constate en écrivant ceci. Mais il est d'autres pronostics basés sur des phénomènes météorologiques ou sur dés proverbes qui gardent une certaine. valeur reconnue par de longs siècles d'expérience et qu'il me semble bon d'indiquer. Si l'abondance en pareille matière ne fait pas de bien, elle ne saurait pas faire de mal.

La coloration du coucher du soleil a fourni de nombreux pronostics : ciel rosé, annonce de beau temps ; teinté de vert, présage de.vent et de pluie; rouge, mauvais temps ; jaune brillant, vent; jaune pâle, humide; gris cendré, beau temps.

Pour cause de paresse on regarde moins souvent l'aurore. Cependant quand l'aube se montre étincelante audessus d'un massif de nuages élevé sur l'horizon, toutes les présomptions sont au beau, alors qu'elles indiquent le mauvais quand l'inverse a lieu, c'est-à-dire quand l'aube paraît lumineuse au ras de l'horizon et que de lourdes draperies de nuages la surplombent.

Le halo, solaire ou lunaire, est le signe d'un temps incertain. Ciel obscur, vent ; ciel bleu léger, beau temps ; ciel pommelé, courte durée.

Nuages vaporeux : beau temps avec brises légères ; fortement accusés : grand vent ; couleur d'encre : pluie ; légers et traversant des masses épaisses d'autres nuages : vent et pluie ; les élevés se mouvant dans une direction opposée à celle des inférieurs : changement dans la direction du vent.

Arc-en-ciel du matin : pluie sans fin. Arc-en-ciel du soir : il faut voir.

(CAHIER, Quelque six mille Proverbes.)

Et un autre proverbe précise en disant :

L'arc-en-ciel du soir Fait beau temps paroir.

(Recueil de GUNTHER.)


LES BAROMÈTRES DU PHOTOGRAPHE. 48

Ce proverbe est météorologiquement très facile à expliquer. Pour la bise nous avons:

Quand il fait de la bise • Il en pleut à sa guise.

[Calendrier des bons laboureurs pour 1618.)

Le proverbe du brouillard demeure très réel :

Brouillard qui ne tombe pas Donne pour sûr des eaux en bas.

(Almanach perpétuel.)

La bruine a aussi sa valeur :

Bruyne obscure Trois jours dure, Si elle poursuit En dure huit. (Calendrier des bons laboureurs pour 1618.)

Le dimanche nous indique le temps de la semaine :

Du dimanche au matin la pluye Bien souvent la semaine ennuyé.

(Ibid.)

L'été vaut la peine qu'on le note, puisque c'est la pleine saison du photographe :

Quand en esié le haut coq boit La pluye soudain vient et paroist,

(GAB. MEURIER, Trésor des sentences.)

La grêle et le grésil attirent également notre attention :

Blanche gelée est de pluie messagière.

(BOVILLS, Proverbes.)

Oncques grêle ne faillit au grésil, Non plus que le père au fils.

(Adages françois.)

Je passe sous silence l'hiver, les photographes restent plu-


46 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

tôt à l'atelier durant cette saison. Mieux vaut regarder la lune:

Au cinq de la lune on verra Quel temps tout le mois donnera.

(Calendrier des bons laboureurs pour 1618.)

Quand la lune se fait dans l'eau Deux jours après il fait beau.

(Ibid.)

La lune pale est pluvieuse,

La rougeâtre est toujours venteuse,

La blanche ameine le temps beau.

(Almanach perpétuel.) .

Je passe les comparaisons que l'auteur fait de ces colorations avec les femmes. Si amusantes qu'elles soient, elles n'ont rien à voir en photographie. Je les tiens même pour capables, de faire rougir les lentilles de votre objectif. Jugez des désagréments que ma citation complète pourrait vous procurer. Passons donc et continuons :

Rouge vespre et blanc matin Est la joie, au pèlerin.

(Prov. Gallic, manuscrit.)

Et l'on pourrait ajouter au photographe aussi. Quant à la pluie, elle abonde en pronostics :

Quand il pleut et le soleil luit Le pasteur se réjouit.

(GAIÎ. MEURIER, Trésor des sentences.)

Après vent pluye vient.

(Ibid.)

Qui trop se fie au gracieux serain Souvent lui coule la pluye à val les reins.

(Ibid.)

Rosée matuline Pluie serotine.

(Prov. de BOUVELLES.)

Quand le soleil se joint au vent On voit en l'air pleuvoir souvent.

(Almanach perpétuel)


L'EXPOSOMETRE WATKINS. 47

Quand en été les nues vont De la terre en contre-mont, Ou quand la terre n'est mouillée Au frais matin de la rosée, Dy hardiment, selon ta guide, Que ce jour-là sera humide.

(Almanach perpétuel.)

Il ne faut pas oublier que l'automne est la meilleure saison du photographe de plein air. Les proverbes aussi nous l'affirment:

Septembre est le mai d'automne.

(Almanach de Math. LAENSBERG du xvnc sièclei)

Et puisque j'ai commencé cette série par des pronostics déduits de l'observation des animaux, je terminerai par un proverbe rentrant dans ce programme :

Araignée du matin :

Chagrin. Araignée de midi :

Plaisir. Araignée du soir :

Espoir.

C'est sur ce mot espoir que je termine: espoir de beau temps pour demain, espoir que la pluie ne vous causera aucun chagrin, espoir que le soleil de midi vous procurera beaucoup de plaisir... et de bons phototypes.

L'EXPOSOMETRE WATKINS

On continue à chercher les moyens mécaniques de détruire pour le photographe la question troublante du temps de pose. L'exposomètre de M. Watkins, dont MM. Poulenc frères sont les dépositaires, me semble bien indiqué pour cet usage. Les diverses expériences que j'ai faites avec cet instrument m'ont donné des résultats très concluants. A première vue, son maniement paraît extrêmement compliqué. A l'usage cette complication disparaît.


48 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

Comme il a été dit dans la Théorie, la Pratique et l'Art en photographie, parmi les facteurs devant être pris en considération pour la détermination du temps de pose, quatre principalement ont une importance marquée dans la pratique courante. Ce sont : 1° la sensibilité de la plaque; 2° la couleur ou le caractère du sujet; 3° le diaphragme; 4° la force actinique de la lumière tombant sur le sujet. M. Watkins représente ces facteurs par les lettres P, S, D, A. Les facteurs P et S, déterminés préalablement par l'expérience, sont inscrits sur des tableaux accompagnant l'appareil. D nous est toujours connu. Nous n'avons donc plus à nous préoccuper que de A.

Or l'appareil se compose d'un tube présentant à l'une de

ses extrémités un simple actinomètre et à l'autre une boîte renfermant un pendule à chaîne. Quatre anneaux calculateurs se meuvent sur la circonférence du tube et portent les index P, S, D et A. Lorsqu'ils sont en concordance

concordance les numéros voulus, inscrits sur le tube et représentant la valeur de chaque facteur, ils entraînent un cinquième index E qui indique la pose exacte.

Soit une plaque Lumière étiquette bleue, un paysage avec bâtiments aux premiers plans et un diaphragme F/11. On consulte les tableaux donnés avec l'appareil et l'on voit que, dans l'espèce, P est représenté par le chiffre 65, S par 100. On pousse, avec la main gauche, l'index P au chiffre 65, S au chiffre 100 et D au chiffre F/11.

On défait alors le couvercle de la boîte du pendule, on lui imprime un mouvement d'oscillation, on amène une surface fraîche du papier sensible sous l'ouverture de l'actinomètre dont on présente la face à la lumière tombant sur le sujet. On compte les oscillations par 0,1,2, etc., jusqu'au moment où la teinte du papier sensible coïncide exactement avec l'échantillon de teinte normale fixé sur l'appareil. Le nombre des oscillations, comptées à une

L exposomèlre Watltins.


LES OBTURATEURS. 49

extrémité seulement du balancement, donne, en secondes, le temps que le papier a mis à s'impressionner à la teinte normale. On pousse A sur ce chiffre. E indique alors le temps de pose. Tout le travail consiste donc dans cette détermination assez simple et assez rapide de A. Ce petit instrument peut aussi servir à évaluer le temps de pose nécessaire pour des agrandissements, des photocopies au châssis-presse, etc. Il me paraît donc très propre à rendre d'excellents services aux amateurs, surtout dans certains cas spéciaux, en dehors de la pratique courante et que ne saurait prévoir le meilleur tableau des temps de pose.

LES OBTURATEURS

Aller du composé au simple, telle est la marche ordinairement suivie par l'esprit humain. Les inventeurs, moins que d'autres, ne semblent pouvoir échapper à cette sorte de règle. Quand, par hasard, une simplicité relative se trouve acquise dès le début d'une invention, nous la voyons croître, en se compliquant, pour s'alléger ensuite et devenir plus simple encore qu'à sa naissance. On demeure tout étonné de trouver très complexe ce qu'on avait tout d'abord considéré comme simple. Dans ce dernier ordre d'idées, nous pouvons, en photographie, classer les obturateurs. Simple était et est la guillotine à chute libre, mais elle ne saurait s'employer dans tous les cas. Avec l'obligation où l'on reste de l'armer après chaque chute, il faut, lorsqu'on opère sur une chambre à magasin, par exemple, avoir soin de tenir l'objectif bouché. Pour éviter cette préoccupation à l'opérateur, les constructeurs ont cherché des obturateurs restant armés après leur fonctionnement. Il y en a beaucoup et d'excellents. Mais ils présentent, par leur perfection même, une très grande délicatesse. G'est-à-dire qu'ils peuvent se détériorer aisément et qu'on se trouve, en campagne, dans l'impossibilité de remédier à l'accident.


so

LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

Semblable ennui ne peut exister avec le nouvel obturateur central de MM. Bariquand et Mare.

Dans sa construction soignée, cet obturateur présente un mécanisme d'une simplicité extrême. Il est toujours armé et son mouvement semi-rotatif de va-et-vient le rend applicable à toutes les chambres noires. 11 possède une vitesse

unique en principe, mais qu'on peut faire varier au moyen de la pression sur la poire de caoutchouc. De plus, une transformation facile de son mouvement permet d'opérer soit instantanément, soit au posé. Aucun choc, aucun frottement, ne peut causerie moindre ébranlement de l'appareil sur lequel il fonctionne. On peut le démonter et visiter son mécanisme intérieur sans le secours d'un outil. Placé au centre de l'objectif, la course de ses volets est diminuée et par conséquent sa vitesse augmentée. En outre, une échancrure rationnelle de ces mêmes volets rend la durée de pose égale pour toute la sec'lion du faisceau lumineux. Delà

L'isochrone placé au centre Je l'objectif.


LES OBTURATEURS.

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le nom à'Isochrone que lui ont donné ses inventeurs. De plus il est, par son volume, le plus réduit peut-être des obturateurs.

Une de nos figures nous montre l'appareil dans son entier, l'autre nous laisse voir son mécanisme pour la pose, et alors qu'une première pression sur la poire de caoutchouc a

écarté le volet de droite, qui masquait primitivement l'ouverture de l'objectif.

Si nous donnons un second coup de poire, que va-t-il se passer?

La petite tige du piston qui se voit à la partie inférieure du disque s'élèvera et viendra agir sur la came commandant le mouvement rotatif au moyen d'un pignon. Le volet sera alors ramené à la place qu'il occupait précédemment et l'obturateur fermé.

L'angle inférieur de la came se trouvera, de ce fait, placé à gauche de la tige du piston, ce qui explique que lors de la première pression cette tige, en s'élevant, a chassé au-dessus

Vue intérieure île l'isochrone.


B2

LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

d'elle la came sur la gauche, comme à la seconde elle l'a chassée à droite.

Une légère courbure de la tige du piston facilite ce mouvement d'une simplicité rare et très intéressant par cela même.

Un verrou, formant buttée, fait obstacle au passage du talon que porte la came à gauche.

Veut-on faire de l'instantanéité? On abaisse ce verrou en opérant une légère traction sur le tube qui enveloppe le cylindre. La came peut alors accomplir sa course complète aussi bien à gauche qu'à droite. Par conséquent, à chaque pression exercée sur la poire de caoutchouc, chacun des volets viendra alternativement masquer l'ouverture de l'objectif.

Que les pressions soient effectuées plus ou moins brusquement, cette obturation se fera plus ou moins vite.

J'ai dit que le démontage de l'instrument peut se faire

Le nouvel obturateur Londc et Dcssoudcix.


LES OBTURATEURS.

53

sans outil. Il suffit, en effet, de dévisser, de trois ou quatre .tours seulement, la partie moletée qui constitue le fond du

cylindre et de descendre le tube un peu plus bas que lorsqu'il s'agit de l'instantanéité. Le verrou qui sert à la transformation

transformation posé en instantané se trouve alors entièrement tiré. Grâce à un mouvement de baïonnette à gauche, la platine, ainsi que l'arrière de l'objectif, sont définitivement enlevés.

Le propulseur pneumalknie.

Obturateur muni du propulseur.


54 LES NOUVEAUTES PHOTOGRAPHIQUES.

Je ne crois pas, comme vous pouvez en juger, qu'on puisse imaginer un obturateur plus simple ni moins détériorable.

Parmi les améliorations apportées aux obturateurs dont je vous ai parlé dans la Théorie, la Pratique et l'Art en photographie, je vous signalerai celle de l'obturateur Londe et Dessoudeix. La manette de cet appareil, suivant les besoins, se mouvait entre trois positions déterminées :- pose, point, instantané. L'obturateur rendait bien ce qu'on voulait faire, à la condition toutefois de ne pas se tromper dans le mouvement de la manette et d'effectuer très exactement les manoeuvres qu'indiquait la notice explicative. La complication de ces manoeuvres rendait l'erreur possible. M. Dessoudeix a simplifié. De là cette création d'un type nouveau, dont la supériorité sur l'ancien réside dans ces deux points : 1° simplification des mouvements nécessaires à l'obtention de tel ou tel effet; 2° principe de deux coups de poire pour une plaque posée, l'un destiné à l'ouverture de l'objectif, l'autre à sa fermeture. Ces modifications méritent d'être prises en considération. On ne saurait agir trop rapidement entre la mise au point et l'opération. De plus, il est intéressant, par un simple déplacement de la manette, de pouvoir passer d'une instantanéité quelconque à la pose, ou inversement.

Pour opérer le déclenchement des obturateurs quels qu'ils soient, nous nous servons d'ordinaire de la poire de caoutchouc.

Nous connaissons tous, hélas! le peu de précision de cette poire. Amollissement, durcissement, détérioration rapide. De plus, l'action de la poire n'est point efficace au moment même de la pression, mais seulement lorsque cette pression devient suffisante pour amener le déclenchement du ressort. Le propulseur pneumatique de M. Monti demeure exempt de ces défauts. Entièrement métallique et d'une construction simple, il agit sous la plus imperceptible pression du doigt, assurant ainsi la précision du déclenchement au moment voulu. Grand progrès réalisé.


LES APPAREILS A MAIN. m

En pressant sur le bouton A on obtient le fonctionnement immédiat du piston D, chassé de haut en bas parle ressort à boudin B. L'air emmagasiné dans la capacité du cylindre C, entre la partie supérieure et le piston, se trouve aussitôt refoulé par l'ajutage E communiquant, par un tube de caoutchouc, avec le ressort de l'obturateur. Pour armer le propulseur, il suffit de. presser sur le bouton F et de refouler le piston jusqu'au bas de sa course.

Dans le cas où l'obturateur employé donnerait une vitesse variable suivant la pression de l'air, on peut régler cette vitesse en masquant partiellement les trous d'aspiration G, percés au fond du cylindre.

LES APPAREILS A MAIN

Depuis quelques années, il n'est rien en photographie qui ait donné plus de tablature aux constructeurs que les appareils dits à main. Chaque maison, chaque fabricant, grand ou petit, possède ou cherche sa détective. On comptera bientôt leur nombre par celui des jours de l'année. 11 faut bien avouer que nous sommes tous un peu complices de cette fièvre. Les nouveaux venus en photographie se lancent tout d'abord vers l'instantanéité par la commodité et les séductions qu'elle offre. Tout en convenant qu'aVec les moyens dont nous disposons, à l'heure actuelle, la photographie posée demeure la seule susceptible de nous donner des résultats véritablement artistiques, les anciens cherchent à obtenir, au mieux du possible, certaines scènes animées que la pose leur refuse. Or, ces scènes spéciales ne sauraient être saisies avec un appareil à pied. Le temps de dresser la chambre noire et le motif a disparu. L'appareil à main s'imposait donc. Impossible de le nier. J'en ai déjà énuméré une longue liste, forcément très incomplète. Du reste, jusqu'à ce jour, ils dérivaient tous de deux ou trois types génitaux. Quelle que soit leur forme, le public a eu vite fait de les reconnaître et par conséquent


56 LES NOUVEAUTES PHOTOGRAPHIQUES.

de se méfier de ces petites boîtes, de nature quelconque, munies de trous circulaires au fond desquels une lentille brillait. Devant cette méfiance, subitement issue de cette constatation, les malheureux photographes demandaient à tous les échos un dispositif qui n'éveillât pas l'attention des sujets qu'il rêvaient de saisir.

M'est avis que ce dispositif vient d'être trouvé avec la photo-jumelle. Non qu'elle permette l'obtention d'épreuves meilleures ni pires que celles données par les autres chambres noires à main. En cela, elle reste comme ses aînées dépendantes de trois facteurs qu'elle ne saurait faire varier : la rapidité de l'objectif, la sensibilité des plaques, l'énergie du révélateur. En revanche, elle est éminemment portative et dissimulable. Le nom de son inventeur et constructeur, M. J. Carpentier, successeur de Ruhmkorff, garantit la précision mathématique de sa construction. Ce n'est certes pas une mince joie, pour les fervents de la chambre noire, de voir que les maisons habituées aux délicatesses des instruments de mathématiques, comme la maison que dirige M. J. Carpentier, veuillent bien s'occuper des appareils photographiques souvent exécutés par des ouvriers à façon dont la conscience subit trop la pression des nécessités du salaire hebdomadaire.

La photo-jumelle, que le Comptoir général de photographie met en vente, possède l'aspect, le volume et le poids d'une jumelle marine ordinaire. Celui qui s'en sert semble simplement s'amuser, à regarder le paysage, ou ses contemporains, par le gros bout de la lorgnette. Point d'effarouchement possible car, à distance, on ne sait réellement si cela est vrai ou faux. La photo-jumelle présente, en effet, deux appareils lenticulaires : l'un est l'objectif proprement dit; l'autre sert de viseur. Comme vous le voyez, d'ores et déjà, M. J. Carpentier nous a doté d'un dispositif extrêmement ingénieux.

L'intérieur de la photo-jumelle se subdivise en deux compartiments. L'un constituant la chambre noire; l'autre, une manière de petit laboratoire, muni d'un verre rouge, per-


LES APPAREILS A MAIN. 67

mettant l'escamotage des plaques et la visée du motif. C'est, en effet, par ce verre rouge, placé dans le champ du viseur, que l'on regarde le motif lorsque l'appareil se trouve armé. Non seulement ce motif y est vu exactement avec la grandeur qu'il aura sur laplaqne, mais encore il y est vu redressé et monochrome. C'est, je crois, le D 1' Van Monckhoven qui, le.premier, a préconisé l'emploi d'un verre coloré pour la mise au point. Il avait parfaitement raison. Les séduisantes colorations de l'image, sur un verre blanc dépoli, nous

induisent bien souvent en erreur, en nous faisant paraître claires les tonalités qui viendront en noir profond sur notre épreuve.

L'objectif de la photo-jumelle est un petit aplanétique muni d'un diaphragme F/15, et d'un obturateur à guillotine, mû par un double ressort.

D'où qu'il vienne, ce petit objectif possède une très grande profondeur de foyer, particularité nécessaire dans un tel appareil, où la mise au point ne s'effectue pas et avec lequel il faut nécessairement posséder la latitude de travailler à une distance plus courte, que cent fois la distance focale de l'objectif dont on se sert. Il couvre parfaitement la plaque employée qui mesure 4,5x6, et ne donne pas, entre les bords et le centre, une différence de luminosité sensible. Un des objectifs Zeiss, dont je suis très partisan,

8

Emploi de la photo-jumelle.


58 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

rendrait encore un meilleur service. La grande qualité de ces objectifs consiste surtout dans une remarquable égalité de lumière sur la plaque, qualité qui semble négligeable dans l'espèce, et qui ne l'est pas du tout dès qu'on agrandit l'épreuve. Seulement, la grande profondeur de foyer ne s'obtient qu'en diaphragmant. Il faudrait donc voir si cette profondeur, nécessaire comme je viens de le dire, pourrait être égale à celle donnée par l'objectif actuel de la photo-jumelle, avec une ouverture plus large que F/15. J'en suis convaincu et l'anagstimat 1 : 9 me paraît tout indiqué pour cet usage. De par ce fait on obtiendrait déjà un peu plus de lumière utile. La guillotine nous donnerait encore un peu plus de cette lumière utile si M. Carpentier, ainsi que je l'ai démontré 1, pouvait remplacer l'ouverture rectangulaire par une ouverture biconcave.

Si intéressants que soient ces deux points, je ne crois pas que l'on puisse les modifier beaucoup, dans l'état de l'optique photographique. Mais, ce qu'on pourrait modifier certainement, c'est la vitesse de l'obturation. Cette vitesse délimite actuellement la pose dans l'espace d'un centième de seconde. Les plaques les plus rapides que nous possédions, pour être utilement exposées dans un temps si court, demandent un éclairage parfait et un développement bien conduit. Trois ou quatre mois durant, nous sommes toujours à peu près sûrs, à la mer, d'obtenir d'excellents résultats. Mais à la campagne, où les verdures ne sauraient être évitées, cette vitesse diminue beaucoup la période de temps pendant laquelle nous pourrons travailler avec la photo-jumelle tenue à la main. Un cinquantième de seconde augmenterait considérablement le temps de pose utile, tout en permettant l'obtention de la plupart des sujets en mouvement 2. Le mieux du possible serait, du reste, de trouver un moyen qui permît de tendre le ressort plus ou moins, de façon à obtenir, je suppose, le 1/20, le 1/50 et le 1/100 de seconde, suivant la volonté ou les besoins.

•I. Voir : La Théorie, la Pratique et l'Art en Photographie, page 90. 2. Voir l'ouvrage déjà cité, page KM.


LES APPAREILS A MAIN.

59

Toutes ces réflexions, que me suggèrent la photo-jumelle, ne l'infirment en rien dans son principe. C'est un appareil dont un véritable ami de la photographie ne saurait se passer, non qu'il puisse remplacer tous les autres, mais parce qu'il doit être le compagnon inévitable de tous les autres.

Pour faire de l'Art en photographie, comme le dit le capitaine Abney, « on doit toujours sortir en emportant avec soi un appareil quelconque ». L'invention de M. J. Carpentier

précise nettement ce quelconque, et lui donne une individualité dans sa photo-jumelle. Voilà bien l'appareil léger, maniable, dissimulable, dont le photographe devra se munir dès qu'il sortira, pour aller n'importe où, avec ou sans but déterminé ; voilà bien l'appareil que le peintre ou le dessinateur pourra ne quitter jamais; voilà bien l'appareil qui par son volume et par son aspect ne peut qu'exciter les femmes à tenter la photographie, sans la crainte de fatiguer leurs jolies épaules ni de chiffonner leur toilette. Armer l'appareil, viser l'objet, déclencher l'obturateur, escamoter la plaque pour la remplacer par une autre, le tout demande trois secondes.

Considération très importante au point de vue de l'Art, la photo-jumelle, par la nécessité de sa visée à la hauteur de l'oeil, donne des images dont les lignes perspectives restent en parfaite concordance avec celles qui sont dans l'accoutumance de notre vision normale.

Escamotage de la plaque.


60

LES NOUVEAUTES PHOTOGRAPHIQUES.

La photo-jumelle contient douze plaques 4,5x6. Dès que l'une est exposée, on retourne verticalement l'appareil, les objectifs vers le ciel, on tire à fond la tige d'une sorte de tiroir placée sur l'un des côtés. Onze plaques passent dans le second compartiment. La douzième, celle qui a posé, ne se trouvant plus soutenue, tombe sur le fond de l'appareil, muni de deux rainures. On repousse le tiroir et deux ressorts souples viennent glisser dans ces rainures, prennent par en dessons la plaque tombée et l'appliquent contre la douzième. Chaque petit châssis porte un numéro à sa jiartie postérieure. Si l'on tire la tige du tiroir jusqu'à la moitié de

sa course, ce numéro, celui de la. dernière plaque posée, vient se placer sous le verre rouge et peut être lu aisément. On sait, par conséquent, le nombre de plaques qu'il reste à exposer.

Je disais tout à l'heure que l'appareil peut être emporté avec ou sans but déterminé. En effet, M. J. Carpentier construit pour la photo-jumelle un pied aussi maniable qu'une canne, de façon à se servir de l'instrument dans le cas où l'on voudrait poser.

La grande objection pouvant être faite à la photo-jumelle consiste justement dans sa grande qualité : son peu de volume. Ce volume restreint impose des plaques fort petites. Avantage énorme, puisqu'il nous est permis d'en brûler

Epreuve négative — Oblcnuo avec la pholo-jumclle.


ETUDE DE L'INSTANTANÉITÉ

LE RETOUR DE LA MESSE (Phototype de l'auteur). Epreuve obtenue directement avec le phototype de la photo-jumelle et le châssis amplificateur.


62 LES NOUVEAUTES PHOTOGRAPHIQUES.

beaucoup en tentant n'importe quel sujet, sans craindre cependant de trop grever notre budget photographique; mais désavantage énorme aussi dès que l'on considère l'exiguïté des photocopies que l'on obtiendra. Cette objection, l'inventeur l'a prévue. Pour les bons esprits, prévoir c'est réparer. M. J. Carpentier a fait construire un châssis amplificateur tel que les phototypes 4,5 X 6 de sa jumelle donnent directement des phototypes 13 X 18.

Je n'insisterai pas sur ce côté éminemment pratique de la photo-jumelle. Il saute du reste, aux yeux de tous. Pour moi, je lui vois une portée beaucoup plus large, et sur laquelle j'appelle tout particulièrement l'attention de ceux qui me font l'honneur de me suivre et de m'approuver dans la campagne que je mène en faveur de l'Art en photographie.

J'ai parlé à plusieurs reprises des deux camps opposés : les nellisles et les flouistes : ceux qui veulent le tout exactement au point; ceux qui veulent que rien n'y soit précisément. Ceux-ci tendent évidemment à amener la photographie vers les douceurs de l'art du dessin; ceux-là,, se refusent à faire perdre à la photographie ses qualités particulières. J'ai toujours pensé que l'art vrai résidait dans un juste milieu entre les deux écoles. Cependant, plus j'examine la question, et plus j'entrevois qu'elle est ailleurs. Cet ailleurs, M. J. Carpentier nous le donne avec son châssis amplificateur, en ce sens qu'il va répandre parmi les photographes le goût de l'épreuve modérément agrandie, et leur montrer, d'une façon saisissante et constamment renouvelée, combien celle-ci est artistiquement supérieure à l'épreuve obtenue directement. Les plans se détachent les uns des autres, prennent du relief dans une sorte d'enveloppement atmosphérique. C'est bien plus arrêté que les épreuves exigées par les flouistes; c'est bien moins sec que celles réclamées par les netiisles. L'art se fera, j'en suis sûr, par des phototypes très nets, de dimensions petites et moyennes, agrandis linéairement de deux fois et demi à trois fois au plus.


LES APPAREILS A MAIN.

63

Le châssis amplificateur imaginé par M. J. Carpentier donne un agrandissement direct. En un mot, pour avoir une photocopie agrandie, point n'est besoin en principe de faire un contre-type du phototype obtenu, ni un phototype agrandi de ce contre-type.

Le châssis amplificateur de la photo-jumelle se compose

d'une boîte de bois et d'un tube de métal, dans lequel se trouve fixée une lentille. On place dans le fond de la boîte une feuille de papier au gélatino-bromure d'argent, et on l'y maintient plane en posant dessus un cadre de zinc. Le phototype obtenu directement avec la photo-jumelle est placé, gélatine en dessous, dans l'ouverture rectangulaire incisée à l'extrémité supérieure du tube de cuivre. L'exposition se fait à la lumière diffuse et de façon que les rayons lumineux pénètrent le phototype normalement. Pour cela, on dirige le tube de cuivre vers le ciel et l'on fait mouvoir

Le châssis amplificateur.


64 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

l'appareil dans le sens de son grand axe. Ce mouvement giratoire égalise la lumière.

Le temps de l'insolation varie d'une minute et demie à plusieurs minutes, suivant l'intensité du phototype. La petitesse du diaphragme de la lentille permet une certaine latitude dans la pose. Le développement s'opère comme à l'ordinaire. Toutefois, j'estime qu'on doit employer le développement à l'iconogène de préférence à tout autre. S'il y a erreur dans la mesure du temps d'insolation, on demeure plus sûr d'obtenir une bonne épreuve. L'iconogène est plus actif et surtout beaucoup plus souple que l'oxalate ferreux. En outre, il n'exige pas un bain ni des eaux de lavages acidulés qui causent souvent des déboires. Il tanne légèrement la gélatine, empêche le décollement qui arrive souvent dans les grandes chaleurs et auquel on essaye de remédier par l'emploi de l'alun. Le ton général de l'épreuve est moins heurté, les détails sont plus fouillés, les ombres moins voilées. Tous les bains à l'iconogène et au carbonate de soude peuvent servir en les additionnant d'un peu de bromure de potassium. Voici, d'ailleurs, une formule parmi les nombreuses mises au jour :

A Eau chaude ayant bouilli. 1,000 cm 3.

Sulfite de soude 75 g.

Iconogène 15 g.

Bromure de potassium 1 g.

B Eau chaude ayant bouilli 1,000 cm 3.

Carbonate de soude cristallisé 150 g.

Pour l'emploi, prendre trois parties de A, une partie de B et deux parties d'eau de dilution. Suivant l'effet à obtenir, on peut augmenter l'iconogène ou le bromure. Une bonne pratique consiste à fixer dans un bain acide, pour détruire toute tendance au voile jaune et donner plus d'éclat aux blancs. Une solution aqueuse d'hyposulfite de soude à 15 pour 100, additionnée de 5 pour 100 de bisulfite de soude cristallisé suffit. Au cas même où le décollement des bords, le frilling,se produirait, on pourrait diminuer la quantité de bisulfite et la réduire à 4 ou 3 pour 100, en été surtout.


LES APPAREILS A MAIN. 65

Quelques correspondants m'ont demandé pourquoi il se produisait quelquefois sur le phototype de la photo-jumelle une sorte de comète noire. Je leur répondrai qu'ils ont cherché à lire le numéro de la dernière plaque posée, pendant que l'appareil était armé. Un simple coup d'oeil jeté sur la gravure représentant l'intérieur de la photo-jumelle, leur montrera que dans cette position, en effet, le viseur V se trouve ouvert. Donc, si l'on tire à demi le tiroir T, la plaque supérieure venant sous le tube du viseur se trouvera impressionnée

impressionnée dans la partie qui' passera devant l'orifice inférieur de ce tube. Afin que votre curiosité reste impunie, n'oubliez jamais de désarmer l'obturateur A. S'il n'avait suffi que d'une précaution aussi simple, notre mère Eve eût pu manger des pommes — ou des cédrats—jusqu'à indigestion et sans nous faire porter la peine de son crime.

Puisque M. J. Carpentier veut bien apporter à la photographie sa technique précise, j'émets le voeu qu'il nous construise des châssis amplificateurs tels que nous puissions agrandir à deux fois et demi, linéairement, des phototypes variant de 4,5 X 6, à 13 X 18 au maximum. La véritable épreuve artistique est là.

Beaucoup, cependant et malgré le châssis amplificateur, trouveront trop restreint lé format de la photo-jumelle. Quelques-uns ne veulent se servir que de chambres 9 X 12

9

Intérieur de la photo-jumelle.


66 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

ou 13 X 18. Voici, en ce genre, celle de M. Ch. Monti dénommée l'Idéale: C'est un 13 X 18 dont la mobilité à l'arrière permet le déplacement du foyer, donc la variation de la mise au point, suivant la distance existant entre l'opérateur et le sujet. L'aplanat ordinaire, monté sûr planchette mobile, peut être remplacé par un objectif à portrait genre eurycope, un anastigmat grand angulaire Zeiss, ou un objectif double pour épreuves stéréoscopiquès. Dans ce dernier cas, on adapte une petite cloison mobile au centre de la chambre. Des pas de vis permettent de la monter dans

les deux sens sur un pied de campagne métallique, dans le genre de celui que vient de construire la maison Van Neck, d'Anvers, et qui une fois replié peut se mettre aisément dans la poche. Des niveaux à bulle d'air amènent à l'obtention parfaite de l'horizontalité.

La chambre de M. Londe réalise, dans la mesure du possible, les desiderata suivants :

1° Disponibilité de l'instrument afin d'être toujours prêt à opérer ;

2° Certitude d'une netteté absolue des épreuves, grâce à un système de viseur contrôleur de la mise au point ;

3° Obtention de documents en premiers plans à partir deOm,50;

4° Travail à grande ouverture quand la lumière est insuffisante.

L'Idéale Fermée. Ouverte.


LES APPAREILS A MAIN.

67

M. Ldnde est un de nos auteurs et de nos praticiens photographiques des meilleurs et des plus habiles. L'exposé qu'il vient de faire des desiderata formulés pour une bonne chambre à main prouve de quelle façon intelligente M. Londe a cherché à nous donner la chambre à main parfaite. Oiseau rare s'il en fut jamais.

Partant de ce principe que la mise au point ne devient

négligeable qu'à une distance au moins égale à cent fois la distance focale, M. Londe a combiné, avec son constructeur ordinaire M. Dessoudeix, un mécanisme permettant de viser l'objet que l'on veut reproduire et d'assurer sa mise au point rigoureuse alors même qu'il se trouve à une faible distance.

Pour atteindre ce but, l'appareil a été muni de deux objectifs. Le premier A sert à photographier, le second A' permet de viser l'objet. L'image de celui-ci passant par l'objectif A' vient frapper une surface réfléchissante qui la renvoie sur un verre dépoli I. Une crémaillère E commande simultanément ces deux objectifs. De cette façon, dès que l'image se présente nettement sur ce verre dépoli, on peut

Chambre Londe, & mise au point.


6.8- LES NOUVEAUTES PHOTOGRAPHIQUES.

demeurer certain qu'elle se présentera nettement sur la plaque.

Le verre dépoli possède un abat-jour J qui se relève au moment d'opérer et qui est muni de deux ouvertures contre lesquelles on place les yeux. Ce dispositif isole complètement le verre dépoli de toute lumière ambiante.

Pour opérer, vous tenez la crémaillère E de la main droite et vous posez l'index de la main gauche sur le bouton de déclenchement de l'obturateur G. Les regards braqués sur le verre dépoli, vous maintenez le point en agissant sur la crémaillère, et, quand le motif se présente ainsi que vous le désirez, vous déclenchez l'obturateur qui a été armé au moyen du bouton B commandé par une manette des vitesses D, ce qui permet d'obtenir des poses plus ou moins rapides. Point important, on peut armer l'obturateur sans démasquer l'objectif. Celui-ci, par les temps gris, permet de travailler avec un diaphragme F/8 et par une belle lumière avec un diaphragme F/15.

Pour changer les plaques on fait effectuer à l'appareil une rotation complète. Une pièce spéciale assure leur position dans le plan focal. Un compteur permet de savoir le nombre de plaques exposées. L'appareil fermé tient peu de place et se porte en bandoulière.

La chambre à magasin, système Lumière, renferme douze châssis métalliques à arrêt, qui contiennent chacun une glace : 9 X 12. Ces châssis sont poussés en avant par un ressort. Guidés par l'encoche d'un disque, ils viennent tour à tour se mettre au point. La plaque se trouve alors prête pour la. pose. L'obturateur est instantané; il s'arme au . moyen d'une manette; sa vitesse est variable. Après chaque pose, par un mouvement imprimé à un bouton placé sur l'un des côtés de la chambre, la plaque impressionnée, conduite par des rainures, tombe, en basculant, horizontalement dans le fond de l'appareil pendant que la plaque suivante vient se mettre au point. Un compteur indique le nombre de plaques déjà impressionnées. L'objectif est gradué et per-


LES APPAREILS A MAIN. 69

met d'opérer depuis 2 mètres jusqu'à l'infini. Sur le côté

de l'appareil se trouve un tiroir dans lequel on resserre l'objectif, le viseur et les diaphragmes.

Chambre Lumière : aspect extérieur.

Chambre Lumière : mécanisme intérieur.


70 LES NOUVEAUTES PHOTOGRAPHIQUES. ■

Un cordon passé autour du cou, et qui s'attache à la chambre par deux anneaux, assure l'immobilité pendant la pose. La chambre esten outre munie d'un petit volet de sûreté pour le voyage.

Le Vélocigraphe, construit par la maison Hermagis,'contient 12 plaques 9 X 12 ou 25 pellicules. Verticales au moment de l'impression, elles tombent, aussitôt après, dans le fond de la chambre en se recouvrant l'une l'autre sans se toucher, d'une façon analogue à celle que je viens de vous exposer en vous parlant de la chambre Lumière. Grâce à un mécanisme ingénieux, mais un peu compliqué, le changement s'opère très vite et permet deux poses durant la même seconde. Un compteur indique, après chaque opération, le nombre de plaques qui restent à exposer.

La combinaison optique de cet appareil est toute nouvelle. Suivant le diaphragme employé, elle possède la grande rapidité de l'aplanétique ou l'angle considérable et la profondeur focale du grand angle ordinaire. C'est pour cette raison que le constructeur lui a donné le nom de demigrand angle.

FORMULES PHOTOGRAPHIQUES

Les Congrès de 1889 et de 1891 se sont occupés de l'unité dans l'expression des formules photographiques. « Il n'est pas douteux, comme l'a dit M. Léon Vidal, un des rapporteurs du premier de ces Congrès, qu'il ne paraisse convenable à toutes les nations intervenantes d'adopter un système de poids et mesures uniformes, et tel qu'on puisse échanger des indications pratiques sur l'emploi des procédés divers sans avoir à passer par des conversions en poids et mesures propres à chaque pays. » Or le Comité international des Poids et Mesures, fonctionnant à Paris, a adopté le système métrique et décimal. Un grand nombre d'Etats ont déjà admis ce système et font de louables efforts pour le généraliser chez eux, alors qu'il ne se trouve encore em-


FORMULES PHOTOGRAPHIQUES. .71

ployé que par certaines administrations du fisc ou certains corps savants. Ces efforts aboutiront certainement. J'estime pour ma part que d'ores et déjà c'est au système métrique et décimal que nous devons nous en tenir. Par conséquent il nous faut donc, tout d'abord, nous conformer strictement au système d'abréviations adopté dès 1879 par le Comité international des Poids et Mesures et complété par des additions ultérieurement proposées et adoptées. Ces abréviations sont en caractères minuscules romains. Les lettres minuscules italiques ont été réservées pour symboliser certaines quantités physiques. Ainsi 1 désigne le litre et l une longueur ; g représente la gramme et g l'accélération due à la pesanteur. Voici d'ailleurs le tableau admis par le Comité international.

Unités de longueur.

Myriamèlre [i.m

Kilomètre km

Mètre m

Décimètre :. dm

Centimètre . cm

Millimètre mm

Micron ; \j.

Unités de surface.

Kilomètre carré M . km*

Hectare ' ha

Are ■ a

Mètre carré m2

Décimètre carré. . dm 2

Centimètre carré cm 2

Millimètre carré. mm 2

Unités de volume.

Mètre cube . m3

Décimètre cube ....'. dm 3

Centimètre cube cm 3

Millimètre cube mm 3


72 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

Unités de capacité.

Hectolitre bl

Litre . 1

Décilitre dl

Centilitre . . cl

Microlitre. : \

Unités de poids (masse).

Tonne t

Quintal métrique I . . . . q

Kilogramme kg

Gramme g

Décigramme dg

Centigramme '. . cg

Milligramme mg

Microgramme y

Ce n'est qu'en 1887, sur un amendement proposé par M. Foerster, que le Comité international a substitué la masse au poids dans les termes suivants : « La masse du kilogramme international est prise comme unité pour le service international des poids et mesures. » Cette décision tend à mettre fin à la confusion qui existait trop fréquemment entre le poids et la masse. Si l'on en excepte le myriamètre, le micron, le microlitre et le microgramme, toutes ces abréviations sont logiquement déduites. Elles semblent donc devoir être acquises comme premier point dans les notations des formules photographiques.

En ce qui est de celles-ci les résolutions du Congrès de 1889, complétées par celles du Congrès de 1891, établissent les voeux suivants : " "

1° On ne devra faire usage, dans les ouvrages photographiques, que des expressions et des notations de la nomenclature chimique pour désigner les produits employés dans les préparations, en évitant avec soin les abréviations inexactes ;

2° On devra faire exclusivement usage des unités du système métrique pour la désignation des quantités et dimensions ;


FORMULES PHOTOGRAPHIQUES. 73

3° Afin d'apporter toute la clarté et la précision désirables dans l'énoncé des formules des préparations photographiques, le Congrès recommande d'écrire Ces formules d'après les règles suivantes :

Les. composants seront indiqués uniformément en parties en poids, en adoptant une unité de poids unique choisie aussi petite que possible pour éviter les nombres fractionnaires.

On fera figurer, autant que possible, dans l'expression des formules, des dissolutions, mélanges ou combinaisons, 1,000 parties du dissolvant.

On complétera, à titre de renseignement, lorsqu'il sera possible, l'énoncé des formules pour les compositions liquides en indiquant les quantités en volumes, mais en ayant soin de les rapporter à une unité de volume unique convenablement choisie et dont on devra faire connaître le rapport à l'unité de poids.

On adoptera, de préférence, les grammes pour les parties en poids et les centimètres cubes pour les parties en volumes.

On indiquera, lorsqu'il y aura lieu, les composants dans l'ordre suivant lequel ils doivent être introduits dans les préparations.

Voilà de sages résolutions. Celles surtout interdisant des désignations en dehors des notations de la nomenclature chimique ne peuvent qu'être pleinement approuvées par tous les bons esprits. On ne saurait trop réagir contre la fatuité et l'ignorance du mercantilisme. Fatuité, parce qu'il croit en imposer avec des noms aussi bizarres que ronflants et sans lamoindre origine scientifique ; ignorance,parce que s'il sait qu'il existe une science portant le nom de chimie, il semble ne pas savoir du tout que cette science possède sa langue et ses symboles nettement définis et universellement admis. Que voulez-vous, on gagne de l'argent en vendant tout ce qui a trait à la photographie, et chacun, sans la plus vulgaire connaissance scientifique, se croit apte à toutes les manipulations photographiques, comme il le serait à don10

don10


74 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

ner ua coup de marteau sur les cailloux d'une route si la corvée restait personnellement obligatoire.

LE TITRE DES SOLUTIONS

En donnant, dans mon ouvrage : La Théorie, la Pratique et l'Art en photographie, des formules de développement où se trouve indiqué l'emploi de certaines solutions à saturation, je ne më doutais pas du nombre de lettres que cette indication me vaudrait. J'avoue que je n'avais nulle idée de l'effroi ni de l'embarras que causeraient ce petit mot : à saturation. A défaut de connaissances en chimie, il suffisait, ce me semble, d'ouvrir un dictionnaire français. On y aurait vu : saturation, état d'un liquide qui ne peut pas dissoudre une quantité plus considérable d'une substance soluble. Ce n'est pas très scientifique, mais bien suffisant pour comprendre qu'il faut mettre la substance soluble dans le liquide, jusqu'à ce que celui-ci refuse de dissoudre ladite substance. La seule objection qu'on puisse faire est la suivante : Lorsque, par une cause extérieure, la température du liquide montera, il n'y aura plus saturation. Soit! Mais il vient tout naturellement à l'esprit cette pensée : si on laisse dans le liquide du sel en excès, une partie de celui-ci se dissoudra pour venir saturer le liquide. Inversement la température s'abaisse-t-elle ? Ce liquide se déchargera du surplus de substance soluble, nécessaire pour sa saturation à cette température, et le surplus cristallisera au fond du vase contenant la solution.

Cela m'a toujours paru fort simple. Donc on aura une saturation constante avec un constant excès de matière soluble dans le liquide.

Comme les zones de liquide touchant à la substance soluble se saturent plus vite que les autres, il faut agiter de temps en temps ou se servir d'un dispositif fort simple. Il consiste à faire emploi d'un flacon à très large tubulure et muni d'un robinet à sa partie inférieure. On y verse le


. LE TITRE DES SOLUTIONS. 75

liquide. Puis dans un morceau de canevas fin on met la substance soluble et l'on retient le tout en suspension dans le vase en pinçant les bords du canevas entre le bouchon et la tubulure. Les zones saturées les premières, étant plus lourdes que le liquide lui-même, tombent au fond et sont remplacées par de nouvelles qui demandent à se saturer. Tant qu'il restera, au bout d'un jour ou de deux, de la substance soluble dans la pochette de canevas, nous serons sûrs que notre liquide se trouvera à saturation.

Préférez-vous employer la méthode dont je me sers? Faites bouillir quelques instants de l'eau filtrée, de pluie ou distillée afin de la débarrasser le plus possible des gaz qu'elle renferme. Introduisez la matière à dissoudre jusqu'à ce qu'elle ne se dissolve plus. Filtrez. Au fur et à mesure que le liquide se refroidira, des cristaux se déposeront sur le fond du flacon et y resteront pour maintenir toujours la solution à saturation, car le liquide, sous l'influence extérieure, ne remontera jamais à la température de 100° G.

La saturation a cela d'agréable qu'elle ne nécessite aucune pesée. Du reste, en thèse générale, je vous engagerai, dans les manipulations photographiques, à faire toujours les solutions de réserve au titre le plus élevé possible. Il est, en effet, aisé d^btenir immédiatement avec elles des solutions réduites à un titre déterminé. Ce qui reste faisable également avec les solutions à saturation quand on connaît le degré de saturation à une température déterminée. Dans l'un ou l'autre cas, il suffit de se livrer à un petit problème fort simple de mathématiques élémentaires. Dans le Bulletin du Photo-Club, M. A. da Cuiiha a posé ce problème et en a tiré une règle fort pratique.

Soit une solution à m pour 100 qu'on veut ramener à n pour 100 en y ajoutant de l'eau, et soit x cette quantité d'eau ; nous aurons •:

d'où:


76 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES,

et par conséquent :

x est la quantité d'eau à ajouter à 100 grammes de la solution pour réduire le titre de m à n. Mais si au lieu de 100 grammes nous n'en avions que n, la formule deviendrait :

c'est-à-dire

d'où nous concluons la règle suivante :

RÈGLE. — Pour réduire une solution d'un titre à un autre, il suffit de verser dans un verre gradué autant de centimètre cubes que l'indique le chiffre du titre que l'on veut obtenir, puis ajouter de l'eau jusqu'à ce que l'on soit arrivé à la division qu'indique le chiffre du titre de la solution primitive.

Exemple. — Soit une solution d'hyposulfite à 25 pour 100 qu'on veut ramener à 8 pour 100. On versera 8 centimètres cubes dans un verre gradué et on ajoutera de l'eau jusqu'à ce qu'on obtienne 25 centimètres cubes.

Cette petite règle mérite les honneurs de l'affichage dans le laboratoire.

LE PYR0GALL0-IC0N0GÈNE

Contrôler tous les révélateurs qu'on lance presque journellement dans la photographie devient un travail de tout instant. Je n'hésite pas à ajouter que ce travail est un peu bien stérile. Que ce révélateur-ci développe plus vite ou plus lentement que ce révélateur-là, je l'accorde ; que l'un exige pour l'obtention d'une bonne photocopie des photo-


LE PYROGALLO-ICONOGÈNE. 77

types plus ou moins intenses, je l'accorde encore ; mais que tous ces nouveaux venus soient très supérieurs à l'acide pyrogallique ou pyrogallol, en tant que résultats obtenus, j'avoue humblement que je reste encore à le constater. J'ajouterai de plus qu'aucun n'a la souplesse de celui-ci. Par contre, et par un habile emploi des conservateurs, beaucoup de révélateurs nouveaux se prêtent aux bains préparés à l'avancé et dits automatiques. Malheureusement l'automatisme est un leurre. Je l'ai dit bien des fois et je le répète encore, l'automatisme n'a rien à faire avec l'Art en photographie. Même pour des épreuves instantanées, on ne saurait logiquement l'admettre. Si le temps de pose est immuablement le même, les valeurs des divers sujets et les intensités lumineuses ne sauraient être les mêmes. Donc la modification du développement s'impose et, du moment qu'il faut modifier, aucun des révélateurs nouveaux ne dépasse, je dirai même n'atteint, la souplesse du pyrogallol.

En partant de ce principe, j'ai voulu voir cependant si le développement au pyrogallol ne pourrait devenir meilleur en le complétant par les qualités que présentent d'autres révélateurs. Cette étude m'a semblé fort intéressante dans le cas surtout des instantanées. Lorsque l'on pose, le phototype harmonieux, ainsi que je l'ai démontré, peut assez facilement s'obtenir toujours par une surexposition plus ou moins longue suivant l'accentuation du sujet. On atteint même ainsi à l'orthochromatisme. Dans le cas de l'instantanéité nous n'avons jamais que de la sous-exposition, ce qui amène presque fatalement aux phototypes heurtés. Pour détruire ces oppositions trop violentes entre les lumières et les ombres, il fallait donner une certaine transparence aux noirs du phototype. L'iconogène me semblait tout indiqué, puisque sa plus grande caractéristique est de présenter des noirs très clairs. De plus il fouille aussi bien que le pyrogallol et, comme lui, laisse à l'argent déposé un grain extrêmement fin, alors que le grain de l'argent déposé par l'hy-rdroquinone est gros et empâté.

De plus le carbonate de soude ne donne pas dans le déve-


78 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

loppement à l'acide pyrogallique des résultats identiques à ceux du carbonate de potasse. Celui-ci fouille plus profondément et intensifie à la manière de l'ammoniaque, alors que celui-là fouille moins, mais donne beaucoup plus de douceur. J'ai donc songé aussi à allier, en parties égales, les carbonates, en tenant compte toutefois des équivalences. Pour une plaque 13 X 18 un bain normal à l'acide pyrogallique comprend à peu près :

Eau. 100 cm 3

Acide pyrogallique. Os,5

Carbonate de soude ou de potasse. ... Os,5 à 2 g.

Sulfite de soude 3 g.

Par bain normal, j'entends celui qui doit agir sur une plaque normalement posée et représentant un sujet normalement en valeurs. Il s'agit donc de combiner l'iconogène, le pyrogallol et les carbonates de façon à constituer un bain normal, tel que les révélateurs et les alcalis y entrent approximativement dans les proportions ci-dessus. Pour atteindre ce but voici les solutions auxquelles je me suis arrêté :

A. Eau chaude, ayant bouilli ....... 1,000 cm 3

Sulfite de soude cristallisé . 60 g.

Bisulfite de soude cristallisé. ..... 12 g.

Iconogène 15 g.

IL Eau chaude, ayant bouilli 1,000 cm 3

Sulfite de soude cristallisé 200 g.

