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Titre : Le Folklore brabançon : Bulletin du Service provincial de recherches historiques et folkloriques

Auteur : Service de recherches historiques et folkloriques du Brabant. Le folklore brabançon. Auteur du texte

Éditeur : Service de recherches historiques et folkloriques de la province de Brabant (Bruxelles)

Date d'édition : 1928-08-01

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34466283c

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34466283c/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

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Description : 01 août 1928

Description : 1928/08/01 (A8,N43)-1928/12/31 (A8,N45).

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5461379b

Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-Z-23630

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 12/12/2008

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8* année n°* 43-44-45

àbut à décembre 1928

Bulletin du Service de Recherches Historiques

1 / et Folkloriques du Brabant

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LA

MÉDECINE

POPULAIRE

PAR

PAUL HERMANT ET DENIS BOOMANS. Préface de ALBERT MARINUS.

Prix : 25 francs. — XVI +240 pp. 36 illustrations. 12, Vieille Halle au Blé, Bruxelles



& Médecine Populaire


Editions du Folklore Brabançon

Compte Chèque Postal 142.119 de A. MARINUS Vieille Halle au Blé, Bruxelles.

Justification du tirage.

// a été tiré de ce travail 100 exemplaires de luxe, numérotés de 1 à 100, dont 25 hors commerce. Papier à la Cuve de Hollande, format 20X30. Prix : 75 francs, et 1200 exemplaires sur papier Simili Featherweight. Prix 20 francs.

Des presses de l'Imprimerie CHARLES PEETERS à Léau


8* année nos 43-44-45

août à décembre 1928

Bulletin du Service de Recherches Historiques et Folkloriques du Brabant

LA

MÉDECINE

POPULAIRE

PAR

PAUL HERMANT ET DENIS BOOMANS.

Préface de ALBERT MARINUS.

Prix : 20 francs. — XVI + 240 pp. 36 illustrations. 12, Vieille Halle au Blé, Bruxelles



(C. Counhaye)

PRÉFACE.

L(0aieur scientifique du Folklore.

Nos lecteurs nous saurons gré de leur offrir cet ouvrage de MM. Paul Hermant et Denis Boomans sur LA MÉDECINE POPULAIRE. Non contents d'avoir réuni une extraordinaire documentation, ces auteurs, après avoir fait un choix judicieux d'observations, ont eu l'heureuse idée de les grouper, non pas géographiquement, mais systématiquement ; et de cet effort de classification vraiment scientifique jaillit avec force l'impression qu'il existe bien une doctrine médicale populaire traditionnelle à côté de la doctrine dite rationnelle de nos Écoles et de nos Académies.

Non contents de grouper les faits et de les décrire, ils ont fait mieux encore, ils se sont efforcés de les synthétiser, d'en tirer des idées générales. Qu'ils y aient réussi, nos lecteurs seront d'accord avec nous pour en convenir.


VI

Ils ont pris le Brabant comme terrain d'observation et se sont fait aider par des correspondants locaux.

Ils ont observé. Insistons sur le mot. Le Folklore n'est pas une science livresque. Dans les ouvrages, archives laissées par nos ancêtres, on peut, on doit même aller chercher la confirmation historique de faits observés ; on peut essayer de trouver des indications concernant l'évolution des faits dans le temps, on peut encore suivre le résultat des observations directes faites par d'autres observateurs ; mais, le Folklore doit avant tout s'inspirer des méthodes employées dans les sciences naturelles.

Le Folklore n'est pas non plus une science de choses mortes. II est surtout une science consacrée à des faits vivants, des faits appartenant à la réalité sociale. C'est ce caractère qui lui donne même sa véritable importance scientifique.

On a tort, de s'imaginer que ces pratiques folkloriques, ces pratiques de médecine populaire, par exemple, constituent des survivances. Si elles étaient des survivances au sens absolu de ce mot, il ne faudrait pas une génération pour qu'elles disparaissent. Qu'elles soient des survivances de conceptions anciennes abandonnées par la science actuelle c'est possible, c'est exact pour certaines d'entre elles, mais avant tout, et c'est ce qui en constitue la principale caractéristique, elles sont en harmonie avec la mentalité "de ceux qui en usent et qui y croient. Elles vivent donc. Elles sont bien le reflet, extériorisé, d'aptitudes mentales dont s'accomodent de nombreux esprits. Ceux-ci ont une confiance plus grande dans les résultats de ces remèdes et de ces pratiques que dans les secours de la science ou de l'art du médecin diplômé. Ce sont bien des faits d'ordre psychosociologique que ta science a tort de trop négliger.

Ces faits que l'on se refuse à étudier dans les pays civilisés, à côté desquels on passe en les dédaignant, quand on les rencontre chez des peuplades dites « primitives » on leur accorde subitement une grande valeur.

En comparant les faits observés chez nous aux faits enregistrés dans des milieux « sauvages », les auteurs de cet ouvrage auront, nous en sommes convaincus, montré à l'évidence qu'il y a autant d'intérêt, d'utilité scientifique, à étudier les moeurs, coutumes, usages et pratiques des civilisés de mentalité simple que celles des populations primitives.


VII

Nous dirons même qu'il est anti-scientifique de négliger une partie du domaine que l'on devrait explorer et ou l'on rencontre des faits analogues, parfois même identiques. Ne pas les étudier c'est engager la science dans les voies de l'erreur. La sociologie, — au sens originellement donné à ce mot et non au sens dévié qu'il a aujourd'hui — ne peut arriver à des précisions ou à des lois ou à des approximations de lois, ce qui serait déjà très beau, en renonçant à observer un groupe très important défaits.

Notre orgueil de civilisé nous l'interdit. Nous n'avons que du mépris pour ces usages. Ils nous apparaissent ridicules vus du haut de nos conceptions scientifiques. Ceux qui les observent et les étudient ne jouissent pas encore de la considération que leur devraient les millieux intellectuels.

Aussi, que l'on nous excuse de profiter de l'occasion qui nous est offerte pour nous étendre quelque peu et nous efforcer de montrer la valeur réelle de ces faits.

La science étant an continuel renouvellement, nous oublions trop facilement que nos connaissances actuelles, dont nous sommes si fiers, ne datent que d'hier. Elles ont été précédées de nombreux systèmes différents. Elles ne sont qu'un moment de l'évolution. Elles satisfont notre esprit et nous repoussons les conceptions d'hier, nous élaguons l'arbre du savoir au fur et à mesure des transformations de nos idées. Nous avons une mentalité que nous ne saurions mieux comparer qu'à celle de parvenus très empressés à oublier leurs origines et leurs débuts modestes. Nous sommes fiers, à juste titre, de notre trésor de connaissances contemporaines. Mais, nous croyons trop volontiers que nous détenons la Vérité, que tout progrès après nous est à peu près impossible, que la Science est figée. Oh ! nous savons bien que les hommes croient au progrès, — ne mettent-ils pas à ce mot vaniteux une majuscule ? — sont convaincus que demain nous saurons plus et mieux qu'aujourd'hui. Ils n'ont pas tort; mais, nous raisonnons généralement à l'égard du passé comme si nous ne croyions pas aux transformations de nos systèmes de connaissances.


VIII

Or, dans l'avenir, dans un siècle ou deux, nos descendants jugeront l'état de nos connaissances actuelles avec la même pitié, le même dédain que nous avons aujourd'hui pour tes conceptions et les systèmes de ceux qui nous ont précédés, à moins qu'ayant plus de bon sens, plus de clairvoyance que nous, nos successeurs aient compris l'importance, la nécessité de connaître les activités mentales et sociales de leur prédécesseurs sous toutes leurs formes pour exotique' le mécanisme de la vie collective.

Au point de vue psycho-sociologique, disons nous bien cela fermement, et une fois pour toutes, quand des campagnards — ou des citadins — vont avec foi, avec confiance, consulter une source, passer entre les branches d'un arbre déterminé, tourner un certain nombre de fois autour d'une chapelle pour obtenir la guérison d'une infirmité, l'acte qu'ils accomplissent a une importance sociologique aussi grande, bien que moins aisément saisissable parce que devenue moins explicite à nos yeux, que lorsqu'ils se réunissent pour obtenir par exemple, un remaniement de notre régime d'impôt. C'est ce que nous n'avons pas encore compris.

Cette affirmation peut paraître paradoxale. Elle l'est si nous comparons le mouvement pour une réforme fiscale à un seul petit fait d'ordre folklorique. Elle ne l'est plus si nous songeons que nos concitoyens ont des remèdes pour toutes les maladies, que très nombreux sont ceux qui y ont recours, tout le monde dans les campagnes, tout le monde dans la classe ouvrière et beaucoup de personnes dans nos villes, même chez les gens instruits. C'est donc un état très généralisé, comparable à un mouvement. Elle n'est plus paradoxale si nous songeons qu'à côté de pratiques médicales, nos contemporains ont encore des pratiques vétérinaires, des croyances météorologiques ou astronomiques, des doctrines juridiques, scientifiques, artistiques, littéraires, des pratiques superstitieuses, etc. ; qu'ils se servent de ces connaissances, en conformité avec leur tournure d'esprit, qu'ils usent de ces pratiques pour de nombreux actes de leur vie. Elles n'est plus paradoxale si nous songeons que la multiplicité de ces faits dénonce qu'il y a entre tous ceux qui agissent ainsi en tous pays et en confiance, une sorte de rèsonnance mentale et que cet état psychologique détermine leurs actes dans leur milieu social. Impossible


IX

d'avoir une notion complète de l'organisation sociale d'un milieu sans prendre en considération ces activités. Si nous ajoutons plus d'importance à l'étude des questions économiques, politiques, etc.; c'est parce que, dans ces domaines particuliers, nous rencontrons des problèmes controversés, sur lesquels l'équilibre mental n'est pas établi. Il y a lutte de tendances ; tandis que dans la question des usages, coutumes et traditions, il y a une sorte de conformisme mental, d'accord parfait. L'attention est moins attirée dès lors.

En dédaignant l'étude de ces faits, les gens cultivés agissent en sauvages, en primitifs. Ces derniers en effet ne voyaient pas bien certains faits susceptibles d'observation scientifique, faits qui devaient être observés pour que le travail d'élaboration de lois puisse se continuer.

Nos descendants nous maudiront de ne pas avoir accordé assez d'attention à ces pratiques dont, certes, on doit souhaiter la disparition. Mais, elles sont si tenaces que nous nous essayerions en vain à les supprimer. Cette persistance, malgré tout, malgré l'école, malgré le rôle des élites, malgré les pressions des gens influents, n'indique-t-ellepas encore combien ces phénomènes sont vivants, combien leur rôle doit être grand dans la vie sociale ? Grand et éternel, car toujours il y aura des nuances dans tes aptitudes mentales des diverses couches de populations.

Nos conceptions scientifiques actuelles ne sont plus nos conceptions d'hier. Il est certain que la science médicale — très ancienne — partie de l'ignorance absolue, ne s'est élevée que lentement à notre connaissance actuelle et très relative. ...oh combien !

Il est certain que des erreurs ont été commises. Mais avant d'être reconnues fausses, ces connaissances furent reçues comme des vérités. Parmi nos vérités d'aujourd'hui combien demain ne seront pas reconnues fausses ? Combien d'observations mal faites contenaient cependant les germes de connaissances positives ? Combien d'hommes éminents, que nous honorons pour leurs travaux, auxquels nous avons élevé des statues, dont des rues portent le nom, que nous citons encore dans nos ouvrages, dont nous conservons


X

pieusement la mémoire n'ont pas prêché des erreurs, avec la conviction qu'elles étaient des vérités ? Ces hommes, de leur temps, jouissaient d'un grand prestige. Ils ont exercé une influence considérable sur leur époque, sur leurs contemporains, comme nos grands hommes actuels. Le travail accumulé des générations d'élites ,a modifié les connaissances mais ces travaux ardus des élites ne touchent pas la masse. Les cerveaux de la multitude ne sont pas ouverts aux spéculations de l'esprit ou aux expériences scientifiques. La masse reste fidèle longtemps à des conceptions scientifiquement périmées et aux pratiques qu'elles suggèrent. Il y a des strates mentales dans l'humanité et le cerveau des hommes pense, raisonne et dicte des actes équilibrés, en harmonie avec le niveau mental auquel ils appartiennent. Ils sont logiques avec leur savoir.

De même que des hommes éminents du passé, qui ignoraient des connaissances acquises après eux, raisonnaient conformément aux conceptions de leur temps, des hommes d'aujourd'hui, peu instruits, d'intelligence fruste et peu cultivée raisonnent et agissent conformément aux capacités de leur cerveau. Ils sont la grande masse.

' Hippocrate, le père de la médecine disait : « l'air s'enfonce comme une flèche et pénètre dans la chair, se jetant tantôt aux hypocondres, tantôt aux flancs. »

Aristote croyait que les poux préservent des maux de tête.

Pline conseillait de cracher dans la bouche d'une grenouille pour se dèbarasser de la toux et avec Tacite, Suétone, Varron, Tibulle, Virgile et Properce, était convaincu du pouvoir guérisseur de la salive. Avaient-ils tout à fait tort?

Veut-on des savants plus modernes ?

Paracelse pour guérir un panari recommande de prendre un ver de terre aussi long que possible, de l'enrouler autour du doigt et de l'y lier avec un linge. «Pas de meilleur remède » dit-il. Le même Paracelse disait aussi que « les maladies sont des substances » et il les attribuait à des puissances occultes.


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Notre grand Van Helmont, auquel nous avons élevé an monument sur une place de Bruxelles, était du même avis : « La maladie, disait-il, est un être réellement subsistant dans un principe invisible ». Il blâmait les anciens de considérer la maladie comme une simple qualité et non comme étant matérielle. Il affirmait aussi que « l'asthme provient de ce que le poumon est empoisonné par un venin. »

Au XVIIIe siècle enfin, il n'y a donc pas bien longtemps, le Dr. Lemery, de l'Académie des Sciences, recommandait de couper une poule ou un pigeon vivant en deux et de l'appliquer tout chaud sur la partie malade pour guérir tes maladies du cerveau, la méningite, les fièvres malignes, la phrènésie, la léthargie, le délire.

C'est à l'ouvrage de MM. Paul Hermant et Denis Boomans, où nos lecteurs en trouveront des centaines d'autres, que nous empruntons ces exemples.

Or, en tous pays, sans en exclure le nôtre, qu'il s'agisse des campagnes ou des villes; partout, ces remèdes sont encore appliqués aujourd'hui, ces pratiques sont courantes et on s'y adonne avec confiance, avec foi. Ce sont des étapes de l'évolution scientifique. Du temps de ces grands hommes, ces enseignements étaient considérés comme d'indiscutables vérités, le summum du savoir. C'est cependant de ces erreurs que sont sorties nos vérités d'aujourd'hui. Ces vérités d'aujourd'hui une fois encore, c'est certain, apparaîtront aussi grotesques à nos descendants. Ne nous faisons par d'orgueilleuses illusions.

Les esprits ont évolué ? Oui dans de petits milieux scientifiques où l'on étudie, où l'on perfectionne le savoir. Mais pas dans la grande masse. Il est donc tout naturel et pas extraordinaire du tout que dans cette masse nous trouvions encore ces conceptions, ces remèdes. Ils sont mieux compris que les théories savantes du médecin. Le médecin n'explique d'ailleurs pas son cas à son malade. Son malade ne le comprendrait pas. Affaire de clivage intellectuel.

Ces théories scientifiques périmées, abandonnées, bafouées, ne sont cependant pas sans exercer leur influence, même encore aujourd'hui, dans la science académique. Dans toutes les sciences nous rencontrons des survivances de conceptions anciennes. Les aphorismes fondamentaux de toutes nos sciences ne sont, du point de vue absolu, que des approximations et l'enseignement, l'enseignement primaire


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et moyen notamment, fourmille de notions qui retardent sur l'état actuel de nos connaissances. Dans l'enseignement des sciences naturelles n'en sommes nous pas encore toujours arrêtés à Cuvier? Comment s'étonner dès lors que la population, qui, dans sa grande généralité, ne s'élève pas au dessus de cet enseignement, pense et agisse conformément à l'instruction reçue ? Mais comment douter alors des répercussions de cet enseignement dans toutes les actions humaines ? Comment douter de l'importance et de l'utilité de l'étude de ces actions humaines dans la réalité sociale vivante ? // est vraiment incroyable qu'il faille insister auprès de gens érudits, ayant une culture scientifique, pour qu'ils se rendent à cette évidence. De même que les simples s'obstinent, sans s'en douter, à user de pratiques surannées, les gens instruits s'obstinent à ne pas voir, à ne pas comprendre l'utilité de l'étude scientifique de faits jusqu'ici négligés. Le processus mental est le même qu'il s'agisse des intelligences frustes ou des intelligences cultivées. L'esprit humain est rebelle à l'effort de pensée que nécessite un réajustement des concepts. L'esprit fruste est incapable de com prendre les conceptions scientifiques actuelles. Il s'accroche traditionnellement à des pratiques vétustés. L'esprit cultivé fut-il scientifique, se refuse à l'effort de pensée nécessaire pour comprendre l'importance de l'étude de faits nouveaux. Il recule surtout devant les transformations que l'observation de ces faits l'obligerait à apporter aux conconceptions établies. Il n'y a pas d'autre explication à cette obstination. Il faut du temps pour que l'esprit, fut-il ouvert, accepte des conceptions nouvelles. L'esprit fruste et l'esprit scientifique sont, chacun dans le plan ou ils se meuvent, tout autant traditionalistes.

M. Lévy-Bruhl, par exemple, a écrit deux grands ouvrages sur les moeurs des «primitifs-» en s'efforçant d'analyser en même temps leur mentalité. Abstraction faite des explications qu'il donne, au sujet desquelles nous faisons des réserves, nous pouvons dire que personne dans les milieux scientifiques n'a contesté l'importance, pour la science, de ces études. Nul ne disconvient de l'utilité que présente pour la Sociologie l'observation de ces faitsr

Or, parmi lés nombreux faits cités par cet auteur, nous pourrions en comparer beaucoup avec des faits analogues rencontrés chez nous. Si les faits étudiés en Afrique ont


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une utilité scientifique, il est scientifiquement « a-togique» ou «pré-logique» de leur contester la même utilité chez nous.

Tenons nous à cette dernière constatation et terminons en posant cette question : quand donc comprendra-t-on dans les milieux scientifiques l'importance de l'étude des faits relevant du Folklore ? Quand s'y montrera-t-on absolument « logique » ?

L'ouvrage que nous présentons au public contribuera à dissiper cet aveuglement et à accréditer cette science nouvelle, le Folklore, dont nous avons le bonheur de voir chaque jour s'étendre le champ d'action et le nombre des adeptes.

ALBERT MARINUS.


XIV

Liste des principaux correspondants

de province, ayant collaboré aux recherches documentaires, destinées à cet ouvrage, et auxquels nous adressons nos remerciements.

M. EUG. VERMEYEN, curé à Opwyck.

M. X. VERMEYEN, curé à Chapelle Saint-Laurent.

M. R. VAN WEDDINQEN, professeur à Diest.

M. M. BOUGARD, à Marche-lez-Ecaussines.

M. FRÉDÉRIC, archiviste honoraire du Royaume à Boitsfort.

M. ROELANDT, curé à Braine-l'Alleud.

M. MAURICE PEREMANS à Thollembeek.

Nous devons également des remerciements à M. CORNETTE, qui a bien voulu se charger de revoir les épreuves.

Enfin nos lecteurs apprécieront combien les dessins originaux de cet ouvrage ajoutent de charme à sa lecture et contribuent à lui donner sa valeur. Aussi tenons nous à exprimer notre gratitude aux artistes qui nous ont apporté leur précieux et généreux concours : MM. BRUSSELMANS, PH. COCKX, PAUL COLLET, CHARLES COUNHAYE, MAURICE FLAMENT, WILLIAM JELLEY, MICHEL, NARCISSE, OLEFFE, F. SMITS, R. VAN DE SANDE, VERBURGH, FERNAND WÉRY. A la fin du volume on trouvera une table de ces dessins originaux avec l'indication des auteurs et des sujets.


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Abréviations.

J. A. I. — Journal of Anthropological Institute.

Z. V. V. — Zeitschrift des Vereins fur Volkskunde.

R. T. P. — Revue des Traditions populaires.

B. T. L. V. — Bijdragen tôt de taal- land- en Volkenkunde.

R. H. R. — Revue de l'histoire des religions.

B. S. B. A. — Bulletin de la Société belge d'Anthropologie.





Introduction.

La médecine est la fille des songes. (JAMBLIQUE).

L'esprit humain, pour analyser le monde qui l'entoure a suivi des méthodes assez différentes suivant les milieux, et les époques. Trop souvent, tes écrivains ont été tentés de se représenter la mentalité des milieux dits «primitifs », comme des réductions, en étendue et en cohésion, de notre propre mentalité d'hommes habitués plus ou moins à la pensée scientifique ; on a cru que l'homme des civilisations anciennes, de même que le sauvage, étaient purement et simplement des « minus habens », des êtres que nous comprenons assez aisément en rétrécissant notre propre vie mentale. L'analyse des anciens documents et les observations ethnographiques ont ruiné cette idée. Si, dans ces milieux éloignés de nous, d'une part, il y a moins, on constate que d'autre part il y a autre chose, c'est-à-dire que le développement — si développement il y a — ne se fait pas en croissance continue, que toute croissance a eu sa rançon et qu'à tout gain correspond une perte.

Au mot progrès, on a substitué à bon escient le terme moins précis de transformation qui implique que les changements n'ont pas été seulement de nature quantitative mais aussi de nature qualitative.

L'histoire nous enseigne autre chose encore : c'est qu'un état ancien ne disparaît que lentement, très lentement même, surtout dans un ensemble social. Quelques individus acquièrent assez complètement l'esprit nouveau et se modèlent assez fortement d'après lui, mais les couches sociales moins plastiques, conservent presque indéfiniment, en tout ou en partie, les procédés anciens et l'on peut dire qu'une civilisation ne recouvre que d'une mince enveloppe toute la vie du passé. Nous pensons que l'étude que nous avons entreprise sera surtout une illustration de cette idée.

Nous admettons également que si la vie mentale contemporaine a conservé les procédés des anciens, ceux-ci, par contre, connaissaient et utilisaient déjà nos procédés de logique plus rigoureuse, tout au moins en ce qui concerne la conquête de la vie.


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La transformation s'est donc opérée surtout par une extension d'un procédé existant sur un domaine, qui antérieurement, était soumis à un autre processus.

Les productions de l'esprit peuvent se classer en trois grandes catégories, qui toutes, à certaines périodes, inspirèrent aux hommes la foi et la certitude ou qui, en d'autres termes, guidèrent leur action sur le monde ; suivant les civilisations, l'une de trois eut la prépondérance sur les autres et nous classerons ainsi les périodes ou les milieux sociaux en analogiques, animistiques ou scientifiques.

Dans le premier, domine le raisonnement par analogie : un élément quelconque commun à des objets ou des phénomènes suffit pour établir leur parenté complète, permet leur substitution des uns aux autres dans le raisonnement et implique une interaction mutuelle.

Dans la seconde, l'élément sous-jacent aux apparences, celui qui donne naissance, au mouvement et à la vie, est doué lui-même d'une certaine vie, d'une personnalité plus ou moins complète, d'une volonté plus ou moins consciente. C'est l'animisme ou même l'anthropomorphisme.

La troisième forme, le rationalisme ou l'esprit scientifique, fait en quelque sorte un retour vers l'esprit analogique, mais il précise, analyse et systématise les analogies, les soumet à des expériences nombreuses et multiples et tend à les développer presque organiquement, en un ensemble cohérent, par des abstractions progressives et des idées générales.

Cette troisième forme n'aura dans notre travail qu'un rôle secondaire, notre but n'étant ni d'écrire une histoire de l'art de guérir, ni moins encore une critique des théories médicales actuelles ou passées.

Les deux autres catégories, par contre, retiendront particulièrement notre attention car elles nous permettront de retrouver toujours vivantes les stratifications anciennes ; elles établiront d'abord la communion qui existe entre notre milieu et celui de nos ancêtres et celui des peuples éloignés de nous dans l'espace ; ensuite la lutte pour la vie des conceptions successives et ta lente évolution de l'esprit humain conçu dans son ensemble.

La médecine populaire nous a paru particulièrement instructive sous ce rapport et nous avons choisi comme centre notre propre milieu immédiat, le Brabant, d'abord


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parce qu'il nous était plus aisé d'y observer attentivement le phénomène social que nous désirions analyser, en outre parce que cette région nous a semblé très intéressante par ce fait qu'elle esta cheval sur deux grandes civilisations et a conservé leurs empreintes anciennes, et que depuis les temps les plus anciens elle fut une région de transit tant des idées que des produits économiques. Au surplus, il nous a paru utile d'apporter à la science folklorique une récolte assez importante de documents inédits dans un pays trop peu étudié en somme, tout en faisant un travail de 'comparaison et de synthèse.


Dessin de M. COCKX.

REMEDES POPULAIRES BASÉS SUR UN RAISONNEMENT ANALOGIQUE.

L'on peut dire que dans le raisonnement analogique, presque tous les éléments qui composent l'individualité des objets ou des êtres permettent de faire la transposition ou la substitution de l'un à l'autre.

Parmi ces éléments divers, l'un de ceux qui ont été particulièrement choisis pour l'identification, est la couleur. Il suffit que deux éléments aient même teinte pour que, non seulement ils soient apparentés, mais aussi pour que ce que l'on affirme, de l'un d'entre eux, dans le raisonnement, puisse s'appliquer à l'autre.

En médecine populaire, nous trouvons l'application de ce procédé dans les nombreuses pratiques que l'on a . résumées en cette phrase : similia similibus curantur, le semblable guérit le semblable. Un corps d'une certaine couleur guérit une maladie qui se manifeste par des colorations semblables et ce par le fait de leur parenté étroite qui favorise la transposition du mal du patient au remède.

JAUNISSE.

Un des plus beaux cas que l'on puisse citer sous ce rapport est l'ictère ou la jaunisse. A Bruxelles et aux environs, comme d'ailleurs en certaines régions de France et de Pologne, pour se guérir de ce mal on mange des carottes crues.


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Prise en elle-même, cette observation paraît banale, mais comme tant d'autres, comparée à celles que l'on a faites ailleurs, elle prend un sens et une valeur (1).

Actuellement encore ici, comme en d'autres régions, on fait avaler au malade des produits jaunes. La chélidoine, dans notre pays, dit le D 1" Dekeyser, est souveraine contre la jaunisse parce que son suc est jaune ; pour la même raison du reste, on peut la remplacer par le safran ou le jus de carotte. (Bruxelles-médical 2-9-22). Un remède à base de safran que l'on va chercher aux environs de Maeseyck a une grande vogue en ce moment à> Bruxelles. En Wallonie, à Liège notamment, on recommande de boire trois jours de suite un jaune d'oeuf dans du vinaigre (2). A Ohain, on porte un collier d'ail et l'on croit que lorsque l'ail a jauni, la jaunisse est guérie. En certaines parties de l'Allemagne on administre également la chelidonium majus, à cause de sa sève jaune ; au Danemark, on boit, contre la jaunisse, du bouillon d'un coq aux pattes jaunes.

Les médecins peaux-rouges, contre la bile, c'est-àdire contre le teint jaune, administraient en décoction, quatre herbes différentes dont la racine, la tige ou la fleur sont jaunes (3). Les anciens médecins irlandais employaient toujours contre la jaunisse des remèdes jaunes : safran, soufre et même du savon jaune (4).

Le remède de la chélidoine était connu dans nos provinces, il y a plusieurs siècles déjà. Dans un écrit de l'époque, nous trouvons cette prescription : contre la jaunisse, écrasez de la chélidoine et buvez-en le jus IX jours, chaque jours un trait (5) ; à noter que cette plante a les feuilles d'un

(1) Noter ces autres recettes bruxelloises : boire sa propre urine ou mettre un pou de mouton dans une tartine et la manger. Le pou de mouton est un genre d'hippobosque jaune rayé de brun. A Enghien, Denderleeuw, Lebbeke, Pepinghcn, on met des quantités de poux dans la tartine. En Franche-Comté, on administre cinq ou six poux vivants dans une demi tasse de lait (P. Bonnet. Superstitions médicales. Mélusine I. p. 402). Cette cure est d'usage en Prusse orientale et dans d'Oldenbourg. (Wuttke, Deutsche Volksaberglaube, p. 355).

(2) R. DEWARSAGE. Le calendrier populaire wallon 1920, n° 1385.

(3) MOONEY. Sacred formulas of the Cherokees, p. 323.

(4) LADY WILDE. Ancient cures, charms of Ireland, p. 19.

(5) DEVREESE. Middelnederlandsche geneeskundige recepten en tractaten etc. Codex bibl. nat. de Paris., p. 445.


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vert jaunâtre, que les fleurs sont jaunes et que, comme nous l'avons dit, le suc en est jaune... et nauséabond.

D'autres remèdes utilisés anciennement dans le Brabant ont la même caractéristique. Au XVIIIe siècle, nous trouvons, outre la décoction de racine de chicorée, qui est jaune, ces deux autres recettes : 1° trois jaunes d'oeuf, trois feuilles de bétoine (certaines bétoines ont des fleurs d'un jaune vif),, mélangés avec un quart « quintijn » de safran et manger ; (à cette époque, le safran intervenait dans beaucoup de remèdes contre la jaunisse) ; 2° neuf fleurs de pissenlit séchées et pulvérisées, à prendre dans un jaune d'oeuf (i).

Si nous remontons aux périodes plus anciennes de l'histoire, on peut citer Pline qui conseillait de prendre de la graine de coloquinte et de l'hydromel aussitôt après, ou la crasse des oreilles ou des mamelles de brebis avec de la myrrhe (jaune pâle à l'état frais, un peu rougeâtre en grumeaux) et du vin, ou bien encore du vin dans lequel on a lavé les pattes d'une poule, à condition que ces pattes fussent jaunes (2).

Le procédé hindou nous paraît plus suggestif encore. Bien que la cure ne se fasse plus par une médication interne, le principe est le même : on passe le mal par analogie de couleur. Voici un hymne de l'Atharva-Veda : jusqu'au ciel ira ta maladie de coeur et la jaunisse ; dans la couleur du taureau rouge, nous t'enveloppons. Nous t'enveloppons de couleurs rouges pour que tu vives longtemps. Puisse cette personne être débarrassée de la couleur jaune (3). Ce rouge semble être considéré comme un jaune plus ardent, surtout que le taureau n'est certainement jamais d'un rouge proprement dit. Nous nous rallions d'autant plus difficilement à cette idée de M. Bloomfield que le rouge est emprunté au taureau pour le donner au patient, qu'il dit lui-même qu'après avoir versé de l'eau sur le dos du taureau rouge le patient la boit, qu'on nourrit le patient de la pâte d'haridvas, qui est une plante jaune et qu'on le couvre de la tête aux pieds

(1) De verstandighe hovenier door F. V. S. Pbr. p. 127.

(2) Histoire nat. LXX. VIII. — XXX. XI.

(3) I. 22. 3.


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avec les restants de la pâte (1). On comprend difficilement que ces deux procédés assez identiques en somme puissent avoir des actions opposées.

Que le remède soit externe ou interne, c'est par similitude de couleur qu'il agit. C'est ainsi qu'aux Indes encore, à l'époque védique, on frottait le malade d'un enduit jaune, enduit qu'on nettoyait en faisant écouler l'eau sur des oiseaux, perroquets, grives et autres, attachés au bas du lit ; tout semble indiquer qu'on les laissait ensuite s'envoler (2), c'est-à dire que, porteurs de la maladie, ils la transportaient ailleurs. Ces messagers sont souvent jaunes eux-mêmes, particulièrement le haridrava (bergeronnette jaune). Dans le Kaucika Sutra, on dit d'ailleurs : envoie jaunisse au soleil, aux çukas et curikas jaunes, à un arbre de bois jaune ou à un troisième oiseau rouge. Les animaux qui devaient prendre la maladie étaient liés au lit avec un fil jaune (3).

De même qu'aux Indes, en Grèce, en Italie, comme actuellement encore en Styrie, dit M. Gomperz, la jaunisse est exilée dans le corps d'animaux jaunes (4).

Les Grecs croyaient fermement qu'une personne atteinte de la jaunisse était guérie lorsqu'elle regardait fixement un courlis et que l'oiseau regardait fixement le malade. On conservait, à cette intention,soigneusement ces oiseaux(5). Telle est la nature, dit Plutarque, et tel est le tempérament de la créature, qu'elle projette et reçoit la maladie par les yeux (6). La vertu de l'oiseau réside dans son grand oeil d'or, qui est la première chose que l'on remarque, lorsqu'on voit l'oiseau (7). Avicenne rapporte que plusieurs médecins ont prétendu guérir l'ictère en faisant fixer des objets jaunes par les malades (8). Dans le Talmud, le safran est le remède indiqué contre la jaunisse (9).

(1) BLOOMFIELD, Atharva-Veda, p. 264, cf. explication de Frazcr dans The Magic Art. vol. i. p. 79.

(2) OLDENBERG. La religion du Veda, p. 423.

(3) KUHN. Indische nnd Germanische Segensprôche. Zeitschr. fur vergl. Sprachforsch XIII, p. 115.

(4) GOMPERZ. Les penseurs de la Grèce, I, pp. 294-295.

(5) Schol. in Aristophane. Oiseaux 266. Schol. Plat. Gorgias 494B.

(6) Quaest conviv. V, 7-2.

(7) Pline XXX, 94, XXXVII, 170.

(8) SPRENOEL. Hist. de la médecine, II, p. 310. (9)Sabb. 110A, Gitt. 68B.


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Actuellement, en Grèce, on guérit la jaunisse, qu'on appelle le mal d'or, par l'or. On trempe une pièce d'or dans du vin, on expose le vin avec l'or à la lumière des étoiles pendant trois nuits et on boit trois tasses par jour (1). La même pratique existe chez les Wendes du Tyrol. Les chaldéens, pour se débarrasser du mal, portaient une boucle d'or à la main (2). En Russie méridionale, un remède juif contre la jaunisse est de porter des bracelets d'or (3) ; en Allemagne, on emploie des navets jaunes, des pièces d'or, des bagues et des colliers d'or, du safran et bien d'autres produits jaunes. En Allemagne encore, on met un calice d'or devant les yeux du malade ou on le fait boire dans une coupe de cire jaune (4). Enfin, toujours en Allemagne, on croit que la jaunisse est apportée par le bruant (elbfink) au plumage jaune et en Suède on s'en guérit en mangeant un bruant rôti. Dans la province de Luxembourg, le bruant commun (emberiza citrinella, Lin.) est appelé « jaunisse » (5).

Dans le Brabant, de même que dans la Wallonie, nous retrouvons un ancien procédé de même nature. A Louvain, on applique une tanche vivante sur le foie ; à Becquevoort, près de Diest, sur le coeur ; à Tirlemont et à Neder-over-Heembeek sur la poitrine ; à Bruxelles et à Assche, on la coupe en deux en respectant la tête, pour que la bête reste vivante aussi longtemps que possible. A noter que la tanche est un poisson d'un jaune doré lorsqu'elle vit dans les eaux courantes.

En Bohême et en Souabe, d'après M. De Cock, on attache pendant toute une journée sur le dos nu du malade, une tanche vivante, puis « quand elle est devenue entièrement jaune » on la jette dans une eau courante (6). Ici l'animal par similitude prend la maladie, puis on s'en débarrasse. Sloet dit que dans le sud des Pays-Bas, on ouvre une tanche mâle, on enlève l'arête que l'on place sur le creux de l'estomac du malade (7).

(!) FRAZER. Golden Bough, Magic art, I, p. 80.

(2) KUCKLER. Assyrische babyl. medizin, p. 59.

(3) WEISSENBERG. Globus XCI, p. 358.

(4) Fossel cité d'après DE COCK.

(5) Vocabulaire de noms wallons d'animaux, par J. DEFRECHEUX, Liège, 2° édition, s. d. (1890) p. 88.

(6) Volksgeneeskunde in Vlaanderen.

(7) SLOET. De Dieren.


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A Gheel, province d'Anvers, on se sert de la carpe qui est également jaune sous le ventre.

La guérison de l'ictère, par la tanche coupée en deux, est un procédé ancien dans nos régions. Il est mentionné dans la pharmacopée de Schrôder (1687) (1).

Ce qui est remarquable dans cette énumération de remèdes contre la jaunisse, c'est la multiplicité des formes qu'à prise la conception qui est sous-jacente à eux tous. Aucun de ces remèdes ne paraît s'être montré d'une efficacité suffisante pour devenir prédominant au point de s'être imposé universellement et d'avoir éliminé les autres. Ce sont comme des tentatives de réalisation d'un procédé toujours persistant.

Ce qui est à noter, c'est l'extrême variabilité du remède. Lorsqu'il est interne, on mange le produit jaune lui-même, ou bien on se contente d'une infusion ou d'un simple lavage. Lorsqu'il est externe, parfois le simple voisinage suffit, parfois on l'applique sur tout le corps, parfois il n'est qu'un intermédiaire ou un moyen de communication ; le regard parfois est suffisant et lorsque le remède vient en contact, peu importe la partie du corps : poignet, cou, estomac, dos ou foie.

Ceci démontre bien que l'élément jaune est prépondérant.

Les remarques que nous venons de faire à propos de la jaunisse pourraient être appliquées aux diverses maladies dont nous parlerons par la suite. Nous ne les répéterons pas. Bien que nous ayons critiqué l'interprétation que M. Bloomfield a donné aux usages hindous, il faut que nous constations cependant que le processus par échange existe. En Albanie, par exemple, un enfant étant malade de la jaunisse, un magicien musulman agit comme suit : il prit une rose rouge dans le jardin et lia autour d'elle un petit morceau de laine jaune. Il lia une pièce de laine rouge autour de l'enfant dit les paroles nécessaires et y ajouta : « Jaune, jaune, sortez de l'enfant et passez à la rose. Rouge, rouge, passez dans l'enfant ». En peu de jours, la rose devint jaune et l'enfant reprit sa couleur naturelle.

(1) Phannacopoea Schrodero-Hoffmaniana Cologne 1687, p. 648.


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L'idée primitive de la guérlson par similitude est remplacée ici par une double influence : le ruban jaune prend la maladie de l'enfant et la transmet à la rose qui, elle, à son tour, passe sa couleur au malade.

H peut ne pas être inutile de rappeler à ce propos que dans l'ancienne magie anglo-saxonne, les esprits du mal, les venins étaient désignés par des couleurs : on disait le venin rouge, blanc, pourpre, jaune, vert, bleu, brun ou écarlate(l).

HÉMORRAGIES.

L'action de la couleur sur la maladie qui a des symptômes de même teinte nous est très bien donnée par cette petite incantation rapportée par M. Chapiseau et qui a pour objet de guérir les maladies des yeux :

« Fleur si tu es blanche, que tu déblanches ; si tu es rouge que tu dérouges ; si tu es bleue que tu sortes de ces yeux, au nom de sainte Claire et de la Sainte Trinité. Dire cinq Pater, etc. (2) ». Le blanc fait disparaître le blanc, le rouge fait disparaître le rouge. C'est cette dernière conception dont nous allons suivre l'évolution en parlant des hémorragies.

A Bruxelles, contre le flux de sang, on conseille une cure de raisins ; pour le Bruxellois, le raisin rouge est l'aspect prédominant, on y vend rarement le raisin blanc dans les rues populaires.

Au pays de Liège, principalement en Hesbaye, comme en région flamande, aussi en France, — notamment à Givet, — on préconise le remède suivant contre l'hémorragie utérine et, en Allemagne, contre la dysenterie : prendre une hase en chaleur (à Givet, on dit simplement un lièvre), la tuer et tremper un morceau de toile bleue (en Allemagne on dit rouge) dans le sang. Faire sécher. Au moment où l'hémorragie utérine se déclare prendre un morceau de ce linge et faire boire cette infusion à la patiente (3).

(1) Lacnunga, 45.

(2) CHAPISEAU. Le Folklore de la Beauce et du Perche, p. 263.

(3) HOVORKA et KRONFELD. Volksmedizin II p. 301. A. DE COCK, Volksgeneeskunde in Vlaanderen, p. 62.


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A Tirlemont, c'est le sang séché d'une hase ayant mis bas que l'on fait infuser dans du vin rouge.

En certaines parties de la Wallonie on conseille du sang de hase pleine (1).

Au Congo même nous trouvons un procédé du même genre mais emprunté au règne végétal : la liane avec laquelle on fait des filets, présente une section rosâtre d'où s'écoule un latex rouge-sang rapidement coagulé. C'est un « dawa hémostatique » (2).

En Bavière, en Saxe et en Bohême, il suffit d'approcher le corps séché du bec croisé (oiseau au plumage rouge) d'une blessure pour arrêter le sang (3).

A Verviers, pour arrêter le saignement de nez, on enroule un bout de fil autour du doigt (4) ; à Bruxelles, la prescription est plus précise et plus suggestive : le bout de fil ou de laine doit être rouge. Ceci nous rappelle qu'en Assyrie, pour guérir un oeil congestionné, on y liait un bout de laine rouge (5).

Cette logique de pure analogie présente souvent des contradictions irréductibles pour nous. Si le rouge chasse le rouge il peut d'autre part l'amener. Il suffit qu'une association d'images existe pour que l'action se produise, ou du moins soit influencée.

C'est ainsi qu'anciennement dans le Brabant, d'après un auteur déjà cité, des plantes aux fleurs rouges arrêtent les hémorragies (6), et cependant nombre d'autres plantes aux fleurs rouges ou pourpres facilitent la menstruation, telles la bugrane (aux fleurs purpurines) mêlée au vin de Malvoisie, la gentiane pourpre, l'aristoloche aux fleurs pourpres, l'asaret (aux fleurs d'un pourpre noirâtre), la digitale (aux fleurs rouges). L'amarante fait disparaître le sang « tourné ».

L'école de Salerne, au VIIe siècle, assignait déjà que les racines de mauve provoquent les règles (7), ce qui est d'ailleurs très discutable.

(1) R. DE WAUSAQE. Le calendrier populaire wallon, 1920, n° 909.

(2) DE CALONNE. Azande p. 178 cf. HOVORKA und KRONFELD II p. 304.

(3) Frazer. Golden Bough I p. 81.

(4) MONSEUR. Le Folklore Wallon, p. 26.

(5) THOMPSON. Assyrian médicale Texts, 15.

(6) Den verstandighe hovenier, p. 95 passim.

(7) DAREMBERQ. L'école de Salerne, p. 144.


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DYSENTERIE.

Dans la dysenterie, le malade évacue généralement des glaires sanguinolentes. Pour guérir ce mal, la médecine populaire préconise des remèdes très semblables aux précédents. Ces remèdes sont des plantes aux fleurs rouges, des baies ou des fleurs rouges ou tout au moins rougeâtres.

Dans un livre flamand du XVIIIe siècle qui se rapporte surtout à notre région, on en trouve une belle série. En voici quelques uns : une grenade mise dans un pot hermétiquement fermé et séchée au four, puis pulvérisée, arrête la dysenterie. ; également le jus des baies de cornouiller (rouges-noirâtres), mêlé avec du miel et du sucre ; puis la mûre sauvage, le lierre terrestre (fleurs d'un pourpre brun), la potentille (rouge incarnat ou pourpre noir), le vin ou le suc de la grenade dans lequel on a trempé un fer rougi au feu, et enfin la prunelle qui est également utile contre l'érysipèle et les inflammations, le saignement du nez, le fiux menstruel et l'inflammation rouge des yeux, de même que les groseilles rouges calment réchauffement du sang et que pour purifier le sang on fait boire dans du vin de la racine de pivoine pulvérisée ou manger des fraises de bois avec du vin. Ces dernières font encore disparaître les boutons et les points rouges du visage (1).

Dans « la Médecine et la Chirurgie des Pauvres », on recommande contre la dysenterie le jus des baies de sureau. Voici un remède tyrolien contre la dysenterie, où l'action sympathique de la couleur est très apparente : on trempe fortement dans le sang d'un lièvre un morceau de drap rouge et on le laisse sécher. On met un morceau de ce drap dans du vin rouge et on fait boire celui-ci au malade (2). Nous avons déjà rencontré ce remède comme emménagogue. C'est un phénomène très général de la médecine populaire qu'un même remède sert à diverses maladies qui se manifestent de manière analogue.

(1) Den verstandighe hovenier, pp. 6, 41, 42, 75, 77, 102.

(2) DIRLER. Z. V. V. 1898 p. 41.


— 15 — AUTRES ANALOGIES DE COULEUR.

A Etterbeek, on distingue neuf sortes d'érysipèles, parmi lesquels « de blauwe Roos » (érysipèle bleu), pour la guérison duquel on met du bleu sur la partie malade. La même pratique est relatée pour Crainhem, Hauwaert et Leffinghe près d'Ostende.

Ceci peut être mis en parallèle avec un mode de traitement très répandu de la variole, maladie qui se manifeste surtout par une éruption rouge. Au Japon, on couvrait la table de drap rouge et on y mettait des papiers sacrés rouges. Après avoir fait les prières prescrites, les malades se baignaient dans de l'eau colorée en rouge et tout ce dont ils se servaient était rouge (1).

Au XVIIIe siècle, d'après Fouquet de Montpellier, on revêtait les varioleux de drap écarlate, et John Gaddesdon traita le fils du roi Edouard, malade de la variole, en l'enveloppant d'un vêtement rouge et en le faisant coucher dans une chambre toute tapissée de rouge. Ambroise Paré conseillait un traitement identique (2). Le remède fut pratiqué en France longtemps après (3) et, chose bizare, ce remède efficace peut se justifier scientifiquement.

A Linden, pour faire disparaître les taches dans la pupille, on prend certaines feuilles qui ont des taches et on les porte en amulettes. En outre, on dit 9 Pater et 9 Ave pendant 9 jours,

Ceci rappelle ce qui se pratique en Angleterre où l'euphrasie officinale, parce que ses fleurs marquées d'une tache jaune, ressemblent à une pupille, servait de remède contre les maux d'yeux (4), idée reprise à Paracelse.

Un autre parallèle nous vient du Congo. Les Abaka mangent de la girafe comme remède contre la roséole syphilitique, parce que la girafe est caractérisée par des rosettes colorées sur fond chair (5).

(1) CH. LAURENT. Revue de Paris 1908.

(2) Lettres complètes. T. IV (1841) p. 259.

(3) Dr CABANES. Remèdes d'autrefots pp. 235-237.

(4) G. BARTON CUTTON. Three thousand years of mental healing p. 144.

(5) DE CALONNE. Àzande p. 175.


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Anciennement, en France, probablement par analogie avec la couleur du cérumen, on employait contre les maux d'oreilles, des remèdes de couleur jaune (1), tels que l'ambre jaune et le soufre. A Bruxelles, contre le même mal, on emploie de l'urine de lièvre.

ANALOGIE DE MOUVEMENT

A Bruxelles, à Louvain, à Tirlemont, à Auderghem, en Wallonie, en Hollande, en Bourgogne, au Schleswig, en France, en Suisse, au Tyrol, au Transvaal et même chez les cafres (2), pour guérir l'incontinence nocturne d'urine chez les enfants, on leur fait manger une souris. Pour ce, on écorche la souris et, d'habitude, on la roule dans un morceau de viande que l'on fait frire.

Ce procédé se complète et s'explique par ce qui se pratique à Gand : là il faut que le malade attrape cinq souris et mange la cinquième. Le raisonnement symbolique semble bien être celui-ci : le malade doit parvenir à arrêter ce qui fuit. Lorsque dans le geste il est devenu assez habile, sa faculté se transpose à l'organe interne, par le fait de manger la cinquième proie dont il s'est emparé.

Cette idée est confirmée par une pratique du Midi de la France, où l'on fait manger à l'enfant une omelette aux vers de terre, c'est-à-dire encore des animaux qui fuient. A peu près dans la même idée, les flamands pour guérir l'incontinence d'urine s'adressent, à N. D. du Repos (O. L. Vrouw-ter-Rust) de Liefferingen-lez-Grammont (3).

A noter qu'à Rome on croyait arrêter l'incontinence d'urine chez les enfants en leur faisant manger des rats bouillis (4) et qu'anciennement en France on devait boire de la cervelle de lièvre avec du vin (5), remède qui se retrouve, ainsi que la souris (séchée dans un four), dans la Médecine des Pauvres, (Rouen 1782, p. 219). Au XVIe siècle, dans le Midi de la France, on faisait cuire des chauves-souris (6).

(1) BLANPAIN. Le marquis de Brinvilliers p. 93.

(2i cf. J. CORNELISSEN. De Muizen en de Ratten in de Folklore, p. 89.

(3) DE COCK. Volksgeneeskunde in Vlaanderen, p. 88.

(4) PLINE. L. XXX. (XL. VIII).

(5) P. MEYER et CH. JOSET. Recettes médicales en français (XIIIe-XIVe s). Romania 1889, p. 375.

(6) Quinzaine médicale, Xbre 1923.


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En Suisse, actuellement encore, on prépare comme remède, du saucisson de rats (1).

A Tentena (Malaisie), pour guérir l'incontinence d'urine, on trotte les parties génitales avec des oeufs de sauterelles, sur lesquels on a craché six fois (2). La sauterelle est un animal qui fuit et les oeufs sont l'essence de l'animal. On peut mettre en rapport avec ceci, parce qu'on y retrouve également une analogie de mouvement, le fait qu'aux Indes, pour guérir la rétention d'urine, on tire une flèche (3), qui symbolise le mouvement et la trajectoire de l'urine.

Dans le même esprit, à Oisquercq (Brabant), on croit que pour hâter la pousse des cheveux il faut les couper pendant la croissance de la lune, et pour entraver la pousse, il faut les couper pendant la décroissance de la lune. Nous retrouvons la même pratique à Nivelles.

La coutume suivante, qui se pratique à Braine-l'Alleud, nous semble répondre à l'idée d'influence par similitude de mouvement : pour guérir les convulsions, on lit l'Evangile de saint Jean en tenant entre Ses deux index de deux personnes, une clef avec un trou, qui doit tomber à certain moment (relation entre la chute du malade et la chute de la clef). Une même relation analogique se retrouve dans la coutume de faire porter un collier de bouchons pour tarir le lait des femmes et des chiennes, à Bruxelles et en Flandre.

L'usage de faire manger des souris aux enfants est un remède millénaire en Orient et notamment en Egypte ; on en parle dans le papyrus magique de Berlin. D'autre part, les crottes de souris étaient employées en application externe pour favoriser la miction (4). Madame Fouquet donnait de la fiente de rat en poudre contre l'incontinence i 5). L'ancienne pharmacopée anglaise utilisait les souris écorchées et réduites en poudre pour guérir l'incontinence d'urine (6) et le procédé existe encore actuellement dans toute l'Angleterre.

(1) STOLL. Zur Kenntniss des Zauberglaubens in der Schweiz p. 79.

(2) KRUYT. caractirisordin. MEASA. B. T. L. V. 1919 p. 63.

(3) Kausika Sutra. 25-10-19.

(4) BUDGE. Syriac book of medicines 682 à 695.

(5) Remèdes charitables 1685, p. 361.

(6) CULPEPER. Pharmacopoea. londonensis 1659 p. 46 et Dr JAMES. Pharmacopocea 1752, p. 349.


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ANALOGIE DE NOMS.

A Zellick (Zelk), près de Bruxelles, on fait un pèlerinage contre la dartre (en flamand zilt et qu'à Bruxelles on prononce généralement : zelk) ; la similitude des deux noms a probablement créé la pratique. On va de même à Haren pour obtenir la guérison de la croûte de lait (Haarworm).

D'autres faits peuvent être invoqués comme exemples de ce genre de transposition ou tout au moins de l'importance qu'a la similitude des noms.

En Autriche allemande, on croit que l'on attrape des cors aux pieds (Huhneraugen = yeux de poule), lorsqu'on met le pied dans le baquet où les poules boivent d'ordinaire (1).

En Suisse, en Appenzell et en Curétie, on désigne ce mal par : oeil de pie. Dans le premier de ces cantons, on connaît un remède pour s'en débarrasser : les cors aux pieds disparaissent, lorsqu'à la place, où peu de temps avant, une pie s'est assise, on fait un signe de croix et on prononce une conjuration (2).

Pline dit qu'il est un oiseau que l'on nomme ictère, nom grec de la jaunisse ; il suffit, dit-on, de le regarder pour être guéri de ce mal, et l'oiseau meurt. Le naturaliste pense que c'est l'oiseau qu'en latin on appelle galgule (3) (loriot ?). Le même auteur rapporte que l'herbe appelée scorpion (scorpiurus sulcata, Lin.) a reçu ce nom parce que la graine ressemble à la queue de cet insecte.... elle est efficace contre la piqûre de l'animal dont elle porte le nom (4).

On pourrait ajouter ce fait que, dans toute la partie flamande de notre pays, la joubarbe (donderblaren = feuilles du tonnerre) est considérée comme préservatif de la foudre. En Wallonie, sainte Rose intervient pour la guérison de l'érésipèle (en flamand de Roos, en français vulgaire, la rose) (5). A Bruxelles, la même coutume existe. Comme

(1) Am Urquell III, p. 296.

(2) SLOET. De dieren in het germ. Volksgeloof en Volksgebruik p. 235.

(3) Livre XXX-XXVHI (XI).

(4) Pline. Livre XXII (XVII).

(5) Croyances et remèdes populaires au pays de Liège par A. HOCK. cité par E. Monseur.


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remède, on prend une infusion ou on applique un cataplasme de feuilles de roses (1). L'Almanach de l'Abbaye d'Affligem donne la recette suivante : un mélange de lard et de feuilles de roses écrasées (2).

A Nassogne, contre la fluxion, on frotte la joue du patient avec « li père di Saint Blèse (la pierre de saint Biaise) mouillée dans l'eau bénite. En flamand, et surtout en Bruxellois, la fluxion s'appelle « Blees » (3).

(1) R. DE WARSAGE. Le calendrier populaire Wallon 1920, n° 1312.

(2) Benediktus Kalender en Almanak 1914 p. 13.

(3) R- DE WARSAGE. Op. cit. n° 585.

H.FURSEUS . _ H. FOILLANUS . _ H. ULTANUS. Drij tfebroeders .vweerd m de parochiekerk I e Neerbnter.


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A Grivegnée, on va à l'église pour demander à saint Fivlin la guérison de la fièvre de croissance des enfants, qui en wallon s'appelle « Fivlin » (1).

A Neerlinter, on invoque saint Phollien contre les maladies de l'anus et de l'intestin. Les Flamands ont fait de Pholianus, « vuile Janus » (sale Janus) ce qui le prédisposa à la cure de ce genre de maladies.

A Duisbourg (Brabant), on fait un pèlerinage à sainte Catherine pour l'herpès circiné, qu'en flamand on appelle

« katerienewiel » (roue de sainte Catherine). Le même pèlerinage se pratique à l'église Sainte-Catherine à Bruxelles, à Humelghem, à Lombeek-Sainte-Catherine. A Anderlecht, on fait un pèlerinage à saint Guidon pour guérir la danse desaint Gui (2). Sainte Lucie est honorée pour les maux d'yeux (lux = lumière) notamment à Vertrijck et à Hijndonck près de Willebroeck. On peut rappeler que saint Agnan et saint Tignon furent invoqués contre la teigne, sainte Claire contre les maladies des yeux, saint Genou contre la goutte, saint Quintin contre la toux (3), saint Eutrope pour les estropiés, saint Fort pour les enfants faibles, saint Langouret pour les enfants affligés de langueur ; saint Firmin affermit contre les tremblements

tremblements la fièvre (4), saint Marcoul (ou Malcou) contre les

(1) MONSEUR. Le Folklore wallon, p. 24.

