dédaignait « La ponctuation , disait -il , ne signifie rien . Au XVIII e siècle chaque auteur avait la sienne . Il y en a qui abusent des virgules , d' autres en sont avares . On rencontre chez eux à chaque page , des points ou des points virgules pour deux points ». J' avais beau lui dire que la ponctuation avait sa raison d' être , il souriait : « – Ça m' est égal ... Faites ce que vous voudrez ... »
Comme J.-J . Rousseau , Moréas raturait ses brouillons dans sa tête , et ce travail lui donnait , sans qu' il l' avouât , bien des préoccupations et des scrupules . Il m' aborde un jour et , me prenant par le bras : « – Dites -moi ... Est-ce qu' il n' existe pas un mot pour désigner le sillon de pierre où tourne la meule d' un moulin ? » Je cherchai et ne trouvai rien . « C' est , me dit -il , pour un vers des Stances ». Je lui dis : « S' il existe un mot , il doit être tellement spécial , que personne ne le comprendra et qu' il déparera vos vers . » Il n' insista pas . A quelque temps de la , il nous récita la strophe où il a remplacé ce mot par deux beaux vers :
Quand le vent emplira le trou béant des portes Et l' inutile espace où la meule a tourné ...
Il vous consultait ainsi souvent , en vous expliquant discrètement de quoi il s' agissait .