Bisulfite de soude cristallisé 40 g.

Acide pyrogallique 60 g.

C. Eau chaude ayant bouilli. 1,000 cm 3

Carbonate de potasse 150 g.

Carbonate de soude 250 g.

On remarquera que, quelle que soit l'eau employée, je la fais toujours préalablement bouillir pour la débarrasser des gaz qu'elle contient et qui nuiraient à la bonne conservation de solutions.


LE PYROGALLO-ICONOGÈNE. 79

Pour la composition d'un bain normal, destiné à développer une plaque 13 X 18, je prends :

Eau 75 cm' 3

Solution A 20 cm 3

Solution B . . . ' 5 cm 3

Solution C 5 cm 3

Un léger calcul vous montrera que les proportions des constituants sont sensiblement les mêmes que dans le bain à l'acide pyrogallique ordinaire. Si l'on a des phototypes trop denses, on peut augmenter la close d'iconogène, ou celle de pyrogallol si les phototypes sont trop faibles. C'est donc une ressource de plus que dans le développement ordinaire. Les épreuves négatives obtenues par ce procédé sont très brillantes, étonnamment modelées dans les noirs. L'intensité et la tonalité de ceux-ci sont telles que toutes les nuances de ce modelé viennent sur les photocopies et avec un très beau relief.

Le fixage se fait dans le bain d'hyposulfite de soude ordinaire. Cependant, dès que la couche laiteuse du phototype a disparu, au lieu de laisser le phototype dans ce bain je préfère le plonger dans un second bain d'hyposulfite de soude un peu plus dilué que le premier et additionné d'environ 5 cm 3 de bisulfite de soude liquide du commerce par 100 cm 3 du bain. Le brillant du phototype est plus beau et les transparences des noirs sont plus accusées.

11 va. de soi que, suivant les besoins, on peut toujours employer avec un bain une solution de bromure de potassium à 10 pour 100 ou de bromure d'ammonium de préférence. Ceux qui veulent bien me lire savent que je suis toujours partisan de cet emploi. Il va de soi aussi que ceux qui sont habitués à employer l'acide pyrogallique, directement, à la cuillère, comme je l'ai indiqué, peuvent continuer cette pratique et par conséquent se dispenser de faire la solution B. La diminution de sulfite de soude dans le bain provenant de cette manière d'opérer n'a pas une bien


80 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

grande importance. Seulement la quantité de pyrogallol à employer au lieu d'être 0 g. 5 sera 0 g. 25, ainsi qu'il ressort de la formule ci-dessus.

QUELQUES RÉVÉLATEURS NOUVEAUX

Le 7 février 1891, la société dite : « Actien Gesellschaft fur Anilin fabrikation » prenait, sous le numéro 211,243, un brevet pour un procédé d'application du paramidophénol, du paramidocrésol et de leurs dérivés, substitués comme développants clans la photographie. Les produits ci-dessus mentionnés, provenant de la benzine, sont cloués de la propriété de produire le développement d'une image photographique d'une façon très énergique et très rapide.

Le bain de développement est ainsi préparé : dans 100 centimètres cubes d'eau bouillante, on dissout 30 grammes de métabisulfite de potassium et ensuite 10 grammes d'hyd.rochlorate de paramidophénol. On ajoute alors lentement à cette solution, en agitant, de la. lessive de soucie concentrée, jusqu'à ce que le précipité, d'abord formé, se dissolve de nouveau.

Avant de l'employer, on étend cette solution de 5 à 50 fois son volume d'eau, suivant que l'on veut produire un développement plus ou moins fort.

La plaque photographique, ayant été plongée clans ce bain, jusqu'au développement complet de l'image, est ensuite soumise à l'opération du fixage selon, la manière habituelle.

habituelle.

Le l"mai 1891, MM. Auguste et Louis Lumière communiquaient à la. Société française de photographie les résultats de leurs recherches sur ce nouveau révélateur, dont la constitution peut être représentée par le schéma ci-contre :

D'après MM. A. et L. Lumière, la réduction

réduction bromure d'argent semblerait s'effectuer comme suit :


ÉTUDE DES REFLETS & DE LA CONTRE-LUMIERE

>■ R - ii ns ov LAI C " S. Pliototypo de l'auteur.



QUELQUES RÉVÉLATEURS NOUVEAUX. 81

L'eau du développateur est décomposée, l'oxygène se porte sur le paramidophénol pour fournir de la quinoni-. mide, et l'hydrogène, réduisant le bromure d'argent, donne de l'acide bromhydrique, qui réagit à son tour sur la base ou le carbonate alcalin pour produire un bromure. . On peut préparer le Paramidophénol en réduisant, par l'étain et l'acide chlorhydrique, le paranitrophénol ou le nitrosophénol.

Le paramidophénol forme des lames minces qui fondent à 180° en se décomposant. A 0° il exige 90 parties d'eau pour se dissoudre et 22 parties d'alcool absolu. Sa,solubilité augmente un peu avec la température.

Sa solution aqueuse s'oxyde à l'air, surtout en présence des bases, et prend une coloration rouge violacée.

L'addition de sulfite de soude empêche cette altération.

Les formules suivantes paraissent à MM. Lumière convenir pour le développement des plaques au gélatino-bromure d'argent :

Eau 1,000 cm 3.

Sufilte de soude 200 g.

Carbonate de soude 100 g.

Paramidophénol . . . 12 g.

ou bien encore :

Eau 1,000 cm 3.

Sulfite de soude 200 g.

Carbonate de lithine 12 g.

Paramidophénol 12 g.

La première solution est plus énergique que l'a seconde et convient mieux aux instantanées. Dans des flacons bien bouchés les solutions se conservent longtemps et les bains ne jaunissent pas les clichés. L'épuisement du révélateur, par suite de son emploi, est très lent. Cent centimètres cubes de solution peuvent développer, sans différence appréciable, six ou sept plaques 13x18. MM. Lumière ne se sont pas arrêtés à la seule action révélatrice du paramidophénol. Ils ont aussi comparé ses propriétés à celles de l'hydroquinone

11


82 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

et de l'iconogène. D'après eux, les quantités nécessaires de ces différentes substances pour réduire complètement un gramme d'azotate d'argent présentent la gradation suivante : ' - '

Pour rhydfoquinone . 0 g. 07

Pour le paramidophénol 0 g. 14

Pour l'iconogène 0 g. 30

On voit donc qu'il faut environ deux fois plus de paramidophénol et quatre fois plus d'iconogène que d'hydroquinone pour réduire le même poids de nitrate d'argent.

Ces différences n'ont pas d'importance au point de vue pratique. La substance réductrice, dans un développement, reste toujours en très grand excès par rapport à la quantité d'argent à réduire. Le révélateur est hors de service bien avant qu'il soit épuisé. Ce sont les produits d'oxydation qui semblent intervenir pour rendre le développateur inutilisable.

Les trois substances étudiées possèdent, au point de vue photographique, des propriétés analogues. Cependant, le paramidophénol semble présenter les avantages suivants : 1° il s'oxyde plus rapidement que l'hydroquinone et que l'iconogène ; il est, par suite, plus énergique et, toutes conditions égales d'ailleurs, développera plus rapidement; 2° les produits de l'oxydation n'ont pas d'action sur l'image latente et né colorent pas la gélatine, d'où il résulte la possibilité de développer, dans un même bain, une plus grande quantité d'images qu'avec les autres révélateurs.

En faisant varier dans la solution révélatrice les proportions de sulfite de soude, de carbonate et de paramidophénol pour arriver à la meilleure conservation de cette substance et à son meilleur fonctionnement, MM. Lumière ont reconnu qu'il, convenait de modifier comme il suit les formules précédemment indiquées :

Eau '....' 10ÛO cm 3.

Sulfite de soude 125 g.

Carbonate de potasse 50 g.

Paramidophénol 10 g.


QUELQUES RÉVÉLATEURS NOUVEAUX. 83

Enfin, ces messieurs ont fait emploi de la lithine et donné la formule suivante :

Eau . 1,000 Cm 3.

Sulfite de soude ......'.; .".'. .... 200 g.

Carbonate de lithine 12 g.

Paramidoplïénol. 12 g.

Est-elle enfin définitive? Qui pourrait le dire ! Je connais déjà bon nombre de modifications, assez anodines d'ailleurs. . Toutefois, je dois consigner l'alliance du paramidophénol avec l'hydroquinone faite par M. Audra. C'est un excellent révélateur. Le meilleur que je connaisse après le pyrogallol et celui d'ailleurs qui approche le plus de celui-ci par le modelé dans les demi-teintes et la finesse dans les détails. Voici sa formule :

Solution de sulfite de soude à 10 pour 100. 1,000 cm 3.

Paramidophénol 2 g.

Hydroquinone 2 g.

A défaut de paramidophénol, on peut le remplacer par son chlorhydrate en se contentant de doubler la proportion : soit 4 grammes au lieu de 2.

Au moment de développer, on additionne le bain, suivant les besoins, d'une solution de carbonate de potasse à 100 pour 100. Pour un bain normal, 10 cm 8 de cette solution pour 100 cm 3 de la solution de paramidophénol suffisent.

Un de ces jours nous verrons sans doute une communication sur le paramidocrésol ou quelque révélateur analogue.

Du reste, rien que dans la série aromatique, MM. Lumière nous en ont indiqué une collection extrêmement respectable. Petit à petit elle entrera plus ou moins dans la pratique courante. Laissons faire la pénétration et retenons seulement les révélateurs déjà un peu étudiés par d'autres.

Si l'on tient compte de l'ordre alphabétique, YAmidol arrive au premier rang. Il y reste encore par ce fait particulier qu'il agit sans addition d'alcali autre qu'un sulfite alcalin. Bien plus, les alcalis le gênent, l'altèrent, le


84 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

colorent, l'amènent à ne donner'que des images faibles et voilées. Seuls, le borax et peut-être aussi l'ammoniaque (c'est à voir) lui laissent tout ou partie de ses qualités.

Dans mes notes, prises au cours de mes lectures des publications photographiques, je lis ceci, à propos du paramidophénol :

« Depuis plusieurs mois, MM. Reverdin et de La Harpe font des recherches dans la même direction. Ces recherches ont porté sur l'emploi du diamidophénol obtenu par réduction du dinitrophénol fusible à 114° et du trinitrophénol, produit de réduction de l'acide picrique. Ces composés, trop instables par eux-mêmes, ont été essayés à l'état de chlorhydrates.

« Le chlorhydrate de triamidophénol n'est pas utilisable, car il a trop de tendance à voiler, mais le chlorhydrate de diamidophénol, par contre, a souvent donné de bons clichés. On dissout 1 gramme de ce sel et 5 grammes de sulfite de soude dans 100 grammes d'eau. 11 suffit, pour développer des instantanées, de prendre environ 50 cm' de cette solution étendue avec la quantité d'eau nécessaire à l'immersion de la plaque 13x18, tandis que pour des clichés posés 10 à 20 cm 3 suffisent •'. »

J'ai pensé à cette note en voyant l'Amidol lancé par M. J. Hauff et le Dr Bogisch, de Feuerbach. L'amidol, en effet, dont la formule s'écrit C°H3(NH2)2OH n'est pas autre chose que du chlorhydrate de diamidophénol. Il se montre à l'état de poudre blanche soluble dans l'eau, sans coloration, au début, mais avec une légère réaction alcaline. A la longue, la solution se colore en rouge en perdant son activité. Le borax, dont je parlais tout à l'heure, lui donne une coloration violet rouge; les alcalis et les carbonates alcalins la teintent en bleu verdâtre intense. Les acides restreignent son action jusqu'à l'arrêter complètement.

Additionnée de sulfite neutre de soude, la solution se conserve assez bien incolore et révèle l'image latente alors que

1. Procès-verbal de la séance du 2S mai 1891 do la Société genevoise de photographie. Revue de photograj>hie, 1891, page 267.


QUELQUES RÉVÉLATEURS NOUVEAUX. 85

seule elle ne la fait venir que peu bu point.. Vous pouvez à votre gré chercher à combiner à différentes doses les constituants. Toutefois, avec la combinaison suivante on obtient d'excellents résultats :

Eau distillée • • • ■ 1,000 cm 3.

Sulfite.de soude 50 g.

Amidol 5 g.

Le développement prolongé intensifie l'image tout en lui conservant'la grande richesse de ses demi-teintes. Point de voiles, point de soulèvements, un phototype pur et brillant. On peut se servir plusieurs fois du bain, jusqu'à ce qu'il jaunisse. Alors il perd son efficacité. Le fixage peut se faire dans un bain absolument neutre sans crainte de coloration. Le phototype est gris noir et à grains très fins. A-t-on besoin d'un modérateur? On emploiera la sempiternelle solution de bromure de potassium à 10 pour 100.

On voit donc que, malgré sa réaction acide, l'amidol demeure un excellent révélateur, qui demande à être étudié sérieusement. La solution unique dont on peut faire varier l'énergie par addition d'eau de dilution est bien séduisante. II est vrai qu'on tente déjà de rendre compliquée cette simplicité native sous prétexte que la solution indiquée ci-dessus reste encore trop concentrée pour se conserver indéfiniment. Pour ce faire on part du principe énoncé plus haut que les acides arrêtent l'action de l'amidol. On acidifie donc la solution d'amidol, puis au moment de développer, on ajoute à cette solution un sel susceptible de neutraliser l'acide libre. Sitôt cette neutralisation complète l'amidol récupère ses propriétés réductrices. Nous aurons à en reparler.

Le Gaïacol CarT(CH3)02, qui s'obtient par la distillation sèche de la résine du bois de gaïac, est, une liqueur oléagineuse, incolore et fortement réfringente. Elle constitue un révélateur très énergique donnant des phototypes très harmonieux, d'un grain d'une certaine finesse et dont le manque d'intensité se trouve suffisamment compensé par une tona-


86 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

lité générale brun jaunâtre, très propre à la bonne obtention des photocopies. C'est le seul révélateur que nous ayons à l'état liquide.

Le bain de développement se compose de :

Eau .:.... : 1,000 cm 3.

Gaïcoi 10 —

L'auxiliaire employé est une solution de carbonate de soude à 4 pour 100. Dans le cas de l'instantanéité, on ajoute 10 gouttes de gaïacol à 100 centimètres cubes du bain et l'on se sert, comme auxiliaire, d'une solution de soude caustique à 1,25 pour 100.

Je vous engage toutefois à ne pas trop vous fier aux vertus du gaïacol. Les résultats des derniers examens subis par ce corps sembleraient démontrer qu'il ne doit qu'à des impuretés ses propriétés révélatrices... Que de choses brillantes ne doivent ainsi leur éclat qu'à des... irrégularités !

Vient ensuite, en cristaux mal définis d'un violet grisâtre, la Kinocyanine G25HI 2010 découverte par M. Noël qui en garde la préparation secrète, mais il a donné pour le développement la formule suivante :

Eau 1,000 cm 3.

Kinocyanine 10 g.

Sulfite de soude 50 g.

Soude caustique 1 g.

Carbonate de soude 140 g.

Sel de mono-méthyl-para-amido-méta-crésol, qui a pour formule CcH3CH3OHNH.GH 3, le Mètol se présente à nous sous la forme d'une poudre blanche assez soluble dans l'eau, formant, avec un sulfite alcalin, un liquide à peu près incolore pouvant, dans des flacons biens bouchés, se conserver longtemps. Avec addition d'un carbonate alcalin, il développe l'image latente des plaques au gélatino-bromure d'argent impressionnées.


QUELQUES RÉVÉLATEURS NOUVEAUX. 87

En se servant du carbonate de potasse, on fait les deux solutions suivantes :

A Eau distillée 1,000 cin',

Sulfite de soude neutre 100 g.

Métol. ........ 10 g.

B Eau distillée 1,000 cm 2.

Carbonate de potasse . 100 g.

Pour un bain normal on prend :

Solution A 60 cm 3.

Solution B. . . 20 —

L'image apparaît tout d'un coup, légère, grise, mais gagnant en vigueur, sans dureté, si on prolonge le développement. Deux ou trois minutes suffisent, en général. En variant les proportions de métol et de carbonate on obtient des bains de qualités très différentes applicables aux diverses plaques du commerce. Pour des phototypes exigeant une grande douceur : portraits de femmes ou d'enfants, il est bon de n'employer que 10 cm 3 de la solution B au lieu de 20 cm 3 et d'ajouter au mélange 20 cm 3 d'eau de dilution.

Inversement une augmentation de carbonate de potasse accélère le développement et accentue l'intensité des grandes lumières.

Ce qui caractérise le métol c'est cette apparition immédiate de l'image entière qui permet un développement très à fond sans craindre la dureté. Une pose maladroitement trop longue peut être compensée par une légère addition d'une solution de bromure de potassium à 10 pour 100. Le phototype, à grains assez fins, revêt une coloration gris noir, et la gélatine ne se colore pas même avec un bain de fixage neutre.

Si l'on emploie le carbonate de soude, les solutions mères se font dans les mêmes proportions, mais on prend parties égales de ces solutions pour former le bain de développement. On diminue l'énergie du bain par de l'eau de dilution.


88 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

Voici maintenant les petites lamelles du Paraphênylèndiamine ^H'^AzH 2) 2 autrement nommé : diamidobenzine. Assez soluble dans l'eau bouillante, il constitue un excellent révélateur, donnant des phototypes d'un joli gris se prêtant cependant assez bien au tirage. Pour le développement on fait les solutions suivantes :

. A Eau 1,000 cm 3.

Paraphénylèndiamine 20 g.

B Eau 1,000 cm 3.

Potasse caustique 100 g.

pour le bain normal on prend 2 parties de A pour 1 partie de B. On remarquera que ce révélateur s'emploie sans addition de sulfite de soude. Non seulement le paraphénylèndiamine se garde bien sans l'addition de ce sel, mais encore celui-ci agit comme modérateur énergique.

La Rêsorcine G°HG02, jadis indiquée, abandonnée, reprise, puis abandonnée encore, tente de forcer à nouveau la porte des photographes. Etant donné la lenteur extrême de son action on pourrait l'employer avec avantage dans les cas de trop forte surexposition. L'Amérique, qui nous la renvoie avec force éloges, la combine avec l'hydroquinone dans les proportions suivantes :

Eau 1,000 cm 3.

Rêsorcine 0 g. 4

Hydroquinone 7 g. b

Sulfite de soude 30 g.

Carbonate de soude 20 g.

Reste le Teçloquinone G18H10O 2 extrait par distillation sèche,de la résine du bois de teck. Pour celui-là les formules abondent sans peine. Il suffit d'en prendre une quelconque, préconisée pour l'hydroquinone, et d'y remplacer celle-ci par le tectoquinone. Vous obtiendrez, tout comme avec l'hydroquinone, un phototype brun noir à gros grains et un bain de développement qui brunit assez rapidement à l'air.


LE DEVELOPPEMENT.

Avec les révélateurs déjà en vogue, 1 cette liste suffit amplement pouf vous donner 1 de l'occupation, pendant; tout le courant de Tannée. : \,; : .,;::: .-J;

LE DEVELOPPEMENT

À propos de développement, je vous signalerai les dernières tentatives qui ont été faites, afin d'ajouter aux révélateurs des substances accélératrices. J'ai nommé la térébenthine et l'iodé. "''■'"'" ' - -

M. H'.-E. Gunter, dans une correspondance qu'il adresse d'Allemagne au Photographie News, affirme que MM. Wolff et P. Lenhart préconisent l'huile de térébenthine comme accélérateur du développement à l'hydroquinone. L'action de cette substance serait analogue à celle de l'hyposulfite de soude, dans le révélateur à l'oxalàte ferreux. C'est dire quelles précautions il faut apporter, dans l'addilion préconisée. Cinq à six gouttes de térébenthine sont suffisantes pour un bain de développement de 100 centimètres cubes. Quant à l'iodey M. A. Lainer soutient que trois à six gouttes d'une solution d'iode à 1 gramme, dans 50 centimètres cubes d'alcool dilué dans un Volume d'eau égal, produit des effets surprenants dans 30 à 40 centimètres cubes d'un bain de développement à l'hydroquinone. Les détails arrivent presque instantanément; l'intensité ne s'acquiert que par un développement très prolongé. D'après M. A. Lainer, la transparence des phototypes se trouverait très augmentée et 1 la gradation des demi-teintes considérablement améliorée.; A ce compte, l'iode agirait à la manière inverse du bromure de potassium. Or, comme l'iode ou Tiodure de potassium donnent les mêmes résultats finaux, avec tous les révélateurs, c'est un agent précieux à avoir sous la main pour la conduite artistique d'un développement. Je vous engage donc à porter vos études de ce côté et à vous assurer de la créance qu'on doit donner à cette découverte. D'ailleurs pour ceux qui emploient couramment le bromure de potas12

potas12


90 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

sium dans leurs développements, je considère comme une une bonne pratique de remplacer la solution de bromure de potassium à 10 pour 100 par la suivante :

Eau 100 cm 3.

Bromure de potassium.. ..... ,". .... 8 g.

Iodure de potassium 2 g.

Si le révélateur employé pousseà l'opacité des noirs on peut même diminuer encore le bromure et augmenter l'iodure, soit, par exemple, 6 du premier pour 4 du second.

LE FIXAGE ACIDE ET ALCALIN DÈS PHOTOTYPES

. Si en photographie la question du développement a donné naissance à une sorte de sport chimique, tendant à la multiplication des formules de tout genre, on peut dire que la question du fixage des phototypes, aussi bien que des photocopies, est atteinte de la même maladie. En ce qui concerne les phototypes, on s'est servi pendant longtemps d'une simple solution aqueuse d'hyposulfite de soude soit à 25 pour 100, soit à 15 pour 100, soit même à un titre inférieur, Cela a fini par paraître trop simple. On a voulu modifier le bain, c'est-à-dire le compliquer, sous prétexte qu'il se colorait, après le débromurage de quelques plaques seulement. Raison fallacieuse. Cette coloration, en effet, due à des oxydations des révélateurs aussi bien qu'à la production de sulfures d'argent, ne gêne en rien l'opération du fixage et ne peut compromettre la limpidité du phototype. Après service, ces bains de fixage colorés peuvent même être filtrés, conservés dans des flacons blancs, à la lumière, et servir à nouveau. Pendant leur repos, ils se débarrassent spontanément de leurs sulfures d'argent, qui se déposent sur les parois des flacons en une matière noire tenace et de composition complexe.

Quoi qu'il en soit, le Dr Eder conseilla le premier, je crois,


LE FIXAGE ACIDE ET ALCALIN DES PHOTOTYPES 91

l'addition de sulfite de soude au bain de fixage. D'autres auteurs sont venus, préconisant, qui l'addition du Carbonate de soude, qui celle du bisulfite de soude. Les uns veulent le fixage acide, les autres le fixage alcalin. Au fond, ceux-ci et ceux-là s'occupent moins de la limpidité du bain d'hyposulfite que d'éviter le voile jaune trop souvent donné par certains révélateurs, comme l'hydroquinone par exemple. La composition du bain de fixage acide le plus courant consiste à ajouter au bain d'hyposulfite ordinaire du bisulfite de soude cristallisé ou simplement du bisulfite liquide du commerce, à raison de 5 parties de bisulfite pour 100 parties de bain. M. Pricam, à la suite d'une formule de développement à l'iconogène, préconise le fixage acide suivant :

Eau "1,000. cm 3

Sulfite de soude neutre 30 g. '

Acide tartrique Wg.

Hyposulfite de soude 200 g.

En dépit d'un très long service, ce bain conserve une limpidité parfaite et donne beaucoup de transparence aux demi-teintes du phototype.

Pour le fixage alcalin, M. Kroehnke recommande de faire dissoudre 2 parties d'alun dans 10 parties d'eau chaude, et d'un autre côté 1 partie de soude caustique dans 10 parties d'eau chaude. La solution d'alun est versée graduellement dans la solution de soude. On obtient ainsi un liquide très clair, que l'on filtre et que l'on conserve après refroidisse^ ment dans des flacons bien bouchés. Cette solution alcaline de réserve est ajoutée au bain fixateur, dans la proportion de 1 à 2 pour 100. Le bain ainsi formé n'attaque pas la pelli-: cille de gélatine, même après plusieurs heures de contact, et donne, comme le bain acide, beaucoup de transparence aux noirs du cliché.

Lequel vaut-il mieux employer? Le fixage neutre, le fixage acide ou le fixage alcalin? M. Higgins s'est livré"à l'étude de cette question, désireux de savoir, expérimentalement, s'il


92 LES NOUVEAUTES PHOTOGRAPHIQUES,

y avait véritablement avantage à ajouter des corps étrangers au bain simple d'hyposulfite de soude. Voici, d'après The Photographie Neios, le résultat de ses expériences. Il fit les .cinq bains suivants :

1. Hyposulfite de soude 20 g.

Eau 100 cm 3.

IL Hyposulfite de soude 20 g.

Sel de soude 5 g.

Eau 100 cm 3.

III, Hyposulfite de soude 20 g.

Solution saturée d'alun 60 cm 3.

Eau 100 cm 3.

on laisse reposer et on décante.

IV. Hyposulfite de soude 20 g.

Solution de carbonate de soude à 25

pour 100 85 cm 3.

Eau 100 cm 3.

Bien secouer, laisser reposer une heure et décanter.

V. Hyposulfite de soude 20 g.

Bisulfite de soude 30 g.

Acide acétique 1,5 cm 3.

Eau 100 cm 3.

Des parties d'une même plaque ont été fixées dans ces différents bains. L'hyposulfite de soude seul a fixé plus vite et mieux; le bain au carbonate de soude moins vivement; celui à l'alun plus lentement; celui au bisulfite de soude plus lentement encore. De plus, le bain à l'alun doit être rejeté pour des considérations que j'ai déjà présentées '.

De cette expérience, M. Higgins conclut que le bain d'hyposulfite pur est le meilleur des bains. Il agit plus vite, plus sûrement, est le moins coûteux et le plus facile à faire. Je partage, en partie, cette opinion. Je dis en partie, car les bains acides, surtout, présentent certains avantages indéniables et dont on aurait grand tort de ne pas se servir le cas échéant. 11 ne faut pas oublier, en effet, que si l'acide,

t. Voir La Théorie, la Pratique et l'Art en Photographie, page 160.


LE FIXAGE ACIDE ET ALCALIN DES PHOTOTYPES.

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en présence de l'hyposulfite de soude, provoque un dépôt de soufre, il provoque aussi un dégagement de gaz acide sulfureux, dont le pouvoir décolorant peut être très efficace lorsque la couche de gélatine a des tendances à jaunir sous l'action du révélateur. De plus, comme je l'ai fait remarquer, aussi bien pour le fixage-acide que pour le fixage-alcalin, les noirs du phototype, ses demi-teintes surtout, gagnent en transparence. Ce qui revient à dire, en d'autres termes, que les fixages acides ou alcalins affaiblissent les phototypes.

phototypes. réel ne se produit pourtant qu'après une longue immersion de la plaque. Dans le temps normal du fixage, cet affaiblissement n'est que factice pour cette raison cjue, dans le bain de fixage ordinaire, le développement continue quelque temps encore, alors que le fixateur acide ou alcalin, au contraire, semble arrêter net l'action du révélateur. Il faut, en conséquence, lorsqu'on s'en sert, pousser le développement très à fond, sans même craindre la montée d'un léger voile qui disparaîtra au fixage.

Je vous engage donc à opérer comme je vous le disais à propos du pyrogallo-iconogène, c'est-à-dire à fixer d'abord dans un bain simple, jusqu'à disparition complète de la couche laiteuse, et à terminer le fixage dans un bain acide. Le phototype séjournera dans ce dernier d'autant plus longtemps, qu'on aura à lui faire perdre une coloration jaune générale, un léger voile, ou à diminuer la trop grande opacité de ses noirs.

Essoreuse pour clichés.


LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

SECHAGE RAPIDE DES PHOTOTYPES

MM. Clément et Gilmer, successeurs de M. Laverne, cherchent à conserver toute la réputation de cette maison. Après nous avoir donné un porte-objectif excellent, ils ont construit une essoreuse pour clichés. Le principe essentiel de cet appareil consiste dans un plateau horizontal, muni de quatre griffes mobiles pouvant maintenir un phototype d'un format quelconque. Une corde sans fin, actionnée par une manivelle, met ce plateau en mouvement. Une boîteenveloppe, munie d'une ouverture vitrée qui permet de suivre les progrès du séchage, recouvre le plateau, et elle est percée de trous disposés de telle sorte que le plateau en tournant forme ventilateur. En huit ou dix minutes, le séchage est complet. Une ou deux minutes même suffisent si l'on a eu soin de tremper préalablement le cliché dans de l'alcool. Voilà certes un petit appareil qui comblera de joie les amateurs pressés.

RENFORCEMENT LOCAL DES PHOTOTYPES

Dans le Moniteur de la Photographie au 1er juin 1891, M. Léon Vidal traite, avec sa compétence ordinaire, la question des réserves sur les clichés, question qui a bien son importance au point de vue artistique.

« Voici comment on procède : la ou les parties du cliché que l'on veut teindre sont laissées libres, tandis que l'on recouvre de vernis au bitume toutes les autres parties.

« Le vernis est fait avec du bitume en dissolution, à consistance épaisse, dans de la benzine.

« On recouvre de ce vernis tout ce qui doit rester à sa valeur d'origine. On laisse ensuite bien sécher. 11 n'est pas inutile, si l'on est pressé, d'activer la dessication sur une source de chaleur.


RENFORCEMENT LOCAL DES PHOTOTYPES. 95

- « Le vernis doit être passé en couche épaisse. D'ailleurs on arrivera par quelques essais, sur de mauvais clichés, à se rendre maître du procédé.

« Le vernis une fois sec, on immerge la plaque tout entière dans une solution aqueuse de jaune d'aniline ou de rouge magenta, ou de vert d'aniline ou de çhrisoïdine, d'une teinture quelconque préalablement essayée et susceptible de conduire au résultat désiré.

« D'ailleurs, on peut y revenir à plusieurs fois si la première immersion n'a pas donné à la couche un degré d'opacité suffisant. On lave rapidement à l'eau après le bain de teinture.

« Après que la gélatine s'est bien séchée, on enlève avec de la benzine (dissolvant du bitume) tout le vernis et l'on a un négatif dans lequel tout se voit encore, mais dont la translucidité a été atténuée dans certaines parties.

« On peut même appliquer cette méthode au coloriage d'épreuves à projections, en y incorporant successivement diverses couleurs. »

Depuis quelque temps je me suis préoccupé de mon côté de cette question. Les réserves faites avec du collodion coloré versé au dos des plaques ne me satisfaisaient pas complètement. Quand le résultat final exige des colorations un peu intenses, il se forme en effet, sur la photocopie, une sorte d'auréole autour des réserves. Le procédé que j'emploie est à peu près le même que celui que je viens d'indiquer. Tout au moins part-il d'un même principe. Seulement au lieu d'opérer par voie d'imbibition colorée, j'opère par voie de renforcement pur et simple. Les parties du phototype qui demandent à être renforcées sont laissées libres, les autres recouvertes, au pinceau, d'un bon vernis. Après dessication complète on procède au renforcement à l'aide du bichlorure de mercure suivant la méthode courante. Si la première opération est insuffisante, on renforce à nouveau. Si elle est suffisante pour certaines parties et insuffisante pour d'autres, on recouvre celles-là de ver-


96 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

nis, après séchage complet du cliché, et l'on effectue un nouveau renforcement.

On obtient ainsi des réserves très délicates, de grande ou de petite étendue. Habilement manié ce procédé permet de détruire complètement le halo dans le cas où il existerait. C'est en somme un travail analogue à celui de l'aquafortiste. Et, comme je l'ai dit dans La Théorie, la Pratique et l'Art en photographie, le développement d'une épreuve artistique peut et doit être considéré comme un travail de ce genre.

Le résultat obtenu, on enlève les couches provisoires de vernis par la méthode ordinaire du dévernissage des clichés et l'on passe au tirage d'une photocopie pour se rendre compte,si l'harmonie générale a bien acquis l'équilibré nécessaire.

LE HALO

Je viens d'écrire au chapitre précédent le mot : halo. Le Paris-Photographe a publié, au sujet de cet accident, une très remarquable étude d'un membre de l'Institut, M. A. Cornu. Les causes du halo y sont nettement déterminées. Quant au remède, l'éminent académicien en revient à une solution proposée depuis longtemps déjà et qui consiste à enduire l'envers de la plaque avec une mixture opaque l'emplissant à la fois les deux conditions d'indice et d'absorption.

La mixture proposée par M. A. Cornu se compose d'un mélange d'essences (six volumes d'essence de girofle et un volume d'essence de térébenthine). On plonge dans ce mélange une petite bande du verre des plaques, débarrassé de sa gélatine, et si cette bande devient invisible, elle a le même indice de réfraction que le verre. On verse alors le mélange sur du noir de fumée, de façon à former une pâte dont on enduit le dos de la plaque avec un pinceau ou un un tampon de coton. Cette pâte est enlevée avec du papier de soie avant le développement.


ÉTUDE DES CIELS

ORAGE MONTANT SUE I.A CÔTE NORMANDE. (Phototype de l'auteur.)



LE HALO. 97

D'après les photographies présentées par le Paris-Photographe à l'appui de cet article le résultat est excellent, mais la manipulation, un peu bien désagréable, ne me semble guère pouvoir entrer dans la pratique courante.

Dans une communication faite à la Société française de photographie, M. Mendoza préconise un moyen nouveau pour empêcher la formation du halo, dans le cas où la surexposition n'est pas suffisante pour le détruire complètement. Il consiste à noircir à la flamme d'une bougie la face postérieure de la lentille de l'objectif. Voilà il me semble un procédé extrême et un peu bien dangereux. Qu'on tente l'expérience avec un objectif de valeur insignifiante, soit, mais lorsqu'on possède un instrument de marque, la tentative devient délicate. Non seulement ce procédé manque absolument de propreté, mais encore la lentille peut se briser sous l'action de la chaleur. Le cas se présente .assez souvent pour les condenseurs des lanternes de projection. Je veux bien admettre que la flamme d'une bougie développe moins de chaleur que les lumières employées dans la projection. Toutefois si l'on arrive à noircir bien également la lentille, sans bris ni fêlure, on risquera fort de la rayer lorsqu'il s'agira de la nettoyer pour l'usage courant. Certes l'interposition d'un écran de verre teinté de noir de fumée serait préférable. Par malheur M. Mendoza a constaté que l'emploi d'un tel écran ne donne pas les mêmes résultats que l'objectif noirci. Il faut donc s'en tenir bon gré mal gré au noircissement de la lentille postérieure. J'avo e, pour ma part, que je me garderai bien de soumettre mes objectifs à ce maquillage dangereux.

A propos de cette communication, M. Léon Vidal a rappelé sa méthode de suppression du halo à l'aide d'une teinture à l'acide picrique, présentée par lui au Syndicat général de la photographie pendant le mois de mai 1891.

« Si d'une part, l'on expose une plaque sensible ordinaire, recouverte d'un morceau de papier noir, percé d'un trou circulaire, à la lumière d'une bougie pendant trois minutes et à la distance de 0m,,50sdè la 'so/urce lumineuse;

, . "--\ 13


98 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

si, d'autre part, on fait la même opération avec une plaque ordinaire teinte à l'acide picrique neutralisé par de l'ammoniaque et qu'on développe simultanément les deux épreuves, on remarque que la première porte, autour du disque noir Correspondant au trou, une auréole très prononcée, soit un halo, tandis qu'il n'en existe aucune trace sur l'autre plaque, où le disque noir se détache très nettement sur un fond également translucide. Pour préparer les plaques ordinaires à la gélatine, de façon à les préserver contre le h.alo, à l'aide du moyen sus-indiqué, on fait une solution saturée d'acide picrique à la température ordinaire (c'est environ 2 grammes d'acide picrique pour 100 grammes d'eau), puis on neutralise cette solution avec de l'ammoniaque, ajoutée goutte à goutte jusqu'au moment où la solution ne rougit plus le papier de tournesol. Les plaques y sont successivement immergées, on les y laisse deux ou trois minutes. Elles sont ensuite sorties du bain et mises à l'abri de toutes poussières. La sensibilité des plaques est diminuée d'un tiers environ.

« Des plaques orthochromatiques, traitées de la même façon, donneraient du halo. Il faut donc n'user de cette méthode que pour des plaques à la gélatine dites ordinaires. Pour les plaques orthochromatiques il faut recourir au procédé le plus connu et qui consiste en une couche de collodion coloré avec du violet de méthyle et de la chrisoïdine passée au dos des plaques. Lors du développement, cette couche est facilement enlevée à l'aide d'un chiffon souple. »

Jusqu'ici ce dernier procédé me paraît encore le meilleur à employer pour toutes les plaques. Toutefois, pratiquement, il existe pour l'amateur une appréhension et une difficulté réelles à baigner et à faire sécher convenablement les plaques avant de s'en servir. De plus M. Vidal oublie de nous dire si les plaques traitées à l'acide picrique se conservent plus ou moins longtemps. Il existe aussi la question troublante du temps de pose. 11 est vrai que l'on peut se servir de petits appareils destinés à le calculer avec assez de précision.


LE PAPIER AU CITRATE D'ARGENT. 99

LE PAPIER AU CITRATE D'ARGENT.

Sensibilisé sur papier couché, le papier au citrate d'argent donne des photocopies d'une grande finesse. L'insolation s'effectue comme dans le cas du papier albuminé, Le phototype s'imprime également bien, quelle que soit sa densité. Toutefois, d'après les-expériences personnelles auxquelles je me suis livré, les bons phototypes, d'une densité moyenne, ceux qui représentent, comme cela doit être, des transparences inversement proportionnelles aux éclats des parties correspondantes du sujet, donnent de bien meilleurs résultats que les phototypes mous. Avec ceux-ci les blancs se rosissent facilement; avec ceux-là ils restent purs.

En thèse générale, je suis l'ennemi des bains de virage et de fixage combinés, bien qu'ils possèdent toutes les séductions d'une manipulation simple et expéditive. Leur action, fort mal définie, me semble se baser sur une sulfuration de l'argent par. la décomposition de l'hyposulfite de soude. Les papiers, traités par ces bains, prennent souvent très vite des tonalités jaunâtres dans les grandes lumières. Je préfère toujours agir avec les bains séparés. J'ai donc tout d'abord employé, pour le papier au citrate d'argent, les formules de bains séparés données par MM. Lumière et qui, réduites aux indications exigées par le Congrès, sont les suivantes :

A. Eau 1,000 cm 3.

Phosphate de soude 40 g.

B. Eau 1,000 cm 3.

Sulfocyanure d'ammonium 30 g.

C. Eau 1,000 cm 1.

Chlorure d'or 10 g.

On prépare le bain de virage en prenant 100 parties de A et de B dans lesquelles on ajoute 10 parties de C. Il faut


100 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

que les épreuves, avant l'immersion dans ce bain, soient abondamment, surabondamment lavées. Tous les papiers qui contiennent un acide organique nécessaire à leur conservation, ce qui est le cas général de tous les papiers du commerce, ne sauraient être trop lavés avant le virage, sous peine de virer lentement, irrégulièrement et d'épuiser très rapidement l'or du bain. Lorsque l'acide citrique se trouve en grande quantité, comme dans le papier au citrate d'argent, il est bon même que les eaux du premier lavage soient additionnées d'une substance susceptible de neutraliser l'effet de l'acide. Le bicarbonate de soude, le sulfite de soude, voire l'alun, etc., me paraissent propres à obtenir ce résultat.

Une fois virées par le procédé ci-dessus, au ton que l'on désire, ce que l'on reconnaît en les examinant par transparence, les épreuves sont plongées de cinq à dix minutes dans le bain de fixage suivant, qu'on aura eu soin de filtrer après refroidissement :

Eau bouillante.. . . 1,000 cm 3.

Hyposulfite de soude 120 g.

Alun 40 g.

Après quoi les épreuves sont lavées six à douze heures dans une eau fréquemment renouvelée.

On peut employer également d'autres formules de virages. Par exemple : une formule à la craie avec du chlorure d'or et de potassium; une formule à l'acétate de soude, au borax et au chlorure d'or, etc. Vous pouvez sur ce point vous livrer à tous les essais comparatifs qu'il vous plaira en obtenant des photocopies de différents tons.

Je dois cependant à la vérité de reconnaître que ces bains ; s'appauvrissent vite et qu'ils amènent souvent une coloration rosée dans les blancs. MM. Lumière, que j'ai consultés au sujet de leur papier, préfèrent le bain de virage et fixage combinés à tout autre et affirment que des épreuves traitées par ce bain n'ont pas subi la moindre altération api'ès une


LE PAPIER AU CITRATE D'ARGENT. 101

exposition de trois mois à la grande lumière du jour. Voici, d'après eux, le bain combiné qu'il faudrait employer :

Eau chaude 1,000 cm 3.

Hyposulfite de soude 200 g.

Sulfocyanure d'ammonium 25 g.

Alun 30 g.

Solution d'acétate de plomb à 10 °/0 ■ • 40 cm 3.

Filtrer après refroidissement et ajouter 7 cm 3 d'une solution de chlorure d'or à 1 pour 100 par 100 cm 3 de la solution indiquée, que l'on dilue dans une égale quantité d'eau. MM. Lumière n'indiquent pas le laps de temps qu'il faut laisser s'écouler entre le filtrage et l'addition de la solution de chlorure de d'or. Pour ma part, je crois qu'il est bon de laisser s'écouler dix à douze heures . au moins, et de ne se servir jamais immédiatement du bain complètement composé,

Dans ce bain, le virage dure de dix à vingt minutes. Lorsque la richesse du bain s'épuise, ce que l'on reconnaît quand les demi-teintes tendent à prendre une coloration gris-verdâtre, il convient de le renforcer en y ajoutant une quantité convenable de la solution de chlorure d'or à 1 pour 100, ou bien d'une solution de virage-fixage concentré, que l'on obtient en opérant comme ci-dessus, mais sans addition d'eau.

Quoi qu'il en soit je répudie pour ma part ce mode de procéder et je ne saurais trop vous engager à employer le virage et le fixage séparés. Le virage à la craie réussit d'ailleurs très bien avec le papier au citrate d'argent.

Avec ce papier au citrate d'argent les demi-teintes virent considérablement plus vite que les grandes ombres, ce qui permet de conserver quelquefois deux tons à l'épreuve, en arrêtant le virage avant qu'il soit entièrement effectué. Un opérateur de goût peut, dans certains cas spéciaux, tirer un excellent parti de cette dualité de teinte.

Les photocopies au citrate d'argent peuvent être cylindrées à chaud lorsqu'on recherche un grand brillant, ou séchées sur verre dépoli ciré si on les veut mates.


102 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

Comme tous les papiers aristotypiques, le papier au citrate d'argent se prête à une impression rapide, suivie d'un développement. Condition très à considérer lorsqu'on opère en hiver. Il suffit que les détails soient légèrement venus. Un développement soit à l'acide gallique, soit au pyrogallol, soit à l'hydroquinone, soit au paramidophénol, amène l'image à point. On la lave, et on peut la virer comme il a été indiqué plus haut.

Seulement... oh! mais seulement, gare aux taches!

LE PAPIER KALLITYPE

On a fait quelque bruit autour de l'exaltation des sels de fer et d'un papier destiné à nous donner avec eux des éjireuves comparables à celles obtenue avec des sels d'argent. Ce papier est, je crois, celui qui a fait son apparition en Angleterre sous le nom de kallitype. D'après The Photographie Times, ce papier serait très sensible, beaucoup jùus sensible même que le papier au platine. D'une grande permanence, il se conserve pendant un temps indéterminé. Il va de soi que comparativement aux prix nécessités par l'emploi de l'or ou de l'argent, il est d'un extrême bon marché. Les tons qu'il donne varient dans la gamme passant du brun sépia au noir bleu.

On se sert du kallitype comme du papier au platine. L'insolation se fait jusqu'à ce que l'image soit imprimée légèrement, plus légèrement que dans le cas du papier au platine. L'apparition complète de l'image s'obtient par développement, et le fixage s'opère par un court lavage chimique.

Le sel de fer employé serait un sel ferrique organique précipitable par l'ammoniaque. Suivant que l'on emploie seuls ou combinés l'oxalate ferrique, le citrate ferrique de sodium, le citrate ferrique de potassium et les tartrates correspondants, les tons et les caractères de l'épreuve peuvent être modifiés.


LE PAPIER KALLITYPE. 103

La solution impressionnante ne doit point pénétrer dans le papier, mais rester à sa surface. Mieux vaut donc appliquer cette solution à la brosse ou au pinceau que de laisser flotter le papier sur elle. Le séchage s'effectue dans la chambre noire, très rapidement mais sans chauffer. La couleur de la couche est jaune clair. Et, comme je l'ai dit, la conservation dure un temps indéterminé. Au début de l'insolation la teinte jaune se transforme rapidement en teinte lilas. Avec un phototype d'une intensité ordinaire, quelques minutes à la lumière diffuse suffisent pour l'impression. Quant au ton final, il dépend de la solution de fer et de-l'a nature du révélateur.

Si, pour l'impression du papier, on se sert de l'oxalate ferrique, on devra précipiter le chlorure ferrique par l'ammoniaque, laver continuellement l'hydrate de fer en résultant afin d'enlever toute trace de chlorure adhérente. On le dissout après par l'acide oxalique, laissant une partie d'hydrate non dissoute pour être certain de sa neutralité. La solution est alors réduite aune concentration indiquant 75° à l'hygromètre photographique ordinaire, et elle est filtrée avant son application.

Ajoute-t-on 3 à 4 pour 100 d'oxalate de potasse à la solution ci-dessus? L'épreuve avec n'importe quel révélateur prendra la couleur sépia ou rouge-brun.

Pour obtenir des noirs bleus, le bain de développement devra être combiné comme suit :

Solution de citrate de soude, 720 parties.

Solution d'azotate d'argent, 25 parties.

La solution de citrate de soude sera faite dans 3,360 parties d'eau ; celle d'azote d'argent dans 480 parties d'eau.

Au moment où l'on ajoute l'argent au citrate, il se forme un précipité qui est dissout dans l'ammoniaque, après quoi la solution redevient claire. L'addition de l'ammoniaque demande beaucoup de soin. Il faut que la solution demeure strictement neutre. La pureté des blancs est à ce .prix. Si l'ammoniaque est en excès les épreuves deviennent jaunes. On peut neutraliser cet excès avec de l'acide azotique, en


104 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

évitant de donner une réaction acide à la solution, ce qui conduirait à l'obtention d'épreuves grises. Moins de citrate et 3 à 5 pour 100 d'oxalate de potasse donnent des tons noirs.

Veut-on des tons sépia? On compose le bain de développement avec 3,360 parties d'eau, 480 parties de borax, 25 parties d'azotate d'argent et la quantité d'ammoniaque nécessaire pour clarifier la solution.

A peine immergée dans le développateur, l'image apparaît et monte très vite en intensité. Sous peine de perdre le brillant de l'épreuve, il ne faut pas la laisser trop longtemps dans le bain. Un développement complet ne demande guère plus de deux minutes.

Le lavage se fait d'abord dans une solution de 20 parties de sulfite de soude dissoutes dans 20 parties d'eau et rendues franchement alcalines par l'ammoniaque. Aussitôt après, l'épreuve est soumises à un rinça,ge abondant. Dans Je cas où elle conserverait une petite teinte jaunâtre, on devrait la passer clans une solution d'acide oxalique à 5 pour 100.

Souvent on peut augmenter le brillant et la profondeur du ton en ajoutant un oxydant au bain de développement, soit ■1 à 3 parties de bichromate de potasse pour 3,840 parties du bain employé.

Tel est ce nouveau procédé de la. kallitypie. Remplacerat-il le procédé à l'argent? Ce n'est pas encore l'heure de se prononcer, bien que les kallitypes ressemblent beaucoup aux épreuves à l'argent sur papier salé.

UN CHASSIS POUR PROJECTIONS

Les projections sont fort à l'ordre du jour. De fait il n'est pas cle moyen plus agréable de montrer ses oeuvres photographiques à un grand nombre de personnes, tout en rendant courtes les longues veillées d'hiver. Tous ceux qui se livrent à ce passe-temps savent combien il est peu commode de retirer les épreuves du châssis cle la lanterne, surtout


LA PH0T0STÉRÉ0SC0P1E. 105

lorsqu'on emploie un châssis double, qui est le meilleur en somme, puisqu'il permet de changer une image pendant que sa voisine est projetée. Bon gré mal gré, il faut mettre les doigts sur la photocopie et on se trouvera dans l'obligation de la nettoyer lorqu'on voudra s'en servir à nouveau. MM. Perken, Son et Rayment, de la maison Optimus, ont tourné la difficulté en munissant d'un jeu de leviers les extrémités du châssis à projection. Une simple pression du

petit doigt sur le levier, la photocopie émerge du châssis. On peut la saisir par les côtés, sans la salir, sans la rayer ou sans la laisser glisser. C'est aussi simple que pratique. Mais il fallait le trouver. Tout est là toujours.

Nouveau châssis pour projection.

LA PHOTOSTÉRÉOSCOPIE

Parmi les questions physiologiques très délicates qui dessinent leurs arabesques cle points d'interrogation autour de la nature humaine, les phénomènes de la vision binoculaire ne sont pas les moins importants. Chacun de nos yeux formant une chambre noire spéciale, possède un axe optique particulier. Quand nous regardons un objet les deux axes se dirigent à la fois vers ce même objet. Il va de soi, d'une part, que si l'objet est très rapproché, les axes forment un

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106 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

angle assez grand qui diminue à mesure que l'objet s'éloigne jusqu'au point de devenir nul au moment où l'objet atteint l'infini. D'autre part, nos yeux, à cause de leur position respective et de leur distance mutuelle, regardent forcément de deux stations différentes et ne voient pas exactement le même objet sous le même aspect. Pourtant nous n'avons pas la sensation de ces deux actions distinctes. Les impressions s'accordent et ne nous signalent qu'un seul et même objet.

C'est là un phénomène physiologique, analogue à celui qui nous fait paraître droites les images renversées que reçoit notre rétine. Toujours est-il que la vision binoculaire existe et qu'on ne saurait la nier. Que l'on ferme alternativement un oeil, puis l'autre, en visant le même objet, on se convaincra de plus que, s'il existe deux impressions, elles sont en outre essentiellement différentes, et que ces différences dépendent de la distance qui sépare l'objet du spectateur.

Ce défaut d'identité dans les impressions, remarqué depuis longtemps déjà par un de nos maîtres qui savait voir, Léonard de Vinci, a été rappelé et démontré, ce siècle-ci, par M. Wheatstone. Une expérience très simple donne facilement la preuve de leurs assertions. Regardez avec un oeil seulement un objet placé très près d'un mur. L'objet et le mur paraîtront presque en contact. Au bout de quelques minutes ouvrez brusquement l'autre oeil. L'objet semblera se détacher tout à coup et vivement du mur. On aura immédiatement la sensation d'un espace libre existant entre l'objet et le mur. Il y aura relief. Donc le relief s'accuse par la vision binoculaire, c'est-à-dire par deux perspectives juxtaposées d'un même objet. C'est la base du stéréoscope, instrument qui permet de placer sous les yeux d'un observateur deux perspectives d'un même objet, de façon qu'elles se fondent et ne nous donnent que la sensation d'un même objet très accentué en relief.