(2) Dr POODT. Folklore brabançon 1924, p. 91.

(3) PETTIQREW. Superstitions connected with the history etc. pp. 55-57.

(4) LAISNEL DE LA SALLE. Le Berry. Croyances et légendes pp. 391-392.

Sainte Catherine d'Humelghem (Dessin de R. Van de Sande)


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maladies du cou (1) ; ce dernier saint est invoqué à GrezDoiceau et à Zellick. Il semble même vraisembable que le très ancien pèlerinage de Chastre pour la guérison de la

hernie était dû à une analogie verbale : la paroisse de Chastre s'appelle officiellement Chastre-Dame-Alerne, d'où la similitude avec hernie (2).

(1) P. BONNET. Superstitions médicales de la Franche-Comté, Mélusine, t. I. p. 399.

(2) D'après une obligeante information de M. le curé de Chastre au Folklore Brabançon.


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A Bruxelles, le peuple établit une relation telle entre le mal et le lieu de pèlerinage, qu'il désigne souvent le premier par le second : il dit cet enfant « heeft van Haeren, van Strombeek, van Koetteur (Couture-Saint-Germain), van Sinte-Kateriene, van Wemmel, van Peuthy etc. (cet enfant a le mal de Haeren, de Strombeek etc..) ; de même que les brabançons qui font des pèlerinages à Jodoigne pour le rachitisme (vieil homme) disent qu'ils vont « au vieil homme ». A Monstreux (Brabant), le saint, qui en l'occurence est Saint Pierre, a pris le nom du mal. On l'appelle saint Breyan et on l'invoque pour calmer les pleurs des enfants, (breyan en wallon = pleurard ; allusion aux pleurs de saint Pierre après son reniement). De même à Ronquières, on prie N. D. du Kaytoum contre la coqueluche. (Kaytoum ou kinktoum, en wallon, signifiant coqueluche). A Bruxelles, pour la furonculose des enfants, « la maladie des clous », on prend un paquet de clous dont on ignore le nombre, on fait trois fois le tour de l'église du Sablon et on offre les clous à l'intérieur de l'église. Une pratique similaire existe en d'autres endroits. M. Chalon cite l'église Saint-Jacques à Gand, celles de Borsbeke, de Rumpst et d'Eppeghem (anciennement) (1) ; mais les modalités varient d'un lieu à l'autre ; c'est ainsi qu'à Cherscamp on déplace les clous d'un bac dans un autre.

Peut-être doit-on donner la même explication analogique à ce remède choisi par un Bruxellois pour se guérir de maux d'estomac : pour se débarrasser du « poids sur l'estomac », il portait une pierre sur cet organe. Peut-être aussi était-ce une survivance de la coutume de porter des amulettes de pierre (2). Le cas est trop isolé, pensons-nous, pour en retrouver la genèse.

ANALOGIE DE FORME.

A Bruxelles, et d'ailleurs dans tout le Brabant, on met aux enfants un collier de perles oblongues, appelé parfois collier de saint Jean (soit de matière blanche, os, soit d'ambre)

(1) Fétiches, idoles et amulettes, t. I. pp. 28, 29 et 30.

(2) Voir Folklore Brabançon, T année p. 356. E. DE MUNCK, Amulettes préhistoriques.


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pour faciliter la dentition. On trouve encore ces colliers dans la plupart des pharmacies.

A Paris, les perles sont souvent de couleur bleue. En Italie, le collier est fait de dents de sanglier, de loup, de chien, d'ours ou d'une dent ayant appartenu à un autre enfant (1). En Suisse romande, le collier est fait de dents de renard (2) ; chez les Haoussas de l'Afrique, il est fait de dents de chat ou de rat (3) ; à Campenhout, c'est un sachet contenant des dents de lait ; à Etterbeek, on ajoute la condition que ces dents doivent être tombées naturellement, les dents arrachées ou cassées n'ayant pas de vertu curative. Anciennement, en France, on se servait de dents de loup, de lièvre, de chienne ou de dauphin, qui s'enchâssaient parfois dans le hochet (4).

A Godarville comme en Hesbaye, contre les maux de dents, on touche l'endroit malade avec un clou qui n'a jamais servi, on fiche ce clou dans le premier arbre venu (5) et on récite cinq pater et cinq ave en l'honneur des cinq plaies de Jésus. Parfois, on remplace le clbu par un clou de girofle (Bruxelles) ou même par une décoction de ceux-ci (Braine-l'Alleud), ou encore par un caillou (6). La similitude de forme entre le clou ou le caillou et la dent semble avoir facilité la transposition. Ce remède a naturellement beaucoup de variantes : on fiche le clou dans une muraille, on fait bouillir des pierres blanches et l'on ouvre la bouche sur la vapeur (7).

Tout cela semble nous avoir été légué par l'Antiquité classique. L'oeuvre de Pline, qui est un véritable compendium de médecine populaire, nous indique beaucoup de prescriptions du même genre : on trouve, dit-il, dans les cornes des escargots de petits grains de sable qui, portés en amulette, rendent la dentition facile. La cervelle de vipère attachée avec une petite peau aide à la dentition. Il en est de même

(1) ZANETTI. La médecine délie nostre donne, p. 254.

(2) P. SÉBILLOT. La paganisme contemporain, p. 64.

(3) J. A. I. 1915, t. XLV, p. 49.

(4) FRANKLIN. Vie privée d'autrefois, t. XIX, pp. 114, 115.

(5) L'usage du clou pour arrêter le mal de dents date de l'époque romaine.

(6) HAROU. Le Folklore de Godarville (Hainaut), p. 32-33.

(7) ORAIN. Folklore de l'Ille-et-Vilaine, II, p. 251.


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des plus grosses dents des serpents. Les grandes cornes des scarabées, lorsqu'elles sont dentelées, attachées au cou des enfants, ont la propriété des amulettes. On dit qu'il est dans la tête du serpent boa, une petite pierre qu'il rejette quand il craint d'être tué : si, le surprenant, on lui coupe la tête et qu'on en tire cette pierre, elle aide admirablement à la dentition ; elle était attachée au cou des enfants. Pour le même usage y attacher le petit os qu'on trouve dans le dos de la limace (1).

Les enfants romains, pour écarter les maléfices, portaient des colliers d'or, de corail ou d'ambre (2).

Aux Indes, à l'apparition de la première dent de l'enfant, toute la famille est en fête et on se réunit pour goûter de la délicieuse crème qu'on prépare dans cette circonstance. Des petites boulettes de farine, préalablement cuites, figurent les dents et nagent dans le lait de vache sacré (3). Au Japon, nous retrouvons la relation entre la dent et le clou, dans un processus assez complexe : Quand un Japonais a une dent malade, il trace avec de l'encre sur du papier le contour de ses pieds. Dans ce contour il dessine la bouche et les dents. Le dessin est alors cloué à une pièce de la maison, près des cabinets, et le clou est censé percer l'endroit de la dent malade. On laisse l'image jusqu'à ce que la dent soit guérie (4).

L'Antiquité classique connaissait d'autres substitutions par similitude de forme : les vers de terre étaient censés recoller les nerfs divisés (5) ; d'après Dioscoride, l'herbe aux scorpions, dont la fleur a la forme d'une queue de scorpion, guérit les piqûres de ces animaux.

En Belgique, d'autres exemples sont connus : en Wallonie, par exemple, contre les hémorroïdes on fait bouillir le tubercule scrofularia nodosa qui a la forme de l'hémorroïde et on en prend un bain de vapeur. Il est bon de choisir un exemplaire de la grosseur de ses hémorroïdes (6).

(1) Pline XXX, 57.

(2) MARQUARDT. Romische Staatsverwaltung, t. III, p. 104.

(3) Dr PARAMANANDA MARIADASSOO. Moeurs médicales de l'Inde, p. 39.

(4) H. TEN CATE. Weiteres aus den Japanischen Volksglauben. Globus, t. XCIV, p. 377.

(5)ORIBASE. Synopsis VII, 1.

(6) R. DE WARSAGE. Le calendrier populaire Wallon, 1920, n° 862.


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Dans le Brabant (à Linden notamment), on se sert comme remède contre le même mal, de la ficaire, en flamand herbe aux hémorroïdes. On l'applique en décoction sur le mal externe, on boit la décoction lorsque le mal est interne. Thielens, dans sa Flore médicale belge de 1862, dit qu'on conseille de porter des marrons sauvages en poche pour se préserver des hémorroïdes (p. 140). Le médecin allemand du XVIIe s., Riedlin, disait que les figues (hémorroïdes) de l'anus sont guéries par les figues (1). Dans la Bible, il est dit que les Philistins malades d'hémorroïdes offrirent au Dieu d'Israël des figures d'or de leurs tumeurs (2).

L'emploi de scrofulaires contre les hémorroïdes figure dans toutes les anciennes pharmacopées. Un auteur français du XVIIIe s. disait que plusieurs personnes sujettes aux hémorroïdes s'en sont trouvées préservées en portant dans leurs poches, ou au bas de leur chemise, une excroissance ou tubercule qui naît au milieu des tiges du chardon (3). A Bruxelles, on utilise quelquefois de même façon de petites pommes de terre. Au Mexique ancien, on employait des racines de la grosseur d'un radis (4). A Vissenaeken (Tirlemont), on utilise également une forme analogique, la noix ; on fait sécher celle-ci pendant plus de trois ans, on la met sur une assiette près du poêle et l'huile qui s'y forme est appliquée sur le mal.

Rappelons aussi que dans la médecine ancienne (Dioscoride et Ecole de Salerne), la pivoine, en bouton, portée au cou, était regardée comme précieuse contre l'épilepsie, parce qu'elle ressemble à une tête humaine (5).

A Bruxelles, il y a quelque septante ans, on conseillait, pour prévenir les convulsions des enfants, de leur mettre au cou, un collier de semences de pivoine (6), ce remède étant employé, d'après l'auteur, avec beaucoup de succès en Ecosse.

(1) Lineoe medicae singulos, etc.

(2) I. Samuel VI, 4, 6.

(3) La médecine des Pauvres, Rouen 1782, p. 193.

(4) DE SAHAQUN. Choses de la Nouvelle Espagne, trad. fr. p. 762.

(5) Pharmacopocea Schrôdero. Hoffmanniana, Cologne 1687, p. 461.

(6) Almanach des bons conseils 1852, p. 120.


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En Ecosse, les pierres qui ont la forme d'une partie du corps humain sont censées avoir la propriété de guérir les maladies qui affectent cette partie. Ces pierres prennent même le nom des organes dont elles ont la forme : pierres d'yeux, pierres de tête, etc. On lave la partie malade et on la frotte ensuite avec la pierre (1). Les docteurs Cherokees (Peaux-Rouges) mettent dans la décoction que l'on considère comme vermifuge quelques tiges rouges, couleur de chair, du pourpier, parce que ces tiges ressemblent quelque peu à des vers et que par suite elles doivent avoir une influence occulte sur les vers (2).

DOCTRINE DE LA SIGNATURE.

Sur cette base analogique s'est développée, au XVIe siècle surtout, une interprétation de nature mystique que l'on a appelée la doctrine des signatures. Elle existait cependant d'ancienne date puisque Michel Scot, au XIIIe siècle, l'acceptait déjà.

Les particularités de conformation ou de composition que l'on observait dans les plantes, certaines ressemblances qu'on croyait y remarquer avec d'autres objets, furent regardées comme autant d'indices de leurs vertus et ces ressemblances furent extraordinairement nombreuses ; on découvrtt des plantes ressemblant à des scorpions, des cerfs, des écrevisses, des têtes de veau, des utérus, des langues de chien, des mains, des cornes de taureau, des pieds palmés, des abeilles, etc.. J. B. Porta, italien du XVIe siècle, fut le plus grand pontife de cette doctrine. D'après lui, l'arrache, le cumin qui ont un suc jaune, accélèrent la sécrétion de la bile, tout en la diminuant parfois et tout en guérissant l'ictère ; le sureau dont les fleurs sont blanches engendre la pituite ; si la rose, la centaurée, la rhubarbe purgent le sang, c'est qu'elles ont un suc couleur de sang.

Porta établit que les plantes qui offrent certaines parties représentatives des parties analogues dans les animaux sont merveilleuses contre les lésions produites par ces mêmes animaux. Les plantes à fortes épines sont bonnes contre les serpents ; la fièvre quarte ou la fièvre tierce ne

(1) GREQOR. Folk-lore of North-East countries, p. 40.

(2) MOONEY. Sacred formulas of the Cherokees, p. 313.


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résistent pas à l'action des herbes à tige carrée ou triangulaire ; l'oeil droit d'une grenouille, porté dans un sachet au cou, guérit l'oeil droit de l'homme, comme l'oeil gauche guérit l'oeil gauche ; contre l'épilepsie, on prend de la poudre de crâne humain ou de la cervelle d'un jeune homme nouvellement mort de mort violente (1) et contre la fièvre quarte on se couchait sur le IVe livre de l'Iliade d'Homère (2) ; à Diest, pour guérir l'incontinence d'urine chez les enfants, on fait sécher fortement une vessie de porc, on la réduit en poudre et on met celle-ci dans les boissons de l'enfant.

La théorie des signatures mystiques ne se retrouve évidemment pas telle quelle dans notre médecine populaire, mais comme elle a eu un grand retentissement à une certaine époque elle a influencé l'interprétation de la pure analogie et nos docteurs ou guérisseurs rustiques donnent assez fréquemment des explications qui la rappellent plus ou moins en attribuant à ces analogies un sens mystérieux ou providentiel.

La doctrine de la signature est fondamentale dans la médecine chinoise, en ce sens qu'on guérit la maladie d'un organe, par l'organe correspondant d'un animal : on mange des estomacs de poules pour guérir des maux d'estomac. Si la partie supérieure du corps est malade, il faut employer les sommités fleuries et les fruits ; pour la partie inférieure du corps, ce sont les racines (3).

Cette doctrine est appliquée au Japon : pour donner de fortes dents aux enfants, on leur fait manger de la chair d'un poisson qui a les dents particulièrement robustes (4) ; on la retrouve chez les Peaux-Rouges : chez les Cherokees notamment, si un malade souffre de rhumatismes il ne doit pas manger la chair de la patte d'un animal, car ces membres sont le siège habituel de ce mal (5). Au XVIe siècle en France, un os du coeur d'un cerf passait pour un puissant cardiaque (6). Van Helmont relate une pratique similaire dans nos régions : Une fermière avait eu, dans sa grossesse,

(1) LEMERY. Pharmacopée universelle 1718, p. 204 et 537.

(2) Médiéval médecine. Nineteenth Century t. XXXIV p. 147.

(3) Dr L. DE KEYSER. Bruxelles médical, 9bre 22.

(4) TEN KATE. Japanische Volksglauben. Globus T. XVIV p. 376.

(5) MOONEY. Sacred formulas of the Cherokees, p. 330.

(6) FRANKLIN. La vie d'autrefois t. IX p. 11.


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une affection catarrhale de la vessie avec un peu d'hématurie ; elle se procura la vessie d'un taureau encore à l'état d'embryon. Elle prit de la liqueur de cette vessie dans du vin blanc et guérit (1).

Actuellement, la médecine des signatures a reparu sous une forme plus savante dans l'opothérapie. Au lieu d'administrer les organes mêmes on administre les extraits : extraits d'ovaires, de glandes thyroïdes, de pancréas, etc. pour guérir des maladies d'organes correspondants.

Dans certains pèlerinages, notamment à Huyssinghen (Brabant), les malades touchent l'image du Saint au même endroit où ils souffrent de leurs maux (2).

NOEUDS.

Nouer signifie arrêter, lier, enserrer et parfois enlever ou attacher à autre chose. Ceci explique aisément le rôle si important des noeuds, soit dans les accouchements, soit dans l'accomplissement des mariages, mais aussi pour donner ou pour guérir et particulièrement pour enlever certaines excroissances et notamment les verrues.

Un procédé encore suivi à Bruxelles, comme en Flandre, en Hollande, en France, en Allemagne et en Suisse, pour se débarrasser des verrues (poireaux) est de faire dans une ficelle autant de noeuds que l'on a de verrues et de l'enterrer. Quand la ficelle est pourrie les verrues sont guéries.

D'anciens traités indiquent ce remède ; souvent on doit compter les verrues avec une plume et de l'encre de peur de se tromper, parfois on jette la ficelle dans les lieux d'aisance (3).

Ceci implique non seulement l'action sympathique du geste, mais aussi celle du nombre, le nombre de noeuds correspondant à celui des verrues.

Ce remède contre les verrues présente assez bien de variantes. C'est ainsi qu'à Anderlecht un guérisseur avait

(1) DE LITH. VII, 30-33.

(2) VAN HEURCK. Les drapelets de pèlerinage, p. 223.

(3) Vijftig verzachtende geneesmiddelen tôt algemeen nat. (Rotterdam, XVIIIe).


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remplacé le noeud dans une ficelle, par deux pailles nouées en croix sur lesquelles il priait et qu'il enterrait ensuite. Un procédé identique est d'ailleurs employé par un guérisseur de Op-Hasselt (Flandre Orle). En Flandre, on prescrit souvent de placer le fil autour de chaque verrue avant de faire les noeuds et puis de le lancer dans la fosse d'aisance, probablement pour hâter la décomposition et partant la guérison (1). En pays wallon, notamment à Pepinster, il faut jeter le cordon derrière soi. Ailleurs encore, il fallait lier les verrues avec un cordon rouge comme celui dont les toiliers liaient jadis leurs pièces de toile On touchait chaque verrue avec un noeud différent. Puis on perdait volontairement le cordon (2). Au Tyrol, on pend le fil sous le toit (3) ; en Angleterre, on le jette derrière soi dans un endroit où il pourra disparaître rapidement (4) ; au Japon, on lie une toile d'araignée autour des verrues (5) ; en France, on noue une branche ou des feuilles de genêts (6).

Le noeud, ou le lien, sert à la guérison de bien d'autres maladies : à Bruxelles, pour se guérir des rhumatismes, on tourne légèrement une mèche de coton autour de la partie malade ; à Vissenaeken, lorqu'on a des crampes dans les jambes, pour empêcher qu'elles ne remontent au coeur on porte autour des reins une corde et aux deux bouts on fait trois noeuds ; à Liège, contre les névralgies, on se tourne une corde de boyau de chat autour du cou (7) ; à Oisquercq (Brabant) on prévient le lumbago on se ceignant d'une corde ; à Anvers, comme dans le Nord de la France et en Bourgogne, on évite les maux de dents en les entourant d'une corde de violon ; en Wallonie le manouvrier pour se préserver des foulures porte en bracelet un bout de laine noire à tricoter (8) ; à Braine-l'Alleud et aux environs les

(1) PERBER. Volk en taal IVe année p. 30.

(2) Le Calendrier populaire wallon 1920. R. DE WARSAOE n° 856.

(3) HOVORKA UND KRONFELD. Vergl. Volksmedizin II, p. 878. SELIQMANN Der bose Blick I p. 328.

(4) BRAND. Popul. ant. t. III, p. 276.

(5) TEN KATE, Globus t. XCIV, p. 377.

(6) SAINTYVES. La guérison des verrues, p. 32.

(7) Croyances et remèdes populaires au Pays de Liège. A. HOCK. (Cité par E. Monseur).

(8) Le Calendrier populaire Wallon, 1920. R. DE WARSAGE, n° 515.


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femmes enceintes portent les cordons de sainte Marguerite et de sainte Lutgarde, de même à l'église de N.-D. de Laeken elles vont chercher un « fil de la Vierge » En Wallonie encore, on s'enroule un écheveau de soie rouge autour du cou pour se guérir des maux de gorge (1) ; dans la même région toujours, de même qu'à Bruxelles, on porte autour des reins une large ceinture de flanelle rouge sans la serrer comme préservatif contre la hernie, ou une ficelle neuve, pour se garder des entorses (2). A Léau, on porte le fil de soie rouge de sainte Lucie contre les maux de gorge ; à Assche, on se met un lien autour du pouce pour arrêter les saignements de nez ; à Strombeek, on se met autour du petit doigt un ruban bleu ; à Braine-l'AlIeud, on fait comme à Strombeek, mais la couleur du ruban est indifférente ; à Meerbeek, on met le lien au gros orteil.

Ce genre de remède est ancien : il est mentionné dans un petit livre publié à Ypres en 1713 : si on saigne de la main droite, on lie le petit doigt de la main gauche et vice-versa (.3).

A Deux-Acren, pour se guérir de la fièvre, il faut se rendre de grand matin, avant le lever du soleil, si c'est possible, près d'un chêne situé au milieu de la campagne ; le malade est muni d'une attache en ceinturon faite en paille de blé ; il environne l'arbre de l'attache qu'il a autour du corps et s'enfuit à toutes jambes (4).

Le parallèle de ceci se retrouve en Allemagne ! Lauenbourg et Mecklembourg) : là c'est un fil de laine bleue, lié neuf fois autour d'un des orteils de la jambe gauche et on l'y porte pendant neuf jours. Puis on le lie à un arbre en prononçant une courte invocation. Alors la fièvre est guérie (5). En Hollande, contre les maux de tête, on en fait un noeud et on l'attache à un arbre (6). En Calabre (à Ciro), il est de coutume de porter à la ceinture, sous la chemise, un ruban noué plusieurs fois. Les pêcheurs de Nicotera nouent

(1) Le Folklore Wallon. E. MONSEUR. p. 25.

(2) Le calendrier populaire wallon 1920. R. DE WARSAGE n" 1509.

(3) Den Troost der Armen, p. 44.

(4) HAROU. Mélanges p. 32.

(5) HOVORKA UND KRONFELD. Vergl. Volksmedizin II, p. 879.

(6) H. W. HEUVEL. Volksgeloof en Volksgeloof, p. 168.


(1) COREO. Amuleti contemporanei calabresi. Revue des études ethnographiques 1909 p. 253.

(2) JANSSEN. Coutumes des Arabes au pays de Moab. p. 382.

(3) Jos. HENRY. Les Bambaras, p. 46.

(4) GELDNER, Siebenzig Lieder des Rigvedas, p. 11.

(5) VAN OEFELE. Vorhippokratische medizin p. 60.

(6) JASTROW. The médecine of the babyloniens, p. 115.

(7) THOMPSON, op. cit. XXXVII.

(8) WIEDEMANN. Religion of the ancient Egyptians p. 288.

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aux genoux, aux pieds ou au cou, un ruban qui sert de remède aux douleurs arthritiques (1). Les Moabites s'attachent au pied un ruban rouge pour ne pas se heurter contre les pierres des chemins (2) et selon les Bambaras une cordelette à 7 ou 9 noeuds nouée autour du cou délivre du goître, du croup, d'une laryngite, d'une toux opiniâtre etc. (3).

Le lien guérisseur a une histoire qui remonte aux époques les plus lointaines.

Dans les Vedas, les liens désignent la maladie ou le péché, avec lequels Varuna lie le pêcheur ; c'est lui qui les délie (4).

En Chaldée, on liait le malade, puis on déliait, croyant qu'en même temps on le délivrait de la maladie (5). Souvent aussi on formait des noeuds dans une corde, symbolisant l'emprisonnement du démon après qu'il était chassé du corps (6).

Pour chasser un mal de tête, la formule suivante devait être utilisée par le prêtre :

Prenez les poils d'un agneau vierge

Qu'une femme les tisse du côté droit

Et le double du côté gauche,

Liez deux fois sept noeuds

Et faites l'incantation d'Erid

Et liez la tête de l'homme malade

Et liez le cou de l'homme malade

Et liez son corps

Et liez ses membres... etc (7)

En Egyptien, le même mot signifie « noeud » et « vie » ; d'où la représentation du noeud devint l'idéogramme de la vie et les dieux le tiennent en maki pour indiquer qu'ils donnent la vie (8).

Les Egyptiens avaient quantité d'amulettes faites de noeuds ; elles dérivaient de l'idée que certaines formes de


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noeuds garantissaient contre les sorcelleries mauvaises, ou qu'elles enfermaient le mal (1). La même coutume se retrouve en Russie (2). Un usage semblable existe encore en Perse : prendre du poil de chameau,le tresser en récitant des vers du Coran, lier sept noeuds en soufflant sur chacun d'eux, lier autour du poignet du malade. Chaque jour, un des noeuds est délié et lorsque le 7e noeud est défait, l'ensemble du lien est roulé en boule et jeté dans la rivière, entraînant avec lui la maladie (3). Loin de là, à Ceylan, l'usage se retrouve presque identique. Voici comment le décrit un voyageur : le fil qui est jauni de safran est noué sept fois, une « mantra » différente est récitée sur chacun des noeuds et ceux-ci sont serrés davantage à chaque répétition. A la septième, ils sont complètement fermés, on fait le voeu au démon qui est dans le malade, de faire une nouvelle cérémonie en cas de guérison et alors le fil est rompu et jeté dans l'eau. (4). L'emploi des noeuds dans la médecine cingalaise est très étendu et très ancien.

Bien parent des procédés orientaux est le suivant, qui nous vient d'Angleterre (Shetland). Quand quelqu'un s'est fait une entorse, l'habitude veut qu'il s'adresse à une personne habile à appliquer le fil à entorse. Ce fil est filé de laine noire et comprend neuf noeuds ; il est lié autour de la jambe ou du bras foulé. Pendant que l'opérateur applique le fil autour du membre affecté, il dit d'une voix suffisamment basse pour n'être pas entendu de l'entourage, ni même du patient :

Dieu accourt Et le méchant s'enfuit Il descendit Et il rétablit Remit articulation contre articulation Os contre os Nerf contre nerf. Guérissez au nom du Saint Esprit (5).

(1) WIEDEMAN. Die Amulette der Alten Aegypter. Der Alte Orient 1910 p. 22.

(2) RALSTON. Songs of the Russlan people pp, 388-390.

(3) THOMPSON, op. cit. XXXIX.

(4) HILDBURGH. Sinhalese magie. J. A. I. p. 168.

(5) Chamber's fireside stories 1842 p. 37.


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En Bourgogne, la prière pour l'entorse est même plus explicite : « Trois anges sur la mer qui tordent et détordent — Notre-Seigneur qui retord — Le bon saint Damiens qui les met dans ses joints — Le bon saint Loup qui les met dans ses noeuds — C'est ce que je vous souhaite de tout mon coeur » (1).

L'Eglise catholique a condamné l'usage de mettre entre les mains des morts, ou de jeter dans leur fosse ou sur les tombes de petites cordes nouées de plusieurs noeuds et d'autres semblables, ce qui est expressément condamné par le Synode de Ferrare tenu en 1612 (2).

Une des coutumes qui indiquent le mieux, pensonsnous, le sens des noeuds est celle qui nous vient de Malaisie : le malade tient en main un fil de couleur qui le relie à l'objet où le mal doit entrer. Dès que le démon y est transféré, le féticheur desserre trois noeuds coulants, dit un charme pour engager l'esprit à partir et jette hors de la maison les trois noeuds non défaits (3).

En Polynésie et en Mélanésie, on inclut le mal dans des noeuds que l'on fait dans un fil et celui qui détruit le fil hérite de tous les maux qui y étaient renfermés (4).

C'est un croyance juive très ancienne que les démons n'ont aucun pouvoir sur tout ce qui est lié, scellé, mesuré ou compté et les noeuds surtout, servaient chez eux de moyens de défense (5).

Le Coran fait allusion aux noeuds magiques et un commentateur arabe explique le passage en disant que les noeuds se rapportent aux femmes qui pratiquent la magie en faisant des noeuds dans les cordes et puis soufflent et crachent dessus (6).

L'usage des noeuds pour guérir les maladies est répandu dans toute l'Océanie (Australie, Mélanésie et Malaisie). En Nouvelle-Bretagne, on fait des noeuds pour

(1) CLÉMENT jANiN.Revue des Traditions populaires, 2* année n° 5.

(2) PICART. Cérémonies et coutumes, t. X, p. 31.

(3) SKEAT. Malay magie p. 433.

(4) MAASS. Ta-ka-kâi-kâi Tahn. Zeitschrift fur Ethnologie 1903 p. 157.

(5) GRUNBAUM. Zeitsch. f. Keilschriftfar, t. II. p. 222.

(6) THOMPSON. Semitic Magic p. 168.


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guérir et pour prévenir des maladies. Pour guérir, on les met autour de la partie malade ; pour prévenir, on les met autour du cou (1).

M. Bonney raconte qu'en Australie, chez les Mombas, une femme guérit une autre femme malade de l'estomac en suçant le poison supposé à travers un cordon lié autour du corps de la malade et noué sur l'estomac. La guérisseuse crachait de la salive et du sang. Dans la même tribu, on guérissait aussi les maux de tête en liant autour du front un mince faisceau de rameaux chauffés (2).

Chez les Dinkas du Bahr-el-Ghazal, on guérit les maux de tête en serrant une corde autour du front et la bronchite en liant une corde autour du thorax (3).

Chez les Apaches de l'Amérique, la corde nouée est un des principaux instruments de la médecine (4) ; elle servait à la magie médicale des Aztèques (5) ; chez les nègres de la Côte d'Or, dès que l'enfant est né, le féticheur lui met des liens autour de la tête, du corps, des bras et des jambes pour le protéger contre les maladies et les accidents (6). En somme comme l'a très bien fait remarquer M. Bourke, l'usage des cordes nouées réside dans le pouvoir magique qu'on leur attribue et la puissance pour le bien ou le mal que récèlent les noeuds, qui en est le facteur essentiel. Cette croyance n'a pas été confinée dans un peuple ou dans une race,elle est exprimée dans la littérature du monde entier (7). Au Groenland, on noue une courroie autour de la tête du malade, pour le protéger contre les esprits (8). Les Indiens Tena de l'Alaska, lient une corde autour du poignet des enfants ; cette corde lie l'enfant à la vie (9).

(1) PARKINSON. Dreissig Jahre in der Sùden p. 119.

(2) BONNEY. On some customs etc. JAI. 1884 pp. 131 et 132.

(3) CUMMINS. Sub-tribes of the Bahr-el-Ghazal. Dinkas JAI. 1904 p. 156.

(4) BOURKE. The médecine men of the Apache pp. 550 et suiv.

(5) MENDICTA, Historia ecclesiastica Indiana p. 110. DIEGO DURO. Historia antigua de la Nuova Espana III et 5. HERRERA. Historia de los hechos, dec. 2 llv. 6.

(6) PINKERTON. Voyages, t. XVI. p. 588.

(7) BOURKE. op. cit. p. 567.

(8) CRANZ. Historié von Groenland, pp. 258 et 260.

(9) JETTE. On the superstitions of the Tena Indians (Yukon) Anthropos 1911, p. 257.


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La valeur magique de l'action de défaire les noeuds se retrouve dans la coutume presque universellement répandue, de dénouer tous les liens et les noeuds lors d'une naissance (Norvège, Laponie, Indes, Slaves du Sud, Saxons, Célèbes etc. (1) ou lors d'un mariage, (Ecosse). Les Jao de l'ancienne Afrique orientale allemande y attachaient un sens un peu différent : pour rester stérile, la femme portait une corde d'écorce autour du corps, dans laquelle le sorcier avait fait trois noeuds ; voulait-elle être féconde, elle défaisait les noeuds (2).

On comprend aisément qu'un noeud qui a détruit le mal a une force curative plus intense. Oribase disait que si on lie des fils, surtout ceux qui se font avec la pourpre marine, au cou d'une vipère et qu'on l'étrangle avec ces fils, puis qu'on a en attache un au cou de la personne malade, on soulagera notablement les amygdales et les incommodités de toute espèce qui attaquent le cou (3).

Le noeud dans les cordes fut remplacé par d'autres objets, soit par similitude de sens, soit par identité de nom. Ainsi en Wallonie contre les verrues, on signe avec un fétu de paille en touchant la verrue avec le noeud du fétu — parfois au préalable trempé dans l'eau bénite (Liège), on pique le fétu en terre et on urine dessus afin qu'il pourrisse plus rapidement (4). — Le procédé se simplifie parfois ; à Liège, notamment, on guérit l'orgelet en le frottant simplement avec le noeud d'une paille.

De Flandre (à Wieze, près de Termonde) nous connaissons une version un peu différente : Enlever deux pailles d'une toiture, les briser à un noeud. Dès que sonne le glas, frotter les verrues avec ces pailles en les comptant, faire un trou dans le sol, y placer les deux fétus en croix et dire en fermant le trou : « verrues, je vous enterre au nombre de.... dans la terre molle, comme un mort dans la fosse ». Avec la décomposition des pailles les verrues disparaissent (5).

(1) SAMTER. Geburt, Hochzeit und Tod. p. 122.

(2) WEULE. Ethnographische Forschungen p. 34.

(3) Euporistes IV. 72.

(4) R. DE WARSAGE. Le calendrier populaire wallon, 1920, n° 856.

(5) DE COCK. De Volksgeneeskunde in Vlaanderen, p. 259.


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Pline connaissait l'emploi des noeuds de graminées contre diverses maladies : pour les écrouelles et les tumeurs, on devait prendre les noeuds d'un, de deux ou de trois pieds de gramen, jusque neuf, les envelopper dans de la laine grasse noire et l'attacher au malade comme une amulette. D'autre part, l'espèce de gramen qui a sept noeuds est une amulette excellente pour les maux de tête (1).

Un vieil écrivain flamand recommandait contre les saignements de nez de prendre une petite branche d'une certaine plante, d'en faire un anneau au plus long doigt de la main du côté du saignement. Cela est prouvé, ajoute-il (2). Le noeud est dans bien des cas remplacé par la bague de mariage, l'alliance qui symbolise un lien moral et qui d'ailleurs par sa forme même, puisqu'il n'y a pas d'ouverture, représente un lien. D'après la magie, souvent des démons étaient enclos dans un anneau (3).

A Bruxelles, on guérit l'orgelet ou compère-loriot, en le touchant légèrement avec une alliance d'or chauffée par le frottement avec un tissu. A Liège et à Verviers, pendant trois jours de suite il faut dire trois fois, le matin à jeun : « Bonne nuit, orgelet, va-t-en, comme tu es venu » et trois fois le soir en se couchant : « Bonjour, orgelet, va-t-en, etc.. ». En disant ces formulettes, il faut faire sur l'orgelet humecté de salive un signe de croix, soit avec un anneau de mariage, soit avec l'ourlet de la chemise, tourné à l'envers(4). En Flandre, les brûlures se guérissent en faisant autour de la partie brûlée une circonférence de droite à gauche avec la bague d'une personne mariée (5) ; en Wallonie, on se signe avec l'anneau de mariage, au nom de saint Hubert, pour guérir l'érésipèle (6) ; à Bruxelles et les environs, ainsi qu'à Tirlemont, on délimite la dartre et l'herpès avec l'alliance d'or qui doit appartenir à autrui, et le mal disparaît en quelques jours.

(1) LXXIV, 118.

(2) DEVREESE. op. cit. n° 9.

(3) BODIN. De la démonomanie des sorciers, p. 77.

(4) Le Folklore wallon. E. MONSEUR. p. 27.

(5) HAROU. Mélanges, p. 28.

(6) R. DE WARSAQE. op. cit. n° 1503.


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La bague a bien d'autres applications, même quand on la porte en un endroit bien éloigné du siège du mal. A Bruxelles, par exemple, on porte au petit doigt de la main gauche une bague (genre alliance) de zinc pour guérir les hémorroïdes ; on y vend même dans certaines drogueries des bagues de fer magnétique ayant le même rôle(l). Au XVIIe siècle, en France, on portait dans le même but au doigt annulaire de la main gauche un anneau fait de la dent d'un cheval marin (2) et à Paris, on vend encore des bagues aimantées comme remède contre la migraine, les névralgies, les palpitations, la paralysie, l'apoplexie, etc. (3). Au Maroc, on vend des bagues d'argent que l'on porte soit au doigt, soit à la chaîne de montre (4).

A Bruxelles, comme dans tout le pays d'ailleurs, des hommes portent des anneaux d'argent aux oreilles pour guérir les maux d'yeux. En Wallonie, certains vieillards y faisaient passer un clou de fer forgé que l'on rivait derrière le lobe de l'oreille (5). A Liège, pour guérir les maux de tête, on met un anneau d'argent dans un flacon rempli d'eau froide et on presse le flacon sur le front.

Aux Indes, l'oreillon est traité par des colliers en or, et l'hydrocèle par un anneau en fer passé au gros orteil du côté correspondant (6). En Berkshire (Angleterre) un anneau d'argent est une cure contre les convulsions ; en Devonshire, on fait l'anneau avec les clous d'un cercueil (7). En Angleterre, l'anneau d'argent guérit l'épilepsie et anciennement les rois de ce pays bénissaient des anneaux qui étaient envoyés dans toute l'Europe (8). En Hollande, une bague de cuivre ou d'acier, au premier doigt de la main droite guérit, les rhumatismes (9).

(1) A ceci semble s'ajouter l'idée de la métallo-thérapie (déjà appliquée dans les anneaux d'électrons de Paracelce) lancée à la suite des expériences de Mesmer par le Dr Perkins (1740-1799) de Norwich, Connectlcut (U. S. A.) et qui eut un grand succès en France entre 1860 et 1880. Nous en trouvons une autre application dans les colliers électriques pour dentition formés d'anneaux de cuivre et de zinc.

(2) La médecine des pauvres, 1782, p. 193.

(3) DEWAILLY. Erreurs et préjugés populaires, p. 1514.

(4) Dr MAURAN. Bruxelles-Médical. 13 septembre 1923.

(5) R. DE WARSAGE. Op. cit.

(6) Dr PARAMONANDA MARIADASSOUS. Moeurs médicales de l'Inde, p. 100.

(7) BRAND. Popular Antiquities III, p. 231.

(8) LEBRUN. Hist. des prat. superst, t. II, p. 128.

(9) H. W. HEUVEL. Volksgeloof en Volksleven, p. 171.


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Un auteur anglais du XVIIe siècle conseille de faire les anneaux au moyen d'un fer provenant du pied droit antérieur d'un âne (1) et dans un traité de Guillaume de Paris de 1469 il est conseillé, pour se prémunir contre les maladies, de porter un anneau fait de trois clous d'un fer à cheval trouvés accidentellement (2). Dans le folklore juif, Salomon avait un anneau d'une puissance prodigieuse et beaucoup d'autres anneaux héritèrent, en tout ou en partie, de sa puissance magique.

N'oublions pas que les anneaux ont eu longtemps beaucoup d'importance dans les cérémonies religieuses notamment pour les prestations de serment, et que, dans la sorcellerie, les anneaux enfermaient les démons.

A la bague on peut assimiler le cercle de fer, qu'en Brabant et en Wallonie, on place autour de la tête pour faire disparaître les névralgies (3) et les couronnes de fer contre les maux de tête. Les flamands vont à Hoves, près d'Enghien (Hainaut) pour implorer saint Maurice contre les maux de tête. Le malade se met un anneau de fer sur la tête ; il y a trois sortes de ces anneaux : l'anneau ordinaire et uni pour le mal de tête ordinaire, celui tourné en spirale contre les vertiges, enfin l'anneau pourvu d'épines lorsqu'on souffre des maux de tête volants ou donnant des lancements. Ainsi couronné le patient fait trois fois le tour de l'église (4).

A l'église de N. D. aux Pierres (O. L. V. ten Steen) à Grimde près de Tirlemont, on se débarrasse de la migraine et autres maux en s'y rendant, si possible, 9 jours de suite et en se mettant une couronne de fer sur la tête (5). La même chose se pratique à Racour, près de Landen, et à Oneux près de Theux.

A Glabais (Brabant>, on se met sur la tête le « casque de saint Jean ». Anciennement à Kessel, près de Lierre, la couronne était dorée. M. van Heurck, qui a particulièrement étudié cette question, a retrouvé l'usage en Lorraine et en Autriche (6).

(1) BURTON. Anatomy 1621, p. 476.

(2) HERTEL. Z. V. V. 1901, p. 277.

(3) POSKIN. Préjugés populaires, p. 58.

(4) CELIS. Volkskundige kalender p. 272.

(5) G. CORNELIS. Bedevaarten van O. L. V. ten Steen, Folklore Brabançon (Hakendover), p. 16.

(6) La Thérapeutique des couronnes en fer forgé, pp. 1 et 5.


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Il est assez piquant de retrouver le parallèle de cette coutume en Arabie. Dans le pays de Moab, pour éloigner la maladie et écarter la douleur, on met sur la tête du patient un cercle de cuivre. Si la douleur se fait sentir aux bras ou ou aux jambes, on a recours aux mêmes pratiques (1). A noter qu'Alexandre de Tralles recommandait contre les coliques l'emploi d'un anneau de fer, transformé en octogone sur lequel on écrit divers signes (2). Les australiens, euxaussi, pour se guérir des maux de tête se mettent sur la tête les anneaux que leurs femmes portent comme ornement (3). Au lieu du noeud, le cordon lui-même sert quelquefois de moyen thérapeutique. A Louvain, lorsque les femmes sentent la boule hystérique, on brûle le cordon qui attache le tablier de toile bleue et on leur en fait respirer la fumée. La même pratique existe à Bruxelles et à Molenbeek-St-Jean comme remède contre l'épilepsie ; à Stockel, contre les convulsions, on brûle le bout de cordon qui dépasse le dernier noeud ; à Etterbeek, on brûle le cordon contre tout évanouissement et en Bohême contre la congestion. Ailleurs, à Stockel et à Woluwe, p. ex., au lieu de prendre un morceau du cordon on prend une pièce quelconque du tablier, ou même simplement un morceau de toile bleue (l'enfant nouveau né est roulé dans un vieux tablier bleu pour écarter les convulsions). A Boitsfort, pour les convulsions, on met les cendres du cordon dans le nez de l'enfant ; à Meerbeek, on met de la cendre de toile bleue sur les plaies ; à Anvers, on met de la toile bleue sur les engelures. A noter à ce sujet que ce sont les couleurs bleue et rouge qui s'emploient de préférence pour les noeuds, les cordons et les perles et que ces couleurs ont une valeur magique (4), c'est pourquoi bien souvent les amulettes sont rouges ou bleues (Liège) (5) et que les objets qui servent à la pratique de la magie sont enduits de couleur rouge. Certains peuples sont restés conscients du sens de ces couleurs : dans la Bible, Yaveh ordonne aux Juifs le port d'un cordon

(1) R. P. A. JANSSEN. Coutumes des Arabes au pays de Moab, p. 382.

(2) L. VIII.

(3) Spencer and Gillen. Northern Tribes p. 474.

(4) ZACHARIAE. Zum altindischen Hochzeitsritual pp. 211-231. Sessions Folklore 9. 9. Edwards. Journ. of americ. Folklore XII, 401.

(5) POLLAIN, Bulletin de Folklore t. II, pp. 6 et 143.


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bleu (1). Pour les anciens Juifs, le lien rouge protégeait contre les maléfices (2) et certains écrivains chrétiens disaient que le rouge était une protection 3). Les Esthoniens protègent leurs enfants contre la sorcellerie par une cravate rouge (4). D'après les chants populaires danois les chevaliers pour être forts, liaient autour de leurs casques des fils de soie rouge(5). Contre l'épilepsie, J. Wecker conseille l'herbe appelée grenouillette qui doit être liée avec un fil rouge sur le chinon du col du lunatique (6). En Irlande, on liait un ruban rouge autour du cou des enfants pour les protéger contre la peste (7). En beaucoup de régions, on protège les nouveaux mariés contre les sorts, par des fils rouges ou bleus. Nous retrouvons le fil rouge dans certaines coutumes locales ; pour ne parler que du Brabant, nous rappelleronsceux de N. D. de Laeken, des églises d'Haekendover et d'Alsemberg. A Hoogstraeten (Anvers), le malade mange un bout de sole rouge.

(1) NOMBRES. XV. 38.

(2) TALMUD. Toseftar Sabbat, VII, 1.

(3) EPIPHANIUS. Adv. Haeres. I. I. 18. Migne XLI. 260.

(4) BORDER. Kreutzwald. Der Eston. abergl. Gebrauche p. 60.

(5) GRIMM. Deutsche Rechtsalterthumer p. 183.

(6) Les Secrets de la nature, p. 147.

(7) STAUFFER. The Queer, p. 339.


Dessin de A. OLEFFE.

RUPTURE DE LA LIAISON.

Le mal est censé lié au fil, à la corde par les noeuds que l'on y a faits. Il faut très souvent que le détachement se complète par une séparation ayant une valeur symbolique ; regarder est encore une liaison avec l'objet, c'est pourquoi il faut, comme à Bruxelles, jeter derrière soi, sans se retourner, le cordon dans lequel on a fait des noeuds, ou comme en Wallonie ne pas regarder où il tombe, ou encore, comme en Flandre, s'enfuir à toutes jambes. Dans tout le pays, on se sert dans le même but, au lieu de noeuds, de pois chiches et on les lance au hasard, par dessus son épaule ; ceci semble emprunté au traité dit le « Petit Albert ». Parfois, on enterre les pois ou on les jette dans une fosse (1). Souvent aussi, dans le Brabant comme ailleurs, on les touche avec un morceau de lard (qui souvent doit avoir été mendié) qu'on détruit de la même manière. Dans les Vosges on jette les pois chiches au feu et on se sauve à toutes jambes pour ne pas les entendre pétiller ou bien on jette par dessus son épaule le ruban dans lequel on a fait des noeuds, sans s'inquiéter où le vent l'emportera (2). Voici un procédé intéres(1)

intéres(1) Volk en Taal IV, p. 30.

(2) SAUVÉ. Mélusine III, pp. 282-283.


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sant pour guérir la fièvre (et qui est un des rares cas, en notre pays, où l'on transmet la maladie à un arbre, coutume si répandue en Allemagne) : on lie le malade à un arbre qui ne peut pas être trop fort, avec des liens de paille. On part. Alors arrive de manière inattendue une autre personne qui tâche d'effrayer celui qui est lié et lui dit : « Enfuyez-vous rapidement et ne vous retournez pas ». (Hauwaert, près de Louvain).

A Denderwindeke, frontière du Brabant, les malades de la fièvre attachent leur jarretière à un arbre sacré et puis s'enfuient en toute hâte dans le bois voisin (1).

Dans les environs de Diest, celui qui a des fièvres fait quelques pèlerinages à une petite chapelle et au dernier pèlerinage noue une ficelle à la grille et s'enfuit. La coutume existe d'ailleurs en maints autres endroits du pays.

M.- Harou dit que pour guérir une dent malade, on a touche avec un caillou, que l'on jette ensuite en courant pour ne pas l'entendre tomber (2).

Le procédé n'existe pas seulement en nos contrées, puisque chez les Zoulous la femme qui a enterré l'objet porteur de son malaise, ne peut regarder en arrière jusqu'à ce qu'elle soit rentrée chez elle (3). Chez les Bondéi de Zanzibar, en cas de maladie, on tue un poulet qui a été attaché pendant sept jours au lit du malade, on le bout et le mange puis on rentre chez soi sans regarder en arrière (4). Le Papou enterre le fil et allume un feu en cet endroit (5) ; les Américains du Nord enterrent l'objet dans lequel on a fait passer l'esprit malfaisant, ou bien le jettent au feu ou le percent de flèches (6).

En Bavière, on frotte les abcès avec une pièce de monnaie de cuivre, que l'on jette sans se retourner et sans mot dire, avant le lever du soleil (7).

(1) DE COCK. Volksgeneeskunde in Vlaanderen, p. 24.

(2) Mélanges p. 30.

(3) CALAWAY. Religion of Amazulu, p. 314.

(4) DALE. An account of the ppai customs, etc. J.A.I. 1896 p. 219.

(5) SCHEILLONG. Zeitschr. fur Ethnol. XXI, p. 19.

(6) SCHOOLCRAFT. Indian tribes I, 250, II, p. 179, III, p. 498.

(7) HOVORKA UND KRONFELD. Vergl. Volksmedizin II, p. 875,


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Un autre moyen de se détacher de l'objet porteur du mal, c'est de le détruire en l'enterrant. Les Boschimans enterrent le morceau de charbon ou le coquillage auxquels ils ont transmis le mal (1). Les Irlandais frottent leurs verrues avec du papier et enterrent celui-ci ; quand le papier a disparu, les verrues sont guéries (2). Les Grecs enterraient ou jetaient dans la mer ou portaient dans les montagnes éloignées, les objets chargés des maladies (3). Dans la province de Liège et aussi dans le Brabant, on enterre le lard avec lequel on a touché les verrues ; à Stockel et à Jette-StPierre ce lard doit avoir été volé ; à Leuze, on jette dans le lieu d'aisance les feuilles qui ont été en contact avec elles ; à Lennick-St-Quentin, on enterre les oignons avec lequels on a frotté les verrues.

Le procédé est très ancien puisque Marcellus de Bordeaux préconisait contre les maux de dents la racine de verveine dont on s'attache la moitié autour du cou et dont l'autre moitié est abandonnée aux esprits magiques de la terre, qui par opération destructive à distance, agissaient sur le mal (4). Le sens sympathique de l'action est ici nettement exprimé.

Les Albanais indiquent cette rupture entre le mal et le patient, dans cette incantation assez naïve : Mal, mal, quittez cet homme et allez au sommet de la montagne, où il n'y a ni homme, ni bête et restez-y (5).

(1) STOLL. Suggestion und Hypnotismus 1904, p. 286.

(2) M. CLINTOCK. Folk Lore 1912, p. 474.

(3) EDW. ROHDE. Psyché Hr p. 76 (note).

(4) EMP. ch. XV. 82.

(5) DARHAM, Some balkan Remédies. Man. 1923, p. 131.


Dessin de J. BRUSSELMANS.

CONCEPTION MATÉRIELLE DE LA MALADIE.

La compréhension populaire des choses diffère profondément de la conception scientifique. La première s'arrête au concret, la seconde opère dans l'abstrait. La première, pour expliquer les multiples phénomènes de l'expérience journalière étend les concepts des choses et des êtres, bien au-delà de l'expérience précise et, pour cela, elle se sert parfois des analogies les plus lointaines.

Le maladie pour elle n'est pas un « état » d'un organe ou du corps tout entier, c'est quelque chose de surajouté, quelque chose de plus ou moins défini qui s'est introduit et que, partant, on peut enlever.

Cet « objet » a pris les formes les plus variées. Ainsi c'est une idée, très répandue encore, que le cancer est un animal féroce que l'on doit nourrir avec de la viande pour qu'il ne continue pas à ronger les chairs du malade. Il paraîtrait que dans un hôpital privé d'un des grands faubourgs de Bruxelles, il n'y a pas bien longtemps encore, on traitait le cancer par l'application sur le mal d'une tranche de veau. D'ailleurs maints guérisseurs de Bruxelles disent que les plaies, abcès etc. doivent être nourris et que c'est pour ce motif que leurs emplâtres et onguents sont à base de matières nutritives (oeufs, viande etc.).

A Bruxelles on boit une goutte de genièvre pour tuer le ver ; or le ver est comme l'essence de la maladie ; on la conçoit plus ou moins expressément sous la forme de vers et le mot et l'esprit se sont conservés dans « Haarworm » (ver de cheveu) qui, à Bruxelles désigne la teigne et que l'on croit être un ver qui se déplace et ronge la racine des cheveux. A Bruxelles comme en mainte autre localité flamande,


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on parle aussi de « l'oorworm » (ver de l'oreille) ; du « tandworm » (ver des dents), du « ringworm » ou « katharinawiel » (herpès) et du « dauwworm » (la dartre). Les Allemands comme les Wendes, connaissent le « fingerworm » (ver du doigt, panaris) ; et « l'ohrworm » (ver de l'oreille, parotide); le « fleischworm », le «herzworm», le « beinworm », le « markworm » etc. Les Tchèques connaissent trois sortes de vers : ceux du coeur, du sang et de la nourriture. On dit à Bruxelles qu'un enfant est mort « d'un mauvais ver ».

En France, en Wallonie et en Brabant flamand, on récite une invocation à sainte Apolinne contre les maux de dents, qui se termine par cette phrase : « ....si c'est une goutte de sang, elle tombera ou se desséchera, si c'est un ver, il mourra (1). M.Vincx en a recueilli une autre à Bonheyde, près de Malines, contre les maux de gorge : « C'est le ver qu'il a dans la gorge, ne tirez ni trop haut ni trop bas, comme Marie le fit avec sa virginité (2). « De Medecijn Winkel » édité au XVIIe siècle à Amsterdam, mentionnait les maux de dents dus à des vers et Waldschmidt, vers la même époque, indiquait leur origine et disait que si le mal est intermittent, c'est qu'il est bien dû à des vers (3). En Chine, la croyance aux vers des dents est tellement forte que les charlatans les extrayent et les montrent au public (4).

C'est une idée généralement répandue que les maladies sont dues à des vers. Elle existait en Egypte dès les plus anciennes époques (5). Dans l'Atharva Veda, le mal est fréquemment conçu comme un ver qui a pénétré dans le corps (6) et cela s'appliquait non seulement aux intestins, mais encore à la tête, aux yeux, aux dents et au nez. Leur nombre augmenta progressivement ; d'après Madhavanidava (VIIIe siècle) il y avait vingt vers extérieurs et intérieurs (7).

(1) R. DURINQSFELD ET HOCK cités par De Cock : Volksgeneeskunde in Vlaanderen, p. 168.

(2) Volksgebeden. Ons Volksleven, 1896, p. 80.

(3) Praxis mecicinae 1691, p. 29.

(4) FEST. Die Arzte China's. Mitheilungen der deutsche Gesellschaft, VIII-1, p. 102.

(5) VAN OEFELE, Vorhippokratische medizin, p. 64.

(6) II 31-5, II 32-1-6, V 23-1-13.

(7)JULIUS JOLLY. Grundriss der Indo-arischen Philologie. Medizin, p, 81.


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Il existe une vieille formule anglo-saxonne du Xe siècle, dans laquelle on conjure le ver et ses petits de passer de la moelle à l'os, de l'os à la chair, de la chair à la peau, de la peau à une flèche. Une formule néerlandaise médiévale, parle de neuf vers : rouges, blancs, noirs (1). Dans un livre français du XVIIIe siècle, on attribue quantité de maladies aux vers. Outre les vers intestinaux, il y a les exentéraux : les encéphales qui naissent dans la tête, les rhinaires dans le nez, lès auriculaires dans l'oreille, les dentaires dans les dents, les cardiaires dans le coeur où ils provoquent les palpitations, etc. Ceux de la tête causent des fureurs et on les combat avec du vin de Malvoisie dans lequel on a fait bouillir des raiforts ; les fumées sont également excellentes contre les vers, notamment celle de la semence de jusquiame et maintes autres (2). Grimm cite une injonction contre les vers, prononcée au nom du Christ « ...qu'ils soient noirs, jaunes ou rouges » (3). On les supposait introduits dans l'organisme par des elfes, ou plus exactement, on assimilait ces vers aux elfes eux-mêmes, c'est-à-dire, dans la conception qu'on s'en faisait au Moyenâge, aux enfants conçus par les sorcières à la suite de leur commerce avec le démon. Cette idée se rencontre pour la première fois au XIe siècle dans l'oeuvre de Psellus (de operatione daemonis) qui eut une grande influence sur les théories ultérieures. Au moyen de ces vers ou elfes, les sorcières donnaient les maladies : elles les déposaient dans une maison ou bien les enterraient et celui qui entrait dans cette maison ou passait au-dessus du lieu où ils étaient enterrés, devenait malade (4). On trouve exprimée dans la Bible l'idée que les anges avaient enfanté avec les filles des hommes ; rien d'étonnant à ce que la magie noire en ait dérivé que les démons eux aussi procréaient avec les femmes. Rappelons à ce sujet que dans l'ancienne littérature arabe on parle

(1) HEINE. Kleine altniederdeutsche Denkmâler p. 88. Vanden Bergh Woordenboek p. 342. Cités par J. Gessler. Uit en om een Limburgsch Recepten en Incantatieboek p. 5.

