I
Marthe Kervalec à Louise de Verteil.
Il s'est écoulé bien des jours depuis l'époque où toutes deux, dans l'épanchement de l'intimité, et avec cette confiance que donne l'estime mutuelle, nous échangions nos pensées les plus secrètes et laissions notre imagination errer vers l'infini, dans ces espaces aériens ouverts aux rêves d'avenir. Chère, chère Louise ! ma bonne compagne; j'espère que, malgré la distance, malgré la séparation, tu n'as point perdu le souvenir de notre amitié d'enfance et de ces causeries si longues et si douces faites à nous deux dans la salle des novices. En ce temps-là, nos études étant achevées, nous nous préparions l'une et l'autre à l'enseignement; l'horizon ouvert devant nos yeux se limitait aux murs de la Maison impériale de Saint-Denis. Nous subissions le même sort, et par conséquent notre façon de voir était la même. Egalement orphelines, nous avions dans Saint-Denis notre famille unique. Notre pauvreté faisait notre vocation. Mais on a tant de courage, tant de