L'exactitude nécessaire entre ces deux images ne peut s'atteindre dans le dessin direct que par une application


LA PHOTOSTÉRÉOSCOPIE. 107

mathématique des lois de la perspective. Aussi est-il tout naturel qu'on ait cherché à l'obtenir par la photographie. De là la chambre noire stéréoscopique, c'est-à-dire munie de deux objectifs disposés de telle sorte, qu'ils constituent, pour ladite chambre noire, une véritable vision binoculaire. Les images obtenues de la sorte, placées dans un stéréoscope ou projetées en superposition par une lanterne de projection, ne peuvent manquer de nous donner l'impression de l'enveloppement atmosphérique. Aussi ne me semble-t-il pas douteux que la photographie stéréoscopique ne soit, aussi bien au point de vue de l'amusement que de l'art, un des termes de la photographie de l'avenir.

La difficulté consiste à obtenir des objectifs rigoureusement bien apairés, écartés d'une façon rationnelle, pouvant être obturés exactement dans les mêmes conditions de temps et dans les mêmes parties à la fois. Ajoutez encore que pour obtenir le mieux par les effets de lumière ou de mouvement, il faut que les constructeurs adaptent ces objectifs à des chambres à main permettant l'instantanéité et la mise au point immédiate.

M. Charles Monti, avec sa nouvelle chambre à main stéréoscopique, me paraît avoir victorieusement doublé cette difficulté complexe.

Sa nouvelle chambre, à soufflet en tronc de pyramide, comme celui de ses appareils simples à main, se trouve munie à l'arrière d'une sorte de tiroir dont le mouvement est commandé par deux crémaillères agissant sur des coulisses métalliques. Disposition qui permet de faire varier la distance focale suivant l'éloignement du motif et par conséquent d'opérer la mise au point. Toutefois, comme dans le travail à la main cette mise au point ne saurait être surveillée sur la glace dépolie, M. Gh. Monti a imaginé de faire saillir les coulisses métalliques de chaque côté de la chambre et au fur et à mesure de l'allongement de celle-ci. Ces parties qui saillent découvrent des divisions, indiquant la mise au point correspondant à tel ou tel éloignement du motif.


103 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

Deux objectifs, rigoureusement apaires, forment un système binoculaire, dont l'obturation s'effectue avec une parfaite concordance à l'aide d'une roue dentée placée entre les deux objectifs et communiquant son même mouvement à chaque obturateur. Un bouton central permet de régler la vitesse de cette roue et de donner à la pose toutes les

variations désirables comprises entre une très grande instantanéité et une demi-seconde environ. Cette dernière longueur permet de monter l'appareil sur pied et de faire du posé. Le déclenchement s'obtient au doigt ou par un moyen pneumatique quelconque.

Clarté, rapidité, solidité, précision et légèreté, telles sont les multiples qualités du système binoculaire de cette nouvelle chambre qui mesure, fermée: 0m,13 de hauteur, 0m,22 de largeur et 0m,8 d'épaisseur. Elle se charge à l'aide de

Chambre stéréuscopjqtie Monti. — Ouverte.

Chambre stéréoscopique Monti. — Fermée.


LA PYR0PH0T0GR-AP1I1E. 109

châssis doubles portant des plaques 9 X 18, et possède son viseur, sa poignée et son niveau à bulle d'air. Avec elle on obtient admirablement les images à perspective différente que donne la vision binoculaire, et par conséquent le summum du relief quand on les place dans un stéréoscope ou qu'on les superpose dans une projection lumineuse.

LA PYROPHOTOGRAPHIE

La pyrophotographie, autrement dit la photographie à la lumière artificielle, tend à se généraliser de plus en plus. En dehors des amusements auxquels elle donne lieu, il existe des circonstances nombreuses où l'emploi de la lumière artificielle devient une nécessité primordiale. Soit, par exemple, lorsqu'il s'agit de reproduire des intérieurs quelconques qui ne peuvent être éclairés par la lumière naturelle, ce qui est le cas des grottes et des cavernes ; soit encore lorsqu'il s'agit de reproduire des intérieurs insuffisamment éclairés par la lumière naturelle, ce qui est le cas de beaucoup d'appartements et de chapelles d'églises.

La lumière pour ainsi dire uniquement employée à l'heure présente est l'éclair magnésique. Son actihisme est considérable. Pour brûler le magnésium on a tout d'abord construit un appareil connu sous le nom de lampe à ruban.

Le ruban métallique, poussé dans une fente située derrière l'appareil, passe entre deux molettes, s'engage dans un tube à l'extrémité duquel il sort au milieu d'un réflecteur. Une plaque, servant de cendrier, reçoit la magnésie produite dans cette combustion. Un mouvement qu'on monte à l'aide d'une clef placée sur le côté fait avancer régulièrement le ruban dès qu'on presse sur un ressort. La vitesse de sortie a été réglée sur la vitesse de combustion. . Les rubans de magnésium ayant une grande longueur, on peut obtenir une lumière continue pendant un temps considérable, à la condition de remonter le mouvement en temps opportun.


LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

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Malheureusement la durée de combustion est encore trop lente pour obtenir de belles instantanées. On a inventé une quantité considérable de petits appareils portatifs destinés à produire autrement l'éclair magnésique. La lampe imaginée par M. Paul Nadar permet d'obtenir de meilleurs résultats.

Lampe à ruban.

Elle se compose essentiellement de sept pièces différentes.

1° A, corps de la lampe munie de son socle.

2° G, couvercle qui se visse en V sur le corps de la lampe. Un tube T, de diamètre et de longueur nécessaires, traverse ce couvercle et tombe perpendiculairement sur le trou de l'injecteur O.

3° Un godet G, sur lequel vient s'ajuster un grillage M.

4° Un grillage M, qui facilite la combustion par l'aération centrale.

5° Un godet qui contient une mèche B. Cette mèche


LA PYROPIIOTOGRAPHIE. 111

forme couronne autour du tube par lequel est projeté le magnésium.

6° Une poire de caoutchouc double ou triple munie d'un tube également en caoutchouc et de longueur suffisante. Ce caoutchouc, qui passe au travers du socle, vient s'adapter au téton percé qui se trouve à la base du corps de la lampe.

7° Le couvercle F, qui permet d'éteindre là mèche imbibée d'alcool.

Pour opérer, on s'assure que le tube Central et que l'ouverture de base ne. sont pas bouchés et on emplit la lampe de poudre de magnésium pure et bien sèche. Le couvercle est revissé et le premier godet remis en place. Ce godet reçoit l'oxyde de magnésium retombant après combustion. Le godet supérieur contenant la mèche imbibée d'alcool et le grillage sont alors ajustés. On met le feu à la mèche. On comprime le tuyau de caoutchouc jusqu'au moment où l'on a empli le ballon formant réservoir à air. Pour produire l'éclair il suffit de laisser dès ce moment le tuyau libre, en pressant, au besoin, la poire de caoutchouc, si Ton veut augmenter la durée de l'éclair.

Il se produit, en effet, un courant d'air constant qui projette régulièrement le magnésium au milieu de la flamme de la lampe à alcool. Donc pas d'interruption dans l'éclairage.

En comprimant de nouveau le tuyau de caoutchouc on fait cesser la combustion du magnésium et en rabattant le couvercle on éteint la flamme de la lampe à alcool.

Parmi les nombreuses applications de cette lampe, il en est une intéressante : la suppression du halo. « Lorsque, dans une photographie d'intérieur, m'a expliqué très aimablement M. Paul Nadar, l'objectif embrasse dans son champ une fenêtre ou un vitrail, le halo est produit par le rayonnement des parties surexposées sur celles qui auraient demandé un temps de pose beaucoup plus long. En somme, les parties lumineuses sont trop posées pendant que les premiers plans ou les parties peu éclairées ne le sont pas assez.

« En éclairant ces parties sombres à l'aide de ma lampe et dans la proportion voulue on rétablit l'équilibre et il est


112

L ES NO U V E A U T ES PII0 T 0 G R A P II ] Q Ij E S.

ainsi parfaitement possible de photographier, en plein jour, des intérieurs avec personnages sans préjudice des différents plans éloignés vus à travers les fenêtres. »

Soit! mais la difficulté consistera souvent à donner à ces parties un éclairage normal, c'est-à-dire bien en rapport avec l'éclairage provenant de la fenêtre ou du vitrail. Si la théorie de M. Janssen est vraie, comme j'en suis convaincu, une surexposition excessive peut contrebalancer le halo.

Coupe de la lampe Nndar.

La lampe de M. Goddé se compose, en son principe, d'un entonnoir A, dans lequel on introduit la poudre de magnésium. La partie inférieure de cet entonnoir se trouve soudée sur un tube recourbé B qui soutient une couronne métallique, percée de trous dans lesquels passent des fils d'amiante. Ce tube est fixé par son extrémité inférieure sur un petit plateau métallique E et se termine, en dessous de ce plateau, par un tube de caoutchouc muni de sa poire. Le tout nickelé et supporté par un pied constitue la nouvelle lampe que son inventeur a baptisée Hêlios.

Un couvercle D et une petite mesure P complètent l'appareil. Pour le rendre prêt à fonctionner, vous enlevez le


LA P Y R 0P 11 OTOG R AP 11 IE.

113

couvercle D et vous le remplissez d'alcool dénaturé dans lequel vous plongez la couronne d'amiante, que vous remettrez en place dès qu'elle est suffisamment imbibée. Prenant alors de la poudre de magnésium avec la mesure P, vous la posez dans l'entonnoir A. Pour que l'appareil soit définitivement prêt, il ne vous reste plus qu'à verser dans

votre flacon l'excédent d'alcool contenu dans le couvercle D. Ces préliminaires terminés vous allumez la couronne, et, au moment de la pose, vous pressez sur la poire de caoutchouc. La poudre de magnésium, violemment projetée dans le cercle de flamme qui entoure l'entonnoir A, brûle en produisant un éclair puissant et très photogénique. Employée à la dose d'un gramme, la poudre de magnésium donne ainsi une lumière de 8 à 9 centimètres de diamètre avec une hauteur de plus de 15 centimètres. Grâce à l'heureuse disposition de sa torsade d'amiante la lampe Ilëlios brûle complètement le magnésium et les retours de flamme, qui pour1b

pour1b

La lampe Nailar.


114 LES NOUVEAUTES PHOTOGRAPHIQUES.

raient amener l'explosion de la poire, sont évités par une toile métallique interposée dans le tube. Avec une telle lumière on peut éclairer plus de 100 mètres carrés de surface et par conséquent photographier de véritables scènes nocturnes.

Avec YHèlios, comme d'ailleurs avec toute lampe au magnésium, point n'est besoin d'éteindre les lumières dans les pièces où l'on opère. Mieux vaut même les conserver. Leur éclat tempère celui de l'éclair magnésique, empêche le sujet de cligner des yeux et donne plus de relief au phototype obtenu. L'Hélios doit se placer en arrière, de l'appareil, ou sur l'appareil même. Dans le cas spécial des portraits bustes, il est bon d'interposer des écrans transparents entre la lampe et le motif afin de diminuer l'intensité de l'éclair qui donnerait au sujet une tonalité blafarde tout à fait déplaisante.

Toutefois, je crois qu'il est préférable, dans l'espèce, d'opérer, comme Pindique M. A. Londe, en se servant d'un mélange de magnésium en poudre et de chlorate de potasse enfermé dans du papier au coton-poudre, dit papier Bengale. Voici, d'ailleurs, comment M. Londe décrit lui-même son procédé :

« La quantité voulue de ce mélange est enfermée dans un petit morceau de papier Bengale et ligaturée au moyen du fil de coton-poudre, en laissant, des deux côtés, un bout libre. L'un de ces bouts sert à suspendre cette cartouche et l'autre à l'enflammer.

« Les avantages de ce dispositif consistent, tout d'abord, dans la combustion certaine du mélange qui, grâce à son inflammabilité, n'occasionne jamais de ratés. On est donc sûr, avec une charge donnée, d'obtenir toujours le même effet, ce qui n'arrive pas avec les lampes, dans lesquelles une obstruction des conduits, ou même un simple courant d'air, ou encore la pression variable de la main de l'opérateur peuvent amener la production d'éclairs d'intensités fort différentes. La décomposition du chlorate de potasse donne une quantité considérable d'oxygène qui, se com-


LA PYROPHOTOGRAPHIE. 115

binant avec le magnésium, produit un éclair beaucoup plus rapide et assure l'oxydation complète et certaine du métal \ »

Ce dispositif, on ne peut le nier, est fort simple, puisqu'il permet d'opérer partout, et d'obtenir un éclairage bien approprié en suspendant la cartouche à une hauteur convenable et qu'on peut eh varier l'inflammation suivant les circonstances.

Quelle que soit la façon dont on produise l'éclair magnésique, il ne faut pas oublier qu'on doit tout d'abord s'attacher à la qualité du magnésium employé. Des corps étrangers y sont souvent incorporés et viennent encore augmenter la durée de sa combustion. On devra donc passer préalablement la poudre achetée dans un tamis de soie très fin, pour obtenir une poussière extrêmement ténue. Pour opérer, il suffit de poser une bougie au centre du sujet à reproduire et de faire la mise au point sur une glace dépolie. On met alors le châssis en place, on l'ouvre, et aussi l'objectif, soit que l'on opère le jour dans une pièce absolument obscure, ou la nuit dans une pièce simplement éclairée par des bougies allumées, des lampes ou des becs de gaz. On aura soin, cependant, d'éviter que ces différentes sources lumineuses ne se trouvent dans le champ de l'objectif. L'éclair produit, on rebouche l'objectif aussitôt. Lorsque celui-ci est muni d'un obturateur pneumatique, son ouverture et sa fermeture peuvent précéder et suivre de très près l'éclair.

Quelques-uns préconisent l'emploi du magnésium seul, sous prétexte que le chlorate de potasse est d'un maniement dangereux et donne naissance à une fumée intense. Ces deux remarques sont justes. Toutefois, j'estime, pour ma part, que le danger devient nul quand l'opérateur agit avec précaution, et que la fumée, si intense qu'elle soit, reste tout à fait négligeable puisqu'elle se produit quand le cliché est fait. Ceci posé, j'admettrai cependant qu'elle est fort désagréable pour les assistants et qu'elle ne permet

1. Rullelin de la Société française de Photographie, juin 1891, page 198.


LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

116

souvent pas de faire immédiatement tine seconde opération. . '.

Un des défauts du magnésium est de coûter fort cher. Brut, il vaut 25 francs le kilogramme ; pulvérisé ou en ruban, il vaut de 50 à 65 francs. Il va donc de soi qu'on ait cherché à lui suppléer un métal coûtant trois fois moins cher et très à la mode. J'ai nommé l'aluminium.

La lampe Hélios.

M. Putz a présenté, à la Société photographique de Vienne le résultat de quelques expériences à ce sujet. Il en résulte qu'une poudre grossière d'aluminium, insufflée dans une -lampe, ne donne pas une lumière suffisante, tandis qu'une poudre fine mêlée à du chlorate de potasse et à du sulfure d'antimoine produit une vive lumière, mais aussi une épaisse fumée. Sans sulfure, la fumée ne se produit pas ; mais aussi une grande partie de la poudre d'aluminium fond dans la flamme sans s'allumer.

M. A.-M. Villon a repris l'expérience et déclare, dans la Revue de chimie industrielle, que la lumière à l'aluminium est à peu près aussi actinique que la lumière magnésique, quand l'aluminium est employé en poudre, attendu qu'il


LA PYROPHOTOGRAPHIE. . . . 117

brûle assez mal en ruban. D'après M. Villon, les trois formules suivantes donnent les meilleurs résultats :

FORMULE 1

Chlorate de potasse 20 parties.

Aluminium en poudre. 8 —

Sucre. . , 2 —

FORMULE 2 .

Chlorate de potasse 23 parties.

Azotate de potasse 5 —

. Sulfure d'antimoine . 4 —

Aluminium en poudre . 10 —

FORMULE 3

Chlorate de potasse .. 25 parties.

Cyanure jaune /. 3 —

Sucre 2 —

Aluminium 10 —

L'inflammation de ces poudres peut s'obtenir soit par le système de M. Londe, indiqué plus haut; soit au moyen d'une mèche de coton garnie de pulvérin; soit a l'aide d'une tresse de coton-poudre allant jusqu'au milieu de la composition. Mais il ne faut pas se dissimuler que l'éclair aluminique ainsi produit est aussi dangereux que l'éclair magnésique. Mieux vaut l'insufflation de l'aluminium en poudre dans une lampe du genre de la lampe Nadar. Cependant, pour augmenter le pouvoir oxydant de la flamme d'alcool, très insuffisant pour raluminium, il faut disposer la lampe de façon que la flamme puisse recevoir un jet d'oxygène en son centre. L'éclair est vif et sans fumée. Pour obtenir une lumière encore plus puissante, M. Villon se sert du mélange suivant :

Aluminium en poudre 100 parties..

Lycopode 25 —

Azotate d'ammoniaque 5

M. Villon donne également des formules pour la production de flammes colorées. Je les passe sous silence ne voyant pas bien leur emploi en photographie.


118 LES NOUVEAUTES PHOTOGRAPHIQUES.

LA CHROMOPHOTOGRAPHIE

Le Photo-Club de Paris a eu l'aimable attention de m'inviter, le 25 novembre 1891, à assister à une conférence donnée dans ses salons. Très vif a été mon regret de ne pouvoir m'y rendre. Depuis plusieurs années, en effet, j'entends parler mystérieusement autour de moi d'un certain M. Baudran, de Versailles, qui aurait trouvé un procédé susceptible de bouleverser la photographie. Or, ce soir-là, M. Baudran devait parler sur sa découverte. Et je ne l'ai pas entendu. II paraît que ceux qui l'ont entendu n'en savent guère plus long que moi. M. Baudran aurait livré le résultat de ses expériences à la manière des sphinx. Ces résultats sont-ils réels mais non encore assez complets pour être divulgués? Ou bien se trouve-t-on en présence d'un tour de main habile qui a besoin, pour sa gloire, de rester enveloppé dans les gazes du mystère? Quoi qu'il en soit, M. Baudran prétend non seulement voir dans un cliché quelconque toutes les couleurs qui ont concouru à sa formation, mais encore les en faire sortir, à sa volonté. M. Baudran serait vraiment le trouveur le plus heureux du siècle, et il devrait, jetant le secret aux gémonies, demander une chaire au Conservatoire.

Donc, M. Baudran prétend non seulement voir dans un cliché quelconque toutes les couleurs qui ont concouru à sa formation, mais encore les en faire sortir. Examinons ces deux points.

La vérification du premier point reste à la portée de tous. Quel que soit le dire de ceux-ci ou le sourire sceptique de ceux-là, chacun peut se rendre compte de l'existence latente de la couleur dans une photographie. Si vous possédez chez vous un ancien daguerréotype bien .conservé, regardez-le attentivement en faisant jouer sur lui l'incidence de la lumière. Vous ne tarderez pas à remarquer que, sous une certaine incidence, les colorations apparaissent, surtout celles des chairs. Suivant M. Baudran, cet éclairage coïnciderait avec les conditions d'illuminement du modèle, au


LA CHR0M0PH0T0GRAPH1E. . 119

moment même de l'obtention de l'épreuve photographique.

D'après cette remarque, il semblerait s'ensuivre que la couleur fût plutôt en nous que dans la nature. Ce qui d'ailleurs correspond assez bien à la théorie vibratoire de la lumière. Il y aurait donc là une sorte de décomposition de la lumière blanche, obtenue par les grains de sel d'argent plus ou moins réduits et toujours infiniment petits. Quelque chose comme ce phénomène que les physiciens nomment diffraction et qui fait que la nacre, laiteuse si on la regarde, normalement, se revêt de toutes les couleurs de l'arc-en-eiel dès qu'on l'examine sous une certaine incidence. Toujours est-il que le fait existe expérimentalement.

Or si un daguerréotype, c'est-à-dire une photocopie à l'iodure d'argent sur plaque métallique, donne, sous une certaine incidence, les colorations du sujet, il semble à peu près rationnel d'obtenir le même phénomène avec des photocopies à l'argent sur albumine.

Cette réflexion faite, M. Baudran a percé un trou dans la cloison d'une pièce obscure, et y a adapté une chambre noire 13 X 18 munie de son objectif. Sur une planchette horizontale, assujettie au dehors, il a placé verticalement une photocopie à l'argent sur albumine, en ayant soin de l'éclairer par trois miroirs mobiles. L'un placé horizontalement au-dessus de l'ouverture de la cloison, les deux autres adaptés verticalement sur les côtés. Dans l'intérieur de la pièce obscure, un écran est chargé de recevoir l'image projetée. Quand les miroirs sont convenablement inclinés, cette image apparaît considérablement agrandie et présentant des colorations faibles, mais cependant reconnaissables. En diaphragmantant, l'image perd en intensité, mais les couleurs gagnent en tonalité. Phénomène très compréhensible en soi, puisqu'on détruit par le diaphragme une grande partie des rayons blancs marginaux ayant tendance à èclaircir les couleurs, à leur donner un aspect d'aquarelle lavée.

Pour répéter cette expérience assez simple, avec quelque succès, il faut employer une photocopie nette, aux demi-


120 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

teintes franchement accusées, sans le moindre empâtement dans les ombres, et ne présentant d'aucune part ces traces de jaunissement amenées par le temps et dues à une sulfuration de la surface.

Si au lieu d'une image opaque, on projette un phototype ordinaire, le résultat reste sensiblement le même.

Jusqu'ici il n'y a là rien qui ne soit à la portée de tous. Il en va autrement si nous voulons fixer, avec ses couleurs, l'image projetée. Comment s'y prendre? M. Baudran vous répondra : en opérant comme je le fais. Mais il y a un seulement et un seulement primordial. Il faut employer un excipient sensible dont M. Baudran garde le secret. Existet-il là un tour de main habile ou une véritable découverte? Comme dans bien des choses de la vie, le sceptique et traditionnel that is the question d'Hamlet impose sa doutance.

Cet excipient, transparent, liquide et soi-disant miscible à toutes les matières colorantes, n'est point immuable. Il varie en raison du sujet à reproduire. L'inventeur en détermine au besoin la composition.suivant les colorations, préalablement constatées sur l'écran de la pièce obscure.

L'excipient préparé,' M. Baudran enduit une toile tendue sur châssis, ou une feuille de zinc, d'une peinture noire, dans laquelle entre du bitume de Judée. 11 recouvre, dans l'obscurité, cette peinture de fond d'une couche dudit excipient. La toile ainsi préparée est séchée au feu et vient prendre dans la pièce obscure la place de l'écran. Après une exposition variant selon l'intensité de la lumière (cinq à trente minutes), M. Baudran emporte l'épreuve dans son laboratoire et la développe mécaniquement avec un grès chimique de sa composition. Les parties insolubilisées par la lumière s'enlèvent. L'image apparaît grisâtre, neutre. Enfin, en frottant toujours, les couleurs se révèlent. Une substance huileuse est alors appliquée sur le tout, pénètre les oxydes colorés et transforme en une véritable peinture à l'huile ce tableau fait de poussières. Si la tonalité n'est pas suffisante, on remet sur le tableau une nouvelle couche d'excipient et on recommence l'exposition et le développe-


LA CHROMOPHOTOGRAPHIE. 121

ment. Une fois, deux fois et plus, jusqu'à intensité suffisante.

Ce qui me fait craindre que nous ne soyons pas là eh présence d'une découverte sérieuse, c'est le parti pris de l'inventeur de ne point vouloir livrer le secret de la composition de son excipient, sous prétexte qu'il permet de fabriquer de véritables faux en matière de tableaux. C'est vraiment

vraiment considération bien fallacieuse lorsqu'il s'agit d'une amélioration des procédés photographiques et d'une application utile.

Mieux vaut ne pas s'arrêter outre mesure à ces fameuses découvertes systématiquement tenues sous le boisseau et suivre les progrès de la photographie des couleurs par la méthode interférentielle, si superbement démontrée par M. Lippmann.

Lors de la première communication qui en a été faite à

16

Dispositif pour mettre en évidence les couleurs latentes d'une photographie.

C corps de chambre noiro, mobile à l'aide de la crémaillère V, pour la mise au point. — E écran récepteur do l'image. — G glaces serviint de réflecteurs. — I imago (opaque) à projeter. — O objectif à portrait. — P pivots permettant de modifier l'inclinaison des glaces

> > > Marche des rayons lumineux. —. —. —. Glace inclinée placée

au-dessus de l'appareil, mobile sur les pivots P' P'.


122 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

l'Académie des sciences, j'ai donné tout au long l'exposé de la théorie et le détail de l'expérience 1. Dernièrement M. Lippmann a annoncé de récents résultats obtenus constituant déjà un progrès considérable. Ces résultats, on a pu les admirer dans la salle qui s'ouvrait sur le milieu de la galerie Rapp au cours de la première Exposition internationale de photographie.

« Dans la première communication que j'ai eu l'honneur de faire à l'Académie au sujet de la photographie des couleurs, disait M. Lippmann, le 25 avril 1892, j'annonçais que les couches sensibles que j'employais alors manquaient de sensibilité et d'isochromatisme, et que ces défauts étaient le principal obstacle à l'application générale de la méthode que j'avais imaginée. Depuis lors j'ai réussi à améliorer la couche sensible, et, bien qu'il reste encore beaucoup à faire, les nouveaux résultats sont assez encourageants pour que je me permette d'en faire part à l'Académie.

« Sur des couches d'albumino-bromure d'argent, rendues orthochromatiques par l'azaline et la cyanine, j'obtiens des photographies très brillantes du spectre. Toutes les couleurs viennent à la fois, même le rouge, sans interposition d'écrans colorés et après une pose comprise entre cinq et trente secondes.

« Sur deux de ces clichés on remarque que les couleurs vues par transparence sont très nettement complémentaires de celles qu'on voit par réflexion.

« La théorie indique que les couleurs composées que revêtent les objets naturels doivent venir en photographie au même titre que les lumières simples du spectre. Il n'en était pas moins nécessaire de vérifier le fait expérimentalement. Les quatre clichés que j'ai l'honneur de soumettre à l'Académie représentent fidèlement dès objets assez divers : un vitrail à quatre couleurs : rouge, vert, bleu, jaune; un groupe de drapeaux ; un plat d'oranges surmontées

1. Voir La Théorie, la Pratique et l'Art en Photographie,pages 402 et suivantes.


LA CHROMOPHOTOGRAPHIE. 123

d'un pavot rouge ; un perroquet multicolore. Ils montrent que le modelé est rendu en même temps que les couleurs.

« Les drapeaux et l'oiseau ont exigé de cinq à dix minutes de pose à la lumière électrique et au soleil. Les autres objets ont été faits après de nombreuses heures de pose à la lumière diffuse. Le vert des feuillages, le gris de la pierre, sont admirablement venus sur un autre cliché ; le bleu du ciel par contre était devenu indigo. Il reste donc à perfectionner l'orthochromatisme de la plaque et à augmenter sensiblement sa sensibilité. »

Dans la vitrine de M. Lippmann à l'exposition précitée, on a pu voir non seulement un appareil disposé pour l'obtention de la chromophotographie, mais encore trois épreuves du spectre solaire dont l'une est due à MM. Lumière fils, qui ont voulu renouveler l'expérience du maître sur des plaques émulsionnées au gélatino-bromure d'argent. Ils ont admirablement réussi. On y a vu encore le vitrail et le perroquet dont il est parlé dans la communication que je viens de citer, et aussi une branche de houx avec ses fruits.

Tout le monde a donc pu admirer cette découverte merveilleuse basée sur la science pure.

Quoi qu'en aient dit et quoi qu'en disent encore certains esprits bilieux, contrariés sans doute de ne point avoir atteint ce but par des hasards de laboratoire, le problème de la chromophotographie est résolu d'une façon définitive. C'est à mon sens le plus grand intérêt que nous ait offert la partie technique de l'Exposition internationale de photographie.

RECONSTITUTION DES COULEURS DE LA NATURE

M. Frédéric E. Ives, de Philadelphie, en propageant, de par le monde, avec grand renfort de trompettes, ses travaux sur la reconstitution des couleurs de la nature en photographie, a appelé l'attention sur ce procédé. M. Léon Vidal, qui se livre à des travaux similaires, a, au cours de


124 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

plusieurs conférences, réussi d'une manière étonnante à reconstituer ces couleurs par la projection. Aujourd'hui c'est une question très à l'ordre du jour. Je crois donc utile de vous en dire, d'ores et déjà, quelques mots.

D'après les différentes études des physiologistes, il paraît probable que nous n'avons dans notre oeil que trois fibres sensibles aux couleurs. Les sept couleurs du spectre peuvent, en effet, se réduire à trois couleurs fondamentales. Reste à savoir quelles sont ces couleurs. Sur ce point les physiologistes diffèrent. Autrefois, suivant la théorie exposée par Brewster, et dont tous ceux de ma génération ont encore été nourris, ces trois couleurs fondamentales étaient le jaune, le rouge et le bleu. L'étude approfondie du spectre et l'admission de la théorie des ondes lumineuses ont renversé cette distinction. On sait parfaitement aujourd'hui, par exemple, qu'il existe dans l'ultra-rouge et dans l'ultra-violet des vibrations dont des moyens détournés nous donnent la connaissance mais que notre oeil ne saurait percevoir. De là cette nouvelle théorie de Thomas Young, indiquant le rouge, le vert et le violet comme les trois véritables couleurs fondamentales dont la sensation suffit à nous fournir l'impression de toutes les variations des nuances du spectre.

D'après cette théorie, il existe dans l'oeil humain trois faisceaux de nerfs affectés par trois groupes distincts de couleurs. L'un de ces faisceaux est plus particulièrement sensible aux ondes longues : le rouge; le second aux ondes moyennes : le vert; le troisième aux ondes courtes : le violet-bleu. Si les trois faisceaux sont stimulés également, nous avons la sensation du blanc. Toutefois le faisceau des nerfs sensibles au rouge l'est aussi au jaune, au jaune verdâtre et à l'orangé. Les nerfs sensibles au vert le demeurent encore à l'orangé, au vert-bleu, au vert-jaune, au jaune même. Les nerfs que le violet-bleu affectent, ne sont cependant pas impressionnés par le bleu ni par le violet purs.

Helmholtz a accepté cette théorie. Maxwel l'a démontrée.


RECONSTITUTION DES COULEURS DE LA NATURE. 12b

A l'heure actuelle elle sert de point de départ à la reconstitution des couleurs de la nature.

Le principe consiste à obtenir trois phototypes d'un même sujet, tels que chacun reproduise seulement et aussi exactement

exactement possible les couleurs perçues par l'un des trois faisceaux, à l'exclusion des couleurs affectant les deux autres. Si l'on arrive ensuite à obtenir, par superposition, une image unique de ces trois épreuves, après une traversée de la lumière spéciale à chacun, cette image donnera la sensation des couleurs de la nature.

Avec de grandes difficultés de repérage, M. L. Vidal obtient l'image colorée à l'aide de trois lanternes de projection. M. F.-E.Ives opère àl'aide d'un petit instrument de son

LTIélioelnomoscopc de M. F.-E. Ives.'


126 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

invention qu'il nomme hêliocliromoscope et arrive, affirmet-on, à des résultats absolument remarquables.

Pour obtenir ses phototypes M. F.-E. Ives se sert d'une chambre noire munie de trois objectifs identiques. Des réflecteurs divisent en trois, et avant qu'elle soit parvenue aux objectifs, la somme totale de la lumière concourant à la formation de l'image. Devant chacun des objectifs on place des écrans colorés. Afin d'éviter un dédoublement de l'image produite par les réflecteurs, ceux-ci sont formés de glaces dont les surfaces ne sont pas parallèles. Devant chaque objectif ou devant chacune des plaques sensibles on place un écran coloré. En combinant les diaphragmes des objectifs avec les intensités lumineuses des écrans colorés qui les précèdent on peut réduire le temps de pose à la même durée pour les trois objectifs. Avec les phototypes ainsi obtenus on fait trois photocopies sur verre que l'on transporte dans l'héliochromoscope, en ayant soin de lés munir de leurs écrans colorés respectifs. En regardant par l'oculaire, on ne perçoit qu'une image unique possédant toutes les couleurs du modèle et avec d'autant plus de perfection que les couleurs des écrans auront été plus habilement triées. Les écrans de M. F.-E. Ives sont rouge-orange, vert et violet-bleu. Les plaques employées sont les plaques isochromatiques Edwards, concessionnaire du procédé de M. Attout Taillefer.

Nous ne devons pas oublier que M. Lippmann lui-même, avant de tenir sa découverte, s'était occupé de ce procédé. Dès 1886 il montrait à quelques spectateurs des épreuves obtenues à la façon Ives et dont le triage des couleurs avait été obtenu à l'aide de trois cuves : la première remplie de sulfate de cuivre, pour les bleus ; la seconde d'hélianthine, pour les rouges; la troisième, de bichromate de potasse, pour les jaunes.

9

PIN DE LA PREMIÈRE PARTIE.


DEUXIÈME PARTIE ART ET NATURE

LE DÉVELOPPEMENT CÉRÉBRAL

« La photographie, disait M. Janssen à l'issue du Congrès de 1889, donnera naissance à une école d'Art comme le dessin, comme la peinture, la fresque et l'huile. Ce que je conseillerais de faire, ce serait précisément de chercher à constituer cette École d'Art Photographique. Mais on ne fera rien dans cette direction si l'on ne fait pas faire d'abord aux élèves des études de dessin et de peinture. Il ne faut aborder la chambre noire que quand on a déjà un sentiment esthétique développé 1. »

Faire des études de peinture et de dessin! Développer le sentiment esthétique ! Voilà des affirmations qui doivent sonner faux à bien des oreilles. Si elles sont faites pour ahurir le bourgeois, le philistin, comme on disait au beau temps du romantisme, elles ne le sont pas moins pour amener un sourire dédaigneux sur les lèvres de beaucoup de gens qui se livrent à la photographie, ou pour mettre dans leurs yeux un regard étonné. J'ajouterai : en France, surtout. La nation française, en effet, a l'orgueil de se croire douée d'un sens artistique plus grand que toute autre nation. Je suis trop Français pour ne pas partager cet orgueil-là. Toutefois il faut bien admettre qu'entre la possession du sens artistique et la connaissance de l'art, tout un monde existe. Et M. Janssen a raison, mille fois raison.

•1. Exposition universelle de 1889. Congrès international de Photographie, page 169. — Paris, in-8», Gaulhier-Villars et Fils, 1890. -


12S LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

Si complètes que soient nos aptitudes sensorielles, si intense que soit notre goût à l'état natif, nous devons, pour devenir artistes, réfléchir profondément sur l'art, nous initier à ses lois, étudier ses règles. Se persuader bénévolement que nous possédons l'intuition, ou, par le seul fait dé notre goût propre, la compétence la plus absolue en cette matière, est une fatuité grande contre laquelle nous ne saurions trop nous mettre en garde.

En France, il n'y a pas un bachelier qui hésite à faire un Salon. « Pourquoi, se dit-il, ne serais-je pas apte à comparer une représentation de la nature à la nature même? Voilà un tableau qui prétend me représenter des objets du mondé extérieur, un paysage, des fleurs, des hommes nus ou habilles, accomplissant des actes déterminés ; est-ce que, avec un peu d'attention, je ne suis pas capable de juger si les images peintes de ces choses reproduisent avec exactitude les modèles mêmes que la nature en a fournis ou du moins les souvenirs fidèles que ma mémoire a gardés de ces modèles? Ne suffit-il pas d'avoir des yeux, de regarder et de se souvenir pour être en état de critiquer la peinture ?f »

Si nous écoutons loyalement la voix de notre conscience, il nous faudra bien avouer que, tous tant que nous sommes, nous avons été un peu ce bachelier-là. Illusion naïve! Charmante prétention de la jeunesse ! Mais combien, dans l'âge mûr, gardent encore cette prétention et cette illusion! Ce sont deux soeurs un peu bien inséparables, sinon siamoises. Quand on épouse l'une, on se marie à l'autre. Vous étonnérais-je beaucoup en vous affirmant que nous leur devons le plus clair de l'engouement photographique dont viennent d'être atteintes les nations civilisées ? Peut-être pas. Surtout si vous avez la réflexion rapide.

Sitôt que le gélatino-bromure d'argent fit son apparition,

i. Sully-Prudhomme : VExpression dans les Beaux-Arts, application de la psychologie a l'étude de l'artiste et des Reaux-Arts, page 381.—Paris, in-8°, Alphonse Lemerre, 1883.


ÉTUDE DU PAYSAGE SIMPLE

SUR LE PLATEAV DC MONT CIIARLANNE. (Phototype de l'auteur.)



LE DEVELOPPEMENT CEREBRAL. 129

la photographie se trouva dégagée d'un seul coup des opérations ennuyeuses, délicates et salissantes qu'entraînait le collodionnage des plaques et leur sensibilisation. De prime saut, elle entra dans le domaine public. J'entends dans le domaine de l'homme instruit et bien élevé qui cache toujours en soi un critique d'art plus ou moins latent, qui doit à son instruction et à son éducation un développement conscient ou non de ce sens du beau qu'on nomme le goût. Comme ce bachelier, s'affirmant à soi-même qu'il peut faire un salon, il se dit qu'il pourrait faire de la photographie aussi bien, sinon beaucoup mieux, que le photographe professionnel ne songeant qu'à battre monnaie aA'ec cette nouvelle branche de l'art.

Pour contenter son goût et reproduire la nature par une oeuvre personnelle, notre homme instruit et bien élevé devait apprendre, en effet, le dessin et la peinture; Tout au moins le dessin. En un mot soumettre son oeil et sa main à l'obéissance du cerveau. C'était un apprentissage à faire. Apprentissage long, pénible, ne pouvant donner des résultats appréciables qu'avec des aptitudes sensorielles très réelles, jointes à une bonne dose de patience et à la possibilité d'un certain temps à dépenser. La photographie, dégagée de ses plus insipides manipulations, présentait cette facilité d'obtenir rapidement un tableau sans ces études préalables que nécessite la correspondance de la main et du cerveau. Avec un peu de soin et dix minutes d'explication, on obtenait immédiatement une image ressemblant à quelque chose.

Il en allait donc de soi que cet art attirât. Et il a attiré. On s'est, passez-moi le mot, rué sur la photographie. Du soir au lendemain nous avons possédé un art à l'état endémique. A aucune époque les chroniqueurs n'ont eu à enregistrer un engouement susceptible d'être comparé à celui-ci. A tous les étiages sociaux on a rencontré la chambre noire. On la rencontre encore, mais beaucoup moins active. Un autre engouement, celui du vélocipède, tend à étouffer celui de la photographie,

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C'est qu'aussi la photographie n'a pas rendu tout ce qu'on attendait d'elle, c'est-à-dire l'obtention d'une oeuvre d'art sans études préalables. Tout en demeurant très enthousiasmés des résultats obtenus au début, avec une facilité quasi-magique, on s'est aperçu que si la facilité restait la même, les résultats, eux aussi, restaient sensiblement les mêmes. En un mot, on ne progressait pas, ou on ne progressait guère. La première douzaine de phototypes ressemblait beaucoup trop à la dernière douzaine. On s'est lassé. On se lasse. On ne fait plus de la photographie qu'entre temps, parce que l'on possède un appareil. Ou bien on a mis définitivement la chambre noire de côté pour demander au vélocipède des plaisirs moins trompeurs, mais sans aucune relation artistique.

De là vient cet arrêt visible que subit la photographie. Quelques esprits judicieux l'ont déjà signalé. Cet arrêt démontre que si le goût est nécessaire, il n'est pas suffisant pour tenir lieu de connaissances esthétiques non acquises; il démontre que, s'il modifie nos sensations d'un sentiment agréable ou pénible, quand nous nous trouvons en présence d'un objet beau ou laid, de quelque nature qu'il soit, il ne saurait remplacer, à lui seul, les lois de l'art que nous ignorons.

Toujours le bachelier et son salon à faire. Pour obtenir plus et mieux au bout d'un an qu'au premier jour, pour progresser, on ne peut, on ne doit aborder la chambre noire qu'avec un sentiment esthétique déjà développé. Si la chambre noire nous enlève les ennuis d'apprendre le dessin, si elle nous permet de dessiner sans apprendre, elle exige de nous toutes les autres connaissances artistiques.

La chambre noire acquise, l'installation photographique établie plus ou moins luxueusement, suivant le budget de chacun, mais cependant nécessaire et suffisante, que se passe4-il?

On photographie tout ce qu'on voit : portraits de parents et d'amis, maison familiale, jardin de celui-ci, parc de


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celui-là, villégiature de cet autre. C'est le lieu commun dans toute la banalité de sa floraison à outrance. Au point de vue art, on n'y voit point malice. On ne soupçonne même pas l'art. On expose plaques sur plaques, on ravit le badaud par une photographie plus ou moins nette, plus ou moins dépourvue de taches, mais présentant un dessin plus fidèle et obtenu sans savoir dessiner, d'un objet quelconque faisant plaisir à quelqu'un. Et après? Oh après !...

Après! c'est toujours la même chose. Ou bien, si l'on veut obtenir autre chose, neuf fois sur dix, que dis-je? quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, on se trouve dans le cas d'un homme qui, voulant écrire, prend une belle feuille de papier blanc, une plume bien neuve et reste, plume en main et papier devant soi, sans parvenir à faire surgir la moindre idée de son cerveau. Le papier ne se noircit pas. La plume semble mauvaise. La tête étonnamment vide. Pour écrire, de quoi qu'il s'agisse, il faut une réelle activité d'esprit. Pour trouver un tableau à photographier qui sorte des banalités courantes, il faut acquérir un certain développement cérébral, une préparation commune à tous les arts, quels qu'ils soient.

C'est à la non-acquisition de cette préparation que l'Art en photographie doit de ne pas prendre et de ne pas avoir pris son essor aussi vite qu'il le devrait.

Etant le sens du beau, le goût ne peut manquer de mener à l'art. Encore, faut-il le développer. L'instruction et l'éducation aident à ce développement. Dans l'éparpillement de leur action sur diverses facultés de l'intelligence, elles ne sauraient affiner le goût beaucoup plus que les autres facultés ni lui donner ces notions justes, complètes, arrêtées, dont l'ensemble constitue l'esthétique. Quel que soit l'art auquel il voudra s'attaquer, l'homme de goût, s'il est sincère, ne manquera pas de reconnaître que son esprit demeure bien stérile encore malgré le développement de son goût.


132 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

C'est qu'aussi, quoi que nous fassions, l'esprit humain demeure un grand amateur de sommeil. Dès qu'on l'active sur un point, il s'empresse de dormir en présence des autres. En d'autres termes, en touchant à tout un peu. il n'arrive à rien approfondir. Tout au moins à ne pas penser suffisamment sur ceci ou sur cela. Or, pour faire de l'art, il faut beaucoup penser su?' l'art. On n'est ni écrivain, ni peintre, pas plus qu'on n'est ni maçon, ni cordonnier, si l'on ne pense pas sur ces différents arts, si petite ou si grande que soit la pensée que réclame celui-ci ou celui-là. Néglige-t-on d'y penser? On se trouve, dès qu'on les aborde, en présence d'une grande stérilité d'esprit, d'une sécheresse absolue dans les impressions, d'un vague complet dans les idées. On ne rencontre que diffusion et lieux communs. Écheveau embrouillé, devant lequel on sue sang et eau, sans parvenir à le démêler.

De là, en ce qui nous occupe, ces photocopies déjà vues, ces sujets toujours les mêmes et sans le moindre accent, ces vues mal choisies et uniformément mal choisies, cette succession constante d'épreuves aussi constamment indifférentes. On se répète soi-même, on ne répète que les lieux communs vus dans l'album du voisin. On ne réfléchit pas. Or, ne pas réfléchir, c'est empêcher son esprit d'acquérir la pénétration par laquelle il se rendra compte de la beauté qui a été prise pour type et qui lui permettra de comparer, avec ce modèle, l'oeuvre obtenue ou l'oeuvre à faire. Il faut regarder sans cesse, forcer l'esprit à s'éveiller sur ce que l'oeil voit, l'amener à donner naissance à des idées et tenir celles-ci en perpétuel mouvement, de façon qu'elles se heurtent, se groupent, s'associent et multiplient. « Du choc des idées naît la lumière », dit le vieil adage. Là, comme à quoi qu'on l'applique, il garde sa vérité.

Le temps et l'habitude détruiront vite l'effort nécessaire et laborieux que cette évocation exige. Essayez. Vous serez bientôt tout étonnés de trouver vite des motifs là où vous ne les soupçonniez même pas avant ce travail intellectuel.


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Votre sécheresse d'impressions se transformera soudain en richesse d'impressions. En quittant la banalité qui étreignait votre oeuvre, vous ressentirez une certaine émotion sur laquelle vos idées se grefferont pour mieux et plus sûrement multiplier. La délicatesse de votre goût s'affinera. La subtilité de votre jugement s'étendra. Vous toucherez à l'art sans même en connaître les règles. Et ces règles vous les apprendrez vite parce que vous les saisirez de prime coup.

Ce développement cérébral se montre donc nécessaire pour faire de l'art. Il est nécessaire avant toute préparation spéciale, parce qu'il amène à mieux comprendre les règles de l'esthétique et qu'avec lui on est déjà bien près de fart. La plénitude expressive d'un tableau reste l'effet naturel d'une masse d'impressions accumulées.

Mais, me direz-vous, ce développement cérébral, qui exige, en somme, la justesse de l'esprit, l'exactitude du raisonnement, sur quoi le greffer? Quel peut être son point de départ?

L'homme instruit, désireux de faire oeuvre d'écrivain, trouve dans la lecture un remède certain pour combattre la stérilité d'esprit. J'entends la lecture intelligente, qui ouvre l'âme, la remplit, y laisse pénétrer le monde moral et physique, et non la lecture de laquelle on attend des formules toutes faites, des jugements tout formulés, des appréciations qu'on fera siennes, dont on se servira pour masquer son ignorance ou faire paraître son esprit en éveil lorsqu'il dort d'un sommeil profond. Les oeuvres des maîtres sont la lecture du peintre et du photographe. En un mot, les premiers germes du développement cérébral éclosent sous la chaleur de la pensée des autres. Mais qu'on lise les livres d'une bibliothèque ou qu'on regarde les tableaux d'une galerie, il faut mêler à sa lecture ou à sa contemplation tout son esprit personnel, toutes ses idées propres, acquises ou natives. Il faut lutter pour comprendre ce qu'il y a de beau ou de défectueux dans telle ou telle composition. Il faut distinguer toutes les parties de l'en-


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semble, tous les termes des rapports. Le beau ou le défectueux perçu, et la distinction des rapports établis, on essaye de les sentir, de les critiquer, de les analyser, voire de les juger. Plus on assouplira son esprit à cette gymnastique, plus rapidement on saisira les différentes parties d'un motif, plus sûrement on les comparera entre elles, plus aisément on jugera de la convenance ou de la disconvenance des rapports qui les unissent. L'étude et l'observation amènent seules à l'appréciation de l'oeuvre. Si notre bachelier du début se montre un peu bien prétentieux en se croyant apte à faire un salon en quittant les bancs du lycée, il demeure certain qu'avec de l'intelligence et un développement cérébral bien conduit, il pourra ultérieurement satisfaire sa prétention.

Lorsque, voulant faire oeuvre d'art, vous développez une plaque exposée à la chambre noire, que cherchez-vous à obtenir? Un phototype dont les transparences des diverses parties soient inversement proportionnelles aux éclats des parties correspondantes de l'objet. Mais cet objet n'est pas toujours correctement en valeurs, normalement éclairé. Vous Arous sentez tout de suite obligé de corriger la nature. Par conséquent, de rejeter ces développements à bases déterminées et fixes, d'attaquer la plaque en douceur par le révélateur seul auquel vous n'ajoutez, que progressivement et suivant le besoin, les doses nécessaires d'accélérateur ou de modérateur. Vous procédez, en un mot, comme l'aqua-fortiste.

Eh bien ! suivez une méthode analogue pour le développement cérébral. Vous verrez que votre esprit s'en trouvera aussi bien que le phototype dont je viens de parler. Attaquez la lecture des tableaux de maîtres, ou la nature, en douceur, c'est-à-dire en n'envisageant tout d'abord que des objets simples et peu nombreux, nettement définis, vigoureusement éclairés. Le fussent-ils même d'une lumière crue. On est tellement habitué à regarder sans voir, qu'on aura bien de la peine au début à voir les choses simples bien éclairées, à comprendre l'harmonie des lignes et de


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l'éclairage, la justesse des rapports des parties à l'ensemble. Lorsque cette compréhension arrivera, on aura bien de la peine encore à démêler le pourquoi et le comment de cette harmonie et de cette justesse.

. Une fois débrouillés, vous passerez aux objets plus complexes, plus nuancés, dans lesquels le maître a su corriger un défaut par une qualité contraire, balancer un effet voulu par un effet opposé. Imitez alors, imitez sans crainte. Quel que soit le genre auquel appartienne un chef-d'oeuvre, quel que soit le nom illustre dont il est signé, soyez certains que la maîtrise vient d'imitations antérieures. Non ! on n'est pas original de prime coup. On n'arrive à la maîtrise, au dégagement autorisé de son moi, qu'autant qu'on a repassé les traces des aînés,, qu'on a appris ce qu'ils savaient. C'est alors qu'en faisant son point de départ de leur point d'arrêt, on peut devenir original. Vouloir être original en ignorant ce qui a été ayant soi est une fatuité d'esprit paresseux. Et la fatuité n'a jamais rien donné de viable.,

J'irai plus loin ! Si la lecture développe le cerveau de celui qui veut écrire, la conversation aide également à ce développement. Or, si la lecture, pour nous autres photographes, consiste dans la contemplation des tableaux des maîtres, notre conversation réside dans l'examen des oeuvres des camarades. Dès l'instant qu'elles sortent des banalités courantes, elles sont aptes à porter fruit. Bonnes ou mauvaises soient-elles au point de vue purement technique. L'engouement du jour : la projection, est ce qu'il y a de mieux fait pour nous conduire à la connaissance de ces oeuvres.

Des séances, comme en organise le Photo-Club, par exemple, sont, dans l'espèce, les meilleures conversations que nous puissions rêver. Je me souviens des images projetées à l'une des dernières séances par le sympathique président du comité de ce Cercle. Elles provenaient d'intéressants phototypes de M. Ch. Mathieu. Je passerai sur les vues d'une Exposition universelle déjà loin de nous. Mais les autres! ces effets de soleil couchant, de lumière filtrée


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entre les nuages, de miroitements d'eau sous les rayons du soleil ; ce voulu tenace de braquer son objectif en face de l'astre du jour ! C'était une conversation, et une :con^ versation éminemment instructive? M. Gh. Mathieu y a formulé ses idées* les a précisées. Ceux qui les écoutaient, ou mieux les voyaient, les sentaient mieux. L'image projetée donnait un corps à la pensée et la pensée se fixant sur l'image projetée amène inéluctablement au développement cérébral. Sans qu'on y ait pensé On a tiré l'interlocuteur du lieu commun, on lui a fait parler ce qu'il savait, ce qu'il sentait le mieux. Il a évoqué devant nous son expérience personnelle. Nous l'avons dépouillé. De ee dépouillement, des idées ne peuvent manquer de naître. On y voit ce qu'on peut s'approprier et comment on peut se l'approprier. On cherche à imiter, à égaler, avec l'espoir secret qu'un jour on dépassera.