(2) La médecine des pauvres. Rouen 1782, p, 162 et 153. Paris 1766 p. 151.

(3) MYTH. CXXXVIl n° 15, CXL n° 28 et 29.

(4) CARPZOV. Malleus maleficarum. Pars I, qu. XLIX, 39.


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de mariages entre hommes et djinns (démons) femelles (1), idée qui remonte aux Chaldéens (2).

Les Polonais, dit encore Grimm, nomment « biale ludzie » (gens blancs, c'est-à-dire les elfes) les vers qui occasionnent des maladies dans les hommes ; en Allemagne, une enflure brûlante à l'ongle du doigt s'appelle le ver, le ver mouvant, celui qu'on ne nomme pas (car on a peur de prononcer le nom de l'être), la chose mauvaise ; en anglais ringworm, en écossais : ringwood (3). Il est des vers qui occasionnent les maux d'estomac et de coeur (4) ; en Bohême les maux d'yeux (5). L'idée que le mal de dents est dû à un ver existait en Babylonie et se retrouve en Kabylie, en Chine, à Ceylan, en France, en Angleterre, en Allemagne, au Jutland et dans mainte localité du Brabant, tant flamand que wallon. Un remède allemand du XIVe ou XVe siècle est particulièrement curieux : Lorsque les vers creusent les dents et les gencives, vous prendrez de l'huile de jusquiame et vous la mêlerez à de la cire. De la cire vous ferez un cierge et vous prendrez un plat dans lequel il y a de l'eau a> vous y placerez le cierge et vous l'allumerez et mettrez les dents dessus, et chose étonnante vous verrez les vers tomber dans l'eau (6). Les nids de vers dans la tête amenèrent le moyen-âge à pratiquer la trépanation; MM. Neuburgcr et Pagel croient que cette sorte de vers était déjà connue aux époques préhistoriques et ils attribuent à cette conception, l'origine de la trépanation qui était pratiquée en Allemagne, en Belgique, en Bohême et au Danemark (7).

Dodoens croit que les maux d'oreille et les panaris sont produits par des vers (8).

(1) VON KREMER, Culturgeschichte des Orients unter den Chalifen II, p. 259.

(2) WEBER. Die Litteratur der Babylonier und Assyrer. p. 148.

(3) GRIMM. op. cit( p. 568.

(4) W. BRUNNER SCHAFFER Zur oberphalz Volksmedizin, p. 27.

(5) GROMANN. Abergl. a. Bôhmen, I p. 185.

(6) HERMANN VON FALLERSLEBEN. Fundgruben fur Geschichte deutscher Spr. und Lltt., I, 321.

(7) Handbuch der Geschichte des Medizin, I, p. 469.

(8) Cruydtboeck pp. 133 et 1077.


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Un docteur brabançon?du XVIe siècle, Pierre Forest, dit Forestus, qui étudia à Louvain, parle d'une frénésie produite par les vers et qui régna épidémiquement en France vers 1545. Il rencontra aussi, prétend-il, une mutilation occasionnée par des vers (1).

Les vers s'introduisaient aussi bien dans le corps des animaux que des hommes : un traité allemand du XVIe nous parle de vers, gros comme des noisettes, que l'on trouve dans le corps des chevaux.

En Palestine et probablement dans toute l'Asie antérieure, la croyance populaire attribuait à des vers toutes les maladies de la partie inférieure du corps (2). D'après les Mundurucus du Brésil, la plupart des maladies sont dues à des vers que le féticheur enlève (3 ). Anciennement les Danoiscroyaient que des vers semblables à des larves de mouches se mettaient dans les plaies et les envenimaient. L'idée existe d'ailleurs en notre pays à tel point qu'un paysan guérisseur de Merxem (près d'Anvers) lorsqu'il a à traiter des plaies des jambes, donne un cigare au patient et lui fait souffler la fumée dans la plaie. Quand le cigare est fumé à moitié, les vers, dit-on, sortent de la plaie et alors celle-ci, même si elle était extrêmement rebelle, est guérie en peu de jours. En maint endroit du Brabant les gens prétendent avoir vu des vers dans les maladies les plus diverses.

Les Soudanais avec un fer chaud font des trous dans le corps pour faire une porte au ver (4) ; les Sioux, les Mexicains et en général tous les Indiens d'Amérique, considéraient également la maladie comme un ver (5). Les Ainos du Japon disent d'un enfant malade, qu'il est attaqué par les vers (6) et au Schleswig-Holstein on croit que chaque homme a en lui une « maison » des vers (7). Selon les

(1) FORESTUS. Observ. 1 VI, 7 et 8.

(2) EWALD. Gesch. des Volkes Israël, t. VII p. 254.

(3) GLOBUS. 1871, p. 201.

(4) HOFSCHLAEGER. Archiv fur Geschichte des Medizin. t. III, pp. 87 et 91. Un Bruxellois grattait se jusqu'au sang pour faire partir le rhumatisme avec le sang.

(5) Encyclopoedia for religion, art. Disease BÂTES. The naturalist on the Amazon p. 244. Fletcher et la Flèche. Omaha tribe p. 583. BOAS. The Kwakiutl Indians p. 394.

(6) BATCHEZOR. The Aïnu and their Folklore p. 314.

(7) CARSTEN. Z.V.V. 1913 p. 283.


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Malais, nous avons en nous toute une série de vers qui occasionnent les maladies, notamment lorsqu'ils tentent de sortir du corps pour échapper aux choses mauvaises que l'on a mangées (1).

D'autres animaux sont entrés dans la même conception : l'insecte, chez les Klamaths de Californie et chez les Wariga du Congo (maux de dents) ; la tortue, chez les Dakotas ; le serpent, la grenouille, le lézard, chez les Karoks (2); le serpent, en Chine. En Allemagne, on dit que quelqu'un a des mites dans la tête, lorsqu'il est original ou joyeux, ou des chenilles, s'il a des fantaisies extraordinaires ; à Bruxelles, on dit qu'il a une araignée ou un « prinkheer » (hanneton) dans le plafond.

Dans une légende péruvienne, la nature de la rougeole est figurée sous l'aspect d'insectes ou de papillons (3).

A noter que Varron attribuait déjà la malaria à des animalcules invisibles (4) et que, plus tard, la médecine hermétique admit l'existence de venins très subtils qui pénètrent dans les pores (5) ; mais le plus curieux de tous fut sans doute le livre de ce « médecin anglais sur la cause de toutes les espèces de maladies avec les surprenantes configurations des différentes espèces de petits insectes qu'on voit par le moyen d'un bon microscope dans le sang et les urines des différents malades et même de ceux qui doivent le devenir ». L'auteur donne de chacun de ces insectes un dessin, naturellement fantaisiste, sauf celui du sarcopte de la gale qui est exact (6). Ces spéculations précédèrent ainsi la théorie microbienne ; n'oublions pas non plus qu'au moyen-âge les démons des maladies avaient des formes très diverses et étaient souvent complètement invisibles (7). Le peuple se fait de beaucoup de maladies une idée qui se rapproche de celle-là. Certaines d'entre elles sont dues à la piqûre d'insectes et d'autres à l'irritation que produisent des

(1) KREMER. B.T.L.V. t. LX, p. 446.

(2) STEPHEN POWERS. Tribes of California, p. 26.

(3) J. DE SVNTACRUZ-PACHACUTI. Relacion p, 307.

(4) de re rustica 1, I, 12, 2

(5) J. J. SCHMID, Médecine hermétique 1714 p. 52.

(6) Paris 1720. Bruxelles 1726. Annales de la société médico-chirurgicale d'Anvers 1899, pp. 186 et suiv.

(7) WUNDT. Vôlkerpsychologie IV, p. 479.


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animaux de diverses espèces. A Bruxelles, en Flandre et en Wallonie, on conçoit cette irritation comme quelque chose de matériel qu'émet l'animal et qui pénètre dans le corps humain ; c'est le « venijn » ou « fernijn » dérivé du mot français : venin ; en certains patois du pays flamand, le mot ' « fernijn » signifie également la vermine, surtout en ce qui concerne les chenilles et leurs cocons. Mais le « fernijn » désigne aussi les animalcules invisibles qui dévorent ou abiment les plantes et qu'en Allemagne on considère parfois comme des démons (1). Rappelons à ce propos ce que dit un folkloriste hollandais : « Les gens des époques reculées attribuaient les maladies à de méchants esprits ou démons, qui, sous forme de chenilles, papillons ou mites, mais surtout sous forme de vers, pénétraient dans le coips humain » (2 . Dans un procès qui s'est déroulé devant la cour de Leipzig en 1608, il fut question d'un démon qui avait donné à une femme dix chenilles qu'elle employa à la sorcellerie et à causer des maladies (3). Dans un procès de sorcellerie en 1640, à Thielle (canton de Neufchâtel), on accusa une sorcière d'avoir reçu de son maître, des esprits malins sous forme de petits musellions (moucherons) (4). Le paysan-guérisseur de Merxem dont nous avons parlé plus haut, lorsqu'il a à soigner une femme hystérique, creuse un trou de deux mètres dans le sol, y fait descendre la femme qui n'a sur elle qu'une couverture de laine, et l'oblige à y rester pendant une demi-heure. Ensuite, il enlève la couverture qui est couverte de poux et la femme est guérie. Cette conception n'est d'ailleurs pas inconnue à la population bruxelloise : il arrive, à la suite d'une longue maladie, que le corps, quelques heures après la mort, est couvert de poux. Ces poux, dit-on, c'est la maladie qui quitte le cadavre et ils proviennent de la rupture du « luizendarm » (boyau aux poux). On ne dit pas où ce dernier est placé. Tout cela répond à la conception du venin dans le corps humain ; ce sont donc des animaux très petits et de nature assez diverse.

(1) MANHARDT. Korndamonen p. 4.

(2) H. W. HEUVEL. Volksgeloof en Volksleven, p. 164.

(3) C. MULLER. Hexenaberglaube, p. 154.

(4) LARDY. Documents pour servir à l'histoire de la sorcellerie. R. H. R. 1. p. 135.


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En général l'idée est peu précise ; le mot « fernijn » est un de ces mots qui expliquent tout et qui s'appliquent à tout. Ainsi, par exemple, à Bruxelles, les hannetons deviennent du venin lorsqu'ils ont été mouillés ; en Flandre, lorsqu'ils s'accouplent. En Ardenne, on appelle « venin » ce qui pue et surtout ce qui a une odeur cadavérique, alors que le mot « venin » n'est pas utilisé pour les couleuvres ou les vipères ; elles « tapent du poison » dit-on, alors que le crapaud «chue » (sue) du « venin ». A Bruxelles encore, les excréments et les oeufs des hannetons et des petits insectes sont du venin ou « fernijn ».

Cette conception assez indéfinie du venin a une grande importance pour l'interprétation populaire de la pathologie. Lorsqu'une plaie suppure, c'est qu'il y a du venin et c'est ce venin qu'il faut enlever. C'est ainsi que J. Wecker dit que le démon peut infecter par divers venins à nous inconnus les poumons et autres parties du corps (1) et que le célèbre monsieur Alexis Piemontois, qui en 1658 dévoilait ses secrets, plumait le derrière d'une poule et l'appliquait sur les anthrax pour en retirer le « fenijn » en tout ou en partie (2). Van Helmont également affirmait que l'athsme provient de ce que le poumon est empoisonné par un venin (3). Wirtsung essaya une classification des venins : végétaux, minéraux, animaux, chauds et froids, qui réagissaient les uns sur les autres dans l'organisme (4).

Le folklore danois est un peu plus précis que le nôtre. En danois, le venin ou « fernijn » s'appelle « Edder » ; c'est ce qui existe sur les champs, sur les herbes et les plantes, qui dérive d'animaux venimeux, devers, etc.. et qu'il est dangereux d'avoir sur les doigts ou dans une plaie, car alors se forme une maladie dangereuse (5) et c'est à quoi se rapporte cette question d'un ancien écrivain français : « Se peut-il engendrer un venin dans notre corps ? » (6).

(1) WECKER. Les secrets de la nature 1699, p. 44.

(2) Uit vuldehande secreten van den vermaenden heer Alexis Piemontois, Amsterdam 1658.

(3) Asthma et tassis, 29 p. 292.

(4) WIRTSUNG. Medecyn Boec, 1601, p. 599.

, (5) HOVORKA UND KRONFELD. op. cit. II, p. 416.

(6) LAURENT JOUBERT. Propos vulgaires. Paris 1587, p. 133.


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Mais les maladies peuvent être rendues concrètes sous bien d'autres formes : charbon ou coquillages chez les Boschimans, racines ou pierres chez les Dinkas d'Afrique, morceau d'os ou de bois, griffes ou poils de porc-épic en Amérique, des morceaux de quartz ou de charbon en Australie et aux îles de la Loyauté, des os aux îles Banks, des épines ou des éclats de bois chez les Esquimaux, des morceaux de bois ou de pierre aux Antilles (1). Pour les Hupas de l'Amérique du Nord, la douleur est une substance (2). En Babylonie, en Egypte et aux Indes la maladie était un corps que l'on expulsait (3) et dans la médecine occulte, chez Paracelse par exemple, les maladies sont des substances (4). Également pour le célèbre médecin bruxellois Van Helmont, la maladie était un être réellement subsistant dans un principe invisible. Il blâmait les Anciens de considérer la maladie comme une simple qualité et non comme étant matérielle (5).

Une idée dont on retrouve l'écho dans nos provinces c'est que la maladie est un coup de flèche ou de pique. Dans le 1er chant de l'Iliade, les Grecs meurent d'une maladie épidémique. Homère dit qu'ils sont percés de flèches par Apollon. Artémis de son côté envoya des flèches qui sont la cause de la maladie et de la mort chez les femmes (6). Il n'est pas impossible que l'idée ci-après, cueillie dans un des ouvrages hippocratiques, soit un dérivé de la même conception : l'air s'enfonce comme une flèche et pénètre dans la chair, se jetant tantôt aux hypocondres, tantôt aux flancs» (7). Théocrite dit que les douleurs de l'enfantement sont des traits des Eileithyiai (8).

(1) cf. SPENCER. Sociologie I, p. 329. — TYLOR, civ. prim. II, p. 190. — ROCHEFORT, Les Antilles, p. 419. — SAINT JOHN, Far East, I, p. . — STOLL, Suggestion und Hypnotismuss, p. 286. — SPENCER AND GILLEN, The nature tribes. — SELIGMANN, The Melanesians, p. 28 etc.

(2) GODDARD. The Hupa, p. 63.

(3) OLDENBERG. La religion du Veda, p. 409. — VAN OEFELE, op. cit. p. 71.

(4) Dr EYMIN. Médecins et philosophes p. 144.

(5) DAREMBERG. Hist. de la médecine, I, pp. 501 et 504.

(6) Iliade I, 43-64 ; Odyssée XI, 170-173-198-203 ; XV, 403-411 ; XVII, 251 et 494 ; XVIII, 292 ; XX, 61-63.

(7) Des Vents. 9.

(8) XXVII, 29


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Aux Indes, on disait que ceux qui souffraient de maladies lancinantes étaient frappés de la pique de Rudra et ils portaient des amulettes en forme de lance de métal (1).

En Amérique du Sud, beaucoup de tribus indiennes croyaient que les maladies étaient des flèches invisibles qui avaient été lancées dans le corps (2). Les Zuni de l'Amérique du Nord croient que les maladies ont été tirées (shot) en eux (3). Les Malais de Padang croient que des démons lancent de petites flèches magiques et par là rendent malades ceux qu'elles touchent (4). Les Dayaks de Bornéo attribuent beaucoup de maladies à des coups de lance invisibles donnés par des esprits invisibles (5). Anciennement, les Lapons, qui passaient pour de grands sorciers, lançaient, dit-on, des dards de plomb qui occasionnaient des maladies et des douleurs violentes (6). Les Koryaks du N. E. de l'Asie disent que les démons envoient d'invisibles flèches qui se piquent dans le corps et provoquent la mort (7). Dans le livre de Job, (16, 13) la maladie est dite la flèche de Dieu. Notre poète brabançon Van Maerlant emploie le terme «coups de Dieu». Jean Lemaire des Belges, au XVIe siècle, racontant la mort du duc Philibert, à la suite d'une pleurésie, dit que la Parque envoya « dans lestomach du ieune prince, tellement que le fer mortifère pénétra les vives entrailles, se mussa dedans son sang iusques aux empenons (plumes). Et rendit tant par sa subtilité que par sa soudaineté, la playe non apparente et sans cicatrices quelconques » (8). Dégagée de sa forme poétique, nous trouvons dans cette citation, la conception populaire bien décrite. On a comparé parfois le mal de la pleurésie à un coup de pointe ou de poinçon (9).

(1) Kauslka SutraXXX, 7.

(2) SINSON. Travels in the wilds of the Ecuador, p. 155 and Folk-lore of the Guiana Indians pp. 352 et 361 — PELLESCHI, Otto mesi nel gran Ciaco pp. 122-123. BOGGIANI. I. Caduvei, p. 331. — W. E. ROTH, Animism and Folklore of the Guiane Indians pp. 352 et 361.

(3) STEVENSON. The Zuni Indians, p. 385.

(4) KREMER, B. T. L. V. t. LX p. 433.

(5) TYLOR. Civ. prim. I, p. 184.

(6) COLLIN DE PLANCY. Dict. inf. Dards magiques.

(7) FRAZER. Le Bouc émissaire. Trad. franc, p. 92.

(8) OEuvres, t. IV, p. 27.

(9) den cleynen herbarius. Anvers 1626, p. 154.


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A Everberg et à Hauwaert (Brabant), on dit «'t schot», « het geschot » ou « 't verschot » (le coup) pour exprimer un « froid » dans le dos ou les reins, le tour de reins, mais le sens primitif semble avoir disparu. En Flandre, on disait « ik ben geschoten van den tooveraar » (je suis frappé par les flèches du sorcier), « ik heb de schot » (j'ai le coup de flèche); entre Alostet Termonde, on dit «'t verschot », à Denderleeuw, à la limite du Brabant, on dit « de pik » (1). En Allemagne, comme chez les Juifs, aux époques anciennes comme aux débuts de l'Ère chrétienne, certaines maladies étaient causées par les flèches des elfes, des sorciers ou des dieux (2). Les flèches des Elfes étaient parfois des soies de porc (3). En Norwège, on connaît l'Alvskot et le Dvergskot (coup de l'elfe ou du nain), en anglo-saxon, on disait « ylfa gescot » « hagtesson gescot » et en anglais « elfarrow » ou «elfshot», et la conception se retrouve en Finlande et en Laponie.

Voici une illustration de cette idée, recueillie à Smetlede (Flandre Orientale, non loin du Brabant). Une femme était malade et les médecins ne pouvaient la guérir. On s'adressa aux Pères de Termonde. Un de ceux-ci dit de surveiller la maison. Une pauvresse, joueuse d'orgue, y venait régulièrement. Le mari ferma les portes et menaça la femme de la tuer si elle ne levait pas le sort. Elle pleura et gémit. Enfin elle demanda à être conduite près de la malade et de rester quelques instants seule avec elle. Ce qui fut fait. Cependant le mari vit la sorcière jeter quelque chose dans le feu. La femme guérit. Quoiqu'il en soit, cette matière étrangère doit être extraite.

Selon les incantations hindoues et allemandes l'atrophie des parties malades est retirée de l'intérieur vers l'extérieur (4). Les Druides et les prêtres d'Esculape pratiquaient le massage. Les Chinois le pratiquaient 3000 ans

(1) A. D. C. Eksteroogen. Volkskunde 1898-99, p. 104.

(2) SIMROCH. Deutsche Mythologie, pp. 409 et 513. — N. PAULUS. Hexenwahn, p. 31. Pradel. Grieck. Gebete (Rel. WELLHAUSEN. Skizzen und Vorarbeiten, p. 141. Vers, und Vorarb. vol. III, p. 259.

(3) Ein meisterhand wieder Zauberei de M. Beheim, 113,

(4) KUHN. Op. cit. XIII, p. 69.


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avant J. C. Dans la conception animiste, lorsque, comme nous le verrons plus loin, les maladies sont considérées comme des démons ou des esprits, on les chasse par le massage ; c'est ce qui se pratique dans la médecine populaire des Siamois, des Annamites, des Australiens et des Peaux-rouges. Dans le Brabant même, ce procédé est en usage. En 1893, à Assche, un paysan souffrait du bras droit ; le médecin décida d'amputer ; la femme refusa et un paysan vint « masser » c'est-à-dire faire des mouvements pour amener le mal vers la main et le passer à une taupe. Dans la région wallonne du Brabant, les rebouteux, pour guérir les rhumatismes, les maux de reins, les démangeaisons ouïes entorses promènent les mains longitudinalement sur tout le membre malade et font le geste de jeter le mal sur le sol ou de le mettre en poche.

Une conception plus chrétienne attribue certains maux à des coups frappés par Dieu ou ses envoyés. Anciennement, ceux qui sentaient les premières atteintes de la peste prétendaient avoir nettement senti un coup sur la tête, le cou, le dos ou le côté au point d'en avoir été jeté sur le sol (1).

Le mot français, inflammation, vient du latin « flamma » flamme et correspond à phlegmasie, du grec « phlegma » chaleur ardente. Le wallon dit que le feu est dans le corps. Le flamand dit de même, en terme courant, que le feu « den brand » ou « het vuur » est dans le corps ou dans un organe et cela répond à une conception plus concrète que l'expression médicale. On dit « het vuur » lorsque d'un point, le mal enflamme les vaisseaux voisins ; on dit alors que ce feu a des rayons « stralen », il est plus interne et plus dangereux, c'est plutôt la gangrène.

L'idée est ancienne ; le Talmud, le livre occulte des juifs, disait que la fièvre est le feu des os, et les anciens praticiens comparaient le sang d'une fièvre double, triple ou quarte à un feu de bois vert qui s'était enflammé (2) ; elle

(1) R. KEPHALE.. Modela Pestilentise, p. 49.

(2) PH. HECQUET. La médecine, la chirurgie et la pharmacie des Pauvres, 1740, t. I, p. 157.


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est très répandue puisqu'en Afrique, dans le Bas-Niger, les habitants établissent une étroite relation entre le feu naturel et l'inflammation des organes, qui sont tous deux produits par des esprits très semblables (1).

Actuellement, dans nos régions, l'idée du feu est si voisine de celle du feu carburant que lorsqu'on croit guérir le panaris en trempant le doigt dans un oeuf cru on s'imagine que l'oeuf durcira. Cette idée bien, que fréquemment controuvée par l'expérience subsiste dans tout le Brabant, comme d'ailleurs elle existe en Bretagne, en Suède et en Russie. A Bruxelles, le remède et l'idée qui l'accompagne s'appliquent à certaines maladies vénériennes deshommes(2). Cet autre remède, que l'on applique à Linden, témoigne également de l'idée que l'on se fait d'une inflammation. Quand on est piqué par une abeille ou une guêpe, on applique sur la blessure le plat d'un couteau. Le froid de celuici éteint le feu. A Bruxelles on dit que la dentition forme un feu dans les gencives et qu'on le calme en y appliquant du fer (une clé p. ex.). En Suisse, quand les paysans ont la plante des pieds échauffée parla marche, ils les mettent sur le fer d'une hache, qui attire rapidement le feu (3), coutume qui existe aussi aux environs de Louvain.

Nous ne parlerons pas des « froids » cause de quantités de maladies et qui est en Belgique comme ailleurs, le mot passe-partout qui exprime une cause générale que l'on ignore. Cette idée régnait déjà dans l'école hippocratique puisqu'on y enseignait que les maladies sont principalement engendrées par les changements de saisons et dans les saisons, elles-mêmes par les grandes alternatives de froid et de chaud (4).

Cependant beaucoup de maladies dont la manifestation est insidieuse et qui n'ont aucun caractère local sont le plus souvent attribuées à des causes magiques que l'on nomme maie main, mauvais oeil ou tout simplement « sort ».

(1) A. GLYN LÉONARD. The lower Niger and its tribes, p. 253.

(2) A noter que chez les Grecs l'oeuf était considéré comme purificateur c'est-à-dire qu'il enlevait le mal et la souillure. KENYON. Griek Papyri 1893 p. 101. CLÉMENT D'ALEXANDRIE. Strom, 7, 713B.

(3) STOLL. Zur Kenntniss des Zauberglaubens, p. 94.

(4) Aphorismes IIIe.


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Ces maladies sont « données » aux malades par d'autres hommes, sorciers qui disposent d'une puissance mauvaise. Celle-ci s'introduit dans le corps du malade. La conception qu'on s'en fait est devenue en fait très vague ; elle n'est ni matière, ni esprit, et cependant elle participe jusqu'à un certain point de l'un et de l'autre. C'est quelque chose que l'on a jeté et ce quelque chose qui est mauvais, est influencé par les incantations ou les prières. Cela se rapproche de l'idée que s'en faisaient les peuples primitifs ; le Fidjien voyait en la maladie une sorte de fluide, de vent, de mauvais air, que le sorcier peut projeter dans le malade par ses gestes, ses paroles, son regard et qui s'y concrétise sous les formes les plus variées.


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POUX.

Nous avons vu que certains animaux étaient sinon la maladie même, du moins le signe, la matière de la maladie. Par un processus similaire, on est arrivé quelquefois à les regarder comme signe ou cause de la santé.

Sous l'action des fièvres, il arrive que les poux de l'enfant disparaissent. Le populaire bruxellois en a conclu qu'il faut conserver sur la tête de l'enfant un nid de poux et il arrive encore, dans nos hôpitaux, que des mères s'opposent à un nettoyage efficace. Anciennement, à Etterbeek, elles croyaient que les poux protégeaient contre les maladies d'enfant, notamment la coqueluche, la rougeole, la fièvre scarlatine et même le croup.

La même idée est signalée par M. Deiogne dans le Sud du Luxembourg belge (1) et elle a été constatée à Adinkerke (Flandre Occ,e), où une mère refusait d'enlever les poux de son enfant parce que c'était un signe de santé ; tout au plus lui en faisait-elle manger pour éviter les maladies et notamment la jaunisse, ou pour diminuer le nombre de poux ; nous avons retrouvé la même idée à Tirlemont.

La croyance à la vertu bienfaisante des poux est ancienne ; Aristote lui-même croyait que quand on a des poux à la tête, les maux de tête sont moins fréquents (2). Nous avons indiqué à propos de la jaunisse, le remède qui consiste à faire manger au malade des poux vivants. Un chirurgien allemand du XVIIIe s. administrait trois poux vivants pour guérir les coliques (3).

Nous trouvons cependant dans un vieil ouvrage flamand que les poux sont le signe sinon la cause de certaines maladies. Un livre publié à Gand, au début du XVIIIe s., parle d'une maladie où des poux rouges sortaient des glandes sudoripares et qui provenaient du mauvais sang (4).

(1) L'Ardenne méridionale belge, p. 81.

(2) Hist. des animaux, L. V., Ch. XXV. 4.

(3) J. C Machleid de Ettenheim, Urquell 1897, pp. 167-169.

(4) Enchlzidion medicum, p. 60.


(FERN. WERY).

Suppression du mal.

LAVAGE.

Le mal (physique ou moral) étant conçu comme une chose plus ou moins matérielle, il n'est pas étonnant qu'on ait tenté de s'en débarrasser par le lavage, mais on a ajouté à ce fait concret une conception d'ordre magique et le bain, bien souvent, était une action préalable nécessaire à tout acte de magie (1).

Selon la sagesse hindoue, les eaux guérissent tout, les eaux chassent toute maladie. L'urine aussi est un puissant remède : « Avec de l'urine lavez la tumeur scrofuleuse » (2). Aux Indes également pour guérir l'hydropique, le prêtre, tout en récitant un hymne, lui versait de l'eau sur la tête (3). De même en Perse, outre l'eau, d'autres substances, telles par exemple l'urine de bétail, étaient supposées avoir un grand pouvoir purifiant (4). En Babylonie, on versait de

(1) Claviculae Salomonis, ch. V.

(2) ATHARVA. VEDA I, VI 57 et 91.

(3) KAUSIKA 25, 37.

(4) CARNOY. La magie dans l'Iran. Le Muséon 1916, p. 176.


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l'eau de l'incantation sur le malade pour que le mal, qui existait en son corps, s'écoulât comme l'eau elle-même (1) ; et une formule se terminait par ces mots : « ... versez lui de l'eau d'incantation ; que le mal de tête puisse remonter au ciel, comme la fumée d'une maison paisible ; que comme les filets d'eau jetée sur lui, elle se perde dans le sol». Les eaux du Tigre et de l'Euphrate étaient très efficaces, mais les eaux de source l'étaient davantage encore (2).

En Egypte, l'eau, par elle-même, était un puissant moyen de purification, surtout l'eau (non salée) du Delta du Nil ; l'eau était la vie même (3).

Dans le Pandjab (Indes), certaines personnes guérissent l'hydropisie en se remplissant la bouche d'eau et en la projetant sur le malade (4). En Ecosse, on transporte la maladie à un animal en le lavant avec l'eau qui a servi aux ablutions du malade (5). Au Pérou, s'il arrivait que les enfants qui étaient à la mamelle eussent quelque maladie, on les lavait d'urine, au matin (6).

Chez les anciens habitants du Mexique, les plaies de la tête se lavaient avec de l'urine chaude (7). Les mères esquimaudes lavent leurs enfants avec leur urine (8).

J. B. Porta de Naples (1538-1615) recommandait de se laver les mains avec sa propre urine (9). L'urine est un préservatif contre la sorcellerie et les conciles condamnèrent la coutume de se laver les mains avec de l'urine pour détourner les maléfices (10). Dans le Poitou p. ex., pour désensorceler un fusil on urinait dedans. Le procédé de Porta se pratique encore à Bruxelles ; mais en cette ville comme en d'autres localités brabançonnes, on se sert aussi de l'urine

(1) THOMPSON. The devils and evil spirits of Babylonia pp. XXXVI et XXXVII. KÛCHLER, assgrisch, Babylonischen medezin, p. 3.

(2) MORGENSTERN. The doctrine of sin, p. 31.

(3) RUPFER. The use of natron and sait by the ancient Egyptians, p. 45.

(4) Ch. BURNE. Occult powers of healing in the Panzab. Folklore 1910, p. 315.

(5) DALYELL. The darker superst. in Scotland, pp. 104-109.

(6) GARIELASO DE LA VEQA. Commentaire royal. II. 24.

(7) DE SAHAGUN. Hist. des choses de la Nouvelle Espagne, p. 654.

(8) BOAS. The central Eskimos, p. 610.

(9) Cité d'après VAN HEURCK. L'onguent armaire, p. 30.

(10) THIERS. Traité des superstitions, I p. 171.


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pour guérir les crevasses, les engelures et mêmes les panaris, et à Thollembeek, l'urine du matin guérit les maux d'yeux.En Wallonie, où le procédé est en honneur contre les gerçures, il faut faire uriner un petit garçon sur les mains, l'urine d'une fillette étant inefficace (t) ; à Limbourg, ceux qui ont été mordus par un chien suspect se lavent la plaie avec l'urine d'un jeune enfant (2) ; à On (près de Jemelle), on fait uriner une vache blanche sur les verrues pour les enlever. A Crainhem, on se débarrasse de la cholérine (avec crampes) en buvant tant qu'on peut de l'eau de source. L'eau de la ville ne convient pas « parce qu'elle est enfermée ». A noter que chez les Hébreux, les Grecs et les Romains, l'eau des lustrations devait être de l'eau de source (3) et que d'après la Didaché, l'eau de baptême devait être une eau courante (4). A Oisquercq en Brabant, on croit se débarrasser des cors aux pieds en prenant trois jours de suite un bain de pied, et en trempant tous les jours suivants jusqu'à guérison, le pied atteint, pendant un quart d'heure, dans un ruisseau. A Louvain, durant la neuvaine de sainte Marguerite ceux qui souffrent des yeux les baignent avec l'eau de la Dyle ; à Dilbeek et à Orp-le-Grand,avec l'eau des sources saintes ; anciennement à Ixelles, les gouttes d'eau qui, après la pluie, tombaient du tilleul, appelé l'arbre bénit, guérissaient et lavaient en quelque sorte la fièvre des enfants (5).

Certes le lavage par l'eau, comme par l'urine, outre l'enlèvement du mal, implique souvent l'idée de nettoyage, et peut-être même dans nos contrées une vague idée d'antisepsie. Il en est de même du procédé de lavage primitif qui consiste en ce que la mère lèche son enfant. Dans la mythologie grecque, la salive des dieux crée Orion. Mais ici encore un fond d'idées magiques agit. La salive était un moyen actif de magie connu des Egyptiens (6) et dont nous parlent

(1) Le calendrier populaire wallon (R. DE WARSAOE) 1920, n° 591.

(2) Le calendrier populaire wallon (R. DE WARSAGE) 1920, n° 1504.

(3) EMPÉDOCLE, 452. — LÉVIT, XI, 32 et suiv. — LAGRANGE. Fragment d'un évangile non canonique. Revue Biblique 1908, p. 538 et suiv.

(4) Ch. VII. 1-3.

(5) REINSBERG-DURINGSFELD. Calendrier belge I, 247.

(6) BUDQE. Egyptian littérature p. 45. LEXES. La magie dans l'Egypte ancienne, t. I, p. 72.


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Pline, Tacite, Suétone, Varron, Tibulle, Virgile et Properce. Les sorciers byzantins crachaient dans la bouche de celui dont ils voulaient faire un visionnaire (1), dans la liturgie catholique du VIIe et du VIIIe siècle l'usage de la salive était fréquent et constituait un exorcisme (2), et certains saints, notamment saint Germain, se servaient entre autres moyens, de sa salive, pour chasser les démons. A Célèbes, la salive du régent passée sur le front des enfants les protège contre les convulsions. Le père javanais lèche complètement son enfant ; à Nias, le prêtre enduit les plaies de sa salive (3); à Java, quand quelqu'un est mordu par un myriapode, on prend avec une plume de la sécrétion dans la gorge d'un poulet et on la frotte sur le mal (4). Les Toradjas crachent derrière eux lorsqu'ils entendent les cris de mauvais augure des oiseaux pour que le mal magique ne les suive pas et, à Oudah, on crache sur le cadavre que l'on enterre et on lui dit : « Ne parle pas » et cela pour détruire la force magique du cadavre (5). Chez les Bassoutos de l'Afrique du Sud, la salive du sorcier est très efficace et il doit souvent en faire offrande aux esprits (6). Chez les fellahs d'Egypte comme chez les Akamba de l'Afrique, on crache pour chasser la malechance et le mauvais oeil (7) et chez beaucoup de peuples d'Afrique, cracher a une signification magico-religieuse. Le féticheur-prêtre de l'Amérique du Nord recouvrait souvent la partie malade de sa salive (8) pour chasser les esprits du mal.

A Grammont, comme d'ailleurs en mainte localité flamande, et aussi en Brabant, pour faire disparaître les marques de naissance sur le corps du nouveau-né, la mère, à jeun, doit lécher la tache pendant neuf jours. A Bruxelles, la même pratique existe avec cette clause que si le geste n'est pas fait dès les premiers jours de la naissance, le

(1) PSELLUS. De opérât, daem. p. 23.

(2) DÔLGER. Der Exorzismus, p. 133.

(3) KREEMAN. Volksheelkunde in den indische Archipel, B. T. L. V. 1915, pp. 20-22. GRIMM. Deutsche Mythologie p. 634. Folk-Lore IV, p. 358.

(4) KRUYT. Het animisme in den Ind. Archipel, p. 131.

(5) KRUYT. Measa, B. T. L. V. 1919, pp. 56 et 57.

(6) CASALIS. Les Bassoutos, p. 306.

(7) LINDBLOM. The Akamba p. 115. TOURELLE, Superstitions populaires en Egypte. Bull, de la Société de géogr. de Rochefort 1907, p. 9.

(8) FR. WEBB HODGE. Handbook of american Indians I, p. 838.


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remède est absolument inefficace. A Crainhem, la salive mise sur de l'alun guérit certaines maladies de la bouche chez les enfants. A Bruxelles et dans plusieurs localités du Brabant, pour guérir les maux d'yeux de l'enfant, on prend tous les matins, à jeun, de la salive et on en frotte les yeux malades. En Wallonie et aux environs de Louvain, on lèche les verrues, le matin à jeun ; à Bruxelles, les petits boutons du visage, les cors aux pieds et les piqûres d'insectes. A Tirlemont pour les piqûres on emploieJsoit la salive, soit l'urine. On croit que pendant la nuit, la langue se charge d'un certain venin qui possède la vertu de guérir et qui tue les vers.

Pour les Chaldéens, la salive, selon les gens qui l'employaient, avait en médecine un rôle tantôt f utile, tantôt nuisible (1). Chez les anciens Israélites, l'usage de la salive comme médicament était si coutumier, qu'on défendait expressément de s'en frotter les yeux le jour du Sabbat. La tradition s'en était conservée dans le Talmud (probablement pour protéger contre le mauvais oeil). Rappelons à ce sujet que le Christ mélangeait de la salive à la terre pour guérir l'aveugle-né et envoya celui-ci se laver au réservoir de Siloé (2). D'après Tacite, Vespasien guérit également un aveugle d'Alexandrie par l'action de sa salive (3). Plaute, dans les Captifs, et Tibulle, dans sa IIIe élégie, parlent de l'action curative de la salive.

Pline conseillait la salive d'un homme à jeun comme premier antidote contre la morsure des serpents (4) et l'action destructive de la salive était portée au point que Lucrèce affirmait qu'il y a un serpent qui, dès qu'il est touché par la salive de l'homme, meurt en se déchirant luimême (5). Le Talmud recommandait la salive contre beaucoup de maladies et particulièrement contre les maux d'yeux ; elle y avait, souvent même, un caractère magique (6). Le symbolisme en a été conservé dans le baptême, puisque le prêtre touche de sa salive le nez et les oreilles de l'enfant.

(1) JEREMIAS. Handbuch der altor. Geisteskultur, p. 299. MORGENSTERN. Doctrine of Sin. p. 72.

(2) Evang. Saint Jean IX (6, 7) — Saint|Marc VIII. 23.

(3) TACITE. Hist. Iv, 81.

(4) XXVIII, 7.

(5) De rer. nat. L. IV. 635-636.

(6) KRAUSS. Talmudische archaelogie t. I, pp. 259 et 714.


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Bernard Pallissy disait que le venin des serpents est guéri par la vertu de la salive, à cause du sel (1).

L'ancienne médecine reconnaissait à la salive de sérieuses vertus et le D' Waldschmidt conseillait contre les hémorroïdes de la salive d'un homme à jeun ou d'un chien (2).

Au Maroc, le guérisseur y va plus rondement : il crache sur la partie malade ou bien il fait mettre dans un morceau de laine sa précieuse salive pour que le malade l'avale ; quelquefois on lui fait boire de l'eau où l'on a délayé la salive. Pour certaines angines, le « taleb » envoie directement son « mahavet » (crachat) dans la bouche du malade (3). On dit d'ailleurs que quand Mahomet naquit, son grand' père Hassan lui cracha dans la bouche. Chez les Nubiens, le sorcier crache sur la poitrine de ceux qui le révèrent, en guise de bénédiction et aussi pour guérir les maladies (4). En Albanie, on oblige les sorcières à cracher dans la bouche de leurs victimes (5). Les sorciers Bambaras crachent également sur la partie malade (6). Les sorciers Lenguas du Paraguay, pour guérir les maux d'estomac, crachent sur celui-ci, puis aspirent (7). Dans l'hymne péruvien de Manco-Capac conservé par Jamqui Pachacuti on dit qu'il faisait un sortilège avec la salive. A Rome, la salive impériale avait une vertu particulière et Tacite raconte que Vespasien guérit un aveugle-né en lui crachant dans les yeux. Anciennement, les sorciers européens crachaient lorsqu'ils guérissaient les écrouelles et actuellement encore, en Grèce, une vieille femme ne se gênera pas pour cracher au visage d'un homme qu'elle respecte lorsqu'elle le croit menacé du mauvais oeil (8).

A Liège, on remplace quelquefois la salive par du lait maternel (9), remède ancien et très répandu (10).

(1) OEuvres, pp. 228 et 424.

(2) Praxis medecinae rationalis 1691, p. 215.

(3) E. MAUCHAMP. La sorcellerie au Maroc, p. 175.

(4) SAGAR. Notes on the history, religion and customs of the Nuba. Sudan. Notes and records 1922, p. 145.

(5) E. DUCLAM. of magie, witches etc. in the Balkans. Man. 1923, p. 189,

(6) Jos. HENRY. Les Bambaras p. 45. Absolument comme les « segneu » liégeois. (V. Roskin. préjugés populaires, p. 162) (note).

(7) SEYMOUR. Horotrey The langua Indiana J. A. I. 1901 p. 290.

(8) BYBILAKIS. Neugriechische Leben, p. 9.

(9) E. MONSEUR. Le Folklore Wallon, p. 29.

(10) Dr VAN SCHEVENSTEEN, Les remèdes d'origine humaine, p. 7.


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Chez les Indiens du Pérou nous trouvons par contre cette idée bizarre, que les verrues sont dues à de la salive lancée par quelqu'un de mal intentionné (1 ).

D'autres produits servent au lavage ; la sève de la vigne, dans tout le pays, est considérée de longue date (2) comme un remède contre les maux d'yeux.

Presque partout également, (notamment à Bruxelles! on conseille de se laver les yeux avec la première neige ; à

(1) MORO. Estudios de etnografia soc. géogr. Lima, 1927, p. 84.

(2) DEVREESE. op. cit. p. 52.


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Image de Sainte-Adèle, 1791, honorée à Orp-le-Grand. (1)

(1) CORNETTE. Deux images de Sainte-Adèle. (Folklore Brabançon, 7e année, n" 40, p. 252).


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Liège, à Godarville et à Tohogne (Luxembourg), on lave les brûlures avec de la neige ramassée entre l'Epiphanie et la Chandeleur (1). A Tirlemont, c'est l'eau de neige, recueillie pendant la lune de mars et conservée dans une bouteille bien fermée, qui est un remède précieux contre les maladies des yeux (2). A Linden et en beaucoup d'endroits, la rosée a la même vertu. La rosée de mai ou le lait de jument enlèvent les taches de rousseur (2) ; à Anderlecht, à Etterbeek et à Anvers, dans le même but, on se sert du jus de moule, et à Diest, Crainhem et ailleurs, du lait de jument. A Saintes, Orp-le-Grand, Hackendover, à Meldert-lez-Tirlemont et anciennement à Laeken et à Schaerbeek, il existe des puits dont l'eau a la propriété de guérir les maux d'yeux. La fontaine de Saintes guérit en outre les eczémas et les plaies chroniques ; on emporte de l'eau de celle de CoutureSaint-Germain pour lotionner les membres malades ; sur place, elle guérit ou soulage les maladies des reins, les rhumatismes, les paralysies, la faiblesse des jambes, les varices et elle a la réputation d'être particulièrement favorable aux enfants dont la croissance est en retard ou défectueuse (3).

A Diest, pour enlever les taches de la pupille, on baigne les yeux avec de l'eau prise dans un ruisseau dans le sens opposé au courant et l'on dit une certaine prière. Cette coutume de puiser de l'eau contre le courant est assez répandue pour la guérison des maux d'yeux et est très ancienne dans le Brabant (4).

Dans l'idée populaire, s'est conservée la conception ancienne que la purgation constitue une sorte de lavage intérieur qui enlève de l'intérieur du corps, les impuretés et la matière de la plupart des maladies.

(1) HAROU. Mélanges, p. 28.

(2) HAROU. La tradition, 1903, p. 269.

(3) G. CUMONT. Episode de Folklore religieux. — B. S. B. A. — 1913, pp. CCLVIIIetCCLXX.

(4) V. TACK. De Folklore in de Heksenprocessen te Mechelen. Volks kunde 1911, p. 7.


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SOUFFLE.

Un guérisseur de Crainhem prétend tenir par héritage paternel le moyen de guérir les entorses ; il prie à voix basse, fait des signes de croix et souffle trois fois sur l'endroit douloureux. Aux frontières du Brabant et du Hainaut, les rebouteux soufflent souvent sur la partie malade pour chasser soit les maux de dents, les maux de tête ou les brûlures. En Flandre, on souffle sur les yeux malades (1). C'est là encore un procédé bien ancien. Déjà à l'époque de l'Inde védique, nous trouvons un remède contre la diarrhée et la chute du rectum, où le prêtre en récitant deux hymnes fait boire une solution de terre au patient, l'oint de beurre clarifié et souffle sur l'anus du malade (2).

Le souffle est un ancien procédé magique dont parle Psellus et qui fut probablement introduit d'Arabie où il est coutumier, soit pour enchanter les armes, soit pour guérir les maladies (3). Origène dit cependant que de son temps les Goêtes et ceux qui avaient été élevés à l'Ecole des Egyptiens chassaient les maladies par leur souffle (4) et Eusèbe dit que les hommes pieux rompaient par leur souffle et leur voix les machinations des démons (5) ; le même usage, dit-il, d'après Porphyre, existait chez les Egyptiens et les Phéniciens. Ephrem de Syrie dit que, vers le milieu du IVe siècle, il était d'usage que celui qui devait être baptisé soufflait vers l'Ouest (endroit où l'on croyait que se trouvait Satan) (6). Ce dire est confirmé par le pseudo saint Denis l'Aréopagite (7). D'après les apocryphes, Jésus aurait guéri Jacob, le fils de Joseph, d'une morsure de serpent en soufflant dessus (8) ; les gnostiques chassaient le démon en soufflant (9).

(1) DE COCK. Volksgeneeskunde in Vlaanderen, p. 134.

(2) BLOOMFIELD. Commentary, p. 224. Kausika Sutra, XXV, 9.

(3) WELLHAUSEN. Skizzen und Vorarbeiten III, pp. 140 et 141.

(4) Contr. Cels. I, 45, 67. GRIFFITH AND THOMPSON. The demotie magical Papyrus p. 181.

(5) Hist. eccl. LIV ch. 23 et LVII, X, 4.

(6) Opéra omnia, t. II (1743) p. 195.

(7) De eccl. hier. Il, 2, 55.

(8) Evangelium Thomae Graece A. C. 16.

(9) PLOTIN. Ennéades II, IX, C. 14.


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Agrippa dit que les mages ont l'habitude, dans leurs incantations, de souffler sur les choses et d'inhaler les paroles de l'enchantement, c'est-à-dire de souffler leurs vertus dans l'esprit (T).

La coutume existe encore chez une peuplade de Bornéo, les Bajous. Chez eux, comme chez les Chinois, les guérisseurs soufflent sur la partie malade pour enlever le mal (2) ; les sorciers Caraïbes procédaient de même (3).

En Australie, le docteur, après avoir sucé la partie malade, rejette souvent le mal comme une bouffée d'air (4) et aux îles Murray (Océanie), le guérisseur crache et souffle sur ses mains avant de faire ses passes sur le malade (5). Les médecins indiens de la Floride soufflaient sur le mal (6) et chez les Hurons, les Cherokees, les Pomos et les Cahuilla de l'Amérique du Nord, souffler sur la partie affectée était un élément essentiel du cérémonial (7). Chez les Indiens de l'Amérique du Sud, le médecin souffle sur la bouche, les narines, les yeux et les oreilles du patient pour faire rentrer l'âme dans le corps (9). D'autres au contraire soufflent et crachent dans la bouche du malade pour chasser les esprits, causes de la maladie (10). Le féticheur hottentot souffle sur le corps des malades ou dans leur bouche, pour les guérir (11). Les Fuégiens de l'Amérique du Sud soufflent en l'air pour chasser les mauvais esprits (12). Les Esquimaux du Groenland soufflent sur les malades pour leur rendre une âme saine (12). L'haleine d'un sorcier peut tuer, disaient

(1) Phil. occ. LI, ch. LXXI cité par Maxwell. La Magie, p. 127.

(2) EVANS. Among primitive peoples in Bornéo, p. 251.

(3) DELÀ BORDE. History of the origins customs, etc. of the Caribs p. 234.

(4) HOWITT. On Australien médecine J. A. I., 1887, p. 39.

(5) CAMB. Exped. Torres Strait V, 320.

(6) BOURKE. The medicine men of the Apache p. 472.

<7) G. SEOARD. Grand voyage, p. 76. — RADIN. The Winnebago Tribe, p. 275. — MOONEY, Sacred formulas of the Cherokees, p. 335. — HOOPER The Cahuilia Indians, p. 336,

(8) BOGGIANI. I. Caduvei, p. 331.

(9) PELLESCHI. LOS Indios, Matercos. Bol. Instit. géogr. argentino 1897, p. 209.

(10) REVILLE. Les religions des peuples non civilisés, I, p. 178.

(11) BASTIAN. Der mensch in der geschichte, II, 113.

(12) CRANZ. Historié von Grônland, p. 257.


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les Abipones (1) de même que les Européens du Moyen-âge. Les docteurs malais soufflent régulièrement sur la partie malade en disant leurs incantations (2) et des charlatans chez les Katchins (Birmanie) guérissent les maladies par leur souffle (3). Chez les Mois de l'Annam, les Be Giô, ou sorciers, retirent de leur bouche, en soufflant sur la partie malade, des petits cailloux, des grains de riz, etc., qu'ils prétendent être la cause du mal (4). Les magiciens chinois soufflent pour accomplir leur oeuvre et le souffle détruit certains esprits malfaisants (5).

Au XVIIIe siècle, en France, certains pseudo-sorciers soufflaient sur leurs victimes pour les avoir en leur possession.

En arabe, un sorcier s'appelle « celui qui souffle sur les noeuds » pour accomplir le charme. Les Turcomans soufflent sur les noeuds qu'ils font dans une corde de poil de chameau, pour guérir la fièvre. Ils soufflent également sur les noeuds quand ils les défont (6). En Afrique, le sorcier ou son assistant, soufflent, dans le patient, l'âme du rêve qui l'a quitté (7). En Pologne, pour certaines maladies, il faut qu'une personne première-née souffle trois fois sur l'être ou l'objet ensorcelé (8). Au Tyrol, on dit que les enfants sont soufflés « angeblasen » par les sorcières (9). Ceci peut être mis en rapport avec cette idée de la mythologie germanique du Moyen-âge que le souffle des Elfes donnait la mort ou la maladie (10), idée qui s'est conservée dans la démonologie : les sorciers prenaient en bouche, les choses mauvaises, ou les elfes, et les soufflaient sur leurs victimes (11). Au début

(1) DOBRIGLOFEER. Geschichte der Abiponer, II, p. 560.

(2) HUCTING. De toboloreezen B. T. L. V. LYXVII. p. 353.

(3) GILHADES. Maladies et remèdes chez les Katchin. Anthropos 1915-16 p. 25.

(4) J. CANIVEZ. Notice sur les moeurs et coutumes des Mois. Revue d'Ethnographie et de Sociologie 1913, p. 11.

(5) WIEGER. Folklore chinois moderne, 4, 45 et 64.

(6) E. O. DONAVAN. The merv. oasis, II, p. 319.

(7) KINGSLEL. West African Studies, pp. 171 et 173. DOUTTÉ. Magie et religion du nord de l'Afrique, p. 316.

(8) J. KARLOWIEZ. Mélusine, VIII p. 176,

(9) DIRLER. Z. V. V. 1898. p. 39.

(10) SIMROCK. Deutsche Mythologie. GRIMM. Deutsche Mythologie p. 260.

(11) C MÛLLER. Hexenaberglaube p. 152.


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du XIXe siècle, un guérisseur de Dorsten (Allemagne) guérissait les hémorragies en soufflant trois fois dessus en croix (1) procédé que M. Poskin a retrouvé en nos provinces (2) et qui nous est signalé notamment à Braine-PAlleud, pour guérir les brûlures ; l'écho de cette coutume se révèle dans plusieurs prières allemandes ; en voici une contre les brûlures :

Brûlure, brûlure, je te souffle,

Sainte Vierge, conduis-moi

Au nom du Père etc. Et, parfois, le récitant souffle effectivement (3).

Le souffle guérit par la vertu ou la force qu'a acquise le sorcier et qui réside également dans son haleine, d'expulser les esprits du mal et de combattre ainsi l'action de leur néfaste haleine. L'haleine est le signe, mais aussi la cause de la vie, elle est le feu vital et participe à la vertu magique du feu (4), mais surtout aux origines du Christianisme, l'haleine de l'homme saint, du prêtre était imbue de l'esprit divin, ce qui la rendait insupportable aux démons.

PASSAGE.

Les rites de passage signifient essentiellement se débarrasser d'un mal par contact avec un autre objet qui l'enlève ; sous sa forme la plus simple, cette suppression est de nature matérielle, comme pour le simple frottement, mais sous une forme plus complexe, on cherche à mettre en contact le mal (physique ou moral) dont on est affligé avec une puissance bienfaisante qui réside dans l'objet à travers duquel on passe. Pour que le contact soit aussi parfait que possible, on choisit le passage très étroit.

A Anderlecht, près de Bruxelles, il existe un pèlerinage contre la danse de Saint-Gui. Les malades se glissent dans un étroit couloir sous la pierre tombale de SaintGuidon.

(1) Witte der wahre geistliche Schild 1802, pp. 147 et 161.

(2) POSKIN. Préjugés populaires, p. 60.

(3) SCHEL. Z. V. V. 1906, p. 171-173.

(4) PREUSZ. Globus, t. 86, p. 325. DE GROOT, B. T. L. V., 1892, p. 105.


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A Nivelles, les pèlerins passent entre l'étroit espace qui existe entre un mur et une colonne, mais ceci n'a pas de but vraiment thérapeutique (1). Celui qui ne parvient pas à y passer est en état de péché, de mal moral.

En Wallonie, on considère comme un préservatif contre la fièvre de passer par la fente d'un arbre ou entre la croix paroissiale et la première bannière d'une procession (2).

(1) J. CHALON. B. S. B. A. 1919, p. 18.

(2) R. DE WARSAGE. Le calendrier populaire wallon, 1920, n° 959.

Collégiale Sainte-Qertrude à Nivelles. Colonne en pierre, séparée du mur par un espace que, suivant la légende, on ne parvient à franchir que si l'on est en état de grâce. Cette colonne se trouve dans la Chambre ou « trou » de sainte Gertrude, sorte de tribune datant du XIe siècle et d'où l'on avait vue sur le choeur occidental. (Dessin de P. Collet).


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A Andenne, les enfants passent sous la table de Sainte Begge; à Stockroye, près de Hasselt, on passe dans un cercle de fer ; à Gheel on passe par un couloir étroit sous une châsse située derrière le maitre-autel à l'église SainteDymphe (1) et à Saint-Dizier sous le tombeau du Saint ; à l'église de Basse-Wavre, les pèlerins passent à genoux dans une espèce de petit tunnel derrière l'autel.

En Allemagne, la coutume de passer à travers des orifices étroits est très répandue. M. Meyer l'explique comme suit : si l'on fait passer un enfant dans la fente d'un arbre, ceci semble ne pas être seulement un acte symbolique de renaissance, mais l'enlèvement ou le transfèrement de la maladie à un autre objet (2). Grimm de son côté dit : « C'était une manière de guérir que de faire passer ou ramper des enfants ou des animaux à travers de la terre creusée, des pierres creuses ou un arbre fendu. Ceci enlevait tous les charmes, les détruisait ou agissait sympathiquement »(3). Actuellement, en Brandebourg et au Schleswig, pour guérir les enfants qui crient beaucoup, on les fait passer entre les échelons d'une échelle (4). Le passage d'enfants à travers des trous dans la terre, dans des rochers ou des arbres se pratique encore en diverses parties des Cornouailles et du Devonshire surtout pour la guérison des hernies (5). En France également, la coutume se retrouve. Dans le Poitou, les enfants trop faibles reprennent des forces lorsqu'ils ont été assis dans le trou de la pierre saint Fessé ; cette pierre informe, placée au milieu d'un champ est respectée par les laboureurs et la charrue laisse un espace libre à l'entour (6). Dès les temps anciens, en France, on passe l'enfant malade à travers un chêne fendu ; en Italie, on choisit l'orme. A Saint-Nectaire, en Auvergne, on passe sous le tombeau de Saint-Auditeur. A Châlons, le lundi de la Pentecôte, on passait sous les châsses (7). Aux îles Sporades, on passe trois fois l'enfant par la porte puis par l'étroite fenêtre de la

(1) J. CHALON. — B. S. B. A. 1919, pp. 15-16. — Fétiches, amulettes etc. t. I. p. 90 et suiv. — DE COCK. Volkskunde, 7e année, p. 74.

(2) Deutsche Volkskunde, p. 265.

(3) Deutsche Mythologie, II, p. 976.

(4) WUTTKE. — Deutsche Volksaberglaube, p. 338.

(5) THISELTON DYER. English Folk-Lore, p. 23.

(6) POISON. Mém. des antiq. 8, 445.

(7) V. GAIDOZ. Mélusine t. VIII. pp. 201 et 254.


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Chapelle(l). En Suède, où la coutume existe également, les ouvertures par où l'on passe, s'appellent « trous des elfes (2). En Russie et en Pologne, on passe dans les fentes d'un chêne, dans une cavité, dans le collier (couvert de sueur) d'un cheval, ou sous les icônes (3).

Loin d'Europe, du Kamtchatka, on nous rapporte un usage similaire : on place dans la jourte des branches de bouleau suivant le nombre des familles. Chaque Kamtchadale prend une de ces branches pour sa famille et après l'avoir courbée en cercle fait passer à travers par deux fois sa femme et ses enfants, qui sortent de ce cercle et se mettent à danser en rond. Cela s'appelle chez eux se purifier de ses fautes (4). Les Thibétains passent dans une ouverture sous une lourde pierre, pour montrer qu'ils ont la conscience tranquille (5).

La coutume de passer à travers un arbre fendu était connue des Romains. Marcellus en parle à propos d'un cerisier fendu (6). Les Béotiens pour se purifier passaient entre les parties d'un arbre coupé en deux (7). Oldenberg dit, en parlant de l'Inde ancienne, qu'elle connut aussi, comme bien d'autres pays, la coutume de faire passer par d'étroites ouvertures, de façon à racler les surfaces qu'on veut débarrasser de leurs parasites : « Apala a une maladie de la peau et Indra la fait passer « par tractions » à travers le trou du char, le trou du chariot, le trou du joug » (8).

Le Talmud parle de l'influence des « passages » mais sous une forme assez particulière : « dix choses rendent l'étude difficile : passer sous la bride d'un chameau ou sous le chameau lui-même, ou bien entre deux chameaux, entre deux femmes, ou une femme entre deux hommes, etc.. » (9).

(1) ROUSE. Folklore from Southern sporades Folk-Lore, 1899, p. 181.

(2) SIMROCH. Deutsche Mythologie, p. 514.

(3) GAIDOZ et KARLOWIEZ. Mélusine t. VIII, p. 176.

(4) KRASCHMINIKOF, 1760. Cité par Van Gennep : Les rites de passage, p. 30. Ouvrage général consacré à cet usage dans toutes ses manifestations.

(5) SVEN HEDIN. Le Thibet dévoilé, p. 172.

(6) Empir. de medic, p. 229.

(7) PLUTARQUE. Quaest. Rom, 111

(8) OLDENBERG, La Religion du Veda, p. 422.

(9) Babyl. Gemara, Horajoth, 8" 13b.


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A toute époque, on retrouve cette coutume en France et en Angleterre, défaire passer les enfants malades à travers un arbre troué ou fendu (1).

Les exemples de ce genre sont rares dans le Brabant. Cependant, à Campenhout, pour guérir les fièvres, le rhumatisme ou la rougeole, on passe par la fente d'un arbre, mais cette fente doit s'être produite naturellement. Si la fente ne passe pas outre, on se met pendant quelques instants dans l'ouverture. On récite trois pater et trois ave.

CONTACT.

Le contact d'un objet avec le corps humain établit entre les deux une relation permanente. Il suffit de porter certains médicaments en collier pour qu'ils agissent. Ceci était très en usage à Rome, notamment pour la guérison des enfants rachitiques.

Les Boschimans portaient, pour se préserver des maladies, des racines médicinales et les attachaient ainsi que leurs amulettes à une corde ou à un nerf en collier (2).

Les Suisses portent en poche des oignons blancs pour éviter les vertiges.

Un vieil auteur anglais dit que le corail, la pivoine, le houx guérissent l'épilepsie, soit qu'on le porte autour du cou, soit qu'on le prenne avec du vin (3). L'usage existait également en Grèce ancienne (4) et les hindous portaient diverses amulettes végétales contre les maladies (5).

A Paris, on recommande, pour éviter le mal de mer de prendre un rognon de renard, de le saler et de le mettre ensuite dans un petit sachet que les femmes et les filles, sujettes au mal, portent au cou.

(1) SÉBILLOT. Le paganisme contemporain, p. 76. — Le Folklore en France, t. III, pp. 417 et suiv. LATHAM in Folklore Record, I, pp. 40-41. — GAIDOZ. Un vieux rite médical.

(2) G. W. STOW. The native races of South Africa, p. 125.

(3) LENNIAS. Occult secrets of nature, 1658, p. 270.

t4) PRADEL. Griechische und Sùditalianische Gebete, p. 375. Theophraste Hist. Plant. IX. 21. Dioscorides, mat. med. 111, 167. (5) Kausika Sutra XXX. 1. — CALANOT. Altindisches Zauberitual p. 68.


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Dans le Luxembourg belge (à Herbeumont), pour guérir les enfants du muguet, on leur met un collier fait de neuf tronçons d'angélique, le fil étant passé à travers la tige. On fait une neuvaine et chaque jour un tronçon est censé tomber, (à défaut de quoi on l'enlève). Le mal est guéri au bout du neuvième jour.

Nous avons vu qu'à Linden on porte en amulettes des feuilles tachetées pour guérir les taches des yeux.

C'est à l'idée de contact que répond la vertu que l'on attribue à la poussière des églises et des tombeaux des Saints. Grégoire de Tours en parle (1) et la coutume existe encore à Vaals près d'Aix-la-Chapelle et à San Loretto à Ancône.

C'est encore à l'idée de transmission d'une force curative par contact, que répondait le procédé, utilisé en Egypte ancienne, d'arroser d'eau les statues sur lesquelles étaient inscrites des formules magiques et d'administrer ensuite cette eau aux malades, soit en boisson, soit en lotion (2). Au Pérou, dans la province de Manta, les malades venaient au temple et on leur posait sur la tête ou sur la partie malade l'idole d'émeraude et presque tous s'en retournaient en bonne santé (3).

Par suite du contact, les vêtements et surtout le linge participent à la nature de l'être et l'influence persiste même à distance. Un bel exemple nous en est donné dans les Actes des Apôtres : « Et Dieu faisait des miracles prodigieux par les mains de Paul, au point que l'on appliquait sur les malades les mouchoirs et les tabliers qui avaient touché son corps, et les maladies étaient guéries et les esprits malins étaient chassés » (XIX, 11-12). Les Indiens du Pérou croient que les maladies sont en relation étroite avec les vêtements(4). C'est surtout sous l'action de la philosophie occulte que le procédé s'applique, notamment dans la célèbre poudre de sympathie qui eut tant de succès au XVIIe siècle. Au moyen de cette poudre, on opérait à distance en agissant sur

(1) Mirac S. Martini, I, 27.

(2) LUBAN. Les statues guérisseuses de l'ancienne Egypte, p. 191.

(3) VELASCO. Hist. du royaume de Quito, p. 4.

(4) JIJON Y CAAMANO. La Religion del Imperio de los Incas, I, p. 21.


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un linge qui était taché de pus ou de sang du malade, ou même, au besoin, sur un objet quelconque ayant été en contact avec le malade (1).

En Germanie et en Danemark, aucune partie du vêtement d'un survivant ne devait à aucun prix revêtir un cadavre, sinon le propriétaire mourait lentement (2). Dans la cérémonie turque de l'adoption, l'adopté passe la chemise de celui qui l'adopte et, par là, participe à sa nature. Le parallèle de ceci se trouve dans plusieurs pèlerinages. A Berchem Ste Agathe et à Saventhem, les parents viennent prier à l'église, munis de la chemise de l'enfant sujet aux convulsions, pour obtenir la guérison. A Strombeek et à Couture Saint-Germain (près de Rixensart), on porte la chemise de l'enfant rachitique à un bassin alimenté par une source, on dépose la chemise sur l'eau et l'endroit, par où elle s'enfonce d'abord, indique la partie malade chez l'enfant. Si la chemise surnage l'enfant, guérira rapidement.

L'usage est connu à Liège, dans le Hainaut (a Trazegnies, dans le Brabant (à Quenast) et en Flandre (à Okegem) et est assez répandu en France (3).

Notons à ce propos que le pouvoir des sources sacrées est peut-être la croyance la plus répandue dans le monde entier. Les Grecs avaient des sources sacrées à Colophon et à Pergame. La Phénicie avait le célèbre sanctuaire d'Aica où il y avait un étang dans lequel on jetait comme offrandes des ouvrages d'or et d'argent, des toiles de lin ou de byssus ; si les toiles allaient au fond de l'eau les offrandes étaient agréables à la déesse (4). Damascius parle d'une source où la coutume était identique (5).

Il semble que les sources sacrées n'étaient pas inconnues au mithraïsme et peut-être même que le christianisme a hérité de certaines d'entre elles (6) ; de même qu'il a repris

(1) DIGBY. Discours touchant la guérison des plaies 1681, p. 17.— VAN HELMONT. Opéra omnia, p. 707.

(2) A. C. HADDON. Magic and fetichism, p. 7.

(3) SÉBILLOT. Le Folk-Lore de France, t. II, pp. 278-279. — Biekorf XXII, 352. Cité par Celis : Volkskundige Kalender pp. 125-126. — COLLIN DE PLANCY. Dictionnaire infernal, p. 146.

(4) ZOSIME. Hist. I. — Dr ROUVIER. Bullet. Archéol. 1900.

(5) PHOTIUS. Bibl. 348a.

(6) Dr LORION. Chronique Médicale. Ier octobre 1925, pp. 291 et suiv.


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quelques fontaines druidiques. Quoi qu'il en soit, l'Evangile de saint Jean qui parle de la fontaine de Bethsaïde à Jérusalem et de celle de Silvé a favorisé l'expansion de l'idée dans le christianisme (1).

Au lieu de la chemise, on se sert parfois d'un simple ruban. Des personnes se rendent en pèlerinage à la chapelle Sainte-Anne, située dans le parc de Laeken. Elles lient à un des arbres qui entourent cette chapelle le ruban que l'enfant, malade de la coqueluche, a porté à ses cheveux. De même, au cimetière de Diest, se trouve un grand crucifix aux pieds duquel des femmes croyantes attachent un ruban ou un linge appartenant au nourrisson, dans le but de préserver celui-ci des fièvres et des convulsions. On appelle cela « délier la fièvre». A Haeren, sous un Christ, on dépose bonnets, casquettes, rubans, bas, etc. A Campenhout, pour guérir la coqueluche, la rougeole ou toute autre maladie affectant les enfants, on prend un ruban, un foulard ou une jarretière qui ont été portés par le malade et on les cloue à un arbre ; on récite trois pater et trois ave et l'on se garde de toucher encore, par la suite, à ces objets.

C'est une ancienne coutume sémitique (arabe et syriaque) que d'attacher aux arbres, dispensateurs de vie, un objet de l'habillement du malade pour obtenir sa guérison (2). Cette coutume est encore répandue partout ; on la retrouve même chez les Dayak de Bornéo (3) ; et actuellement à Linden, pour se guérir de la fièvre, on s'entoure le corps, pendant trois jours, d'un ruban qu'on attache ensuite à un arbre.

Sous sa forme plus simple, la coutume existe en

Bohème : Pour guérir les enfants souffrant de crampes, on

déchire la petite chemise et on la jette dans la rivière (4).

. A Sainte-Renelde (près de Saintes en Brabant), les pèlerins

apportent du linge et des pansements du malade pour

(1) Evang. V, 2, IX, 7.

(2) BAUDISSIN. Adonis und Eschmun, p. 258. — CURTISS. Ursimitische Religion, p. 96. — JAROSSEN. Coutumes des Arabes au pays de Moab, p. 332 et suiv.

(3) WALLACE. Malay Archipelago, I, 338.

(4) WUTTKE. Deutsche Volksaberglaube, p. 336.


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lequel on fait des dévotions, on les jette dans un puits à ce destiné devant l'église (1). M. Chalon cite de nombreuses fontaines à loques, tant en Belgique qu'à l'étranger (2).

11 y a quelques années, on faisait un pèlerinage à l'église Saint-Quentin, à Louvain, pour guérir l'hydropisie ; on emportait le bas de la personne malade et on le remplissait de blé provenant de trois personnes différentes. On ouvrait le bas dans l'église et on disait une neuvaine.

Aux environs de Tirlemont, pour connnaître le saint qu'il convient d'invoquer pour obtenir la guérison d'une maladie, on emporte un vêtement qui fut porté par le malade, on le pose sur l'eau et on dit à haute voix des noms de saints quelconques, jusqu'au moment où le linge va au fond. C'est le saint qu'on a nommé à ce moment qu'il faut invoquer.

L'influence du vêtement est telle que c'est une conception populaire très répandue que le vêtement porté par le père au moment de la conception influe sur le sexe de l'enfant (3). Au Tyrol, par exemple, le père met, ses bottes lorsqu'il désire avoir un garçon (4).

Le contact de la partie malade est un geste qui établit la communion entre le guérisseur et ce qu'il veut guérir. C'est ce qui se pratique à Everberg notamment ; avant de prier, le guérisseur touche du doigt les parties atteintes de l'érysipèle.

Voici un préjugé de Saône-et-Loire qui montre toute l'influence que la croyance populaire attache au vêtement : lorsqu'on lave le linge d'un enfant qui n'a pas encore été baptisé, il ne faut pas frapper dessus au moyen du battoir, sinon l'enfant a des coliques (5).

Notons encore cette coutume qui se pratique toujours à l'église N. D. de Laeken : les femmes enceintes viennent prendre des fils qui ont été en contact avec les reliques de la Vierge et elles les portent sur elles pour

(1) v. l'image de Sainte-Renelde, p. 65.

(2) Idoles, fétiches, etc., t. I, p. 121. t. II, p. 68 (Haeren).

(3) LIEBRECHT. Zur Volkskunde, p. 440.

(4) VON ZINCERLE. Gebrauche der Tyroler Vôlker, p. 26.

(5) C LAMBERT. Rev. Traditions pop. 3e année p. 239.


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avoir une heureuse délivrance. On explique l'idée en disant que la Vierge Marie vint en aide à sa cousine Elisabeth lors de la naissance de saint Jean-Baptiste. A Anderlecht, on vend un fil de soie rouge qui a touché les reliques de saint

Guidon et qui doit guérir ceux qui le porteront sur eux, l'avaleront, etc. (1) ; à Hal, les pèlerins touchent le bas de la traîne de velours ou le bord du voile de dentelle de la Vierge (2).

(1) VAN HEURCK. Les drapelets de pèlerinage, p. 15,

(2) Album édité par le curé-doyen de Hal, p. 32.

Image de sainte Alêne, honorée à Dilbeek.


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A Hackendover, on enfonçait des épingles dans les pieds et les jambes d'un Christ. Ces épingles ont par contact une vertu miraculeuse qui les fait utiliser pour attacher les bandages autour des blessures, pour ouvrir les ulcères ou pour guérir les maux de dents(en touchant la dent malade)(l).

Nombreuses sont les images ou autres objets qui ont touché les reliques des saints et qui de ce fait sont douées, de vertus curatives particulières.

De nature assez semblable est la vertu que l'on attribue aux diverses parties (feuilles, fleurs ou fruits) d'une plante dont l'origine est en rapport avec la vie d'un saint. Un cas intéressant existait, tout récemment encore, à Dilbeek près de Bruxelles. En l'église de cette commune, on vendait aux pèlerins des noisettes du noisetier de sainte Alêne et ceux qui (2) souffraient des dents croquaient ces noisettes avec la dent malade. Lorsque le noisetier mourut ses rejetons héritèrent de ses vertus.

(1) FR. HENDRICKX. Hakendover, Folklore Brabançon 1927, p. 281.

(2) v. Is. TFJRLINCK. Plantenkultus, p. 260.


Dessin de Ch. Michel

Transmission du mal.

a) à d'autres hommes.

On croit se débarrasser d'un mal en le passant à autrui. Cette conception est une conséquence de l'idée que la maladie est quelque chose de matériel.

La superstition a conduit au crime, et les préjugés médicaux n'y échappèrent pas. Voici un fait horrible qui, paraît-il, s'est passé à Bruxelles, il y a une douzaine d'années : Un individu, pour se guérir de la syphilis, contamina une enfant de quatre ans. Le fait fut dévoilé par le médecin. Tout monstrueux qu'il est, il reste cependant instructif. Malheureusement ce crime n'est pas isolé. Le même fait s'est passé à Berlin, en 1860. Dans toute l'Allemagne, on croit aussi qu'on se guérit de la blennorrhagie en ayant des relations avec une jeune fille impubère ou vierge (I). La pratique nous a été signalée comme régnant en Malaisie. En Chine, les lépreuses croient se guérir en communiquant leur mal à l'homme qui a commerce avec elles (2).

Sans être criminelles, certaines autres pratiques répondent à une intention coupable. En région wallonne, comme à Diest et à Watermael, on passe ses verrues à autrui par des procédés divers (eau bénite, eau d'un puits).

(1) WUTTKE. op. cit. p. 326. STRACK. Le Sang, pp. 80 et suiv. CASPER LIMAN. Handbuch der gerichtlicher Medicin, pp. 122 et suiv.

(2) DENNYS. The Folk-lore of China, p. 67.


- 83 — A Diest, en trempant la main dans le bénitier, on dit :

Ich steek m'n hand in 't wijwatcrval En die achter mich komt dien heê m'en wrat. Je trempe ma main dans le bénitier Que celui qui me suit aie ma verrue. A Nivelles, à Virginal et dans le nord du Hainaut, on se débarrasse des clous ou des furoncles, en mettant dans un bénitier autant de clous de fer que l'on a de furoncles ; ou bien on va dans une église où l'on n'est jamais entré et l'on jette les clous derrière soi ; la personne qui entre ensuite dans l'église hérite des furoncles. A Hannut, pour se guérir des maux de dents, on va dire cinq pater et cinq ave sur la terre d'un voisin (certainement pour que celui-ci prenne le mal).

En Flandre et d'ailleurs dans tout le pays, on vend ses verrues pour un prix ridicule (fétu de paille ou bois d'allumette). En Bavière, on vend les abcès en les touchant avec une pièce de cuivre, celui qui ramasse celle-ci a acheté le mal. Le même esprit se retrouve dans une coutume similaire de Ceylan. Là-bas, pour se débarrasser des verrues, on prend un certain nombre de petites pierres, égal à celui des verrues, on les met dans un sac avec trois pièces de monnaie de cuivre. On frotte le paquet ainsi formé sur les verrues et on le porte de grand matin, en le tenant de la main droite derrière le dos, à un carrefour, puis on le jette en regardant dans la direction de son domicile vers lequel on s'en retourne. Celui qui ramasse le paquet prend les verrues (1). Dans le Chota Nagpur (Indes Anglaises), existe une coutume presque identique, mais le sens en est plus ' défini : on fait passer magiquement l'esprit mauvais dans une pièce de métal et on jette celle-ci sur les vêtements d'une jeune fille, ou bien oa lie la pièce de métal à une monnaie de cuivre ; dans ce cas, on l'abandonne sur un chemin, dans l'espoir que celui qui ramassera la pièce de monnaie prendra la pièce de métal et sera possédé par le mauvais esprit (2). M. Saintyvesa retrouvé la même coutume en Angleterre et en France (3) ; dans certaines régions de l'ancien Pérou,

(1) HILDBUROH, Sinhalase Magic. J. A. I. 1908, p. 186. cf. MARCELLUS DE BORDEAUX. De medicamentis XXXIV.

(2) SARAT CHANDRA ROY. Magie and witchcraft. Journal of asiatic. Soc. of Bengal. vol. X p. 352.

(3) La guérison des verrues, pp. 8-10.


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quand les gens étaient malades, ils jetaient du maïs blanc sur la route royale pour que les voyageurs emportent le mal (.1).

On cherche assez souvent à passer le mal à des morts, peut-être pour éviter les reproches ou les représailles. En Wallonie ainsi qu'en France et en Saxe (2), on jette ses verrues, ses cors aux pieds ou ses oeils de perdrix à un mort qui passe. En Wallonie encore, et dans le nord du Brabant, on signe la dent malade avec la dent arrachée à un cadavre (ce qui se pratiquait en France au XVIIe siècle) (3) ou bien on passe le mal de dent à un os de mort, (Tirlemont, Linden, Jette-Saint-Pierre et probablement dans toute la Belgique) le défunt emportant le mal dans la tombe (4). A Stockel, on ajoute que l'os doit être rapporté au cimetière quand la dent est guérie ou tombée. A Diest et à Bruxelles, on guérit ses verrues d'une manière semblable. A Linden, pour les dents, on dit, en jetant l'os : « dent disparaîs comme le mort dans la tombe ». C'est sans doute au même esprit que répond cette pratique à Vissenaeken et à Crainhem (Brabant) et qui existe également à Marenne (Marche), où, pour faire disparaître ses verrues, on va la nuit à la tombe d'une personne très récemment enterrée et on s'y frotte les mains avec la terre que l'on rejette ensuite ; et aussi cette coutume de Linden où on frotte ses verrues avec le sable que l'on a jeté sur le liquide tombé d'un cadavre, à son passage dans l'église (5). A Campenhout, pour se guérir d'une maladie, quelle qu'elle soit, on se frotte à la pierre tombale d'une personne morte d'une maladie identique. A Linden, comme à Diest et à Tirlemont, lorsqu'on sonne le glas, on prend de la terre d'une taupinière et l'on dit : « Je frotte mes verrues avec de la terre pour le mort qu'on enterre » (6). A

(1) ARRIAGA. Extirpacion de la Idolatria, ch. IX. (2)ANNABERQ. Aberglaube, Sitte, etc. fn Sachsischen Erzgebirge, p. 110. EUG. ROLLAND. Environs de Lorient, Mélusine III, p. 43.

(3) THIERS. Traité des superstitions 1697, I, p. 365. Les dents de morts chassaient les maléfices. I Battem Secreet Boeck 1601, p. 13.

(4) MONSEUR : Le Folklore Wallon. — R. DE WARSAGE : le calendrier pop. Wallon, 1920 n° 603. De Hagelander, Ve année p. 42.

(5) Le liquide provenant des cadavres a eu un rôle médical ou magique en beaucoup de pays, en Egypte, en Australie, a Timor Laut et au Congo.

(6) Ik wasch mijn' handen met aarde ; Ik wensch mijn' wratten bij den doode in de aarde. (De Hagelander, 2e année p. 80).


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Waesmunster (FI. Orle), la pratique diffère quelque peu. Là, on met ses mains en terre pendant qu'on sonne le glas et on récite les actes de Foi, d'Espérance, de Charité et de Contrition (1) ; à Hannut, pour se débarasser des verrues, on suit un enterrement, on se frotte trois fois les verrues avec un oignon épluché, entre l'église et le cimetière, on jette ensuite l'oignon dans la fosse en disant : « mort vas-ès avou m'poria» (mort va-t-en-avec ma verrue). En Allemagne (Ruppin et environs), on fait dans un fil autant de noeuds que l'on a de verrues, on le jette dans une tombe nouvellement creusée (2). Dans le Sud de la Flandre Orientale, on frotte ses verrues à un linceul, probablement dans l'espoir que le mort les emportera.

En Irlande, on résout le problème d'une manière un peu différente : on touche les verrues avec 9 épingles, on approche de l'orgelet neuf fois la même épingle et, dans les deux cas, on jette les épingles dans le cimetière (3).

Un des plus beaux exemples nous vient de Suisse : Quand au village un enfant vient de mourir, la personne malade se met sur la partie du corps la plus douloureuse, une petite bande de soie. La bande de soie, pour ne pas être souillée, peut être enveloppée dans un morceau de toile. On prie l'enfant mort d'attirer à lui la maladie et de l'emporter dans la tombe. Ensuite, on met la bande de soie à l'enfant au même endroit que celui où souffrait le malade (4).

En Hongrie, contre la jaunisse, on porte directement sur le corps, un os de mort sur lequel on urine trois fois par jour en disant : « ce qui est jaune en moi, je te le donne » et, après neuf jours, on remet l'os dans un trou d'un arbre du cimetière, le malade, ensuite, aussi rapidement que possible rentre dans sa demeure (5).

Les marocains passent même leurs maladies à des démons en leur offrant les restes d'un repas auquel le malade a pris part. Si un passant en mange, c'est lui qui hérite du mal (6).

(1) Volkskunde 1913, p. 112.

(2) HAUSE. Z. V. V. 1898, p. 199.

(3) M. CLINTOCH. Folklore 1912, pp. 465 et 476.

(4) STOLL. Zur Kenntniss des Zauberglaubens in der Schweiz.p. 75.

(5) WLISLOEKI. Volksglaube der Magyaren, p. 139.

(6) QUEDENFELDT. Zeitschrift fur Ethnologie 1886, p. 675.


(M. FLAMENT).

b) à des animaux vivants.

Nous avons déjà cité, notamment à propos de la jaunisse, des exemples de transmission de la maladie à des animaux appliqués sur le corps du malade.

C'est là un des procédés favoris de la médecine populaire, procédé qui régna également dans le domaine de la magie puisque les sorts pouvaient être transférés à des animaux (1).

Le système le plus simple est la transmission par pur voisinage. Les Grecs le pratiquaient : Alexandre de Tralles, contre la fièvre quarte, recommande l'amulette suivante que, dit-il, il a souvent expérimentée : on prend vivant un scarabée (bousier) et on le pend autour du cou, mais on doit l'envelopper d'une étoffe rouge ; d'autre part, une araignée mise dans un drap et liée sur le bras gauche est très efficace contre la fièvre quotidienne (2).

Ce dernier procédé existe encore en France et nous l'avons retrouvé aux environs de Bruxelles (Auderghem et Etterbeek) ; l'araignée doit être écrasée avec le linge et non avec la main, car alors le remède ne serait pas efficace.

Le Talmud nous a conservé un moyen curieux pour transférer la cécité de l'homme au chien. On fait une corde au moyen des poils d'un animal et on lie une des extrémités au pied de l'aveugle, l'autre à une des pattes du chien. Après

(1) Le cas de Pascal est typique. Mémoires de la vie de M. Pascal par M,lc PÉRIER, sa nièce. Appendice I aux Pensées. Edit. Charpentier.

(2) Péri pureton Ch. VI et VII, même prescription chez P. A. Matthiole en 1572. — CABANES. Remèdes d'autrefois I, p. 102. — FRANKLIN. La vie privée d'autrefois, t. IX, p. 111.


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diverses cérémonies, on délie la corde en disant « que la cécité d'un tel, fils d'un tel, le quitte et perce les yeux du chien » (1).

Le médecin français, Jean Pitard, du XIVe siècle, indiquait ce traitement contre la morsure du serpent : « Prenés une geline (poule) et li liés le bec si serrement que elle ne le puist ouvrir et plumés le dos de la geline et joignies à la morsure et tenés serrement jusques à tant que elle soit morte car en attraiant le venin à li, elle mourra, et faites ainsi des autres gelines jusques à tant que la geline que vous y mettrés ' sera viegne toute saine en signe que en la morsure n'a mais point de venien ».

La tradition est ininterrompue. Cardan indique le remède suivant : Pour guérir la fièvre quarte, il faut mélanger toute l'urine, rendue par le malade, pendant l'heure de l'accès, avec de la farine, et la jeter sur le chemin, dans l'espérance qu'un chien affamé la dévorera ; si cela arrive, le chien prendra la fièvre, et le malade sera guéri (2). Jean Bauhin, au XVIe siècle, donne ce conseil : « il sera bon d'appliquer sur les parties mordues, des volailles vives, comme poule ou pigeon et autres animaux, comme cochon, agneau et petit chat, mettant le cul dessus les playes, ou bien partissanten deux les volailles ou animaux, on les appliquera tout chaud, ayant semé dessus de la pouldre des médicaments et du sel » (3).

Prescription similaire dans les secrets du célèbre seigneur Alexis Piemontois dont nous avons parlé déjà, pour guérir la peste, le charbon ou l'anthrax. (Amsterdam 1658). Ce procédé était connu depuis longtemps en Italie.

Prenez une poule vivante et arrachez-lui les plumes de l'anus et de l'endroit par où elle pond les oeufs ; ensuite placez-la sur l'accident de telle manière qu'elle soit comme assise sur le charbon, l'anthrax ou le siège de la peste, et tenez l'y quelque temps. Et quand vous verrez que cette poule a attiré à elle le venin, en tout ou en partie, elle mourra. Faites cela avec deux ou trois poules.

(1) GITTIN, 69a.

(2) De Rerum Varietate.

(3) Hist. notable de la rage des loups 1591.


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Un écrivain gantois du XVIIe siècle recommande comme amulette contre la peste une araignée enclose dans les écales d'une noix (1).

L'idée est plus ancienne puisque nous la retrouvons dans l'oeuvre d'un médecin hollandais de 1623 (contre les fièvres) (2). Elias Ashmote, dans son Diary (1681), dit qu'étant malade de la fièvre, il prit au matin une bonne dose d'Elixir et pendit trois araignées autour de son cou ; elles emportèrent son mal (3). Un écrivain hollandais du XVIIIe s. recommande ce procédé contre l'épilepsie (4). Ce remède est encore utilisé en Angleterre, mais on remplace quelque fois les araignées par des escarbots (5).

Voici un remède brabançon,très ancien dans la région, rappellant assez exactement celui de Piemontois et qui, à Linden près de Louvain, se pratique de la façon suivante : on plume le derrière d'un jeune poulet ou d'un jeune pigeon, on l'applique contre l'anus de l'enfant qui a des convulsions jusqu'à ce que la crise soit passée (6). Il importe que le contact reste parfait pendant tout le temps, sinon le mal aurait des conséquences. A Bruxelles, le procédé est plus expéditif : on enfonce dans l'anus de l'enfant la tête d'un jeune pigeon et on l'y laisse jusqu'à ce que la bête soit morte. L'enfant alors sera guéri. La même cure se pratique à Liège (7). A Vissenaeken, près de Tirlemont, on met la tête du pigeon dans la bouche de l'enfant. Dans le Grand Duché de Bade, on applique le croupion de la poule sur l'anus de l'enfant (8).

Les gens des environs de Louvain font un pèlerinage à Florival et emportent un pigeon ; si celui-ci meurt en route, l'enfant est guéri du croup.

(1) Tractaet of te Régiment Préservatif en curatif teghen de peste Gand 1668 (Communiqué par M. de Marneffe au Folklore Brabançon).

(2) VAN HALTEREN. Princelijck Geschenk, p. 132.

(3) KING. Médiéval Médecine, Nineteenth Century, XXXIV, p. 147.

(4) Vijftig verzachtende Geneesmiddelen, p. 14.

(5) Mrs GUTCH AND MABEL PEACOK. Folklore concerning Lincolnshire, p. 106.

(6) Même procédé dans Uit en om een Limburgsch Recepten en Incantatieboek de J. GESSLER, p. 3.

(7) MONSEUR E. Le Folklore wallon, p. 23.

(8) WUTTKE. Op. cit. p. 326.


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On rencontre d'ailleurs chez des peuples bien éloignés de nous, un régime identique. A l'embouchure du Niger en Afrique, les malades se lient sur le coeur un poulet pour que celui-ci prenne le mal ; les cris et les ébats du poulet indiquent l'efficacité du remède (1).

Dans le sud des Indes anglaises, contre les morsures de serpent, on commence par faire une profonde incision dans le bec d'un poulet, à l'extrémité nasale. La surface entaillée est appliquée sur les piqûres faites par les dents du serpent. Après quelque temps, le poulet meurt et, si alors le patient n'est pas guéri, d'autres poulets doivent être appliqués jusqu'à ce que tout danger soit écarté. L'idée est que le poison est attiré par le poulet et pénètre dans son sang (2). La même coutume existait au Yucatan, avec cette seule différence qu'on n'entaillait pas le bec des poulets (3). Les Négritos des Philippines enfoncent le doigt blessé par un insecte venimeux dans l'anus d'une poule qui absorbe le poison (4).

Bien d'autres animaux furent victimes de cette superstition ; à Liège, à Lessines, comme d'ailleurs en France, en Hollande et en Allemagne, le goutteux couche avec un chien ou un chat, celui-ci prend la goutte ou la fièvre et en meurt (5). Cet usage vient des Romains qui enterraient ensuite la bête avec pompe ; au XVIIIe, siècle on le retrouve en France, soit pour les fièvres, soit pour les maux de dents ; à Hannut, on passe le hoquet aux lapins; il suffit de dire trois fois sans respirer :

D'jà l'hiquette ; Jel donne à m'robette, Si m'robette nel vou nin Quel mal rajette. A Verviers, on élève des cochons de montagne (cobayes) dans la chambre à coucher du malade, (6) de même

(1) ANDRÉE. Parallelen 30. — BASTIAN. Geogr. und ethnog. Bilder p. 165.

(2) THURSTON. Ethnographie notes in Southern India, p. 293.

(3) SANCHEZ DE AGUILAR. Informe contra Idolorum (1639).

(4) W. A. RÉÉD. Négritos of Zambales, p. 67.

(5) D'A. POSKIN. Préjugés populaires. — HEUVEL. Volksgeloof etc, p. 168. — WUTTKE. Op. cit. p. 327.

(6) Dr A. POSKIN. Préjugés populaires.


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que, dans le Haut Palatinat, contre les maladies d'enfants, on garde dans la chambre des oiseaux qui sont censés prendre la maladie (1). A La Mecque, lorsqu'un enfant est malade, la mère met sept tranches de pain sous son oreiller, et lorsque l'enfant y a dormi une nuit, elle donne le pain à manger à un chien (2). En Norvège, lorsqu'on a un abcès, on y met un linge et on le jette ; les oiseaux le becquettent et prennent l'abcès dont l'homme est débarrassé (3). Dans les campagnes napolitaines, on passe le mal de dent à un lézard qu'on prend par la queue entre le pouce et l'index (4) ; en France on passe les verrues aux limaces (5).

Un certain M. Vanden Bosch, de Louvain, qui écrivait sur ce genre de matière, il y a quelques soixante ans, raconte l'anecdote suggestive suivante, qui, dit-il, se serait passée à Haelen. Un receveur du nom de Jacobs avait une perdrix apprivoisée qui venait se poser sur son épaule et de sa tête caressait son visage etc.. Il prit une fièvre maligne, le prêtre vint pour le confesser et, en même temps que lui, entra un lévrier ; la perdrix qui, ce moment sautillait dans la chambre, de peur du lévrier, se réfugia sur le lit du malade et vint comme en temps normal lui caresser le visage ; elle aspira son haleine et tomba morte. Au même moment, le malade sentit que la fièvre diminuait et au bout de quelques jours, il fut complètement rétabli (6). Vraie ou fausse, l'anecdote montre la foi qu'on accordait à ce genre de cures. Le D1 De Keyser relate la coutume suivante destinée à combattre l'épilepsie : mettez au malade un canard blanc sous chaque bras et faites le courir en rond plusieurs fois par jour (7).

Dans un manuscrit du XVIIIe siècle des environs d'Afflighem, on conseille, pour enlever les inflammations ou les maux de tête, pour guérir le typhus, la fièvre ou la pleurésie, de mettre sur ou sous les pieds du malade, soit un hareng saur, soit une jeune poulette ou un pigeon bleu.

(1) SCHÔNWERTH. Aus der Oberpfalz III, 232..

(2) SNOUCK HURGRONJE. Mekka II, 121. '

(3) LIEBRECHT. Zur Volkskunde, p. 321.

(4) F. NICOLAY. Histoire des croyances, t. I, p. 260.

(5) SAINTYVES. La guérison des verrues, p. 36.

(6) VANDEN BOSCH J. M. L. Handboek voor lijdenden of genezing zonder geneesheer. Louvain 1862, p. 192.

(7) Bruxelles Médical 9-9bre-1922.


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A Louvain, Assche, Crainhem, Woluwe, Neder-overHeenibeek, Meerbeek et Nivelles, pour se guérir des maux de gorge on se met autour du cou un sac rempli de vers de terre, jusqu'à ce qu'ils soient morts. A Anderlecht, on s'en sert pour les maux d'yeux ; à Thollembeek, pour les rhumes. Le même remède est appliqué à Liège (1), en Brabant wallon et à Lessines pour guérir les fièvres. Le Docteur Robert de Nancy plaçait les vers à la plante des pieds (2) et J. Wecker, contre la fièvre quarte liait au bras ou au col un paquet de petits vers que l'on trouve en la tête du chardon à carder (3). En Wallonie, on place sur la poitrine de l'enfant souffrant de la fièvre, ou autour de ses poignets, des linges n'ayant jamais servi et renfermant des cloportes(4) ou bien on porte en « pakèt » une grenouille vivante (5). A Liège, on place sur un sein cancéreux une écrevisse vivante dont on a au préalable lié les pattes (6). A Bruxelles, contre la jaunisse, on met sur la poitrine du malade un sachet contenant des cloportes. Schroeder, en 1687, recommandait de porter sur soi des cloportes vivants pour guérir les ulcères.

La grenouille, comme le crapaud, a un rôle marqué. A Bruxelles et les environs, comme dans le Nord du Hainaut, le sud de la Flandre orientale et en Angleterre, on place une grenouille vivante dans la bouche de l'enfant atteint du croup, et contre la transpiration des mains, on saisit un crapaud et on le tient jusqu'à ce qu'il meure. Anciennement, à Etterbeek, pour guérir la transpiration des pieds, on mettait des grenouilles dans les souliers qu'on venait d'enlever. On considérait toutefois la cure comme dangereuse, même mortelle pour le patient. A Neder-over-Heembeek, pour guérir le même mal, on laisse mourir une grenouille entre les pieds. Aux environs de Tirlemont, on place une grenouille sur le membre rhumatisé. A Grimbergen, contre les fièvres, on lie

(1) E. MONSEUR. Op. cit. p. 25.

(2) Cité par VANDEN BOSCH. Op. cit.. p. 189 et 194.

(3) Les Secrets de la Nature, 1699, p. 129.

(4) E, MONSEUR. Op. cit., p. 25.

(5) R. DE WARSAGE. Op cit., p. 959.

(6) A. HOCK. Croyances et remèdes populaires au pays de Liège, cité par E. Monseur. Op. cit. p. 22.


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un crapaud au moyen d'un linge sur chaque poignet jusqu'à la mort des animaux. En cas d'échec, on recommence, mais cela est très rare, dit-on.

A Crainhem, en cas d'épidémie de typhus ou de choléra, on place derrière la porte d'entrée de l'habitation un crapaud qui, dit-on, ne bouge pas de cet endroit. En Flandre, on se sert de ce procédé pour guérir les maux de ventre des enfants (1). A Tongres, on met un crapaud aux pieds ou bien au creux de l'estomac, pour guérir les fièvres (2). A Braine l'Alleud, on met une grenouille vivante dans la bouche de ceux qui sont atteints du typhus ; à Plancenoit, on enfonce le doigt atteint d'un panari, dans la gueule d'une grenouille ; lorsque celle-ci est devenue noire, le panari, est guéri. A Jumet et aux environs, pour combattre le croup ou les maux de gorge, on met une grenouille vivante dans un petit sac que l'on applique sur la gorge. La chose se pratique exactement de même en Galicie et en Ukraine (3). En Angleterre, on laisse dépasser la tête de la grenouille et l'enfant la tette (4). Souvent on remplace la grenouille où le crapaud par la taupe (à Liège et surtout en France).

Pline conseille de cracher dans la bouche d'une grenouille pour se débarrasser de la toux (5), régime que recommandait Fernel (XVIe s.) et que l'on retrouve encore actuellement en région wallonne (6).

Ce genre de remède est ancien dans le Brabant, puisque Van Helmont signale qu'à son époque on plaçait des crapauds sur le ventre des hydropiques (7).

Les R. P. Bénédictins d'Afflighem (Brabant) conseillent pour guérir les panaris ou les inflammations des ongles, de prendre un ver de terre aussi grand que possible et de l'enrouler sur le mal on l'y liant au moyen d'un linge. On le laisse pendant vingt-quatre heures ou bien jusqu'à ce qu'il

(1) VIRGINIE LOVELING. Volksuitdrukkingen en toegepaste volksgeneeskunde. Volkskunde 1897-1898, p. 101.

(2) VANDEN BOSCH. Op. cité, p. 189.

(3) HOVORKA UND KRONFELD. I, p. 151.

(4) Mrs GUTCH AND MABEL PEACOK. Folklore concerning Lincolnshire, p. 107.

(5) LXXXII, 29.

(6) R. DE WARSAGE. Op. cité, n° 1463.

(7) Ignotus hydrops, 36, p. 415.


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meure, alors « le panaris » sera mort également (1). Ce remède est également connu dans certaines régions de l'Allemagne et en Angleterre ; Paracelse de même que du Porta déclaraient ne pas connaître de meilleur remède. Schrôder (1687) le cite dans sa pharmacopée.

On nous a rapporté de Beerst (Flandre) un remède intéressant pour se débarasser des verrues : on prend une grenouille et frotte sa gueule sur la verrue jusqu'à ce qu'elle bave. La grenouille est donnée à une autre personne, qui doit la prendre. Le malade ne peut pas regarder la grenouille avant qu'elle ne soit complètement desséchée, condition essentielle, car si la curiosité l'emporte, la guérison ne s'opère pas. A Linkebeek, près de Bruxelles, on guérit les verrues en y frottant une limace. Au moyen d'une branche pointue, on fixe celle-ci sur le sol et lorsqu'elle est desséchée, les verrues sont guéries.

Mais souvent on cherche un contact plus étroit entre le corps de l'animal et le corps du patient. On ouvre alors le corps de la bête et on l'applique sur la partie malade. Ceci répond à cette idée que la mort des animaux magiques augmente leur puissance, parce qu'à ce moment toute leur vertu se dégage et devient efficace (2). Les papyrus égyptiens nous ont conservé cette formule : un lézard ouvert,, le lier sur toutes les parties douloureuses et malades ; ensuite cuire le lézard avec de la graisse de porc et bander avec cela (3). Dioscorides disait qu'une souris coupée en deux est utilement placée sur une piqûre de scorpion (4). Le Talmud conseille d'asseoir dans le foetus d'une ânesse blanche, fendu en deux, la personne qui avait été mordue par un serpent (5) Celse préconise contre la morsure du serpent, de couper en deux un poulet vivant et d'appliquer immédiatement sur la plaie l'intérieur encore chaud. Les chairs d'un agneau ou d'un chevreau peuvent donner le même résultat(6)

(1) Benediktus Kalender en Almanak van O. L. V. van Afflighem 1914, p. 11

(2) PREUSZ. Der Ursprung der Religion und Kunst. Globus t. 86, p. 324.

(3) W. WIESZINSKI. Der grosse medizinische Papyrus der Berllner Muséums, p. 54.

(4) H, 74.

(5) KETHUBOTH, 50a cité par Starcke, Le Sang, p. 151.

(6) Medec. Llv. X, 27.


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11 peut être intéressant de noter à ce sujet que couper une poule vivante en deux est une opération magique et que ce procédé était encore signalé dans un grimoire publié à Nismes en 1823. On l'employait, accompagné de diverses incantations, à un carrefour de routes pour faire apparaître

l'esprit du mal ( 1 ). Notons également que la poule et particulièrement le coq, qui fait se lever le soleil, est doué de puissance magique, puisque par son chant il chasse les esprits des ténèbres (2). La poule est d'ailleurs grande destructrice de vers et de vermine qui sont comme nous l'avons vu, la manifestation matérielle des maladies.

(1) ROLLAND. Faune populaire de la France, t. II, p. 101. V. aussi Folklore Brabançon, 2e année p. 92. PELLEGRIN. La noire poule du chemin du diable.

(2) Conception chinoise. Voir à ce sujet DE GROOT. De lijkbezorging der Emay-Chineezen, B. T. L. V. 1892, p. 90.

Scène de magie noire d'après un dessin de Aug. Donnay.


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Le 19 janvier 1577, un arrêt de la cour de Paris condamna une sorcière qui fut brûlée vive. La prétention de cette femme était de guérir certains maux « en fendant un pigeon en deux et en l'appliquant tout chaud sur l'endroit malade » (1). Bodin rappelle une exécution, pour les mêmes motifs, près de Senlis en 1527 (2), la sorcière confessa que c'était Satan qui lui avait appris ce remède. Schroder, au XVIIe siècle, donne le remède comme efficace pour les maux de tête, la mélancolie, la padagre et la phrénésie (3). Au XVIIIe siècle, en Flandre, on l'employait contre la rougeole et la méningite (4), et en France à la même époque, la médecine officielle l'avait adopté, puisque M. L. Lemery, de l'Académie des Sciences le conseillait pour les maladies du cerveau, les fièvres malignes, la phrénésie, la léthargie et le délire (5) et le Docteur Hecquet recommandait l'emploi d'un chat ouvert tout vivant pour guérir le miserere (6).

En nos contrées, la coutume, condamnée au XVIe siècle, se retrouve et c'est encore la poule ou le pigeon qui, le plus souvent, servent de victime expiatoire à de nombreuses maladies. On croit d'ailleurs que le pigeon apporte diverses maladies, notamment la méningite ; aussi, à Bruxelles, pour guérir de ce mal, on applique un pigeon coupé en deux sur la plante des pieds. A Stockel, près de Bruxelles, comme à Woluwe, un jeune pigeon coupé en deux et appliqué sur les mollets guérit le typhus et les convulsions ; sur la nuque, il guérit la méningite ; à Grimbergen, à Nosseghem et à Meerbeek, il guérit le croup. A Crainhem, deux jeunes pigeons coupés en deux et liés autour des pieds, pendant une nuit, emportent le typhus et les convulsions ; à Hauwaert on s'en sert pour le typhus et la pleurésie en l'appliquant sur les pieds, mais on doit couper l'animal vivant au-dessus du ventre du malade ; à Braine-l'Alleud, deux jeunes pigeons appliqués sur le front et sur la nuque guérissent « l'inflammation » dans la tête et l'on récite trois pater et trois ave en l'honneur de saint Jean. A noter qu'en région flamande ces victimes expiatoires sont souvent portées à l'église.

(1) NICOLAY. Histoire des croyances, I, p. 293.

(2) De la Démonomanie, p. 145.

(3) Pharmacopée, 1687, p. 526.

(4) den Troost der Armen. Ypres 1713, p. 53.

(5) Traité des aliments 1705, pp. 290 et 300.

(6) La médecine des pauvres, Paris 1740, I, p. 440.


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A Zellick et Grand-Bigard, une poule noire coupée en deux en commençant par le derrière est appliquée par moitié à la plante de chaque pied pour guérir la méningite ; à Ingoyghem (Flandre), appliqué sur le front, le pigeon guérit les convulsions ; en Wallonie, le pigeon fendu en deux guérit l'hydrocéphalie (1) et les convulsions (2) ; à Nivelles, la pneumonie, et à Tongres, la fièvre (febris putrida) ; en Chine, appliqué sur le dos, il guérit les convulsions ; aux Indes, on s'en sert en cas de congestion cérébrale (3) ; aux îles Egée, la poule découpée est appliquée sur la tête (4).

En Amérique centrale, pour les fièvres, la poule coupée en deux est appliquée sur la poitrine, et pour les crampes intestinales sur le ventre. Le procédé est employé d'ailleurs dans toute l'Amérique latine (5). Chez les Nabaloi de Luçon (Philippines), on place un poulet éventré sur les morsures de serpent (6)'; chez les Annamites, pour communiquer au corps encore inerte du noyé la chaleur qui lui fait défaut, on y applique un canard ouvert tout vif (7) ; en Chine, en cas de fracture, on applique de chaque côté du membre, la moitié d'une poule, coupée vive (8). En France, dans l'Ille-et-Vilaine, (canton du Sel), on coupe un coq en deux et on en enveloppe les jambes des personnes qui ont les pieds enflés par une maladie de coeur (9). Dans le Nord de la France, on guérit le croup en plaçant sur la gorge un pigeon fraîchement coupé en deux ; à Bruxelles, on guérit l'inflammation des mains en les mettant dans les entrailles d'un chat éventré ; à Campenhout, contre les fièvres et la goutte, on met les pieds dans les entrailles d'une bête fraîchement abattue (vache, veau, mouton, cheval etc.) ; à Meerbeek, sur les blessures qui

(1) E. MONSEUR. Op. cité, p. 26.

(2) R. DE WARSAGE, Op. cité, n° 904. — HAROU. Folklore de Godarville, p. 31.

(3) PARAMANANDA MARIADASSON. Moeurs Médicales de l'Inde, p. 99.

(4) PATON. Folk medicine from the Aegean Islands, Folklore 1907, p. 329.

(5) JOSÉ GUILL. SALAZAR. Supersticions etc. Soc. Cint. Antonio Alzate 1914, p. 430.

(6) Moss. Nabaloi law and ritual, p. 234.

(7) Bull, de la S,e des Etudes Indo-chinoises de Saigon 1908, p. 7.

(8) Chronique médicale 1911, p. 185.

(9) ORAIN. Folk-lorede l'Ille-et-Vilaine II, p. 246.


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s'enflamment, on applique un jeune chien coupé en deux ; à Vissenaeken (Tirlemont), on place sur le doigt malade d'un panari, une grenouille éventrée et on enveloppe soigneusement le tout ; à Hauwaert et à Everberg, on enfonce le doigt malade dans le corps de la grenouille vivante ; les Slovaques font de même, mais prennent une taupe éventrée. Ce sont peut-être les Boers d'Afrique qui avaient donné à ce remède le plus d'ampleur. Dès qu'un enfant était malade, ils l'enfermaient complètement dans le corps ouvert d'une chèvre en ne laissant dépasser que la tête de l'enfant(1). Cependant Bernard le provincial, de l'école de Salerne, conseillait de placer certains malades dans le ventre d'un cheval ou d'un taureau récemment tué (2).

Un autre remède du même genre est en usage à Bruxelles, pour la guérison des verrues : on écorche un crapaud, on le coupe en deux et on l'applique sur les verrues ; quand le crapaud est pourri les verrues ont disparu.

En région wallonne (3), de même qu'à Bruxelles et aux environs, on fait mordre la verrue par une grande sauterelle verte.

Quelquefois la transmission ne se fait pas directement mais par intermédiaire. Tel l'exemple donné par Alexandre de Tralles ; il s'agit d'un remède contre la fièvre quarte, remède recommandable et (fréquemment expérimenté. On prend un lézard vert et on le fait porter par le malade ; on coupe au malade les ongles des pieds et des mains ; on met ces débris dans un drap rouge et on les pend au cou du malade ; puis on attache de nouveau le lézard et on le laisse s'enfuir, à l'endroit où il fut pris d'abord. Les ongles comme les cheveux, d'après les traditions primitives, expriment les éléments les plus vivants des êtres et c'est pour cela sans doute qu'ils servent d'agents de transmission de la maladie au lézard. L'ancienne médecine française connaissait maintes pratiques du même genre : contre la fièvre quarte, mettre du pain chaud sous les aisselles, le donner à manger à un chien, le malade est guéri et le chien prend la maladie ;

(1) Gomme and Peacock Boer folk^ Medlcine Folklore 1902, p. 181.

(2) DAREMBERG. L'école de,:Sa|ern'e. ^nlrod. p. 38.

(3) Péri Puretôn, ch. VIl/;v': ''%-,\


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contre la jaunisse, faire un gâteau de farine pétrie dans l'urine du malade et le donner à un chat, celui-ci prend le mal ; et d'autres encore (1).

En région flamande du pays, on frotte les verrues avec la terre d'une taupinière (2), sans doute pour les transmettre aux taupes bien qu'une ancienne formulette brabançonne dise que par ce moyen on les passe aux morts sous terre, (v. p. 87). A Liège, contre la fièvre lente des enfants, on prend de la joubarbe, on en fait une pâte, on y mêle des cloportes vivants et on fait du tout des compresses que l'on met sur les poignets. La joubarbe ici sert d'intermédiaire.

Une amulette d'un emploi général dans notre pays, tant en région flamande que wallonne, ce sont les quatre pattes d'une taupe, souvent arrachées à l'animal vivant. Ces pattes prennent le mal et par sympathie le transmettent à l'animal mourant ou mort (en France et en Allemagne, on ne porte généralement qu'une patte). A Eppeghem (Brabant), le chapelet formé des pattes coupées à une taupe vivante facilite la première dentition des enfants, procédé qui se pratique de la même manière en Autriche (3) et àMarseille (4). La taupe a d'ailleurs joué un grand rôle dans la magie ; on alla jusqu'à prétendre que celui qui avalait un coeur de taupe, battant encore, avait le don de prophétie (5). Rappelons que les Thraces prenaient des alouettes, leur enlevaient le coeur lorsqu'elles vivaient encore, et en faisaient une amulette qu'ils portaient à la cuisse gauche. C'était un remède contre les coliques (6). De même en Grèce décadente, pour soulager les douleurs des articulations, on attachait au malade des osselets de lièvre, mais celui-ci devait rester en vie (7).

Pline recommandait contre la fièvre quarte, et l'usage a subsisté durant tout le moyen-âge, de prendre une grenouille ou un crapaud, auxquels on a enlevé les ongles et de les faire porter par le malade.

(1) Paris médical 1911-1912, t. II, p. 849. — CARDAN. De Rerum Varietate.

(2) PERBER. Volk en Taal, 4e année, p. 80.

(3) HOVORKA UND KRONFELD. Vergl. Volksmedizin I, p. 292.

(4) RÉGIS DE LA COLOMBIÈRE. Cris popul. de Marseille, p. 268.

(5) HORST. Zauberbibliothek IV, p. 25.

(6) ALEXANDRE DE TRALLES. LVIII, ch. 2.

(7) ALEXANDRE DE TRALLES, LXII.


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La cruauté de certains de ces remèdes nous révolte à juste titre, mais dans la conception magique, les souffrances mêmes que l'animal avait endurées étaient un facteur de l'efficacité du procédé.

c) à des animaux morts ou à de la chair.

En Egypte ancienne, pour guérir les morsures de crocodile, de cochon ou d'homme et, en général, toutes les blessures, on liait sur les parties du corps, de la viande fraîche (1). Ce procédé est encore utilisé de nos jours à Bruxelles où l'on applique une tranche de viande fraîche sur les contusions ; à Bruxelles encore, de même qu'en Bretagne, on met une tranche de veau non cuite sur le compère-loriot (2), procédé qui était en vogue en Egypte (3) et qui se retrouve chez les Boers d'Afrique pour les cas de conjonctivite (4). A Linden, près de Louvain, le procédé est plus spécialisé : on prend un morceau de chair du cou d'un boeuf, partie considérée comme vitale, on le met dans un pot avec du beurre non salé, et on enfouit le tout pendant quelque temps sous une motte de terre, le pot étant bien bouché. Ce remède sert pour les plaies qui pourraient s'enflammer ; à Thollembeek, on met sur un doigt malade une tranche de foie de porc. Les Polonais ont conservé une interprétation très primitive de cet usage : si la plaie dure, c'est, disent-ils qu'il s'y est formé un insecte analogue au hanneton. II est invisible et pourtant il existe. Pour qu'il ne ronge pas la chair du malade il faut tenir toujours près de la plaie, de la chair fraîche (5).