Voilà du véritable développement cérébral, de celui qui amènera à cette école d'Art en photographie dont parlait M. Janssen dans la conférence citée au début de ce chapitre, de ce développement cérébral qui conduira à ce sentiment esthétique sans lequel on ne saurait, on ne devrait jamais aborder la chambre noire. Lui aidant, la photographie dérapera ses ancres de la station où elle séjourne. Son arrêt actuel, momentané, deviendra un point de départ duquel elle s'envolera, reposée et mieux instruite, vers les sommets de l'art véritable.

LA NETTETF DU MOTIF

En lisant le titre de ce chapitre, n'allez pas croire que j'aie l'intention, aujourd'hui, de rompre une lance pour ou contre la vieille netteté photographique. Qu'un phototype soit plus ou moins net, c'est-à-dire offre plus ou moins de détails précis dans ses différents plans, il n'importe, pour le moment du moins. Bien qu'on ait disputé beaucoup sur le nettisme et le flouisme, on pourrait, je crois, reprendre laques-


ÉTUDE DU SUJET DE GENRE

« MAINTENANT BOUS ALLONS JOUER POUR MESDEMOISELLES LES POUPÉES.» (Phototype de l'auteur.)



LA NETTETE DU MOTIF. 137;

tion-à nouveau, non seulement au point de vue du goût, comme cela a déjà été fait si souvent, non seulement en prenant en considération l'organe de notre vision, comme l'a essayé M. A. Goderas V mais encore et surtout en considérant l'effet véritablement artistique de l'épreuve. Un jour, peut-être y reviéndrai-je. Pour l'instant, ce que j'ai écrit ailleurs 2 sur ce sujet nie paraît suffire.

Qu'entend-on par motif? v

On entend un sujet offrant, par la.disposition .de ses lignes et l'éclairage qu'il reçoit, des qualités artistiques au moins suffisantes pour solliciter l'attention d'un photographe toujours soucieux de réaliser un tableau dans l'épreuve, qu'il prendra.

Or, c'est de la netteté de ce motif qu'il s'agit ici et non de celle du phototype.

Tous les adeptes de l'Art en photographie ne manquent jamais de feuilleter attentivement un album, dès qu'ils ont la bonne fortune d'en rencontrer un sous la main. Ils agissent en cela comme le peintre et le dessinateur qui se gardent bien de passer devant un musée sans y pénétrer ou de laisser sur son chevalet, sans l'ouvrir, un carton contenant des études. Peintre, dessinateur et photographe savent trop bien, dans l'espèce, que cet examen, eh dehors de toute jouissance intellectuelle, pourra leur fournir matière à penser, éveiller en eux des idées endormies, révéler des aptitudes latentes, ou leur apprendre quelque chose dé nouveau, au triple point de vue du goût, de l'ordonnance ou de la facture. '.'■■-,

Or, dans ce feuilletement d'albums photographiques, combien de fois ne vous est-il pas arrivé de constater l'état flottant de votre esprit? Telle épreuve vous arrête par la vérité de.son rendu, ou ses qualités techniques de bonne photographie, essentiellement dues à des excellences d'appareils, à des habiletés de manipulation. En dehors de cela, vous

1. Conférence faite à l'Assemblée générale de l'Association belge de. Photographie tenue a Gand le 1 wm 1S91.

2. La Théorie, la Pratique et VArt en photographie, page 464;

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138 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

vous étonnez de n'y trouver aucun charme. Ou mieux vous y remarquez l'absence de tout sentiment de plaisir profond et durable. A telles enseignes que si l'on, vous obligeait de porter un jugement sincère, vous ne sauriez loyalement le rendre qu'à l'aide d'une de ces vieilles formules évasives qui constituent l'eau bénite de la critique bien élevée. Ne pouvant, en toute conscience, rien affirmer ni rien nier, vous vous garderiez, selon l'expression populaire, une porte de derrière, qui, devant une opinion contraire ou une rebuffade un peu vive, vous faciliterait une retraite en bon ordre. Eussiez-vous, dix fois pour une, le courage de votre opinion. - .

C'est qu'aussi l'inscription mise au bas de ces photographies demeure, bien faite pour dérouter votre esprit. La plupart des auteurs imitent la manière des Rhodiens, tombés sous la domination romaine. Vous savez combien ceux-ci aimaient les statues et combien ils les prodiguaient. Ils honoraient d'un marbre ou d'un bronze leurs guerriers et leurs magistrats. Sous la domination romaine, les magistrats se succédèrent si fréquemment que les finances de Rhodes se trouvèrent.sensiblement obérées par cette multiplication de statues. Pour parer au désastre que le bronze allait faire subir à l'argent, les Rhodiens imaginèrent de couler une statue4ype, une statue à toute gloire. Une célébrité venait-elle à mourir? Vite, on effaçait le nom inscrit sur le cartouche de la statue-type et on y engravait celui de la célébrité en allée. De guerrier, le bronze devenait civil ; de civil, vieillard; de vieillard, jeune homme. Au point de vue économique, la finance rhodienne y trouvait son compte. L'art y perdait le sien. Le motif manquait de netteté..

C'est par ce manque de netteté que votre esprit se sentait tout à l'heure si dérouté en feuilletant l'album photographique. Malgré les superbes tirades que Dion Ghrysostome lança aux Rhodiens au sujet de leur statue-type, et qui nous ont été. transmises à travers les siècles, cette méthode choquante n'a pas cessé et ne cesse pas d'exister. On en compte


LA. NETTETE DU MOTIF. 139

des. applications mémorables. Témoin cette statue de la place dés Victoires,,présentant Louis XIV chevauchant un cheval destiné à Louis XV; témoin, bien plus et bien mieux, cette autre statue équestre, piquant dans un encadrement de verdures ses blancheurs laiteuses, là-bas, tout là-bas, au bout de la pièce d'eau des Suisses, à Versailles. C'est ■Louis XIV, dont la tête a été remplacée par celle du sculpteur, le fameux cavalier Bernin. On a vraiment bien fait de la reléguer si loin. Ce manque de netteté dans le motif jette l'amateur ou le critique dans un désarroi complet.

Chaque année, au Salon, ne sentez-vous pas le même état flottant de votre esprit, en présence de certaines études, cataloguées sous tel ou tel nom, motivé par quelque accessoire rapporté après coup? Chacune de ces études, excellente en soi, devient.pitoyable par cette entorse dpnnée à la netteté du.motif. En voulez-vous.un exemple célèbre entre mille? Rappelez-vous ce petit bonhomme tout nu, qui.voulait être le tambour héroïque de l'armée républicaine, le petit Bara, sous lé fallacieux prétexte que le peintre avait ébauché des baguettes entre les doigts du petit cadavre. Le dessin était pur, la peinture excellente, niais la netteté du motif nulle. De là une désorientation complète du spectateur, un malaise général de son esprit, une appréciation néfaste d'une oeuvre remarquable à d'autres points de vue.

Eh bien! ce manque, de netteté dans le motif est plus frappant dans les photographies que partout ailleurs.. On dirait même qu'en ce genre la netteté existe seulement par une heureuse coïncidence du hasard. On prend une vue, on saisit un groupe, on immobilise sur la plaque un sujet de genre, et, tout en tirant l'épreuve positive, on rêve au titre dont on pourrait bien la baptiser, Tout cela parce que le plus souvent on fait, une photographie pour le. plaisirde faire une photographie, ou parce que l'on s'est dit : « Il fait •beau : je,vais exposer aujourd'hui une demi-douzaine, de plaques. »

Que cette manière de. procéder ait lieu souvent, le plus


140 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

souvent même en voyage, je n'y contredis pas et je veux bien l'admettre. Mais alors les épreuves ne sauraient constituer des tableaux. Elles ne seront jamais que d'agréables croquis, destinés à fixer des souvenirs plus ou moins intimes, à rappeler de bons moments ou d'agréables sensations. C'est, je n'en disconviens point, un des grands charmes de la photographie. Ce ne peut être son seul charme. La photographie est bien véritablement un art. Nous devons chercher à obtenir avec elle plus et mieux que des notes ou des croquis destinés à fournir un corps à nos souvenirs. Nous devons l'employer à la formation dé tableaux, par conséquent lui appliquer tout ce que l'esthétique peut nous enseigner, la soumettre à la netteté du motif, qui reste une des causes primordiales de la valeur et du prix d'une oeuvre. Sans la netteté du motif, la. photographie la meilleure ne laissera pas de causer un certain déplaisir. Plus cette netteté au contraire sera apparente, plus elle sautera aux regards, plus l'épreuve gagnera aussi bien aux yeux des fins connaisseurs, qu'aux yeux des profanes.

« Tout l'esprit d'un auteur, dit La Bruyère, consiste à bien définir et à bien peindre '. » *Cette maxime relative aux ouvrages de l'esprit s'applique admirablement aux oeuvres artistiques. Définir ce que l'on veut représenter, donner de la netteté k son motif, voilà un des côtés suprêmes de l'art, aussi bien dans lepâysage que daiis le portrait ou dans le sujet de genre. Ce dernier surtout emprunte à la netteté du motif une condition presque sine quâ non de sa viabilité. C'est en le concevant qu'on doit particulièrement accumuler autour de lui tous les attributs essentiels destinés à le mettre nettement en évidence, à le rendre compréhensible à tous; saisissable, pour ainsi dire. Il faut que les plus petits accessoires qui l'entourent, que les plus petits détails qui servent à sa composition y soient par le fait d'une habileté calculée, et non par un hasard de possession ou un caprice de pri1.

pri1. Caractères ou les Moeurs de ce Siècle, t. I, p. 104 (collection Lcnierre).


LA NETTETE DU MOTIF. 141

mesaut. Il faut qu'ils s'y rencontrent comme un complément du motif défini. Complément nécessaire à sa définition même et duquel on ne saurait se passer sous peine de rendre cette définition moins claire, moins apparente, moins lisible.

Tous ces mille petits détails peuvent paraître inutiles au premier abord. Ils prendront dans l'ordonnance de l'ensemble un air de vérité indéniable et que reconnaîtra vite l'oeil encore mal habitué aux exigences esthétiques, Ils viendront concourir, non seulement à la netteté du motif, mais encore ils donneront à celui-ci une intensité de vie à nulle autre pareille.

L'Art en photographie, très réel, en somme, mais, très jeune au demeurant, ne possède actuellement ni musées, ni galeries renfermant des études de maîtres que le photographe puisse consulter avec, fruit. C'est: donc encore, et jusqu'à bien longtemps peut-être, aux tableaux dès peintres célèbres que nous devons recourir pour former notre goût et compléter notre éducation. Regardons-les au seul point de vue de cette netteté du motif. Nous resterons confondus en constatant combien les détails les plus insignifiants font corps avec l'ensemble. Combien, au lieu d'égarer les yeux, ils les ramènent inéluctablement vers le centre de l'action, tonifiant le sujet, l'éclairant, chacun un peu, de sa lumière propre pour lui donner son maximum de relief et compléter sa définition. Et cela par la rigueur même de leur exactitude, par la clarté évidente de la raison qui a décidé qu'ils fussent là, parce qu'ils doivent y être fatalement et non. à l'étourdie.

Ce qui fait votre ennui, votre indifférence en feuilletant, comme je vous le disais au début, un album photographique, c'est assurément cette absence de petits riens qui concourent à la définition générale, ce manque de netteté, alors que notre esprit a besoin quand même de netteté et sans qu'il s'en rende compte le plus souvent. Il la lui faut comme il faut un aliment à notre faim, un breuvage à notre soif. Qu'il en ait conscience où non, il veutrvoir dans un motif


142 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

une définition exacte et telle qu'elle s'adresse à ce motif-là à l'exclusion de tout autre. :

Considérée ainsi, l'obtention d'un sujet de genre, surtout, demande une certaine science de composition qui ne saurait, que par une multiplicité de hasards extraordinaires et tous heureux, coïncider avec la fièvre nous poussant à déclencher l'obturateur un peu partout et devant tout. Cette science reste la fille de la méditation et des aptitudes sensorielles de chacun. Aptitudes qui nous font considérer la photographie comme pouvant être plus et mieux qu'un simple jeu de petit volet battant devant un objectif.

Remarquez combien cette netteté du motif.s'impose partout. 11 y a quelques siècles, elle, nous donnait la Renaissance; il y a une soixantaine d'années, elle nous donnait le Romantisme; aujourd'hui, elle nous donne le Réalisme. Toutes révolutions qui, comme les révolutions en général, ont donné ou donnent beaucoup moins que la chose promise, mais qui, comme toutes les révolutions également, répondent à une sorte de. besoin de l'heure où elles naissent.

Supposons que vous veuilliez représenter un buveur de bière. Croyez-vous qu'il vous suffise de faire le portrait d'un ami quelconque, assis devant une table quelconque, savouL rant un bock quelconque? Que non pas ! En agissant ainsi, vous obtiendrez le portrait de M. X... ou Y... en train de boire de la bière, mais ce ne sera pas tin buveur de bière. On ne boit pas de la bière comme on sirote du café ou comme on sable du Champagne. Quand je dis on ne boit pas, j'envisage, bien entendu, l'amateur propre à chacune de ces boissons. Celui, en un mot, qui est véritablement un buveur de bière, un buveur de café, un buveur de Champagne. Il existe, en effet, des expressions de physionomie absolument spéciales à chaque liquide ingurgité provenant des différents effets physiques que produisent ces liquides, des milieux dans lesquels on a coutume de les absorber et du rang qu'occupe dans la société celui qui les absorbe. Suivant la boisson prise, il existe une pose du corps, une


LA NETTETE DU MOTIF. 143

attitude des membres très spéciale,, très typique, qu'on ne saurait intervertir sans faire affront à la'vérité, sans déséquilibrer la composition, sans nuire à la netteté du motif. Il n'est pas jusqu'au vêtement qui rie donne sa note dans l'ensemble général.

Ces remarques s'appliquent à n'importe quel autre motif. Prenez le fumeur. Attitude, physionomie, pose, 'tout sera changé suivant qu'il fumera une pipe, un cigare ou une cigarette. Il n'y a pas jusqu'à la manière de lancer la fumée qui ne soit tout à fait caractéristique dans l'espèce. Eh ! mon Dieu ! voyez un des maîtres les plus incontestés de la.peinture contemporaine, celui qui a le mieux, reconnu les vérités soidisant exagérées de la perspective .photographique et qui a su s'y soumettre dans une juste mesure : Meissonier, en un mot. Combien n'en a-t-il pas peint de ces buveurs et de ces' fumeurs, mais combien tous sont différents! Jamais il ne vous viendra à la pensée que.Te maître se répète. C'est qu'aussi bien peu de peintres ont poussé à un tel point la conscience de la netteté du, motif. Que ses buveurs boivent tel ou tel breuvage, que ses.fumeurs fument de telle ou telle façon, que ses joueurs jouent à tel ou tel jeu, attitude, physionomie, pose, milieu même, tout est dissemblable d'un tableau à l'autre et appliqué dans chacun au motif qu'il veut représenter. Le tout avec cette science merveilleuse qui, comme je le disais, est la fille de la méditation et des aptitudes sensorielles. Voilà, pour nous autres photographes, un excellent modèle à consulter et à égaler dans le cas spécial qui nous occupe.

A chaque motif, il faut savoir trouver le genre de netteté qu'il comporte et le lui donner tout entier. C'est une sorte d'étude de psychologie esthétique à laquelle il importe de se familiariser et de se rompre. Plus cette netteté serrera de près les sentiments et les choses, plus profond et plus durable sera le plaisir que causera l'oeuvre effectuée, plus près nous approcherons de l'art véritable. Car, quoi qu'on en puisse dire, la plus grande force de l'art est basée sur le plaisir qu'il procure ; or ce plaisir provenant de la netteté du


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motif peut être atteint au suprême degré par: la photographie, grâce à sa rapidité, à son instantanéité d'impression. A l'aide de cette instantanéité, nous pouvons saisir le moment exact où. notre sujet de genre, par exemple, réunira, ne serait-ce qu'une seconde, les meilleures;cbmpôsantes et les nuances lesplùs fines :dë sa netteté. Unesimpleet imperceptible pression sur. la poire ou sur le propulseur et l'obturateur déclenche. Plus sûrement que tout artiste ne l'aurait pu faire, vous avez saisi quelques-unes de ces,délicates expressions presque toujours dérobées, par leur fugacité, aux regards les plus pénétrants.;

Durant la conception d'un tableau photographique, il ne faut donc jamais oublier'que le spectateur, le critique et nous-même devons voir et comprendre de prime coup l'oeuvre achevée■;■ qu'elle peut avoir des qualités cachées demandant une pénétration lente, mais qu'avant tout elle doit surprendre, attirer et retenir. Et cette surprise ne peut être due qu'à une vérité exacte dans lés moindres détails, dans les plus minimes accessoires, dans les nuances les plus fugitives de l'expression, dans la netteté du motif, en un mot; L'art n'existe'qu'avec cette netteté. Sans elle l'oeuvre la plus parfaite, au point de Vue technique, ne saurait atteindre à fart.

LA SIMPLICITÉ DANS LE PORTRAIT

« 0 jeune homme, ne pouvant la faire belle, tu l'as faite riche\ ». ..

Cette exclamation navrée, lancée par Apelle à l'un de ses élèves qui avait peint Hélène parée d'une quantité de bijoux, ne revient-elle pas souvent à votre esprit ou sur vos lèvres devant bon nombre de portraits? J'entends, de véritables portraits représentant le sujet au moins jusqu'aux genoux et non de ces simples têtes sur fond, dits en vignettes, qui ne demandent pas au photographe grand effort artistique,

1. Saint Clément d'Alexandrie : Le Pédagogue, livre II, cliap. xii.


ÉTUDE DES GRANDS BLANCS

PRIKRK KN COMMUN. (Pliolol) pe dl> l'ullluill'.)



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en dehors de l'éclairage de la tête. J'admets que celui-ci vaille qu'on le compte. Toutefois, lorsqu'il ne s'adresse qu'à la tête en vignette, il se simplifie étrangement. Tout autre est l'effort du portraitiste quand il doit envisager non seulement cet éclairage, mais encore la position de l'ensemble, la tenue des mains, l'arrangement des draperies, le choix des accessoires. Aussi est-ce dans le portrait en trois quarts de la hauteur du sujet que toute sa science se développe, que tout son art se fait jour. C'est Un critérium certain de ses connaissances esthétiques.

Que doit être un bon portrait? La ressemblance d'une personne en même temps qu'une page d'histoire contemporaine. Voilà ce que la logique indique et en même temps ce que prouve l'étude des grands maîtres du portrait.

Pour ne citer que trois noms de maîtres, mais trois noms inoubliables, prenons Le Titien, Léonard de Vinci et Holbein.

Le Titien s'occupe peu des détails. Le clair-obscur l'attire et il en fait grand usage. Il accuse nettement ses lumières et ses ombres. Afin de bien juger ses portraits, il faut ne les voir qu'à une certaine distance. Ils apparaissent alors dans un relief puissant qui les fait saillir hors du cadre. Ce trait/ tout particulier des portraits du Titien constitue une des caractéristiques du talent du maître. Caractéristique tellement saisissante qu'elle a sauté aux yeux de ses contemporains, qui nous l'ont signalée. Témoin cette lettre de Marie de Hongrie au sujet d'un portrait de Philippe II envoyé à Marie Tudor : « Si est-ce qu'elle (la reine d'Angleterre) verra assez par icelle sa ressemblance, la voyant à son jour et de loin, comme sont toutes les peintures dudict Titien que de près ne se recognoissent'. »

Des détails, Léonard de Vinci s'en préoccupe moins encore. Ce qu'il cherche, c'est l'enveloppement de son personnage dans une sorte d'ombre mystique étonnamment faite pour adoucir les reliefs, fondre les contours, harmoniser l'ensemble. Pour lui l'oeil est tout. La vie y réside.

1. Papiers d'État de Granville, tome IV, page loO.

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Malgré l'adoucissement, le fondu, l'harmonie de son ombre enveloppante, cette vie étincelle dans le regard avec une telle intensité, que le portrait semble réellement vivant et que l'on a comme la sensation de la circulation du sang sous la peau..

Dix minutes.de contemplation soutenue et le personnage en chair et en os est évoqué, sort de son cadre, se tient devant nous comme une personne naturelle. Voyez la Joconde.

Quant à Holbein, il procède par une opposition très nette d'une vive lumière et d'une ombre obscure. Son beau portrait d'Erasme, au musée du Louvre, en montre un exemple frappant.

Ainsi, en considérant ces trois maîtres, résumant assez bien l'art du portrait au xvic siècle, nous nous trouvons en présence d'une très grande parcimonie de détails et de deux systèmes relatifs à l'éclairage. Ce n'est pas à ces maîtres qu'on dira : Ne pouvant la faire belle, tu l'as faite riche.

Donc, d'une part, opposition vive entre la lumière et les ombres ; de l'autre, lumière éclatante dans l'oeil avec un enveloppement mystérieux de l'ensemble. En photographie, ceci me semble le plus souvent préférable à cela. Au moins jusqu'au jour où nous aurons à notre disposition la chromophotographie. Par cela même qu'elle ne dispose que du blanc et du noir, la photographie actuelle accuse plus encore toutes les oppositions d'ombre et de lumière. Il faut une grande science de développement et le choix judicieux d'un révélateur pour rester opposé sans devenir brutal ni dur. Cette science s'acquiert; ce choix peut être fait. Un mélange d'iconogène et d'acide pyrogallique, par exemple. Toutefois, les portraits à vives -oppositions gardent cette particularité signalée au sujet du Titien : ils demandent à être regardés dans leur jour et de loin. Cette dernière exigence se prête mal à nos photocopies, à cause de leurs proportions. généralement restreintes. Tout au contraire, pour en mieux saisir les détails, on se plaît à les regarder


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de près. Mieux vaut donc, en tant qu'éclairage, viser aux procédés de Léonard de Vinci.

Je ne m'attarderai pas plus longtemps sur cette question. Elle seule mérite tout un long chapitre et ce n'est pas elle qui doit faire le sujet de celui-ci. Cependant j'ai cru bon d'en toucher quelques mots. On ne saurait écrire sur le portrait sans parler de l'éclairage, ne serait-ce qu'incidemment. En dehors de lui, ce qui frappe chez les maîtres que j'ai cités, c'est la simplicité, due à une connaissance profonde de l'art de la parure et du vêtement.

Certes, en ce qui concerne la netteté du motif, dont je vous ai entretenu au chapitre précédent, il peut être bon, utile, nécessaire de donner une place de quelque importance aux accessoires, d'obliger les draperies, les meubles, le costume, à venir concourir à l'ornement du portrait. Le photographe peut, en ce sens, donner libre carrière à sa fantaisie et à son goût dans la recherche de ces ornements. Cependant là se pose la grosse question de la simplicité. Si les grands peintres en général ont admis et voulu cette simplicité, il est, dans l'histoire du portrait, une époque où on l'a totalement répudiée. J'ai nommé l'époque de Louis XIV. Tous les artistes d'alors regardaient comme véritablement esthétique de représenter leur modèle entouré de mille et un objets propres, selon eux, à mieux faire connaître ses habitudes, ses occupations journalières ou préférées, le milieu dans lequel il avait coutume de vivre. Je ne saurais contester que ce genre ait produit en France des oeuvres d'une beauté remarquable. Exemple : les toiles de Largillière et de Rigaud. Le regard demeure étourdi devant cet amoncellement de draperies, ce surchargement d'accessoires, sur lesquels la lumière coule caressante ou s'arrête chatoyante. Toutefois, ce ne sont là, au demeurant, que des tours de force, des trompe-l'oeil où le portraitiste se complaît à faire montre de l'habileté de son pinceau. Le photographe, lui aussi, peut parader de la sorte par un jeu bien compris des stores et des écrans de son atelier.


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Quoi qu'il en soit, j'en demande bien pardon aux mânes des artistes du siècle de Louis XIV, mais je ne suis pas de leur avis. Oh! mais pas du tout! Si excellente que puisse être en soi leur méthode, elle est souvent néfaste. Elle l'est même toujours dès qu'on la pousse à l'extrême. Or, l'extrême se présente comme l'abîme inévitable, quasi forcé, de cette manière de comprendre le portrait. Ils n'ont, d'ailleurs, point fait école. L'impulsion donnée par eux a été vite frappée par la réaction.

A tout prendre, le portrait historié demeure condamnable. Pour établir la netteté et l'a vérité de son motif, un véritable portraitiste ne saurait avoir besoin de ces artifices qu'il doit laisser au sujet de genre. Si, pour une cause quelconque, il juge bon de les admettre, il faut que cette admission soit faite sous la condition expresse de laisser ces accessoires au rang secondaire. Leur nom même indique ce rang. Aussi ne saurais-je trop m'insurger contre les tendances que l'on a, dans l'espèce, à trop mettre le tout au point, en employant pour le portrait des objectifs présentant une grande épaisseur dans leur surface focale, c'est-à-dire, pour me servir de l'expression courante, d'objectifs à foyer profond. Le modèle seul doit être au point. Le manque de netteté optique des accessoires contribuera à mettre en relief le portrait en lui-même. Que nous importe la fidélité mathématique des meubles, des tentures et des menus objets qui l'entourent ! Il suffit qu'ils y soient, si l'on a jugé nécessaire de les y mettre, pour nous faire connaître les habitudes du modèle, ses occupations préférées et le milieu dans lequel il vit. Mais cette suffisance ne saurait impliquer la même vérité de rendu que celle exigée par le modèle, que l'on veut représenter fidèlement, dont on veut faire le portrait en un mot. Lui seul doit attirer et retenir sn premier le regard. Si vraiment les accessoires qui l'entourent doivent concourir à sa compréhension, il suffit amplement qu'on en soupçonne la forme. Ce ne sont que des notes explicatives, et les notes se renvoient à la fin du volume ou se mettent modestement en caractères plus petits que le texte et en bas de la page.


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Un portrait, ai-je dit, doit être la ressemblance d'une personne en même temps qu'une page d'histoire contemporaine. Comment peut-on allier ces deux qualités avec la simplicité?

Et d'abord, il peut paraître étrange à quelques esprits qu'il soit question de ressemblance dans un portrait photographique. Les lignes du modèle ne sauraient, semble-t-il, donner autre chose qu'un portrait ressemblant. Pourtant la ressemblance parfaite, est, en somme, assez rare. Phénomène que l'on constate aisément en faisant défiler sous les yeux d'une personne une série de portraits de gens qu'elle connaît. Il lui faudra en voir beaucoup avant de s'écrier : « Comme c'est ressemblant ! » Cela provient de deux choses : d'une part, la manie que l'on a de se croire obligé de corriger l'image par une retouche, à tort et à travers, qui ne vise qu'à effacer les rides ou les défectuosités de la peau; d'autre part, le manque d'art apporté le plus souvent dans l'obtention d'un portrait, ce qui fait qu'on ne cherche qu'à bien mettre au point, pour rendre tous les détails des traits, des cheveux, de la barbe et des vêtements, sans se préoccuper le moins du monde du côté moral du sujet.

Sans ce côté moral la ressemblance ne saurait jamais être parfaite. J'irai même jusqu'à dire : c'est surtout et avant tout celle-ci qu'il faut viser. L'agencement et l'éclairage du modèle aussi bien que le choix des accessoires doivent lui être subordonnés. Il faut qu'un portrait représente l'homme tout entier et non une partie de cet homme figurée par les contours extérieurs de sa nature physique. Tâche difficile pour un peintre, plus difficile encore pour un sculpteur qui ne possède point les ressources charmeuses du coloris et se trouve obligé de restreindre, forcément beaucoup, le nombre et le choix des accessoires. Quant au photographe, combien de fois n'ai-je pas entendu dire que cette difficulté devenait pour lui une impossibilité. « La photographie rend les traits, mais la physionomie jamais. C'est pourquoi un portrait photographié, vierge de retouche, ne peut être vraiment ressemblant! » Cette banalité court de par le monde avec


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une allure d'axiome. Eh bien! ceux qui, en la répétant, aident à sa course, à sa propagation, se montrent de parfaits ignorants des procédés du photographe. S'ils sont photographes eux-mêmes, ils méconnaissent leur art ou ils retardent. Aux temps où il fallait soumettre le modèle à une ou plusieurs minutes de pose, je reconnais parfaitement la presque impossibilité où se trouvait l'artiste de saisir la physionomie. Elle se montre, en effet, très variable même sur les visages les plus placides. Aujourd'hui il en va autrement. Avec un anastigmat Zeiss 1 : 6, 3, par exemple, muni du diaphragme 1 : 9, deux à trois secondes de pose suffisent dans une simple pièce bien éclairée ' pour obtenir un phototype très harmonieux. Ceci correspond à l'instantanéité, si l'on opère en plein air et à une pose minime dans un bon atelier. Le photographe peut donc saisir la vérité morale de son modèle, si fugace soit-elle. Cette vérité, jointe aux qualités purement pittoresques, offertes par la nature physique, donne l'expression d'ensemble, la ressemblance en un mot. Or, avant tout, la ressemblance d'un portrait doit être et être telle que quiconque l'examine puisse dire sans même connaître l'original : « Voilà, certes, un portrait qui doit être ressemblant. »

Remarquons en passant que l'Ecole française du portrait, à quelque époque qu'on la considérera toujours fait preuve d'une pénétration singulière, d'une intelligence profonde et savante de la physionomie et du caractère du modèle. C'est ce qui surtout la rend remarquable et la recommande à la postérité. Derniers venus dans cette école, les photographes ne sauraient moins faire que leurs aînés, d'autant plus que l'instrument de leur art leur permet de saisir les personnes dans le mouvement de la vie, dans l'emportement des passions même, et, en tous cas, de fixer le regard qui reflète l'âme et reste la composante primordiale de l'expression dans le portrait.

•1. Soit un appartement avec châssis vitré de im,'àd sur 2m,50, le modèle à \ mètre de ce châssis, un développement bien conduit et un révélateur laissant de la transparence aux noirs du phototype.


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Donc, tout en restant simple dans le décor, le portrait peut et doit être parfaitement ressemblant par l'accusation du côté moral, par la vie du regard. Il nous reste à voir comment il peut,, en restant simple encore, remplir la seconde condition du programme, c'est-à-dire représenter une page d'histoire contemporaine. Au premier abord la chose paraît difficile et l'on est tenté d'admettre les tendances des portraitistes du siècle de Louis XIV. En examinant la question un peu plus à fond, cette difficulté s'évanouit. Les constantes variations de la mode ne sont-elles pas là pour nous aider à préciser la date de l'oeuvre, tout en gardant la simplicité que l'art réclame et exige? Elles sont plus que suffisantes quand il s'agit d'un portrait de femme. D'une année sur l'autre — j'allais dire d'une saison sur l'autre — coiffure et vêtement changent presque totalement. La mode paraît varier moins en ce qui concerne notre sexe. Cependant prenons une tête d'homme, rien absolument que la tête, soit sous le premier Empire, soit sous la Restauration, soit sous le règne de Louis-Philippe, soit sous le second Empire, soit maintenant, nous verrons qu'elles diffèrent totalement rien que par l'agencement de la coiffure et la coupe de la barbe. Sans le plus petit accessoire elles constituent, chacune en soi, une page d'histoire contemporaine.

Point n'est besoin donc d'accumuler les accessoires, point n'est besoin surtout de se préoccuper, outre mesure, de la de la parure, ni de multiplier les bijoux. Nous pouvons parfaitement éviter d'encourir l'amère critique formulée, il y a quelque deux mille ans, par Apelle. Cherchons à faire vrai et beau en nous imposant de faire simple. Nous pouvons même fort bien concilier cette simplicité avec l'art de la parure. Je me propose, de revenir, quelque jour, sur ce point tout particulier, en recherchant ce que doit être la Parure dans le Portrait.


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LES MARINES

En dehors d'effets de lumière, spéciaux à certaines heures du jour, le plein de l'été se prête mal aux paysages, aussi bien pour le peintre que pour le photographe. De prime abord cette phrase semble paradoxale. Au demeurant, le paradoxe est une vérité à l'état latent comme l'image photographique à sa sortie de la chambre noire. Il lui faut un révélateur pour la développer. Dans l'espèce, ce révélateur naît de l'habitude de voir et aussi du raisonnement. Durant les mois de juillet et d'août, les frondaisons arrivées à leur maximum de croissance produisent des masses épaisses et d'un vert profond. Leur obtention sur la plaque photographique se traduit par des masses non moins épaisses et d'un noir sombre. Si, ce dont un artiste doit se défendre, l'on opère dans le milieu du jour, les rayons solaires réverbérés, par les feuilles, tiquêtent ces masses de petits points blancs très désagréables à la vue et donnent, à la photocopie, une impression désastreuse de papillotement. Point de ces tonalités moelleuses, point de ces gris dégradés, point de ces sentiments d'atmosphère ambiante interposée dans la feuillée, toujours rencontrés au printemps et à l'automne. Un paysage de zinc, nettement découpé, commeàl'emportepièce, construit en lourdes masses superposées et constellées de points brillants, semblables à des pignochages de coups de burin.

Telle est, le plus souvent, l'épreuve obtenue.

Doit-on inférer de là, qu'à cette époque de l'année, où la lumière se montre éminemment photogénique, le photographe, ami du plein air, doive rester à l'atelier ou tenir ses appareils au repos? Nullement. Il a beaucoup à faire, mais dans un tout autre ordre d'idées. Cette lumière éminemment photogénique, il a le droit, le devoir de s'en servir. Si le paysage lui fait défaut, la marine lui reste, avec son instantanéité nécessaire, constante, avec ses effets multiples,


ÉTUDE DU PAYSAGE AVEC ANIMAUX

DANS LA BAIE D'ESCALGRAIN, PR|? JOBOVRG. (Phototype de l'auteur.



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avec sa magie qui lui permet d'atteindre si non à tous à la fois, du moins à l'un des trois termes esthétiques qui s'appellent: l'agréable, le beau, le sublime.

A l'exception dès êtres animés, la marine, plus que toute autre partie de la nature, représente d'une façon nettement visible ce que nous sommes nous-mêmes, c'est-à-dire l'aK liance de deux essences oj)posées : la vie et la mort. Par cela même que ces essences sont opposées, l'une doit toujours dominer l'autre. Quand la mort domine, nous sommes désagréablement affectés. Si au contraire la vie garde le dessus, manie la matière à sa guise, nous éprouvons un sentiment de plaisir.

C'est cette première sensation que nous fait éprouver la vue de la mer, éternellement en lutte victorieuse contre l'inertie. C'est aussi parce que nous éprouvons cette sensation que la mer nous plaît; Et elle nous plaît dans ses deux états extrêmes : calme ou tourmentée.

Paisible, fraîche et nacrée, elle berce l'âme dans ses suavités quiètes. Elle éveille en nous le sentiment de. l'agréable par la. suscitation délicate d'une pensée de félicité pleine.

Houleuse, déchaînée et sombre, elle entraîne l'âme dans des emportements farouches. Elle évoque en nous le sentiment du sublime par l'appel violent des énergies héroïques.

Rien de plus naturel au demeurant. L'agréable et le sublime naissent du même principe : l'exubérance de vie qui nous plaît. Us diffèrent seulement par le développement de ce principe. Tout pur qu'il est, notre plaisir se montre moindre dans l'agréable. Très vif, dans le sublime, ce plaisir s'augmente encore d'un vague sentiment de crainte, d'une humiliante sensation d'infériorité. Peut-être aussi d'une audacieuse espérance qu'un jour viendra où notre âme, dégagée de son enveloppe matérielle, égalera, que dis-je? surpassera ce que nos yeux voient.

Quand au beau, il peut tenir à l'agréable ou au sublime, marcher de pair avec eux ou exister sans eux. Si le sublime et l'agréable s'opposent, le beau, à proprement parler, peut

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se présenter seul, étant à tout prendre dans un autre ordre de choses et d'idées. Il est par excellence l'harmonie, l'ordre, l'unité, c'est-à-dire qu'il renferme toutes les composantes de l'unité. Cette unité demeure son essence même. Il la lui faut parfaite. Elle peut se montrer moindre dans l'agréable et dans le sublime, qui expriment spécialement le triomphe de la vie à deux degrés différents. L'agréable donne un plaisir pur; le sublime un plaisir mêlé; le beau, l'idéal rêvé.

De tous les dérivés du paysage, la marine ai-je dit, reste le plus apte à nous procurer l'un de ces trois plaisirs.

En effet, dès qu'un site, quel qu'il soit, éloigne l'horizon de notre oeil, il élargit le ciel, augmente l'étendue de l'espace et laisse à notre pensée un champ plus grand à parcourir. Or, l'âme humaine, aspirant à cette pleine satisfaction qu'on nomme le bonheur, doit donc préférer à tout l'infini des plaines de l'Océan, lui présentant toujours quelque chose d'indéterminé.

Comme d'aucuns voudraient le faire croire, la mer n'est pas immuablement la mer. Chaque mer, comme chaque essence d'arbres, possède sa forme propre, sa coloration particulière, adéquate, typique. A telles enseignes qu'on peut, même sur une photographie, reconnaître telle ou telle mer.

Sans quitter la France, qu'avons-nous? La Méditerranée, l'Atlantique, la Manche.

La Méditerranée possède une petite vague courte, serrée, anguleuse. Clapotement agrandi. Sa coloration est d'un bleu foncé toujours, opaque souvent. L'Atlantique, en arrivant à plein horizon sur des côtes généralement rocheuses, présente des lames allongées, immenses, mesurant leurs sillons par des centaines de mètres. De plus, ses ondes roulant aux approches des rives sur des fonds rocheux, ont plus de transparence, plus de limpidité par conséquent, et se montrent, par des temps calmes, d'un vert parfait ou d'un bleu fin et délicat. La Manche, d'une profondeur minime, resserrée entre les côtes de la France et de l'Angle-


LES MARINES.

terre, offre moins de longueur dans ses vagues et prend, dès qu'elle est fortement secouée par la marée ou le vent, des colorations jaunâtres empruntées aux sables de ses fonds. Par des temps d'orage, et en remontant vers le détroit du Pas de Calais, ces tonalités s'accentuent encore, deviennent épaisses, presque bourbeuses.

Or, les verts, les jaunes et les bleus venant sur la plaque photographique avec des accusations très différentes, on peut donc, sur d'excellentes épreuves, prises par un temps normal, indiquer presque si l'on se trouve en présence de la Méditerranée, de l'Océan ou de la Manche. Gela en dehors des lignes particulières aux vagues de ces différentes mers.

N'insistons pas sur ces finesses délicates à l'extrême, et puisque la marine peut nous offrir le beau, l'agréable ou le sublime, voyons, sans plus tarder, les lois de sa composition et de ses effets.

Quel que soit le motif que le photographe ait à traiter, deux questions dessinent immédiatement dans son esprit leurs points d'interrogation : question d'encadrement, question d'horizon.

La question d'encadrement demeure intimement liée aux lignes dominantes du tableau. A dominantes verticales, encadrement en hauteur; à dominantes horizontales, encadrement en largeur. Quant aux dominantes diagonales, elles demandent l'encadrement en hauteur ou en largeur suivant leur inclinaison. Ces trois cas sont les seuls qui se présentent au photographe puisqu'il ne possède, pour la représentation de son motif, qu'une surface plane. Les peintres, s'ils ont une coupole à ornementer, en possèdent d'autres : les dominantes convexes ou concaves. Pour nous, nous sommes obligés, sinon de les ignorer, du moins de ne pas nous en servir.

Dans une marine pure et simple, sans falaise de soutien, sans mât de navire échoué ou flottant, la dominante reste fatalement horizontale. Le motif doit donc être pris en largeur. Le prendre en hauteur deviendrait un non-sens, une


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entorse à la grammaire de l'art, puisque nous diminuerions les horizontales qui forment l'expression de l'étendue compatible avec toute marine. La marine en hauteur ne peut être qu'un fait isolé motivé par les falaises de soutien et les mâts dont je parlais tout à l'heure. Cela est si vrai que les peintres, dont nous devons imiter la manière de faire, emploient pour les marines des toiles d'un format spécial, exaltant autant que possible le sentiment de la largeur.

En temps qu'épreuve négative, nous ne pouvons agir de même puisque nos plaques gardent un format immuable. Il en va différemment pour la photocopie que nouspouvons couper à notre gré. Je sais bien que cette coupe se fait rarement et cela pour un motif des plus futiles en apparence, mais qui, dans la pratique, garde sa raison d'être. Cette raison provient des formats qui nous sont livrés par les marchands de cartons. Quand il s'agit de paysages, de scènes animées, de maisons ou de groupes, ces formats se présentent toujours proportionnels aux dimensions des plaques photographiques. Or, les peintres ont trois dimensions différentes de toiles, sans avoir égard aux grandeurs de fantaisie qu'ils peuvent faire établir.

Prenons, par exemple, la toile n° 5. Sous son format normal, elle mesure 35 X 27 ; sous son format paysage, 35 X 24 ; sous son format marine, 35x22. La largeur reste la même, la hauteur diminue suivant les différents cas. On comprend que cette hauteur devienne minima pour la marine, puisque c'est, avant tout, l'impression d'étendue que l'on désire obtenir. N'ayant point de formats de carton correspondant à la fois au maximum de largeur ni au minimum de hauteur, le photographe se trouve donc, pour ainsi dire, obligé de ne pas couper sa photocopie dans de bonnes proportions pour la marine et, par conséquent, de ne pas se servir des ressources qui, par ce petit moyen, lui sont offertes pour .mieux équilibrer son oeuvre.

Il y a là une question à traiter : Trouver des dimensions de carton propres aux différents sujets.


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A côté de l'encadrement, susceptible d'augmenter l'intensité expressive de l'espace, vient se placer la question d'horizon.

Dans les Reaux-Arts, l'horizon ai-je dit dans la Théorie, la Pratique et VArt en Photographie, est une ligne perpendiculaire au fil à plomb et passant par le milieu de l'oeil du dessinateur. En photographie cet oeil est l'objectif de la chambre noire. Or, pour le photographe de marines cet horizon se confond avec l'horizon naturel représenté par la ligne de démarcation des eaux et du ciel.

Où doit se placer cette ligne ?

Sur l'horizontale médiane du tableau? Nullement. La masse d'eau égalerait la masse du ciel. Deux masses contraires d'égal volume se pondèrent trop bien et détruisent l'effet, qui n'est que la conséquence de deux oppositions inégales. Il ne peut y avoir effet si l'une des deux composantes de l'effet ne domine pas. C'est une règle d'art absolue.

Au-dessus de l'horizontal médiane du tableau? Cela se pourrait, puisque la masse d'eau dominerait la masse de ciel. Seulement il faut remarquer que plus l'horizon s'élève, plus les lignes convergeant vers lui semblent monter. Or, l'impression première de la mer est la platitude. On ne saurait donc, de gaieté de coeur, lui faire exprimer ce sentiment de montée. Tout au plus cette place de l'horizon reste-t-elle admissible lorsqu'on recherche spécialement des effets de vagues de premier plan. Ce n'est plus alors un véritable tableau de marine que l'on cherche, mais un simple effet de mer, une sinuosité de volute, un enroulement d'eau, un éclaboussement d'embrun. Côtés intéressants, je le veux bien, mais absolument particuliers.

Il nous reste la position au-dessous de l'horizontale médiane du tableau. Dans cette situation, les lignes convergeant vers l'horizon semblent monter d'autant moins que l'horizon est plus éloigné de la médiane. Il s'ensuit que plus cet horizon se rapproche de la bordure du tableau, plus ces lignes paraissent aplaties, etplus,par conséquent,


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elles donnent l'illusion de l'enfoncement, de la platitude et de l'infini. Il y a lieu cependant de choisir un moyen terme, sous peine de voir se restreindre outre mesure la partie réservée à la mer.

Les grands peintres de marine ont assigné à ce moyen terme une place à. peu près fixe : le quart de la hauteur totale du tableau en partant de la bordure inférieure.

Dans cet état, les trois quarts de la plaque restent au ciel. Ce n'est que justice. Le ciel régularisant souverainement l'harmonie du tout doit dominer l'oeuvre entière. Cela dans la marine plus que partout ailleurs, car le ciel contribue pour une grande part à l'impression de l'immensité.

Certes, l'obtention du ciel en photographie est une difficulté, mais dans la marine, où tous les sujets, même par un temps de brume, en été, peuvent être obtenus à la guillotine avec un diaphragme F/24, la venue du ciel sur le phototype reste chose possible.

Je dirai même qu'on doit toujours la tenter. Le véritable artiste devra laisser reposer son appareil les jours où le ciel se présentera uniformément bleu, et se mettre en route dès que la brise et la tempête amoncelleront les nuages au-dessus des eaux. Il n'a rien à redouter du vent, puisque l'instantanéité nécessaire, et éminemment facile à la mer, lui permet de travailler avec une chambre à main.

Je sais bien qu'on a la ressource des jihototypes de ciel et qu'on peut, par une double insolation, mettre des nuages là où il n'y en a point. Je prise peu cette méthode, non qu'elle demande une certaine habileté de tour de main — cette habileté peut toujours s'acquérir — mais parce qu'il est bien rare que le ciel soit exactement dans le sentiment du motif. Pour qu'il en fût autrement, il faudrait se servir du ciel même du motif que l'on aurait eu soin de prendre à part. Alors pourquoi ne pas tenter de l'obtenir directement ?

Grosse difficulté, direz-vous. Oui, mais on se la fait souvent plus grosse encore qu'elle ne l'est en réalité. Le


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photographe qui veut travailler avant ou après le plein du jour, en se servant du plus petit diaphragme possible, en employant des plaques ayant une épaisseur normale de gélatine et en répudiant les bains de développement, soidisant extra-rapides et en formule fixe, peut fort bien obtenir directement son ciel sur son phototype.

Quel que soit le révélateur employé, attaquez la plaque en douceur par un bain dilué, et, dès que le motif se silhouettera, remarquez la place qu'occupe le ciel. A ce moment, inclinez votre cuvette et balancez. vivement le bain de façon qu'il ne vienne mordre-que les bords du ciel.-' Celui-ci continuera certainement à se développer sous l'action oxydante de f air ambiant ; mais si continue que soit cette action, elle sera beaucoup plus lente que celle produite par le révélateur sur les parties de la plaque complètement baignées, parce que le révélateur se trouvant sur le ciel n'y sera qu'en très petite quantité et non remué. Vous pouvez encore, comme l'a indiqué M, H. Fourtier, enduire le ciel d'une mixture modératrice.

Je ne saurais trop insister sur la production du ciel dans les photographies. Il s'impose au paysagiste comme la suprême beauté de son oeuvre. Plus encore au photographe de marine, puisque la partie réservée au ciel atteint dans ce genre son maximum de grandeur. Il doit être sa constante préoccupation, car il vient encore, par sa voussure, contribuer au sentiment de profondeur exigé par toute bonne marine. De plus, il nous amène à l'obtention de ces effets de lumière qui, sur la mer ou sur les côtes, sont plus beaux que partout ailleurs, et restent dans le domaine absolu du grand art.

Avec ce préjugé d'antan que l'objectif ne doit jamais être placé en face du soleil, les photographes ont beaucoup négligé ces effets grandioses et ravissants qui ont fait, en peinture, la célébrité des Lorrain et des Turner. Seuls quelques audacieux s'y sont risqués. Avec des alternatives de déboires et de succès, je l'accorde. On ne maîtrise pas du premier coup une difficulté, mais il suffit de la vaincre une


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fois pour s'assurer que cette victoire est possible, donc renouvelable. Lorsque la saison de la marine battra son plein, attachez-vous aux effets de lumière. Au point de vue artistique pur, ils vous donneront des satisfactions beaucoup plus grandes, beaucoup plus intenses, que les scènes, si charmantes soient-elles, rencontrées à tout moment le long des côtes.

Quand, ce qui arrive souvent au cours d'une période de beau temps, le soleil se lève ou se couche dans un ciel sans nuages, vous pouvez encore tenter de beaux effets de lumière, en composant votre tableau de telle sorte qu'un morceau de falaise, ou qu'une voile déployée, teinte de goudron ou de roucou, vienne masquer l'astre du jour. Ce ne sont certes pas là des motifs de photographie courante, mais lorsqu'on désire aller à l'art, il faut y aller franchement, hardiment. Qu'importent quelques insuccès, si de-ci de-là un bon phototype vient vous payer de vos déboires ! Pour atteindre à la victoire, le général ne compte pas les morts qu'il laissera sur le champ de bataille.

Toutefois, il ne faut pas oublier qu'un effet si bien rendu qu'il soit n'arrive à son maximum d'intensité qu'autant qu'il fait partie de la composition, qu'il est, en un mot, bien équilibré dans la plaque. Combien de belles épreuves sont reproduites un peu partout par des procédés photocollographiques. Combien plus belles elles seraient, si leurs auteurs avait suivi les règles esthétiques, si simples, de la pondération des masses, du jeu des points forts et des points faibles.

La marine se prête admirablement à la composition photographique. Pour composer, ordonnancer son oeuvre, le photographe doit agir par déplacements successifs de sa chambre noire. Est-il un endroit plus propice au déplacement qu'une grève? En général, le champ dans lequel l'opérateur peut se mouvoir est pour ainsi dire infini dans tous les sens. Les premiers plans le gênent rarement, et quand ils le gênent, ils sont le plus souvent faciles à déplacer. 11 lui est donc toujours loisible de bien déterminer la pondération de ses masses et les positions de ses points


LES MARINES. 161

forts et de ses points faibles. Aux masses de lumières opposez des masses d'ombres, en ayant soin toutefois qu'il n'y ait jamais égalité de volume entre les masses opposées. Aux lignes horizontales opposez les lignes verticales ou obliques, ou réciproquement, de telle façon cependant qu'il reste toujours une dominante franchement accusée. Cherchez dans la lumière des rappels d'ombre ; dans l'ombre, des rappels de lumière. Usez des reflets qui peuvent vous offrir des points de soutien remarquables, mais pénétrezvous bien de ceci : le reflet viendra sur votre épreuve avec beaucoup plus de vigueur que l'objet reflété lui-même, attendu qu'il n'est point entouré d'une atmosphère lumineuse, mais d'une masse d'eau beaucoup moins photogénique et présentant toujours une coloration quelconque. Dans la marine, cette juste appréciation des reflets pourra vous conduire à des effets de premier plan très soutenus, bien qu'ils ne reposeront sur aucune base offrant une solidité matérielle.

Un principe très contraire à l'esthétique consiste souvent à mettre au centre du tableau le point principal de la composition. Erreur grave. Ce point, situé à l'intersection des médianes horizontale et verticale, constitue un point faible au premier chef. En effet, l'oeil, pour arriver à ce point, parcourt de droite et de gauche, de haut et de bas, des surfaces égales. Cette égalité balance les effets environnants, les annihile, et le sujet placé en ce point se trouve seul, dégagé de l'ensemble, comme suspendu dans le vide.

Si deux sujets principaux sont à égale distance des médianes horizontale et verticale, le regard, sollicité de l'un à l'autre par cette disposition symétrique, ne sait sur lequel s'arrêter et le motif cesse d'apparaître dans l'unité de son ensemble.