En Chaldée, l'animal, porc ou agneau, quand il était tué, était placé près du corps du patient comme un substitut dans lequel l'influence démoniaque pouvait être absorbée (6).

(1) PAPYRUS EBERS. Pap. Hearst pp. 129 et 130. BREASTED. The Edwin Smith Pap. p. 460.

(2) ORAIN. Folk-lore de l'Ille-et-Vilaine II, p. 258.

(3) PAPYRUS EBERS, 64, 9.

(4) GOMME AND PEACOCK. Boer folk medicine Folklore 1902, p. 72.

(5) DE SMIQRODZKI. La Folklore polonais. La Tradition 1891, p. 196.

(6) THOMPSON. The devils and evils spirits XXXII.


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En Grèce, à l'époque homérique, il semble y avoir eu peu de superstitions au sujet de la médecine ; cependant il était de coutume que la personne malade, ou son substitut, après ablution, prière et sacrifice, dorme sur la peau de l'animal sacrifié pendant qu'on accomplissait les rites.

L'usage de remplacer la bête elle-même par sa peau, que l'on applique au malade, perdura. Lucien de Samosate, dans le Menteur, relate le procédé suivant, qui sans doute était courant à son époque : contre la goutte aux pieds, on enlève de terre, avec la main gauche, la dent d'une belette, on la lie dans une peau de lion nouvellement écorché, on l'attache autour de la jambe et la douleur s'apaise sur le champ ; d'autres, ajoute l'auteur, disent une peau de biche vierge, la biche étant un animal léger. Ceci exprime une autre théorie : la transmission à l'homme des qualités de la bête.

Oribase reste dans la tradition : la peau d'une brebis récemment écorchée placée sur les parties lésées, guérit mieux qu'aucun autre remède, dans l'espace d'un jour et d'une nuit, les gens qui ont été fouettés (1).

Un ancien écrivain flamand recommande, contre l'épilepsie, de prendre une peau de loup et d'en ceindre le malade. Celui-ci ne tombera pas aussi longtemps qu'il en sera porteur (2).

On Ht dans la notice publiée par M. J. A. Le Roi (Mémoires de la Société des Sciences morales de Seine et Oise — T. 1) les enseignements suivants au sujet de l'accouchement de la Dauphine Anne Marie Victoire de Bavière, qui épousa,en 1680, le Dauphin, fils de Louis XIV (naissance du Duc de Bourgogne) :

« Le ventre était un peu sensible. Clément (l'accoucheur) se servit, pour prévenir l'inflammation de cette partie, d'un singulier moyen, auquel il renonça cependant pour les autres accouchements de la Dauphine quoi-qu'ils aient été aussi laborieux. Il fit appliquer la peau encore chaude d'un mouton noir nouvellement écorché. Pour cela, on avait fait venir un boucher qui écorcha le mouton dans une pièce

(1) SYNOPSIS. VII, 45.

(2) J. WILLEMS. Brokken uit een oud geneesboek der XIVe eeuw. Belgisch Muséum, t. VI., p. 105.


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voisine. Le bouchei, voulant ne pas laisser refroidir la peau s'empressa d'entrer dans la chambre de la princesse, ayant cette peau ployée dans son tablier, et laissa la porte ouverte ; de sorte que le mouton écorché et tout sanglant le suivit et entra jusqu'auprès du lit, ce qui fit une peur effroyable à toutes les dames présentes à ce spectacle ». (1)

Anciennement en France, on couvrait le ventre de l'accouchée avec la peau toute chaude d'un mouton noir ou d'un lièvre (2). Les Hottentots et les Herreros de l'Afrique du Sud, pour les maladies internes, s'enveloppent de la peau fraîche d'une chèvre, les poils en dehors (3).

A Bruxelles, on écorché un crapaud et on en met la peau sur les verrues ; à Waremme, sur les engelures, on met la peau saignante d'une souris.

D'autres parties de l'animal ont servi à capter le mal. Alexandre de Tralles attribue à Straton et Moschion le remède que voici contre l'épilepsie : porter le front d'un âne. Dans le Nord de la France, on met des cataplasmes d'araignées sur les tumeurs. En Wallonie, on applique les arêtes d'un hareng sur les foulures, ou bien on met le pied dans les intestins d'une vache qui vient d'être assommée, ou bien encore, on porte un paquet contenant la cendre d'un crapaud calciné pour se préserver d'une déchirure de la vessie ; à Bruxelles, on met sur l'entorse, un hareng saure éventré, après avoir écrasé la laitance à l'intérieur.

M. Vanden Bosch, dont précédemment nous avons déjà traduit une anecdote, nous dit tenir d'un ami respectable, prêtre à Haelen, le fait suivant qui se serait passé en cet endroit : Pendant une épidémie de fièvre maligne, une seule maison fut épargnée. Dans une des rues du village, deux maisons avaient leurs portes contiguës, dans l'une il y eut sept morts, dans l'autre aucun. Un jour, le chapelain en sortant de la maison où la mort avait fait tant de victimes, vit que devant la fenêtre de la maison préservée pendaient à un fil deux crapauds morts et desséchés. Intrigué, il entra

(1) Cité par le Dr. WITKOWSKI, dans ses « Accouchements à la Cour » Paris.-Steinheil, s. d. p. 210.

(2) FRANKLIN. Vie privée d'autrefois, t. XIV, p. 103.

(3) Dr LUBBERT. Mitteilungen aus den deutschen Schutzgebieten, XIV, p. 78.


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et demanda la raison de cette pratique. La femme lui répondit que si, dans toutes les maisons on avait suspendu un ou deux crapauds, elles auraient été préservées de la fièvre. Elle ajouta que c'était là une coutume qui s'était transmise dans sa famille et que celle-ci n'avait jamais été atteinte de maladie contagieuse. Et le chapelain à son grand étonnenement reconnut la vérité de la chose (1). On pourrait peutêtre encore comprendre l'idée par le fait que le crapaud est une des incarnations favorites des sorciers et que la vue des crapauds morts les effraye.

Cardan écrivait que : « si l'on coupe les pieds d'un grand crapaud encore vivant, lorsque la Lune vuide se hâte à la conjonction, et pendu au col de celuy qui a les écrouelles, servent tellement que souvent ils délivrent le patient de la maladie » (2).

Dans le Luxembourg belge, on met en poche une queue de renard comme préventif contre les rhumatismes ; à Bruxelles, contre la fièvre typhoïde, on met sur les poignets des pattes de salamandre cousues dans un sachet.

Parmi les animaux morts, on choisit bien souvent de préférence ceux qui avaient occasionné le mal. La relation semblait se maintenir, l'être qui avait le mal en lui étant en vie, devait plus aisément l'enlever après sa mort.

Anciennement, cette idée trouva son application pour la guérison des piqûres de scorpion. Celse dit à ce sujet que l'animal lui-même devient le meilleur remède. Les uns l'écrasent dans du vin et le font prendre en boisson, d'autres emploient comme topique la même préparation, d'autres encore le mettent sur la braise et dirigent la fumée vers la partie malade, laquelle est enveloppée de manière à condenser la vapeur, puis, quand l'animal est réduit en charbon, ils l'assujétissent sur la plaie (3).

Andromachos de Crête, du temps de Néron, affirmait que le meilleur antidote contre la morsure du serpent était la chair séchée des serpents venimeux (4) et Columelles,

(1) VANDEN BOSCH. Handboek voor lijdenden, pp. 192-193. V. vertus des crapauds desséchés dans LEMERY. Traité des drogues simples, p. 82.

(2) WECKER. Des Secrets de la nature, p. 150.

(3) CELSE. V, 4.

(4) MEYER. Geschichte der Botanik, II, p. 41.


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contre les morsures de musaraigne, prenait le corps de ces animaux macéré dans de l'huile, puis pilé et l'appliquait sur la plaie (1). Les animaux venimeux passaient pour avoir en leur corps un antidote contre leur propre • venin et on en concluait que cet antidote préservait de même contre d'autres poisons, d'où l'emploi des vipères dans la thériaque, remède célèbre au Moyen-Age.

Jean Pitard, au XIVe siècle, dit que pour « pointure de scorpion quand il vous essera mors et le tribler dessus la pointure et mieux vouderait sil estoient en huile d'olive ».

Aux Indes, la thérapeutique Humania conseillait l'application d'un scorpion écrasé à l'endroit de la piqûre d'un scorpion (2).

Au XVIIIe siècle, Lemery conseillait en cas de morsure de serpent d'appliquer la tête écrasée de la bête sur la plaie aussitôt qu'on le peut, de faire prendre au malade du sel de vipère ou de la thériaque par la bouche, et de lui faire manger le coeur et le foie du serpent. Si la morsure est d'une vipère, il est important de prendre la tête de la bête même qui a mordu. Lemery préparait diverses huiles de scorpion, suivant en partie les prescriptions de Matthiole et de la Pharmacopée royale (3).

En Cornouailles, on croit qu'appliquer le corps d'un serpent mort sur la plaie qu'il a causée est un remède infaillible (4).

En Bretagne, lorsqu'on a été mordu par une vipère, si l'on peut s'emparer de la bête et lui écraser la tête sur la morsure qu'elle a faite, la guérison s'opère aussitôt (5). Les Barangas du Sud de l'Afrique et les Soudanais font de même mais ils réduisent la tête du serpent en cendres (6). Les Atchinois appliquent sur la plaie la cervelle du serpent et les Javanais l'extrémité de la queue (7).

(1) de re rustica, 1. VI, 17.

(2) Dr PARAMANDRA MARIADASSOU. Moeurs médicales de l'Inde, p. 142,

(3) Dictionnaire des drogues simples 1727. pp. 504-572 — 630 et suiv.

(4) BRANDKS. Popular antiquities, III, p. 270.

(5) Folklore de l'Ille-et-Vilaine II, p. 269 SÉBILLOT. Folk-lore, p, 166.

(6) JUNED. Les Barongas, p. 370. Chronique médicale 1911, p. 566.

(7) KREEMAN. Volksheelkunde in de indische Archipel, BTLV. 1915 p. 71.


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Parmi les tribus du S. O. de l'Amérique du Nord, la morsure du serpent est souvent traitée par application sur la blessure de la partie ventrale du corps de ce serpent (1). Les Herreros de l'Afrique du Sud préparent un médicament au moyen des glandes séchées de serpents venimeux, ou bien ils mettent dans la plaie un petit morceau de la chair de l'animal qui a occasionné la blessure. Les Chinois et les Mongols mangent la rate du chien qui les a mordus.

A Bruxelles, on administre comme vermifuge des vers de terre, cuits sur une pelle rougie au feu, ou ce qui vaut mieux encore, le premier ver expulsé donné cru entre deux tranches de pain (2). Le remède est ancien d'ailleurs (3). Souvent le poil de la bête suffit, le poil, comme les cheveux, étant considéré comme une des parties les plus vivantes de l'être, il sert aussi de substitut. C'est ainsi qu'à Braine-l'Alleud quand une vache ne se laisse pas saillir on fait bénir une touffe.de ses poils.

Dans l'Edda (Loddfafnirs-Lied) déjà, on lit que le poil du chien guérit la morsure du chien. La tradition subsista durant le Moyen-âge ; elle survit dans l'oeuvre du Dr Monnier au XVIIe siècle (4) et on la retrouve en Allemagne et même en Chine, en Birmanie et en Malaisie. A Sprimont (Ardenne) (5), comme à Zellick, à Meerbeek, à Vissenaeken et à Diest, on rencontre cette coutume encore exactement conservée.

En Wallonie, on a étendu la conception à la morsure du rat (6), ce qui se retrouve également à Diest.

Les parties des animaux correspondantes aux organes malades ont assez naturellement la préférence, l'action par analogie étant déjà établie.

En Egypte, souvent les maladies des organes humains étaient guéries par l'usage des mêmes parties d'animaux, dit M. Wreszinski (7).

(1) FR. WEBB. HODGE. Handbook of american Indians, I, p. 586.

(2) D. L. DE KEYSER. Bruxelles médical 2-9br» 1922.

(3) J. J. WECKER. Les secrets de la nature 1696, p. 147.

(4) Le cabinet secret des grands préservatifs 1666, p. 25.

(5) R. DE WARSAGE. op. cit. n° 1504.

(6) E. MONSEUR. op. cit. p. 16.

(7) Der londoner medlzinische Papyrus p. 173.


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Elien recommande les yeux de poisson contre les maladies d'yeux (1).

Alexandre de Tralles en relate plusieurs, le suivant est particulièrement détaillé et mérite d'être lu. L'auteur le donne comme un moyen merveilleux pour guérir les rhumatismes, moyen que l'expérience aurait confirmé : On prend un caméléon et on lui coupe les pattes ou bien les extrémités des doigts ou des genoux. On conserve surtout celles du côté droit, mais on garde aussi séparément celles des pattes gauches. Alors on égratigne avec les griffes du caméléon deux doigts de la main droite, notamment le pouce et l'annulaire, de même on blesse aussi à la main gauche le 2e doigt avec les griffes de l'animal. Alors, on mouille avec le sang du doigt de la main droite les extrémités droites du caméléon et avec le sang de la main gauche les extrémités gauches de l'animal. Les membres coupés du caméléon sont enfermés dans des capsules et sont portés par le malade en plaçant les extrémités droites de l'animal au pied droit, les gauches au pied gauche, jusqu'à la guérison. Quand on lui a coupé les membres, on enveloppe le caméléon, vivant encore, dans un morceau de toile et on l'enterre vers le lever du soleil. Si le malade souffre aussi des mains, on les frotte également avec ce remède qui est enfermé dans les capsules, et les mains seront guéries, mais ceci ne peut se pratiquer que par lune décroissante (2).

d) à des objets inanimés.

Quelques remèdes bruxellois qui rentrent dans cette catégorie :

Mettre des baies de genévrier dans l'oreiller pour éviter les maux de tête et les migraines.

Avoir en poche des pommes de terre contre les rhumatismes et la goutte (en Hollande, on considère le remède comme particulièrement efficace si la pomme de terre a été volée) (3).

(1) Not. An. XXIV, 15.

(2) Liv. XII.

(3) H. W. HEUVEL. Volksgeloof en Volksleven, p. 171.


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Un marron fait le même effet, tant dans le Brabant qu'à Liège. A Bruxelles et à Crainhem, le même remède préserve des maux de dents. Une personne de Diest recommandait de porter sur soi une pomme de terre pour guérir les inflammations de l'anus (froyon-flikkerf) ; à Meerbeek et à Woluwe, le marron préserve des maux de dents, mais il doit avoir été donné dans cette intention. A Zonhoven (Campine) on préfère la noix de muscade mâle (c. à. d. allongée). Celle-ci attire à elle et absorbe la maladie — ulcères et inflammations — et devient alors toute noire.

Appliquer sur les verrues la moitié d'un oignon et enterrer l'autre moitié ; quand celle-ci est pourrie les verrues sont guéries.

A Tirlemont, à Anderlecht et à Lennick-S^Quentin, la prescription est un peu plus complexe : on coupe l'oignon en croix, on le trempe dans le sel, on le frotte sur les vervues, on fait un signe de Croix avec l'oignon et puis on l'enterre. A Chimay par contre, la recette est des plus simples : on enterre un demi-oignon dans son jardin et cela suffit (1) ; à Hamme près de Termonde, l'oignon est remplacé par une pomme. A Termonde même, la pomme sert de remède pour les maux de dents. Il faut qu'on l'ait reçue ; on la coupe en deux, on mange une moitié et on jette l'autre dans le W. C. A Louvain et à Diest (comme à Paris), le remède par l'oignon a pris l'aspect d'une action plus directe : on met du sel dans un trou pratiqué dans l'oignon et, chaque jour, on met sur les verrues le jus ainsi obtenu. Ce remède est ancien dans nos contrées. Rappelons à ce sujet que le sel a été un ennemi des esprits mauvais, d'où sa valeur curative. A Louvain encore, comme d'ailleurs en diverses autres localités du Brabant, pour guérir les maux de gorge on met un morceau de lard sur le cou et on l'enterre ensuite. A Godarville, on se sert du lard pour guérir les verrues et naturellement on l'enterre ; là également, un os rendra le même service que le lard (2) ; à Hannut, on frotte sur les verrues un poireau que l'on jette ensuite dans le ruisseau.

En Chaldée, on détruisait les oignons, les dattes, les fleurs qui étaient censées renfermer la maladie, la fièvre, le

(1) R. DE WARSAGE. op. cit. n° 855.

(2) HAROU. Le Folklore de Godarville, p. 36.


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charme, le démon « Frisson », la sorcellerie et ses mauvaises pratiques (1).

Pline donnait le remède suivant contre les furoncles : Prenez neuf grains d'orge et de la main gauche cernez trois fois un furoncle avec chaque grain, puis jetez-les tous dans le feu et le furoncle se trouve, dit-on, aussitôt guéri (2). Ailleurs, il conseille pour guérir les verrues de les toucher avec de petites pierres, celles-ci s'identifient avec celles-là, on jette les pierres et les verrues sont guéries (3). Ce conseil est encore actuellement suivi en Angleterre et en France (4). Dans la Campine, on touche les verrues avec un petit pois que l'on donne à manger à une poule qui hérite du mal (5). Cette idée qu'une vertu, mauvaise ou bonne, peut être incluse dans un objet matériel et surtout dans une plante répond bien à la conception générale du Moyen-Age. Citons ce fait rapporté par saint Bernard que saint Malachie pour guérir une femme qui avait une perte de sang lui envoya trois pommes sur lesquelles il avait invoqué le nom du Seigneur, et qui effectivement guérirent la malade (6). J. J. Wecker, citant Mizauld, rappelle cette coutume : « si on met auprès d'un enfant fébricitant, qui allaicte encores pendant qu'il dort des concombres de pareille longueur, comme s'ils dormaient avec luy, il sera incontinent guéri : car toute la chaleur de la fièvre sort d'iceux » (7).

Paracelse disait qu'on transplante les maux de dents dans un saule, un noisetier ou un autre arbre de cette façon : après avoir enlevé un peu d'écorce, on coupe un morceau de bois, ou on pique la gencive jusqu'au sang, puis on met ledit morceau taché de sang à sa place dans d'arbre, et on le couvre d'écorce (8). Ceci est certainement repris à la tradition populaire, puisque le parallèle existe pour la guérison des verrues. C'est ainsi qu'à Bar-le-Duc (enclave Belge en Hollande) pour guérir les verrues, on les pique jusCi)

jusCi) Etude sur les religions sémitiques, p. 228.

(2) L.XX1I, 45.

(3) PLINE XXII, p. 149. — MARCELLUS XXXIV, p. 102.

(4) SAINTYVES. La guérison des verrues, pp. 8 et suiv.

(5) CORNELISSEN. Ons volksleven 1896, p. 79.

(6) Vie de saint Malachie, ch. XXII.

(7) J. J. WECKER. Les secrets de la nature, p. 131.

(8) L. DUREY. Etude sur l'oeuvre de Paracelse, p. 141.


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qu'au sang au moyen d'une aiguille, on enfonce ensuite l'aiguille dans un pois sec, on enterre celui-ci et lorsqu'il est pourri la verrue a disparu. Le procédé s'emploie avec quelques variantes en France, en Autriche, en Angleterre et en Ecosse (1).

LE SANG.

Le sang est le principe de la vie, l'âme y est contenue (certains philosophes juifs disent, conformément à la Bible, que le sang est l'âme) (2) et par là on croit qu'il peut rendre magiquement la vie à ce qui l'a perdue, et la santé aux malades.

Les Dagoks de Bornéo croient même que des morts peuvent être ressuscites en les frottant de sang et la même idée se retrouve chez les Australiens (3).

Voici un bel exemple de thérapeutique populaire qui était en usage aux environs d'Aerschot, il y a quelque trente ans :

Les gens de l'endroit croyaient que l'érysipèle ne pouvait être guéri par les médecins et, seuls, quelques guérisseurs avaient la réputation de pouvoir faire disparaître cette affection. Voici comment ils procédaient : au mois de mai, on prenait une taupe au moyen d'une bêche ou d'un râteau, la taupe devait être un mâle et, blessée, elle devait être tenue en main jusqu'à ce qu'elle meure.

La personne qui recevait le sang de la taupe sur la main nue perdait la propriété de guérir l'érysipèle dès qu'elle touchait un cadavre (4); aussi, pour éviter cela, on se munissait d'un morceau de toile pour recueillir le sang. De cette

(1) FRAZER. Le Bouc émissaire. Trad. fr., p. 42.

(2) SAADIA. De l'âme (X« s.) ch. VI. Léo XVII, lia! Deut. XII, 23. Genèse IX, 4, 5.

(3) A. C. KRUYT. Het animisme in den Indischen Archipel, p. 58. SPENCER AND GILLEN. Native tribes of central Australia, p. 464. HOWITT. Native tribes of South East Australia, p. 380.

(4) Chez les Grecs, la mort ou la naissance étaient supposées souiller les temples et l'adorateur ne pouvait venir en contact avec les morts (Hérodote 164. — Thucydide III104). La présence d'un cadavre souillait même l'eau et le feu (Plutarque Quaest. Gr. 24). Chez les anciens Juifs comme chez les Perses un cadavre était appelé le père des pères de


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manière la faculté subsistait. Pour guérir le mal, la personne qui avait pris la taupe frottait la partie malade avec le morceau de toile pendant qu'elle récitait une prière à voix basse. On ajoute que la durée de la guérison après l'opération équivalait à celle qui avait précédé l'application du remède (ceci est le mode d'action de beaucoup de remèdes).

A Anderlecht, l'idée s'est simplifiée : on doit prendre une taupe au mois de juillet, la tenir en main jusqu'à ce qu'elle meure. Alors on a le pouvoir de guérir l'érysipèle en passant la main sur le mal ; à Boortmeerbeek, un ancien guérisseur se chauffait les mains avant d'opérer et il faisait paraît-il des cures merveilleusement rapides. La même croyance est répandue en Allemagne et en France où l'on emploie cette expression : « la main est taupée et peut guérir certaines maladies » (1) ; au Tyrol, la main taupée guérit les ulcères cancéreux et le sang de la taupe guérit les paralysies (2).

La croyance en l'efficacité du procédé est ancienne. Nous la trouvons indiquée comme opinion vulgaire dans la pharmacopée de Schroder (3).

Le Dr De Keyser cite une autre opinion qui règne chez nous et qui semble du même ordre : il suffit de serrer une dent douloureuse entre dix doigts ayant écrasé une « bête à bon Dieu » pour qu'aussitôt toute douleur cesse (4) ; à Sterrebeek et à Overyssche, contre l'érysipèle, au lieu d'une taupe, on laisse mourir un crapaud dans la main ; à Crainhem, on applique le sang de la taupe directement sur

l'impureté (VANDER HORST. La vie familiale juive, p. 85. Nombres XIX, 11-12. Levit XXI, 1,11. Vendidad VII, 2, 14, 30 etc). Anciennement, au Japon, l'impureté résultant du contact avec un mort était très redoutée. (KNOBLOCK. Begrabnissgebrâuche der Shintoisten Mithl-deutchen Gesellschaft 1874, p. 39). En Arabie, c'était une souillure d'avoir touché un cadavre. (MULLER. Sudarabische Altertumer). Dans le Brabant (Lebbeke), on enlève les semences d'une maison où il y a un mort. La même coutume existait à Etterbeek, à Auderghem et actuellement encore dans le Hainaut et en Allemagne.

(1) PLUQUET. Contes popul. de Bayeux, p. 43.

(2) DIRLEZ. Z. V. V. 1898, p. 41.

(3) Cologne 1687, p. 620.

(4) Bruxelles Médical, 16-9bre-1922.


llfjles parties atteintes par l'érysipèle ; en Campine, au contraire, le sang de taupe frotté autour de l'index guérit les maux de dents (1).

L'usage du sang de la taupe est signalé à Janzé (Bretagne) (2) et en Chine (3) et celui du sang de chat en Irlande (4). Aux îles Hébrides, c'est le sang d'un jeune rat qui n'a pas encore de poils qui remplit le même office. A noter qu'ici, comme dans le Brabant, il s'agit de guérir l'érysipèle et que la vertu perdure toute la vie du guérisseur (5).

A Lebbeke, le sang de taupe doit être recueilli au mois de mai et le linge est censé guérir l'érysipèle par simple contact. Il conserve sa vertu pendant des années. A Hauwaert, la taupe doit être tuée au mois de mai au moyen d'un objet de fer frappé sur le museau. Le sang doit être recueilli dans le creux de la main droite. Avec le médius de la même main on fait une croix, dans le sang en s'aidant de la main gauche. On verse le sang et on laisse se sécher la main. Si quelqu'un souffre de l'érysipèle, on fait de la main droite un signe de croix sur la partie malade. Certaines personnes se bornent également à recueillir le sang sur un morceau de toile. Cela vaut jusqu'au mois de mai suivant. A Londerzeel et Nieuwenrode, il faut employer de la toile bleue et le malade ne peut jamais passer près d'un bois de sapin, ce bois amène le mal.

A Malines, on croit que le fait d'avoir la main taupée permet de guérir l'érysipèle et les foulures. Celui qui se rend chez le guérisseur emporte un morceau de toile sur lequel le guérisseur prie. Ce morceau de toile se conserve en poche et est utilisé chaque fois que l'on ressent des douleurs.

En Wallonie, c'est le sang de la crête de coq qui est en honneur : pour hâter la dentition, on en frotte les gencives

(1) PANKEN. Volksleven 1898, p. 199.

(2) ORAIN. Op. cité. II, p. 267.

(3) Missions en Chine et au Congo 1899, p. 339.

(4) WESTROFF. Folklore of the coasts of Connaught. Folk-lore 1921, p. 107.

(5) GOODRICH FREER. More folklore fromt he Hébrides. Folklore 1902, p. 56.


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de l'enfant (1) et au XIIIe-XIVe siècle, un auteur conseillait « pour lentilles outer, prenez sanc de lièvre, si les en oignez, si s'en iront » (2).

En Egypte, on employait le sang du lézard, de la chauve-souris, ou même de la punaise, enfin toute espèce de sang, contre certains maux d'yeux (3).

L'époque classique faisait un assez grand emploi du sang pour la guérison des maladies. Esculape notamment se servait du sang de la Gorgone pour guérir. Mais il est à remarquer que c'était une antique croyance que le sang était le moyen par excellence de purification (4) et il est à supposer que le sang du sacrifice avait une action plus puissante.

Les excavations de Cavvadias, à Epidaure, ont livré des exemples de cures au moyen de sang : un soldat nommé Valerius Apes, mêla du sang d'un coq blanc avec du miel pour en faire un onguent qu'il devait s'appliquer sur les yeux, trois jours durant (5).

Pline dit que le sang de l'éléphant mâle guérit tous les rhumatismes, il est également bon dans la consomption(6). Dioscoride employait du sang de grenouille et aussi, comme les Egyptiens, du sang de chauve-souris et de punaise (7) ; le premier de ces deux remèdes se retrouve dans les préceptes de l'Ecole de Salerne (8). Le Talmud préconise l'emploi du sang des animaux, notamment le sang du coq de bruyère, contre les maux d'yeux, le sang d'âne contre la jaunisse et le sang de chauve-souris contre divers maux (9).

Alexandre de Tralles affirme que quand un épileptique est tombé à terre, qu'on lui prend au grand orteil un peu de sang et qu'on lui en frotte les lèvres, il se lève

(1) R. DE WARSAGE. Op. cité, n° 1313.

(2) P. MEYER et CH. JORET. Recettes médicales en français. Romania 1889, p. 573.

(3) PAPYRUS EBERS 53 (11 et 14).

(4) STENGEL. Opferbrauche der Griecken, p. 30.

(5) G. BARTON CUTTON. Three thousand years of mental healing, p. 32.

(6) L. XXVIII, 24.

(7) Rec. Mat. Mid. I, 52.

(8) Collectio Salernitana IV, p. 28.

(9) SABBATH 78a-110b.


îii

bientôt (1). Jérôme de Monteux, médecin du roi Henri II de France, préconisait des frictions de sang de renard pour rompre la pierre aux reins et à la vessie (2).

Le sang exerce la même action quand on l'utilise comme remède interne.

En Egypte, on prenait du sang de boeuf contre la constipation (3). Alexandre de Tralles dit avoir appris du thrace Marsinus ce moyen contre l'épilepsie : on prend d'un combattant tué ou d'un condamné à mort exécuté un morceau de drap taché de sang, on le brûle, on mélange les cendres de l'étoffe au vin du malade ; après sept doses celui-ci sera guéri (4). Celse dit de même que quelques épileptiques se sont guéris de leur affreuse maladie, en buvant le sang d'un gladiateur récemment égorgé (5). Arête dit avoir vu se pratiquer cette coutume (6).

Le préjugé barbare est resté, au moins en ce qui concerne le condamné à mort. Le fait s'est produit en Suède et en Allemagne au XIXe siècle (7) et l'on croit en Allemagne que quelques gouttes de sang d'un condamné guérissent les maladies les plus graves (8). En Chine, du pain trempé dans le sang d'un criminel est recommandé contre les vomissements ainsi que pour guérir les poitrinaires, et anciennement dans certaines régions du Pérou, les femmes se frottaient le bout des seins du sang des suppliciés de marque, afin de le faire sucer à leurs enfants (9). Notons, à ce propos, que dans l'usage des pigeons éventrés, à Bruxelles, l'animal doit être appliqué tout saignant, parce que, dit-on, c'est le sang qui agit ou plutôt qui sert d'intermédiaire et l'idée est plus

(1) L. I. ch. 15.

(2) FRANKLIN. Op. cit. t. IX, p. 109.

(3) PAPYRUS HEARST, p. 67.

(4) PAPYRUS HEARST, p. 67.

(5) III. 23. Pline XXVIII, I. 2. Tertullien. Apologetieum IX.

(6) Dr H. MAGNUS. Sechs Jahrtausende im Dienst des Auskulaps, p. 48.

(7) V. égal 1 ANDERSEN. Autobiographie. BUCK. Medicinischer Volksglauben aus Schwaben, p. 44. LEMMERT. Volksmedizin in Bayern, p. 271. STRACK. Le Sang, p. 37.

(8) URICH JAHN. Zeitschrift fur Ethnologie 1888, p. 134. F. MOST. Sympathetische Mittel, p. 150. STRACK. Le sang, p. 36.

(9) GARCILASO DE LA VEGA. Commentaire royal, L, I, chap. 11.


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explicite encore dans la façon d'opérer des Bori (Haoussa du N. et de l'E. de l'Afrique). Chez eux, quand on soupçonne que quelqu'un a été empoisonné, on coupe une grenouille en deux, longitudinalement, et on frotte le sang sur la poitrine. Si l'opération est faite en temps voulu, le malade est sauvé (1). Le sang est porteur de la puissance magique de l'animal et c'est elle qui guérit. Cette vertu est d'autant plus grande que l'être qui donne son sang était encore plein de vie.

Aux frontières du Brabant et du Hainaut, pour guérir les rhumatismes et la paralysie, on fait couler sur le membre malade le sang d'un animal qu'on vient de tuer. A Linden et en maints autres endroits, on se sert du sang de lièvre recueilli sur un linge très propre et pris ensuite en décoction, contre les hémorragies des femmes en couches(2). A Bruxelles, on vend dans une pharmacie du sang de la « femelle de lièvre » (hasei qui vient de mettre bas, pour guérir l'hémorragie provoquée par la tuberculose. Il est pris sur un linge que l'on fait bouillir dans du lait. Celui-ci doit être bu par le malade. A Liège et dans la Hesbaye, on préconise le même remède, mais la hase doit être en chaleur et le linge doit être de toile bleue ; au lieu de lait on laisse, tremper le linge dans du vin rouge (3). L'emploi en médecine du sang de lièvre est très ancien et le baron Sloet donne une recette du XIIe siècle où il intervient (4). Rappelons que le lièvre servit de totem à maints peuples et probablement aux Celtes (5) et que le sang a toujours eu une valeur magique. C'est ainsi que dans le Mecklembourg, le sang d'un mulet vivant chasse tous les sorts (6) et que l'onguent des sorcières était surtout fait de sang d'enfants (7)., A Napoe (Malaisie) on se baigne dans de l'eau courante mêlée au sang des animaux sacrifiés, pour se débarrasser du mal causé par l'inceste et chez les Toradjas on se lave avec du sang pour se fortifier magiquement (8).

(1) J. A. I. 1915, t. XLV., p. 48.

(2) Déjà signalé dans Secreat Borak 1661, p. 29.

(3) POSKIN. Préjugés populaires, p. 80.

(4) SLOET. De Dieren, p. 108.

(5) V. CAESAR. De bello gallico, v. 12.

(6) SCHYMANN. Der base Blick I, p. 298.

(7) Pic (de la Mirandole). La Strega, cl\. II, p. 72.

(8) KRUYT. Measa. B. T. L. V. 1919, p. 114.


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Anciennement, on recommandait dans nos provinces, contre la fièvre journalière, de prendre le sang de l'oreille droite de l'âne ; mais si c'était une femme qui était malade, elle buvait le sang de l'extrémité gauche (1).

Le sang d'une jeune fille ou le sang d'un enfant, parce que pur, était, au Moyen-âge, un remède usité comme bain, notamment contre la lèpre et la cécité (2). Louis XI, très malade, but, paraît-il, du sang d'enfant (3). A WoluweSt-Etienne et à Meerbeek (Brabant), on conseille à une jeune fille qui ne devient pas pubère, de boire du sang d'une femme vierge ; dans les mêmes localités pour faire disparaître les verrues, on les frotte au moyen d'un bout de paille imbibé de sang menstruel d'une vierge, ensuite on enterre la paille et lorsqu'elle est pourrie les verrues ont disparu.

Rappelons à ce sujet qu'au Moyen-âge, dans l'Europe entière, on accusa les Juifs d'utiliser le sang d'enfants chrétiens pour pétrir le pain azyme, dans un but de magie médicale, et que, d'autre part, les Romans de Chevalerie parlent de l'emploi du sang de vierge, en boisson, pour guérir les malades (4).

Le sang menstruel ou le sang d'une accouchée eut souvent la préférence. Au Nord du Brabant (y compris Bruxelles) et dans la région avoisinante de la Flandre, comme en Suisse d'ailleurs, on croit que le sang menstruel guérit les verrues. Cette coutume est ancienne et l'on peut dire qu'elle est universellement répandue (5). A Anderlecht, cette pratique existe, mais elle est réputée dangereuse, certaines femmes étant « empoisonnées ». Le sang n'est jamais efficace pour la personne elle-même.

En Allemagne, contre la gale, on porte pendant trois jours une chemise dans laquelle une femme a eu ses menstrues (6). En ce pays également, on croit que si une

(DDEVREESE. Middelnederlandsche geneeskundige recepten en tractaeten, p. 451.

(2) HARTMANN VON AUE. Der arme Heinrich, p. 220 et suiv.

(3) G. DANIEL. Hist. de France, IX, p. 413.

(4) TH. MALORY. La mort d'Arthur II, 13.

(5) FOSSEL. Volksmedizin, p. 140. Den Troost der Armen 1713, p. 51.

(6) STRACK. Das Blut im Glauben und Aberglauben, p. 30.


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femme, ayant ses époques, fait, avant le lever du soleil, le tour du champ, elle tue les chenilles, les vers, les hannetons, les mouches, en un mot détruit tout ce qui est du domaine de la magie (1). Ceci est d'origine romaine, semble-t-il (2). Dans l'Inde ancienne, le sang menstruel de la nouvelle épousée était magique et dangereux, brûlant et vénéneux. Qui l'offre à un prêtre savant, chasse les démons du lit nuptial (3). Par contre, chez les Américains du Nord, la présence d'une femme qui a ses règles fait empirer l'état d'un malade (4) et chez les Tenas de l'Alaska, le sang menstruel est un talisman ou un charme contre les attaques des mauvais esprits (5). Les anciens Arabes disaient exactement la même chose (6). A Java, le sang d'une accouchée guérit les blessures au pied (7).

L'époque classique recourut encore fréquemment à ce topique. Pline le conseille contre la goutte, les écrouelles, les érysipèles, les furoncles, les parotides, les tumeurs, les fluxions des yeux, la morsure des chiens enragés, les fièvres tierces et quartes, l'épilepsie, les maux de tête et enfin les ulcères de toutes les bêtes de somme. Malheureusement cette panacée donne la rage aux chiens ! (8).

Alexandre de Tralles relate la même opinion. Tous les médecins, dit-il, déclarent qu'il est démontré que les premières règles d'une jeune fille chassent la fièvre quarte (ailleurs il dit qu'elles préservent de la podagre). La même action est exercée par le sang d'une jeune fille séduite lorsqu'on le prend et qu'on l'applique à la racine de la main droite du patient ou à son bras droit. Le médecin byzantin se rappelle que quelqu'un a été traité de la fièvre quarte de la manière suivante : il fit porter à une femme en couches la chemise non lavée et pleine de sueur que le malade avait

(1) SCHINDTER. Der Aberglaube des Mittelalters, p. 165.

(2) PALLADIAS, De re rustica I, 25.

(3) WEBER. Indische Studien V, pp. 189 et 211.

(4) BOAS. Ethnology of the Kwakinth, p. 719.

(5) JETTE. On the superstitions of the Tena Indians (Yukon) Anthropos 1911, p. 703.

(6) MITTWOCH. Aberglaubische Vorstellungen der alten Araber. Mitt. des Seminars, p. or. Sprachen 1913, p. 41.

(7) KRUYT. Het animisme in den Indischen Archipel, p. 60.

(8) L. XXVIII, 23.


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portée sous ses autres vêtements. Après l'accouchement, il reprit la chemise et la remit au malade et, en conséquence d'une sorte d'antipathie et pour des raisons inconnues, la fièvre quarte disparut (1).

Les écrits gnostiques des IIe et IIIe siècles ainsi que les livres de la pénitence du VIe au XIe siècle, condamnaient en maints textes ceux qui faisaient usage de sang menstruel ; cependant Hildegarde, abbesse de Rupertsberg, en 1179, conseillait l'emploi de sang menstruel contre la podagre (2). Le sang de l'accouchée était considéré comme principe de vie, au point que dans la presqu'île de Malacca, comme dans la péninsule Scandinave, les esprits cherchaient à boire le sang et qu'on les écartait en faisant du feu (3) ; par contre, les anciens Arabes portaient des amulettes dans lesquelles entrait le sang des menstrues, tellement impur qu'il suffit à détourner les djinns et le mauvais oeil (4), et le Talmud le préconisait contre les fortes fièvres (5).

Aux Indes Néerlandaises, on attribue au sang une grande puissance magique. Une perte de sang amène de l'orage. Le sang menstruel protège les champs contre les animaux qui détruisent les récoltes. On s'enduit le corps de sang non seulement pour entraver le mal, mais aussi pour se fortifier magiquement (6). En Arménie, on écrit les phylactères avec du sang de pigeon ou de coq noir (7).

Ici encore, il semble exister une influence magique.

Un ancien livre nous dit pourquoi les vieilles femmes

ont le mauvais oeil : c'est que chez certaines d'entre elles, les

règles sont retenues, et que le sang se répand dans tout le

corps et également dans les yeux, d'où le venin se commu(1)

commu(1) Pureton, ch. VII, LivreXII.

(2) L. STRACK. Das Blut, pp. 28 et 29. Pistis Sophia, ch. 147. Livre de John, ch. 43.

(3) GOBBLET D'ALVIELLA. Histoire religieuse du feu, p. 51.

(4) PIN LAGRANOE. Etude sur les religions sémitiques, p. 145. Mittwoch Aberglaubige Vorstellungen der alten Araber. Seminar fur orient. Sprachen 1913, p. 41.

(5) KRAUSS. Talmudische Archéologie, I, p. 259.

(6) KRUYT. Measa, B. T. L. V. 1919, pp. 112-114.

(7) Dr VOLLAND. Globus t. XLI, p. 342.


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nique aux enfants (1). D'autre part, le pacte que les sorcières formaient avec le diable était souvent écrit avec le sang des menstrues (2) et toujours avec du sang humain.

Une prescription assez bizarre et que l'on retrouve, ça et là, c'est de prendre du lait d'une femme qui allaite un garçon. Le garçon est symbole de la force et, dans l'esprit populaire, possède en lui plus de vie et de vigueur (ou de chaleur) que la fille. La femme qui lui a donné naissance détient — croit-on — ce principe de force, d'où l'action de son lait. Une recette médicale française du XIII-XIVe siècle dit : « pour fièvre fraide, prenez lait de femme qui alete valleton » (garçon) (3). Ce remède est cité dans le Gothaer Arzneibuch : « vrouwen welk de eyn knechten soget » ; dans l'Utrechtschen Arzneibuch : « wives spon die an deghen kint hebbe » ; et dans les Pfeifferschen Arzneibùcher : « wibis milche, die einin sem sauge ou ein wibis spunne, die ein degenchint ziche.

Pline donne comme remède à diverses maladies, le lait d'une femme qui est accouchée d'un enfant mâle et, plus efficace encore, celui d'une femme qui a mis au monde deux jumeaux mâles. L'Egypte ancienne connaissait ce remède et l'appliquait aux brûlures, aux rhumes et aux maux d'yeux ou d'oreilles (4) ; il était accompagné d'une incantation, qui, dans une légende religieuse, était prononcée par Isis (5). Il était également efficace pour rendre une femme féconde et sous cette forme il fut repris, sinon par Hippocrate, du moins par son école (6). Enfin, le même remède s'est conservé en Wallonie où on l'applique extérieurement contre le zona (7) ; à Laroche, toutefois, on le prend en boisson (8). Un ancien écrivain français nous donne bien l'explication de cet usage : « Le masle est plus chaud, la femelle plus

(1) Les secrets d'Albert le Grand, Cologne 1703, pp. 56 et 57.

(2) DE LANCRE. L'incrédulité, p. 38.

(3) P. MEYER et CH. JORET. Recettes médicales. Romania 1889, p. 574.

(4) PAPYRUS EBERS. 42, 17-59, 8 et 69, 3. — WRESZINSKI, Op. cité, pp. 184 et 205. LEXA. La magie dans l'Egypte ancienne, I, p. 73, II, p. 281.

(5) ERMAN UND RANKE Aegyptan, p. 405.

(6) Maladies des femmes, I, p. 75.

(7) E. MONSEUR. Le Folklore Wallon, p. 29. TH. DELOGNE. L'Ardcnne méridionale belge, p. 88.

(8) DE WARSAGE. Calendrier wallon, 1920.


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froide ». Le lait d'une femme qui a eu un fils était censé réchauffer, celui d'une femme qui a eu une fille refroidit (1). Cela explique pourquoi dans nos régions brabançonnes, on l'administrait comme remède contre la fièvre froide (2) et en Hollande, contre la surdité (3),

Capture de la vie de ce qui meurt.

Les Aïnos croient que l'esprit est actif aussi longtemps que le corps n'est pas complètement décomposé. Les Esquimaux et les Peaux-Rouges croient qu'aussi longtemps qu'une partie quelconque du corps n'est pas brûlée, il peut magnifiquement revivre. Dans les Eddas, Thor ressuscite ses chiens de leurs os (4). L'âme peut continuer à vivre dans le cadavre ou dans l'une de ses parties. Ceci a un rôle psychologique dans les nombreux cas, que nous avons cités, où le mal est transmis à des animaux fraîchement tués ; mais il y a une importance toute aussi grande dans les procédés où l'on tente de capter ce restant de vie et de le donner à un organe malade, car c'est une conception ancienne et très répandue, que guérir est la même chose que vivre ou rappeler à la vie.

Pline dit, qu'à son époque, on croyait que la main d'un individu enlevé par une mort prématurée guérit, par le contact, les scrofules, les parotides et les angines (5).

En Chine et au Cambodge, on mâche le foie de ceux qui viennent d'être exécutés.

Dans les premiers temps de l'ère chrétienne, chez les Emarites, peuple chananéen, les mères faisaient passer les enfants entre les morts, sans doute pour les guérir ou les préserver des maladies (6). Une coutume similaire s'est conservée en Egypte : des femmes passent sept fois au-dessus

(1) LAURENT JOUBERT. Les lre et 2de parties des erreurs populaires touchant la médecine. Paris 1587, p. 121.

(2) DEVREESE. Middelnederlandsche geneeskundige recepten, p. 449.

(3) CH. WIRTSUNG. Medecyn Bora 1601, p. 93.

(4) MACCULLOCK. The Childlood of fiction, p. loi,

(5) Hist. nat. XXVIII, 4, 11.

(6) Mélusine t. IX, p. 8.


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du corps d'un décapité pour devenir fécondes ; elles utitisent l'eau qui a servi à laver le cadavre dans le même but ou pour guérir les ophtalmies (1). Dans l'ancienne médecine occulte, l'os d'un homme mort, n'ayant jamais eu de fièvre, pendu sur le patient, était censé délivrer celui-ci de la fièvre quarte (2).

En Islande, on croyait arrêter les hémorragies nasales, en s'introduisant dans les narines le petit doigt d'un mort (3). En 1830, en Angleterre, lors d'une exécution capitale, deux femmes vinrent frotter les mains du mort sur les parties paralysées de leur corps et l'une d'elle apporta un enfant dans le même espoir de guérison (4).

A Everberg, entre Bruxelles et Louvain, ainsi qu'à Stockel et à Linden, on se sert du drap qui a servi à laver un mort pour guérir les descentes du rectum (protocèle), chez les enfants. Pour le même accident ou pour la hernie, on se sert à La Roche (Luxembourg), du drap qui a servi à laver un enfant (5). Dans le Brabant et en Flandre, on attache des dents de morts au maillot de l'enfant pour le préserver des convulsions provenant de la dentition.

En Autriche, on croit que la main d'un mort guérit les inflammations et c'est une croyance très répandue en Allemagne que le doigt d'un mort guérit les dents malades (6). Mais cela s'applique aussi bien aux animaux tués de certaine manière, qu'au cadavre d'un homme.

Alexandre de Tralles recommandait, contre l'épilepsie, un onguent, connu déjà en Egypte, et qui était fait d'huile dans laquelle on avait fait bouillir un caméléon (7). Un remède médiéval qui eut beaucoup de vogue fut le miel dans lequel on avait englué des abeilles.

(1) M. LANE. Manners and customs of the modem Egyptians, p. 267.

(2) CORN. Agrippa d'après Wecker. Des secrets de la nature, p. 128.

(3) DAVIDSON. Islàndische Zauberzeichen. Z. V. V. 1903, p. 275.

(4) M. GUTCH et MABEL PEACOK. Folk-Lore concerning Lincolnshire, p. 109. Voir aussi R. FONCKE : Les doigts des malfaileurs, Folklore Brabançon, l"r année, p. 107.

(5) DUVERT, HAROU, etc, Bulletin de Folklore, t. II, p. 339.

(6) STRACK. Das Blut, p. 53.

(7) L. I, ch. 15,


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M. Alexis Piémontois donnait ce conseil pour faire pousser les moustaches : on prend des lézards qui ont été noyés dans l'huile d'olive. On les fait bouillir dans de l'eau avec une poignée d'armoise (1). L'huile est un remède contre les brûlures, mais cela ne suffit pas. Aux environs de Bruxelles et à Louvain, on prend soit une taupe, soit une taupe-grillon (courtillière) et on la met dans un flacon où l'on verse de l'huile d'olive jusqu'à immersion complète de la bête ; le liquide au bout de quelques jours est un remède souverain contre les brûlures ; à Bruxelles même, on remplace la taupe par des araignées, à Woluwe-Saint-Etienne par des grillons, à Linden (près de Louvain) par des vers de terre qu'on met dans du saindoux.

Le D1 De Keyser dit qu'en nos régions, les bousiers confits dans de l'huile sont excellents contre la surdité (2). Anciennement, on les cuisait dans de l'huile rosat pour la même affection (3). Le fameux médecin Lemery connaissait quantité d'huiles de ce genre, dans lesquelles étaient dissouts chiens, vers de terre, araignées, grenouilles, lézards etc. pour les maladies les plus diverses : fièvres, sciatique, hernies etc. (4). Le Médecin des Hommes (Paris 1772) conseillait de l'huile de vers contre les rhumatismes. Ce procédé est très usité en Orient et particulièrement aux Indes et en Chine ; c'est surtout le lézard qui est employé, soit simplement séché, soit macéré dans de l'huile ou du vin. Il guérit les ophtalmies, la tuberculose, la lèpre et la syphilis (5). La Pharmacopea brussellensis de 1772 indiqua des emplâtres faits de grenouilles vivantes et de vers de terre mis dans du vin et cuits ensuite (6).

Cependant, c'est quelquefois la mort qui se transmet et détruit les choses dont on veut se débarrasser. En France, en Angleterre et en Flandre, de même que chez les Maures

(1) Uit veeldehande Secreten.

(2) Bruxelles Médical, 16-9bre-1922.

(3) CELOC. Traité de médecine. Livt VI, 7. Commentaires de P. A. Matthiole 1572, cité par Cabanes. Remèdes d'autrefois, I, p. 102.

(4) Pharmacopée pass.

(5) HOOPER. Médicinal lézards. Asiatic Society of Bengal 1910, p. 301.

(6) p. 127.


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d'Alger, on croit que le contact avec la main d'un mort fait disparaître le goître, les écrouelles, et d'autres maux (1). En Prusse orientale, la main d'un mort a maintes vertus curatives et son contact notamment, fait disparaître les taches sanguines (2). Dans presque toute l'Allemagne, on croit qu'un contact avec le doigt d'un cadavre guérit les maux de dents ou les excroissances (3).

A Pepinghen, à Braine-l'Alleud, à Piétrebais et à la limite du Brabant et du Hainaut, ce contact fait disparaître les taches de rousseur ou de naissance ; à Malines, on ajoute que les taches disparaissent à mesure que le cadavre se décompose (4) ; dans la région de Denderleeuw, ce contact est censé faire tomber la barbe et les cheveux (5). Nous retrouvons de ceci un parallèle curieux aux antipodes de notre pays ; à Fidji, celui qui a mal aux pieds, qui a des cors filiens ou des chancres, touche avec ses pieds les pieds d'un mort de sa famille et on certifie que souvent il est guéri (6). D'autre part, parmi les indigènes de la Nouvelle Galle du Sud et de Victoria, la main desséchée d'une personne morte est une amulette qui protège contre maints dangers i7).

Chez les nègres Africains, la main d'un mort sert à diverses opérations magiques ; on affirme qu'elle devient phosphorescente et guide le sorcier dans sa marche (8). Au Moyen âge, la main arrachée à un pendu servait aux maléfices et s'appelait « main de gloire » (9).

(1) Mrs GUTCH AND MABEL PEACOK. op. cit. p. 109. — M. CMNTOCH. Folk-Lore p. 475. — DESPARMET. Rev. des Etudes Ethnographiques, 1908. p. 511.

(2) Z. V. V. 1910, p. 398. JAHN. Poméranie 118-120.

(3) v. STRACK. Le sang, pp. 52 et suiv. LEMKE. Prusse orientale I, p. 47 et 55.

(4) H. CONINCKX. Bulletin de la Société Archéologique de Malines 1899 p. 246.

(5) A. DE COCK. Volksgeneeskunde in Vlaanderen, p. 72.

(6) ROUGIER. Maladies et médecins à Fidji. Anthropos 1907, p. 74.

(7) Letters from Victorian pioneers pp. 184 et 258. Mattheros. Beitrâge zur Ethnographie der Australien. Mitth. der anthrop. Geselsch in Wien 1907, p. 74.

(8) H. TRILLES. La sorcellerie chez les non-civilisés. Semaine d'Ethnol'ogie religieuse, IIe session, p. 184,

(9) V. dans Folklore Brabançon, 1er année, p. 107, un procès fait à Bruxelles en 1655. (Article de R. Foncke).


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Citons encore ce remède utilisé anciennement dans nos régions et qui consistait à appliquer sur les hémorroïdes la sueur des mourants recueillie sur un linge (1).

Non seulement le cadavre, mais le bourreau pouvait guérir certaines maladies par le contact de sa main, lorsqu'il revenait d'une exécution capitale (2).

(1) A. CNÔFFELLII. Consilium apud SCHRÔDER. Pharmacoppia p. 748.

(2) THIERS. Traité des superstitions, I, p. 443.


>(M. Counhaye)

Conception animiste.

En Babylonie surtout, le mal était conçu sous une forme animée et l'objet de la maladie était un démon. Tout mal qui afflige l'humanité était dû à une puissance démoniaque particulière : maux de tête, fièvre, peste ou folie (1) ; les expressions péché, impureté, maladie, possession par des esprits mauvais sont de purs synonymes (2) ; il est à supposer que pour certaines maladies, tout au moins, la même conception existait en Egypte (3). La théorie hindoue était très voisine de celle de la Chaldée.

Homère parle d'un enfant torturé par un démon ennemi (4), mais l'idée n'est qu'exceptionnellement exprimée. Dans la Bible, Salll fut frappé de mélancolie, oeuvre d'un esprit mauvais, envoyé par Yaveh (5) et dans les Evangiles bien souvent les maladies sont attribuées à l'action des esprits mauvais.

D'après la conception égyptienne, les démons pénétraient dans le corps par les narines, la bouche et les oreilles et le dévoraient ; on prononçait contre eux des exorcismes.

(1) WEBER. Die Litteratur der Babylonier, p. 142. ZIMMERN. Babyl. Religion, p. 25.

(2) MOROENSTERN. The doctrine of Sin in the Babylonian Religion p. 3.

(3) BUDQE. Egyptian magie p. 206.

(4) Odyssée, V 394 et suiv.

(5) I Sam. XXIV.


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On lit dans Clément d'Alexandrie que lorsqu'une partie du corps était malade, on invoquait le démon auquel le membre appartenait (1) ; cela se rapportait surtout à la Babylonie où chaque maladie était personnifiée sous une forme différente (2).

Lactance établit deux espèces de démons, ceux du ciel et ceux de la terre ; ces derniers, nés des anges déchus et des femmes, s'insinuent dans les entrailles, y altèrent la santé, y excitent les maladies (3). M. Tixeront y reconnaît l'influence des anciennes fables palestiniennes (4).

Dans le Talmud, les maladies sont souvent attribuées aux Shedim, esprits mauvais, et il y a des Shedim particuliers pour l'asthme, le croup, la rage, la folie, les maux d'estomac, etc. Ce fut en somme, le judaïsme rabbinique qui donna à la démonologie son plus grand développement ; tout homme, selon lui, est entouré de milliers de démons, l'air en est rempli, ils s'introduisent dans le corps de l'homme et y donnent naissance à beaucoup de maladies.

Ce fut d'ailleurs une des conceptions primitives du baptême que de chasser, par lui, les démons qui habitaient le corps des non-baptisés (5).

Pendant les premiers siècles du Moyen-Age, c'était une coutume générale que d'amener les malades à l'église pour les asperger d'eau bénite et dire des prières, afin de chasser les démons et, comme le disait Tertullien, les démons sont les ennemis de la santé, de l'esprit et du corps (6). D'ailleurs depuis le 111" siècle, les exorcistes, c'est à dire les religieux dont la fonction était de chasser les démons, remplissaient leur rôle, ce que faisaient également les sorciers et les magiciens. Au Moyen-Age, en Allemagne, chasser les démons de la maladie était le leitmotiv de la thé(1)

thé(1) Orig. VIII, 41.

(2) DrH. MAGNUS. Sechs Jahrtausende in Dienst des Aeskulaps, p. 7.

(3) Instit. div. II, 15.

(4) La théologie anténicéenne, p. 447.

(5) FUNCH. Patres apostolici, t. Ix 86-88. Ezcerpta en scriptis Théodoti n° 73. — CLÉMENT D'ALEXANDRIE. Strom II, 3, 20, 116, etc. — CYRILLE DE JÉRUSALEM. Procatechesis, c. 9. — S1 AUGUSTIN. Contra Julianum I, c. 50, 60 etc.

(6) APOLOG. ch. 37. V. égal. FÉLIX OCTATIUS, ch. 25 et 26.


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rapeutique (1). En Angleterre, après la Réforme, l'exorcisme reprit avec plus de vigueur parmi le clergé catholique (2).

En Grèce moderne et en Macédoine, les maux de tête sont dus à la présence d'un démon dans le crâne. Le choléra, la variole et la peste sont des démons féminins qui habitent la colline des nymphes (3).

Les anthropophages Fidjiens croyaient que les maladies sont le fait des twors, esprits, qui mangent les malades (4). Les Maoris de la Nouvelle Zélande disent que les maladies sont dues à l'entrée d'un mauvais esprit dans le corps (5) et les Taïtiens attribuaient leurs maux à des démons qui sont en eux et qui font des noeuds dans leurs entrailles (6). Les hommes-médecins des Algonquins et des Ojibwas chassaient les esprits qui étaient dans le malade (7). Les Védas de Ceylan, au moyen d'incantations, chassent les démons dont le malade est possédé. La coutume leur vient probablement de leurs voisins hindous (8). Les Katchins de la Birmanie attribuent toutes les maladies aux « nats » (esprits) qui ont reçu l'autorisation de se faire nourrir parles hommes et de mordre le nerf vital (9).

Beaucoup d'Aïnos du Japon croient que la maladie est une possession par le diable (10) et pour les Arabes d'Afrique, les maladies sont essentiellement des « djinns », volonté mauvaise, personnifiée sous forme de démon (11), et certains algériens, pour guérir un enfant qui a des incontinences d'urine nocturnes, le place sur le cou d'un chameau

(1) NEUBÛRGER. Geschichte der Medizin II, p. 238.

(2) NOTERTEIN. A History of witchcraft, p. 74.

(3) J. C. LAWSON. Modem Greck Folklore, p. 22.

(4) RouaiER. Maladies et médecine à Fidji. Anthropos 1907, p. 72.

(5) TREGEAR. The Maoris of New.Zealand. J. A. I. 1890, p. 104. — YATE. An accoans of Zealand pp. 141 et suiv. ELSDON BROT. JOURN. of the polynesian Society x V, pp. 12-15.

(6) LIEBRECHT. Zur Volkskunde, p. 322.

(7) LA HORTAN. New Vogages t. II, p, 47. — HOFFMANN. The Midi. Wiwin, p. 197.

(8) SARASIN. Die Weddas von Ceylan, p. 511.

(9) GILHODES. Maladies et remèdes chez les Katchins. Anthropos 191516, p. 24.

(10) BATCHELOR. The Ainu and their Folk-lore, p. 222.

(11) Bourre. Magie et religion dans l'Afrique de Nord, p. 221.


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pour que les cris et les protestations de la bête contre cette charge placée de façon inusitée chassent le « djinn » qui cause le mal de l'enfant (1).

Tout folkloriste qui commence l'exploration du Brabant doit être étonné du monde de sorcellerie, d'enchantements qui s'ouvre devant lui. Tant la cité — grande ou petite — que la campagne a conservé la foi aux sorts et à l'action démoniaque. Qu'un homme devienne malade pour une cause inconnue, ou que la malchance le poursuive, il se croira saisi par la mâle-main (Bruxelles et Flandre) ou envoûté par un sorcier. Dans ce cas, il fera dire des prières par un leveur de sorts (et ils sont à Bruxelles plus nombreux qu'on ne le croit) ou bien il cherchera à découvrir lui-même l'être néfaste par un procédé comme celui-ci : il urine dans une bouteille qu'il ferme hermétiquement et l'envoûteur frappé de rétention d'urine sera obligé de venir lui demander grâce, c'est-à-dire l'enlèvement du bouchon (Crainhem).

D'autres fois, le lait que les paysans portent à la ville se caille toujours en un même endroit ; l'anti-sorcier dira des prières et dévoilera le coupable (le fait s'est présenté il y a quelques années entre Stockel et Woluwe) ; ou bien les semences qu'une personne emploie sont stériles alors que celles du voisin sont fécondes, quelqu'un a jeté un maléfice et un autre le lèvera ; pour se prémunir, le fermier stéveniste jettera sur ses semences une bouteille d'eau bénite (Pepinghen).

Si un enfant est rachitique, c'est qu'il est possédé d'un démon et les parents feront un pèlerinage soit à Berchem Ste Agathe, soit à Strombeek, soit à Couture S4 Germain.

Dans la partie wallonne de la province, le spiritisme a pris beaucoup d'extension, des « voyants » ont remplacé les sorciers et leurs procédés plus systématisés ont remplacé les prières anciennes et les incantations.

Certes, comme le dit M. Saintyves, la possession, avec les progrès de la civilisation, n'a plus le champ qu'elle avait autrefois (2) ; rares sont les cas où le populaire

(1) HILTON SIMPSON. Folklore 1915, p. 247.

(2) SAINTYVES. Les origines de la médecine, p. 35.


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dit ou croit explicitement que le démon habite le corps du malade ; on croit plutôt que le démon agit par des moyens qui lui sont propres. En somme on cherche assez peu à préciser, mais cependant un grand nombre des actions des hommes, pour se débarrasser de leurs maux, répondent à cette conception plus primitive peut-être, que le corps est occupé par un être capable de pensées mauvaises, de colère et de craintes.

Beaucoup de moyens de guérison qui n'ont aucune apparence magique ont cependant leur origine dans le désir de chasser les démons, car ceux-ci, comme le disaient S1 Augustin et S1 Thomas, sont attirés par divers genres de pierres, d'herbes, de bois, d'animaux, de chants, de rites (1).

N'oublions pas que ces démons, surtout lorsqu'ils ont quitté le corps du malade, ont les formes les plus diverses ; les légendes pieuses nous en offrent maints exemples : ce sont des mouches ou autres insectes, des corbeaux, des serpents, des chauve-souris, etc.

REMEDES STERCORAIRES.

Un des moyens utilisés pour chasser le ou les démons fut de les dégoûter, de les mettre en contact avec des choses nauséabondes pour qu'ils préfèrent quitter la place. Telle fut probablement l'origine de beaucoup de ces remèdes écoeurants et malpropres qui furent conservés jusqu'à nos jours, alors que le sens primitif en était oublié. Plus tard on donna à la coutume persistante d'autres explications en rapport avec la théorie dominante, telle que celle-ci : un venin chasse l'autre parce qu'il y a antagonisme entre eux.

Les Babyloniens utilisaient ces remèdes et en connaissaient le sens ; ils les utilisaient pour chasser le démon en le dégoûtant et les recettes étaient assez nombreuses : chicorée mêlée avec une grenouille verte, une certaine plante mêlée avec de la terre de la « porte extérieure », d'autres

(1) De civ. Dei, lib. XXI, c. 6. — Summ. théol. I, qu.CXV. art. III.


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avec la poussière d'un pied humain, les excréments de l'homme, son urine, des ossements humains, etc. ou souvent des remèdes mal odorants pour chasser les démons vers des endroits où l'air était plus pur (1). Ils connaissaient l'usage de la bouse de vache qui devint un remède quasiuniversel. « Quand l'intérieur d'un homme est enflammé on mêlera de la bouse de vache avec de l'eau et on l'en frottera ». A titre de curiosité, nous citerons cet autre remède : Quand quelqu'un ne peut aller à la selle et que « le remède habituel n'agit pas », on lui mettra en bouche un poil du pubis d'une vieille femme (2).

L'Egypte connut également ces remèdes et là aussi ils avaient expressément pour but de dégoûter et d'éloigner la cause de la maladie : on conseillait l'emploi de l'urine de jeune fille, des fumigations au moyen de fiente de lion, de panthère, de gazelle, de chat, de crocodile, de vautour, d'oie, d'enfant, de mouches, etc. Voici un remède contre les inflammations : frictionner le malade avec un mélange de fiente d'hippopotame, de feuilles de saule et de miel, après avoir chauffé le tout (3). Certains remèdes devaient de préférence être pris en été parce qu'alors leur odeur était d'autant plus désagréable (4).

Dans l'Avesta, l'urine de boeuf est considérée comme le liquide purifiant par excellence, qui lave les plus grandes souillures (5) et un roi mythologique de la Perse guérit par l'urine du taureau Aboudat.

Les anciens hindous utilisaient les fèces et l'urine comme médicaments (6). Galien mettait sur les plaies des pansements sur lesquels le malade devait uriner journellement et il faisait l'éloge des excréments de l'âne contre les douleurs de dents.

(1) JASTROW. The médecine of the babylonians pp. 117 et 158.

(2) KiicHLER. Assyrisch-Babylonischen Medizin, pp. 31 et 33.

(3) WRESZINSKI. Der Grosse medizinische Papyrus, pp. 63, 65 et suiv. — G. EBERS. Pap. Ebers, p. 219. La « fiente de crocodile » n'était peutêtre que le nom occulte d'une plante. EBERS. Die Korpertheile p. 41. SCHNEIDER. Kultur und Denken der alten Aegypter 3° éd., p. 329.

(4) G. EBERS. Papyrus Ebers, p. 216.

(5) Vendidad jaarg. V. 50, VII. 14, 15, 74 IX, lib 12 et suiv.

(6) J. JOLLY. Grundriss der Indo-Arische Philologie. Medezin pp. 24 et 25.


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L'école d'Hippocrate n'échappa pas à l'usage ; non seulement, on y conseillait le cataplasme de fiente de pigeon, remède que le Bruxellois de nos jours connaît encore, mais elle mêlait la fiente de volaille à certaines injections ; en outre, pour favoriser la conception, elle recommandait des fumigations d'urine et des lavages de tête avec le même produit (1).

La fiente d'animaux entre dans la composition d'un nombre considérable de recettes données par Pline ; l'urine ne lui semblait pas moins efficace, surtout celle des enfants impubères ; il nous a conservé ce précepte d'Osthanès : pour se préserver contre toute substance funeste, laisser, le matin, tomber une goutte de son urine sur son pied (2).

Dans l'oeuvre d'Asklepiades Pharmakion (Alexandrie) les excréments humains étaient prédominants.

Oribase parle d'un médicament aux excréments de pigeon contre les blessures des nerfs. Il dit que les excréments blancs du chien séchés et réduits en poudre, passés au crible, délayés dans du miel et dont on fait des onctions, ont un effet merveilleux contre l'angine ; que les excréments de loup, pris intérieurement, surtout ceux qui sont blancs et s'ils n'ont pas touché terre, appliqués sur les lombes, procurent un grand soulagement, mais il doivent être liés dans une peau de cerf avec une corde de laine provenant d'un mouton qui a été mordu par le loup (3).

Il est intéressant de retrouver, à Bruxelles, l'usage des crottes blanches du chien contre la fièvre lente.

Dioscoride indique la bouse de vache, fraîche, contre les inflammations dues à des blessures (4), et Corlino Aurelianus préconisait les excréments de crocodile contre les ophtalmies (5).

L'oeuvre d'Alexandre de Tralles contient beaucoup de remèdes stercoraires. Il dit avoir appris d'un paysan de Corcyre ce remède contre l'épilepsie : Prendre l'urine d'un sanglier, séchée dans la fumée et réduite en poudre, en

(1) Maladies des femmes, I, 75 et II, 177 et 189.

(2) L. XXVIII, 18 et 19.

(3) Synopsis Vil, 23. Euporistis IV, 72 et 88. (4)151. 11,98.

(5) 0* MOUSSON LANAUZE. A travers l'Opothérapie, p. 9.


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avaler une quantité égale à une fève. Les crottes de chien guérissent beaucoup de maladies, entre autres ; les blessures incurables, la dysenterie, certaines inflammations et l'angine. On renforce l'action des emplâtres en y ajoutant des excréments humains ou des crottes de chien. Les premiers ayant une odeur trop forte, on peut se borner aux seconds qui remplissent le même but, et, pour diminuer encore l'inconvénient, trois jours avant l'application du remède, on ne donnera que des os à manger au chien. Le sage Galien, Philagrius et beaucoup d'autres médecins de l'antiquité préconisaient cette méthode (1). L'usage de ce médicament, qu'anciennement on appelait l'album graecum, existe encore dans le Luxembourg belge et dans la province de Namur.

Le Talmud connait comme remèdes, la bouse de vache, la fiente d'oiseaux, de chien, de chauve-souris et les urines (2).

Au Moyen-Age, on se servait de l'excrément humain sous le nom de « soufre occidental », et l'emplâtre qu'on en faisait portait le nom d'emplastrum aureum ; plus tard, on l'appela « civette occidentale » ; distillée, elle servait à guérir les érysipèles, la teigne, les fistules, les obscurités des yeux etc. ; l'essence d'urine, disaient les auteurs de l'époque, pouvait à juste titre être appelée catholicon à cause des merveilleuses vertus dont elle est douée.

L'école de Salerne ne dédaigna pas les remèdes dégoûtants. Bernard le Provincial, au XIIe siècle, conseillait aux femmes de manger elles-mêmes et de faire manger à leur mari des excréments d'âne, frits dans la poêle, pour combattre la stérilité (3).

Jean Pitard, au XIVe siècle, recommandait pour la fistule qu'on appelle goûte festre ce qui suit : « faites emplastre de miel et de crottes de chièvre, ce vaut pour fistule et pour chancre et pour pointeur deguespe ».

Jean Gaddesden, professeur de médecine au collège Merton à Oxford, au XIVe siècle, dit que les excréments de porc sont le meilleur remède pour arrêter toutes les espèces

(1) L. I ch. 15. — L. IV. — L. VIII et 2.

(2) KRAUSS. Talmudishe Archaologie, 1, p. 259.

(3) DAREMBERG. L'Ecole de Salerne. Introd. p. 21.


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d'hémorragies (1). L'idée se retrouve en France au XVIIe siècle (2). Montaigne dit que de son temps on administrait des crottes de rats pulvérisées contre les coliques (3), et Rabelais dit qu'avec les crottes de mouton, les médecins guérissaient soixante et dix huit espèces de maladies.

Ci-après le remède que le sieur Piemontois, dans l'oeuvre qui fut éditée chez Plantin, à Anvers, conseillait contre les crachements de sang. « Pren fiente de souris réduite en poudre autant qu'on en saurait mettre sur un écu, et puis les mets en un demy verre de jus de plantain, avec un peu de sucre ou de pénides, puis la donne à boire au patient du matin, devant déjeuner ou du soir devant coucher » (4).

Pierre Pigray,discipled'Ambroise, Paré nous enseigne que le procédé était en usage à son époque quoique avec d'autres ingrédients : d'aucun font un cataplasme de fiente de vache qu'ils fricassent avec du vinaigre et y ajoutent un peu d'alun et de soulphre : les autres le font bouillir avec décoction d'origan et y mettent du miel : cela à grande vertu de résoudre et dissiper l'humeur pituiteux (curation de l'oedème) (5).

L'illustre médecin bruxellois, J. B. Van Helmont, en essayant de rénover la médecine d'après les théories occultes de Paracelse, conserva la médication stercoraire, tout en l'adaptant à ses idées ; contre la fièvre, il recommandait les crottes de chèvres dissoutes dans du vin, la fiente de vache contre les inflammations, le crottin de cheval contre les douleurs des côtes, en ayant soin de faire boire dans du vin le crottin de jument par les hommes et celui d'étalon par les femmes ; l'urine de bélier d'après lui guérit les maladies du foie, etc. (6). Mmc Fouquet donnait de très grandes précisions au sujet de l'emploi de la fiente de

(1) Rosa Anglica, p. 729.

(2) WECKER. Des Secrets de la nature, p. 155.

(3) Essais II, 37.

(4) Secrets ou réceptes souverains, p. 13.

(5) Epitome des préceptes de médecine. Rouen 1605, LI, ch. XIV. VAN HEURCK. L'onguent armàire, p. 60.

(6) J. B. VAN HELMONT. Dageraad 1660, pp. 218 et 295.


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cheval contre les brûlures : il faut qu'elle soit d'un cheval noir qui ait été aux herbes durant le mois de mai ; 7 ou 8 crottes doivent être fricassées dans une poêle avec du saindoux (1).

Dans un ancien livre néerlandais du XVIIe siècle, nous trouvons ce gargarisme contre les maux de gorge : des crottes de chien séchées et de la fiente d'oie, bouillies dans un mélange de vin et d'eau (2).

Fr. Paullini, médecin du comte palatin et premier médecin d'Eisenach, fit de l'excrément humain une panacée quasi-universelle (3) et N. Lemery dit que cet excrément est digestif, résolutif, amolissant, adoucissant, propre pour l'anthrax, pour faire venir les bubons pestilentiels à suppuration, pour résoudre les squinancies (4).

La bouse de vache et le liquide qu'on en exprime, qu'on appelait eau de millefleurs, n'avait, selon lui, pas moins de vertus que l'excrément humain (5). Son homonyme et contemporain Louis Lemery dit que la fiente de cochon, extérieurement appliquée, est résolutive, propre pour arrêter le saignement du nez, pour la squinancie et pour la gale, que les excréments d'oye raréfient et atténuent les humeurs etc. (6). Guy Riedlin, médecin allemand du XVIIe siècle, fut un spécialiste de la médecine stercoraire.

Le chirurgien français Rousselot prescrivait, pour la guérison des verrues, un onguent fait de suif et de fiente de mouton ou bien de l'urine de chien roux (7).

L'auteur des « Secrets d'Albert le Grand » emploie comme remèdes : les excréments d'homme, de chien (qui a mangé des os pendant trois jours), de loup, de boeuf, de porc, de chèvre, de poule, d'oie, de souris, etc. (8).

(1) Remèdes charitables, 1685, p. 98.

(2) De medecijn-winckel of ervaren Huys-houden, p, 12.

(3) Neu-vermerhte, heilsame Dreck-apotheke. Francfort S/M. 1696. VAN HEURCK. L'onguent armaire, p. 60.

(4) Dictionnaire ou traité des drogues simples (1727), p. 264.

(5) Pharmacopée universelle, pp. 522 et suiv.

(6) Traité des aliments 1705, pp. 244 et 303.

(7) Méthode certaine pour la guérison des cors 1762.

(8) Cologne 1703, pp. 173 et suiv.


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Un ancien auteur anglais recommande l'emploi de l'urine d'un garçon mâle ou d'un idiot (1). Dans la « Médecine et la Chirurgie des Pauvres», on conseille de faire avaler à la personne frappée d'apoplexie un verre d'urine d'une personne de son sexe (2).

Ces remèdes scatologiques se trouvent dans les régions les plus éloignées les unes des autres. Chez les Chinois, les vieux excréments extraits des W. C. sont utilisés contre les aigreurs d'estomac, et l'urine sert pour guérir les maladies d'yeux (3). En Chine (Kan-Sou), l'urine de cheval blanc est de grande efficacité pour tuer les animalcules internes qui causent la tuberculose. Un Chinois, qui a reçu un coup de pied de cheval ou de mulet, s'empresse de boire l'urine tiède d'un jeune garçon ; s'il saigne du nez, il y met des excréments de chameau.

Les anciens Mexicains, lorsqu'ils étaient blessés à la poitrine, buvaient aussi de l'urine chaude à laquelle on avait mêlé de la poudre de lézards (4).

Chez les Bambaras d'Afrique, la fiente de poule sert d'onguent pour les enfants syphilitiques et, pour guérir les taies, on met dans l'oeil une pincée de crotte d'hyène pulvérisée (5) ; au Soudan, on met de la fiente fraîche de vache sur les blessures et les ulcères (6).

Les docteurs des Ovahereros (Afrique du Sud) se servent surtout de fiente d'hyène dont ils enduisent la bouche et le front des malades (7).

Les habitants des Indes néerlandaises emploient des remèdes stercoraires pour chasser les esprits (8), et les Espagnols portaient de la fiente comme amulette dans le même but (9). Les Karo Batak emploient l'urine pour les plaies

il) VISOVEY. Treasure of anatomy 1641, p. 234.

(2) Paris 1716, p. 11.

(3) DE GROOT. The religions System of China IV, Liv. II, p. 401.

i4) DE SAHAGUN. Choses de la Nouvelle-Espagne, trad. Jourdanes, p. 655.

(5) Jos. HENRY. Les Bambaras, pp. 45 et 47.

(6) Chronique médicale 1911, p. 556.

(7) RATZEL. Volkerkunde, t. II, p. 158.

(8) KREEMER. De maleier en zijn karbouw, Indische Gids I, p. 963.

(9) R. SCHILLAS. La Fascinacion en Espana, p. 72.


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fraîches ; les habitants de Nias et de Halmahera, contre les morsures de serpents (1) ; à Célèbes, un peu de fiente de chat guérit l'asthme. Non seulement les fèces de la personne même chassent les puissances hostiles, mais on applique le même procédé pour guérir les loups-garous (2). Les Esquimaux du Groenland, lorsqu'ils se blessent le pied ou la main, les trempent dans l'urine (3). Les Indiens du Canada buvaient l'urine humaine comme médicament (4). En Chine, quand quelqu'un est possédé par un démon qui le rend malade, on lui fait boire de l'urine en putréfaction (5). Dans les mythes des Kwakiutl, l'urine est souvent employée comme moyen magique afin de hâter la croissance des enfants (6). Les paysans irlandais baignent les enfants malades dans de l'urine à laquelle ils ont mêlé certains ingrédients (7) et en maintes localités anglaises, les femmes buvaient l'urine de leurs maris, pour faciliter l'accouchement (8).

L'excrément humain, mêlé au lait, est utilisé en Allemagne pour guérir les panaris, cela s'appelle le Goldpflaster, l'emplâtre d'or. Le crottin de cheval s'emploie en Bavière pour guérir les gonflements des genoux (9). A Paris, on applique sur les panaris de l'excrément de bébés, étendu sur du coton.

Les Anglais, comme les Boers, font grand usage, tant interne qu'externe des remèdes stercoraires.

En Bretagne, pour guérir le croup, on entoure le cou de l'enfant d'un cataplasme de fiente d'oie, mélangée d'ache, de poivre blanc et de vinaigre de vin blanc (10). A Ypres on emploie la bouse de vache pour éviter la transpiration des pieds.

(1) KREEMER. Volksheelkunde in den Indische Archipel B. T. L. V. 1915, pp. 16 et 17.

(2) KRUYT. Measa B. T. L. V. 1919, p. 60.

(3) CRANZ. Historié von Grônland, p. 268.

(4) SAGARD. Histoire du Canada 1885, p. 107.

(5) DE GROOT. The religious System of China, IV, L. II, p. 400.

(6) BOAS and HUNT. Kwakiutl texts V, pp. 77, 266 et 268.

(7) MOONEY. Médical mythology of Ireland, Trans. am. Phil. Soc. 1887, p. 144. BRAND. Popular antiquities 11, p. 86.

(8) BRAND. Popul. antiquities, t. III, vst. Lady in the Straw.

(9) NEUBURGER. Vergleichende Volksmedizin, I, p. 287. (10)]ORAIN. Op. cité. II, p. 250.


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Dans le Limbourg, comme en Grèce et à Rome, de la fiente de souris, broyée dans du miel, arrête la chute des cheveux. On y emploie également la fiente de vache toute récente ou l'urine de boeuf, contre l'eczéma (1).

En région wallonne, contre l'érysipèle on boit de sa propre urine, et, contre le muguet, on frotte les lèvres de l'enfant avec son maillot mouillé « naturellement » (2). Ce dernier remède existe également à Bruxelles.

En Flandre, entre Alost et Gand, comme à Tirlemont' pour combattre les inflammations des plaies, on se baigne dans la fosse à purin aussi longtemps qu'on peut le supporter, et pour le moins une heure entière. A Rooborst et aux environs on met des compresses de purin.

Cette tradition est fort répandue dans le Brabant. A Linkebeek, on se sert d'une compresse de purin pour mûrir les furoncles.

A Vilvorde, on guérit les maux de gorge par un enveloppement de bouse de vache ; à Linden, près de Louvain, on guérit l'érysipèle au moyen d'une crotte de chien séchée et finement pulvérisée, mise directement sur la partie malade et enveloppée d'un bout de toile.

A Lennick St Quentin et à Hal, on guérit les rhumatismes des pieds par des bains de purin bouilli, mêlé à de charbon du bois ; à Nivelles et à Virginal on se sert de bouse de vache mêlée à du son chauffé, à Neder over Heembeek de fumier de cheval, mêlé à des vers de terre.

A Vollezeele (Brabant) (3) et dans les environs, on emploie du crottin de mouton, et, à Zellick de la terre imbibée de purin, comme baume sur les brûlures ; à Opwijck du fumier d'étalon vierge, trempé dans du genièvre,. contre la jaunisse.

L'usage du crottin de cheval trempé dans du vinaigre pour guérir les maux de ventre est d'un usage assez général ; il nous est signalé à Piétrebais, Hauwaert, Holsbeek et Opwijck ; de même on trouve l'emploi du liquide provenant du fumier, mêlé à du soufre et du saindoux, contre les inflam(1)

inflam(1) DE WARSAGE. Op. cité, n° 894.

(2) R. DE WARSAGE. Op. cité, n° 1156.

(3) Communication de M. DE MARNEFFE au Folklore Brabançon.


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mations du visage. Enfin, à Piétrebais, on applique de la fiente de porc sur les plaies, pour arrêter le sang. A Bruxelles, à Hauwaert, à Diest et à Evergem, on met des cataplasmes de bouse de vache sur les blessures gangreneuses, sur les ulcères variqueux et particulièrement sur les panaris ; à Linden, Evergem, Stockel, Neder-over-Heembeek, Hauwaert et Kessel-Loo, pour guérir l'inflammation des mains ou des pieds ; à Tirlemont, pour guérir les foulures et les entorses, on prend un bain dans un seau puisé dans des latrines bien aérées ; pour l'inflammation de l'ongle d'un doigt, on y applique une compresse de bouse de vache. A Assche (Brabant), pour un abcès à la gorge, on utilise des compresses d'excréments humains, mis entre deux linges ; à Buggenhout, à Machelen et à Tirlemont, on met des compresses de bouse de vache sur les entorses et les foulures ; à Tirlemont, sur les blessures ou contusions à la tête. En Brandebourg, où l'on guérit le panaris de la même manière qu'à Bruxelles, on dit qu'on tue le ver du doigt par l'application des fèces (1). A Bruxelles encore, on guérit les engelures par des bains d'urine chauffée ou par l'urine d'un petit garçon ; à Louvain, pour faire repousser les cheveux, on se laisse uriner sur la tête ; à Bruxelles et à Opwijck, on recommande de se laver la tête avec la première urine du matin ; à Hannut, pour guérir les maux de dents on se gargarise avec de l'urine humaine, vieille de quinze jours ; à Bruxelles, comme en Pologne, on se sert de l'urine de lièvre pour guérir les maux d'oreilles (2).

A Vissenaeken près de Tirlemont, plusieurs personnes prétendent avoir été guéries par le remède suivant (il s'applique aux femmes qui, à la ménopause, ont des plaies aux jambes) : du saindoux pur que l'on fait bouillir dans de l'urine de vache conservée quelque temps dans la cave ; on laisse refroidir, on enlève la graisse et on l'applique sur la plaie.

A Etterbeek, à la suite d'un èrysipèle purulent, une personne fut atteinte de fièvre et perdit ses cheveux. On utilisa comme remède la première urine d'un nouveau-né du

(1) HOVORKA und KRONFELD. Vergleichende Volksmedizin, p. 500.

(2) DE ZMIQRODSKI. La Tradition 1891, p. 137.


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sexe féminin. Le sexe était une condition essentielle à la cure. Par contre, Dioscoride prescrivait l'urine d'un garçon innocent contre les cicatrices et les maux d'yeux (1).

C'est peut-être par substitution aux excréments et par analogie, qu'à Bruxelles, Louvain, Hauwaert et à Piétrebais on emploie de la pâte de pain d'épices contre les furoncles, ou, mieux encore, les petites boulettes de pâte semblable (pepernoten, noppekensou moppekens).

Bien que nous n'ayons pas abordé la question de la médecine vétérinaire, il nous semble intéressant de noter qu'à Stockel, pour guérir les vaches malades, on leur introduit dans la gueule des excréments humains.

AUTRES REMÈDES DÉSAGRÉABLES OU DOULOUREUX.

A Bruxelles, pour guérir la gorge, on conseille d'y appliquer un morceau de lard enveloppé d'un bas sale, le pied du bas contre la partie malade. En Allemagne, on prend des bas de femme et on applique l'intérieur contre la gorge. A Molenbeek-Saint-Jean, on croit soulager les épileptiques en leur enlevant un bas et en le leur appliquant sous le nez.

A Bruxelles, comme en bien d'autres villes et villages, même en Suisse et en Albanie, on conseille de se flageller d'orties pour guérir les rhumatismes et même la grippe. On nous a cité le cas d'un liégeois qui se mit des emplâtres d'orties sur la jambe dans la même intention. A Linden, une femme prit des bains d'orties et se flagella ensuite les jambes avec des orties fraîches. Le remède fut efficace prétend-elle. L'ortie est un très ancien remède. Dans un traité populaire du XVIIe s. elle est réputée bonne comme diurétique et pour guérir la gravelle, mais encore, ses feuilles écrasées guérissaient les ulcères, le cancer et les morsures de chiens enragés (2). M. J. Gessler l'a retrouvée dans un petit registre limbourgeois du XVIe s., où on conseille une infusion de racines d'orties contre la gravelle.

(1) OEuvres, L. H. ch. 99.

(2) Den cleynen Herbarius, Anvers 1825, p. 108.


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Paracelse employait les feuilles d'orties contre la gangrène et Chr. Wirtsung du jus d'orties pour chasser les vers des oreilles (1). En Allemagne, on croit que l'ortie, cueillie avant le lever du soleil, chasse les mauvais esprits du bétail (2), et les Indiens des Quixos, dans l'Amérique du Sud, se font flageller au moyen d'orties pour se guérir de certaines maladies (3).

A Oisquercq, on avale des limaçons rouges pour se guérir de la coqueluche. A Bruxelles, à Nivelles, à Virginal, à Assche, à Crainhem et à Linden, on les mélange à de la cassonade, ou bien à Nivelles, on introduit ce mélange dans une carotte ou encore on y ajoute des tranches de carotte. Ailleurs, comme à Piétrebais, pour les maux de gorge, on fait un emplâtre de limaces rouges écrasées.

Souvent aussi en nos provinces, ainsi que dans le Nord de la France, la sérosité que dégage le limaçon quand on le met dans le sel, est frottée sur les organes atteints de rhumatismes. Ce remède est ancien, on l'indique dans les pharmacopées du XVIIe siècle (4).

Dans toute la Belgique, comme d'ailleurs dans le midi de la France, les limaçons s'employent pour guérir la phtisie.

A Gand, Malines et le Nord du Brabant, pour couper la fièvre des foins, on écrase des cloportes après les avoir séchés au four ; on prend de cette poudre une cuillerée à café dans un verre d'eau. Dans un traité de Pierre Matthiolus, commentateur italien de Dioscorides, il est dit que « les cloportes prins en breuvage avec du vin, ilz servent à la jaunisse et à la difficulté d'uriner. Oinz avec du miel, ils sont fort bons à la squinancie etc. » (5) ; à Lokeren et même à Bruxelles, on les avale vivants dans une tartine, contre la jaunisse. Dans les Basses Alpes, pour se débarrasser de la fièvre on avale à jeun trois ou neuf araignées vivantes (6«.

(1) Medecyn Boeck. Dordrecht 1001, p. 91.

(2) VANDER HUAR. La superstition des campagnards, p. 189. DODONEUS, Cruydt-boek 225.

(3) FRAZER. Le bouc émissaire, trad. fr., p. 236.

(4) V. notamment Pharmacopea Schroeder. Hoffmanniana, Coloniae 1687, p. 600.

(5) Histoires et Ymaiges de Bestes. Renaissance d'Occident, août 1923, p. 250.

(6) ROLLAND. Faune populaire, 1.111, p. 239.


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A Bruxelles, contre la tuberculose on mange des poux ; ailleurs à Pepinghen, Lebbeke et Denderleeuw, on s'en sert contre la jaunisse (1). Ces parasites sont censés emporter la maladie. (A noter à ce sujet que Dioscorides administrait des punaises comme nauséabondes dans la fièvre quarte (2) et qu'Avicenne conseillait de manger des punaises contre la fièvre quarte et l'hystérie) (3).

Le commentateur de Dioscorides dont nous venons de parler, donne le sens de ce traitement : « Ains sont tellement puantes, que les sens et les esprits sont plus offensez de leur puanteur, que les parties du corps » (4).

Au Moyen-Age, on pratiquait tout un système de fumigations au moyen de plantes odorantes qui chassaient les esprits ou les rendaient furieux et, ainsi, décelaient leur présence (5).

M. Vandenbosch de Louvain, dont nous avons parlé déjà, indique un traitement bien typique sous ce rapport et qui, dit-il, fit la réputation des religieuses de Rees. Il s'agit d'un remède contre le cancer : on prend des crevettes mâles, on les fait sécher dans un four de boulanger, on y ajoute de l'ail, on met le tout dans un sachet que l'on applique sur le cancer pendant 24 heures. Non seulement le remède est dangereux, à cause du sommeil qu'il occasionne, mais il répand une odeur tellement nauséabonde et insupportable qu'il est dangereux de le toucher des mains, qu'il faut l'enlever au moyen de pincettes et se couvrir le nez et la bouche d'un linge vinaigré. Le remède doit être enterré dans un trou profond et préparé d'avance (6).

L'ethnographie relate bien d'autres moyens de chasser, soit par violence, par menace ou par ruse, les démons qui causent les maladies ; un des plus caractéristiques est celui que l'on a adopté au Maroc. Le médecin enfonce l'ongle de

(1) DECOCK. Volksgeneeskunde in Vlaanderen, p. 196.

(2) Ch. 36.

(3) SPRENGEL. Hist. de la médecine, IL p. 319.

(4) Histoires et Ymaiges de Bestes, v. Renaissance d'Occident, août 1923, p. 246.

(5)KING. Médiéval medicine, Nineteenth Century, t. XXXIV, p. 149. (6) Handboek voor lljdenden of geneezing zonder geneesheer, pp. 307308.


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son pouce sous un des ongles du malade et donne au démon l'injonction de sortir. Sous l'influence de la douleur, le diable finit par répondre affirmativement parla bouche dumalade 1).

Les Bahima de l'Ouganda guérissent les malades en leur faisant avaler des fumées de plantes désagréables aux esprits {/), et les Kavirondos du Nil, de même que les Patagons, les Dakotahs et les Fidjiens, prétendent arriver au même résultat en faisant du bruit (3). Les Aïnos du Japon chassent les démons par certaines odeurs qui leur sont désagréables (racines de convolvulus, têtes d'albatros, etc.) (4). La même idée régnait à Rome (5), aux Indes (6) et en Afrique (7) ; on la retrouve dans Agrippa (8). La médecine populaire japonaise guérit les malades qui sont censés être possédés par des renards ou des blaireaux, en les exposant à un feu intense et en leur versant de l'eau bouillante sur le dos (9). Les Chinois mettent un masque horrible aux enfants pour écarter les démons de la variole (10). Les Négritos des Philippines font danser le malade pour faire regrettera l'esprit d'avoir choisi un habitat aussi instable (11).

Les Mayas, contre le rhumatisme, le rhume etc., préparaient une sorte de pâte faite de vers venimeux et puants (12), et chez les Mosquitos de l'Amérique centrale, la sorcière se peignait la figure de manière à se rendre effrayante aux esprits (13).

(1) E. MAUCHAMP. La sorcellerie au Maroc, p, 200.

(2) ROSCOE. The Bahima, J. A. I. 1907, p. 103.

(3) NORTHCOTE. The nilotic Kavirondo, J. A. L, 1907, p. 64. TYLOR. Anfange des Kultur II, pp. 128 et 129. D'ORBIGNY. L'homme américain, II, p. 73-168.

(4) BATCHELER. The Aïnos and their Folklore, p. 311.

(5) PALLAD. De re rust. I, 35, 11.

(6) OLDENBERG. Religion du Veda, p. 494.

(7) SCHURZ. Zaubermittel der Evheer. (Archiv fur Ethnol. t. XIV. p. 13).

(8) de occ. Phil. L. I, ch. 43 et 44.

(9) TEN KATE. Globus, t. XCIV, p. 376.

(10) Dr DE KEYZER. La médecine en Chine et au Japon, p. 21.

(11) W. A. READ. Négritos of Zambales, p. 66.

(12) HERRERA. Hist. gêner. Dec. IV, 1. VIII, ch. X.

(13) BANCROFT. Native races, I, p. 742.


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Les sorciers Kirghiz, pour guérir les maladies, chassent les démons qui en sont la cause, en fouettant le malade et en lui crachant au visage (1). Dans l'ancienne médecine germanique, le guérisseur chassait le démon par ses cris, par des coups et des frottements (2) ; les prêtres chaldéens battaient le malade pour chasser le démon de la maladie (3), et Celse conseillait la même traitement (4).

Un remède bruxellois, d'un goût abominable, paraîtil, est « l'huile de gazette » (gazetolie) qui s'emploie pour combattre les maux de dents. Par un moyen quelconque, on chasse la fumée que dégage un journal enroulé en combustion, dans un verre de genièvre et avec ce produit on tamponne la dent malade. A Liège, on connaît un remède semblable que l'on appelle « dî l'ôl di papi » (de l'huile de papier). Peut-être faut-il rapporter à la même idée générale, ce procédé qu'employait un ancien curé de Bornival pour guérir un possédé : il faisait brusquement fuser de la poudre à canon.

Les Marabouts arabes d'Afrique font quelque chose d'approchant ; ils écrivent sur de petits carrés de papier des versets coraniques ou autres formules puissantes et saintes. Ils roulent ces papiers comme pour faire des cigarettes, les allument par une extrémité et les introduisent ainsi flambants dans les narines du patient en criant : « Sors, sors, ô Satan » (5).

Il est cependant des peuples qui tentent d'amadouer les esprits de la maladie par des actes bienveillants à leur égard et le plus caractéristique parmi eux est peut-être le culte que l'on rend à la petite vérole en Géorgie (6).

(1) DE LEVCKINE. Description des Kirghiz-Kozaks, p. 356.

(2) NEUBURGER und PAGEL. Handbuch des Geschichte der Medizin, I, p. 464.

(3) C. FRANK. Studien zur babylonischen Religion, I, p. 25.

(4) III ch. 18.

(5) P, MARCHAL. Institutions musulmanes en Afrique. Semaine d'ethnographie religieuse, IIe session, p. 278.

(6) v. SAKHOKIA. Le culte de la petite vérole en Géorgie. Mémoires de la Société d'Anthropologie, 1903, nus 2 et 3.


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CERUMEN DES OREILLES.

A Anvers, à Tubize, à Léau (Brabant) et en maints endroits du pays, on applique le cérumen des oreilles sur les piqûres d'insectes. L'usage est également noté en Bretagne (1), au Japon et en Allemagne (pour les blessures) (2). A Linden, on s'en sert contre les petites brûlures.

Le remède est ancien. Oribase croyait que le cérumen a de l'efficacité contre les ongles incarnés (3) et Galien blâme Xénocrate d'Aphrodisée de lui avoir attribué des vertus magiques (4).

Schrôder, en 1687, le donne comme remède contre les piqûres de scorpion et les plaies ou crevasses de la peau (5). Lemery, membre de l'Académie des sciences en France, disait que l'ordure jaune qu'on tire des oreilles et;qu'on appelle la cire de l'oreille est résolutive et bonne pour les panaris (6). Au XVIIIe siècle, on prétendait que les guérisseurs faisaient disparaître les maux de dents au moyen du cérumen (7) ; on l'a utilisé également contre les piqûres de vives. Le D1 Van Schevensteen a recueilli diverses prescriptions, tant anciennes que modernes, relatant l'emploi du cérumen, la cire des oreilles, contre les douleursoculaires(8).

D'où vient cette idée ? Il nous semble bien difficile de le dire. Cependant ce qu'on dit en Albanie à ce sujet laisse entrevoir une explication. La vie, selon les Albanais, est due à un ver qui vit dans l'oreille. Le cérumen est l'excrément de ce ver (9) dont l'existence était admise par l'ancienne médecine. Ce serait donc un remède stercoraire de nature spéciale.

(1) ORAIN. Op. cité, II, p. 262.

(2) KÔKLER. Volksbrauch. Aberglaube, etc., im Voigtlande 1867, p. 348.

(3) Synopsis VII, 18.

(4) De facult. simpl. 1. X.

(5) Pharmacopea. Cologne 1687, p. 602.

(6) Dictionn. des drogues simples 1759, p. 429.

(7) BUNON. Essai sur les maladies des dents 1743, pp. 178 et 191.

(8) Les remèdes d'origine humaine contre les maladies des yeux, pp. 3 et 4.

(9)DURHAM. Some Balkan remédies. Man. 1923, p. 134.


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On a signalé son emploi dans les Andes contre les piqûres de vampires et chez les Malgaches contre les gonflements et les coliques (1).

(1) MARCEY. Scènes et paysages dans les Andes, II, p. 120. Dr ROMISACAY. Pratique médicale des Malgaches, p. 73.


M. FR. SMITS.

INCANTATIONS.

La plupart des remèdes égyptiens étaient accompagnés d'incantations, c'est-à-dire de phrases qui, ou bien cherchaient à en imposer aux démons des maladies, ou bien appelaient la coopération d'un dieu. A noter que bien souvent les phrases magiques et aussi les prières ont, même en nos régions, le sens d'un acte magique direct ; par elles on croit agir directement sur l'âme d'une autre personne ou sur le démon (1). Que celui qui connaît la parole et peut la prononcer est tout puissant, c'est là une conception des plus anciennes ; c'est ce qu'affirmaient Zoroastre, Orphée, Platon, Synésius, Jamblique et beaucoup d'autres.

Nous connaissons un assez grand nombre d'incantations égyptiennes. En voici :

« Qu'elle s'enfuie, celle qui entre, sans qu'elle revienne,

Celle qui m'attaque sans que ses mains soient sur moi

Eloigne toi de moi, car je suis Horus,

Eloigne toi car je suis le fils d'Osiris.

Les incantations de ma mère protègent mon corps

De sorte que rien de mal ne vienne en mon corps,

Pars, Pars (7 fois) (2).

Une autre : « Quand il y a de l'orage dans le ciel du Midi et de l'orage dans le ciel du Nord, lorsque la colonne tombe dans l'eau, alors les nautoniers de Râ fleurissent leurs mâts, mais leur tête tombe dans l'eau. Quel est celui qui la retrouvera ? Je suis celui qui la retrouve et la rapporte.... alors je vous rapporterai ce par quoi vous pourrez chasser le démon de la fièvre et de la moTt. »

(1) WUNDT. Vôlkerpsychologie, t. IV, p. 281.

(2) Pap. Hearst. pp. 107-108.


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Ceci doit être dit sur la cervelle d'une tortue, mêlée à du miel, et mise sur les yeux (1).

Des incantations étaient dites sur tout ce qui sert à la médecine et ni dieux, ni démons, ni ennemis ne pouvaient résister à leur action (2) ; il en fut de même en Chaldée où elles étaient souvent accompagnées de gestes pieux, de certaines cérémonies qui symbolisaient la manière suivant laquelle on pensait que le malade allait être débarrassé du démon (3).

M. Thompson interprête comme suit les incantations chaldéennes : en attaquant les puissances du mal, il ne suffisait pas au magicien de se fier uniquement à son propre pouvoir ; il était nécessaire pour lui d'appeler à son aide quelque autorité divine pour l'aider dans le combat... Ceci est généralement connu sous le nom de « parole de puissance » et, sous sa forme la plus simple, elle est le nom de quelque être ou objet divin (4).

Aux Indes, nous retrouvons des incantations semblables — les montras. Voici un charme contre la fièvre : < Puisse Agné rejeter d'ici la fièvre, puisse Soma, la meule, et Varuna d'habilité connue, puisse l'autel, la paille (sur l'autel) et les fagots qui éclairent brillamment (l'écarter). Les méchants pouvoirs seront réduits à néant » (5).

C'est parfois une lutte héroïque entre le remède et le mal :

« Quand avec vénération je prends ces plantes en moi,

Alors s'enfuit l'atrophie comme devant l'ennemi mortel,

Quand vous, ô plantes, pénétrez dans tous les organes

Là vous expulsez l'atrophie

Comme un héros, qui pénètre au coeur.

O atrophie, envole-toi, accompagne l'ouragan (6) ».

En Germanie, les Nornes et les Valkyries s'apparentaient aux « femmes sauvages », très expertes à guérir et qui enseignaient parfois leur art à certains personnages, tels

(1) Pap. Ebers. LV1II, 7, C. VIII.

(2) BUDGE. Egyptian magie. Préface, p. XI. DAWSON. Medicine and Surgery In Ancient Egypt Asiatic Review, 1926, p. 170.

(3) JASTROW. The medicine of the Babylonians, p. 115. F. KÛCHLER. Assyrisch-Babylonischen Medizin, p. 3 etpassim.

(4) The devils and evil spirits of Babylonia, pp. XXI-XXII.

(5) Atharva Veda I, 1.

(6) Rig Veda X, 97.


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Wate dans Gudrun (2117); elles employaient surtout des chants et des incantations (1).

Chose à noter, en passant, c'est que l'Illiade ne mentionne nulle part des incantations pour guérir les blessures. Dans l'Odyssée par contre, lorsque Ulysse est blessé par le sanglier, on bande la plaie et, par des paroles enchantées, on arrête le sang (2).

Platon dit que sans les paroles magiques, il n'y aurait rien de bon dans les herbes (3), et Paracelse répète la même chose.

Les Grecs, de même que les autres peuples, firent un

grand usage de l'épode, incantation parlée ou chantée, pour

la guérison des blessures ou des maladies. Asclépios,

d'après Pindare, guérissait les maladies par des paroles

magiques (4) ; Pausanias dit qu'Orphée avait trouvé les

épodes (5) et Euripide parle des épodes d'Orphée (6). Maints

autres auteurs en parlent fréquemment et Caton nous a

conservé de ces formules (7). Les Gnostiques fusionnèrent

dans leurs incantations les diverses magies : égyptiennes,

chaldéennes et juives surtout (8). C'était l'usage, parmi les

juifs, de chasser les démons par l'invocation du nom

divin (9) ; de là, cet usage passa dans le christianisme en

une forme plus religieuse, mais cependant quelquefois avec

un mélange d'éléments magiques souvent empruntés à

l'Egypte.

Les néo-zélandais avaient une prière pour le mal de tête et des charmes en vers pour les brûlures, le mal de dents, etc. (10) et M. Momey a recueilli une très grande collection de ces formules parmi les Cherokees. Le D' Kreemer a recueilli, en Malaisie, toute une série de curieuses incanta(1)

incanta(1) PETERS, der Arzt, p. 7. SIMROCK, Deutsche Mythologie, p. 332.

(2) XIX, 457 et suiv. GOMPERZ. Les penseurs delà Grèce, I, pp. 294-295.

(3) Charmide 5, 8. (4)PYTH, §, 51.

(5) 9, 30, 3.

(6) Cyclopes 639. Iphigénie in Aulis 1211. Alceste 982.

(7) CATON. De rer. rust. 160. Tibulle4, 4, 9. Ovide. Amours I, 8, 6. Métam. VII, 167. Horace. Satyres I, 8. Virgile. Eglogues VIII, 68 et suiv.

(8) SCOTT MONCRIFF. Paganism and Christianity in Egypt, pp. 44 et suiv.

(9) JUSTIN. Dial. c. Tryphone, c. 85. Irénée II, 6. 2.

(10) P. SÉBILLOT. Le Folk-lore p. 250.


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tations contre les maladies (1), et le code chinois de l'époque des Ming, revisé en 1647, prévoit la peine de mort contre ceux qui prononcent des incantations (2). Les primitifs australiens avaient des quantités d'incantations pour nuire à leurs ennemis (3).

Pour les Chrétiens primitifs, le nom de Jésus détruisait tous les enchantements mauvais, et le signe de la Croix était une garantie contre la magie malveillante (4) ; c'était la plus sûre défense contre les démons et le remède contre toutes les maladies. Saint-Athanase disait notamment que « dès que vous prononcerez le nom de Jésus, le diable fuira, les oracles se tairont et toute magie sera vaine (5) » et c'était tout autant dans la vertu du mot, que dans la foi, que résidait la puissance, puisque les infidèles mêmes utilisaient ce mode d'exorcisme, avec cette différence (pour les Juifs surtout) qu'ils chassaient le démon par le nom de Jésus (6). Saint-Augustin relate qu'un cancer au sein, considéré comme incurable, fut guéri par le signe de la Croix (7).

Dans un papyrus de Gizeh du IIe ou IIIe siècle, on invoque le nom de Jésus pour dompter toutes les puissances des ténèbres, pour chasser les démons et esprits du mal et pour éloigner les froids et toutes sortes de maladies (8). C'était une vieille tradition sémitique que d'attribuer des pouvoirs extraordinaires aux noms divins.

Aëtius, le plus ancien médecin chrétien dont les écrits nous soient parvenus, récitait des passages de la Bible en préparant ses médicaments, pour renforcer leur efficacité, et certaines de ses incantations sont très semblables à celles qu'on retrouve ici (9). Au Moyen-Age, on

(1) B. T. L. V. t. LX, pp. 452 et suiv.

(2) DOUGLAS. Society in China, p. 77.

(3) SPENCER and GILLEN. The northern tribes, ch. XIV, p. 455.

(4) TERTULLIEN. De Cor. Mil. 3. — Apol. XXIII — Justin Apol. II, 6-8. Dial. cum Tryphone. Origine c. — Cels I, 6 et 25.

(5) De incarnatione verbi Dei. IV. 48. v. à ce sujet SCHERMANN. Die AUgemeine Kirchenordnung, p. 274.

(6) SCHURER. Geschichte des Jûdischen Volkes, t. III, p. 409. HARNACK. Die Mission und Ausbreitung des Christentums, p. 97.

(7) De civit. Dei, XXII, 8.

(8) JACOBY. Ein neues Evangelien Fragment, pp. 31 et suiv.

(9) GARATTS. Myths in Medicine, p. 47. Retabiblion H et IV.


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donnait au médicament une puissance religieuse, soit en priant sur lui, soit en faisant sur lui le signe de la Croix, soit en y mêlant de l'eau bénite et ceci l'emportait de loin sur les propriétés médicinales de la drogue. Exactement comme nous le rapporte un ethnologue des populations de l'Alaska « Toute vertu qu'un médicament peut avoir en luimême est attribuée au charme que l'on suppose mis dans la préparation par les docteurs » (1).

Cette recette du XIIIe-XIVe siècle l'indique nettement : Pour fièvre tierciène, prenez ilij feulles de plantain encontre le solleil, et dites iiij foiz pater noster et lavez le jus avec iasce benoite quant vous commencerez à trembler (2).

C'est ainsi encore qu'un auteur du XVIIe siècle, pour arrêter le saignement de nez, tout en comprimant la narine et en appliquant sur la tête un linge mouillé d'eau froide, attribuait surtout l'action au pater et à l'ave que l'on récitait (3).

En Wallonie, pour se débarrasser de la fièvre, tout en récitant son chapelet, on cherche une tige de gros « bouillon blanc » et on la jette au vent (4) ; pour guérir une foulure : du pied sain, on trace trois fois le signe de la Croix en disant : « Annette ! Annette ! au nom de Jésus-Christ et de sa toute puissance. Ainsi soit-il » (5) ; ou bien, on masse la foulure avec la moelle de l'os d'un jambon et l'on « signe » en disant : « N... foule sous ton pied comme l'âne qui porta Jésus-Christ en Egypte » (6). Parfois on doit dire le Pater à rebours (7), ce qui semble être une survivance de la magie noire, où l'on disait fréquemment les prières à rebours.

On se sert parfois de prières pour transférer le mal à un objet inanimé. A Hauwaert, on touche une dent malade avec un objet et l'on dit : « Je vous bénis au nom de Dieu et de saint Eloi. Que la sainte Croix du Christ soit avec moi ». En voici deux autres qui proviennent de la même localité et qui se disent, l'une pour arrêter les hémorragies : « Je conjure au nom de Dieu et de saint Eloi. Le vendredisaint, J. C. fut blessé (faire un signe de Croix), que cette

(1) NIBLACK. The coast Indians of Southern Alaska, p. 339.

(2) P. MEYER et CH. JORET. Recettes médicales en français. Romania, 1889, p. 574.

(3) FROMMANN. Tract, de fascinatione 1675, cl. 29.

(4) R. DE WARSAGE. Le calendrier populaire wallon, 1920, n° 959.

(5) (6) (7) R. DE WARSAGE. Le calendrier populaire wallon, 1920, n° 515.


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blessure ne s'enflamme ni ne s'envenime (croix). J'espère que cette blessure ne s'enflammera plus et ne fera plus souffrir » ; l'autre pour guérir les entorses en faisant un signe de Croix avec le pouce, sur l'endroit douloureux : « Je vous bénis au nom de J. C. et de saint Eloi et que tout soit comme précédemment». Ensuite, on dit cinq pater et cinq ave en l'honneur des cinq blessures de N. S.

A Liège, lorsqu'on a un pied engourdi, on mouille l'index ou le pouce et l'on fait une croix sur le pied « endormi » même sans se déchausser (1). A Everberg, en cas d'hémorragie menstruelle, on se signe avec le sang, on attend cinq minutes et l'on récite cinq pater. A Linden et à KesselLoo, pour guérir les maux de dents, au nom de Jésus, de Marie et de sainte Apolline, on fait trois signes de Croix sur chaque bras pendant qu'on récite un ave, et, trois dimanches de suite, à l'Elévation, on dit un ave en l'honneur de sainte Apolline. A Lennick, avec l'oignon qui sert à guérir les verrues, on fait le signe de la Croix. N'oublions pas qu'on chasse le mauvais esprit au moyen du signe de la Croix (2). La coutume de prier sur les malades pour enlever le mal est, dans nos régions, beaucoup plus répandue qu'on ne le croit. Cela s'appelle en flamand : belezen, aflezen ou overlezen (aux environs de Tirlemont on dit : zegelen).

Z'es betooverd, ze moet naar de witheeren (of de Kapuzienen) voor ze te belezen, (elle est ensorcelée, elle doit se rendre chez les Pères blancs ou les Capucins, pour qu'ils prient sur elle) dit-on couramment à Bruxelles. Cela se pratique surtout pour les maux dont on ignore la cause. L'opinion la plus répandue, c'est que ces moines, par leurs incantations, prennent le mal sur eux et que fréquemment ils en meurent quelques jours après. M. De Cock ajoute que, pour celui qui se rend chez les Pères, c'est la vie ou la mort, car si la sorcière a eu vent de la démarche tentée par le possédé, elle peut réussir à déjouer le plan et alors c'est la mort du pèlerin (3). Généralement, ces moines sont appelés dans d'autres villes : ainsi, à Bruxelles et dans l'ouest du

(1) MONSEUR. Le Folklore wallon, p. 27.

(2) ISID. TEIRLINCK. Folklore flamand, p. 72.

(3) Volksage, Volksgeloof en Volksgebruik, p. 165.