Tout cela, autant de points faibles. En revanche les points non symétriquements placés, par rapport aux médianes ou aux bordures, sont des points forts, et peuvent recevoir tout sujet intéressant faisant partie du motif.

Pour vous habituer à les bien choisir, il existe un petit

21


162 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

moyen mécanique : quadrillez le verre dépoli de votre chambre, avec des raies au crayon, de telle sorte que les divisions se trouvent en nombre impair. Les intersections des verticales et des horizontales constitueront des points forts.

En dehors des grands effets de lumière : levers et couchers de soleil, grandes ombres projetées par les nuages sur la mer, coups de tempête, coulées de lumière sous le grain, vous trouvez sur les côtes des bateaux échoués, des lignes pittoresques de falaises, des pêcheurs à la besogne, des marins au travail, des enfants à leurs jeux, des citadins en villégiature balnéaire, toute nature, tout personnel et toutes actions se prêtant aux mille combinaisons de votre fantaisie, de votre originalité d'artiste.

Profitez-en. Tentez de tout un peu. Que la marine soit pour vous une excellente école de composition, d'animation et par-dessus tout d'effets de lumière. Les connaissances que vous y acquerrez, et la gloire que vous en retirerez vous aideront et vous encourageront à attaquer, quand l'automne viendra, la nature terrestre, le paysage proprement dit, qui demande une science de composition plus grande et à laquelle viennent se joindre certaines difficultés de temps de pose.

PIN DE LA DEUXIEME PARTIE.


TROISIEME PARTIE FANTAISIES ET PETITES INDUSTRIES

LES PHOTOSILHOUETTES

Parmi les fantaisies photographiques, une des plus intéressantes et, à certains points de vue, une des plus artistiques, est certainement ce que je nommerai : la photosilhouette.

De tous les portraits, en pied ou en buste, le moins achevé, le plus faible, mais aussi le plus fidèle et le plus vrai, est celui que donne l'ombre du sujet, frappé par une lumière placée à une distance convenable. Si le sujet se trouve dans un plan parfaitement parallèle à la surface sur laquelle son ombre se projette, et que, cette surface soit parfaitement unie, on arrive au maximum d'effet.

Le portrait ainsi obtenu, faible parce qu'il ne présente que des contours extérieurs, garde le caractère d'originalité que lui donne l'empreinte immédiate de la nature. Qu'on admette en tout, en partie ou aucunement, les théories deLavater, on ne peut nier que ce philosophe mystique, exalté, ingénieux, en même temps que poète lyrique et écrivain distingué, n'ait fourni des conseils excellents, formulé.des appréciation très justes. Or, en ce qui concerne le portrait donné par l'ombre, Lavater lui reconnaît toutes les qualités que je viens d'énumérer. Nos grands maîtres anciens dans les arts, les. Grecs, partageaient aussi cette opinion. C'est à l'ombre qu'ils ramenaient l'origine du dessin. Vous la connaissez, n'est-ce pas, cette touchante et gracieuse histoire


164 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

de la fille du potier Dibutade, de Sicyone? La jeune fille recevait, un soir, les adieux de son fiancé, partant pour la guerre. Elle avait le coeur bien gros et l'oeil bien humide. Tout à coup, à travers ses larmes, elle aperçoit sur le mur l'ombre de son bien-aimé que la lampe projette. Une idée géniale lui traverse l'esprit. Elle saisit un charbon et trace

sur le mur les contours de la chère ombre. Le dessin était inventé. Dibutade, en remplissant d'argile l'espace limité par les lignes de charbon, fit un bas-relief. La sculpture était inventée.

Ainsi, du même coup, d'après les Grecs, l'ombre donne naissance aux deux grands arts dont le portrait relève. Mais les Grecs oubliaient ou ignoraient qu'avant l'époque où vivait approximativement Dibutade les bas-reliefs assyriens montraient de véritables portraits royaux. Il est vrai que ces portraits ont tout l'air d'être faits à la manière du bas-relief de Dibutade. La légende dont les Grecs s'approSilhouelte

s'approSilhouelte Beaumarchais.


LES PHOTOSILHOUETTES. 16b

prient les héros n'est peut-être, au demeurant, qu'un fiction aryenne, comme les fables que nos nourrices nous content encore sans se douter qu'on les retrouve dans le Pandjâb, le berceau de notre race.

Quoi qu'il en soit, il paraît, sinon discutable, tout au moins parfaitement vraisemblable, que nous devons à l'ombre

portée des corps l'origine du dessin et de la sculpture. J'ajouterai aussi que nous lui devons l'origine de la photographie. Sans être grand clerc, un esprit chercheur pourrait facilement, en suivant cette piste, expliquer certaines pratiques thaumaturgiques des prêtres d'Isis. L'application que les alchimistes du Moyen Age faisaient de l'image produite par l'ombre sur Xargent corné, le chlorure d'argent de la chimie moderne, le prouve surabondamment. Si Ton ne veut pas remonter à des époques relativement reculées pour un art aussi nouveau, est-ce que le papier impressionnable, dont, vers la fin du xvin 0 siècle, Charles se servait pour

Silhouette de madame Roland.


166 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

engendrer des silhouettes par l'action de la lumière, est-ce que l'image de la cuillère laissée par Nicéphore Niepce sur une plaque d'argent ioduré, image qui reste l'origine certaine de la photographie, ne constituent pas l'obtention des images par l'ombre?

On peut donc affirmer que le portrait par l'ombre a été, est et restera, sous le nom de silhouette, une des variétés typiques du dessin et de la photographie.

Pourquoi ce nom de silhouette?

Vers 1767, on avait essayé d'introduire en France un spectacle qui comptait de grands amateurs en Italie et en Allemagne. Il consistait à figurer des scènes en projetant sur un écran l'ombre de petits bonshommes découpés. Ces ombres n'obtinrent pas leurs lettres de naturalisation, puisque le Grand Dictionnaire de Trévoux, édition de 1771, n'en fait pas mention à son article ombres. En venant s'établir à Versailles en 1772, François Séraphin reprit la tentative et inaugura son spectacle sous le titre : ombres chinoises. Les premières affiches ajoutèrent: figures à la silhouette.

En 1757, les finances du pays, fortement endommagées par des guerres ruineuses et des ministres inhabiles, demandaient un sauveur. On prit M. de Silhouette. A beaucoup d'instruction, il joignait beaucoup de vues économiques. Cette nomination fut accueillie avec joie. Tout alla bien d'abord. Voltaire écrivit lui-même à son ami Thiriot : « Si M. de Silhouette continue comme il a commencé, il faudra lui trouver une niche dans le temple de la Gloire tout à côté de Colbert. » Malheureusement il ne continua pas. L'opinion tourna. Le ministre dut donner sa démission. Le peuple le chansonna et le ridiculisa. L'instruction et l'esprit ne suffisent pas à un ministre. Il manquait a celui-ci la connaissance de la nation, des finances et de la cour. On trouva ses idées mesquines et étroites. Les tailleurs imaginèrent des culottes sans gousset auxquelles on donna le nom de l'ancien ministre. Tout ce qui était étriqué, sec, mesquin, fut désigné par l'expression : à la silhouette. Les ombres chi-


LES PHOTOSILHOUETTES. 167

noises aussi. Je me demande, cependant, si c'est à cause de leur sécheresse qu'on les nomma silhouettes. N'est-ce pas plutôt parce que ces ombres portaient l'épithète de chinoises, et qu'en 1729 M. de Silhouette avait publié, un ouvrage intitulé : Idée générale du gouvernement chinois? C'est un problème que j'ai déjà posé 1. Je laisse aux philosophes le soin de le résoudre. Toutefois, je leur avouerai que j'incline vers cette seconde hypothèse, le Grand Dictionnaire de Trévoux, édition de 1771, ne parlant, en effet, ni de silhouettes, ni d'ombres chinoises.

Une autre origine se présente encore. En 1759, M. de Silhouette fit construire le château de Rry-sur-Marne. Pour se distraire des inconséquences de la popularité, il se plaisait à tracer une ligne autour de l'ombre du visage de ses amis et de ses visiteurs, afin de garder leur profil nettement dessiné sur le mur. M. de Silhouette s'amusa tant et si bien que plusieurs salles de son château présentaient des murailles entières couvertes de ces sortes de dessins. C'étaient de véritables galeries de portraits d'un nouveau genre, ou mieux d'un genre ancien, à la manière étrusque, renouvelée de la fille de Dibutade. Toujours est-il que le portrait par l'ombre, devenu la silhouette, reprenait un rang dans les arts du dessin.

Il va de soi que nous la classions également dans l'art photographique, car la photographie donne la silhouette mieux et plus vite que le dessin.

Mais d'abord la silhouette vaut-elle la peine qu'on s'attache à elle?

Oui, certes. J'en ai donné le pourquoi en commençant et ce pourquoi peut être aisément commenté.

Si l'on veut lire avec impartialité l'ouvrage le plus connu de Lavater : VArt de connaître les hommes par la physionomie, c'est-à-dire faire abstraction des prétentions souvent excentriques de l'auteur qui le poussent à généraliser, classer, conclure et affirmer quand même, avec toute la

1 Voir mon ouvrage intitulé : Les Jeux de la jeunesse, leurs origines et leur histoire.


168 LES NOUVEAUTES PHOTOGRAPHIQUES.

finesse d'un esprit ingénieux, mais aussi avec toute la chaleur d'une exaltation un peu trop mystique, on ne peut nier qu'il n'y ait beaucoup à prendre dans son oeuvre. En ce qui concerne le sujet qui nous occupe, il demeure certain que la silhouette reste une preuve positive et incontestable de la science des physionomies. Tellement certain même que si vous mettez une collection de silhouettes sous les yeux de personnes plus ou moins habituées aux spéculations artistiques, vous serez étonnés de la variété des impressions qui leur seront suggérées par les plus légères altérations des lignes.

Ceci, soit dit en passant, ne sera pas une des moindres jouissances du photographe, qui se livrera à la formation d'un album de photosilhouettes.

Pour bien juger de la silhouette d'un portrait, il faut, d'après Lavater, y distinguer neuf sections horizontales : 1° l'arc du sommet de la tête jusqu'à la racine des cheveux ; 2° le contour du front jusqu'au sourcil ; 3° l'intervalle entre le sourcil et la racine du nez; 4° le nez jusqu'au commencement de la lèvre; 5° la lèvre supérieure; 6° les deux lèvres proprement dites ; 7° la partie comprise entre la lèvre inférieure et la naissance du menton ; 8° le menton ; 9° le cou. Je n'irai pas jusqu'à dire que chacune de ces parties, considérées en soi-même, présente un caractère, une syllabe, une parole, un jugement entier et toujours véiïdique de la nature. Je laisse à Lavater cet absolutisme. Mais il n'est pas douteux que la silhouette ne se trouve profondément modifiée par un seul changement dans l'une de ces sections, comme il n'est pas douteux non plus que leur harmonie parfaite ne frappe et n'arrête le regard du moins connaisseur. J'ajouterai encore que la proportion entre la hauteur et la largeur totale d'une tête en silhouette modifie considérablement son expression. Cela a son importance. D'après les canons de la beauté esthétique, un profil juste et bien proportionné doit s'inscrire dans un carré parfait, ou mieuxla ligne menée de la pointe du nez à l'extrémité de la nuque ne doit pas excéder en longueur la perpendiculaire abaissée


LES PHOTOSILHOUETTES. 169

du sommet de la tête, jusqu'à l'endroit où le menton se joint au cou. Cela revient à dire qu'il ne faut pas que, dans

une photosilhouette, la tête soit ou inclinée en avant ou penchée en arrière. Cette constatation impose une manière précise de prendre la photosilhouette.

Le meilleur moyen d'atteindre la précision, pour ainsi

22

Appareil de Lavater pour l'obtention des silhouettes.


170 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

dire mathématique, dans l'obtention.d'une photosilhouette consiste, à mon sens, à employer photographiquement le procédé préconisé par Lavater pour dessiner la silhouette. •

Ce procédé, comme l'indique notre dessin, s'appuie sur l'emploi d'un fauteuil absolument fabriqué pour ce genre d'opération et tel qu'il maintient la tête et le corps dans une position immuable. L'ombre vient alors se réfléchir sur un papier calque tendu sur une glace sans tain, placée dans un cadre mobile, pouvant se hausser et s'abaisser, à volonté, dans un autre cadre plus grand, verticalement planté à la place d'un des bras du fauteuil.

L'ombre peut être projetée sur le papier calque soit par une lumière artificielle, soit, ce qui est de beaucoup préférable, par un héliostat. Autrefois, le dessinateur marquait sur le papier calque, à l'aide d'un crayon, les contours de l'ombre qui s'y trouvait projetée.

Pour nous, photographes, il suffira de faire une sorte de tronc de pyramide avec de l'étoffe noire, dont nous collerons les bords d'une extrémité sur les bords minces du cadre, et d'engager notre appareil à l'autre extrémité. Nous mettrons au point la silhouette formée sur le papier calque et nous en tirerons un phototype négatif, en employant une pose plus ou moins rapide, suivant la nature de la source luminense qui projette l'ombre.

Par malheur, l'héliostat est un appareil coûteux, un peu bien encombrant, et nécessitant, de plus, une organisation toute spéciale. Si précis que soit ce procédé, il ne se présente pas d'une pratique courante.

N'y a-t-il point un moyen de remplacer la lumière naturelle par une source lumineuse artificielle?

Oui, certes, mais à la condition, toutefois, que cette source

soit des plus intenses, que sa surface se rapproche le plus

possible d'un point, et tienne lieu, par conséquent, de la

chandelle employée par Lavater.

■ D'après les différents auteurs qui se sont occupés des


LÉS PHOTOSILHOUETTES. 171

diverses sources lumineuses usitées, les intensités de celles-ci correspondraient, en moyenne, au tableau suivant :

Forte lampe à huile . 12 à 16 bougies

— à pétrole, bec ordinaire. . . 16 à 20 ■—

— — à mèches multiples 2o à 50 — Lumière oxycalcique 100 à 150 —

— oxhydrique 250 à 400 —

— électrique 500 à 1000 —

C'est donc à la lumière électrique que la préférence doit être donnée. Cependant si l'on se sert d'une lampe à incandescence, il faudra modifier la longueur du fil, le contourner sur lui-même de façon à réduire la surface de la source lumineuse comme on le fait pour la microphotographie * ou pour les agrandissements.

Quant à l'éclair magnésique, il n'y faut pas songer. Une minute de réflexion suffit d'ailleurs pour le faire rejeter.

Que veut-on?

Un point lumineux.

Avec l'éclair magnésique nous aurons au contraire une répartition et une étendue de lumière considérables, Le châssis blanc la reflétera vigoureusement sur le sujet, amoindrira l'opacité de l'ombre projetée et donnera une silhouette grise et veule.

Pour l'amateur, je l'avoue, ce procédé n'est guère plus pratique que l'emploi de l'héliostat. Si c'était là l'unique manière d'obtenir une photosilhouette, cette fantaisie photographique courrait les risques d'un abandon complet. Heureusement pour elle, il n'en est rien. Je considère ce procédé, à la manière de Lavater, comme purement scientifique. En d'autres termes, s'il se montre nécessaire pour l'obtention de photosilhouettes devant ou pouvant servir à des études anthropologiques, il ne l'est pas du tout pour l'amusement général, étant donnés les procédés rapides de la photographie. Pour ma part j'agis tout autrement. Il me

1. Voir à la quatrième partie : APPLICATIONS, le chapitre intitulé La Michophotographie.


172 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

semble que c'est ainsi que doivent s'y prendre, ou peu s'en faut, tous ceux qui tentent la photosilhouette.

Alors que le soleil éclaire de face soit une fenêtre, soit la porte donnant sur mon jardin, j'ouvre celle-ci toute grande. Dans sa baie je tends, de mon mieux, un drap blanc en le fixant sur le chambranle à l'aide de punaises ou de petits

clous. Voilà mon fond blanc et très lumineux constitué. Maintenant, au lieu de poser le modèle entre la source lumineuse et l'écran, je l'installe entre l'écran et la chambre noire; c'est-à-dire dans l'intérieur de l'appartement. La mise au point se fait sur les contours du profil. Quant à la pose, une instantanéité produite par une guillotine à chute libre suffit.

Il va de soi que l'on peut, dans le cas de la porte comme fond surtout, composer des scènes avec accessoires.

La Photo-Gazette du25 décembre 1890 affirme, d'après la Photographischeshi Westnik, que M. E. Stumman, deLodz, aurait, dès le début de l'année 1882, réalisé un système spéProfil

spéProfil jeune fdle (Phototype de l'auteur.)


LES PHOTOSILHOUETTES. 173

cial pour l'obtention des photosilhouettes, dont l'auteur donne une description dans une circulaire. Suivant lui, « il faut placer deux fonds de couleur sombre parallèlement à une cloison vitrée, à 1 mètre de cette dernière et à lm,75 l'une de l'autre, puis étendre au-dessus un voile noir, ou, d'une manière générale, une étoffe ne réfléchissant pas la lumière et qui fait l'effet d'un toit sur les deux fonds. A 1 mètre de l'une des ouvertures de cette sorte de tunnel on dispose un

écran parfaitement blanc, de façon qu'il soit suffisamment éclairé. Les dimensions de ce fond blanc doivent correspondre à celle de l'entrée du tunnel, ou être un peu plus grandes. On place alors la personne à photographier au milieu du tunnel, la figure regardant vers un des fonds parallèles et assez près du fond blanc, de manière que le côté du visage qui regarde l'objectif soit autant que possible dans l'ombre. »

Ce dispositif, ainsi qu'on peut en juger par cette description, est un dispositif commode à l'atelier et pouvant servir lorsqu'on n'a point le soleil à sa disposition.

La grosse affaire dans les pholosilhouettes, quand elles sont en pied, consiste à éviter que les chaussures ne se confondent avec le sol. M. Stumman recommande à ce sujet de faire « monter les personnes à photographier sur une forte

Dispositif de M. Stumman.

AA'. Vitrail de l'atelier. ^- BB 1, CC. Cloisons noires tonnant le tunnel. DDr. Écran blanc servant de fond, -r- S. Emplacement du sujet à photographier. — 0. Emplacement de la chambre noire.


174 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

plaque de verre à glace reposant de droite et de gauche sur des petits supports de 0m,20 de haut et l'on étend sur le plancher une bande de toile blanche passant sous la plaque de verre et allant jusqu'au fond blanc, en ayant soin qu'il ne se produise aucun pli. Les petites ombres projetées par les pieds peuvent être facilement enlevées au retouchage. »

En principe, le développement des photosilhouettes s'opère comme tout développement de phototypes ordinaires et avec n'importe quel révélateur. Toutefois, il est bon de remarquer, que ne cherchant pas dans ce genre à obtenir des demi-teintes mais au contraire une opposition très tranchée de blanc et de noir, mieux vaudra se servir des révélateurs qui donnent généralement dur. On ne devra pas craindre même d'augmenter sensiblement les doses du modérateur dont on se sert d'habitude, de façon à donner aux noirs du phototype la plus grande opacité possible, sans qu'il soit nécessaire de pousser le développement trop à fond, afin de conserver les blancs plus purs.

Au besoin, on augmentera l'opposition par un renforçage vigoureux au bichlorure de mercure.

En un mot, il faut que le phototype présente l'image de la silhouette absolument transparente sur un fond entièrement noir. Les plaques donnant dur et sec seront, par cela même, les meilleures pour ce genre de travail.

Toutes les opérations pour atteindre ce but proposé peuvent donc se résumer ainsi : pose courte; bain concentré, très chargé de bromure et développement rapide.

LE PORTRAIT SCULPTURAL

Parmi les fantaisies relatives au portrait photographique il en est une fournissant des résultats surprenants et très artistiques en somme. Je veux parler du portrait scidptural. En d'autres termes, d'un portrait qui, pris directement sur la personne, reproduise, presque à s'y méprendre, la photographie d'un buste de cette même personne.


LE PORTRAIT SCULPTURAL. 175

- Point n'est besoin de beaucoup d'accessoires pour obtenir ce résultat. Un fond noir ordinaire et un piédestal de bois travaillé ou de carton peint suffisent. A défaut.de piédestal complet, un simple socle posé" sur une table remplira le même but.

Devant le fond noir, à une légère distance, vous placez votre piédestal»- Cette distance mesurera quelques décimètres seulement. En d'autres termes, elle doit être nécessaire et strictement suffisante pour permettre au modèle de se glisser et de se tenir entre les deux objets. Afin de rendre cet espace moindre encore, alors qu'on n'emploie pas en, guise de piédestal un cartonnage ni plan ni colorié ni découpé on peut se servir d'un piédestal coupé suivant sa médiane verticale. Cette petite précaution a son importance. Les trois parties de l'oeuvre : piédestal, sujet, fond, se trouvant sur trois plans différents, il importe, en effet, qu'ils soient le moins éloignés possible afin d'amoindrir les différences de perspective et d'éclairage, dues à leurs positions respectives .

Le modèle, entièrement vêtu de blanc, sera préalablement poudré. Ce petit grimage préparatoire demande un soin tout particulier. S'il est mal fait, mal fondu, s'il présente des places non couvertes, au lieu d'avoir les blancheurs laiteuses, les ombres transparentes du marbre blanc, l'épreuve se présentera comme écaillée, avec des touches plus ou moins sombres ou des placards crus, provenant des roses ou des jaunes des chairs mal couvertes, ou de la poudre inégalement répandue sur la chevelure. Pour la figure, le cou et la poitrine, il sera bon d'estomper doucement la poudre avec une patte de lièvre. Pour les cheveux, vous ferez bien de consulter les estampes du xvufsiècle vous montrant quelque merlan, en train de poudrer à frimas une dame de la Cour. Vous y verrez comment il manie sa houpette en se donnant de petits coups secs sur le coude du bras qui la tient.

Soit que vous éleviez le piédestal par un moyen quelconque, soit que vous fassiez monter votre modèle sur des


176

LES; NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

tabourets, vous aurez avant tout à vous préoccuper de placer l'un et l'autre de façon que la courbe du buste s'amorce, au mieux du possible, sur le socle du piédestal.

Cette opération terminée mettez au point, sans trop d'exactitudepour

d'exactitudepour une certaine douceur dans les contours et posez un peu plus que le temps normal pour vous permettre, à l'aide d'un développement bien conduit, d'arriver à un phototype négatif ne présentant aucune dureté. Lorsque le cliché sera sec, prenez une pointe d'acier fine, très rigide et promenez-la sur le côté de la gélatine, en cernant les contours de la tête, du buste et du piédestal. Vous mouillerez alors au pinceau toutes les parties qui se trouvent en dehors de

Portrait sculptural.


LE PORTRAIT SCULPTURAL. 177

cette partie réservée. La gélatine se gonflera, et, grâce à la ligne isolatrice que vous venez de tracer, vous pourrez la supprimer facilement et complètement de la plaque. Cette suppression laissera à nu tous les endroits qui doivent être noirs dans la photocopie positivé. Si, chose rare par le temps qui court, vous employiez le procédé au collodion humide au lieu de celui au gélatino-bromure d'argent, vous aiguiseriez l'eau avec de l'acide chlorhydrique. La proportion 5 pour 100 suffit.

Pour atténuer la sécheresse des contours ainsi obtenus, vous aurez à retoucher légèrement au pinceau le phototype ou la photocopie, suivant qu'il vous semblera préférable d'agir sur celui-là ou sur celle-ci.

D'autres moyens encore peuvent amener au même but. Par exemple, vous pouvez faire sur un fond quelconque le portrait de la personne seule et, sur une seconde plaque, celui du pédestal placé exactement au même point que la personne. Dans ce cas, l'éclairage des deux objets sera rigoureusement le même. Vous tirerez une photocopie positive de chacun de ces clichés, après les avoir finement découpées, suivant les besoins de l'oeuvre que vous voulez obtenir, vous les collerez sur un carton noir de façon à former l'ensemble désiré, et vous les raccorderez avec un pinceau chargé d'un mélange d'encre de Chine et de carmin. Il vous restera alors à photographier le tout. Pour cela vous emploierez une chambre noire à long tirage, car il ne faut pas oublier qu'une image ne se reproduit en vraie grandeur sur le verre dépoli qu'au moment où elle se trouve éloignée de lui d'une distance égale à quatre fois la longueur focale de l'objectif.

Possédez-vous un cliché du piédestal? Voici encore une troisième façon d'opérer. Faites poser votre modèle devant un fond noir en mettant dans votre chambre noire un carton présentant Une découpure en poire, et exactement encastré dans le dernier pli du soufflet, c'est-à-dire celui qui se trouve le plus près possible du châssis. Vous aurez ainsi le buste seul de votre

23


178 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

sujet. En faisant le tirage de la photocopie, vous appliquerez au-dessous de ce buste une cache, représentant la silhouette du piédestal, et vous tirerez ensuite celui-ci par une seconde impression, en vous servant d'une contre-cache, faite exactement à l'inverse de la cache primitive.

De ces trois moyens, me direz-vous, quel est le meilleur? Tous sont également bons. Usez de celui qui vous semblera le plus commode ou avec lequel vous aurez obtenu le résultat le plus parfait.

DEVELOPPEMENT A LA FUMEE DU TABAC

Déjà, en 1840, Herschel donnait le principe de ces fameuses photographies magiques, qui, je m'en souviens, me causaient tant d'étonnement quand je.portais sur le dos la tunique de lycéen. J'achetais des paquets de petits carrés de papier blanc, je trempais ces pietits carrés dans l'eau et, peu à peu, je les voyais, avec une joie extrême, se couvrir d'une image photographique. Je crois, ma parole, que j'en tirais quelque vanité. Une somnambule bien voyante aurait peut-être lu dans le coin le plus intime de mon être cette pensée, que j'avais encore la pudeur de ne pas exprimer : « Je suis photographe. »

Aujourd'hui la photographie m'occupe, me passionne jiour de bon. Je ris bien haut de mes JDrétentions de lycéen.

Ces photographies magiques se trouvent toujours dans le commerce. On peut les fabriquer soi-même pour la plus grande satisfaction de ses amis. Il suffit d'imprimer un phototype sur du papier sensibilisé au chlorure d'argent, selon la manière ordinaire. Quand l'insolation paraît suffisante on fixe la photocopie, sans virage préalable, dans une solution aqueuse d'hyposulfite de soude à 10 pour 100, et on lave à grande eau. En tout temps l'élimination de l'hyposulfite se montre comme une nécessité. Ici cette nécessité est primordiale. Pour rendre la photographie invisible, il


DÉVELOPPEMENT A LA FUMÉE DU TABAC.

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faut, en effet, la tremper clans une solution aqueuse de bichlorure de mercure à 5 pour 100, et vous savez tous combien l'hyposulfite de soude et le bichlorure de mercure sont mauvais camarades. Lorsque sous l'action blanchissante du bichlorure de mercure l'image a complètement disparu,

vous lavez abondamment, vous séchez et vous collez sur les bords et par derrière un morceau de buvard blanc, coupé exactement à la grandeur de l'épreuve, et préalablement trempé dans une solution concentrée de sulfite de soude.

Lorsque l'ami à qui vous avez offert ce petit carré de papier tout blanc en apparence, vient à le plonger dans une cuvette remplie d'eau, que se passe-t-il? L'eau pénètre

Développant son épreuve.

I. Le poric-cigarc fermé. — 2. Le porte-cigare ouvert. — 3. L'image développée.


180 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

rapidement le papier buvard, dissout le sulfite de soude qu'il contient, et celui-ci agissant sur le bichlorure de mercure fait réapparaître l'image primitive.

Plus tard, quelque temps après l'Année Terrible, si ma mémoire est fidèle, j'ai vu apparaître un procédé de ce genre, mais plus amusant clans son emploi. C'était le développement à la fumée de tabac. Il a eu la vogue un peu bien éphémère de tous les jouets nouveaux. Je le croyais pour ma part tombé depuis longtemps en oubli, lorsque tout dernièrement le Scientific American s'est mis à. nous l'annoncer comme une nouveauté faisant fureur au delà de l'Atlantique. Evidemment, en venant de l'étranger, on va la prendre pour une chose nouvelle et exotique. C'est l'éternelle histoire de bien des choses et des distractions en particulier. Je citerai, en exemple, le billard, le croquet et le lawn-tenies.

Comme clans le cas des photographies mystérieuses développables à l'eau pure, le phototype est imprimé sur un papier au chlorure d'argent et l'image blanchie, après fixage et sans virage, dans une solution de bichlorure de mercure. Il se produit un chlorure d'argent et un protochlorure de mercure qui sont blancs et rendent la photocopie invisible. Si l'on roule ces papiers pour les introduire dans un brûle-cigarettes à double corps, et que l'on se mette à fumer, les vapeurs ammoniacales de la fumée de tabac développeront l'image en noir.

CARTES ET MENUS DE DINER

Les cartes et les menus de dîner ont pris une extension considérable. Même clans l'intimité on en rencontre sur l'assiette de chaque convive. C'est une mode effrénée, mais aussi fort gracieuse. Gomme la maîtresse de la maison n'a pas toujours une fille, trop heureuse d'occuper ses loisirs à décorer de petits morceaux de bristol, l'industrie s'est emparée de cette mode et, la chromolithographie aidant, elle


CARTES ET MENUS DE DINER.

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nous débile clos cartes et des menus, à bon compte, souvent même d'un goût exquis. La plus modeste boutique à bibelots en a toujours clos douzaines à nous offrir, aussi

bien sur les plaies-formes de la Tour de 300 mètres que dans les galeries de l'Exposition internationale de photographie.

Dans ce dernier endroit, cependant, les cartes et les menus auraient dû revêtir, à mon sens, un caractère particuMcnu

particuMcnu dinor. MADEMOISELLE POLICHINELLE (Phototype de l'auteur.)


182 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

lier. Au lieu de simili-dessins à la plume ou à l'aquarelle, j'espérais rencontrer des photocopies. C'était bien le moins, avouons-le, car la photographie se prête admirablement à la variété de cette fantaisie. Vous tous qui me lisez et maniez plus ou moins artistiquement la chambre noire, je vous engage fort à n'offrir à vos convives que des cartes et des menus obtenus d'après vos phototypes. Vous leur offrirez au moins quelque chose de personnel et qui n'aura point la banalité du déjà vu.

Rien de plus simple d'ailleurs. Même dans des phototypes 13 X 18, mal venus dans certaines parties ou tachés dans d'autres, vous pourrez presque toujours trouver le motif d'une carte ou d'un menu, au cas où vous ne voudriez pas exécuter des phototypes spéciaux pour ce genre de travail. Il suffit de coller au dos du phototype une cache présentant une ouverture légèrement inférieure à la surface de la carte ou du menu. Pour la carte vous collerez également, au dos du même phototype, une petite bande de papier aiguille en travers du ciel ou du terrain, de façon à réserver un blanc destiné à recevoir le nom du convive. Pour le menu, cette bande sera suffisamment large et longue afin que l'espace blanc réservé suffise à l'inscription des différents services.

Le parfait du genre, en ce qui concerne les menus, consiste à composer des sujets présentant, dans leur ensemble, une surface blanche ou à peu près, permettant cette inscription sans l'emploi de la cache. Un mur, un drap, un battant de porte ou un volet de fenêtre pourra servir.

Les photocopies devront être tirées sur un papier susceptible de recevoir une inscription manuscrite. Le procédé au ferroprussiate s'offre comme le plus simple et le plus économique. On lui reproche de ne pas donner toutes les finesses. Je le veux bien. Toutefois avec des phototypes bien détaillés, très denses et une insolation vigoureuse on obtient des photocopies suffisamment fines et modelées.

Le papier au ferroprussiate coûte si bon marché qu'il


CARTES ET MENUS DE DINER. 183

ne vaut pas la peine qu'on le fabrique. Cette fabrication cependant ne présente aucune difficulté. Vous faites dans de l'eau filtrée une solution de citrate de fer ammoniacal à 37,5 pour 100 et une autre de ferrocyanure de potassium (prussiate jaune de potasse) à 23,5 pour 100. Vous filtrez ces solutions et vous les mélangez dans une cuvette bien propre à raison de quatre parties de la première pour six parties de la seconde. Vous y plongez pendant une minute une feuille de papier à grain fin et vous la faites sécher dans l'obscurité, où elle peut se garder fort longtemps. L'insolation s'effectue comme à l'ordinaire et est jugée suffisante lorsque le papier prend une teinte vert gris et que les grandes ombres apparaissent violacées. L'image est alors lavée à grande eau, bien à fond, séchée au soleil, si possible, et apparaît nettement en bleu sur blanc. Pour que les blancs soient plus parfaits et la teinte bleue moins crue, on peut ajouter à l'eau de lavage quelques gouttes d'acide chlorhydrique ou d'eau de Javelle.

Préférez-vous une iniage noire? Plongez quelques instants votre photocopie dans un bain acidulé d'acide azotique et mettez-la dans une solution aqueuse de carbonate de soude à 4 pour 100. L'image disparaîtra peu à peu pour reparaître ensuite orangée. Vous l'immergerez alors dans une solution aqueuse d'acide gallique à 4 pour 100 et elle deviendra noire.

Les formules sont aussi nombreuses que variées pour l'obtention des tons noirs. Le carbonate de soude et le tanin, l'azotate d'argent et l'oxalate ferreux donnent également de bons résultats.

Pour ma part, je donne la préférence aux épreuves bleues du papier au ferroprussiate virées au ton neutre violacé. Elles sont toujours d'un très joli effet. J'emploie pour cela des formules que j'ai trouvées dans le Scientific American. ,

On prépare trois solutions :

1° Eau : 500 centimètres cubes; acide chlorhydrique : 3 à 4 gouttes ;


184

LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

2° Eau : 500 centimètres cubes ; ammoniaque : 5 à 10 gouttes;

3° Eau : 500 centimètres cubes ; alun : 62 grammes ; acide tahnique : 4 grammes.

L'épreuve, retirée du châssis-presse, est plongée dans la solution 1 jusqu'à parfaite obtention des blancs, puis dans la solution 2 qui les éclaircit encore et fait tourner le bleu

au lilas. L'immersion dans ce bain demande à être surveillée. Si elle était trop prolongée les détails de l'image disparaîtraient. Quand les bleus sont légèrement violâtres on plonge l'image cinq à six minutes, face en l'air et au soleil si possible, dans la solution 3 et on la replonge de nouveau dans la solution 2, où elle passe du bleu au violet et à la teinte neutre.

Une bonne pratique consiste à faire deux solutions 2. L'une au minimum pour la première immersion ; la seconde au maximum pour le virage. En effet, plus ce virage se fait rapidement mieux les blancs sont conservés. J'ai voulu faire l'expérience avec un bain faible. Après un séjour de douze heures dans ce bain, l'épreuve a parfaiteCarte

parfaiteCarte dîner. LA PLAGE DE VILLEIIS (Phototype de l'auteur.)


LES PORTRAITS EN COQUILLES. 183

ment viré à la teinte neutre, mais les blancs avaient pris une tonalité jaunette.

La coloration en teinte neutre rappelle beaucoup celle du papier salé sensibilisé à l'argent et viré, à l'or.

Quel que soit, d'ailleurs, le procédé de tirage employé, vous aurez toujours des cartes et des menus bien à vous, originaux, et qui ne manqueront pas de plaire à-vos convives.

LES PORTRAITS EN COQUILLES

La photographie par double, triple ou multiple impression peut rendre des services. Je sais bien qu'il est certaines écoles, surtout en Angleterre, qui préconisent l'emploi de la double impression au point de vue de l'art, en ce qui concerne principalement le ciel dans le paysage. J'ai exposé tout au long cette manière de faire 1. Je la prise peu. Par un développement habile et un révélateur souple, donnant de la transparence aux grands noirs du phototype, comme le pyrogallo-iconogène, par exemple, je trouve qu'il vaut mieux obtenir un seul et même cliché, présentant à la fois le paysage et le ciel qui lui est propre. Les expériences que j'ai continuées en ce sens, depuis l'apparition de l'exposé que je rappelle, m'ont confirmé que la chose était le plus souvent possible, pour ne pas dire toujours, même en travaillant à contre-lumière et avec une pose prolongée.

J'estime donc, pour ma part, que l'impression multiple doit être employée seulement dans les fantaisies photographiques. Je vous en ai présenté quelques exemples dans les précédents chapitres. En voici un autre où l'on peut donner libre carrière à l'ingéniosité. Il consiste à représenter un portrait dans un coquillage, lequel se détache lui-même sur un fond quelconque qui ne soit ni noir ni blanc. Dans ce dernier cas, deux impressions

1. Voir La Théorie, la Pratique et. VArt en photographie, p. 363.

2'i


186

LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

suffisent ; autrement il en faut trois. A moins que Ton emploie la méthode des découpages pour la réobtention d'un cliché unique.

On comprend qu'une personne ne puisse poser dans un

coquillage et que celui-ci ne puisse se tenir en équilibre dans l'espace par la simple force de la persuasion ou par sa participation invraisemblable au système de la gravitation universelle. Il faut donc obtenir d'abord un phototype de la personne, puis un phototype du coquillage et enfin un phototype du fond. Soit une tète de femme, une conque et une marine.

On insole d'abord la marine en ayant soin de la munir

Portrait en coquille avec fond nuageux.


LES PORTRAITS EN COQUILLES. 187

d'une cache ayant exactement la forme delà conque. Puis on cache la marine pour insoler la conque dans sa place de réserve, sans toutefois oublier de réserver dans celle-ci la place que la tête de femme devra prendre par une troisième insolation. On vire, on fixe, on sèche, on monte sur carton, on cylindre et on fait les raccords au pinceau, avec des couleurs très fortement gommées ou délayées à l'albumine, pour leur conserver un brillant égal à celui du cylindrage.

Si l'on ne veut pas, pour la même personne, varier à chaque épreuve le fond et la coquille, on peut dès lors retirer en vraie grandeur un phototype de cette photocopie et les nouvelles photocopies seront, dorénavant, tirées par une seule et même insolation.

Dans l'espèce, d'aucuns, craignant les délicatesses de manipulations ^causées par les repérages des trois insolations, préfèrent tirer chaque épreuve à part, découper la conque, pour la coller sur la marine, et la tête pour la coller sur la conque, puis retirer un phototype après avoir raccordé au pinceau. Cette manière de procéder est cependant encore délicate. Elle ne se sauve que par sa rapidité ; mais les épaisseurs des papiers superposés se voient toujours un peu et l'épreuve finale n'a ni le moelleux ni le fondu de celle obtenue par le premier procédé.

Lorsqu'on opère sur un fond blanc ou noir, l'insolation, comme je l'ai dit, peut n'être que double. En effet, le phototype portant le coquillage est immédiatement arrangé pour l'un de ces fonds.

Doit-il être noir?

Vous couvrez l'image de la coquille d'un vernis ou de vaseline, vous trempez le phototype dans un bain réducteur jusqu'à transparence parfaite du fond et vous enlevez, après lavage, vaseline ou vernis avec de la benzine. La méthode demande du soin. Vous pouvez aussi, comme je vous l'ai indiqué pour le portrait sculptural, cerner avec une fine pointe l'image de la coquille,


.188 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

et, après avoir fait tremper le phototype dans l'eau, enlever, au grattoir, toute la gélatine qui entoure cette image.

Doit-il être blanc?

Vous badigeonnez avec une solution épaisse et gommée de vermillon tout l'envers du cliché, l'image de la coquille exceptée, ou vous découpez dans du papier aiguille l'image de cette coquille pour former une cache que vous collez au dos du phototype. Cette manière d'opérer, tout en vous fournissant le fond blanc, vous donne le cliché nécessaire pour le cas des trois insolations successives, puisque vous êtes obligé de masquer, par

Portrait en coquille avec fond de paysage.


CONSTRUCTION D'UN OBTURATEUR. 189

une cache, la première insolation qui vous a donné le paysage.

Cette petite fantaisie, habilement traitée, peut fournir des portraits revêtant, dans leur genre, un certain caractère artistique.

CONSTRUCTION D'UN OBTURATEUR A DOUBLE GUILLOTINE

Pour beaucoup, les obturateurs à bon marché sont encore d'un prix relativement élevé. Avec des règles plates, une poire de caoutchouc et une lame d'acier, on peut aisément fabriquer soi-même une guillotine à chute libre et à déclenchement pneumatique. Toutefois, sans grandes dépenses supplémentaires, on peut également construire un obturateur beaucoup plus perfectionné, comme par exemple un obturateur à double guillotine.

Pour cela, prenez deux lames de bois mince, provenant si vous le voulez, d'une bonne règle plate, dont vous proportionnerez les dimensions en largeur et en hauteur, suivant l'objectif sur lequel l'obturateur doit être placé. Exactement au centre, de chaque morceau vous pratiquerez une ouverture circulaire, ou mieux biconcave ', dont le diamètre sera égal à celui de la lentille de l'objectif. Cette opération terminée vous clouerez ou collerez de petites bandes de bois le long des côtés de l'un des morceaux. Les bandes des petits côtés devront être un peu plus larges que celles des grands. Ces bandes, avant d'être définitivement ajustées, seront alors entaillées comme on le voit en A, B et C {pZg. 3). La cavité A recevra une petite poulie de laiton qui y tournera librement. Toutefois, cette poulie peut, à la rigueur, être remplacée par un fil de métal bien rigide et bien droit. Néanmoins, je préfère la poulie. Elle actionne mieux le mouvement de l'obturateur. En B, on fixe une petite lanière de caoutchouc. Dans l'entaille C vous logerez un crochet

1. Voir La Théorie, la Pratique el l'Art en photographie, page 90.


190 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

d'arrêt D mobile autour d'un jnvot E. Vous obtiendrez aisément ce crochet en découpant une feuille de laiton en morceaux suivant la forme indiquée par les lignes pointillées de la figure 3. Au besoin, vous renforcerez l'extrémité supérieure

supérieure ce crochet en y soudant un autre morceau de métal. Pour que ce crochet puisse presser constamment contre la guillotine, vous introduirez une lame de ressort dans l'encoche G.

Ce travail préalable exécuté, et les quatre bandes clouées et collées, vous possédez ainsi une sorte de boîte peu profonde, et les fils métalliques ressortant par les trous F, F, sont

Construction d'un obturateur à double guillotine. Fig. ■]. Fig. 2.


CONSTRUCTION D'UN OBTURATEUR. 191

coudés et crochis pour être rendus fixes. Ce dépassement des fils permet un ajustement plus facile.

Pour faire la double guillotine, vous prenez des lames minces d'éboniteou de toute autre substance similaire, G, G.

Construction d'un obturateur à double guillotine. Fig. 3. Fig. /,.

Ces lames mesurant les deux tiers de l'obturateur environ sont placées l'une sur l'autre et percées d'une ouverture circulaire ou biconcave du diamètre de celle pratiquée au centre de la boîte.

Un des bords de la guillotine inférieure doit être entaillé de façon à permettre au crochet d'arrêt de s'y loger et de la maintenir. De plus, l'angle de la guillotine, du côté du cro-


192 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

chet, est abattu afin qu'elle puisse passer sans arrêt devant le crochet que le ressort rabat après le déclenchement. Dans un trou pratiqué au centre de la partie supérieure de cette guillotine on introduit et on fixe à l'extrémité une petite mais forte corde, qui vient passer en dessus, en dessous et autour de la poulie, pour se fixer par son autre extrémité à la partie supérieure de la seconde guillotine.

En tendant cette corde, il faut prendre soin que les trous des guillotines et les bords extérieurs de la boîte soient en parfaite coïncidence. Ceci demande une certaine patience. Toutefois, il ne faut pas oublier que de cet ajustement dépend le bon fonctionnement de l'appareil.

On pratique ensuite une entaille dans la partie inférieure de la guillotine du dessus, et on y passe une lanière de caoutchouc H que l'on fixe en B. Plusieurs entailles peuvent être pratiquées à des hauteurs différentes, pour permettre de changer, en cas de besoin, la longueur du caoutchouc et faire varier la vitesse de l'obturateur. Suivant, d'ailleurs, l'épaisseur et l'élasticité du caoutchouc, cette vitesse peut être encore modifiée.

Une petite corde partant de l'extrémité inférieure de la première guillotine, traversant la bande inférieure de l'obturateur et munie d'un noeud d'arrêt à longueur voulue, sert à armer l'appareil.

On ferme alors la boîte avec la seconde planchette que l'on munit d'un collier permettant d'adapter ce système sur le parasoleil d'un objectif (fig. 2).

Pour faire fonctionner l'obturateur on tire la ficelle I jusqu'à ce que le crochet d'arrêt D s'engage clans l'entaille de la guillotine. L'obturateur est dès lors armé (fig. 3).

Veut-on opérer?

On presse la partie extérieure du crochet d'arrêt. Les deux guillotines sont alors rapidement tirées en sens inverse par la bande de caoutchouc, et l'exposition a lieu durant le passage des ouvertures devant l'objectif.

Veut-on se servir de cet obturateur pour la pose?

On tire simplement la ficelle I jusqu'à ce que l'obtu-


COMMENT ON FAIT UNE CUVETTE. 193

rateur soit ouvert. On le maintient ainsi tout le temps nécessaire, et on continue à tirer jusqu'à ce que le crochet d'arrêt rentre clans son entaille.

COMMENT ON FAIT UNE CUVETTE

Avec le goût qui se prononce de plus eiï plus pour la projection et, avec les objectifs très perfectionnésque l'on possède,

on en arrive à ne se servir que de chambres noires de petite dimension. Les formats 18x24 et au-dessus sont de fait lourds et encombrants. Avec eux on ne peut aller à la recherche du motif qu'accompagné d'un vigoureux porteur ou suivi d'une petite voiture à âne. On ne saurait donc guère en vouloir à l'artiste de les délaisser complètement. Il est d'ailleurs si facile aujourd'hui d'agrandir les phototypes que l'on obtient avec eux, et les papiers au gélatino-bromure d'argent simplifient tellement les manipulations de ces agrandissements, que nous pouvons considérer ce mode d'opérer comme très pratique. A la condition cependant que

25

Détails pour la construction d'une cuvette.


194 LES NOUVEAUTÉS. PHOTOGRAPHIQUES.

que les phototypes d'origine soient obtenus au moins avec une chambre noire 13x18 munie d'un objectif présentant une distance focale de 20 centimètres au minimum. Avec une distance focale plus courte, les lignes perspectives, en effet, prennent des directions désagréables à l'oeil.

Toutefois, ce qui retient souvent l'amateur dans la voie des agrandissements, c'est le plus souvent une question très secondaire. Il n'a pas de cuvettes pour telle ou telle dimension, et il ne veut absolument pas grever son budget, pour acheter des cuvettes de différents grands formats, que le commerce, il faut bien l'avouer à la décharge de l'artiste, lui vend à des prix exorbitants.

Rien de plus simple cependant que de faire soi-même, et à bon marché, des cuvettes répondant aux différents besoins du moment. Je crois que mes lecteurs me sauront gré de leur en indiquer les moyens plus ou moins connus déjà de beaucoup de praticiens.

Suivant la dimension de la cuvette que vous voulez confectionner, prenez une feuille de carton blanc et d'autant plus fort que la cuvette à faire est plus grande. Vous tracez un rectangle dont les côtés soient distants de 3 centimètres environ des bords du carton, ainsi que l'indiquent les lignes ponctuées de la partie supérieure de la figure ci-contre. Avec des ciseaux, ou mieux avec un canif bien aiguisé, vous entaillez les angles, comme l'indique la même figure, et vous pliez le carton suivant les lignes ponctuées. On maintient et on consolide les angles de la cuvette soit à l'aide de petites attaches métalliques vendues dans le commerce pour coudre les cahiers de papier ou bien avec des morceaux de fort calicot collés en dedans et en dehors. On obtient ainsi une cuvette semblable à celle que représente la partie inférieure de notre figure.

Il ne reste plus, pour acheverTa cuvette, qu'à la rendre parfaitement étanche. Il suffit pour cela de boucher hermétiquement les pores du carton et du calicot. Le plus simple pour atteindre ce but est d'employer la paraffine. Deux manières d'opérer se présentent. Toutes les deux donnent


COMMENT ON FAIT UNE CUVETTE. 195

de bons résultats. La première consiste à faire fondre de la paraffine dans une grande cuve et à y plonger entièrement la cuvette confectionnée. La seconde consiste à mettre dans la cuvette de petits morceaux de paraffine, ou mieux des copeaux, et à promener au-dessus un fer chaud, de façon à bien recouvrir le carton d'une couche de matière fondue, dont on peut d'ailleurs toujours égaliser l'épaisseur avec le fer chaud.

11 est loisible, sans le moindre inconvénient, de laisser une notable partie de la paraffine dans les angles, pour en mieux souder les jointures.

Si vous n'avez pas de paraffine brute à votre disposition, il vous sera toujours aisé de vous procurer une bougie faite avec cette matière et elle vous rendra le même service.

Ce moyen d'ailleurs n'est pas. le seul que l'on puisse employer. Vous pouvez, par exemple, composer un enduit avec parties égales de gomme laque en poudre et de glu marine, dissoutes dans de l'alcool méthylique, vulgairement dénommé esprit de bois. Ou encore en vous servant de celluloïd, soit que vous possédiez des objets détériorés faits de cette matière, soit que vous ayez des clichés gâtés, où le celluloïd serve de support.

Dans ce dernier cas vous les faites tremper dans une solution de soude caustique pour forcer la couche de gélatine à se détacher, puis vous mettez le celluloïd à dissoudre dans cinquante fois son volume d'acétate d'amyle. Vous obtenez ainsi un enduit facile à étendre et qui, au bout de quelques jours, devient parfaitement sec et dur comme de l'ivoire. Avant l'usage vous pouvez, si bon vous semble, colorer cet enduit en noir ou en rouge, avec du noir de fumée ou de la fuchsine. Quand vous voudrez employer une cuvette ainsi fabriquée, vous devrez, si elle est grande et le carton peu épais, la poser sur une planchette un peu plus grande, afin de pouvoir la manier sans courir les risques de la voir se gondoler sous le poids du liquide que vous y verserez.


-196 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

On devrait d'ailleurs avoir toujours dans le laboratoire une planchette de ce genre, montée sur des arcs de cercle, comme les chevaux de bois des enfants, ce qui permet d'agiter le bain, suivant le besoin.

LANTERNE BOITE A CIGARES

Lorsqu'on part en voyage avec l'intention de développer ses plaques au jour le jour, la question de la lanterne à. emporter n'est pas une des moins grosses préoccupations. Le verre est chose fragile, en général, et le verre rouge,- en particulier, ne se rencontre pas partout où l'on va. Or, sans lanterne, pas de photographie possible. A la rigueur, on peut charger ses châssis clans l'obscurité complète; mais le développement des plaques ne saurait se faire sans lumière, .lésais bien qu'en ajoutant au bain une matière qui le colore en îxmge on peut, au besoin, développer à une assez grande distance de la flamme d'une bougie dont les rayons directs sont interceptés par une feuille de carton, ou bien encore à la lumière du jour très affaiblie. Toutefois, lorsqu'il s'agit de plaques demandant une certaine longueur de développement, les manipulations deviennent extrêmement délicates pour éviter le voile. Surtout clans le cas de l'instantanéité ou celui de sous-exposition montre son ombre quoi qu'on fasse. Tout considéré, mieux vaut donc employer la lanterne rouge.