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Brabant, ce sont des moines de Termonde ou les bénédictins d'Afflighem qui ont le plus d'efficacité, comme dans le sud de la Flandre, ce sont des moines Augustins gantois ; dans le sud du Brabant, et au nord du Hainaut, des moines d'Enghien. L'étranger à plus de prestige. Et ceci était déjà l'opinion qui prédominait dans l'ancienne Egypte, où les magiciens des régions éloignées avaient un prestige plus grand que ceux de la région même (1). Cependant, surtout dans la région wallonne, ce sont les curés de l'endroit qui fréquemment remplissent cet office de guérisseur. On dit que les Pères prient parfois jusqu'à en transpirer sang et eau. Dans l'esprit populaire, l'effet obtenu est proportionnel à l'effort manifesté par celui qui prie (2) et ces prières se disent parfois des heures durant.

Non seulement les religieux disent des prières, mais les « leveursde sorts » également. Le recours aux exorcismes était, dans le principe du Christianisme, de droit commun, mais plus tard, on en réserva le privilège aux seuls ministres des autels (3) ; les laïcs n'y renoncèrent cependant pas et employèrent de préférence des formules aux aspects orthodoxes. C'est ce que disait déjà Bodin : « Et a fin qu'on ne soit pipé par les sorciers leurs réceptes sont pleines de belles oraisons de psalmes, du nom de Jésus-Christ à tout propos, de la Trinité ; de croix à chaque mot, d'eau beneiste, des mots du canon de la messe » (4). Les enchanteurs parlaient le même langage mystique que leurs rivaux, les élus ; les fées et le nain Obéron invoquent le nom de Jésus et font des signes de croix pour opérer (5).

Un « leveur de sort », qui habite le grand faubourg de Schaerbeek, possède une chapelle, où il fait ses prières ; il récite, sur les membres malades de rhumatismes (guérison dont il s'est fait une spécialité), des signes de Croix et le malade lui-même doit réciter un nombre déterminé de pater et d'ave.

(1) LEXA. La magie dans l'Egypte ancienne, t. 1. p. 61. HUBERT et MAUSS. Théorie générale de la magie, p. 26.

(2) Cf. DE COCK. Volkskunde 7e année, p. 16.

(3) MAURY. Magie et astrologie, p. 318.

(4) BODIN ANGEVIN. De la démonomanie des sorciers 1582, p. 47, (5)MIRAY. La vie au temps des trouvères, p. 291.


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A la fin du XIXe siècle, habitait, au quai de Mariemont à Bruxelles, un guérisseur très renommé, connu sous le nom de Colette. 11 guérissait, préservait et déjouait les sorts. Dès cinq heures du matin, on faisait queue à sa porte. Il guérisait en priant — « overlezen » — 11 avait la réputation de deviner le mal dont souffraient ses clients, puis il priait avec une tension telle que la transpiration lui coulait du visage. On nous a rapporté de Linden, cette formule contre le cancer :

Au nom de N. S.

J. C. je vous ordonne,

Cancer blanc, cancer rouge,

Et tous autres cancers

De disparaître de cette créature N...

Voici les formules dont fait usage un guérisseur contemporain, qui habite Molenbeek, et qui, d'après lui, sont infaillibles. Plusieurs personnes nous ont affirmé qu'elles ont été guéries par ces formules. Pour toutes brûlures : « Vous êtes né de Dieu le Père (signer la partie malade), délivré par Dieu le Fils (signer) et sanctifié par Dieu le Saint Esprit (signer) » (1).

Cette formule est également souveraine contre les entorses, les foulures, les blessures graves, car c'est du feu (brand) qu'il faut extraire du corps. Elle est efficace aussi pour guérir les entorses des chevaux, mais alors toute la récitation doit être faite sans respirer, c'est à dire qu'il faut déployer un effort plus grand.

Contre les hémorragies utérines, le même guérisseur opère comme suit :

Il commence par réciter cette formule (2) : Viens de par delà le Tensenberg (3), j'y trouvai trois vierges ; la première parla : « Dieu nous aidera » la seconde parla : « le sang s'arrêtera » la troisième parla : « C'est par Marie

(1) Cette manière de signer après le nom de chaque personne delà Trinité est coutumière dans la magie (Pneumatologia occulta et vera. Horst Zauberbibliothek, I, p. 151).

(2) 11 est recommandé de ne pas dire le « Je ».

(3) La colline intervient souvent dans les histoires magiques. (MACCULLOCH. Folklore 1921, p. 237. D'autres formules flamandes disent Rezenberg, Ramsonberg, Renneberg, etc.


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que le sang s'arrêtera ». Puis il signe la personne. Ensuite, il écrit cette formule sur un morceau de papier que la femme doit porter pendant un jour sur son côté. Durant ce jour, la patiente ne peut ni travailler dans l'eau, ni repasser du linge, ni faire aucune besogne fatigante.

A Hauwaert, près de Louvain, la même prière se dit avec quelques légères variantes :

« Au nom de la Sainte-Trinité, j'ai passé sur trois montagnes de sang, là je vis trois vierges, la première dit : (comme ci-dessus). Puis on signe trois fois et on ajoute : « Seigneur ! Seigneur ! Seigneur ! que votre volonté se fasse sur la terre comme au ciel. Amen ».

M. Poskin indique une autre variante qui existe en français et en flamand. L'auteur n'en donne pas l'origine : Au nom du Père, etc. Trois bonnes nouvelles sortaient de Cana en Galilée. La première disait : il ira bien. La seconde disait : c'est fini. La troisième disait : il aidera bien ; s'il plaît à Dieu et à Marie, il s'arrêtera bien » (1).

Voici la prière telle qu'elle se dit à Opwyck (Brabant) : Trois vierges vinrent de Chanaan et de Galilée. La première dit : c'est fait ; la seconde dit : cela ira bien ; la troisième dit : cela s'arrêtera bien s'il plait à Dieu et à Marie, la perte de sang de N... (nom) ; ou dit 3 pater et 3 ave en l'honneur de la grande souffrance de J. C. en ajoutant « Partez d'ici démon sanguin, et allez aux profondeurs de l'enfer».

A propos de cette prière, nous croyons intéressant de rapporter l'anecdote suivante, qui montre la croyance que certaines personnes ont en son efficacité. Le narrateur, homme sérieux, nous en a certifié l'authenticité : Un laboureur de Lebbeke alla, avec un cheval, chez un vétérinaire de Termonde, pour faire l'amputation de la queue. Le vétérinaire demanda où il devait amputer. « Court » répondit le laboureur — « Mais c'est dangereux par suite de l'hémorragie » — « Saigner n'a aucune importance, riposta le laboureur, cela ne saignera pas plus longtemps que je ne le veux » — « J'ai déjà entendu dire, répondit le vétérinaire, que vous êtes un demi-sorcier, mais je n'y accorde aucune croyance et pour toute sécurité, je chaufferai tout de même le fer pour arrêter le sang si l'hémorragie était trop forte ».

(1) POSKIN. Préjugés populaires, p. 58.


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Au bout d'un certain temps le laboureur demanda si le cheval avait assez saigné. Oui ! répondit l'opérateur. — « Alors je vais arrêter le sang ».

Il récita la prière et le sang s'arrêta. Le vétérinaire fut convaincu.

Quoiqu'il en soit, ceci montre bien le sens magique que l'on donne à ces prières ou, plutôt, à ces incantations. Les mots ont une action directe ; la bienveillance divine n'entre pas en jeu, car l'effet est certain, même s'il s'agit d'animaux ; il importe uniquement de flatter la vanité du sorcier.

L'idée que les mots ont une puissance en eux-mêmes est inhérente à la magie. Les Grecs le croyaient et Origène, lui-même, n'avait pas rejeté cette conception, puisqu'il disait qu'une incantation traduite en une autre langue perdait son action (1). Il faut d'ailleurs que ces prières soient dites textuellement, sinon elles sont inopérantes. Parfois, lorsque le guérisseur se trompe, il doit les reprendre trois fois, et, à la seconde erreur, neuf fois.

Les incantations que nous venons de voir ont quelque parenté avec celle qui nous vient de la Saxe, également pour guérir les hémorragies :

« Il y avait trois roses sous le coeur de Dieu, la 1™ s'appelle bonne, la 2"e s'appelle sang, la 3e s'appelle volonté divine ; sang arrête-toi 1 » (2). Les prières du même genre sont nombreuses et très répandues. Nous nous bornerons à rappeler, à titre de comparaison, d'abord celle ci-après, recueillie à Vic-sous-Thil en Bourgogne, et qu'on y emploie pour obtenir la guérison des orgelets.

Le guérisseur fait trois signes de croix cabalistiques, sans « amen » ; il met son pouce près de l'oeil du malade et dit la prière :

« Les trois Marie s'en vont par delà les mondes chercher s;mté, guérison, de la maille et du bourgeon (orgelet). Rencontrant Notre Seigneur qui leur dit : « Marie, où allez-vous ?» — « Seigneur, nous allons au delà des mondes chercher santé, guérison de la maille et du bourgeon ». Notre Seigneur leur dit : « Marie, retournez dans vos maisons, vous y trouverez santé, guérison, de la maille et du bourgeon » (3).

(1)C. CELS. I, 24 et 25, V. 45.

(2) ANNABERG. Aberglaube. Sitte im Sachsischen Erzgebirge, p. 108.

(3) CLÉMENT JANIN. La médecine populaire en Bourgogne. Progrès de la Côte d'Or 30 Juillet 1880. Reproduit dans la Revue des Traditions populaires, II, n° 5.


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En voici une autre, dans le même esprit, cueillie dans un livre d'incantations hongrois qui date d'environ un siècle :

« Trois vierges pures cheminaient, elles voulaient voir une tumeur et une maladie ; l'une dit : cela brûle ; l'autre dit : ce n'est rien ; la 3e dit : n'est-ce donc tien? Ainsi parla N. S. Jésus-Christ, au nom de la SainteTrinité (1).

Ci-dessous une prière contre le mauvais oeil, d'origine orientale, mais en usage aussi chez certains Juifs de Bruxelles:

Trois femmes sont debout sur un rocher. L'une d'elle dit que je suis malade, l'autre dit que je ne suis pas malade, la troisième dit que je ne suis pas malade et que je ne le serai pas.

Si c'est un homme qui t'a fait du mal, que les cheveux de la tête et de la barbe lui tombent, et si c'est une femme qui t'a fait du mal, que les dents et les mamelles lui tombent.

Comme la mer n'a pas de chemin, comme le poisson n'a pas de sang et la fourmi n'a pas de reins, de même tel fils de telle femme n'aura pas de malheur, ni de chagrin, de perte et le mauvais oeil n'aura pas d'influence sur lui.

Comme il est écrit dans la Bible : Joseph est le rejeton d'un arbre fertile, le rejeton d'un arbre fertile sur les bords d'une source. Alors Israël chanta ce cantique : Monte puits. Acclamez-le ! Le puits que des princes ont creusé, que les grands du peuple ont ouvert avec le sceptre, avec leurs bâtons. Du désert ils allèrent à Mathana, de Mathana à Nathalie), de Nathaliel à Bamoth, de Bainoth à la vallée qui est dans les champs de Moab, au sommet de Phasga qui domine le désert.

Comme Ezechlas, roi de juda, à été guéri de sa maladie, ainsi sera rétabli de sa maladie tel et tel, par la puissance de Dieu qui provient des initiales A. G. L. A., qui est l'abréviation des mots : Tu es Seigneur puissant à jamais. Amen Selah (On répète trois fois) (2).

(Cette prière est en usage surtout parmi les Juifs de Lithuanie).

Voici une prière recueillie dans le petit village de Molenstede, près de Diest, et qui a bien conservé son esprit d'incantation magique.

Contre les coliques : « Au nom de Jésus de Nazareth, je parle à l'esprit impur. Je vous ordonne, au nom de N. S. Jésus-Christ, que vous sortiez de lui (ou d'elle, s'il s'agit d'une femme). Le Seigneur J. C. a cinq plaies saignantes qui ne se sont jamais enflées ni envenimées.

La suivante provient de la même source et est efficace contre les taches (la fleur ou la perle) sur les yeux. Il faut d'abord que le malade vienne chez le guérisseur trois vendredis consécutifs. Lui et l'opérateur doivent être à jeun :

(1) R. F. KAINDL. Zeitschrift fur Ethnologie 1893, p. 28.

(2) Traduit de l'hébreu par M. le prof. KATZENELLENBOGEN.


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« Marie était assise sur une froide pierre et dit : Ah ! mon cher Fils, mes yeux me font tant souffrir. Jésus dit : Ah ! ma chère Mère, je vous tondrai ? (scheren ?) de mes deux mains des taches rouges et blanches et tout ce qui peut y aider ».

En voici encore deux de Molenstede, contre les brûlures :

« Dieu guérira cette brûlure par le Saint-Esprit, par le Seigneur Saint-Jean.

Pour guérir un membre foulé :

« La puissance de Dieu dépasse la force du démon, au Nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit (3 fois) ; puis cinq pater.

L'origine et le sens de ces prières sont assez confus. Les plus anciennes prières de ce genre remontent au XIIe siècle, et il semble que les trois vierges ou les trois Marie étaient primitivement les anges ou démons de la maladie que le Seigneur rencontre et renvoie. C'est ce que montrent les prières dites « de la rencontre » et qui existaient au début du Christianisme, telles que celle-ci conservée dans un manuscrit arménien et qui est une incantation contre les maux de dents :

«Au nom du Père, etc.. Le mauvais oeil sortit de la pierre dure, noire, et l'ange Gabriel rencontra cet oeil et lui demanda : « Où vas-tu, fille de perdition ? » et il répondit : « Je vais détruire les hommes, etc. (1).

Le type de ce genre d'incantation remonte même à l'Egypte, car en voici une qui est extraite d'un papyrus du IIIe siècle avant J. C. :

«Horus... montait sur une colline, à midi, dans la saison delà verdure... sur un cheval noir, il portait les rouleaux du papyrus sacré. 11 rencontra tous les dieux assis à la place du jugement, mangeant les produits du Nil. Ils dirent : Horus, viens-tu manger? Il répondit : laissezmoi, je ne désire pas manger. Je suis malade en ma tête, je suis malade en mon corps, une fièvre s'est emparée de moi. Isis a-t-elle cessé de faire de la magie ? Nephtys a-t-elle cessé de donner la santé ? etc.. (2).

Il y eut, en cette matière, beaucoup de confusions successives parce que l'on ne comprenait plus les textes d'origine magique, qui répondaient à des conceptions disparues. La plupart ne sont probablement plus que des fragments. On peut supposer que le nom de Marie vient du latin matrix

(1) MACLER. Rev. Hist. des Religions, 1908, II, p. 17.

(2) GRIFFITH and THOMPSON. Demotic magical papyrus of London and ' Leiden, p. 203.


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(matrice). Piémontois, en 1559, emploie le terme amarri(\) et un vieux texte allemand du XVe siècle dit : Sanct Amary, pour désigner la Vierge (2). La matrice, en se déplaçant, était censée être la cause de plusieurs maladies (3), et ceci semble en relation avec ce fait que, dans plusieurs prières françaises, Dieu ordonne à Marie de reprendre sa place.

Il y a là matière à une étude très vaste, mais malheureusement bien difficile, vu la pénurie de textes anciens.

Voici un type de prière assez usitée ; à Opwijck elle guérit les foulures :

« Je bénis ce pied au nom du Père et de l'Esprit Saint. Je bénis ce pied aussi réellement que Dieu le Fils est devenu homme pour nous, au nom du Père. Je bénis ce pied aussi réellement que Christ est mort pour nous, au nom du Père. Je bénis ce pied aussi réellement que Nicodème a détaché Christ de la Croix et l'a déposé dans un sépulcre de pierre, au nom du Père » (4).

A Nil s/Rupel, nous avons trouvé cette variante qui sert pour les contusions et blessures :

T sur la partie malade et dire : Au nom du Père, etc.. Je le bénis aussi réellement que Christ est mort pour nous, f au nom du Père, etc... Je le bénis aussi réellement que Christ a été détaché de la Croix, f au nom du Père, etc.. Je le bénis aussi réellement que Christ est ressuscité ».

A Braine-l'Alleud, contre les foulures et les entorses, on dit : « Entorse, perds la force, au nom du Père, du fils, etc.. » ce qu'on répète trois fois en faisant le signe de croix avec le pouce, sur l'entorse.

La prière, ou plutôt l'incantation ci-dessous, s'emploie à Braine-l'Alleud, pour guérir les brûlures :

Feu du ciel

Perds ta chaleur

Comme Judas a perdu sa couleur

Quand il trahit notre Seigneur ».

On souffle trois fois en forme de croix en disant trois fois cette prière, puis on récite cinq pater et cinq ave, en l'honneur des cinq plaies. A Bornival, on dit « feu de feu »

(1) Pour matrice. Secrets ou réceptes souverains. PLANTIN, 1559, p. 11.

(2) Manuscrit allemand du XVe siècle. VON IRINOERLE. Z. V. V. 1893 p. 11.

(3) HÔFFER. Deutsche Krankheitsmannenbuch, p. 427.

(4) Variante anversoise A. DE COCK, Volkskunde 1910, p. 228.


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et on ajoute la finale « au Jardin des Olives ». Greppin a trouvé une formule identique à celle de Bornival, dans le Jura Bernois (1).

A Linden, on connaît une formule plus complète :

Feu, créé par Dieu, j'ordonne et t vous prie en son nom de perdre

votre chaleur f, d'atténuer votre inflammation f douloureuse. Cessez vos

ravages et ne faites pas de plaies sur ce corps. Grand saint Laurent, qui fut

. sur le feu incandescent sans douleur, par la grâce divine qui était en vous,

demandez à Dieu qu'il eniende notre prière et récompense notre foi en

guérissant son serviteur N... On souffle ensuite sur la plaie, en croisant

le souffle et on ajoute : Que Dieu f vous guérisse par sa Puissance f Amen.

La suivante contre les maux de dents provient aussi

de Braine-l'Alleud : •

Sainte Apolline, assise sur l'arbre de'-la Croix. Jésus passant par là : « Apolline que faites-vous ici ? » « Je suis venue ici pour mes maux de dents » — « Apolline retournez chez vous ; si c'est un sang, il tombera ; si c'est un ver, il crèvera. Et dans trois jours votre dent tombera ». Cinq pater et cinq ave en l'honneur des cinq plaies. Il faut mettre le doigt sur la dent qui fait souffrir, pendant qu'on récite l'invocation.

M. le D' J. Gessler a retrouvé une formule de cette nature dans un assez ancien manuscrit limbourgeois :

Je te conjure comme notre Seigneur Jésus-Christ a ordonnée ses apôtres de consacrer 5 Pater et 5 ave en l'honneur de S'Hubert et de S'° Apollon (sic). 11 faut dire 13 fois et prendre un petit clou et gratter dans la dent malade (2).

La fantaisie a eu son rôle ; voici une prière qui vient de Campenhout, et qui sert à trois maladies :

« Trois vierges vinrent par prairies et par villes, la blanche est bénie, la bleue est bénie, la rouge me (nous ou vous) guérira ».

La couleur correspondante à la maladie que l'on veut guérir doit être dite en dernier lieu, c'est-à-dire le blanc pour la fièvre, le bleu pour l'érysipèle et le rouge pour les hémorragies.

La prière dite par le patient, intervient même pour l'application du remède le plus anodin. A Limbourg, quand on frotte ses verrues avec un estomac de poule, on dit : « Au nom du Père, etc.. En Wallonie, on touche une dent malade

(1) E. GREPPIN. Médecine populaire. Schweizer Volkskunde 1911, p, 11. Cité par M. VAN GENNEP au Congrès de Mons. M. Van Gennep a cité en outre un texte de 1596 où une sorcière de Bâle employait une formule similaire.

(2) Uit en om een Limburgsch Recepten- en Incantatieboekje, p. 4. (Volkskunde XXXI).


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avec une clef perforée, en disant : « Je t'arrête au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » (1). A Nivelles, on récite sur les clous trois pater et trois ave, et on ajoute « Bondjoù ! K1Ô ! A rwer Klô ! (2)

Nous avons dit que les Pères étaient censés prendre la maladie sur eux. Les sorciers peuvent faire de même, ce qui est d'ailleurs la conception universellement répandue. Voici une histoire recueillie à Wemmel, de la bouche de l'une des actrices :

Une femme du village avait la réputation de pouvoir jeter les sorts. Un jour, la personne qui nous rapporte le fait, rencontre la sorcière. Aussitôt que celle-ci la voit, elle (la sorcière) se jette contre un arbre et s'y livre à des contorsions les plus bizarres. Intriguée, la personne lui demande ce qu'elle fait et reçoit cette réponse : « Je ne veux pas vous faire le mal que je devrais ; je le prends sur moi et souffre à votre place ».

Ce cas se rencontre, quoique rarement, dans le brahmanisme. Dans l'Archipel Batam (Malaisie), le sorcier attire en lui le démon qui est cause de la maladie (3).

En somme, en nos régions, suivant la gravité de la maladie, on fait appel à des personnes jouissant d'une puissance occulte de plus en plus grande, et l'effort à déployer par le guérisseur correspond à l'importance de l'effet à obtenir, ou plutôt, le guérisseur ou le religieux intensifie en lui, par la prière ardente ou par l'effort mental, sa puissance sur l'esprit du mal. Ce procédé était déjà en usage chez les Grecs (4).

Parmi les peuplades « non civilisées », ce sont peutêtre les Bondei de Zanzibar, qui font le plus judicieux emploi des incantations ; ils les font surtout lorsqu'il convient de tranquilliser l'esprit du malade (5).

Voici une sorte d'incantation ; ou tout ou moins de formule à moitié rimée, qui à Schaerbeek, dit-on, obligea un Père Blanc à mettre sa science en oeuvre pour guérir un enfant :

(1) DE WARSAGE. op. cit. nu 857.

(2) E. MONSEUR. Le Folklore wallon, p. 22.

(3) SCHOT. De Batam Archipel. IndischeGids 1882, p. 183-184.

(4) EDW. ROHDE. Psyché t. II, pp. 70 et suiv.

(5) G. DALE. On Account of the pp» 1 customs etc.. J. A. I. 1896, p. 266.


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Peut-on bien prendre conseil des sorciers et des devins ?

Non pas, car c'est s'éloigner de Dieu

Et s'attacher au diable

(Que de suivre) ce qu'ils savent et vous disent.

Il existe, en outre, bon nombre de prières, d'intérêt folklorique secondaire qui invoquent l'intervention de l'un ou l'autre saint, soit en vertu de son martyre, soit, par sympathie de noms ; en voici quelques unes propagées par un petit ouvrage assez répandu en pays flamand : (1)

« Par l'intercession de saint Biaise, martyr, que Dieu t te délivre t et guérisse des maux de gorge et de toutes autres maladies t- Amen.

« Par les mérites de saint Liborius, évêque, que Dieu t vous garde et f guérisse de la gravelle •{■ des maladies du foie et de la vessie, et aussi de l'hydropisie. Amen ».

« Par les mérites de sainte Agathe, vierge et martyre, que Dieu vous t garde et délivre f des maladies des seins et de toutes autres imflammations. Amen ».

« Par les mérites de Sainte-Odile et de Sainte-Lucie, que Dieu conserve vos yeux f et vous les rende t si vous les avez perdus + Amen ».

« Seigneur Jésus, à peine venu au monde, lors de la circoncision vous avez donné votre sang pour la délivrance du monde, au Jardin des Olives vous avez transpiré du sang et de l'eau, dans la salle du tribunal des bourreaux avec leurs verges ont fait couler votre sang, la couronne d'épines a ensanglanté votre tête, sur la croix, vos artères ont été épuisées et avez donné pour notre délivrance la dernière goutte de votre sang ; au nom de la perte de ce sang précieux que vous avez versé pour notre salut, ordonne au sang des artères de N... de cesser de couler, que les blessures se ferment en votre nom, et que santé lui revienne, au nom Jc du Père, du f Fils et du Saint -J- Esprit. Amen.

Certaines de ces prières se basent parfois sur des versets de l'Evangile ; celle-ci, contre la surdité est une périphrase de Saint Marc, VII, 32-37).

Seigneur Jésus, votre puissance est illimitée, puisque vous êtes le Fils de Dieu. Je viens demander votre aide pour que vous chassiez l'esprit de la surdité qui torture cette créature. Privée du sens de l'ouïe, elle ne peut écouter Votre parole, ni celle des hommes ; commandez à ses oreilles, comme vous commandiez jadis lorsque vous étiez sur terre.

Guérissez cette pauvre créature, créée par Vous ; rendez-lui l'ouïe. Pour lui redites la grande et puissante parole « Ephpheta », c'est-à-dire : ouvrez-vous et il guérira.

Esprit de la surdité, sortez de ces oreilles par la puissance de ce signe f de la Croix et au nom du f Père, du f Fils et du S' Esprit. Amen.

(1) EMIEL BAUDOUX. De mystische Bij.


— 160 — Contre l'épilepsie :

mal, quel que vous puissiez être, quelle que soit votre nature et votre origine, je vous ordonne d'abandonner cette créature et de ne jamais y rentrer ; je vous le défends comme chrétien bien que pécheur et indigne. Au nom du f Père, du Fils et du S' Esprit- Amen.

Le recueil contient des prières pour bénir les médicaments et même le vin et l'huile d'olive que l'on donne aux malades.

PRIÈRE ÉCRITE.

Souvent la prière écrite, portée par le sujet, est un excellent remède.

Une inscription chaldéenne recommande de mettre au cou d'un enfant une pierre sur laquelle est inscrite une incantation (1). Les papyrus égyptiens parlent d'une incantation à écrire sur un lien très fin et à mettre dans l'anus de la femme pour faire cesser les douleurs (2). Caton recommandait un charme écrit, pour la guérison des fractures (3). Les Grecs portaient comme amulettes des épodes écrites (4).

Chez les Germains les runes avaient en eux une force curative magique (5), et cette foi subsista, parmi les Anglosaxons, jusqu'au XIVe siècle.

Les Juifs firent un grand usage des philactères, contenant des phrases de la Bible et qu'on portait sur la tête et

(1) WEBER. Die litteratur der Babylonier, p. 166.

(2) W. WIESZINSKI. Der londoner medizinische Papyrus, p. 198.

(3) De Re Rustica. ch. 157. — Marquardt — Rôm Alterthumer IV. pp. 119 et suiv.

(4) Apulée-Métam. 3. — Marcellus Empericus C. 15.

(5) M. MALLET. Northern Antiquities, p. 226 — cf. G. F. Fort. Medi. cal Economy in the middle âges.


-161aux

-161aux Ils avaient notamment pour objet d'obtenir une longue vie. Josèphe en parle, semble-t-il (1), et saint Mathieu en critique l'usage (2).

Les Indes connaissaient ces morceaux de parchemin avec inscriptions, et, en Afrique, sont très répandus les gris-gris écrits par les prêtres musulmans ou chrétiens.

A Byzance, on portait beaucoup de formules en amulettes.

La prière écrite joue un grand rôle dans la médecine arabe. Ce sont des versets du Coran écrits soit sur du papier, des oeufs, sur les vases dans lesquels on prépare la médecine ou sur tout autre objet (3).

Au début du christianisme on portait beaucoup, sur soi, des passages de l'Evangile, écrits sur parchemin (Saint Jérôme ou Saint Jean Chrysostome). Chose intéressante peut-être, c'est que cet usage fut condamné par Saint Eligius (Eloi) évêque de Noyon (588-659) parce que c'était poison du diable (4), et par le concile de Rome, en 721. Il est un fait : c'est que beaucoup de ces prières populaires sont autant des incantations que des prières. Une puissance semble inhérente aux mots eux-mêmes, et l'ensemble est plutôt une injonction qu'une supplique pieuse adressée à l'Etre divin. Bien souvent même, ces mots n'ont pas de sens pour ceux qui les disent.

En ces dernières années, une prière imprimée eut une vogue extrême dans tout le pays. Des soldats belges la portèrent sur eux pendant toute la durée de la guerre et beaucoup d'entre eux prétendent lui devoir la vie. C'est la puissante prière de Charles Quint à la Sainte-Croix et à la Passion de N. S. Jésus-Christ. Cette prière est censée avoir été trouvée sur le tombeau de N. S. en l'an 1505, et envoyée par le Pape à l'Empereur Charles, lorsqu'il alla combattre à Saint-Michel en France. La prière est écrite de manière

(1) Antiq. IV, 8, 9, 13.

(2) Evang. XXIII,I5.

(3) Dr MAURA. Bruxelles Médical 13 71)re 1923. Lane — Manners and customs of the modem Egyptians, p. 257 et suiv.

(4) R. M. LAWRENCE. Primitive psycho-thérapy, p. 12.


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très pieuse, mais ce qui peut être noté, c'est l'importance que l'on attache à la prière imprimée, même si on ne la récite pas. Celui qui la porte sur soi, ne mourra pas de mort subite, ne se noiera pas, ne sera pas brûlé, aucun venin ne lui nuira, il ne tombera pas dans les mains de son ennemi et il ne sera pas vaincu sur des champs de bataille.

Lorsqu'un enfant naît, si on met la prière à sa droite, il sera préservé de 82 malheurs.

Celui qui porte la prière sur lui n'aura pas d'attaques d'épilepsie ; si on rencontre en rue quelqu'un qui a des crises, et qu'on lui met immédiatement cette prière sur le côté droit, il se lèvera. Dans la maison où la prière se trouve, il n'y aura pas de dommage par la foudre et par l'éclair. Celui qui la lit ou l'entend lire journellement, aura trois jours avant sa mort, un signe de Dieu qui lui fera comprendre que sa fin approche.

La croyance en l'efficacité de cette prière est telle, qu'une personne, digne de foi, nous certifie qu'un de ses proches parents avait reçu cet avertissement dont il avait fait part à ses intimes, et que le fait se vérifia.

En réalité, cette prière est ancienne ; on la retrouve presque textuellement et munie des mêmes vertus dans un vieil ouvrage sans date : « Le trépassement de la Vierge Marie, contenant des litanies et plusieurs oraisons » (Troyes, sans date. D'autres prières y figurent, l'une rapportée par Charlemagne, de Constantinople, l'autre trouvée sur le sépulcre de N. D., en la vallée de Josaphat, une autre enfin écrite de la main propre de Notre Sauveur, le Rédempteur J. C.

La prière de Charles-Quint est également connue dans les pays de langue allemande, mais on dit qu'elle est écrite en lettres d'or dans le dôme de Cologne.

A Bruxelles, comme en maints autres endroits, les Juifs, lors de la naissance d'un enfant, bouchent toutes les ouvertures de la place, au moyen de papiers sur lesquels sont inprimés des textes de la Bible (Shir Amaloth) afin d'empêcher les esprits du mal de nuire au nouveau-né ou à la mère. Voici une de ces prières hébraïques avec la traduction française, que nous devons à M. le Prof. Katzenellenbogen.


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Protection de l'enfant masculin ou féminin. Bonne chance ! Au nom de Jehovah, Dieu d'Israël, le grand et redoutable, Cantique des degrés. Je lève les yeux vers les montagnes, Pour voir d'où me viendra le secours. Mon secours vient de l'Eternel, Qui a fait le ciel et la terre. Il ne permettra pas que ton pied chancelle ; Celui qui te garde ne s'endormira pas Non certes il ne s'endort, ni ne sommeille Celui qui est le gardien d'Israël ; C'est l'Eternel qui te garde,

L'Eternel qui est à ta droite comme ton ombre tutélaire. De jour le soleil ne t'atteindra pas Ni la lune pendant la nuit, Que l'Eternel te préserve de tout mal, Qu'il protège ta vie

Que le Seigneur protège tes allées et venues Désormais et durant l'Eternité.

Psaume : 121.


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Tout Puissant déchire Satan 1 Adam et Hawah (Eve) Abraham et Sarah lsaac et Rebecca Jacob et Léa

(à l'intérieur)

Le malheur ne saurait t'atteindre Ni la douleur approcher de ta demeure Car il ordonne à ses anges de te protéger en tout lieu

Ne crains ni les dangers de la nuit ni les flèches qui voltigent le jour

Psaume : 91.

(En marge, du côté gauche et droit et au bas de l'écriteau, les psaumes suivants)

C'est toi qui es mon abri, tu me protèges contre l'adversité Tu m'environnes de chants de délivrance. Selah !

Psaumes : Ch. 32. Protège-moi, ô Dieu, car je m'abrite en toi. Garde-moi comme la prunelle des yeux Abrite-moi à l'ombre de tes ailes.

Psaumes : Ch. 17. Voyez, c'est la litière de Salomon ! Elle est entourée de soixante braves, d'entre les héros d'Israël ; ils sont tous armés du glaive, experts dans les combats. Chacun porte le glaive au flanc à cause des terreurs de la nuit.

Cantique des Cantiques, Ch. III.

INFLUENCE DES OBJETS DU CULTE.

On comprend aisément que si la maladie était l'oeuvre des esprits mauvais, les objets sanctifiés par le culte devaient être supposés avoir une action curative ; ils ont en eux, dans l'idée du populaire, une puissance que craignent et qu'évitent les esprits du mal. En Belgique, comme en Afrique, on comprend la chose comme une lutte entre deux puissances (1).

Il semble probable que les très anciens habitants de la Gaule avaient pour symboles religieux le serpent cornu et les serpents enlacés.

(1) R. P. COLLE. Les Balubas, p. 395. KINOSLEY. West Afrlcan Studies, p. 153.


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Nous lisons dans la Bible que Moïse fit un serpent d'airain et le plaça sur une perche, et quiconque avait été mordu par un serpent et regardait le serpent d'airain était guéri (1). Les Hébreux brûlaient des parfums devant lui, jusqu'à ce qu'Ezechias le mit en pièces (2). Ce culte du serpent en Judée provint peut-être d'une influence arabe 3).

Cependant, il existait en Egypte, dès les périodes prédynastiques (4).

En Grèce, le serpent fut le symbole de la médecine. Dans le temple d'Esculape, à Epidaure, on élevait des serpents de couleur jaunâtre, dont la morsure n'était pas dangereuse (5), et les Epidauriens adoraient le serpent comme Esculape lui-même (6). Aelien raconte que les Epirotes nourrissaient des serpents dans un bois consacré à Apollon. Asclépios (Esculape) arriva à Sicyon sous la forme d'un serpent (7) et la même chose se disait à propos de la fondation du temple dans l'île de Tibère, à Rome (8). Beaucoup d'offrandes dans les temples étaient des serpents (9). Quand on apercevait un serpent dans la maison, on élevait un autel à l'endroit où on l'avait vu (10), car on considérait le serpent comme le génie de la maison. Dionysos était adoré aux Indes, dit-on, sous la forme d'un serpent immense (11) ; quand il s'embarque, les serpents l'accompagnent (12). Les serpents jouaient également un grand rôle dans les bacchanales (13), dans les mystères d'Eleusis et dans le temple de Delphes. Le serpent sacré léchait les plaies et était censé être l'instru(1)

l'instru(1) XXI, 6, 9.

(2) Rois II, 4.

(3) NIELSEN. Die Altarabische Mondreligion, p. 191.

(4) KNIOHT. Amentet, p. 168.

(5) Pausanias II, 11, 8. Aristophane, Plutus 733. (fi) Ammien Marcellin, I, ch. VIII, 2. (7)PausII, 10,3.

(8) TITE-LIVE. Epitome XI. OVIDE. Métam, XV. 627 et suiv.

(9) Corpus inscript. Attic. II. 835-836, 1445-1509, etc.

(10) THÉOPHRASTE. Caract. De la superstition.

(11) Alexander ab. Alexandro, 1. VI, c. 26.

(12) CLAUDIEN. Sels. cons. Stilichon, III, 352.

(13) CATULLE. Epithal. Thetid, 25&- ■*""> -^ •' nimimiM .M-UJOX (H)


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ment du dieu (1). Le serpent était le symbole d'Asklepios et d'Hygieia et, aux temps héroïques, il était l'oracle des devins (2).

Faut-il rapporter ce rôle du serpent à la faculté qu'on lui attribuait en beaucoup de lieux de se rajeunir en quittant sa peau ? (3). Est-ce parce que certaines maladies proviennent de lui que de lui aussi provient la guérison ? (4). En tout cas, il est certain que le culte du serpent ne disparut pas avec la civilisation grecque puisque, au IIe siècle, la secte chrétienne des ophianiens, ophites ou caïnites rétablit l'adoration du serpent, source de tout bien (5).

Le culte du serpent eut d'ailleurs une extension considérable ; on le trouve en Russie ancienne, chez les Lombards, en Chaldée, en Phénicie, au Mexique, au Pérou, en Amérique du Nord, aux Indes et au Japon. Le livre d'Henock, apocryphe juif, met les serpents à coté des chérubins sous les ordres de l'archange Gabriel (XX. 7) et des traces nombreuses de ce culte se retrouvent dans le folklore allemand, autrichien et roumain (6).

De tous les animaux, dit M. Réville, le plus généralement révéré par les noirs d'Afrique, c'est le serpent (7) ; ce culte est particulièrement développé au Dahomey, chez les Cafres et chez les tribus du Nil supérieur(8). Au Dahomey, le serpent est l'incarnation du principe guérisseur (9), de même chez les Gallas et à Madagascar.

A Fernando Po, lorsque des maladies contagieuses d'enfant éclatent, on met une peau de serpent sur un poteau

(1) CAVVADIAS. Ephiperès S 16. ARISTOPHANE. Pluton.

(2) H. CARNOY. Le serpent et les dragons. R. H. R. IX. p. 94.

(3) THEODORET graec. affec. cur. disp. VIII. MACROBE Saturn, 1, 20. HIERONYMUS. Ep. ad. Praesid. 18, 4. EUSÈBE. Praep. Ev. I, 10. Ach. De not. Anim. 9, 16. HORAPPOLLO. Hicroglyphisa, 1.2.

(4) DARMESTETER. Zend-Avesta, II, p. 136.

(5) Origène cont. Cels. VI, c. 28.

(6) LUTZEN. Ophiographia Physico. Chimico medica 1670, p. 107. GROHMAN. Sagen aus Bohmen, p. 221. VON SCHULENBERG. Aus dem Spreewald, p. 96.

(7) Religion des peuples non civilisés I, 65, 66.

(8) WEISSENBORN. Tierkult in Afrika, p. 114.

(9) ZÔLLER. Kamerun I. 54. FOA. Le Dahomey, p. 216.


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et, par le contact avec elle, les enfants se guérissent (1). Chez les Aïnos du Japon, les peaux de serpent guérissent les verrues ; celles-ci sont causées par les rats et les rats craignent les serpents. Les peaux abandonnées par les serpents guérissent aussi les crevasses des pieds et des mains et constituent un charme pour avoir de la nourriture en abondance (2). Chez les Bambaras d'Afrique, pour guérir du mal dit « tour de reins », on porte, en guise de ceinture, un ou plusieurs « nerfs » de serpents (3).

Le remède est connu en Afrique depuis des siècles, puisque, au Xe siècle, on l'employait à Zanzibar contre la phtisie (4).

Actuellement, aux Indes, la peau abandonnée par les serpents est employée comme ligature dans les fièvres intermittentes et on les vend, dans les bazars, comme remède contre l'épilepsie (5).

En Grèce, même dans l'école d'Hippocrate, on administrait, pour faciliter l'accouchement, une vieille peau de serpent pilée dans du vin (6).

A Rome, on croyait que la vieille peau dont un serpent s'est dépouillé au printemps, mise dans les coffres et les armoires, tuait les vers (7). Caton l'administrait aux boeufs malades (8).

L'ancien folklore arabe connaissait la vertu thérapeutique de la peau de serpent ; de la peau d'une certaine espèce de serpent, on fait un tapis et le phtisique qui s'y assied est guéri de sa maladie ; l'homme sain en est préservé à tout jamais (9).

En Wallonie, on trouve l'écho du rôle guérisseur du serpent ; contre les clous et les furoncles, on applique la peau que la couleuvre à dépouillée, sur la partie du corps opposée à celle où le clou se trouve (10).

(1) BASTIAN. San Salvador, pp, 318 et suiv.

(2) BATCHELER. The Aïnos and their Folk-lore, p. 301.

(3) Jos. HENRY. Les Bambaras, p. 46.

(4) L'abrégé des Merveilles. Actes de la Sec. Philologique XXVI, p. 36.

(5) KOOPER. Materia medica. Journ. of asiatic Society 1910, p. 516.

(6) HIPPOCRATE. Maladies de femmes, 78.

(7) Pline 32, 4.

(8) De re rustica, 73.

(9) L'abrégé des Merveilles, trad. Carra de Vaux, p. 36.

(10) DEFRÊCHEUX. Faune Wallonne.


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En Angleterre (Lincolnshire), la peau d'un serpent, enroulée autour du chapeau, est un remède certain contre les maux de tête (1). Aux îles Sporades, les habitants portent des serpents sur leur poitrine ou passent les peaux sur les yeux ou sur la bouche pour guérir rapidement (2). En Bohême, une peau de serpent, enlevée le jour de la St-Georges et portée pendant neuf jours au cou, enlève la fièvre (3). En Auvergne (Contât), en Saintonge, dans le Loiret et en Seine-et-Marne, les peaux de serpents, provenant de la mue, sont ramassées et conservées précieusement comme porte-bonheur (4). Dans les secrets d'Albert le Grand, livre publié à Cologne, en 1703, il est dit que la dépouille du serpent, appliquée « sur l'anche ou le côté d'une femme grosse, facilite l'accouchement » (p. 184) et, au XVIIe siècle, la dépouille du serpent existait dans toutes les pharmacies (5). Au Moyen-âge, la peau de serpent protégeait contre les sorts :

« L'huis dei pavillon est fais d'autre manière

Or le pial (peau) d'un serpent qui est grans et plenière

Ele est claire et luisans plus que ne soit verière

Et si li aproimoit nom, ne feme légère

Qui port entes Kement (venin, poison), torner Testent arrière.

(Li romans d'Alexandre de Lambert li Rois 54/19).

Dans un roman néerlandais, le roi Galurant, après

avoir armé son neveu lui met : « een curiekijn van enen velle

van serpent » (une cordelette de peau de serpent (Fergaut

XIIIe s. 4606-7)

Comme, dans nos régions, les serpents sont rares on a remplacé leur peau par celle de l'anguille qui, anciennement était dite « serpent d'eau ». En Wallonie, contre les névralgies, on lie une peau d'anguille autour du genou droit (6) et, contre l'érysipèle, on noue une peau autour du membre et on l'y laisse jusqu'à ce qu'elle tombe en pourriture (7).

(l)Mr GUTCH und MABEL PEACOK. Folk-lore concerning Lincolnshire, p. 107.

(2) ROUSEN. Folklore from southern Sporades. Folklore 1899, p. 154.

(3) WUTTKE. Die deutsche Volksaberglaube, p. 115.

(4) A. BON. Rev. des Trad. popul. V année, p. 240. ROLLAND. Faune populaire III, p. 33.

(5) Les oeuvres pharmaceutiques de Jean de Renne, 1637, p. 488.

(6) E. MONSEUR. Le Folklore wallon, p. 27.

(7) R. DE WARSAGE. Op. cité. n° 1312.


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A Eneille, on lie les cheveux des enfants avec une peau d'anguille pour les faire grandir (1).

Une coutume très répandue dans le Brabant, comme en certaines parties de la Wallonie, c'est de guérir le lumbago et les maux de reins en se ceignant les reins d'une peau d'anguille. A Assche, à Louvain, à Everberg, à Schaerbeek et à Braine, on s'en sert contre les crampes des mollets ou des bras, et on conserve, à cet effet, des peaux d'anguilles tendues sur des planchettes. A Bruxelles, on les utilise non seulement contre les crampes mais aussi contre les maladies nerveuses et les rhumatismes ; à Diest, on les emploie également contre le même mal.

Il y a quelque 25 ou 30 ans, lorsque le choléra se déclara à Molenbeek-Saint-Jean, beaucoup d'habitants de ce faubourg se garnirent les jambes et les bras, près des articulations, de peaux d'anguilles. Celles-ci sont, d'ailleurs, de vraies amulettes religieuses au point qu'en 1918, des soldats français, à Cabourg, portaient une peau d'anguille séchée dans un sachet, pour se garantir de la mitraille. En Suisse, comme en Belgique, on emploie contre les crampes, la peau d'anguille ou, à son défaut, la peau de couleuvre (2).

L'huile des lampes d'église, depuis les débuts de 'l'époque chrétienne, avait une valeur thérapeutique, et SaintJean Chrysostome en parlait déjà. Actuellement encore, à Braine-l'Alleud, elle est utilisée contre les brûlures et, anciennement à l'église de N. D. de Bon-Secours à Bruxelles, on l'employait pour guérir diverses maladies. Une ancienne légende nivelloise nous dit qu'une aveugle fut guérie lorsqu' on lui frictionna les yeux avec l'huile d'une lampe de l'église de Nivelles (3).

Une croyance ancienne et très répandue, c'est que les cloches chassent les esprits mauvais et les démons de la maladie. Les anciens peuples de la Grèce attribuaient déjà au son de l'airain une vertu remarquable (4). En nos régions,

(1) E. MONSEUR. Op. cité, p. 9.

(2) STOLL. Zur Kenntniss des Zauberglaubens in der Schweiz, p. 82.

(3) La vie et les miracles de Sainte-Gertrude. Nivelles 1866, p. 21.

(4) Macrobe. iaturn. V. 19.


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c'est surtout le cambouis qui se forme aux tourillons des cloches qui est recherché. On s'en sert pour la guérison des hémorroïdes à Enghien, Alost, Termonde, Alsemberg, Louvain, Buggenhout, Hoeylaert, Etterbeek et Bruxelles ; en cette dernière ville, on l'appelle « klokskeszalve » ou « klokspijs » (onguent des cloches). Certains prêtres, qui donnent ce cambouis, croient qu'effectivement, à cause de sa composition chimique, il est un remède efficace.

En Allemagne, on recherche ce produit pour guérir les hernies des enfants et, quand on le brûle, il protège le lit de l'accouchée contre les maléfices ; mais, dans l'Oldenbourg comme dans le Brabant, on s'en sert contre les hémorroïdes (1). A Hannut (prov. Liège), on croit qu'il guérit les coups et blessures. On le trouve mentionné comme remède contre les hémorroïdes, dans un petit livre hollandais du XVIIIe s., au même titre que l'huile de la presse à imprimer (2).

A Braine-l'Alleud les bouts des cierges qui ont servi à la messe, mélangés à de l'huile, forment un baume pour les plaies. Rappelons à ce sujet que l'école de Salerne reconnaissait d'immenses vertus à i'Agnus Dei composé de cire et d'huile du Saint-Chrême (3). La matière provenant des cierges et surtout les anneaux où, durant la Semaine Sainte, sont figurés les têtes de mort, ont eu, et ont probablement encore à Bruxelles et aux environs, un rôle préventif contre les maladies. On l'appelle « Heiligedoem » (Heiligdom). Certaines vieilles en conservent dans de petits sachets de toile qu'elles portent autour du cou comme amulettes, ou qu'elles cousent dans les paillasses qui se tiouvent devant la porte de l'habitation, ou encore qu'elles attachent sur l'encadrement de la porte ou au-dessus de la cheminée, pour empêcher les maladies et tout les sorts, de franchir le seuil.

Une forme spéciale de 1' « Heiligdom » est le « Paaschnagel » ou « Paaschkaarsnagel ». Lors de la bénédiction des cierges, la veille de Pâques, le prêtre y met quatre petits morceaux de cire en forme de clou ou de poinçon. Ces mor(1)

mor(1) Die Deutsche Volksaberglaube, pp. 142 et 358.

(2) Vijftig verzachtende geneesmiddelen, p. 14.

(3) MEAUX S" MARC L'école de Salerne. 8e partie.


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ceaux de cire se portent également en amulette ou scapulaire pour écarter les sorts (Louvain, Hauwaert, Opwyck, Droeshout et Braine-l'Alleud). A Assche, comme à Lede et à Schellebelle d'ailleurs, les sorcières ne peuvent passer audessus d'un seuil lorsqu'on y a mis de ces clous pascaux, bien quelles puissent passer au-dessous. Dans le N. O. du Brabant, ils servent de protection contre le fantôme tant redouté, Kleudde ou Lodder, le chien traînant une chaîne(1).

On fabrique à l'église de Henripont et à celle de Bornival ou Haut-lttre (Brabant», une graisse composée de cire de cierges bénits et d'huile d'olive, qui préserve de beaucoup de maux. En Allemagne, les cierges bénits sont une puissante protection contre la magie, et, en Prusse orientale, les cierges d'autels guérissent les hernies ombilicales (2).

A Jodoigne, les hommes mettent un morceau de cierge bénit dans leur casquette afin d'être protégés contre les mauvais esprits, des accidents et de la foudre (3). En maint

(1) Eigen schoon, 2e année, p. 167.

Dans l'ancienne liturgie catholique, le cierge pascal symbolisait la personnalité du Christ ou la lumière du Christ, et les clous étaient primitivement cinq grains d'encens qui représentaient les cinq plaies. L'Eglise n'accorde aucune valeur curative à ces poinçons.

(2) WUTTKE. op. cite, p. 195. — STRACKERJAN. Aberglaube in Oldenburg, I, 70. TREICHEL. Abergl. in Westpruissen, 19.

(3) Os. DUCHESNE. Folklore de Jodoigne. Folklore brabançon, 1923, n° II, p. 235.

Clous pascaux. (Eglise des Minimes, Bruxelles, 1928).


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endroit on fait brûler dans les écuries, les étables et les chambres des malades des cierges de Montaigu. A Diest, contre l'herpès circiné (katharina-wiel), on prend un cierge, béni de préférence, on l'allume et on tient la flamme à 2 ou 3 centimètres de la partie malade. On souffle la flamme de manière, qu'en s'éteignant, elle vienne en contact avec le mal. On répète l'opération trois fois et l'on fait uneneuvaine. A Spa et aux environs, on procède à peu près de même pour guérir le muguet, mais il ne semble pas que les cierges ou bougies doivent être bénits (1). A Liège, pour guérir l'érysipèle « la rose », on bat le briquet et on fait en sorte que l'étincelle touche la partie malade. Le procédé est donc devenu profane.

Dans beaucoup de pèlerinages, lorsque le malade n'a pu accompagner on lui rapporte de l'« heiligdom ». L'usage est ancien. Au Moyen-Age, la cendre des mèches de cierges possédait des vertus médicales remarquables. On la portait sur soi, réduite en fine poudre. De la cire qui coulait des cierges on faisait souvent des onguents, et quelquefois aussi des remèdes internes (2).

(1) v. POSKIN. Préjugés populaires, p. 173.

(2) Dr H. MAGNUS. Sechs Jahrtausende im Dienstdes Aeskulaps, p. 101. Hertel. Z. V. V. 1901, p. 273.

Clou pascal de Léau (1928). Clou pascal de saint Augustin, Forest (1928)


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A Bruxelles et à Linden, pour éviter les cauchemars, on mettait ses sabots sur une croix devant son lit. A Assche et à Boitsfort on croise les sabots eux mêmes. A Bruxelles, on croise les bas sur le lit ; à Genappe et aux environs, on place deux balais croisés en travers de la porte pour empêcher les sorcières de la franchir (1).

Un cas amusant de l'emploi de l'eau bénite s'est passé à Bruxelles, il y a quelque quarante années. Un homme était atteint de délire et ses parents le croyaient possédé du démon. On demanda au curé de l'église des Minimes de

l'exorciser. Comme celui-ci refusa, les parents prirent de l'eau bénite qu'ils administrèrent au malade à la fois en bouillon et en lavement pour mettre le démon entre.... deux eaux. L'Eglise, ne l'oublions pas, n'attribue aucune vertu curative à l'eau bénite prise en boisson, bien que certaine formule de consécration puisse être interprêtée en sens opposé. L'eau bénite n'a d'action sur les malades que par aspersion.

11 faut se reporter en Extrême Orient pour retrouver le parallèle de cette conception. Dans le Laos et en Malaisie, notamment, les malades boivent de l'eau bénite (2).

(1) L. LAUDY. Journal « La Gazette » du 21 décembre 1924.

(2) Globus, VU p. 138. JACOBS EN MEYER. De Badoej's... p. 59.

Maison protégée contre les sorcières. Brabant wallon.

(Dessin de PAUL COLLET)


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Le seul exemple précis que nous ayons trouvé actuellement dans le Brabant, de l'emploi d'eau bénite comme ingrédient pharmaceutique nous vient de Neerheylissem ; on y prépare un onguent contre les abcès, dans lequel l'eau bénite est mêlée à un jaune d'oeuf, du beurre, du savon noir, du levain et de l'huile d'olive. Cependant, à Jette-Saint-Pierre,

on remettait pour les enfants souffrant de la coqueluche, une bouteille d'eau bénite dont ils devaient boire tous lés jours (1) ; aujourd'hui encore à l'église des Minimes à Bruxelles on donne à cet effet de l'eau bénite de Saint-Pierre. Actuellement, à Grez-Doiceau, les malades boivent de l'eau bénite pour la scrofule. Dans les temps anciens, lorsque

(1) Volksgeneeskunde in Vlaanderen, p. 144.

Image de sainte Wivine, invoquée à Grand-Bigard.


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les malades allaient invoquer Sainte-Wivine à Grand-Bigard près de Bruxelles, il leur arrivait de boire de l'eau bénite (1). Anciennement dans les Early Englissh Leechdoms, de l'eau bénite était parfois mêlée à des remèdes peu ragoûtants f2) et en France beaucoup de personnes buvaient à jeun un verre d'eau bénite, pour se garder de tout mal (3'. L'eau bénite a servi à bien d'autres usages ; à Léau et à Hannut p. ex., on en met dans le tonneau ou la baratte pour faire venir le beurre, et dans l'eau de cuisson des boudins, pour que ceux-ci ne se déchirent pas.

Une eau bénite spéciale, qui anciennement, eut beaucoup de succès à Bruxelles, comme en d'autres villes du pays, fut celle dite de saint Ignace de Loyola. C'était de l'eau bénite dans laquelle un Père Jésuite avait trempé une relique ou une médaille de saint Ignace. Elle fut surtout employée contre les épidémies et particulièrement le choléra, mais on l'employa contre les maux les plus divers. On la buvait, mais parfois on l'appliquait extérieurement et parfois même on la mêlait aux médicaments (4) ; actuellement encore cette eau est donnée par les portiers des couvents de Jésuites et les fidèles en boivent quelques gouttes journellement.

Anciennement, à Anderlecht, les malades buvaient de l'eau dans laquelle on avait trempé ou iavé les ossements de saint Guidon (5).

Inutile d'ajouter que quantité d'objets bénits, croix, images, médailles, etc., sont conservés dans les maisons, comme préservatifs contre les maladies et que les guérisseurs laïcs eux-mêmes, souvent très peu orthodoxes, en font un large usage.

Il en est de même des objets qui ont un rapport avec une intention religieuse. Anciennement à Everberg, quand des personnes avaient promis de faire un pèlerinage et

(1) Het Leven en de Mirakelen van de H. Wivina, 1722, p. 51.

(2) TYLOR. civil, prim. H, 182.

(3) SALQUES. Des erreurs et préjugés, p, 324.

(4) v. ED. TERWECORN. L'eau bénite de saint Ignace et la Dévotion à Saint-Ignace. Brux. 1867, passin.

(5) J. GOORIS. Abrégé de la vie et des miracles de saint Guidon, 1762, pp. 31 et suiv.


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qu'elles étaient dans l'impossibilité de le faire immédiatement, elles plaçaient, au-dessus de la porte de la maison, l'argent nécessaire et le bâton de pèlerin, pour montrer au Saint qu'elles étaient prêtes à partir. Des gens disent que la guérison commençait à partir de ce moment-là.