Je trouve dans The American annual pholography de New-York un système de lanterne très propre au voyage et d'une construction facile pour un amateur adroit. Tout d'abord, le verre n'existe pas. Donc aucun danger de casse. Quant à la matière première ou mieux au corps même de la lanterne, on le trouve partout attendu qu'il se compose d'une simple boîte à cigares et que le plus modeste village de France donne asile à un marchand de tabac.

Or, achetez une boîte à cigares vide. Collez sur l'un des côtés du couvercle une étroite bande d'étoffe noire ou rouge


ANTERNE BOITE A CIGARES.

197

de façon à former charnière. Au centre de la planchette du fond, percez une ouverture carrée ou circulaire sur laquelle vous tendrez, avec de la colle ou des petits clous, un papier rouge orangé auquel vous pourrez même donner un peu plus de transparence qu'il n'en a lui-même en le frottant

avec un peu d'huile ou en le trempant dans de la paraffine fondue. Il peut même être préalablement encollé et silicate pour le rendre absolument incombustible. A une légère distance de l'un des petits côtés, clouez une petite planchette ou collez un fort carton, destiné à supporter la bougie.

Pour que celle-ci soit suffisamment alimentée d'air, placez sur cette planchette, à égale distance du centre, deux fentes rectangulaires, et percez-en une également sur chaque côté latéral de la boîte, entre la planchette et le bord inféLanlciiie

inféLanlciiie à cigares ouverte.


198 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

rieur. Afin de donner du tirage à ces prises d'air, vous échancrerez la partie supérieure du couvercle, et vous poserez au-dessous et à angle droit une petite lamelle de zinc, ou de tout autre métal souple que vous aurez sous la main. Cette lamelle empêchera non seulement les rayons blancs de sortir par l'échancrùre du couvercle, mais encore elle permettra à votre lumière de brûler sans mettre le feu à l'appareil.

Cette lumière se composera d'un simple bout de bougie. Cependant pour rendre votre lanterne parfaite, en permettant à la flamme de rester constamment au même niveau, je vous engage à mettre votre bougie dans une souche. On désigne ainsi un petit tube de métal contenant un ressort à boudin, et dont on se sert, par exemple, pour l'éclairage des lanternes de voiture.

Pour peu que vous soyez un tantinet ébéniste, vous aurez vivement fait de donner à ce petit appareil, de première nécessité et de valeur nulle, un aspect charmant. Du papier de verre, un peu d'encaustique, et l'acajou de la manufacture des tabacs ne se reconnaîtra plus.

En somme rien de plus simple, vous le voyez, rien de plus facile à réparer en cas d'accident.

FIN DE LA TROISIÈME PARTIE.


QUATRIÈME PARTIE APPLICATIONS

L'AUTÔMATE-ENJALBERT

Tous ceux qui, au cours de l'année 1891, sont allés au Palais de l'Industrie visiter l'Exposition du travail; tous ceux qui se sont offert une promenade au Jardin d'Acclimatation; tous ceux qui ont passé devant la salle des dépêches du Petit Parisien, tous ceux qui ont fréquenté, en 1892 à la première exposition internationale de photographie ou dans d'autres lieux encore, ont été attirés par une foule nombreuse, stationnant, se pressant devant une borne de bois ou de métal assez semblable, à première vue, à l'un quelconque de ces instruments automatiques distribuant bibelots ou liquides, indiquant le poids du visiteur ou électrisant le curieux.

Il y avait bien de cela un peu. A seconde vue, l'attention se sentait vivement surexcitée. On se trouvait en présence d'un appareil automatique, il est vrai, mais absolument nouveau, et si surprenant par les résultats donnés, qu'on se demandait avec la meilleure foi du monde, si l'on n'était pas en présence de quelque tour de passe-passe.

De fait, comment résister à cette doutance?

Moyennant une pièce de 50 centimes, mise dans la fente d'une manière de tire-lire, l'appareil vous rendait, en quelques minutes, votre portrait photographie et son cadre ! !

Eh bien! il n'y a rien là que de très réel. Je pourrais presque dire de très naturel, car cet appareil automa-


200

LES NOUVEAUTES PHOTOGRAPHIQUES.

tique, construit par M. Enjalbert, est si parfait dans son fonctionnement qu'il semble, quand on l'a vu, d'une simplicité excessive. C'est le propre des chefs-d'oeuvre de paraître simples. L'Automate-Enjalbert est de ce nombre.

Cette nouveauté photographique, éminemment intéressante,

intéressante, déjà de quelques années. Elle n'en reste pas moins la grande nouveauté de l'heure présente, grâce à ces milliers de boisseaux qui se dressent autour des inventeurs, cherchant toujours à s'abattre sur les plus petites chandelles que les malheureux ont l'audace d'allumer. J'ai vu pour ma part l'Automate-Enjalbert à l'Exposition UniAspect

UniAspect de l'Automate-Enjalbert.


t; A U T 0 M A. TE- E N J A L B E R T.

201

verselle de 1889. Mais les boisseaux s'étaient abattus sur lui. En d'autres termes, il ne fonctionnait pas. Or l'Automate, dans son immobilité, a toutes les allures d'un sphinx:

on ne le comprend pas. Pendant qu'on laissait exploiter la Tour de 300 mètres, on s'opposait à l'exploitation de l'Automate-Enjalbert!... Mystère! D'aucuns profitaient de cette inaction commandée pour vous dire, avec cet aimable sourire ambigu des médiocrités envieuses : « Oh ! une chance!... Un coup monté par l'inventeur... Ça

26

Organes intérieurs de l'Aiilomale-Enjalborl.


202 LES NOUVEAUTES PHOTOGRAPHIQUES. ,

ne marche pas, cette machinette... Ça ne peut pas marcher!... »

Eh bien! cela pouvait marcher, cela marche, et M. Enjalbert, je n'hésite pas un instant à l'écrire, a fait un chefd'oeuvre d'ingéniosité et de mécanisme.

L'extérieur de son appareil, assez semblable comme je l'ai dit, à une borne, présente un objectif, flanqué à droite et à gauche d'un écusson et surmonté d'un cartouche contenant trois disques gradués, munis d'aiguilles. Quand on est placé sur le fauteuil de pose, bien appuyé à l'écran de fond, on voit que l'écusson de gauche présente une ouverture, dans laquelle on doit introduire la pièce de monnaie qui, par sa chute dans la caisse, mettra tout l'appareil intérieur en mouvement. Un petit mécanisme fait élever une plaque indiquant que la caisse est alors fermée. Elle restera ainsi tant que durera la première opération que je vous décrirai tout à l'heure. L'écusson de droite contient, en son centre, un point que l'on doit regarder pendant toute la durée de la pose. Cette durée éminemment variable, réglable et réglée suivant l'heure du jour et l'intensité de la lumière, se trouve visiblement marquée, pour le posant, par l'aiguille se mouvant dans le cadran central du cartouche supérieur. De plus, l'attention du posant est attirée et fixée par une sonnerie de timbre qui ne cesse de vibrer pendant la durée complète du temps de pose.

Ce qui se passe à l'intérieur, le posant ne le voit pas, cependant il peut suivre les diverses manipulations automatiques, grâce aux trois cadrans du cartouche, attendu que l'aiguille de chacun d'eux se meut pendant tout le temps que la plaque séjourne dans l'une des cases auquel le cadran correspond.

Si, en effet, nous enlevons le devant de l'appareil et que nous laissions pénétrer notre regard dans l'intérieur, nous constatons que l'âme agissante du système est un moteur électrique, que mettra en branle la chute de la pièce de monnaie en fermant un courant fourni par quatre accumu-


L'AUTOMATE-ENJALBERT. 203

lateurs logés à la base de l'appareil, et de plus qu'il existe, dans l'ensemble du mécanisme trois cases principales parfaitement indépendantes. Dans la première, en partant de la gauche de notre gravure, se fait le collodionnage ; dans la seconde, la sensibilisation et la pose; dans la troisième, le fixage, les différents lavages et l'expulsion définitive du portrait achevé.

Le procédé employé est la ferrotypie. Cadres et plaques sont superposés dans une colonne. Dès la mise en marche, un chariot, actionné par un levier recevant son mouvement d'une came, amène la plaque sur un électro-aimant qui s'en saisit, la présente à un comptegouttes qui déverse sur elle là quantité de collodion nécessaire, et va se replacer dans un récipient à niveau constant, fermant ainsi toute ouverture donnée à l'évaporation. Par des oscillations identiques à celles que produirait la main d'un habile opérateur, l'électro-aimant répartit le collodion sur la plaque, l'égoutte, le laisse évaporer à suffisance et la présente à un crochet qui s'en saisit et la pousse sur le support de la seconde case.

Un second électro-aimant s'empare de cette plaque collodionnée, la promène sur la surface d'uni bain d'argent et la présente à l'arrière de l'objectif.

Aussitôt la sonnerie se fait entendre. L'obturateur se déclenche et ne retombe qu'au dernier coup de la sonnerie.

La plaque impressionnée est alors ressaisie par un crochet et poussée sur le.support de la troisième case, où un troisième électro-aimant s'en empare et lui fait subir un mouvement giratoire, pour que les différents bains qu'elle doit recevoir soient reçus dans le sens de l'égouttement du nitrate d'argent. Point important dans le procédé au collodion humide, sans quoi il se formerait sur l'épreuve des taches indélébiles. Le développateur est jeté en biais sur la plaque par un tube de caoutchouc, puis la plaque passe sous un robinet de lavage en forme de pomme d'arrosoir aplatie, revient recevoir le bain fixateur, retourne au lavage,


204 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

revient une seconde fois au fixateur, retourne encore au lavage.

A ce moment Yélectro -aimant l'abandonne. Elle tombe sur un plan incliné, qui la conduit à l'extérieur. L'extrémité de ce plan est chauffée en dessous par une lampe à l'alcool, ce qui permet d'activer le séchage de l'épreuve.

Dès que la plaque entre dans la seconde case, une petite plaque indique que la caisse est de nouveau ouverte et qu'on peut y mettre une autre pièce de monnaie. Ainsi pendant qu'une première plaque se lave, une seconde peut être à la pose; une troisième au collodionnage.

C'est la preuve la plus évidente que les trois cases de l'appareil sont parfaitement indépendantes et qu'elles peuvent travailler séparément.

Les différents bains n'ont aucune influence les uns sur les autres. Non seulement, en effet, les plaques ne reviennent jamais en arrière, mais encore les crochets qui les poussent et les électro-aimants qui les prennent ne touchent jamais que les mêmes bains correspondant aux mêmes compartiments.

Quelles connaissances multiples il a fallu pour atteindre à cette merveille de construction ! C'est une gloire pour la France de l'avoir réalisée. L'Automate-Enjalbert peut gêner la réputation de clocher des importants pontifes de certaines petites églises, mais quoi qu'ils en disent et qu'ils fassent, c'est un chef-d'oeuvre qui honore celui qui Ta construit et le pays dans lequel il a été construit.

LA PHOTOTYPOGRAPHIE

Les publications illustrées prenant tous les jours de plus en plus d'extension sont tout naturellement venues demander à la photographie de leur prêter son concours. Celle-ci a si bien répondu à la demande que l'illustration lui en a su gré. Nous pouvons dès aujourd'hui constater


..'.. LA PHOTOTYPOGRAPHIE. . 20S

que, dans Un avenir très prochain, là photographie formera à elle seule toute l'illustration du livre. Certains imprimeurs retardent toutefois ce grand essor. Seules nos grandes maisons semblent connaître la manière de traiter ce genre d'illustration, aussi ne doit-on confier qu'à elles seules les travaux de cette espèce.

En voyant quelques-unes de mes photographies imprimées en plein texte dans La Théorie, la Pratique et VArt en Photographie, ni plus ni moins que de simples caractères, . combien se sont demandé comment la chose était faisable. Eh bien ! je vais satisfaire à leur légitime curiosité aussi brièvement, mais aussi clairement que possible.

D'après les bases de la terminologie photographique posées par le Congrès de 1889, et que j'ai énumérées en tête de ce volume, on donne le nom de phototypographie à tout procédé servant à transformer un phototype photographique en une gravure en relief pouvant être imprimée, avec toutes ses demi-teintes, sous la presse typographique ordinaire. Dans les ateliers, où la terminologie du Congrès n'a pas encore franchement pénétré, on nomme ce procédé indifféremment : similigravure, photogravure, phototypogravure, zincographie, autotypie, etc. Le Congrès a vraiment bien fait de décréter un seul et même mot.

La gravure en relief devant être tirée, comme je viens de le dire, sous une presse typographique ordinaire, ne pouvait et ne peut présenter de teintes plates. Elle ne doit offrir que des lignes ou des points. Or, la photographie, qui lui donne naissance, est essentiellement faite de teintes plates. La grande difficulté du procédé consiste donc à obtenir ces différentes teintes avec toutes leurs valeurs, soit par des lignes, soit par des points. Depuis l'invention de la photographie, on s'est beaucoup préoccupé de cette obtention. Je vous ferai grâce des divers moyens qui ont été proposés pour arriver immédiatement à l'un des procédés le plus généralement employé.

Les opérations principales se divisent en quatre parties :


206 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

1° Obtention d'un négatif portant une rayure;

2° Obtention du négatif phototypographique ;

3° Impression sur le métal, qui est le plus généralement du zinc ;

4° Travail des réserves et de la morsure à l'acide.

Aux débuts de la phototypographie, la première opération se présentait pleine de difficultés, et on lui dut la plupart des insuccès qui s'abattirent sur ce procédé. Il fallait, en effet, posséder tout d'abord une feuille de papier présentant, en impression, des lignes diagonales parfaitement pures, parfaitement interlignées, parfaitement régulières. Aujourd'hui, c'est la chose du monde la plus facile. Des machines à régler, éminemment parfaites, ont été inventées. On trouve dans le commerce les différents papiers que l'on désire. La difficulté n'est plus dans le mancjue de papiers, mais dans l'embarras du choix.

Ce papier est photographié. On emploie de préférence le procédé au collodion humide, parce qu'il est beaucoup plus transparent que le gélatino-bromure et qu'il permet l'obtention des plus grandes finesses. Ce phototype obtenu doit être d'une pureté et d'une netteté irréprochables, tout en étant extrêmement vigoureux. Le moindre voile le rendrait défectueux. En faisant ce phototype on peut, par réduction, obtenir des filets plus ou moins fins, suivant les besoins du travail auquel on le destine.

On ne saurait toutefois perdre de vue que si une grande finesse donne à l'impression une plus grande abondance de détails et des demi-teintes mieux modelées, cette impression devient, par contre, plus délicate et plus difficile.,. Or, il faut compter avec elle, car, je le répète, certains imprimeurs, indignes de leur métier, soit par mauvais vouloir, routine ou ignorance, ne donnent souvent qu'un horrible gribouillage avec un bloc phototypographique aussi bon que possible.

Le cliché-trame obtenu, il rentre dans le matériel du phototypographe et sert indéfiniment. On passe alors à la deuxième opération : l'obtention du cliché négatif photo-


LA PHOTOTYPOGRAPHIE. . 207

typographique. La méthode la plus courante consiste à se servir d'une bonne photocopie de l'image à reproduire. On la pique sur une planche verticale placée bien parallèlement à la glace dépolie d'une chambre noire. On met exactement au point avec la réduction de grandeur demandée. Plus cette réduction est considérable, plus l'épreuve sera fine et parfaite. Quand la mise au point est bien réglée on substitue au verre dépoli un châssis contenant la glace sensibilisée. Ce châssis, tout spécial, est double, c'est-à-dire qu'il présente un encadrement pouvant recevoir deux verres espacés par des coins plus ou moins gros suivant l'effet qu'on désire obtenir. Ces deux verres sont : l'un la glace sensibilisée, l'autre le cliché-trame. Celui-ci devant se trouver entre l'objectif et la glace sensibilisée. Il existe des châssis munis d'un mécanisme particulier permettant de faire varier l'écartement au gré des besoins. La glace est généralement sensibilisée au collodion humide. L'image s'y fixe après avoir traversé le cliché-trame.

Ce cliché-trame offrant, le plus souvent, comme je l'ai dit, des lignes diagonales, on ne laisse poser la plaque sensible que la moitié du temps nécessaire, puis on referme le châssis, l'on passe dans le laboratoire pour retourner le cliché-trame et l'on replace le châssis pour terminer la pose. Les demi-teintes de l'image définitive se trouvent dès lors formées par une succession de lignes entre-croisées, par conséquent de points plus ou moins gros suivant la valeur des teintes reproduites.

Cette manipulation du retournement est assez délicate. Elle nécessite un sol fixe, un appareil solide, d'une justesse éprouvée. On comprend de reste que le moindre déplacement amènerait une image floue, confuse, absolument impropre à tout travail subséquent. Il peut se faire également que le moindre changement dans l'éclairage vienne influencer la régularité du pointillé. Aussi a-t-on cherché divers moyens de supprimer cette manipulation. Beaucoup de praticiens n'emploient plus déjà qu'un cliché-trame quadrillé d'avance. Dans ces derniers temps même, on a tenté


208 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

l'emploi de glaces au gélatino-bromure d'argent, quadrillées sur le verre même, et préparées de telle sorte que la pellicule de gélatine puisse s'enlever facilement. Ce dernier point est une nécessité. Non seulement, en effet, il faut qu'un bon phototype typographique soit vigoureux, exempt de tout voile, mais encore il doit présenter la; plus petite épaisseur possible, afin de faciliter la bonne exécution de son impression sur le métal. Aussi, que le véhicule de la substance sensible, soit gélatine ou collodion, il doit être enlevé de son support. Cette pellicule est le plus souvent renforcée avec une matière translucide faisant prise sous une petite épaisseur.

La troisième opération de la phototypographie, consistant à imprimer le phototype sur métal, est celle que l'on cherche le plus à améliorer. On avance bien peu dans ces recherches. Presque tous les photo typographes conservent encore, à l'heure actuelle, l'ancien procédé de copie directe par le bitume de Judée, bien qu'il donne peu de finesses et qu'il présente de nombreux inconvénients par la lenteur qu'il met à s'impressionner. Le bitume de Judée, que l'on doit employer, est préalablement lavé à l'éther afin de le débarrasser, au mieux du possible, des impuretés qui le recouvrent. Puis on dissout environ 8 parties de ce bitume épuré, dans un mélange à parties égales de térébenthine et de chloroforme. U est bon de filtrer cette dissolution, à plusieurs reprises, en se servant d'un appareil à déplacement, destiné à empêcher l'évaporation de la liqueur et par conséquent sa trop grande concentration.

Le métal généralement employé est le zinc, plané en feuilles de minime épaisseur. On enduit ces feuilles de la solution bitumineuse, de la même façon qu'on collodionnait jadis les plaques destinées à là sensibilisation. On sèche, en évitant la tombée des poussières de l'air ambiant. Le bitume de Judée étant impressionnable à la lumière solaire, il va de soi que ces diverses manipulations doivent être opérées dans le laboratoire obscur.

Au bout d'une heure environ, la dessiccation se trouve


ÉTUDE DU SOUS BOIS A CONTRE LUMIÈRE

LA PETITE ONIUNE ni" RAVIS DE VILLEBÇ^TR-MER. (Phototype de l'auteur.



LA PHOTOTYPOGRAPHIE. 209.

complète. L'on recouvre alors la plaque avec le phototype phototypographique, enlevé de son support de verre et retourné ; l'on serre dans le châssis-presse et l'on expose au grand jour le tout, comme s'il s'agissait: de la simple insolation d'un phototype ordinaire sur papier sensibilisé. L'exposition, par un beau jour clair ou sous un ciel voilé, né demande pas moins d'une couple d'heures. Plutôt plus que moins.

* A défaut de soleil, pendant les jours courts et sombres de l'hiver, on peut employer la lumière .électrique, qui donnedes copies parfaites. Beaucoup de praticiens emploient; même toujours ce genre de lumière, y trouvant leur compte par son intensité pour ainsi dire invariable. Le temps de pose est en effet, dans l'espèce, difficilement appréciable. Une bonne pratique consiste à se servir de témoins. Ce sont de petits fragments de zinc préparés en même temps que les plaques, exposés dans les mêmes conditions qu'elles, et qui servent à se rendre compte du moment où le bitume, est devenu insoluble. Qualité que doit présenter le bitume de Judée fortement impressionné par la lumière, et qui constitue la base même du procédé.

Dans une communication faite récemment à la Société de photographie belge, section de Bruxelles, M. A. Golens a indiqué le moyen qu'il emploie pour rendre le bitume de Judée plus impressionnable. Ce moyen consiste à allier le bitume de Judée à du bichromate de potasse et à.de l'encre grasse. D'après lui, ce procédé qu'il nomme : bitume bichromate, serait le moins cher et le plus rapide, attendu qu'il ne demanderait que trois à cinq minutes d'exposition, sans soleil.

M. Valenta, poursuivant des études dans ce sens, déclare que l'on peut augmenter beaucoup la sensibilité du bitume de Judée par la sulfuration. Dans la Photographische Correspondent, il indique ainsi le procédé à suivre : faire dissoudre 12 grammes de soufre en fleur dans 100 grammes de pseudocumène brut du commerce, dont le point d'ébullition est environ 170°; ajouter 100. grammes d'asphalte brut de

27


210 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

Syrie ; faire bouillir pendant trois ou quatre heures dans un appareil muni d'un réfrigérant à reflux. Enlever alors le ciimène par distillation, sans pousser jusqu'à sec. Le résidu noir obtenu, assez semblable à de la poix, est dissous dans vingt-cinq fois son poids de benzine et forme la liqueur destinée à enduire le zinc.

Lorsque le temps d'insolation est jugé suffisant pour avoir fourni une bonne impression, on enlève la feuille de zinc du châssis-presse et on procède au développement de l'image. Il se fait à l'essence de térébenthine, en promenant sur là surface du bitume de Judée un tampon de ouate ou Un large blaireau imprégné de cette substance» Le bitume qui n'a pas été impressionné se dissout. Ee dessin; apparaît petit à petit pour se détacher complètement en brun sur le fond brillant du métal et sous la forme de points plus ou moins rapprochés. L'examen des photographies gravées qui se trouvent ce volume* vous en diront plus qu'une longue description.

Cette image sur métal obtenue, nous passons à la quatrième opération, C'est-à-dire au travaildela morsure et des réserves. U demande beaucoup de pratique et de goût. Le bitume impressionné restant inattaquable à l'acide, les parties de métal mises à découvert seront seules enlevées et constitueront les blancs de l'épreuve typographique. A moins de très grands blancs à obtenir, on donne à la plaque trois morsures marquantes. D'ailleurs, suivant le sujet,-la plaque exige un creux plus ou moins profond. Dans le cas de blancs larges et nombreux, ce creux doit être très accentué, la matière gélatineuse du rouleau typographique s'affaisse toujours un peu dans l'opération de l'encrage, et encre^ fait le fond des creux s'ils n'étaient que de minime importance. Inversement, ce même rouleau passant sur une gravure dont les détails sont très abondants, n'a pas le temps de s'affaisser et: n'encré pas des creux bien moins profonds que dans le cas précédent.

,Sitôt l'image développée, on la gomme avec une solution aqueuse de gomme arabique, de façon qu'elle pénètre bien


LA PHOTOTYPOGRAPHIE. 211

dans les pores du métal et rende les parties mises à nu absolument réfractaires à l'encre grasse, dont on enduit l'image aussitôt après.-;

Ce premier encrage se fait généralement au moyen d'un simple pinceau. Dès qu'il est terminé, on recouvre le tout de bitume de Judée pour consolider l'encre contre l'action de l'acide.

Ainsi préparée, la plaque est plongée dans une cuvette contenant de l'eau additionnée d'acide azotique. Celui-ci attaque le métal nu et produit un azotate de zinc qui se fixe sur le fond de l'image. II va donc de toute nécessité de débar^ rasser les blancs de l'image de ce sel, au fur et à mesure qu'il se produit. Pour obtenir ce résultat, les cuvettes sont constamment maintenues en mouvement. De cette façon, Fac^ tion de l'acide s'effectue franchement sur le fond des creux, alors que, si on laissait le dépôt d'azotate s'effectuer, elle agirait sur les côtés du trait et porterait préjudice à l'image elle-même.

De temps en temps, la plaque est retirée de la cuvette pour surveiller la marche de la morsure. Lorsque le creux devient sensible à l'ongle, la morsure est arrêtée. On sèche la plaque, on l'encre à nouveau et on la remet dans une autre cuvette d'eau acidulée, jusqu'à ce que le creux soit jugé suffisant. Cette nouvelle morsure est suivie d'un second lavage, d'un séchage et d'un chauffage au feu. Cette dernière opération fait couler l'encre sur les parois des traits de l'image mis en relief et forme un enduit protecteur contre les morsures subséquentes. C'est indispensable. Autrement, toutes les demi-teintes se mordraient également. On ouvrirait trop les traits et l'effet du sujet se trouverait détruit.

Pour obtenir de belles épreuves rendant bien le modelé et l'aspect de l'original, il faut qu'il y ait dans l'atelier du photôtypographe un véritable artiste dessinateur ou peintre, suivant avec art cette succession de morsures, sachant faire les retouches et les réserves voulues pour que, la plaque, remise au bain, ïie se creuse que là où il


212 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

est nécessaire pour le plus grand bien de l'épreuve à obtenir.

Après avoir subi ces différentes morsures, les clichés se trouvent pour ainsi dire par gradins. On en abat les talus par une morsure supplémentaire, faite après un encrage d'encre très solide, étendue avec un rouleau dur. On recommence cette opération pour enlever les bavures et les quelques irrégularités qui auraient pu se produire.

Dû soin de cette dernière opération, dépend la bonne exécution du cliché.

Tout dernièrement, le Journal of useful Inventions indiquait un procédé, qui permettrait d'obtenir une attaque du métal beaucoup plus rapide et plus énergique que dans le procédé ordinaire.

Il consiste à plonger la plaque de zinc, recouverte, à la façon ordinaire, de son vernis protecteur, dans le bain acide, après l'avoir mis en communication avec l'une des bornes d'une forte dynamo. Dès qu'on plonge dans le bain le fil relié à l'autre borne, le circuit est fermé. L'on constate alors une attaque immédiate du métal dans les parties du dessin restées à découvert. Quelques minutes suffiraient pour obtenir une corrosion de plusieurs millimètres de profondeur. Ce procédé aurait encore l'avantage de permettre de régler facilement la profondeur des creux, puisqu'il suffit d'arrêter l'action du courant lorsqu'on juge que l'attaque du métal est arrivée à point.

LA MICROPHOTOGRAPHIE

Chaque jour un peu, la photographie pénètre dans les différents milieux. Directement ou indirectement on l'applique à tout. Science et industrie se font d'elle un auxiliaire puissant. La thérapeutique chirurgicale commence à ne s'en plus pouvoir passer. C'est un procédé commode, saisissant et sûr pour montrer aux yeux des initiés, aussi bien qu'à ceux des profanes, le sujet avant et après l'opération. Il


LA MICROPHOTOGRAPHIE.

213

allait de soi qu'on appliquât la photographie aux études des préparations microscopiques. Cette application, assez répandue

répandue delà de nos frontières, reste encore à l'état d'enfance en deçà. On en fait tout au plus une distraction de laboratoire mais non une illustration obligée des livres scientiAppareil

scientiAppareil de MM. Bezu et Hauser.


214 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

fiques. La photographie, en ce genre, ne prime pas encore le dessin. Il faut avouer d'ailleurs que la microphotographie exige des études toutes spéciales. Dans des articles, publiés par le Paris-Photographe, M. P. Yvon, directeur du Laboratoire de photographie nouvellement créé à la Faculté de Médecine de Paris, a traité la question avec beaucoup de compétence. J'y renvoie ceux qui voudront approfondir plus amplement cette question 1.

Ce qui différencie la microphotographie de la photographie ordinaire, c'est l'essence même de la chose photographiée.

Dans la photographie ordinaire on a, par réflexion, l'image d'objets généralement opaques. Dans la microphotographie, on a, par transmission, l'image d'objets presque translucides. De là une nécessité absolue d'établir pour l'éclairage-et pour le temps de pose des règles appropriées à la microphotographie.

C'est en oubliant de constater ces faits que beaucoup de praticiens habiles se sont trouvés tout désorientés, lorsqu'ils ont voulu tenter cette application nouvelle, et qu'ils l'ont abandonnée aussitôt que tentée.

Pour la microphotographie on se sert, en principe, d'une chambre noire à long tirage dont l'objectif de service courant est remplacé par un objectif microscopique ordinaire.

Quoique très nombreux, ces appareils de microphotographie se rattachent à deux types : les appareils horizontaux et les appareils verticaux. Bien que ces derniers offrent moins de stabilité que les premiers, ils sont plus couramment employés parce qu'ils présentent moins de complications. Toutefois les horizontaux deviennent presque indispensables, lorsqu'il s'agit d'obtenir de très forts grossissements.

MM. Bezu et Hauser ont présenté ces temps derniers, à la Société Française de Photographie un appareildu type

1. Paris-Photographe: numéros des.30 novembre et 30 décembre 1801.


LÀ MICROPHOTOGRAPHIE. 215

vertical, fort bien imaginé. Il se compose de trois parties.

1° Un tabouret, solide composé de quatre pieds de fonte qui supportent une planchette d'acajou mesurant 45 centimètres de large sur 55 de long. Un microscope, reposant sur un support de laiton, à quatre pieds, est établi au centre de ce tabouret. Une vis à large tête, placée entre les pieds du support, permet, par un mouvement parallèle, de l'élever ou de l'abaisser. Fixé sur ce support par son fer à cheval, latéralement serré dans ses coulisses, le microscope est arrêté en arrière par une vis de pression. Il lui est dès lors impossible d'avancer ni de reculer et il ne participe qu'au mouvement de bas en haut du support qui amène la partie supérieure de son tube à s'emboîter dans celui de la chambre noire.

2" Une table destinée à supporter la chambre noire, composée de quatre pieds de fonte supportant une tablette d'acajou. En son centre se trouve le tube dans lequel s'engage celui du microscope. Pour que l'adhérence entre les deux tubes soit plus complète celui de cette table est muni intérieurement de velours noir.

3° Une chambre noire formée elle-même de trois parties : une caisse cubique, un soufflet, un châssis portant la glace dépolie. La caisse cubique mesure 0m,14 de côté. Le châssis de la glace dépolie est supporté par deux réglettes de fer continuant les pieds postérieurs de la table. Elles présentent des glissières destinées à régler la course du châssis. Leur hauteur atteint 1 mètre au-dessus du niveau du tabouret. A ce point extrême, l'image projetée sur la glace dépolie mesure 18x14*

Voilà le nouvel appareil dans son essence. Comme il est fatigant et difficile de juger de l'image et d'en régler la mise au point sur une glace dépolie présentée horizontalement, les constructeurs ont imaginé un dispositif assez commode. La petite caisse cubique, dont nous avons parlé, est munie d'un volet. Quand on l'ouvre on se trouve en présence d'une ouverture ronde garnie d'une glace dépolie, sur


216 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

laquelle l'image est renvoyée par un miroir fixé à la paroi opposée de la caisse et incliné à 45°. On établit la mise au point avec d'autant plus de facilité et de netteté que le bouton du mouvement du microscope se tient à portée de la main. La mise au point réglée, on enlève le miroir. L'image, ne se trouvant plus interceptée, va se projeter alors sur le fond de la chambre noire, où il y a lieu de rectifier la mise

au point primitive si l'on opère avec un long tirage du soufflet pour un fort grossissement.

Pour garder à cette dernière manipulation toute la délicatesse qu'elle exige. MM. Bezu et Hauser emploient un dispositif spécial pouvant s'adapter à tous les microscopes. C'est une tige verticale, traversant la table et terminée par une roue à engrenage mise en contact avec un petit volant. Le grand diamètre de cette roue, permet d'imprimer des mouvements infiniments petits et le microscope peut avancer ou reculer, s'élever ou s'abaisser.

Pour obtenir de forts grossissements il faut faire usage de sources lumineuses intenses. Le gaz s'emploie pour des

Acarus de la galle de l'homme.


LA MICROPHOTOGRAPHIE

217

grossissements ne dépassant pas 100 à 125 diamètres. Avec du gaz carburé par son passage sur de la naphtaline en fusion (albo-carbon) on atteint 300 et même 400 diamètres. La lampe à pétrole à mèche plate donne de bons résultats. Un peu de camphre dissous dans le pétrole rend la lumière plus blanche. Les becs à incandescence Aùer avec sels de zircone produisent une lumière d'un bleu verdâtre éminemment

éminemment La lumière extra-blanche obtenue par le bec Clamond à la magnésie ne l'est guère moins; mais les interstices du foyer de ces becs sont grossis par l'objectif et peuvent laisser des traces sur la plaque impressionnable.

Pour des grossissements variant entre 100 et 500 diamètres, les lampes électriques à incandescence donnent de bons résultats à la condition qu'elles soient actionnées par un courant d'une grande constance et suffisamment énergique pour porter le fil au rouge blanc. Mieux vaut que ce fil soit court et forme une figure rectilinéaire. Si le sujet demande une lumière puissante, on remplace avan28

avan28

La Puce (pullex irritans).


218 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

tageusement la lampe à incandescence par l'arc électrique. Encore faût-il employer un excellent régulateur pour obtenir un point lumineux fixe.

Toutefois c'est avec la lumière oxhydrique que l'on arrive aux meilleurs résultats. Elle est d'une constance parfaite et donne un point lumineux d'une fixité absolue, surtout si l'on remplace le bâton de chaux par une petite sphère de magnésie.

Quant à la lumière solaire, elle exige, pour de forts grossissements, l'emploi d'un héliostat. De plus, si le ciel est couvert de nuages, elle devient tout à fait inconstante et rend très problématique la détermination rigoureuse du temps de pose.

L'opérateur, on le voit, n'a que l'embarras du choix. Cependant, quelle que soit la source lumineuse à laquelle il s'arrête, il doit éviter de l'employer directement et chercher, surtout lorsqu'elle est intense, à l'atténuer et à la priver de de ses rayons caloriques, soit en plaçant sur le trajet des rayons une plaque d'alun ou une solution saturée d'alun dans la glycérine. C'est une précaution qu'on pourrait prendre également quand on fait des projections. Dans l'un et l'autre cas, le condenseur dont on est obligé de se servir, concentrant à la fois la chaleur et la lumière, amène facilement la détérioration des appareils optiques.

Il arrive fréquemment que l'on a à reproduire des substances colorées. L'on se trouve obligé, par cela même, de modifier le fond, ce qu'on obtient à l'aide d'écrans colorés formés de verres teintés ou de flacons contenant des dissolutions colorées.

Nous avons vu précédemment, en décrivant l'appareil de MM. Bezu et Hauser, comment on obtenait la mise au point. J'ajouterai que mieux vaut employer un verre douci qu'un A'erre dépoli. Et même, si pratiquement on pouvait l'obtenir, il faudrait employer un verre dépoli sans grain.

La source lumineuse devant être constante, le temps de


LA PHOTOTELEGRAPHIE. 219

pose se détermine par comparaison. M. P. Yvon, dans les articles précités, donne les renseignements suivants.:

GROSSISSEMENTS. TEMPS DE POSE.,

10 à 100 diamètres 4 secondes

- 200 à 400 • — 3 à 10 —

500 à 1000 — S à 20 —

Quant au développement, il se fait en microphotographie comme dans la photographie ordinaire. Toutefois, comme on cherche en définitive plutôt des lignes nettement accusées que des demi-teintes bien modelées, on doit pousser le développement très à fond, quitte à obtenir un résultat qui serait de la dureté dans la photographie ordinaire. Tous les révélateurs peuvent être employés, cependant, c'est encore l'acide pyrogallique, combiné avec l'ammoniaque, qui donne les résultats les plus parfaits.

Si rapide que soit cette esquisse de la microphotographie, elle peut servir néanmoins de point de départ à ceux qui voudront se livrer à cette application de la photographie sur un champ très vaste et encore insuffisamment exploité.

LA PHOTOTELEGRAPHIE

L'abbé Caselli, mort ces temps derniers, avait imaginé, lenom sous dePaniélégraphe, un appareil des plus ingénieux, permettant la transmission, à distance, de dépêches manuscrites ou de dessins. En principe, l'appareil reposait sur la décomposition des sels métalliques par les courants électriques. Avec une encre grasse on écrivait la dépêche sur une lame d'étain. Un stylet mécanique, mû par un pendule et mis en communication avec le fil d'une ligne télégraphique, se déplaçait à la surface de cette lame. Chaque fois qu'il passait sur un trait d'encre le courant était interrompu. Au bureau récepteur, se trouvait un stylet semblable, mais se mouvant sur la surface d'une feuille de papier recouverte


220 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

d'une solution de ferrocyanure de potassium. Quand le stylet transmetteur passait sur la lame d'ëtain, le courant passait dans la ligne et le stylet récepteur appuyait sur la feuille de papier, en y laissant une trace bleue par la décomposition du ferrocyanure de potassium. Si donc les deux pendules qui faisaient mouvoir les stylets de départ et d'arrivée se trouvaient animés d'un mouvement synchrone, le dessin à l'encre grasse sur feuille d'étain était exactement reproduit, par hachures, sur le papier au ferrocyanure.

Fac-similé d'un dessin aulographiquc obtenu a l'aide du Pantélégraphe.

On peut affirmer que cet appareil, aujourd'hui tombé dans l'oubli, un peu trop peut-être, constitue le point de départ de la nouvelle invention de M. Amstutz, de Gleveland (Ohio). Cette invention consiste à envoyer au loin, ainsi qu'une modeste dépêche, la copie d'une image photographique. Elle n'a certes pas, de prime coup atteint la perfection. Cependant elle demeure d'ores et déjà très supérieure à celle de Caselli. Ce ne sont plus des lignes simples plus ou moins diverses qui sont transmises par l'appareil de M. Amstutz, mais bien des lignes avec leurs infinies variations d'intensité constituant les effets d'ombre et de lumière.

Au lieu de faire appel à la décomposition des sels métalliques par le courant électrique, M. Amstutz base tout son système sur les propriétés de la gélatine bichromatée. On sait, en effet, et depuis longtemps déjà, que la gélatine additionnée de bichromate de potasse devient dure et inso-


LA PHOTOTELÉGRAPHIE.

221

lubie après son exposition à la lumière. Partant de cette connaissance, l'inventeur américain photographie l'image à transmettre sur une pellicule de gélatine bichromatée. Par un lavage à l'eau tiède, cette pellicule est débarrassée des parties gélatineuses dont l'état moléculaire ne s'est pas trouvé modifié par l'action de la lumière. Il reste alors un dessin en relief, plus ou moins accusé suivant l'intensité de

l'original, mais dont l'épaisseur, en chaque point, demeure exactement proportionnelle à l'intensité du rayon lumineux qui a frappé la gélatine bichromatée en ce même point. Les variations d'épaisseur représentent donc les variations de tonalité du modèle.

C'est le principe de la photocollographie.

L'épreuve obtenue ainsi sert à télégraphier l'image en autant d'exemplaires qu'on le désire. Pour ce faire, l'épreuve pelliculaire est tendue avec soin sur un cadre de celluloïd et adaptée sur la circonférence d'un cylindre* comme un cliché typographique lorsqu'on emploie une machine rotative. Devant ce cylindre, exactement dressé

Épreuve phototélégraphique transmise h cinq kilomètres.


222 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

et monté sur tourillons, se trouve un petit stylet emmanché sur un levier. Quand on actionne le cylindre, le stylet s'abaisse ou s'élève proportionnellement aux saillies des reliefs de la pellicule. Dans ce mouvement, il soulève continuellement son petit levier qui, suivant le soulèvement qu'il reçoit, bute contre une ou plusieurs pointes de platine. A chaque contact la communication électrique est établie et l'intensité du courant varie en raison directe du nombre de pointes heurtées simultanément. Cette intensité se présente donc proportionnelle à la valeur des reliefs.

Au bureau récepteur se trouve un cylindre semblable à celui du départ, seulement une bande de papier, enduite d'une couche de cire, remplace la pellicule de gélatine. De plus, au lieu du stylet, on a un burin à section triangulaire dont la tige est placée en face des pôles d'un électro-aimant que le courant de la ligne actionne. Le burin creuse, dans la cire, un sillon dont la profondeur varie suivant l'intensité du courant, qui elle-même dépend des reliefs du cliché de gélatine.

Si donc, après transmission, on développe la surface de la cire et qu'on la traite par la galvanoplastie, on obtiendra un cliché propre à l'impression.

Nos dessins représentent des images produites dès le début avec ce procédé. La transmission en a été faite à cinq kilomètres.

LA CHR0N0PH0TOGRAPHIE

11 ne faut pas être grand clerc en photographie pour reconnaître que cette science demeure susceptible de toutes les applications. Mais une des plus curieuses, une de celles qui sera féconde entre toutes, est certainement la chronophotographie. Dans les mains de M. Marey, ce mode d'enregistrement se-prête avec une facilité incroyable à l'analyse des phénomènes les plus complexes.

Le champ de manoeuvre de M. Marey, si je puis ainsi


LA CHRONOPHOTOGRAPHIE. 223

parler, comprend un champ obscur formé par un hangar tendu de velours noir et un champ uniformément éclairé. Une piste circulaire de 500 mètres de circuit, d'une horizontalité parfaite, passe devant ces deux champs. On y peut, étudier l'homme ou les animaux dans leurs allures.

La chronophotographie s'effectue soit sur plaque fixe, soit sur pellicule mobile.

Coureur en costume.

La plaque fixe s'applique aux cas où l'objet étudié se déplace suffisamment vite dans l'espace pour que ses images successives ne se recouvrent pas. Si le déplacement n'est pas assez rapide ou si le mouvement a lieu sur place, on n'arrive à dissocier les images qu'en employant la pellicule mobile.

Dans le premier cas, on obtient la dissociation des images en faisant arriver la lumière dans la chambre noire d'une façon intermittente. Toutefois, ces arrivées de lumière se produisent à des intervalles de temps égaux et suffisamment connus, pour que, de l'espacement des deux images, on puisse déduire le temps mis par l'objet à passer d'une posi-


224

LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

tion à l'autre. Des disques obturateurs permettent d'atteindre ce résultat. Munis de fenêtres et tournant en sens contraire, l'éclairement a lieu quand deux ouvertures se juxtaposent. L'arbre sur lequel ils sont fixés est mû par des rouages empruntant

empruntant mouvement à une manivelle. Afin de permettre à cet arbre de s'accommoder des changements exigés par la mise au point, il est formé de tubes carrés glissant, l'un dans l'autre, à frottement;

Dans le second cas, la dissociation des images s'obtient

par une bande de pellicule se déroulant assez vite pour recevoir un certain nombre d'images dans un temps déterminé, tout en s'arrêtant à chaque pose pour laisser la netteté suffisante à chaque image. Rajtidité de mouvement et arrêts nécessaires s'obtiennent par un châssis tout spécial et dont l'ingéniosité fait honneur à celui qui l'a combiné.

Schéma de la course,

Schéma de saut en hauteur.


LA CilRONOPHOTOGRAPHIE.

22b

Sans avoir recours à ce moyen extrêmement délicat, on peut, par la plaque fixe, pousser très loin l'analyse des mouvements en employant ce que l'on nomme la méthode

des photographies partielles. Pour l'étude d'un coureur, par exemple, cette méthode consiste à vêtir celui-ci d'un costume spécial marquant les articulations par des points et les membres par des bandes. Le plus souvent on se sert du champ éclairé, comme fond, et sur le costume noir du cou29

cou29

La chronophotographic appliquée à l'étude des mouvements des malados.


226 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

reur les-points et les bandes se détachent en blanc. Cette manière d'opérer réduit, à son minimum, l'épaisseur du sujet et l'on peut, de la sorte, multiplier considérablement le nombre des images. Cette multiplication semble ne devoir être limitée que par l'impossibilité où l'on se trouve de faire dépasser à l'obturateur une certaine vitesse.

M. Marey obtient aisément ainsi un cliché donnant cinquante images à la seconde. On peut y suivre, sur les trajectoires laissées par les points brillants, tout le mécanisme de la marche, des sauts, de la course, de là transition de la marche à la course.

M. Marey vient d'appliquer sa méthode à l'étude des mouvements des malades en traitement dans un hôpital.

Cette fois, le savant professeur a recours à l'électricité lumineuse. Il attache à toutes les jointures de son sujet de petites lampes électriques alimentées par un chariot mobile sur deux rails suspendus au-dessus de la piste, entraîné par un fil flexible, et servant à amener le courant d'une pile ou d'une batterie d'accumulateurs.

La scène est éclairée par une lumière rouge assez faible pour ne point altérer la plaque sensible sur laquelle les lampes à incandescence viennent se peindre automatiquement dans leurs positions successives. On dispose sur la piste un grillage correspondant à un dynamomètre enregistreur et indiquant la manière dont chaque pied presse successivement le plancher dans ses différentes allures. Le médecin a donc à sa disposition des documents indiscutables, pour suivre le progrès de la médication, dans les cas nombreux où le désordre de la progression doit être attribué à quelque lésion nerveuse. De son côté, le chirurgien possède des diagnostics sûrs, il sait d'une façon positive comment il doit s'y prendre pour mettre petit à petit les muscles à même de remplir leurs fonctions normales.

Ainsi doublée par l'électricité, la chronophotographie montre la différence du coup d'épée du maître d'armes et de son élève. Elle permet de même d'analyser le coup de


LA PATHOPHOTOGRAPHIE. 227

main du prestidigitateur qui fait filer la muscade, la disposition des muscles de Féquilibriste grimpant aune échelle, celle du clown qui exécute un saut périlleux.

Aucun mouvement ne pourra plus être assez rapide pour échapper à la coalition de deux sciences aussi modernes.

Cet aperçu, très sommaire, suffit cependant à montrer combien la chronophotographie est appelée à rendre de services dans l'étude de tous les phénomènes susceptibles d'être fixés par la photographie. Toutes les tentatives opérées dans les différents genres donnent des résultats permettant de conclure d'ores et déjà au succès. M. Marey applique ce mode d'enregistrement au vol des oiseaux, au mouvement de translation des poissons, à la parole même. Tout récemment encore, dans une communication faite à l'Académie des Sciences, le savant professeur annonçait que la chronophotographie pouvait enregistrer les battements du coeur. Nous aurons à revenir fréquemment sur cette science nouvelle, qui n'en est encore qu'à des débuts, mais à des débuts éclatants.

LA PATHOPHOTOGRAPHIE

L'année 189B a été marquée par un fait important dans les annales de la photographie, je veux parler des conférences tenues dans le grand amphithéâtre du Conservatoire national des Arts et Métiers.

Ce n'est pas un mince événement que l'ouverture de ces conférences. Elle constitue la pose de la première pierre d'un édifice à élever à l'enseignement de la photographie. Avec ses progrès constants, réels, surprenants même, et sa vulgarisation, la photographie réclame un enseignement particulier. C'est une branche spéciale de la science, touchant à la fois à la physique, à la chimie, à la médecine, aux beaux-arts, et une branche assez vigoureuse pour que sa robustesse supporte une chaire d'enseignement spécial et varié.


228 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

Ne pouvant assistera toutes ces conférences, j'ai prié à plusieurs reprises notre excellent collaborateur à la Science Illustrée, M. W. de Fonvielle, de bien vouloir me remplacer. A son dire, une des plus réussies a été, sans contredit, celle que le directeur du laboratoire du docteur Charcot à la Salpêtrière, M. A. Londe, a faite le 24 janvier 1892.

Marche de la paralysie agitante.

L'établissement modèle, dirigé par M. A. Londe, réalise toutes les dispositions particulières tenant à la triste spécialité des opérations auxquelles il se livre quotidiennement sur une multitude de sujets, offrant une affligeante variété de dispositions* physiques, heureusement inconnues dans les établissements ordinaires. Gomme nombre de malades doivent être transportés sur des brancards, le laboratoire est de plain-pied avec les services. En outre, toutes les portes sont à double tambour. L'on peut entrer et sortir sans livrer passage à la lumière. Les obturateurs Londe figurent en nombre considérable dans le matériel. On a disposé, en batterie, douze objectifs


LA PATH 0PII0TOGRAl»HIE.

229

de ce genre susceptibles de marcher ensemble, ou successivement, d'une façon instantanée, ou d'une manière graduée suivant les exigences du service. Toutes ces nuances dans les opérations sont obtenues à l'aide d'un système de déclenchement électrique, jouant par l'intermédiaire d'un manipulateur placé à la disposition du photographe.

Afin de montrer avec quelle facilité on arrive ainsi à commander la manoeuvre des obturateurs, M. A. Londe a

exécuté une expérience fort intéressante à la fin de sa conférence. Il a placé une lampe à incandescence dans chacune des chambres noires, de sorte que l'on voyait apparaître une lumière sur l'écran à projection de l'amphithéâtre, chaque fois qu'il opérait le déclenchement d'un obturateur. Le temps pendant lequel la portion du tableau correspondant à chaque chambre noire était éclairée était le même que l'eût été le temps de pose, si la place de la lampe d'incandescence eût été occupée par une surface rendue sensible à l'action photogénique instantanée.

Le mouvement des obturateurs était susceptible de prendre une si grande vitesse, que les douze poses successives et graduées avaient lieu, dans une fraction de seconde inappréciable à l'oeil. Toutes les impressions paraissaient simultanées. Grâce à la persistance des images sur la réAtrophie

réAtrophie mains d'une polisseuse.


230 LÈS NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

tine, les auditeurs de M. A. Londe n'avaient que la sensation d'un éclair unique.

Avec des moyens si puissants, on réalise à la Salpêtrière des effets aussi surprenants que ceux qu'obtient M. Marey, dans l'étude de la chronophotographie. Nous en donnons comme preuve le croquis de. la marche d'un malade affligé d'une paralysie agitante, obtenu en combinant ainsi une série de photographies successives. L'étude des phototypes, qu'un habile artiste résume par un simple trait, sert de point de comparaison pour reconnaître les lésions similaires. Le diagnostic photographique permet de suivre la marche d'un traitement, de guider dans le choix de la médication.

Aidée, éclairée par le dessin au trait, la photographie trace l'histoire complète des misères qui affligent notre pauvre humanité, et dont la plupart sont le fruit de notre ignorance et de nos erreurs.

\J Iconographie médicale de la Salpêtrière, où tous ces résultats obtenus dans le laboratoire de photographie sont soigneusement recueillis, offre une mine de documents épouvantablement instructifs.

La publication que M. A. Londe en a faite n'aurait jamais été tentée, sans l'installation du laboratoire photographique. Il consacre également le souvenir des traitements extraordinaires, mais puissants, comme la suspension par la tête des malades atteints d'ataxie locomotrice. La comparaison des séries d'épreuves, qu'il est facile d'obtenir pendant la suspension, donne les plus utiles renseignements sur la manière de graduer les temps et les poids, ou de disposer les bandages, les ressorts, de la façon la plus physiologique. Le médecin a sous les yeux des documents inestimables pour diminuer les souffrances du patient, dans ses épreuves ultérieures, et pour régler d'une façon utile les détails d'opérations que les chirurgiens du siècle dernier n'auraient jamais osé pratiquer.

Les mains que nous représentons nous donnent l'histoire de l'atrophie des mains d'une pauvre polisseuse sur marbre.


L'URANOPHOTOGRAPHIE. 231

Mais souvent les malades ne se laissent point conduire dans le laboratoire. L'opérateur est obligé de les poursuivre dans les cours, afin de les surprendre au milieu de leurs accès, de saisir en quelque sorte leurs convulsions au vol et sans qu'aucun préparatif avertisse les fous de l'imminence d'une opération qu'ils détestent.

Nous rentrons ainsi, comme nous Pavons vu par la fin du chapitre précédent, dans le domaine de la chronophotographie. A ce moment, ces deux applications différentes deviennent soeurs.

L'URANOPHOTOGRAPHIE

Dès les débuts de la photographie, Arago, avec sa grande intelligence, prévoyait les services que cette invention nouvelle pourrait rendre à l'astronomie. Pourtant, à cette époque, la lenteur des plaques daguerriennes se.montrait comme un obstacle. En s'en tenant, toutefois, à la reproduction de la Lune et du Soleil, à la sélénéphotographie et à l'héliophotographie, pour suivre la terminologie du Congrès, on peut déjà obtenir des résultats intéressants.

Lorsque parut, en 1857, le procédé au collodion humide, les choses en allèrent autrement. MM. Warren de La Rue, Fay et Rutherfurd s'adonnèrent d'une façon régulière et suivie à l'étude photographique du ciel et de quelques astres en particulier.

Aujourd'hui, avec le procédé au gélatino-bromure d'argent, cette étude est entrée dans une phase nouvelle, et peut être considérée comme l'auxiliaire obligé de l'astronome. Dès la fin de 1890, l'observatoire de Cambridge possédait vingt-sept mille plaques représentant des spectres d'étoiles et presque tout le ciel du pôle nord au pôle sud. De plus, les frères Henry avaient entrepris, depuis 1871, de continuer la carte écliptique de Chacornac, et obtenu de magnifiques résultats en relevant, par la photographie, les innombrables amas d'étoiles de la voie lactée. De là cette


232

LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

idée d'établir par la photographie, et sur un plan nettement défini, une carte céleste. Un comité international s'est réuni en vue de ce travail. Dans ses réunions plénières des 31 mars, 1, 2 et 3 avril 1891, il a adopté plusieurs résolutions importantes pour l'exécution de cette carte.

Photographie de la Lune. ;i ~on oclanl. el de la lumière cendrée.

L'éminent directeur de l'observatoire de Meudon, M. Janssen, a établi, par des expériences nombreuses, que les travaux photographiques sont proportionnels au temps nécessaire pour les exécuter, et donnent un moyen merveilleux de comparer les diverses lumières célestes.

Dans les conférences faites durant l'hiver 1891-1892, au Conservatoire des Arts et Métiers, M. Jansscn. parlant sur


L'URANOP II OTO GRAPHIE.

233

Y Application de la photographie à l'astronomie, a présenté une image de la Lune clans laquelle la lumière cendrée a été reproduite.

Cet effet a nécessité un temps de pose de cinq minutes ; sa valeur photogénique est donc vingt-quatre fois jùus grande que celle de la première comète de 1890.

Le croissant de la Lune, qui figure sur le même dessin,

peut être obtenu avec un temps de pose de 1/80 de seconde. La lumière cendrée a, par conséquent, une intensité vingtquatre mille fois moindre que celle qui vient directement du Soleil. La Terre ne reçoit donc après la réflection deux fois répétée, sur sa partie obscure, et sur celle de son satellite, qu'une partie de lumière sur vingt-quatre mille que nous envoie l'astre qui nous éclaire.

Ces nombres si curieux, si expressifs, donnent singulièrement à réfléchir !

Quant à la photographie du disque solaire, agissant directement sur des produits photogéniques d'une sensibilité même modérée, elle se produit avec une vitesse positivement incalculable.

30

Porlion d'une des grandes photographies du Soleil.


234 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

: Dans ces conditions, M. Janssen obtient directement des clichés immenses, dans lesquels on reconnaît comme une sorte de texture. C'est ce que l'on nomme les granulations du Soleil.

« Faut-il croire que l'astre ait, en réalité, une constitution semblable. à celle que nous montre la photographie? demande M. W. de. Fonvielle. Je n'ose me rallier à cette manière de voir. Je préfère l'opinion des astronomes, qui rapportent cette absence d'homogénéité à la substance photogénique, à des inégalités dans la transparence du milieu diaphane au travers duquel nous voyons le Soleil, car il y a des savants, qui persistent à soutenir l'ancienne opinion d'Herschel et d'Arago, celle de l'origine électrique de la lumière solaire. Malgré notre admiration pour M. Janssen, nous inclinons à partager la manière de voir de notre vieil ami Zenger à cet égard. »

Pour ma part, je me déclare incompétent à trancher la question.

Dans cette même conférence, M. Janssen a profité très habilement des éclipses de Soleil pour montrer trois points de repère dans l'histoire des progrès de la photographie. Il a projeté sur l'écran du grand amphithéâtre, côte à côte, trois photographies d'éclipsés. Lapremière obtenue en 1842, avec une plaque daguerrienne, la seconde en 1860 avec du collodion, et la troisième en 1883 avec du gélatinobromure.

De l'éclipsé de 1842, on ne voyait que le bord inférieur de l'atmosphère solaire; de celle de 1860 on distinguait les protubérances ; la photographie de 1883, a donné ces protubérances beaucoup plus visiblement.

Pour l'uranophotographie, l'objectif employé se compose d'un système de deux lentilles de flint et de crown achromamatisées. La lunette a une distance focale de 3m,43. MM. Henry ont déterminé que l'obtention des étoiles de seizième grandeur nécessitait une pose de une heure vingt.

Les résultats surprenants obtenus mettent à Tordre du


LURANOPII OTOGRAPHIE.

233

jour cette superbe application de la photographie, qui a permis déjà de voir des étoiles dont l'existence était affirmée

par le calcul, et qu'on ne pouvait découvrir même avec les meilleurs instruments d'optique.

Image d'une éclipse totale de Soleil par le procédé Dagucrre.

Image d'une éclipse totale de Soleil

par le procédé au collodion

humide.

Image d'une éclipse totale de Soleil.

par le procédé au gélatino-bromure

d'argent.


236 LES NOUVEAUTÉS PII OTOGRAPHIQUES.

L'ANTHROPOPHOTOGRAPHIE

Depuis quelques années déjà on a songé à appliquer la photographie à l'anthropologie, à la reproduction du type d'une race, d'une tribu, d'une famille. MM. Herber Spencer et Francis Galton imaginèrent, pour atteindre ce but, de superposer un certain nombre de phototypes de même grandeur afin d'avoir une image représentant celle de la moyenne des portraits superposés. Cette sorte de photographie composite est des plus intéressantes. Le moyen employé ne garantit pas encore l'impeccabilité du procédé. On ne saurait nier, cependant, qu'il reste fort curieux et puisse, dans l'avenir, fournir des documents très précieux à- l'anthropologiste. Cette synthèse, cette seule épreuve, de différents aspects individuels, est susceptible encore de rendre des services très appréciables à la police.

Prise dans son acception la plus large l'anthropologie comprend l'étude de l'homme sous trois aspects : animal, intellectuel, social. Dans son sens spécial elle s'adresse par excellence à l'histoire de l'Homme considéré au point de vue animal. Ainsi définie l'anthropologie offre encore deux divisions très nettes : l'homme étudié dans son ensemble et comparé aux animaux, et les Variétés physiques de l'homme, c'est-à-dire, la connaissance des races.

Toute nouvelle qu'elle paraisse, l'anthropologie était réellement constituée déjà à la fin du siècle dernier. Si l'on voulait même remonter les anneaux de la chaîne dés temps, on en retrouverait l'origine dans Aristote.

Au début, la récolte et l'enregistrement des caractères, qui forment le point de départ de tout en général et de l'anthropologie en particulier, se faisaient par la vue et la description. Cette méthode, naturelle et primitive, n'a pas donné tout ce qu'on attendait d'elle. Sans doute parce qu'elle n'était soumise à aucune règle. Avec les progrès de la science on s'est arrêté à une méthode beaucoup plus sûre, celle des


TROIS ETATS DU PREMIER AGE ET SA MOYENNE

Phototypes de MM. Boning et Simili.


238 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

caractères que l'on cultive sur l'être vivant, mort et réduit en squelette. Cette méthode est dite anthropométrique.

Dans la méthode descriptive, les dessins au trait ou modelés et les moulages sur nature ont donné de bons résultats et permis d'obtenir de sérieuses moyennes.

Toutefois il s'y attache toujours une arrière-pensée. Elle grandit si le dessinateur est artiste. Certes ses dessins seront meilleurs au point de vue de l'art. Ils pourront être pitoyables au point de vue anthropologique. Les aptitudes sensorielles prédisposent dans ce cas le dessinateur à atténuer la note ici, à la forcer là. Quelque effort qu'il fasse, il ne parviendra pas à séparer de son dessin sa personnalité propre.

II va donc de soi que l'exactitude photographique semble tout indiquée pour la récolte et l'enregistrement anthropologiques. Elle doit suivre le précepte commun à tout enregistrement du genre anthropologique, qui est de toujours orienter dans le même sens le sujet à copier et de le reproduire constamment dans la même grandeur et sous le même angle.

L'anthropophotographie consiste donc à prendre une série de types placés exactement de face ou de profil, symétriquement et à les réunir par tirages superposés en une seule et même épreuve dans laquelle les traits communs seuls ressortiront. Théoriquement on ne peut rêver d'obtenir une moyenne plus merveilleuse. Pratiquement elle ne réalise pas encore toutes les espérances. « Les sujets successivement exposés et les diverses parties des sujets, dit le Dr Topinard, n'impressionnent pas sensiblement la plaque : 10 crânes photographiés de I à 10 et de 10 à 1 ne donnent pas les mêmes résultats. »

M. Arthur Batut, qui s'est occupé de cette question sous le nom de photographie composite, prétend que le résultat est le même, quel que soit l'ordre de superposition des phototypes, à la conditon toutefois que ces phototypes proviennent de poses exactement les mêmes, et présentent,


L'ANTIIROPOPHOTOGRAPHIE. 239

après développement, les mêmes valeurs dans les blancs et les noirs.

On comprend d'ailleurs que s'il en était autrement certains types prédomineraient.

La moyenne pourrait encore s'obtenir par agrandissement. ,

Quoi qu'il en soit la méthode existe. Elle demande à être encore étudiée. On ne saurait la rejeter à cause de certaines désillusions de la première heure. Demain, peut-être, par un perfectionnement quelconque, par un simple tour de main, pourra-t-elle donner cette moyenne exacte, indiscutable, merveilleuse, que nous restons en droit d'attendre d'elle.

En dehors de la figure, les traits et les lignes de la main peuvent constituer de précieux documents pour l'anthropologiste.

Ces traits et ces lignes de la main gardent, en effet, une fixité extraordinaire. Ils restent les mêmes pendant toute la vie d'une personne, alors que les traits et l'expression de sa figure changent parfois si complètement. Cette fixité est si bien connue aujourd'hui qu'on a souvent parlé de joindre à la photographie, sur les cartes d'identité, l'empreinte du pouce, qui est caractéristique pour chaque individu. Deux pouces semblables n'ayant pas encore pu être trouvés.

Il est encore un fait bien intéressant qu'a relevé la photographie de la main, c'est que les mains de tout un groupe d'individus peuvent présenter des caractères semblables. Ce sont les mains de gens exerçant le même métier, M. Bertillon, chef du service anthropométrique à la Préfecture de Police* a réuni, dans un album, la photographie des mains d'ouvriers travaillant à la plupart des métiers. Il est arrivé ainsi à reconnaître qu'un outil manié habituellement donnait à la main une difformité toujours semblable à elle-même. C'est là un fait fort intéressant. Fort important surtout lorsqu'il s'agit de rechercher l'identité d'un cadavre, dont il ne reste que des tronçons. Si l'on découvre la main, à sa simple inspection on peut déjà dire à quelle classe de


TROIS ETATS DU SECOND AGE ET SA MOYENNE

Phototypes de MM. Boning et Small.


L'ANTHROPO PHOTO GRAPHIE.

241

la société appartenait la victime et quel métier elle exerçait. Le champ des recherches se trouve immédiatement restreint.

D'une façon générale un outil manié toujours de la même manière donne à la main deux déformations principales : il cause soit un durillon, soit une bourse séreuse. Vous connaissez tous les durillons, dont les cors sont un des échantillons

échantillons plus communs et les plus douloureux. Ils sont causés par un épaississement de l'épiderme qui vient former une couche dure et insensible aux points en contact habituel avec un objet dur.

Les mains des gymnastes et des rameurs, la plante des. pieds des enfants qui courent sans chaussures présentent ces épaississements de l'épiderme. La dureté qu'acquièrent ces nouvelles formations est très grande. Vous avez dû voir à la campagne des enfants marcher nu-pieds, sans-gêne, sur des cailloux pointus que vous sentiez fort bien à travers la semelle de votre chaussure.

Les bourses séreuses sont moins connues. Il est bon de dire quelques mots sur leur mode de formation. Les bourses

31

Main d'un terrassier. — Face palmaire de la main droite.


242 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

séreuses se forment sous la peau, dans ce tissu lâche qui nous permet de pincer celle-ci entre nos doigts, de la soulever, de la faire glisser sur les éléments sous-jacents. Ce tissu lâche s'appelle le tissu conjonctif sous-cutané, tissu formé d'éléments fibrillaires mal unis les uns aux autres et circonscrivant dans leurs mailles des espaces aréolaires. Ce sont les mailles de ce tissu que gonfle le boucher en insufflant de l'air sous la peau des animaux avant de les dépecer.

Au niveau des points où la main de l'ouvrier s'appuie sur son outil, il se fait des frottements qui rendent le tissu conjonctif sous-jacent plus lâche. Les cloisons qui limitent les aréoles se déchirent. Celles qui résistent sont repoussées, viennent se condenser à la périphérie et y former une paroi qui circonscrit une aréole plus vaste que les autres. Cette paroi est lisse, unie, onctueuse. C'est la paroi d'une bourse séreuse.

Les gravures qui accompagnent ce chapitre représentent les mains d'un terrassier, d'un découpeur sur métaux et d'un chaudronnier. Commençons par la main du terrassier.

Ce qui frappe tout d'abord, c'est le nombre considérable de crevasses que présente cette main et aussi l'effacement complet de tous les plis secondaires, plis si chers aux chiromanciens. La peau de toute la paume de la main est épaissie. A la base se trouve une large callosité causée par la pression du haut du manche de la pelle. De plus, la terre s'est introduite dans toutes les crevasses et sous les ongles. Elle s'y est si bien incrustée qu'elle semble faire partie de la peau.

La main droite du découpeur sur métaux nous présente deux bourses séreuses : l'une au niveau de la première phalange de l'index ; l'autre au niveau de la première phalange du pouce. Ces bourses séreuses sont déterminées par la position de l'ouvrier qui tient dans sa main droite la poignée horizontale de son levier (bourse séreuse du pouce) et qui appuie fortement sa main, c'est-à-dire son index contre une tige verticale qui porte cette poignée (bourse séreuse


L'ANTHROPOPH OTOGRAPHIE.

243

de l'index). La main gauche de ce même ouvrier, présente, sur sa face palmaire, de nombreuses cicatrices. Elles sont dues aux incisions ou écorchures que lui font les bords des lames métalliques fraîchement coupées qu'il pousse sous son balancier.

Mains d'un découpeur sur métaux.

Les deux bourses séreuses de la main droite.

Face palmaire de la main gauche.

La peau des deux mains d'un chaudronnier est uniformément épaissie et couverte d'un nombre considérable de petites crevasses. Ce sont les suites des brûlures faites par les acides que l'ouvrier emploie pour décaper les métaux qu'on lui donne. De plus ses ongles sont teints d'un vert-degris foncé, teinte causée par la présence d'une poussière


244

■ ES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

composée d'oxyde de cuivre et de sels de fer, provenant des objets qu'il doit façonner.

Ces trois exemples suffisent pour montrer combien diffère la physionomie des mains des ouvriers suivant le métier

métier exercent. Il est facile de se rendre compte ensuite théoriquement des difformités q.ue doivent présenter les mains de gens appartenant à d'autres corps d'état. Les signes professionnels n'existent d'ailleurs pas seulement aux mains. On en trouve sur d'autres parties du corps. Ces signes tiennent, comme les premiers, à la position qu'occupe l'ouvrier à son travail.

J'ai parlé des plis chers aux chiromanciens.

Mains d'un chaudronnier. Face dorsale de la main gauche. Face palmaire de la main gauche.


L'A N TIIR 0 P 0 P H 0 T 0 G R A PU IE.

245

Les lignes de la main servent, en chiromancie, à déterminer le caractère et les habitudes des personnes, à dire le passé, à révéler l'avenir. En médecine légale, ces mêmes lignes servent à établir l'identité des criminels ou des malfaiteurs.

Empreinte agrandie de la phalangette d'un pouce.

Parmi les photographies des criminels prises au Palais de J ustice il en est une particulière et qui, au premier abord, peut sembler bizarre : c'est la photographie de la paume de la main dont le cliché va accompagner les autres dans le casier du criminel. Jusqu'à présent cette photographie n'a été qu'un accessoire, servant, en dernier ressort, à assurer l'identité. Il se pourrait qu'à un moment donné il n'en fût pas de même et que pour établir une identité le Dr Bertillon ne se servît plus que des lignes de la main ou,


246 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

plus spécialement encore, des lignes des doigts ; du pouce en particulier.

Ces lignes, ou éminences papillaires, sont en effet singulièrement constantes pour chaque individu et ne varient pour ainsi dire pas depuis l'enfance jusqu'à l'extrême vieillesse. Une cicatrice même n'introduit point dans leur arrangement une perturbation assez grande pour qu'on ne puisse les reconstituer et les rapprocher du type primitif. Ces empreintes sont absolument faciles à prendre ; il suffit de noircir une feuille de papier à la fumée puis d'y appliquer son pouce ou l'extrémité d'un autre doigt, bien franchement, pour avoir une empreinte absolument nette qui donne dans ses moindres détails toutes les crêtes papillaires. Cette empreinte, après fixation, pourrait être jointe à une carte d'identité et servir au même titre qu'un portrait. Il y aurait même avantage. La physionomie d'un individu varie, en effet, suivant les différentes époques de sa vie. La disposition des empreintes ne changeant pas, comme je le disais tout à l'heure. Nous avons même à ce sujet une observation exacte : ce sont les deux empreintes du pouce d'Herschell prises à vingt ans d'intervalle. Elles sont absolument semblables. Non seulement dans leurs dispositions fondamentales, mais jusque dans leurs moindres détails.

Voilà donc un moyen certain d'identifier un individu. On peut encore aller beaucoup plus loin.

Supposez qu'à la Préfecture de Police les empreintes digitales des malfaiteurs aient été prises régulièrement puis rangées méthodiquement suivant un ordre de types qui a déjà été esquissé par un savant anglais, M. Galton. Dans chaque type il suffirait ensuite de créer des sous-ordres pour arriver à une classification parfaite analogue à celle qui existe déjà pour les mesures anthropométriques. Vous allez voir que, grâce à ce système, il serait bien peu de récidivistes capables de dérouter les recherches de la police.

Un malfaiteur commet un crime ou un vol, il est forcé, pour arriver à son but, de fracturer un meuble, de saisir quelques objets dans un secrétaire, de déranger quelques


L'ANTHROPOPHOTOGRAPHIE. 247

papiers. Si ses mains sont ensanglantées on retrouvera leurs traces des empreintes digitales qui, comparées à celles prises précédemment, dénonceront infailliblement le meurtrier. -A la condition bien entendu que ce dernier soit un récidiviste. S'il n'y a pas meurtre, s'il n'y a pas d'empreintes sanglantes on pourra cependant, dans la plupart des cas, retrouver le coupable, et voici comment :

Vous savez tous que sous la peau se trouve un certain nombre de glandes sébacées ou sudoripares dont les produits sont à chaque instant excrétés à la surface, même en dehors de toute sueur, c'est la perspiration. Posez un moment un de vos doigts sur une feuille de papier, vous y laisserez une trace, une empreinte digitale plus ou moins bien marquée suivant que la perspiration sera plus ou moins abondante. C'est cette trace, laissée sur un verre, une vitre, une feuille de papier, qu'il s'agira de retrouver ou de faire apparaître. Le liquide excrété par toutes les glandes est constitué par une grande quantité d'eau contenant des sels et des graisses. L'eau s'évapore bien entendu, mais il reste les sels et les graisses.

Pour les faire apparaître et les fixer d'une manière durable, il y a bien des procédés. Une solution d'hyposulfite de soude, de nitrate d'argent, des vapeurs d'iode, de l'acide osmique mis en contact avec l'objet soupçonné de porter une empreinte serviront de liquides révélateurs. Cette empreinte sera alors comparée avec la collection de la Préfecture de Police.

Dans le cas où le malfaiteur ne serait point un récidiviste, cette empreinte servirait encore à établir d'une façon ferme l'identité d'un individu soupçonné. Point ne serait besoin d'accumuler contre lui les preuves les plus convaincantes. L'empreinte de ses doigts laissée par lui chez sa victime suffirait à le confondre. Vous voyez, par ce court aperçu, que les empreintes digitales ne sont point à dédaigner en médecine légale. Les trois gravures que nous donnons sont faites d'après des photographies empreintes révélées sur une carte au moyen de procédés chimiques.


243

LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

Les empreintes laissées par les pieds rendent aussi de grands services. Mais, dans ce cas, il ne peut plus être question d'empreintes papillaires. Outre que les malfaiteurs sont rarement'pieds nus, le poids du corps suffirait pour

détruire la finesse des dessins et faire" confondre toutes les lignes. Elles sont d'ailleurs bien moins caractéristiques que celles des mains. Les empreintes, dans ce cas, serviront surtout pour reconnaître l'existence et la situation exacte d'une cicatrice de la plante des pieds. Elles pourraient aussi révéler une malformation qui suffira parfois pour faire reconnaître le coupable.

Est-il besoin d'insister beaucoup pour vous montrer les services immenses que la photographie est appelée à jouer

Main révélée sur une carie.


L'ANTHROPOPHOTOGRAPHIE.

249

dans l'enregistrement des empreintes? Le plus novice d'entre ceux qui pratiquent la photographie, sait combien l'empreinte de ses doigts se marque facilement sur une plaque. C'est qu'aussi, même en dehors de toute perspiration, une simple pression sur une couche sensible de gélatinobromure d'argent agit comme la lumière, c'est-à-dire permet aux révélateurs de réduire les parties comprimées. Serrez

une plaque entre le pouce et l'index. Si le pouce se trouve du côté de la surface sensible son empreinte paraîtra au développement. De plus on a remarqué que l'image obtenue par pression diffère de l'image latente obtenue par la lumière en ce sens que la première se fait sentir dans toute la couche sensible, alors que la seconde peut ne l'affecter que superficiellement si l'action de la lumière a été très faible. La théorie dynamique et la théorie chimique expliquent également ce phénomène. Des horizons infinis s'ouvrent donc devant ce cas particulier de l'anthropophotographie. J'aurai sans doute maintes occasions d'y revenir. D'autant mieux qu'en corrigeant les dernières épreuves de ce chapitre, j'apprends que M. Galton vient de publier en Angleterre un ouvrage entier sur ce sujet. 11 contribuera, certes, à l'avancement de cette application nouvelle.

Face plantaire des orteils.

32


250 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

LA MÀGNETOPHOTOGRAPHIE

Nous venons de voir dans les chapitres précédents, la photographie appliquée à diverses branches de la science. Mais s'il est compréhensible qu'elle puisse servir à l'enregistrement de phénomènes visibles, il semble qu'elle se prête moins bien à l'enregistrement de phénomènes invisibles. Il n'en est rien. On ne sait vraiment pas où s'arrêtera son concours. M. Mascart l'a appelée à son aide pour enregistrer le magnétisme terrestre et la photographie a répondu à cet appel.

C'est en 1880, dit M. W. de Fonvielle 1, qu'a été créé l'observatoire du parc de Saint-Maur situé dans un emplacement de trois hectares, acquis à des conditions avantageuses par l'Etat, et placé dans une situation telle qu'on peut y étudier, dans des conditions normales, le climat de Paris.

Il a été destiné, dès sa création à servir d'Observatoire au bureau central, dont les bureaux sont établis rue de l'Université. On peut le considérer comme étant aujourd'hui à peu près achevé. Aussi M. Mascart vient-il de le présenter officiellement aux membres du Congrès des météorologistes français, qui s'est réuni comme toutes les années, au Ministère de l'Instruction publique, sous la présidence du titulaire actuel de ce département.

Depuis la création de l'Observatoire du parc, les travaux sont dirigés par M. Benou, le doyen des météorologistes français. Peu de temps après sa sortie de l'Ecole polytechnique M. Renou fut attaché, en. 1837, en qualité de secrétaire à la Commission scientifique qui explora l'Algérie. Depuis lors, il s'est adonné à la science si difficile dont il est un des réformateurs, et il s'est surtout préoccupé d'assurer le contrôle permanent des instruments enregistreurs

1. Voir la Science illustrée tome VIII page 99.


LA MAGNETOPHOTOGRAPHIE. 2S1

par des lectures directes affectuées dans des conditions irréprochables.

La salle des enregistreurs, au parc Saint-Maur, a été construite ad hoc dans des conditions excellentes, et toutes les indications des instruments placés dans les diverses parties du parc y seront reçues électriquement.

L'établissement possède une bibliothèque spéciale, donnée par M. Hervé-Mangot, et formée de plusieurs milliers de volumes, qui ont appartenu à ce célèbre académicien et lui ont servi pour ses travaux.

Le magnétisme terrestre est observé au parc de SaintMaur depuis 1881 dans des bâtiments spéciaux construits à l'occasion des leçons que donna M. Mascart aux officiers de la marine française envoyés au cap Horn pour y observer le passage de Vénus et y étudier l'astronomie, de concert avec les différentes expéditions polaires des autres nations civilisées. La direction en a été confiée à M. Moureaux, qui y continue tous les ans l'enseignement de M. Mascart, en faveur d'autres officiers désignés par le ministre de la Marine, et destinés aux explorations scientifiques que le gouvernement français fait sans relâche exécuter.

Ce pavillon est isolé de tous les autres ; il n'entre que du cuivre dans sa construction. On l'a soustrait, avec le soin le plus scrupuleux, aux influences perturbatrices qui ont empêché de persister dans les tentatives faites à différentes reprises, tant à l'Observatoire de Paris qu'à celui de Montsouris. La partie capitale est la cave, dans laquelle se trouvent placés des instruments à lecture directe et le magnétographe Mascart. Ces deux genres d'instrument offrent des particularités très nombreuses.

Avec leur aide on détermine, en valeur absolue, les trois éléments principaux du magnétisme terrestre, l'intensité absolue de la force attractive spéciale, exercée sur la terre par l'aiguille aimantée, la déclinaison ou angle formé par l'aiguille aimantée avec le méridien, enfin l'inclinaison ou l'angle formé avec le plan horizontal. Des instruments du même genre étaient emportés par M. Moureaux, dans ses


252 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

voyages en France et à l'étranger, pour tracer ses cartes magnétiques.

Le magnétographe est destiné à l'enregistrement photographique automatique des variations des trois éléments que nous avons énumérés plus haut, et dont l'étude est indispensable pour que l'histoire des perturbations magnétiques soit connue, c'est-à-dire pour que l'on puisse arriver à la connaissance exacte du rôle que le pouvoir magnétique joue dans les phénomènes naturels.

Un grand nombre de raisons théoriques, dans le détail desquelles nous ne pouvons entrer sans allonger démesurément cet aperçu d'une application nouvelle de la photographie semblent prouver que le déchiffrement complet des hiéroglyphes tracés par les instruments magnétiques est le seul moyen d'arriver à la prédiction rationnelle du temps, et que ces lignes bizarres renferment dans leurs évolutions saccadées tout l'avenir d'une des branches les plus séduisantes du savoir humain!

Les appareils soumis à l'enregistrement sont au nombre de trois. Chacun se compose essentiellement d'un barreau aimanté mobile obéissant aux caprices d'un des trois éléments magnétiques et portant un miroir sur lequel se dirige un des faisceaux lumineux qu'on voit passer dans notre figure.

Ce rayon traversant une fente spéciale est fourni par la combustion d'un jet unique de gazogène. Les variations incessantes de position de chacun des trois aimants se produisent par des variations correspondantes dans la situation du rayon réfléchi par le miroir qu'il porte. Ce faisceau réfléchi vient frapper constamment un des points d'une feuille de papier sensibilisée au gélatino-bromure d'argent, et qui se déroule proportionnellement au temps. C'est le procédé employé constamment lorsque l'on emploie la photographie aux enregistrements scientifiques. La succession de ces impressions produit une ligne ondulée, qui se manifeste et se fixe par le développement.

Une des idées importantes de M. Mascart, a été de com-


CAVE DU MAGNÉTOGRAPHEtMASCART

B et B'. Bifilaires. — C. Balance magnétique. — D\ Delinqmètrè. — D et E. Enregistreurs Richard frères de la température et de l'état hygrométrique de l'air. — H, H, H. Solénoïdes pour l'inscription automatique de l'heure.

I. Enregistrement.


254

LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

biner la direction des trois rayons de lumière de manière que les trois diagrammes soient tracés côte à côte sur une feuille unique et rapprochés les uns des autres, ce qui permet de les comparer avec la plus extrême facilité.

Nous donnons comme exemple une courbe troublée par

une curieuse perturbation produite pendant les variations atmosphériques du 15 mai 1891. Nous l'avons rapprochée du diagramme de courbes analogues, montrant l'évolution régulière des ondulations normales produites par le mouvement du soleil suivant les heures et suivant les saisons. Grâce aux simplifications opérées par M. Mascart, dans la construction de ses magnétographes, cet appareil fonctionne déjà, non seulement à Paris, mais à Lyon, à Glermont, à Perpignan, à Nice, à Nantes, à Toulouse et à BeVAWATION

BeVAWATION nu 28 AV 29 AVRIL,' 1891.

Fac-similé en grandeur naturelle, des trois courbes inscrites automatiquement par le magnélographe :

D. Déclinaison. — H. Composante horizontale. — ï. Composante verticale.


LA MAGNÉTOPHOTOGRAPHIE.

25S

sançon. De plus il tend à se répandre chez les nations étrangères, même en Angleterre où les premiers magnétographes ont été installés, et où l'amour-propre national poussait à la conservation indéfinie des lourds et paresseux appareils installés avec tant de frais à l'observatoire de Kew.

PERTURBATION EXTRAORDINAIRE DU \h AU 15 MAI 1S91.

Fac-similé en grandeur naturelle, des trois courbes inscrites automatiquement par le magnétographe :

D. Déclinaison. — II. Composante horizontale. — Z.Composante verticale.

D'un autre côté, pour définir d'une façon absolue le moment où se produisent certaines particularités intéressantes dans les différents magnétographes du monde, il est indispensable que les divers diagrammes portent des marques indiscutables indiquant l'heure avec la haute précision des meilleures horloges astronomiques.

En conséquence, M. Moureaux a établi, à côté de chacun des appareils de variation, un solénoïde faisant partie d'un circuit électrique dans lequel une excellente horloge lance,


256 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

toutes les trois heures, un courant qui perturbe artificiellement pendant un temps très court son barreau aimanté. Il en résulte une trace caractéristique dont nous avons signalé un spécimen dans chacun de nos diagrammes. Le lecteur pourra trouver trop aisément les autres marques pour qu'il ait été nécessaire de multiplier les indications.

L'idée d'ajouter ces repères à chacun des diagrammes du magnétographe a conduit M. Moureaux à faire une grande découverte. Lors de certains tremblements de terre, il a reconnu, à son grand étonnemeiit, des marques semblables à celles qu'il produisait artificiellement. Il était de la plus haute importance de s'assurer que ces marques n'étaient pas dues à des vibrations d'origine mécanique transportées à grande distance par le sol, et trop faibles pour que d'autres appareils que l'aiguille magnétique les manifestassent.

Afin de s'assurer qu'il n'en était rien, il a associé à l'aiguille aimantée en acier une aiguille non aimantée en cuivre qui n'a pas bronché, car le rayon de lumière réfléchi par un miroir n'a éprouvé aucune oscillation. 11 y a donc des cas où le magnétisme terrestre, le fluide mystérieux de la terre, entre en convulsion en même temps que l'écorce que nous habitons, et c'est alors probablement que le monde est ébranlé.

Voilà encore une nouvelle application de la photographie qui promet beaucoup. Je ne serais pas autrement surpris si dans un avenir très prochain, elle nous force à compter avec elle et à l'admirer.

FIN DE LA QUATRIEME PARTIE.


CINQUIÈME PARTIE

VARIETES

LA PREMIÈRE EXPOSITION INTERNATIONALE DE PHOTOGRAPHIE

Sous l'instigation de M. Attout-Taillefer, aidé du concours de la Société française de photographie et du PhotoClub de Paris, une première exposition internationale de photographie a été ouverte au cours de l'année 189B. La grande galerie, la galerie Rapp, qui renfermait les VIe et VII0groupes, relatifs aux appareils et aux produits, ne nous présentait pas moins de deux cents et quelques exposants. Rassurez-vous : je n?ai nullement l'intention de vous les décliner tous et de faire, par conséquent, ici un petit Bottin photographique. Toutefois, je dois bien à quelques-uns un bonjour en passant. Je viens de vous parler, d'ailleurs, de presque toutes les nouveautés que l'on rencontre ici.

Prenons l'Exposition battant son plein.

Dès en entrant, nous trouvons le Comptoir général de photographie avec sa photo-jumelle. M. Bazin, le successeur de M. Dessoudeix, nous montre les obturateurs et la chambre à magasin Londe avec tous les perfectionnements nouveaux. Voici M. Lechner, avec sa chambre noire adaptable à un fusil de chasse. M. Krauss expose les excellents objectifs Zeiss et des morceaux du verre d'Iéna qui les composent. MM. Bézu et Hauser présentent leur appareil microphotographique.'Ici l'ébénisterie de M. Mackenstein; là les plaques Guilleminot; de ce côté les petits appareils de

33


258 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

M. Cadot; les produits photographiques de MM. Target, Poulenc frères, Fribourg et Hesse. Tout miroitant de verres, s'élève dans cet endroit un atelier de pose démontable de la maison Schaeffner. M. Molteni, avec ses incomparables lanternes de projection coudoie M. Audouin avec son assortiment de tout un peu. M. Monti expose les excellentes chambres noires de Jonte, et, en plus, une superbe chambre pour atelier, munie de tous les perfectionnements imaginables. A côté, le cyclographe de M. Damoizeau attire les amateurs de vues panoramiques, déjà mis en éveil par l'appareil de M. Moëssard.

Les obturateurs de toutes formes et de toutes sortes se rencontrent à chaque pas. Voici les Mattioli, voici les Tury et Amey, voici les Irumberry. Les objectifs? MM. Balbreck, Darlot, Derogy, Ross, Zion, rivalisent à qui mieux mieux. Les fabricants de papiers ? On ne les compte plus! Et les constructeurs d'appareils pour laboratoires et ateliers? Ils sont aussi incalculables. Une véritable troupe à la tête de laquelle marchent MM. Decoudun, Faller, Radiguet.

Mais vous voudriez bien savoir, n'est-ce pas, ce qu'il y a de plus intéressant dans cette partie industrielle et technique de l'Exposition. Eh! mon Dieu tout l'est. Cela dépend des aptitudes et des besoins du visiteur.

Le grand succès qui a accueilli La Théorie, la Pratique et l'Art en photographie indique sur quel point je dois m'arrêter. C'est celui de Y Art. Je le fais d'autant plus volontiers qu'il est et restera ma plus constante occupation en photographie. La photographie, en effet, est un art tout particulier ayant forcément des points de contact communs avec les autres arts, mais bien spécial par son rendu et ses manières opératoires. La première exposition internationale avait donc, à mon sens, l'obligation de créer un Salon des amateurs photographes. C'était une tentative qu'elle a osée et dont je la loue grandement. Mais cette tentative devra faire plus que de marquer une étape : elle exige le renouvellement.


PREMIÈRE EXPOSITION DE PHOTOGRAPHIE. 239

On m'a dit qu'on ne s'attendait pas à un si grand nombre d'exposants. Personnellement, je l'ai trouvé très restreint lorsque je considère la foule d'amateurs qui pratiquent la chambre noire. A bien réfléchir, cela se comprend. Tout d'abord, une question d'argent se présente. Quand nos peintres exposent, on ne leur demande pas de payer l'emplacement qu'ils occupent. C'est bien assez qu'ils fassent les frais de l'oeuvre et de son encadrement. De plus, il faut considérer que ce Salon est le premier Salon véritable. On ne savait pas, on n'a pas osé, on a attendu pour voir. On a craint la concurrence d'amateurs plus forts ou munis d'appareils plus perfectionnés. Si bien même que quelques-uns, voyant ce dont il retournait, ont demandé, après coup, à figurer dans cette exposition. Ajoutons encore que beaucoup ont craint la critique. Question de préjugé.

Pour les bourgeois, et ils forment, de fait et d'esprit, les deux tiers de la population en France, la critique consiste à ne trouver rien de bon, à blâmer quand même, avec ou sans raison. Je refuse ce sens à ce mot. Un exposant, quel qu'il soit, ne saurait jamais soupçonner l'ironie ou le dénigrement là où l'écrivain, quand il parle suivant sa conscience, n'a voulu mettre qu'un conseil. Pauvre critique, comme on lui en veut, comme on le malmène !

D'une part, nous sommes devenus tellement outranciers en matière d'art, depuis quelques années, que le blâme ou l'éloge se colorent tout de suite d'un reflet d'hyperbole. D'autre part, les organisateurs des Salons semblent se plaire, par leurs agencements, à dérouter ceux qui veulent se former une appréciation sérieuse des oeuvres exposées. Ceux qui ont présidé à l'Exposition de photographie sont tombés dans les mêmes errements. Au lieu d'innover, ce qui était bien le cas pour un Salon nouveau, ils n'ont qu'imité la déplorable façon d'agir des peintres. Il eût été si facile cependant de grouper les différents genres. Le public payant y aurait trouvé son compte. Ne connaissant, en général, rien à l'art, il cherche avant tout ce qui lui est particulièrement agréable, qui le paysage, qui la scène de rue, qui le sujet


260 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

de genre, qui l'anecdote militaire, qui les plages... Grâce au groupement des genres, chacun eût pu se rendre directement dans la salle où auraient été rassemblées les oeuvres qui lui sont chères. De là, il aurait rayonné de droite et de gauche pour donner un coup d'oeil aux autres groupes.

Quant à la critique, est-il besoin d'exposer combien, par ce classement, elle serait plus facile, plus rapide, forcément meilleure ; combien elle démêlerait aisément, par comparaison, les tendances semblables, les photographes qui sentent et ceux qui ne l'ont que voir, les photographes qui. tentent l'oeuvre d'art et les photographes qui ne font que de la photographie.

Cette innovation, je le crois sincèrement, eût souri à tous. J'estime qu'au prochain Salon des amateurs photographes les organisateurs feront bien d'y penser.

Une promenade rapide dans les différentes salles affectées aux amateurs m'a tout d'abord dérouté. En présence de la facilité de la photographie, aussi bien que des tendances artistiques françaises, je croyais que le paysage y abonderait. Grande a été ma surprise en constatant le contraire.

Le pourquoi de cet étal, de choses m'a. beaucoup obsédé. Peut-être se nicbe-t-il clans la perfection des épreuves que les exposants se proposaient de nous soumettre? Cette perfection, ils l'ont demandée à la retouche et, qui. pis est, à la retouche mercenaire. Or s'il existe beaucoup de retoucheurs pour le portrait, il n'en est guère pour le paysage. Dans ce genre on se contente, en général, déboucher les trous. C'est tout et j'estime que, dans la majorité des cas, c'est assez. Mais alors les épreuves n'ont pas paru satisfaisantes et on ne les a point exposées.

En revanche, les portraits abondent. Ce qui tenterait à prouver que mon appréciation tombe juste. D'autant que ceux-ci semblent retouchés à plaisir. A telles enseignes même qu'on pourrait presque les classer par retou-


LA PREMIÈRE EXPOSITION DE PHOTOGRAPHIE

GALERIE DES APPAREILS ET DES PRODUITS.


262 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

cheur, tellement le faire de celui-ci ou de celui-là se reconnaît.

Un des plus beaux côtés du paysage, un des plus difficiles aussi et qui devrait tenter par sa difficulté même, est l'effet de lumière en général et le coucher du soleil en particulier. Grosse, très grosse difficulté, ces couchers de soleil, surtout sur terre. On les obtient mieux à la mer, grâce à la luminosité même de l'eau. A mon sens, on cherche trop l'instantanéité absolue dans l'obtention de ces effets. Je sais bien qu'il la faut. Toutefois il y a instantanéité et instantanéité. La variété, en cela, est plus grande même que dans les fagots.

Bien que je n'aime guère à me mettre en scène, permettez-moi une parenthèse personnelle. L'un des derniers étés je me trouvais au bord de la mer en face de superbes couchers de soleil, avant et après l'orage. Quand je vois de ces effets-là, je ne puis laisser ma chambre noire tranquille. J'opérai comme je le faisais d'ordinaire avec une guillotine à chute libre, présentant une ouverture égale au diamètre de l'objectif que je diaphragmai à F/ 24. Le disque du soleil, bien dégagé et bien brillant, contrastait vigoureusement avec de gros nuages noirs chargés de grêle. Pour obtenir plus d'harmonie, je voulus poser. Je refis le motif pris à la guillotine en donnant à l'exposition la durée d'une demi-seconde. Le phototype obtenu se-trouva beaucoup plus harmonieux. Seulement... Ah oui! vous l'attendiez ce seulement!... Seulement, dis-je, le soleil se trouvant très surexposé se retourna et devint positif. Ce n'était pas un bien grand mal en somme : un coup de pinceau trempé dans l'encre de Chine le remit à sa valeur pour le tirage.

J'en conclus que, devant de pareils effets, il faut éviter l'intantanéité absolue, surexposer un peu le ciel pour moins sousexposerle sol.

Si les effets de lumière ont été peu cherchés, les tons fins et délicats ne brillent pas par l'abondance, soit qu'on n'ait pas osé les tenter avec l'appareil à main, soit qu'on n'ait pas su les développer. Cette dernière considération me paraît la


PREMIÈRE EXPOSITION DE PHOTOGRAPHIE. 263

plus vraisemblable. Huit fois sur dix on les manque avec des bains à formule fixe, servant n-\- 1 fois, et huit fois sur dix aussi on emploie ces produits plus ou moins mystérieux étiquetés d'un nom ronflant. Il serait fort aisé pourtant d'avoir recours à des révélateurs qui, tout en poussant à la finesse que l'on cherche, laissassent assez de transparence aux noirs du phototype pour détruire les oppositions heurtées. Un judicieux mélange d'iconogène et de pyrogallol, je l'ai indiqué dans un précédent chapitre, permet d'atteindre ce résultat.

Quant à la mer, elle nous plaît dans ses deux états extrêmes : calme ou tourmentée. Dans ces deux états, en effet, auxquels tous les états intermédiaires se relient, elle confine au plus près de la beauté. C'est donc la plus belle variété du paysage. Pourquoi trouvons-nous pourtant si peu de paysagistes qui tentent ce genre? C'est qu'il offre d'étonnantes difficultés par la complexité de ses sujets et la simplicité de ses accessoires. Si vous interrogez les peintres, ils répugneront à reconnaître cette vérité. Ce serait de leur part un aveu d'impuissance. Leur arracher cet aveu est plus dur encore que de faire convenir à un cabotin qu'il existe des comédiens d'un talent supérieur au sien. Ils préfèrent répondre par le dédain, cette réponse muette des sols orgueilleux. Ou bien ils crieront à vous étourdir que la mer est toujours immuablement la mer, qu'on reste dans la vérité vraisemblable, quel que soit le ton qu'on lui donne, si ce ton reste lui-même dans l'harmonie de l'ensemble. Thèse spécieuse, mais au demeurant fantaisie pure. Les faits abondent pour fournir des matériaux à une argumentation subversive. J'en prendrai un seul, tout physique, relevant de la nature même. Je veux parler de la coloration typique de chaque mer et de la forme particulière de ses vagues.

En admettant un instant que la thèse des peintres ne soit pas spécieuse, on ne saurait croire de prime abord qu'elle pût servir aux photographes. Grâce aux progrès de la science, servant de base à leur art, ils possèdent je l'ai


264 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

dit en parlant des marines, tout ce qu'il faut pour fixer le mouvement nécessaire et constant de la mer, pour saisir au passage ses effets multiples et fugaces, pour rendre sa magie, qui atteint pour le moins à l'un des trois termes esthétiques se nommant : l'agréable, le beau, le sublime.

La marine demeure pour le photographe le sujet le plus propice, je dirai même le plus facile qu'il puisse trouver pour faire oeuvre d'art. Il résulterait" tout naturellement de cette constatation que les marines devraient abonder à l'Exposition, si l'on avait voulu y affirmer l'Art en photographie. En toute franchise, et quoi qu'il m'en coûte, je dois à la sincérité de ce chapitre d'avouer que cette affirmation semble avoir été, en général, le cadet des soucis des exposants. Je me plais à penser que la prochaine fois il en ira autrement. Pour l'heure, on a plutôt voulu montrer ses photocopies, en. dehors du cercle d'intimes admis d'ordinaire aies contempler, que d'exposer des tableaux véritables.

Mettons cela sur le compte des tendances anciennes qui ne soupçonnaient pas l'Art en photographie et... passons pour arriver au grand écueil des amateurs : le portrait. Non que ceux-ci ne puissent y exceller aussi bien ni même mieux que les photographes de profession, en ce qui concerne la pose et l'arrangement du modèle, mais ils manquent souvent d'atelier et, par conséquent, de la possibilité de bien éclairer ces mêmes modèles. J'ajouterai de plus que les photographes de profession, par la manie constante de la retouche, ont perverti et faussé totalement le goût du public. L'Art en photographie aura fort à faire de ce coté pour rétablir la vérité. Je ne connais rien de jdus difficile à déraciner qu'une idée fausse. Il-semble que cette fausseté même multiplie les racines de l'idée. C'est l'histoire éternelle d'un vieux paletot qu'on hésite à vendre au marchand d'habits, parce qu'on est habitué à sa forme, à sa couleur, à ses plis. Toutefois, il arrive un moment où il faut bien le vendre, et on est alors étonné de constater que le nouveau vêtement sied mieux, qu'on a eu vraiment tort de ne point


LA PREMIÈRE EXPOSITION DE PHOTOGRAPHIE

SALON DU PHOTO-CLUB DE PARIS.


266 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

se débarrasser plus tôt de l'ancien. Quand ce moment arrivera-t-il pour les guenilles des préjugés concernant l'Art en photographie ? Je crains que ce ne soit pas demain.

Beaucoup d'adeptes de la chambre noire me semblent en être .encore étroitement emmaillotés. Cela ressort de l'exposition même. Tel ou tel cadre pourrait être signé de tel ou tel nom de photographe de profession, sans que le public y trouvât à s'en étonner.

Quelques esprits honnêtes verront là un compliment. Ils se méprendront totalement sur le sens de ma pensée.

Je comprends que, pour la plus grande satisfaction de sa clientèle et l'achalandage de sa maison, un photographe de profession, qui fait argent de ses oeuvres, doive condescendre, si artiste qu'il soit, à donner certains crocs-en-jambe à la vérité. 11 existe là une question de métier tout à fait en dehors de l'Art pur, une question de pain quotidien contre laquelle j'aurais mauvaise grâce de m'insurger. Mais un amateur, devant un portrait à faire, ne devrait avoir que l'Art en vue. C'est même à lui de redresser petit à petit le goût du public, de l'amener à refuser aux photographes de profession ces figures unies, léchées, veules, sans caractère, paraissant coulées dans un moule immuable, et dont ils souffrent les premiers, lorsqu'ils ont au coeur le sentiment artistique. Je me hâte d'ajouter que beaucoup le possèdent, ce sentiment, et qu'il se révèle de-ci, de-là, soit dans l'éclairage, soit dans la pose.

Dans le genre du portrait, beaucoup de photocopies d'amateurs présentent une exécution irréprochable. Elles font grand honneur à ces amateurs. Malheureusement beaucoup de photocopies aussi évoquent cette sorte de comparaison dont je parlais tout à l'heure.- Ecrivez au-dessous, par exemple, le nom de Nadar, et si l'éminent photographe de profession y contredit, le public, qui ne voit pas la petite bête, n'y contredira pas. Ce sont les mêmes poses, les mêmes éclairages, les mêmes repeints de retouche. Il est difficile vraiment de pasticher d'une façon plus complète.


PREMIERE EXPOSITION DE PHOTOGRAPHIE. 267

On m'affirmerait que ces messieurs se contentent de faire poser leurs modèles, d'ouvrir et de fermer l'objectif, de développer le phototype et de le livrer ensuite aux ateliers de M. Nadar, que je n'en serais pas autrement surpris. J'aimerais mieux un peu moins de perfection et un dégagement plus net de l'originalité de l'artiste.

Toutefois c'est vraiment dans le portrait qu'on rencontre les meilleures choses du Salon des amateurs. Ce genre y est manié avec une remarquable maestria. D'aucuns ont eu l'excellente idée d'exposer des phototypes négatifs. Je voudrais, en effet, que dans une exposition de photographie les phototypes se montrassent à côté des photocopies. Gela formerait non seulement un excellent point de repère pour la critique, mais encore une non moins excellente école pour les jeunes désireux d'apprendre ou de se perfectionner dans leur art.

Néanmoins, si bonne que soit en général la classe de portraits au Salon des amateurs, il y a une tendance déplorable qui consiste à ne pas se donner la peine de travailler sur son propre fonds. On y sent trop le parcours des chemins battus, la reproduction presque constante d'une demi-douzaine de sujets affectionnés par certains photographes de profession. Combien y a-t-il de femmes se détachant sur le fond d'une ombrelle japonaise ou d'un éventail déployé ! Et des actrices! En considérant à ce point de vue certaines expositions, on se croirait devant la vitrine d'un photographe de profession à la mode.

Le goût naturel et des connaissances esthétiques, même rudimentaires, peuvent permettre au photographe de faire oeuvre d'Art quand il attaque la marine ou le paysage. La nature lui présente souvent, en effet, des lignes tout ordonnancées, des masses d'ombres et de lumière à peu près parfaitement pondérées. Il peut choisir sans se donner la peine ardue de composer et avec un sentiment inné de l'Art, il fera certainement quelque chose de bon sinon de transcendant.

Il n'en va pas de même du sujet de genre.


268 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

Certes je veux bien admettre que dans les nombreuses scènes de rue ou de plage qui se déroulent incessamment sous nos yeux, il en soit de typiques, de pittoresques, d'artistiques même, qu'un homme de goût ne manque pas de démêler dans le nombre, et qu'il peut saisir au battement rapide de l'obturateur d'une chambre à main. Petits tableaux de genre, charmants, bien vivants, mais toujours dus au hasard et qui, malgré la semblance de leur multiplicité innombrable, se répètent assez pour présenter un certain air de famille, un déjà vu insupportable à la longue. Joignez à cela la nécessité absolue d'opérer instantanément. Or, quoi qu'on dise, quoi qu'on fasse, l'instantanéité se prête mal à l'Art.

Pour réussir un phototype suffisamment harmonieux, permettant l'obtention d'une photocopie artistiquement modelée, il faut, avec les moyens actuels, non seulement posséder un objectif hors de pair et une haute science du développement, mais encore n'opérer qu'à certaines époques de l'année, à certaines heures du jour et dans des conditions atmosphériques lumineuses tout à fait particulières. L'instantanéité, en somme, n'est encore qu'une sorte de sport, comme la course, la chasse ou la pêche. Maniée par un photographe de goût ou bien réellement artiste, elle peut donner des épreuves confinant à l'Art, mais qui ne sont pas véritablement de l'Art. Je ne saurais donc donner aux oeuvres ainsi obtenues la même valeur qu'à celles longuement composées, habilement éclairées et. sagement posées.

Le sujet de genre n'exigeant pas un atelier, ne demandant pas de longues courses pour aller à la recherche d'un motif, semble tout particulièrement fait pour être tenté par l'amateur. Une promenade à l'Exposition de photographie prouve la vanité de cette croyance. C'est qu'aussi, si le sujet de genre se montre à la portée de tous, il réclame à lui seul toute la lyre des connaissances esthétiques. On ne saurait l'aborder avec fruit sans de sérieuses études préalables.


ALEXANDRE-EDMOND BECQUEREL. 269

Toutefois, si peu nombreux que soient les véritables sujets de genre à l'Exposition de photographie, je me plais à constater qu'il y en a de bons, d'excellents, de tout à fait artistiques.

Dois-je parler des intérieurs? Ils ont vraiment peu de rapports avec l'Art proprement dit. Ce n'est que de la photographie documentaire sans grand intérêt. Je les laisse et termine avec l'espérance que dans la prochaine exposition j'y trouverai plus nettement exprimé, qu'en celle-ci, l'Art en photographie.

ALEXANDRE-EDMOND BECQUEREL

Le 13 mai 1891, l'Académie des sciences a perdu l'un de ses membres, M. Alexandre-Edmond Becquerel, professeur au Muséum d'histoire naturelle et au Conservatoire des Arts et Métiers. Ce grand savant a été enlevé par une pneumonie à ses chers travaux, dont il s'occupait encore activement un mois avant sa mort.

Né à Paris en 1820, M. Edmond Becquerel avait été élevé dans l'amour de la science par son père, professeur au Muséum d'histoire naturelle. Collaborateur de son père autant que son élève, il s'occupa d'abord de questions agricoles, et., pendant de longues années, les noms d'Antoine et d'Edmond Becquerel restèrent associés. Ce dernier fut élu, en 1863, membre de l'Académie des sciences pour la section de physique générale, en remplacement de M. Desprets. M. Edmond Becquerel laisse après lui des recherches estimées sur la constitution de la lumière, sur ses causes, ses effets et sur le spectre solaire.

Parmi ces différents travaux sur l'optique il en est plusieurs tout particuliers à la photographie. Ce sont ceuxlà que nous devons retenir ici. Toutefois je ne ferai que les énumérer, M. Becquerel étant un savant français, suffisamment connu.

Dès 1841 il étudie l'action du spectre solaire sur les sels


270 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

d'argent sensibles à la lumière, et remarque que certains d'entre eux, préparés dans l'obscurité, fournissent une image allant du bleu au violet. Si cette même substance sensible a reçu un commencement de lumière blanche avant l'exposition sous le spectre, l'image se prolonge du bleu au rouge.

Revenant à une première découverte qu'il avait faite à dix-neuf ans, relative à la formation de courants électriques sous les actions chimiques, le jeune savant publia en 1841 un mémoire dans lequel il indique la construction d'un appareil qu'il nomme actinomètre électro-chimique et qui permet de mesurer, à n'importe quel instant, l'intensité de telle partie du spectre que l'on voudra ou de la lumière blanche elle-même. En employant un sel d'une sensibilité extrême -— le sous-chlorure d'argent violet — on possède, comme le dit M. Becquerel, un véritable oeil artificiel doué d'une rétine minérale dont les effets électriques se montrent proportionnels aux impressions physiologiques de la vision.

Ce sous-chlorure d'argent violet, sensible aux rayons colorés et susceptible d'en garder l'impression, fut cher à M. Becquerel et l'amena à des travaux très remarquables sur la chromophotographie.

« Dès 1839, M. Ed. Becquerel s'était occupé de ce sujet, dit M. A. Peignot, et il avait découvert que le chlorure d'argent pur, sans excès d'azotate d'argent, préparé non par double décomposition sur le papier, mais dans un verre à réactif lavé et étendu sur une lame de verre, après une exposition préalable à la lumière, donnait sous l'influence du spectre solaire une image violacée dans la partie bleue et violette du spectre et rose dans le rouge. .En analysant ce chlorure impressionné par la lumière, il reconnut que le chlorure blanc se transforme sous l'influence de la lumière en souschlorure violet, corps doué de propriétés toutes nouvelles puisque non seulement il est sensible à toutes les radiations visibles, mais il en garde les impressions colorées correspondantes. A partir de ce moment ses recherches se portèrent


ALEXANDRE-EDMOND BECQUEREL. 271

sur cette curieuse substance et sur le mode le plus favorable delà production de la couche sensible.

« Après avoir essayé de former le chlorure par immersion d'une lame d'argent dans l'eau chlorée, ce qui lui permit d'obtenir, comme il le dit, un souvenir du spectre solaire, il substitua à l'eau chlorée une dissolution de bichlorure de cuivré mélangée de chlorure de sodium, puis, enfin, indiqua le procédé qu'il avait définitivement adopté : celui de former le sous-chlorure d'argent par Télectrolyse.

Après quelques précautions, on réussit très bien par le procédé suivant : une lame de plaqué d'argent (plaque daguerrienne) bien polie, est fixée à l'extrémité d'un fil de cuivre communiquant avec le pôle positif d'une pile (un ou deux . Bunsen), le pôle négatif étant terminé par une tige de platine. Si on plonge en même temps la plaque et la tige dans une cuve contenant : eau, 8 litres, acide chlorhydrique, 1 litre, aussitôt l'acide chlorhydrique est décomposé, le chlore se porte sur la lame d'argent pour former le souschlorure d'argent et l'hydrogène se dégage sur la tige de platine. La lame d'argent étant tenue verticalement et la tige de platine promenée rapidement devant sa surface pour que le dépôt soit régulier, on voit cette lame se recouvrir de teintes successives provenant du phénomène des lames minces, ainsi qu'on le remarque dans la formation des anneaux colorés par transmission (anneaux de Nobili).

« Il faut, pour une bonne couche, s'arrêter à la teinte convenable du quatrième ou cinquième ordre. La plaque retirée du bain est lavée à l'eau distillée, puis séchée à la lampe à alcool et polie au rabot de velours pour enlever le léger voile blanc qui la recouvre. Elle doit alors être brillante et présenter une teinte de bois foncée.

« On peut mesurer directement l'épaisseur de la couche la plus convenable en interposant un voltamètre dans le circuit; dans ce cas, le volume d'hydrogène dégagé dans le voltamètre étant égal au volume de chlore fixé sur la plaque, on a calculé que ce volume doit être de 6om:),50à 6cra3,90 par décimètre carré.


272

LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

« M. Ed. Becquerel a remarqué que, si la plaque ainsi préparée donnait déjà une bonne impression colorée, on obtenait un meilleur résultat en faisant subir à la plaque un recuit qui primitivement consistait à la chauffer vers loO à

200° pendant quelques instants, mais mieux à la chauffer plusieurs jours à une température constante de 35°. On pouvait dire à ce moment que le moyen de peindre avec la lumière était scientifiquement trouvé.

« Restait à fixer ces épreuves et c'est là qu'ont échoué tous ceux qui depuis ont tenté de rendre ces belles colorations durables à la lumière ; car, si elles se conservent indéfiniment à l'obscurité, la lumière un peu intense les efface peu

BECQUEREL, membre de l'Institut.


JOSEPH PETZVAL. 273

à peu. La cause de cette difficulté, ainsi que l'a montré M. Ed. Becquerel, vient de ce que le sous-chlorure d'argent violet plongé dans un dissolvant dé chloruré blanc, tel que l'ammoniaque, lé. chlorure ou l'hyposûlfite de soude, se dédouble en chlorure blanc qui se dissout, et en argent métallique qui reste sur la plaque, indiquant par une trace blanchâtre la place de l'image colorée.

« M. Ed. Becquerel possédait de très beaux spécimens d'images du spectre solaire avec de très vives couleurs placées exactement aux endroits où avaient frappé les rayons colorés de même sorte.

« Il a pu aussi obtenir des images de la chambre noire, mais le temps de pose étant très long, la réussite présente de grandes difficultés. »

Dernièrement encore, M. Ed. Becquerel rappelait ses belles découvertes au moment où M. Lippmann présentait ses photographies du spectre solaire.

Pendant de longues années, M. Ed. Becquerel occupa au Muséum le posté d'aide-naturaliste sous la direction de son père, qui y était alors professeur de physique. A la mort de son père, en 1878, il hérita de sa chaire. Il était alors depuis longtemps déjà professeur au Conservatoire des Arts et Métiers.

JOSEPH PETZVAL.

Parmi les célébrités qui auront une place immuablement marquée dans le Panthéon photographique que la postérité ne pourra manquer d'élever à cet art, il faut compter le professeur Joseph Petzval, de Vienne.

Mort le 17 septembre 1891, M. Joseph Petzval était né à Bêla, dans le nord de la Hongrie, le 6 janvier 1807. Ses parents, Allemands d'origine, ne possédaient qu'une fortune médiocre. Le jeune homme, travailleur ardent* n'en fit pas moins d'excellentes études à l'Université de

35


274 LES NOUVEAUTÉS. PHOTOGRAPHIQUES.

Pesth, à la suite desquelles il choisit la carrière du professorat.

En 1832, il fut nommé professeur suppléant à l'Université où il avait fait ses études et y fut titularisé professeur ordinaire de mathématiques supérieures, en 1835. La façon dont il faisait son cours avait déjà attiré sur lui l'attention. Très peu de temps après cette titularisation, il fut appelé à occuper la même chaire à l'Université de Vienne.; Il la garda jusqu'en 1884.

■ Les travaux auxquels il se livra, soit dans les mathématiques, soit en physique pouvaient marquer. Cette phrase s'applique à beaucoup de professeurs de grand mérite. Si elle leur donne, de leur vivant, une notoriété glorieuse, elle ne saurait suffire pour leur ouvrir toutes grandes les portes de la postérité. Il faut pour cela plus et mieux que des travaux d'école. Il faut surtout des résultats s'appliquant à des sciences très à l'ordre du jour dans tous les pays civilisés, résultats tels qu'ils soient acceptés partout au lieu d'être contestés. ...

Au cours de la carrière de M. Joseph Petzval, le daguerréotype fit son apparition. Il la fit avec la chambre noire de Porta, munie d'une lentille simple, qui, suivant les progrès effectués par l'optique moderne, fut plus ou moins achromatisée. Avec de semblables appareils, l'image, pour être nette, exigeait l'emploi de diaphragmes très petits, et demandait, par conséquent, un temps de pose d'autant plus cruellement long que les plaques, impressionnées suivant le procédé de Daguerre, n'offraient qu'une sensibilité très restreinte.

Pour que le nouvel art se développât, il devenait donc de toute nécessité de remédiera ces deux défauts, c'est-à-dire d'augmenter la sensibilité des plaques et aussi la grandeur diamétrale des diaphragmes employés.

En sa qualité de mathématicien et de physicien, ce fut sur ce dernier point que M. Joseph Petzval porta toute son attention; II chercha donc à remplacer l'objectif simple de la chambre daguerrienne par un système optique très lumi-


JOSEPH PETZVAL.

275

neux, susceptible de donner une image nette et claire avec une grande ouverture.

Afin de mieux corriger les aberrations des lentilles, M. J. Petzval imagina dédoubler l'objectif de la chambre daguerrienne et de placer le diaphragme entre les deux

systèmes lenticulaires. On sait, en effet, que le diaphragme placé en avant d'une lentille simple présente une distorsion convexe, alors qu'elle devient concave lorsque ce même diaphragme se trouve après la lentille. Bien placé ainsi entre les deux, la concavité et la convexité tendaient à se balancer pour former une image rectilinéaire.

Vers 1840 M. J. Petzval fit la connaissance de M. Frédéric von Voigtlander. Il le mit au courant de ses aperçus, de ses vues, de ses calculs théoriques. M. Voigtlander se charJOSEPH

charJOSEPH


276 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

gea de. calculer, pour la pratique, les indices de dispersion des différentes sortes de verre.

Cette collaboration amena, la construction de l'objectif double, non symétrique, dès lors connu sous le nom. d'ofrjectif double à portrait de Petzval. La construction de ce nouvel objectif assignait, de prime coup, au professeur de l'Université de Vienne un rang élevé parmi les inventeurs de la photographie et des appareils qu'elle emploie. Cet objectif, eii effet, n'exigeait pas un diaphragme d'un aussi petit diamètre que les objectifs simples précédents. Il pouvait — je dirai même il peut, car on l'emploie toujours — permettre de travailler avec une ouverture F/6 qui va souvent à F/4 et même à F/3 dans certaines combinaisons réalisées pour une grande rapidité. Cet objectif, s'il possède cette qualité, garde cependant des défauts. 11 ne couvre qu'un champ restreint, présente une profondeur de foyer tout à fait minime et la distorsion n'est pas absolument évitée. Toutefois, il reste le premier grand progrès de l'optique photographique, et le point de départ de tous les progrès plus récents. A telles enseignes même que c'est encore lui qu'on emploie presque exclusivement à l'atelier.

M. J. Petzval ne s'arrêta pas à ce premier succès. Il chercha un objectif pouvant donner une image plus étendue encore avec une plus grande précision de netteté. Cette nouvelle combinaison à laquelle il donna le nom d'objectif orthoscopique, bien que la rectitude absolue des lignes de de l'image n'existe pas en réalité, ne vit le jour que dixsept ans après sa découverte, lancé d'une part par M. J. Petzval, qui l'avait fait construire par l'opticien Dietzler, de Vienne, et en même temps par M. Voigtlander, qui venait de le fabriquer.

M. J. Petzval possédait, en effet, un caractère assez peu maniable. M. Voigtlander eut à le constater. Des difficultés surgirent entre les deux collaborateurs. Elles amenèrent entre eux une séparation. C'est l'éternelle histoire de la collaboration. Chaque collaborateur, au lendemain du suc-


JEAN-SERVAIS STAS. 277

ces, revendique pour soi seul la paternité de l'oeuvre commune. Les deux inventeurs ne secpntentèrent pas d'avoir une part glorieuse dans la nouvelle invention. L'un et l'autre revendiquait pptîr son propre nom l'objectif à portrait. '■:■*...

En toute justice la postérité remettra chaque chose en sa place. Le professeur Petzval a calculé toutes les données théoriques de son objectif; M. Voigtlander, par l'exécution correcte de l'instrument, l'a lancé dans la pratiquée Voilà vraisemblablement le fin mot de la querelle, et celui qui sera retenu par l'histoire de la science.

JEAN-SERVAIS STAS

Le 13 décembre 1891, M. Jean-Servais Stas s'est éteint doucement à Saint-Gilles, Belgique.

Né à Louvain le 21 août 1813, M. J.-S. Stas était un de ces esprits fins et éminemment curieux qui n'auraient pas eu trop de plusieurs existences pour calmer, sinon satisfaire, leur insatiable besoin de savoir. Ses études terminées, il se livra à la médecine. Mais M. J.-S. Stas ne tarda pas à abandonner cette voie pour se livrer tout entier à la chimie. 11 se fit l'élève d'un chimiste français, Dumas, et travailla avec lui à déterminer le poids atomique du carbone. En 1845 il publia le résultat de ses études sur ce sujet, tout en exprimant les doutes qu'il lui causait parce que les deux déterminations obtenues se conciliaient mal avec ses autres synthèses.

Dans le but d'éclaircir ses doutes, M. J.-S. Stas se remit à l'oeuvre. Il expérimenta sur d'autres corps, les soumit à des investigations minutieuses avec la ténacité d'un savant qui veut se critiquer soi-même pour mieux déraciner ses convictions ou leur donner plus de force. Les rapports atomiques existant réciproquement entre les divers éléments furent scrupuleusement examinés.

De ces études M. J.-S. Stas arriva à déclarer qu'entre


278

LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

le poids des corps simples qui s'unissent pour former toutes les combinaisons définies il n'existe en réalité aucun commun diviseur.

' Ces conclusions publiées en 1860, admises par ceux-ci, furent vivement contestées par ceux-là. Au premier rang de ces derniers se rangèrent MM. Dumas et Marignac.

JEAN-SEUVAIS STAS.

Le chimiste belge ne se tint pas pour battu.

Recourant pour la troisième fois à des méthodes de synthèses et d'analyses différentes de celles déjà employées, il confirma, en 1865, ses premières conclusions dans un mémoire intitulé : Nouvelles recherches sur les lois de proportions chimiques, sur les poids atomiques et leurs rapports mutuels.

Entre temps il était devenu Commissaire des Monnaies, et par de nouvelles vérifications de ses travaux antérieurs,


. . JEAN-SERVAIS STAS. 279

se trouvait amené, dans les analyses de l'argent, à sub-> stituer l'acide bromhydrique à l'acide chlorhydrique eri raison de l'insolubilité du bromure de ce métal. M. J.-S. , Stas commença alors, en 1868, un travail long et pénible, qu'il ne termina qu'en 1874, et consistant en recherches de statistique chimique au sujet du chlorure et du bromure d'argent. .

De ce travail sortirent de nombreuses constatations sur le grand nombre d'états physiques ou d'aspects différents que peut prendre le bromure d'argent. Il cita spécialement « le bromure grenu terne ou brillant et la modification d'un blanc perlé résultant de l'action de l'eau en ébullition sur les bromures floconneux ou pulvérulents, comme le plus altérable sous l'influence de la lumière. »

C'était à peu près l'époque où, sous l'instigation du DrMaddox, on tentait en photographie l'emploi du gélatinobromure d'argent, presque exclusivement employé aujourd'hui, et qui a fait faire un si grand pas à l'Art en photographie. Les observations de M. J.-S. Stas attirèrent tout particulièrement l'attention dû D'Van Monckhoven, qui se mit alors à préparer les émulsions sensibles au gélatinobromure d'argent, qui vulgarisèrent la découverte du D'Maddox.

Cette vulgarisation fut d'autant plus rapide, d'autant plus générale, que les plaques à la marque Monckhoven étaient irréprochables. Je ne sais trop si, même à l'heure.présente, ces plaques, au point de vue artistique, ne sont pas encore les meilleures qui soient fabriquées. Leur seul défaut consiste en un manque de rapidité ne concordant pas du tout avec la rage d'instantanéité qui, depuis quelque temps, s'est emparée des adeptes de la chambre noire. Si l'on veut faire de l'art et qu'on ait le loisir et la possibilité de poser un temps suffisant, c'est encore aux plaques Monckhoven qu'il faut avoir recours.

Ceux qui ont connu M. J.-S. Stas dans l'intimité racontent combien souvent l'infatigable chimiste jetait dans les capsules de son laboratoire son traitement de professeur à


280 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

l'École militaire pour se procurer l'argent pur nécessaire à ses multiples expériences et qu'il effectuait forcément sur de grandes masses.

Disons, en terminant, que ce fut M. J.-S. Stas qui, en 1872, représenta la Belgique à la Commission internationale du mètre et qu'il y paya largement de sa personne et de son travail.


TABLEAU DES POISONS PHOTOGRAPHIQUES ET DE LEURS ANTIDOTES d'après ELSDEN

POISONS REMARQUES SYMPTOMES ANTIDOTES

CARACTÉRISTIQUES

g ( ACIDE OXALIQUE, OXALATE

S M \ DE POTASSE La plus petite dose reconnue fatale cor- Sensation de brûlures dans la gorge et au Mettre dans de l'eau du blanc d'Espagne

"-S?) respond environ à 4 grammes. creux de l'estomac. Vomissements; ou de la magnésie, et l'avaler. Le plâtre

" ( crampes ; engourdissements. ou le mortier peut être également emJ=

emJ= ployé dans une; circonstance urgente.

9-ë = l AMMONIAQUE, POTASSE, SOUDE Les vapeurs d'ammoniaque peuvent dé- Enflure de la langue, des muqueuses do Boisson composée de vinaigre et d'eau. S =/ terminer une inflammation des pou- la bouche et des fosses nasales, suivie

■"" ' s>-o nions. de contractions de l'oesophage.

/ J3ICHLORURE DE MERCURE . . 15 à 20 centigrammes suffisent à consti- e0ût métallique et acre, contractions et Blancs et jaunes d'oeufs battus dans du % tuer une dose fatale, brûlures dans la gorge et l'estomac, lait. A défaut, on peut faire usage de

S . suivies de nausées et de vomissements, colle de fleur dé farine.

"± ACÉTATE DE PLOMB Lesous-acétate est plus dangereux que contractions de la gorge et au creux de Sulfate de soude ou magnésie. Vomitif au

«■ l'acétate lui-même. l'estomac ; crampes ; douleurs ; enflure sulfate de zinc,

-3 de l'abdomen ; les gencives se bordent

j ] / de lignes bleues. •

„-< I 1° Pris par absorption, 15 à 20 centi- insensibilité ; respiration pénible, dilata- Pas de remède certain. Une affusion d eau

■S \ CYANURE DE POTASSIUM grammes constituent une dose fatale, tion des pupilles: fermeture spasmo- froide sur la tête et sur la nuque est «e

£ x-uiAo= u.i. .<. dique des mâchoires. que l'on a trouve de plus efficace.

"* (2° Introduit dans une écorchure. Douleur cuisante. Application immédiate du sulfate de fer

m I sur la plaie.

J AZOTATE D'ARGENT ; Irritant. On doit prendre; dû gros sel en faisant

^ I suivre d'un vomitif.

BICHROMATE DE POTASSE . .$1° Absorbé. Douleurs stomachales et vomissements. Émétique, magnésie ou blanc d'Espagne.

\ ( 2° Introduit dans une érosion de la peau. Occasionne des plaies et des ulcères,

g.g/ ACIDE AZOTIQUE /s g. occasionnent la mort. L'inhalatiom

g 3 g) S reusIapeUr$ de C6t acMe 6St daDee7 Ces acides produisent de violentes inflam- Bicarbonate de ; soude, carbonate de

H.ggS ( ' > mations et corrodent les voies respira-} magnésie, blanc d'Espagne ou plâtre

<5l/ ACIDE CHLORHYDRIQUE. .. .)13 g. donneilt la mort. I toires. mélange dans l'eau.

.. g »V ACIDE SULFURIQUE \4 g. est la plus petite dose fatale.

ACIDE ACÉTIQUE Cet acide concentré produit les mêmes

effets que les acides minéraux.

I°DE Variable dans ses effets. 15 à 20 centi- Goût acre, serrement de gorge; vomis- Faciliter les vomissements et faire prendre

grammes donnent la mort. sements. fréquemment de la tisane de gruau, de

l'arrow-root ou; de l'amidon. ETHER SULFURIQUE ...... Par inhalation. Effets semblables à ceux du chloroforme. Affusions froides sur la tête et respiration

artificielle.

PYROBALLOL 15 centigrammes suffisent pour tuer un Effets analogues à l'empoisonnement par Pas de remède certain. Il faut cependant

chien. le phosphore. susciter au plus vite l'expectoration.

es


TABLEAU DES PRINCIPAUX RÉVÉLATEURS

1 . ' ! ' I SOLUBILITÉ APPROXIMATIVE ' ' ' ;

: - non. DU CORPS FORME ; .DÉSIGNATIONS T , . DANS 100 cm3 pu LIQUIDE ^^^^^^^^^^^ ^ ""NOTES '

: USUELLES EAU KA_„ ,,„„_,. ÉQUIVALENTE ATOMIQUE

I ALC.OVlj ' ...... _ .. ^

I FROIDE CHAUDE ^^^

.,.'.., c . . C«H3"(NH2)*OH Cliché gris noir à grain très fin, pur et

IAMIDOL ■ • ■. Chlorhydrate de diamidophenol s. s. brillant. Quand le bain se colore en rouge il perd son activité. CHLORHYDRATE D'HY- ,,.,,. ,, . . B t s (à chaud) AzH302IICl Az H* CIO Cliché gris d'acier à grain fin. Le bain.de

DROXYLAMmE.,... Chlorhydrate d'oxyanimoniaqueîchlor- t. s. t. s. t. s. (a onaua, développement ne se colore pas.

■- ■ - hydrate de bioxyde d ammoniaque.

GAÏACOL Gaïol; hydrure de gaïcylê; méthylpy- Cs H* O^ ouC^HMCH^O^ Cliché brun jaune, peu dense, à grain très

■'■;-. rocatechine; methylcatechol p. B. ■ -p. s. fin. Le bain brunit facilement et attaque

les doigts.

,.„.(, s C" 11° OH' O2 Cliché brun noir à gros grain. Le bain ;

HYDROQUINONE ■Hesafedine,.« ■>,*> brunit a l'air mais ne tache pas les

.'"'.. I .' doigts.

IGONOGENE .Amido. [5 - naplilo P - sulfonate de ^ ^ _ G,0 n^Az m QR SQi Na G,iché .. MeUj doux brillantj a grain filu

sodium 1 ' Le bain verdit puis brunit à l'air. Tache

I les doigts en rose.

I C 28 H 12 O 10 Révélateur ayant à la fois la douceur de

KINOGYANINE ....... l'oxalate ferreux et la force du pyrogailique.

pyrogailique.

,-,',' ., "".. . -, „ „ C° H3 CH 3 OH NH CH 3 Cliché noir à grain fin. Avec ce révélateur

MÊTOL..... Mono-methyl-para-amido-meta-cresol. s. s • l'image apparaît dans son entier. On

peut développer très a fond sans craindre la dureté.

IOXALATE. DE POTAS- 2 K 0 C2 H3 2 aq C2 O* C2 -f aq Cliché noir bleu à grain fin. Ne tache pas.

' ." .'.' ' .q =, /, 5 H* QH Az Hs Cliché brun jaune brillant, grain fin. Le

PARAMIDOPHENOL .,. Oxaml.ne , 1,- «• » bain ne s'altère que très lentement. Ne

• . ,. ■.....-. tache pas.

. ., , . n««P7<;nl . .... C 12 H* Az 2, C'2 H* Az 3 CH^AzII2)* Cliché très doux gris d'acier a grain assez

PARAPHENYLÈNDIA- Diamidobenzme ..assez soi. .. , lin. Le bain se conserve bien. Ne pas

MINE employer le sulfite de soude.

ts t s. C'2H6CMI6 03 Cliché brun jaune, assez fin. Le bain a

PHLOROGLUCINE »• • • peu d'énergie.

PYROCATÊCUINE Oxyphénol; acide pyroeatéchique 011 c„ H, Qi IW O2 Cliché brun foncé, très doux, a grain fort.

pyromonnUnnique; hexBfed.no, 6. t. s. «.s. U bain brunit très lentement et permet

permet développement prolongé sans voile.

. ., ,. ... „„, „„:JQ C' 2 II« O6 CO O3 Cliché brun jaune, éminemment propre a

PYROGALLIQUE (Ac- Acide dioxyphemque;pyrogallol; ac.de un bon tirage. Le bain brunit rapideDE)

rapideDE) 40 t. s. ment, tache les doigts en brun.

„„.,.,. ,, r,- sr* 99S s. C'2I1«0* C°H«0* Cliché gris bleu, grain fort. Bain très peu

RÉsoRC.NE Méladiphenol; bexafedinc, c 86/1 i&. s. énergique.

O H'« 0* Ci8 Hic 02 Cliché brun noir, à gros grain. Le bain

TECTOQUINONE - ■ • • •; s'emploie comme celui a l'hydroquinone

et brunit assez facilement.


284 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

Développement à l'Oxalate .ferreux

NUMÉROS DES RENVOIS : 1 II III "IV V VI

., ~~ ' " POIDS EN 'GRAMMES

DESIGNATION

DES CONSTITUANTS EMPLOYES

DES CONSTITUANTS pour Eau 1000 cm*

EN DEUX SOLUTIONS

SOLUTION A.

Oxalate neutre de potasse ,1 300 I 300 I 300 I 330 1 330 I 130

Citrate de potassium | » | » | » | » | » \ /155

SOLUTION B

Sulfate ferreux 300 300 300 300 » -195

Protochlorure de fer » » » » 300 »

Acide tartrique » 5 » » » »

Acide sulfurique » » XXgt » » »

Azotate de sodium » » » 150 » »

Sucre » » » 10 » »

I. Bain normal du Congrès. — Mélanger pour l'emploi 3 vol. de A. et 1 vol. do B.

II. Audra. — Mélanger pour l'emploi 3 vol. de A et l vol. de B. -- L'acide tartrique

empêche la trop prompte oxydation du sulfate ferreux, dont la solution doit être maintenue dans un flacon blanc à la lumière solaire.

III. Carey Lea. — Pour l'emploi, mélanger 3 vol. do A avec 1 vol. de B. — L'acide

sulfuriquo comme l'acide tartrique dans le bain précédent.

IV. Anthony. — Pour l'emploi, mélanger 3 vol. de A avec 1 vol. de B. r-> Le sucro joue

le rôle de retardateur dans le développement.

V. Couper. — Pour l'emploi, mélanger 17 vol. dé A. avec 3 vol. de B.

VI. Abney. — Pour l'emploi, on mélange A et B en parties égales. — Oo révélateur

semble bien convenir pour les émulsions au gélatino-chlorure d'argent.

EN SOLUTION UNIQUE

Oxalate neutre de potasse 600 150 240 »! 158 500

Sulfate de soude » » 48 40 21 »

Sulfate ferreux 200 50 120 »: 53 »

Acide sulfurique » ■ » 8 »: » »

Borax » 10 » » » »

Acide oxalique » » » 15 » »

Hyposulfite de soude "» » » 50 » - »

Oxalate ferreux » » » 50 » 150

I. Eder. — Faire la dissolution à chaud, mettre dans un flacon soigneusement bouché

et laisser reposer pendant 24 heures.

II. Capitaine Abney.

III. Lord.

IV. Anthony. — Doit être conservé à l'obscurité.

V. Carey-Lca.

VI. Eder. — La dissolution doit être faite à l'eau bouillante.


QUELQUES FORMULES. 28b

Développement au Pyrogallol,

NUMÉROS DES REN'VO'IS : I. II III IV V VI

POIDS EN GRAMMES DESIGNATION

DES CONSTITUANTS EMI'LOÏES

DES CONSTITUANTS pour Eau 1000. cm* ..

EN DEUX SOLUTIONS SOLUTION A.

Bromure d'ammonium 13 » » . » » »

Acide azotique IHgt » » » » »

Acide citrique » » » 30 16 »

Sulfite de soude » » 200 100 » 180

Sulfite de potasse. » » » » 200 »

Glycérine » 160 » » » »

Acide sulfurique » » 2 » » .,

Pyrogallol 35 160 28 120 128 30

SOLUTION B

Ammoniaque 15 160 » » » »

Carbonate de soude » » 100 400 » f)0

Carbonate de potasse » » » » 400 30

Sulfite de soude » » » 100 » »

Prussiate jaune » » >> 20 » »

Glycérine ......... » 160 » » » »

Bromure de potassium .. » 60 » » » »

I. British Journal. — Cette formule est spécialement recommandée pour les instantanées.

instantanées. prend la quantité nécessaire de B, on y pfongo la plaque quelques secondes, puis on la retire. On ajoute alors à B son volume de A, on mélango bien et on immerge la plaqucjusqu'à la complète venue de l'image. — En intervertissant l'ordre de A et de B, on obtient également de bons résultats.

II. Edwards. — Pour l'emploi, prendre 60 cm 3 d'eau de dilution, y ajouter 2 cm 3 do A

et 1 à 8 cm 3 de B.

III. Eder. — Mélanger A et B en parties égales.

IV. Fourlier. — Pour l'emploi', prendre 70cm3 d'oau do dilution, y ajouter 10 cm 3 do A.

otiocmSdeB.

V. Cramer. — On prépare le bain de développement en prenant 70 cm* d'eau de dilution

et en y ajoutant 3 cm 3 de A et 3 cm* de B. VL Eastman. — Pour un cliché normalement posé, mélanger, à 40 cm 3 d'eau de dilution, 20 cm 3 de A et 20 cm 3 de B.

EN SOLUTION UNIQUE

Ammoniaque 1.5 6 » » » >>

Bromure de potassium 64 » » » »

Carbonate de potasse » 20 » 33 » »

Carbonate de soude > » 44 » 200 »

Sulfite de soude > » 38 66 400 24

Carbonate de lithine » » » ' » » 2

Pyrogallol 6 4 7 10 60 4

I. Davanne.

II. Boche. — Le pyrogallol n'est ajouté qu'au moment de l'emploi.

III. Capitaine Abney.

IV. Bernaert.

V. Eder. — Cette solution, très concentrée, demande à être étendue do 5 volumes d'eau

de dilution pour l'emploi.

1YI. li.-A. Wickers. — Lo développement se fait sans jamais amener lo voile dichroïque. — Dans lo cas d'une grande surexposition, on réduit à 2 la quantité de carbonate I de lithine et on ajoute, à la solution, 3 de bromure de potassium. I


286 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

Développement à l'Hydroquinone

NUMÉROS DES RENVOIS : I II III IV V VI

POIDS EN GRAMMES DESIGNATION

DES CONSTITUANTS EMPLOIES

DES CONSTITUANTS pour Eau 1000 cm 5

EN DEUX SOLUTIONS SOLUTION A.

Sulfite de soude 100 100 40 35 133 250

Bromure de potassium » 4 » » » 2

Prussiate jaune de potasse > » » 25 » »

Hydroquinone 20 18 15 10 25 20

SOLUTION B

Carbonate de potasse 150 » » » ■ 133 »

Soude caustique » 12 » » » »

Potasse caustique » » 500 500 » »

Carbonate do soude » » » » 225 »

" I. Eder. — Mélanger A et B à volumes égaux.

II. Ilford, Brilannia Works. — Ces deux solutions se conservent bien ; pour l'emploi, on

les mélange à volumes égaux.

III. A. Lainer. — Au moment d'opérer, prendre 80 cm 3 de A cf. 4 cm 3 de B. Peut être

employé avec avantage dans le cas de sous-exposition avec des plaques peu sujettes au voile. Dans le cas où le voile esta craindre, on porte à 130 la dose de prussiate jaune, on réduit à 10 celle d'hydroquinone et l'on mélange 80 cm 3 de A à 8 cm 3 de B.

IV. A. Lainer. — Mélanger avec 80 cm* de A 10 cm 3 de B. — L'auteur recommande cotte

formule pour le portrait.

V. Von Sothem..—Mélanger, à 25cm 3 d'eau de dilution, 50 cm 3 de A et 25cm3 de B.

VI. D. Tissandier. — Pour l'emploi, mélanger 25 cm 3 de A avec 50 cm 3 dé B. — No pas

oublier qu'avec, l'hydroquinone, surtout, le bromure pousse à la dureté.

EN SOLUTION UNIQUE

Sulfite do soude 80 20 75 150 50 06

Carbonate de soude 160 20 75 » 80 »

Carbonate de potasse ' » » 25 » » »

Bromure de potassim » 5 » » » •>

Prussiate jaune de potasse » » 10 25 » »

Soude caustique > » » 100 5 »

Essence de térébenthine » » » » LXgt »

Potasse caustique » » » » » 16

Hydroquinone 8 10 15 4o 12 8

I. Macs.

IL C/mpman Jones. — Ne pas oublier que si lo bromure laisse la pureté aux blancs, il donne, avec l'hydroquinone, beaucoup de dureté.

III. Fourlier. — Bien que l'action du prussiate jaune soit assez indéterminée, on suppose

qu'il accélère le développement et donne do la pureté aux blancs sans laisser prendre de la dureté à l'image.

IV. D'après un chimiste do Vienne, cette préparation serait celle connue sous lo nom do

Crislallos.

V. Wolfet J'. Lenhard. — L'addition.de térébenthine donne une grande activité au

développement.

VI. Barker.


QUELQUES FORMULES. 287

Développement à l'Ieoiiogèné '

NUMÉROS DES RENVOIS: I II III. IV V VI

^rh, „., m"^ POIDS EN,GRAMMES

DESIGNATION

DES CONSTITUANTS EMPLOYES

DES CONSTITUANTS pour Eau 1000 cm'

EN DEUX SOLUTIONS

SOLUTION ..A.

Sulfite de soude.... 75 100 150 120 200 120

Bisulfite de soude » » » 30 » •» .

Bromure de potassium,..,. » » » » 2 » :

Carbonate de potasse » » » » » 200

Iconogène 35 50 10 30 12 15

SOLUTION B

Carbonate de soude 150 » 80 250 » »

Potasse caustique » 50 » • ■ » » .: »

Carbonate de potasse » » » 150 160 »

Prussiate jaune de potasse » » » » " 100

I. Pricam. — Mélanger 3 parties do A avec une partie de B. — Cette formulé est

excellente et se conserve bien. IL Ashmorth. — Pour l'emploi, mélanger à volumes égaux les deux solutions. Ce bain

se prête bien au développement des portraits.

III. U. Fourtier. — Mélanger à volumes égaux les deux solutions.

IV. Frédéric Diilaye. — Pour l'emploi, mélanger 5 parties de A avec 1 partie de B.

V. B. Tissandier. — Mélanger à volumes égaux.

VI. Capitaine I/imly. — Plonger la plaque dans la solution A. — Lorsque les premiers

détails se montrent, ajouter 5 à 10 gouttes do la solution B par chaque 100 cm 3 de A.

EN SOLUTION UNIQUE

Sulfite de soude 50 160 45 200 400 160

Carbonate de soude 30 66 » » » »

Carbonate de potasse 10 » 60 33 » »

Glycérine » • » » 0,7 » »

Potasse caustique » » » » 100 »

Soude caustique » » » » » 20

Iconogène 10 33 5 33 100 30

I. Voigt.

II. T. de Laniers.

III. Vorjel.

IV. Photographie Times.

V. Warnerke. — Spécialement pour développer le portrait. — L'auteur recommande .

d'ajouter 10 parties d'eau de dilution à 1 partie de la solution révélatrice.

VI. Yogel.


288 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

Développement aux révélateurs combinés

NUMÉROS DES RENVOIS : I II III IV .V VI

DÉSIGNATION POIDS EN GRAMMES

DES CONSTITUANTS EMPLOYES DES CONSTITUANTS pour Eau I000 cm»

EN DEUX SOLUTIONS

SOLUTION A.

Sulfite de potasse 120 » » » » » I

Sulfite de soude. » 50 100 » 300 saturât.]

Acide citrique » 2 » » » »

Iconogène.. 18 12 5 >< 10 20

Hydroquinone 6 4 15 » 10 32

Pyrogallol > » » 27 » »

Chlorhydrate d'hydroxylamine » » » 4 » »

Bromure de potassium » » » » 2 »

SOLUTION B

Carbonate de potasse ;... 300 » 200 » 225 »

Bromure de potassium » 0,5 » » » »

Soude caustique » 3 » » » »

Carbonate de soude » 6 » 255 » saturât.

Prussiate jaune de potasse » » 100 » » »

Potasse caustique ; » » 50 » » » '

Sulfate de soude > » » 91 » »

I. Angerer. — Pour l'emploi, mélanger 5 parties de A avec une partie de B. — Cette

formule est une des meilleures que je connaisse. IL Chapman Jones. — Mélanger, pour l'emploi, parties égales des deux solutions. — Le

bain ainsi formé convient bien aux portraits.

III. Dans le cas de l'instantanéité, mélanger 10 parties de A avec 1 partie de B et y

ajouter 9 parties d'eau de dilution. — Cette eau de dilution devra être portée à 16 parties dans le cas de la pose.

IV. Nntchalh — Mélanger 2 à 4 parties de A avec 1 partie de B et ajouter 8 parties

d'eau de dilution.

V. D. Tissandier. — Mélanger 1 partie de A avec 2 parties de B.

VI. Choquet. — Mélanger 1 partie avec 2 parties d'eau de dilution et ajouter B par

Setites quantités suivant les besoins.—Si l'intensité manque, on peut ajouter au ain un peu de pyrogallol solide.

EN SOLUTION UNIQUE

Sulfite de soude 100 100 75 60 » »

Iconogène 16 15 12 6 » »

Hydroquinone ; 4 5 3 4 » »

Carbonate de potasse ,40 50 30 » » »

Carbonate de soude » » 30 40 » »

Métabisulfite de soude » » 10 » » »

Bromure de potassium » » 1 » » "

Bromure de sodium » » » 1 ■ » »

Soude caustique » » » 6 » "

I. Lubulandt. . . ' ' ' i . ^

II. Rossignol. . ,'.-"' -'.-;, \

III. //. Fourlier. ' ô' ''-'• X

IV. B.-J. Newton. . , !

■ ..~" ' ■ ' ■ * " -


INDEX ALPHABETIQUE

A

Agrandissement direct, 03. Aluminium (lumière à 1'), 116. Amidol, 83, 282. Anasligmals, 14. Angulaires (Grands), 16. Anlhropopholograpide, 236. Antidotes des poisons photographiques, 281. Appareils à main (les), 55. Appareils h recouvrir les plaques, 35, 37. Applications, 199. Art en photographie, 17. Art. et nature, 127. Aulomale-Enjalberl, 199. Automatiques (développements), 77.

B

Baromètres du photographe, 43. ISecquerel (Alexandre-Edmond), 260. Boite à cigares (lanterne), 196. Bougie (influence de la lumière d'une - sur les plaques), 42.

c

Caries et menus de diner, 180. Celluloïd (vernis au), 195. Chambre Londe, 67. Chambre Lumière, 69. Chambre noire brevetée, 6, 8, 9. Chambres noires (les), C.

Châssis amplificateur, 03.

Châssis pour projections, 104.

Chlorhydrate d'hydroxylamine, 282.

Chromopholographie, 5, 118.

Chronopholor/rapltie, 222.

Citrate d'argent (lo papier au), 99.

Clégil (le), 33.

Congrès (les), 2.

Construction d'un obturateur à double

guillotine, 189. Coqtiilles (les portraits en), 185. Couleurs de la nature (reconstitution

dos), 123. Cuvette (comment on l'ait une), 193.

D

Développement (le), 89. Développement automatique, 77. Développement à la fumée du tabac, 178. Développement cérébral, 127. Doublet Qe), 14.

E

Éclairage dans le laboratoire, 41.

Effets de lumière, 262.

Électro-photophore, 41.

Empreinte des doigts, 243.

Énoncé des formules photographiques, 73.

Essoreuse pour clichés, 93.

Exposition internationale de photographie, 257.

Exposomètre Watkins, 47.

37


290

LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

F

Fantaisies et petites industries, 163. Ferroprussiate (épreuves au), 182. Fixage acide et alcalin des phototypes, 98. Flouisles (les nettistes et les), 62. Formules photographiques, 70. Formules (quelques), 284. Fumée dulabac (développement à la), 178.

G

Gaïacol, 85, 282. Genre (sujets de), 268. Grands angulaires, 16.

H

Halo (le), 96.

Jtélio, 3.

Héliochromoseope, 125.

Héliographie, 5.

Hydroquinone, 282.

Hydroquinone (développement à 1'), 286.

Hydroxylamine (chlorhydrate d'), 282.

I

Iconogène, 282.

Iconogène (développement à 1'), 2S7.

Iconogène (pyrogallo-), 7fl.

Idéale (P), 6(5.

Image latente par pression, 249.

Industries (fantaisies et petites), 163.

Influence de la lumière d'une bougie sur

les plaques, 42. Intensité des sources lumineuses, 171. Iode dans le développement, 89. Iodo-bromure de polassium, 90. Isochrone (1'), 50, 51.

J

Jumelle (la photo-}, 56.

K

Kallitype (le papier), 102. Kinocyanine, 86, 282.

L

Laboratoire (éclairage dans le), 41.

Lampe a ruban, 110.

Lampe électrique américaine, 41, 42.

Lampe Hélios, 116.

Lampe Nadard, 113.

Lanterne boîte à cigares, 196.

Lanterne de voyage, 39, 40.

Lignes de la main, 242.

Lumière h l'aluminium, 116.

Lumière au magnésium, 114.

M

Magnésium (la lumière au), 114. Magnélophotographic, 250. Main (les appareils il), 55. Main (déformation delà), 241. Marines (les;, 152, 263. Menus et cartes de dîner, 180. Mesures (poids et), 7t. Mélol, 86, 2S2. Microphotographie, 5, 212. Motif (la netteté du), 136.

N

Nature (art et), 127. Netteté du motir (la), 136. Nettistes (les) et les fiouistes, 62.

0

Orthochromalisme par surexposition, 77. Objectifs (porte), 33. Objectifs Zeiss (les), 10. Obturateur à double guillotine (construction d'un), 189.


INDEX ALPHABÉTIQUE.

291

Obturateur Londe et Dessoudeix (le

nouvel), 52, 54. Obturateur muni du propulseur, 53. Obturateurs (Ies)s 49. Orthoscopique (P), 23. Oxalate ferreux (développement à 1'), 284. Oxalate de potassium, 282.

P

Papier au citrate d'argent (le), 99. Papier kallitype (le), 102. Paramièophénol, 80, 282. Paraph'enylèndiaminc, 88, 282. Palhopholographie, 6, 227. Périgraphe extra-rapide, 22. Perspective (objet vu en), 18. Petzval (Joseph), 273. Phloroglucme, 282. Photo, 2.

Pholocalques, 3, 4. Pholochromographie, 4. Pholocollographie, 3, 5. Photocopie, 3. Photo-jumelle (la), 5C. Phologlyplograpide, 4, 5. Photographe (les baromètres du), 43. Photographie composite, 228. Photographies, 3, 4. Photographiques (formules), 70. Photophore (éleclro-), 41. Pholoplaslographie, 3. Pholoprinties, 3. Pholotélégraphie, 219. Phototirages, 3, 5. Phototype, 3. Phototypes (fixage acide et alcalin

des), 90. Phototypes (renforcement local des), 94. Phototypes (séchages rapides des),'94. Pholo-silhoueltes (les), 163. Photostéréoscopie (la), 105. Pholotypographie, 4, 5, 204. Plaques (les), 34.

Plaques (appareil à recouvrir les), 35, 37. Plaques (influence de la lumière d'une

bougie sur les), 22. Poids et mesures, 71. Poisons photographiques, 2S1. Porte-objectif, 33.

Portrait, 264.

Portrait (la simplicité dans le), 144. Portrait sculptural (le), 174. Portraits en coquilles (les), 185. Pratique (théorie et), t. Projections (un châssis pour), 104. Propmlseur pneumatique, 53, 54; Pyrocatéchine, 282. Pyrogallique (acide), 282. Pyrogallo-iconogène, 76. Pyrogallol (développement au), 285 Pyrophotographie, 6, 109.

Q

Quelques formules, 285.

Quelques révélateurs nouveaux, 80.

R

Règle pour réduire une solution d'un

titre à un autre, 76. Hésorcine, 88, 282. Révélateurs combinés (développement

aux), 288. Révélateurs (quelques nouveaux), 80. Révélateurs (tableau des principaux),

282.

S

Salon des amateurs photographes, 260. Saturation (la), 74. Schéma de la course, 224. Schéma du saut en hauteur, 224. Sculptural (portrait), 174. Silhouettes (photo-), 163. Simplicité dans le portrait (la), 144. Soleil dans le champ du tableau, 262. Solutions (le titre des), 74. Sousexposition, 77. Spectrographie, 5. Stas (Jean-Servais), 277. Sujets de genre, 268. Surexposition (orlhochromatisme par), 77.


292

LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

T

Tecloquinone, 88, 282. Téléobjectifs (les), 23. Temps de pose eu microphotographie,

219.- Térébeiilhine dans le développement,

89.- Terminologie photographique, 1. Théorie et pratique, 1. Titre des solutions, 74. Triplet apochromatique, 12.

u

Vranophotographie (Y), 5, 231.

V

Variétés, 257.

Vélocigraphe, 70.

Verre d'Iéna, 11.

Virage et fixage combinés, 101.

Vision binoculaire (la), 106.

Voyage (lanterne de), 39;- 40.,^


TABLE DES MATIERES

PREMIÈRE PARTIE THÉORIE ET PRATIQUE

Pages.

Terminologie photographique • • • 1

Les chambres noires. 6

Les objectifs Zeiss . . . ;....... 10

Le pe'rigraphe extra-rapide 22

Les téléobjectifs. .• 23

Porte-objectif 33

Les plaques 34

Lanterne de voyage . 39

L'éclairage dans le laboratoire 41

Les baromètres du photographe 43

L'exposomèlre Walkins. 47

Les obturateurs 49

Les appareils à main 85

Formules photographiques 70

Le titre des solutions 74

Le pyrôgallo-iconogène 76

Quelques révélateurs nouveaux 80

Le développement, 89

Le iixage acide et alcalin des phototypes 90

Séchage rapide des phototypes 94

Renforcement local des phototypes 94

Le halo 96

Le papier au citrate d'argent 99

Le papier kallitype 102


294 LES NOUVEAUTÉS PHOTOGRAPHIQUES.

Pages.

Un chûssis pour projections 104

La photostéréoscopie. . 105

La pyrophotographie 109

La chromopholographie ; 118

Reconstitution des couleurs de la nature. . , 123

DEUXIEME PARTIE ART ET NATURE

Pages.

Le développement cérébral 127

La netteté du motif 136

La simplicité dans le porlro.it 144

Les marines.... . . 152

TROISIÈME PARTIE FANTAISIES ET PETITES INDUSTRIES

Pages.

Les photosilhouetles *. 163

Le portrait sculptural 174

Développement à la fumée du tabac 178

Cartes et menus de dîner 180

Les portraits en coquilles 185

Construction d'un obturateur à double guillotine 189

Comment on fait une cuvette '. 193

Lanterne boîte à cigares 196


TABLE DES MATIÈRES. 29b

QUATRIÈME PARTIE APPLICATIONS

Pages.

L'automate-Enjalbert. 199

La pholotypographie . 204

La microphotographie 212

La phototélégraphie 219

La chronophotographie . 222

La pathophotographie 227

L'uranophotographie 231

L'anthropophotographie ■■ ■ 236

La magnétophotographie 250

CINQUIÈME PARTIE VARIÉTÉS

Pages.

La première exposition internationale de photographie. . . 257

Alexandre-Edmond Becquerel 269

Joseph Petzval. 273

Jean-Servais Slas. 277

Tableau des poisons photographiques et de leurs antidotes d'après

Elsden . . . 281

Tableau des principaux révélateurs 282 283

Quelques formules : 284 288

Développement à l'oxalate ferreux. . . 284

— au pyrogallol.....:... 285

— à l'hydroquinone. . ,-'.;'.~7T^">v. . 286

— à l'iconogène \ : . . '.'; . /. .\ 287

— aux révélateurs combinés . . ',:. \ 288