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LE FER ET LE PLOMB.

Ce fut une idée très répandue que les démons craignent le fer et Tylor l'explique en disant que l'idée des démons et des djinns remonte à l'âge de la pierre et que le nouveau métal fut pour eux nuisible et haïssable (1). Dans le monde arabe, on croit encore que les djinns ont peur du fer (2). A Rome on frappait avec une hache le seuil de la maison où une femme s'était accouchée (3). Le Talmud défendait de mettre sous la tête d'une accouchée un tison ou un fer (4), mais le Zohar indiquait comme remède contre la jaunisse et la paralysie un miroir d'acier poli (5), moyen qui n'a pas complètement disparu de la médecine populaire. En Saxe, on met une hache sous le lit pour écarter les sorts(6), et aux Indes on met une barre de fer sur le seuil de l'endroit où il y a une accouchée (7). A Java et en d'autres parties de la Malaisie, les femmes enceintes ont soin de porter sur elles un couteau ou un morceau de fer (8). Dans beaucoup de contes Kymris, la fée abandonne son amant au moment où il la touche avec un morceau de fer (9). En Suisse, on met un fer à cheval sous l'oreiller de l'enfant pour le protéger contre les sorcières. En Bavière, on tient un morceau de fer en main pour guérir les convulsions (10)' En Bucovine, les femmes, après les relevailles, marchent sur un morceau de fer placé sur le seuil « pour devenir fortes comme lui » (11). Dans les Masures, on met l'acier sous le lit de l'accouchée pour la garder des sorts ; l'usage de l'acier est d'ailleurs fréquent pour protéger les enfants (12).

(1) Primitive culture, I, p. 140.

(2) JOHN. Village life in Egypt, I, p. 262. — LANE. Manners and custoums of modem Egyptians, p. 232.

(3) VARRON cité par Saint-Augustin. De civ. Dei, VI, 6.

(4) Tosefta Sabbat, VII, 12.

(5) II, 171''.

(6) ANNABERQ. Aberglaube, sitte in Sâchsischen Erzgebirge, p, 111.

(7) CAMPBELL. Indian Antiquary XXVII, p. 57.

(8) VAN OSSENBRUOOEN. Het primitieve Denken. B.T.L.V. 1912, p. 242.

(9) Transactions of the kon. society of Cymmrodor IV, p. 2.

(10) HOVORKA UND KRONFELD. op. cit. II, pp. 206 et 681.

(11) HOVORKA UND KRONFELD. op. cit. I, p. 119.

(12) TÔPPEN. Aberglaube aus Masuren. pp. 80, 81 et 90. — BRAND. POpular antiquities, H, p. 80. THARPE Northern Mythology, II, p. 82.


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On croit que le loup garou était désorcelé lorsqu'on jetait du fer ou de l'acier sur lui (1). Beaucoup d'Européens encore, quand ils rencontrent un prêtre — considéré dans ce cas comme héritier des sorciers — touchent un morceau de fer. Dans toute la Belgique, comme partout ailleurs, le fer à cheval est un porte-bonheur. A Bruxelles, on met un tisonnier, une barre de fer ou un trousseau de clés dans le fond du lit, pour guérir les rhumatismes et la sciatique ; à Vissenaeken on y met un fer à repasser froid, ou bien l'on en frotte la partie malade (tout autre fer peut convenir). L'action du fer contre les rhumatismes explique peut-être pourquoi à SaintLéonard, qui protège contre ce mal, on offre des ex-voto en fer, à Léau, Huyssinghen, Brecht et ailleurs. A Bruxelles, on met une barre d'acier sous le matelas pour chasser les crampes et les névralgies intercostales. Au XVIIIe siècle déjà, on avait remarqué que l'application du fer chez une hystérique calmait les contractures. Mesmer se fit une spécialité de l'emploi des tiges métalliques et, en 1880, le D1 Burcq suscita en France de vives discussions au sujet de l'efficacité de la métallothérapie.

Nous ne nous occuperons pas du fer comme remède interne dont l'emploi est recommandé par Galien, Simplicius et Avicenne.

Mais nous rappellerons cependant cet usage très répandu dans le Brabant, de l'eau de forge pour la cure de beaucoup de maladies : anémie, albuminerie, maux d'yeux, rhumes de cerveau, ainsi que pour arrêter la lactation des femmes.

Le plomb comme le fer fut jadis un préservatif contre l'action des démons et des sorcières.

Les Albigeois employaient des amulettes de plomb contre les maladies et ce plomb était conjuré (2).

Bernard de Sienne (1380-1440) prétendait qu'il fallait mettre du plomb, fondu dans l'eau, sur un enfant tourmenté par les vers (3).

Rappelons qu'en Norvège encore, on se sert du plomb fondu pour découvrir magiquement l'endroit du corps où un enfant est malade (molybdomantie). ■ J

(1) W. HERY. Der Werwolf, pp. 85 et 88.

(2) DE CAUZAN. La magie et la sorcellerie en France, t. II, pp. 214-215.

(3) ZACHARIAE. Z. V. V. 1912, p. 12.


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Le plomb a été fort utilisé par les Chinois qui prétendent qu'il a la vertu de tranquilliser les esprits, de dompter le venin des fièvres malignes etc.. Appliqué extérieurement, en limaille, il guérit les écrouelles et dissipe le goître (1).

A Anvers et aux environs, on porte beaucoup une amulette de plomb, contre les rhumatismes. Elle est connue sous le nom de « Zeswer » (six douleurs) (2). A Schaerbeek, cette amulette est devenue une rondelle de plomb dans laquelle on a pris l'empreinte d'une pièce de cinq francs. Ceci rappelle assez bien le talisman de Saturne que préconisait Paracelse et qui était formé de plomb très pur, taillé circulairement dans les dimensions d'une médaille ordinaire. Elle servait contre l'apoplexie, le cancer, la carie des os, la consomption, etc. (3).

A Bruxelles, on croit qu'en portant sur soi du plomb sous n'importe quelle forme, on évite ou on guérit les rhumatismes. A Etterbeek, on tient en poche des ballettes de plomb, des cartouches de chasse, des balles de fusil ou des rondelles de plomb que les railleuses cousent dans le bas de certains vêtements pour y maintenir les plis.

A Spa, pour guérir les maux de dents, on applique sur la joue, une feuille de plomb.

LA VERVEINE.

En Egypte, la verveine s'appelait larmes d'Isis. Elle servait aux Druides à prédire l'avenir (4) ; ils disaient que si on s'en frotte, on obtient ce qu'on veut, on chasse les fièvres, on se concilie les amitiés, on guérit toute maladie. Elle était une plante sacrée pour les Celtes qui devaient la cueillir de la main gauche, en des lieux sombres, et jamais à la clarté de la lune ou du soleil (5). Chez les Romains, qui

(1) CABANES. Remèdes d'autrefois, p. 188.

(2) DE BOM. Rev. des Trad. popul. 3e année, p. 504.

(3) CHRISTIAN. Histoire de la Magie, p. 370.

(4) BORLASE. Antiquities of Cornwall, p. 91. PLINE. Hist. nat. XXV. 59.

(5) TEIRLINCK. Planten Kultus, p. 111.


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l'appelaient hierabotane (herbe sainte), elle servait à faire des aspersions d'eau lustrale afin de purifier les autels, avant les sacrifices ; les ambassadeurs envoyés à l'ennemi portaient des verveines en main ; on suspendait ces plantes aux portes pour prévenir les maladies ; on appelait d'ailleurs « verveine » toute plante de sacrifice. On la mettait particulièrement en rapport avec Vénus et elle donnait une grande puissance amoureuse. Par elle, les enfants devenaient intelligents ; mise dans les champs elle procurait de belles récoltes. Plus tard, on l'employa pour conjurer les charmes. Marcellus de Bordeaux, médecin de Théodose 1, donne le remède suivant contre les tumeurs : Prenez une racine de verveine et pendez une des extrémités au cou du patient et l'autre dans la fumée du feu. Quand la verveine séchera dans la fumée, la tumeur, elle aussi, desséchera et disparaîtra (1). D'après le médecin malinois Dodoens, qui cite à ce propos Archigènes, elle guérit les maux de tête, lorsqu'on en porte une couronne ; elle guérit les maux de la bouche et des dents, les affections de la matrice et est efficace contre tous les venins (2). Contre la morsure des chiens enragés ou d'autres bêtes venimeuses, Paracelse prescrivait de boire du vin dans lequel on avait fait bouillir une tige de verveine, ou bien d'appliquer sur la plaie des feuilles pilées de cette plante (3). Schrôder, au XVIIe siècle, sans aller aussi loin, lui accorde quantité de vertus : elle guérit les maux de tête, les affections des yeux et de la poitrine, l'ictère, la fièvre tierce etc.. (4). J. J. Wecker dit, d'après Mizauld, que ceux qui font profession de la magie naturelle ajoutent que la verveine cueillie quand le soleil est au Mouton, guérit miraculeusement les epileptiques (5).

En Angleterre, la racine de verveine était pendue au cou, contre la scrofule. Il semble que le remède était connu anciennement dans nos régions (6).

(1) De medicamentes XV. 82.

(2) Histoire des plantes 1567, p. 97.

(3) CHRISTIAN. Histoire de la magie, p. 401.

(4) Pharmacopea Schrôdero. Hoffmanniana. Cologne 1687, p. 498.

(5) WECKER. Les secrets de la nature, p. 144.

(6) H. VAN HEURCK et V. Guibert. Flore médicale belge, p. 252.


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On considéra la verveine comme une panacée universelle, d'où son nom vulgaire : « herbe à tous maux » et, dans le Nord de la France, on l'appelle encore « herbe à double vue» (c'est-à-dire produisant l'extase) (1). Au Moyen-Age, elle entrait dans la composition des filtres aphrodisiaques ; elle était une planétaire, c'est-à-dire qu'on la croyait soumise à l'influence spéciale d'une planète (Vénus) (2). Elle servait à la sorcellerie et ses vertus étaient le secret du diable, qui s'en faisait des jarretières pour éviter la fatigue,et les sorciers s'en couronnaient pour évoquer le diable. Cependant, portée en amulette, elle chassait toutes les diableries (3).

En Allemagne et en Bohème, elle rend le tir d'un fusil infaillible et elle a la puissance de briser le fer et les chaînes ; en Autriche, on met aux enfants un petit sac de verveine au cou, pour la dentition (4).

Dans le Brabant wallon (Oisquercq), de même qu'à Liège, on prend de la tisane de verveine pour éviter les accidents dus au tempérament sanguin. En Wallonie, on se sert de sirop de verveine contre les maux de gorge, et la verveine portée en amulette, guérit les scrofules (5) ; à Piétrebais, mise dans du genièvre, elle guérit les maux de tête.

Il semble bien que ce soit un restant de la vieille tradition, les vertus curatives de la verveine étant très douteuses, bien que M. Paque recommande ses feuilles contre les maux de tête et la congestion (6).

(1) Janus 1907, XII, 445.

(2) ALPENBURG. Mythen und Sagen Tirols, p. 401.

(3) ISID. TEIRLINCK. Flora diabolica, pp. 69, 84 221 et 248.

(4) HOVORKA und KRONFELD. Op. cité, I, p. 121.

(5) POSKIN. Préjugés populaires, p. 53. Remède ancien. (Médecine des Pauvres, 1766, p. 352.

(6) De Vlaamsche Volksnamen der planten, p. 564.


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LE MARRUBE.

Une plante, dont le rôle médical est plus efficace, est le marrube blanc. Les Egyptiens l'appelaient la semence d'Horus.

L'école d'Hippocrate, peut-être sous l'influence de la tradition égyptienne, employait le marrube contre la stérilité des femmes, soit en infusion, soit en pessaire(l), ou en cataplasmes, pour guérir le gonflement des plaies (2).

Voici ce qu'en dit un poète médiéval :

« Chil deffrema (ouvrit) son coffre, s'en traist marrubion C'est une saintisme (très sainte) herbe que trova Salmon. (La conquête de Jérusalem par le pèlerin Richard, 6406)

En vieil allemand, on l'appelait l'aide de Dieu, l'herbe secourable, la bonne herbe, etc.

Au XVIIIe siècle, en France, sa réputation était très grande ; sous l'une ou l'autre forme, les médecins la conseillaient contre l'asthme, la pleurésie, les maux d'estomac, l'absence de menstruation, les obstructions du foie, la jaunisse et l'hydropisie (3).

Le médecin brabançon Dodoens, au XVIIe siècle, la recommandait bouillie, pour le foie et la râtelle, les bronchites et les crachements de sang. D'après lui, elle favorise la menstruation (4) ; cette dernière propriété lui fut reconnue dans les pharmacopées ultérieures (5).

Récemment, dans le Hainaut, un prêtre guérisseur la recommandait vivement contre la toux et prétendait même guérir, par son moyen, les commencements de tuberculose. On croit qu'il a guéri beaucoup de personnes. Ce prêtre, consciemment ou inconsciemment, a sans doute repris l'idée de Dioscorides (6), d'Alexandre de Tralles et de Calius Aurelianus.

(0 Maladies des femmes, III, 24.

(2) Des plaies, 11.

(3) L'auteur du Manuel des Dames de Charité. Description abrégée des plantes usuelles (1774) p. 238. — LEMERY. Pharmacopée universelle. 1718, p. 169.

(4) Histoire des plantes, 1557, p. 182.

(5) Pharmacopeae bruxellensis 1712.

(6) ch. 119.


— 183^-

A Oisquercq, on prend de la tisane de marrube blanc contre les maux d'estomac, contre les maux de gorge et contre la jaunisse. A Diest, la même tisane est censée guérir les hémorroïdes. L'ancien poète Van Maerlant, contre le même mal, recommandait le marrube en suppositoire (1). Le marrube a effectivement des propriétés médicinales. Il est tonique et stimulant, et les sommités fleuries sont inscrites au Codex de 1884.

LA BRYONE.

La mandragore eut pendant longtemps un sens vraiment religieux : nombreuses sont les fables que l'on créa autour d'elle et tout aussi nombreux furent les effets prodigieux, médicinaux ou autres qu'on lui attribua. Il est possible que les Egyptiens l'utilisaient dans leur pharmacopée, mais la chose est certaine pour les Assyriens (2). Sa racine, dit-on, est semblable à la forme humaine, et en hébreu, elle s'appelle l'herbe d'amour. La Genèse montre l'importance qu'on attachait à sa | possession (3). Homère parle de la mandragore, difficile à déterrer par les hommes. Pythagore, dit-on, l'appelait andro pomorfos, (semblable à l'homme), et les Turcs actuels l'appellent encore Aschem Kokem, ce qui a le même sens. Théophraste et Pline indiquent la manière de la cueillir (4). Théophraste, Pline et Celse indiquent ses vertus médicinales.

Josèphe, lui aussi, indique comment il faut l'arracher et dit qu'elle chasse, les démons et les esprits du mal (5).

Dioscoride en parle longuement, il la conseille comme médicament interne, comme amulette (6). Columelle disait que la racine de la mandragore était à moitié humaine (7).

(1) Naturm bloem, LX, 398-401.

(2) DAWSON. The mandrake in ancient and mediaeval History. The american Druggist 1925, p. 2.

(3) XXX. 14 er suiv.

(4) THÉOPHRASTE. X, 8, 8. PLINE. XXV, 94.

(5) Guerres des Juifs, VII, VI, 3.

(6) Materia medica, IV, 76, et VI, 16.

(7) De Re rustica, X.


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Dans un livre médical syriaque, on l'appelle la première née des plantes et elle dévoile l'avenir. C'est la racine splendide que l'on encense comme une divinité (1).

La mandragore est figurée sous forme humaine dans le Codex neapolitanus, vers 700, et a été représentée sous forme mâle ou femelle, dans beaucoup de manuscrits du XIVe au XVIe s.

Le Zohar, le livre ésotérique des Juifs, dit que la mandragore a son utilité, car elle est efficace pour les femmes qui ne sont pas stériles, mais qui ont cessé d'avoir des enfants pour une cause indépendante du « sort » (2).

Avicenne, philosophe arabe du XIe siècle, dans une espèce de conte mystique, parle d'une mandragore qui, par une opération magique, se transforma en enfant vivant (3).

Philippe de Thaon, qui écrivit en Angleterre un bestiaire au début du XIIe siècle, parle de la mandragore d'après Isidore de Séville : c'est une plante qui a deux racines dont l'une a la forme d'un homme et l'autre d'une femme. Ceci est repris de Dioscoride qui parle de mandragore mâle et de mandragore femelle (4).

Cette racine a de grandes vertus médicinales : elle guérit de toutes les maladies :

Fors seulement de mort Où il n'a nul ressort.

Dans un roman de chevalerie de l'époque, on lit :

Vint à la mandeglore I pair en a osté Olivier l'aporta, tantôt k'en ot usé Si sancront (guérirent) sa plaie, si revint en santé.

Fierabras 2209.

Au XIIIe siècle, Rustebeuf l'appelle « cette dame herbe la trest une beste mère et tantôst comme de est traite, si convient morir celé beste ». Peut-être est-ce ce sortilège que l'on accusa Jeanne d'Arc d'avoir employé (5).

(1) BUDGE. Syrian anatomy, Pathologie, etc. t. II, pp. 708 et suiv.

(2) I, 157*.

(3) CARRA DE VAUX. Avicenne, p. 291.

(4) IV. 76.

(5) ETIENNE PASQUIER. Recherches V, ch. 4.


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Dans le Grete Herball de 1526, (anglais), l'idée d'une herbe ayant les facultés humaines et ses sensibilités est expressément déclarée comme étant admissible (il s'agit de la mandragore). Plus tard, elle devint un narcotique et de fréquentes mentions en sont faites dans la littérature anglaise. En Allemagne et en Autriche, la mandragore a joui d'une réputation non moins grande, on l'y appelait « ErdMànchen » (petit homme de la terre) ; elle conservait la vie, le bien-être et la santé, elle protégeait contre les dangers des combats, rendait les femmes fécondes, pouvait occasionner la tempête et permettre à celui qui la possédait, de passer par le trou d'une serrure.

Dans les temps anciens de la Germanie, la mandragore était considérée comme une femme sage, omnisciente, connaissant les paroles magiques et elle était parfois invoquée comme une déesse ou une magicienne ; puis on en fit un démon méchant, et, enfin, on la regarda comme une racine magique ayant la forme humaine.

Dans le Sud de l'Angleterre, on croit que la mandragore a, dans sa racine, un coeur humain (1).

Dès les temps anciens, la bryone, appelée en France : navet du diable ou navet galant, a remplacé frauduleusement la mandragore qui coûtait une fortune ; et, en nos régions, comme en Pologne d'ailleurs où la vraie mandragore est inconnue, elle a hérité de ses propriétés, comme la belladone en hérita en Roumanie, en Moldavie et en Courlande.

Devreese, notre vieil auteur brabançon, dont nous avons déjà parlé, dit à ce sujet : Ceci est la vertu de la bryone qui est la reine au-dessus de toutes les herbes de la terre. La racine de la plante pendue au cou d'un homme, enlève la crampe et la grande gène, la sève. etc. (2). En Angleterre, actuellement encore, on se sert de la bryone comme amulette, surtout pour les femmes stériles (3) et, en 1913, un marchand

(1) CONWAY. Mystic trees and flowers. Fraser's Magazine 1730, t. II, p. 705.

(2) op. cit.

(3) M" GUTCH and MABEL PEACOK. Folklore concerning Lincolnshire, pp. 19 et 118.


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vendait de la bryone pour de la mandragore, en disant qu'elle guérit tous les maux, et en ajoutant qu'elle crie quand on l'arrache et que, par suite, elle doit être enlevée la nuit (1).

Les anciens médecins lui attribuaient des vertus sans nombre. Sydenham se servait de la racine de la bryone pour la guérison des maladies mentales, et Vilba nova pour la cure de l'épilepsie, ce qui se retrouve dans « den Cleynen Herbarius », publié à Anvers en 1626, p. 64. Un médecin bruxellois du XVIIIe siècle l'employait pour les contusions, les foulures et même les panaris, avec un succès miraculeux, disait-il. Il prétendait avoir guéri des milliers de cas d'hydropisie, d'anasarque, d'oedème, de scrofules et autres. C'est, d'après lui, une plante divine et un médicament héroïque (2). Au XVIIIe siècle, la pharmacopée bruxelloise donnait la racine comme diurétique et comme remède contre l'hydropisie (3) ; parfois en emplâtre, elle guérissait les contusions (4) et, en liniment, la teigne (5).

A Casteglione lors des fêtes de la Saint-Jean, les gens se mettent des guirlandes de bryone autour du front pour éviter les maux de tête (6).

Actuellement, dans la médecine populaire, elle a bien déchu. Cependant, en Wallonie, sa racine, mêlée à du coing, sert contre les rhumatismes ; à Bruxelles et aux environs, seule ou mêlée à de la fougère mâle et du raifort elle guérit l'hydropisie. A Crainhem et à Oisquercq, mise dans du genièvre, on l'emploie comme remède contre les maux d'estomac ou les crampes du ventre.

En France, elle a été utilisée comme purgatif ou en vésicatoire.

A Linden, une décoction de feuilles de bryone, mêlée à du vin blanc, est administrée comme diurétique ; les

(1) Folk-Lore 1913 p. 121. (La même croyance existe en Belgique N. D. L. R.)

(2) J. B. DE BEUNIE. Antwoord op de vraege : « Welk zijn de profijtellijkste Planten etc.. Bruxelles 1772, pp. 18-19.

(3) Pharmacopeae bruxellensis 1702. V. égat' Pharmacopoea Schrôdero. Hoffmanianna, 1687, p. 552. — DE COCK. Volksgeneeskunde in Vlaanderen, p. 260.

(4) Enchividion medicorum. Gand XVIIIe s. p. 108.

(5) HOCQUET. Médecine des pauvres, III, 215.

(6) FRAZER. Adonis, p. 193.


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feuilles bouillies sont appliquées en emplâtre contre l'amygdalite, et les racines pelées sont frottées sur les membres rhumatisés. A Braine-l'Alleud, où on l'appelle « crasse racine », elle sert pour les maux d'estomac, les furoncles et les panaris (en emplâtre dans ce dernier cas). Ce remède, soit dit en passant, est abominablement mauvais à avaler. La racine de bryone est effectivement un purgatif assez violent et un diurétique.

Tout récemment encore, un médecin homoeopathe bruxellois prétendait guérir la constipation en mettant sur le ventre du malade une racine de bryone. A noter à ce sujet que, pour beaucoup d'homoeopathes, le mode d'action des remèdes est le même à l'extérieur et à l'intérieur (1).

Il est remarquable qu'aux environs de Bruxelles même (comme d'ailleurs dans le Sud de la province), une certaine conception anthropomorphique lui est encore attribuée. D'après la forme de la racine, comme on le disait de la mandragore, on prétend que la bryone est mâle ou femelle, et que si deux racines de sexe différent sont voisines dans le sol, elles tentent de se rejoindre. Leurs effets médicinaux sont d'ailleurs différents, la racine mâle, étant considérée comme abortive, ne peut être prise par les femmes, car elle intensifie les règles, et elle est dangereuse pour les femmes enceintes.

Il y a quelques 30 ans, une guérisseuse de Laeken possédait une bryone mâle, à laquelle elle attachait le plus grand prix et qu'elle prêtait aux gens souffrant de rhumathismes.

A Crainhem, les campagnards mettent de la bryone sur leur grenier pour écarter les rats. Un rat, qui a senti la bryone, ne sait plus se reproduire, dit on.

Rappelons à ce propos que Dodonaeus employait des fumigations de bryone pour chasser les serpents et les rats (2) En flamand on l'appelle « duivelkers » et en allemand « Teuîelkirsche», cerise du diable, en anglais Devil's Cherry. En France, on l'appelle vigne du diable, raisin du diable, verjus du diable, etc. (3).

(1) Comte MATTHEI. Electro-homoeopathie, p. 75.

(2) Cruydt-boeck 657,

(3) Is. TEIRLINCK. Flora diabolica, p, 104.


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LE SUREAU.

Le sureau, chez les Germains comme chez les Celtes, était l'arbre protecteur de la tribu ; on l'invoquait comme un seigneur et il était honoré comme tel ; en Germanie, il était consacré à la déesse Freya.

Un chant populaire russe nous apprend que les sureaux éloignent les mauvais esprits, par compassion envers les hommes. Les Lettons croient que le dieu de la terre, Pusch Kaitis, demeure sous les racines du sureau. Chez les Ruthènes et les Huzules, c'est le diable qui y habite ; chez les Russes, le sureau chasse le diable (1). En Suède, les femmes enceintes embrassent l'arbre (2). En Allemagne, on parle de la mère et de la femme du sureau. Anciennement, quand on abimait un sureau, on lui versait du lait sur les racines. Au Schleswig et au Danemark, au XVIIIe siècle, avant de couper les branches du sureau on lui demandait, l'autorisation à genoux, tête découverte et les mains jointes (3). En Allemagne du Sud, on se découvre devant lui comme devant un homme tout-puissant (4).

Dans l'école d'Hippocrate, on employait le sureau en cataplasmes, en aliment, en fumigation, en injection et en onction.

Anciennement, dans le département français de la Vienne on disait à son sujet :

« Si Dieu le veut, un malade, rien que toucher au sureau, se porte mieux » (5).

Dans les Pyrénées en cas de maladies du bétail, on menace le sureau, « mousu l'aoussier», de lui couper la jambe et le pied (6).

Au XVIIe siècle, en nos contrées, on croyait que le sureau guérissait même la peste (7).

(1) Is. TEIRLINCK. Flora diabolica, pp. 18 et 240.

(2) VANDER HAER. La superstition des campagnards, p. 79.

(3) MANHARDT. Wald und Feldkulte, I, p. 10. GRIMM. Deutsche Mythologie, p. 375.

(4) HOFLER. Volksmedizinische Botanik der Kelten. Archiev fur geschichte der Medezin, t. V., p. 25.

(5) ROLLAND. Flore populaire, II, 281.

(6) DE NORE. Coutumes, mythes et trad. des prov. de France, p. 102.

(7) den cleynen herbarius. Anvers 1626, p. 36.


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La seconde pelure de l'arbre était un purgatif utilisé tant en France qu'en Allemagne ; en nos régions, elle sert surtout à guérir l'hydropysie et l'érysipèle. Anciennement, elle guérissait aussi les maux de dents.

En Bohême, avec les branches du sureau, la nuit des Walpurgis, on fait des croix que l'on pend aux portes des étables (1).

Dans toute l'Allemagne (comme dans le Brabant septentrional d'ailleurs), le sureau protège contre les sorts ; son bois est un moyen magique infaillible, notamment pour les guérisons, et surtout pour les maux de dents (2).

Il peut être intéressant de noter qu'il y a 50 ans environ, une guérisseuse de Cortryck-Dutzel prescrivait des inhalations de fleurs de sureau contre les bronchites. Nous avons aussi retrouvé cet usage à Neder-over-Heembeek.

A Anderlecht, les mêmes inhalations guérissent les maux de tête et à Etterbeek, comme à Stockel, les maux de dents.

Dans toute la région flamande, on emploie des vapeurs de sureau pour guérir les maux d'oreilles (3).

A Bruxelles, le sureau sert surtout pour la guérison

des rhumes. Anciennement, dans notre pays, on disait que

les fleurs de sureau solidifiaient les glaires, les détachait en

détruisant leur mauvaise nature(4). A Neder-over-Heembeek,

on met des emplâtres de fleurs du sureau sur les abcès et

les inflammations des yeux. Depuis longtemps, l'infusion de

feuilles ou de fleurs de sureau sert d'anti-ophtalmique (5).

Actuellement l'Almanach de l'abbaye d'Afîlighem

chante les effets curatifs du sureau, soit qu'on en prenne

les feuilles en tisane, comme dépuratif, les fleurs contre la

fièvre, les racines en tisane contre l'hydropisie, les fruits

contre les maux d'estomac ou comme diurétique, les fruits

séchés contre les diarrhées, etc. L'Almanach du « Soir » de

1914 (p. 98) préconisait l'emploi des fleurs de sureau contre

les panaris et les phlegmons.

(1) ALOIS JOHN. Sitte, Brauch und Volksglaube in deutsche Westbohmen, p. 226.

(2) WUTTKE. Die deutsche Volksaberglaube, p. 108.

(3) DE COCK. Volksgeneeskunde in Vlaanderen, p. 135.

(4) DEVREESE. Op. cit., pp. 49 et 50.

(5) Dr VAN SCHEVENSTEEN. Les plantes dans les maladies des yeux, p. 364.


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LA POTENTILLE OU QUINTEFEUILLE.

Les Druides, dit-on, la considéraient comme un portebonheur et pensaient, notamment, qu'elle préservait des maladies. Elle était le symbole de la main de Dieu (1). En Allemagne, elle était un porte-bonheur, car elle rappelait le dieu qui donnait la richesse et le bien-être (2).

Les magiciens Grecs l'appelaient les doigts d'Hermès, Hermadaktylon, et les Romains la main de Mars, « Manus Martis ».

Pline, par application de l'analogie de forme, disait que la quinteîeuille guérit toutes les maladies des doigts et en particulier le ptérugion (3). Elle fut peu en usage dans l'école hippocratique ; cependant, on l'employait contre la fièvre tierce (4). Dioscorides lui attribuait des vertus multiples : guérir les maux de dents, la dysenterie ; en emplâtres les abcès et le gonflement des glandes du cou, les inflammations de la peau, les douleurs du foie et des reins, etc. (5).

Marcellus de Bordeaux la recommandait contre la toux, les maux de dents et la fièvre tierce ; Apulée, contre le cancer. Albert le Grand disait que la racine de cette plante guérissait les plaies et les duretés, si on la met en emplâtre. Elle enlève en peu de temps les écrouelles, si on boit son suc avec de l'eau, et guérit bien d'autres maux encore, maux d'estomac, de dents, de poitrine (6).

Pour Ficin (1433-1499), elle guérissait la fièvre, et son action était due au nombre de ses feuilles. En général, ce fut un préservatif contre l'oeuvre du démon, la peste, la fièvre, la dysenterie, etc. En France, on s'est servi de sa sève contre les morsures des serpents (7).

J. J. Wecker dit, d'après Agrippa, que l'on voit en l'herbe appelée pantaphyllon, c'est-à-dire quintefeuilles, les vertus qui sont aux nombres : car, par la vertu du nombre

(1) PLINE. Hist. nat. XII, 1 et 30, XVI, 32.

(2) SIMROCK. Deutsche Mythologie, p. 515.

(3) Op. cit. LXXVI, 14.

(4) Des maladies, II, 42.

(5) IV, 43.

(6) Magie naturelle, p. 80.

(7) ROLLAND. Faune popul., III, 30.


loi

de cinq, cette plante résiste aux venins, chasse les diables, sert à l'expiation et une feuille prise tous les jours deux fois, avec du vin, guérit la fièvre éphémère, c'est-à-dire d'un jour, trois guérissent la tierce, quatre la quarte (1). Dodoens dit que la potentille mêlée à l'ortie chasse les esprits (2).

Au XVIIIe siècle encore, son usage était très fréquent ; on s'en servait contre les hémorragies, la dysenterie, les fièvres intermittentes, le tremblement des mains, les verrues, etc. (3). Sa réputation atteignit celle des quinquinas.

En Bohême, la quintefeuille a conservé une partie de ses qualités magiques. On l'appelle la feuille des sorcières. On dit qu'elle fleurit à minuit le jour de la St-Jean (23 juin). On la pend aux quatre coins de la maison comme protection contre la sorcellerie ; on la met dans le lit, on la porte au cou, on la donne au bétail (4). Dans le Voigtland, ses racines, cueillies le jour de la St-Jean avant le lever du soleil, apportent à celui qui les a sur lui le bonheur et le rend irrésistible à celle qu'il aime (5).

Actuellement, les guérisseurs s'en servent quelquefois en tisane pour guérir les hémorragies, les hémorroïdes, les flueurs blanches et la dysenterie (6), et le suc guérit encore les tremblements des mains. La racine en est effectivement tonique et excitante.

Il peut être intéressant de rappeler au sujet des effets magiques de la quintefeuille, que, chez les Marocains et les Juifs, le chiffre cinq et la main aux cinq doigts étaient des protections contre le mauvais oeil (7).

D'autres plantes médicinales ont probablement subi l'influence d'une légende religieuse, telles que le millepertuis, également appelée « herbe de St-Jean », le lierre ou liane de

(1) J. J. WECKER. Les Secrets de la nature, 1699, p. 130.

(2) Cruydt-boeck, p. 225.

(3) L'auteur du Manuel des Dames de charité. Description abrégée des plantes usuelles, p. 368. DODOENS. Histoire des Plantes, p. 64.

(4) ALOÏS JOHN. Op. cité, p. 227.

(5) WUTTKE. Op. cité, p. 104.

(6) THIELENS. Flore médicale belge 1862, p. 247.

(7) QUEDENFELDT. Zeitschrift fur Ethnologie 1886, p. 676.


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St-Jean, le serpolet ou paille du lit de Notre Dame, le lis blanc ou lis de St-Joseph, l'euphorbe ou lait du diable, etc. Mais nous croyons que les exemples cités sont parmi les plus caractéristiques et qu'ils suffisent amplement à étayer notre thèse.

Nous citerons cependant la scille maritime qui, à Heverlé, guérit l'herpès, et n'adhère au mal que si c'est réellement cette maladie. A Anderlecht, elle est utilisée pour guérir les blessures ; à Crainhem, elle arrête la chute des cheveux et, à Vissenaeken, elle guérit la furonculose ; chez les Grecs, elle était un remède universel (1). La scille était redoutée des loups et chassait les démons qui avaient l'aspect de loups, (2) et, comme telle, servait aux purifications religieuses. L'école d'Hippocrate la recommandait dans l'empyème (pus dans la plèvre) (3) et l'oignon de la scille s'appliquait sur les brûlures (4). Théophraste nous dit que les Grecs plantaient des scilles près des maisons pour conjurer les maléfices (5). On dit que Phytagore a écrit un livre sur ses vertus (6) et que les Egyptiens, qui l'appelaient l'oeil du Typhon, lui avaient voué un culte. Au Moyen-Age, elle entrait dans la composition de la thériaque.

Au XVIe siècle, Bodin disait que c'était une superstition de pendre de la scille sur une porte pour empêcher les charmes et sorcelleries (7). Au XVIIIe siècle on se servait de la scille contre la pituite, l'épilepsie, le venin et l'asthme (8). On l'utilisait notamment pour la confection de certaines huiles (9).

C'est, ne l'oublions pas, une plante médicinale aux actions énergiques mais dangereuses ; c'est un tonique du coeur et un diurétique.

(1) DIOG. LAERTE. Péri Skillys, VIII, 47. Schol. Thever, 5, 121.

(2) ARTEMIDOR. Onirove, III, 50.

(3) Du régime dans les maladies aiguës, § 30.

(4) Des plaies, 22.

(5) Hist. plant. VII, 13.

(6) GALIEN XIV, 567, 569.

(7) De la démonomanie, p. 145.

(8) LEMERY. Traité des drogues simples, p. 80.

(9) Pharmacopoca brussellensis 1772, p. 98.


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OBJETS D'ÉGLISE.

Voici quelques remèdes brabançons où interviennent les objets d'église. A Dilbeek et aux environs, pour préserver quelqu'un de l'apoplexie, on lui coud dans le veston, sans qu'il le sache, un morceau du voile qui a servi à préserver le visage de l'enfant, le jour du baptême. A Lembecq-lez-Hal, il y a dans l'église de saint Veron, une cave dans laquelle on puise de la terre qui a la propriété de guérir les maux de tête. (On met cette terre dans un sachet que l'on applique sur le front ou sous la tête, la nuit). A Hackendover, près de Tirlemont, pour guérir les maux de ventre et d'estomac (ainsi d'ailleurs que pour la guérison des animaux domestiques), les pèlerins emportent un petit sac de terre bénite, mais cette terre acquiert surtout sa vertu par le pèlerinage que l'on fait treize fois, en priant, entre l'église de cette localité et la chapelle de N. D. de la Pierre (Ten Steen) à Grimde (1). Une coutume semblable se pratique à Lembecq où les sachets, comme nous venons de le voir, guérissent les maux de tête.

A noter à ce sujet que les Turcs mettent des sachets de terre de La Mecque sur le dos de l'accouchée et que les Juifs et les Chrétiens emploient souvent, dans la même intention, un sachet de terre sainte de Jérusalem. Un usage similaire existe à Saint-Jacques de Lisieux ; tous les ans, les malades de la fièvre viennent, le dimanche de Quasimodo, en pèlerinage à la colline où le Saint avait été enterré ; ils emportent un peu de terre qu'ils mettent dans un sac de toile, attachée à leur poignet en guise de bracelet, et le conservent pendant les neuf jours de la neuvaine (2). Anciennement, la terre du cimetière de Molenbeek-Saint-Jean passait également pour être miraculeuse, et les gens pieux en conservaient chez eux (3). Rappelons à ce sujet que la terre du tombeau des Saints guérisseurs du Maroc a une vertu curative(4).

(1) v. FR. HENDRICKX. Le Pèlerinage d'Hackendover, Folklore Brabançon, 1927.

(2) EDM. GRAULT. R. T. P. 2e année, p. 223.

(3) WAUTERS. Histoire des environs de Bruxelles, I. p. 323.

(4) Dr MANRAN. Contribution à l'histoire de la médecine arabe. Bruxelles-Médical, 13 sept"™ 1923, p. DCLXIV.


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LE NOMBRE.

Le nombre intervient fréquemment dans la composition des remèdes.

Le nombre sept avait un sens mystique chez les Eraniens (d'où chez les Juifs), les Arméniens, les Indiens, les Chinois, les Malais, les Arabes et les Chrétiens (1) ; l'origine doit probablement en être cherchée en Mésopotamie (2).

En Chaldée, un très grand nombre de médicaments étaient composés de sept plantes.

En nos provinces, contre la fièvre, on porte des sachets contenant sept espèces de médicaments ou sept objets les plus divers, parce que, dit-on, il y a sept espèces de fièvres lentes (3).

L'Atharva Veda dit que la possession par les démons de la maladie est guérie par une amulette de 10 sortes de bois (4). En Allemagne, l'amulette n'est formée que de 9 sortes de bois.

En Chine, le chiffre prépondérant des substances composant les remèdes est cinq.

Nous retrouvons, près du Brabant, le chiffre sept dans la composition des remèdes. A Godarville, comme préventif contre les furoncles, on mange de la soupe préparée avec sept espèces de légumes (5). Anciennement, en Allemagne, l'onguent des sorcières était fait de sept herbes différentes (6 ). Rappelons à ce sujet que le nombre 7 est le chiffre préféré de la magie sémitique et que, dans nos régions, on établit une relation entre ce chiffre et le nombre de jours de la semaine, le nom de chaque plante répondant au nom du jour. (Barbam jovis, jeudi, capillos veneris, Vendredi, etc.) (7).

(1) v. ANDRIAN. Die Siebenzahl im Geistenleben der Vôlker. Mith. der Anthrop. Ges. Wien. 1901, pp. 225-274.

(2) TREBITSCH. Versucheiner Psychologie der Volksmedizin. Mith. der Anthrop. Ges. Wien 1918. p. 193.

(3) POSKIN. Préjugés populaires, p. 198.

(4) I, II, 9.

(5) HAROU. Mélanges, p. 30. Folklore de Godarville, p. 30.

(6) GRIMM. Deutsche Mythologie, p. 634.

(7) Dr HARTLIEB. Buch aller verboten Kunst 1455. Cité par Grimm, t. III. p. 427.


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Souvent aussi, le remède doit être appliqué un certain nombre de fois.

En Chaldée, pendant que l'on exprimait le souhait de guérison, on devait frapper avec le pouce quatorze fois le crâne du malade et le sol (1). En Egypte, les prières et les incantations se disaient généralement sept fois de suite (2), plus rarement neuf fois ; dans la Bible, le Psalmiste chante le Seigneur sept fois par jour, et Mahaman doit se baigner sept fois dans les eaux du Jourdain.

En nos régions, c'est le chiffre neuf (la neuvaine) qui prédomine.

Dans le Luxembourg, pour guérir la fièvre lente, il faut mettre, sur les poignets de l'enfant, neuf sortes d'herbes et faire des neuvaines. Rappelons qu'en Allemagne, les plantes données en médicaments sont souvent au nombre de neuf parce que ce nombre leur donne une vertu magique ; de même, en Oldenbourg et au Tyrol, on porte au cou pendant neuf jours l'araignée qui doit enlever la fièvre (3).

A Liège, pour guérir les verrues, on les envoie pendant neuf jours consécutifs à la pleine lune. A Grammont, contre les marques de naissance, la mère lèche pendant neuf jours les taches de son bébé. A Jette St-Pierre, on frotte les verrues avec un os de mort pris au cimetière, et on récite pendant neuf jours neuf pater (4). A Londerzeel, pour guérir la goutte, tous les voisins du malade, pendant neuf jours, font le tour de l'église. A Vissenaeken (Tirlemont), on frotte ses verrues avec la terre provenant de la tombe d'une personne enterrée depuis neuf jours. A Hal, pour guérir les maux de tête, on fait trois fois par jour le tour de l'église et cela pendant neuf jours en disant neuf prières par jour ; à l'église de la Chapelle, à Bruxelles, on suit le même usage pour les maux d'yeux. A Bruxelles encore, pour arrêter le hoquet, on boit neuf petits coups de suite, sans respirer. A St-Gudule on se procurait, paraît-il, une bouteille d'huile, qui, appliquée pendant neuf jours de suite guérissait les maux de jambes.

(1) KÙCHLER. Assytisch. Babyl. Medizin, p. 3.

(2) GRIFFITH. The demotic magical papyrus, pp. 79, 87, 89 et 93, etc.

(3) WUTTKE. Op. cité, pp. 96 et 326. GRIMM. Deutsche Mythologie, p. 634.

(4) DE COCK. Op. cit.. p. 260.


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A Linden près de Louvain, contre les convulsions, on fait une neuvaine et on dit neuf pater et neuf ave. Au même endroit, ainsi qu'à Vilvorde et en d'autres localités, pour diminuer les souffrances d'un mourant, neuf hommes, si le malade est un homme, et neuf femmes, s'il s'agit d'une femme, courent trois fois par jour, par le chemin de la procession (de weg om). 11 y a quelques 20 ans, lorsqu'on faisait un pèlerinage à St-Corneille de Dieghem, contre les convulsions, les pèlerins devaient être au nombre de neuf. Si l'on ne parvenait à réunir un tel nombre de gens de bonne volonté, on s'adressait à l'école catholique qui envoyait des élèves des grandes classes. A Hauwaert, contre la fièvre, on dit trois fois : « je suis fait de terre et redeviendrai terre » ; la première fois pour Jésus, la seconde fois pour Marie et la troisième pour St-Joseph, et on le dit trois jours consécutifs. Ensuite, pendant neuf jours, à jeun, dire à genoux neuf pater et neuf ave.

Van Humboldt avait trouvé la raison de l'emploi si fréquent du nombre 9 chez les hindous et les javanais dans les 9 ouvertures du corps humain (1).

Le chiffre neuf jouait un grand rôle dans le culte d'Apollon et dans celui de Dionysos (2). Il avait surtout une grande importance dans le culte des morts, tant chez les Romains que chez les Hindous et les Persans, d'où son influence sur les démons de la maladie. On prescrivait souvent à Rome de prendre neuf plantes médicinales, ou neuf parties de la même plante ou encore de dire neuf fois ou 3 X 9 fois, des formules magiques (3).

Cette prépondérance du nombre neuf est une influence de la religion catholique. Les neuvaines sont très en honneur. 11 est difficile de retrouver l'origine du rôle de ce chiffre dans le christianisme primitif. Est-ce une symbolisation de la Trinité, trois fois sainte ?

Le Kyrie Eleison est dit neuf fois et les Juifs, le cinquième jour de la fête de l'Expiation, sacrifiaient neuf veaux.

(1) KAWISPA. I, p. 36.

(2) ROSCHER. Sieben und Neunzahl im Kultur, pp. 54 et suiv.

(3) PLINE, 24. 180, 28, 249. CLÉMENT D'ALEX. Stromatre V. 570.


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Ce nombre neuf jouait un rôle important dans^la mythologie germanique, notamment en ses rapports avec la médecine (1).

Cependant, le chiffre trois apparaît fréquemment. En voici un cas : A Viane-Moerbeke, à la limite du Brabant, on fait un pèlerinage pour les enfants qui ont des terreurs nocturnes. On commence par prier les trois saints, on fait trois fois le tour de l'église à l'intérieur et à l'extérieur et il faut être trois. A Wespelaer, contre les maladies de coeur, on invoque les trois soeurs et on fait trois fois le tour de la chapelle.

Certains pèlerinages, à Montaigu et à Strombeek, par exemple, pour les enfants qui ne savent pas marcher, doivent être faits par trois personnes, généralement le père et deux mercenaires ; à Stc-Renelde, près de Saintes, l'importance que l'on attache au nombre 3 est encore plus marquée. Le pèlerinage à ce sanctuaire, pour être efficace, doit également être fait par trois personnes. Comme le voyage est coûteux, les pauvres des villages éloignés (de Flandre, par ex.) ne partent qu'à deux, mais emportent un parapluie qui peut compter également pour un pèlerin. Parfois même, ils partent seuls avec un parapluie, mais engagent un mercenaire sur place ; ces mercenaires s'offrent nombreux à l'arrivée des trains. Cette habitude de se faire remplacer moyennant argent, se pratique pour maint pèlerinage d'ailleurs, mais, en général, il importe que le malade dise lui-même les prières et aille voir le saint.

Voici un cas où le 3 et le 9 se combinent : on dit à Linkebeek que quand quelqu'un devient fou furieux, 3 personnes doivent faire un pèlerinage aux 3 Saints : saint Jean, saint Corneille et saint Ghislain. Elles doivent prier ces saints neuf jours avant leur visite et neuf jours après.

LES ÉPOQUES.

Les heures, jours et époques ont un grand rôle ; les quartiers de la lune surtout eurent une importance très grande et peut-être cette idée nous vient-elle des druides (2).

(1) v. SIMROCK. Deutsche Mythologie, pp. 155 et 513.

(2) ENNEMOSER. Geschichte der Magie, p. 720.


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En Chaldée, beaucoup de médicaments devaient être pris au début du mois ou à certains signes du Zodiaque (1). En Babylonie, comme en Arabie ancienne, le premier quartier de la lune était particulièrement saint (2).

Aux Indes, d'après la Kausika Sutra, la nouvelle et la pleine lune ont une très grande importance, notamment pour la préparation du Soma ; presque toutes les actions magiques devaient se faire durant cette période (3).

Selon Dioscoride, on guérissait les verrues au renouvellement de la lune en prenant autant de pois chiches qu'on a de verrues et en les jetant derrière soi (4).

Dans un supplément aux livres de Straton, qui aurait été composé par Orphée, on employait, contre l'épilepsie, une racine de volanum arrachée pendant la lune décroissante. L'auteur cite d'autres cas où le remède doit être cueilli ou utilisé à la lune décroissante (5).

Marcellus de Bordeaux a probablement repris au poète Ausone, qui l'emprunta peut-être à la tradition druidique, ce remède contre la sciatique et la goutte, où l'influence de la lune et de diverses dates est prépondérante :

Recueillez de la fiente de bouquetin le 17e jour après la pleine lune, cependant, vous pourrez utiliser aussi la fiente recueillie un autre jour assez avant dans le mois, pourvu que le remède soit préparé le 17e jour de la lune. Vous prendrez de cette fiente ce que pourra contenir votre main... Pour que le remède soit efficace, il faut que vous le prépariez le 17e jour après la nouvelle lune, et quand vous en ferez usage, commencez le traitement un jour de Jupiter et continuez pendant sept jours de suite. Le malade devra monter sur un banc, puis boire en se tournant vers l'Est, etc. (6).

L'idée a subsisté et beaucoup de tentatives d'explication à posteriori en furent faites :

Théodore, archevêque de Cantorbéry, au VIIIe siècle, défendit les saignées pendant le premier quartier de la

(1) KÙCHLER. Assyr. babyl. medezin, p. 68.

(2) NIELSEN. Die altarabische Mondreligion, p. 49.

(3) CALAND. Altindisches Zauberritual, pp. VI et VII. (4)1. II, ch.XCVII. ,

(5) ALEXANDRB DETRALLES. L. I. ch. 15. LXII. (6)Ch. XXV, 21.


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lune (1). Saint-Thomas lui-même dit que la lune a la propriété de mouvoir les humeurs et que les démons profitent des phases croissantes de la lune pour troubler l'imagination de l'homme (2).

Au XIIIe siècle, c'était une idée généralement admise qu'il existe une liaison des plus intimes entre le corps humain et l'univers, et surtout les planètes (3). Ce fut surtout la médecine hermétique qui appliqua cette théorie. Guy de Chauliac, au XIVe siècle, recommandait de ne pas trépaner pendant la pleine lune parce qu'alors le cerveau était augmenté et se rapprochait du crâne.

Pierre d'Abana, partisan d'Averrhoës, de Padoue, disait que la saignée n'est dans aucun temps plus salutaire que pendant le second quartier de la lune, parce que la lumière étant alors dans toute son intensité, la force de la lune est aussi bien plus prononcée (4).

Paracelse croyait que la manie s'exaspère à la pleine lune parce que le cerveau est la lune du microcosme (5). La croyance en une relation entre la croissance des cheveux et les phases de la lune est assez [universellement répandue. On la trouve notamment en Suède et en Bohème (6).

En Wallonie, comme anciennement en France, pour avoir de longs cheveux, on en coupe l'extrémité pendant « lî deure leune » (7) ; la même coutume existe dans certains villages du Brabant flamand. A Oisquercq, pour entraver la croissance des cheveux, on les coupe pendant la décroissance de la lune,

En Flandre, comme en Suisse, le peuple croit que l'hydropisie consiste dans la transformation du sang en eau ; il croit aussi que les membres de l'hydropique gonflent pendant la croissance et dégonflent pendant la décroissance de la lune. La même idée a été retrouvée à Etterbeek ; en

(1) BÈDE. Memoral. hist. V, ch. 3. De Minutione Sanguènis.

(2) Summ. theol. I, qu. CXV. art. 5 concl.

(3) SPRENQEL. Histoire delà médecine, I, p. 401.

(4) Conéiliator diff. CLV1II.

(5) BROUSSAIS. Examen des doctrines médicales, t. I, p. 308.

(6) ONKERT. Der Mond im Glauben etc. Zeitsche fur Osten. Volkskunde 1899.

(7) R. DE WARSAGE. Op. cité.


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ce faubourg, on croit également que les douleurs rhumatismales croissent ou décroissent avec la lune. Les naissances sont surtout nombreuses, dit-on, à l'époque de la nouvelle lune.

L'influence de la lune est universellement admise. Cardan indiquait le remède suivant contre les écrouelles : « Si on coupe les pieds d'une grande raine verde ou d'un grand crapaud pendant qu'il est en vie, quand la lune vuide se hâte à la conjonction du soleil, c'est à dire en lune croissant et on les met autour le col de celuy qui a les écrouelles, ils servent tellement, qu'ils délivrent souventes fois de la maladie (1).

En Lusace, on se débarrasse des verrues en les frottant à des objets ramassés, soit à la lune décroissante, soit à la lune croissante ; dans ce dernier cas on dit « que ce que je vois augmente, que ce que je saisis diminue » (2).

Les Maures d'Algérie font à peu près de même ; ils prennent une feuille de palmier nain, et, le visage tourné vers la nouvelle lune, ils frottent les verrues au moyen de la feuille en disant :

« Croissant nouveau, si blanc, si beau Ote-moi ces verrues de la peau » et ils jettent la feuille de palmier dans une eau courante (3). La lune est invoquée en Allemagne dans beaucoup d'incantations contre les maladies (4).

Les fermiers français ont soin de ne mettre les oeufs à couver que pendant la nouvelle lune (5) et les jjaysans anglais disent même que si les cochons sont tués par lune décroissante, le lard diminue par la salaison beaucoup plus que s'ils avaient été tués à d'autres moments (6).

Les cultivateurs brabançons plantent les oignons à la pleine lune.

(1) WECKER. Les Secrets dénature, p. 213.

(2) SCHULENBERG. Mélusine III, p. 42.

(3) DESPARMET. Mauresque et maladies de l'enfance. Revue des études ethnographiques et sociologiques 1908, p. 503.

(4) EBERMANN. Zeitschrift des Vereinsfur Volkskunde 1913, p. 113.

(5) CH. LEJEUNE. Quelques superstitions. Mém. de la Soc. d'Anthropologie 1903, p. 376.

(6) M™ GUTCH and MABEL PEACOK. Folk-lore concerning Lincolnshire, p. 15.


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Dans un manuscrit hindou du IVe siècle avant J. C, retrouvé récemment dans le Turkestan, pays qui a probablement eu une grande influence sur les idées de l'Europe, il est dit qu'on doit commencer certain traitement lorsque la lune est en conjonction avec l'un ou l'autre astre (1).

En Alsace, pour guérir les maux d'yeux, on les baigne avec de l'urine de femme émise pendant une nuit de nouvelle lune.

Innombrables sont les pèlerinages qui se font à date fixe pour la guérison des maladies.

Dans le Sud du Brabant et le Nord du Hainaut, on frotte sur les plaies, du beurre non salé qui a été fabriqué pendant le mois de mai de l'année en cours. A Assche, on se baigne les yeux avec de l'eau de neige prise au mois de Mars (voir chapitre « Lavage » ).

A Assche encore et à Hauwaert, pour guérir les blessures, on prend en mai, à la rosée du matin (2), les limaces bigarrées de prairies, que l'on met dans un verre ; on y ajoute du sel et on met le tout au soleil. La graisse qui se forme guérit les blessures fraîches, coupures ou piqûres, ainsi que les contusions.

En Allemagne, on croit que le sureau est un remède particulièrement efficace lorsqu'il est cueilli à la St-Michel, et à Neder-over-Heembeek, les feuilles de liseron employées contre l'asthme doivent être cueillies en août. Ancienne ment, pour guérir les épileptiques, on enfonçait à l'endroit où ils étaient tombés, trois clous forgés la veille de la Nativité de St-Jean Baptiste.

Nous ne parlerons pas des saignées que l'on se fait faire au printemps pour diminuer la « poussée du sang » ; cette pratique tend d'ailleurs à disparaître.

La «Médecine et la Chirurgie des Pauvres», vrai compendium de la médecine populaire de l'époque, dit, d'après Etmuller, que, pour les vertiges, on doit prendre les remèdes depuis la nouvelle lune jusqu'à la pleine lune, ce qui est à observer, non seulement à l'égard du vertige, mais

(1) WADDICH. Man. 1914. p. 83.

(2) A rappeler que les Mayas du Yucatan considéraient la rosée comme une véritable eau-bénite (BRENTON. Myths of the New World, p. 148).


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encore dans l'épilepsie, l'apoplexie et les autres maladies de la tête où le mouvement de la lune est d'une grande considération ; l'auteur ajoute qu'un médecin qui n'y fait pas attention, fait plus de mal que de bien (1).

Certains homoeopathes en sont revenus à cette idée que l'influence de la lune mérite d'être prise en considération dans le choix des médicaments.

L'ancien médecin Arnauld de Villeneuve allait plus loin encore : il attribuait à chaque heure de la journée une vertu particulière qui influe, selon la décision de l'horoscope, sur différentes parties du corps (2) ; au XIVe et au XVe s. on dessina fréquemment des « hommes entrologiques » montrant les diverses parties du corps qui étaient sous l'influence des signes du Zodiaque.

(1) Paris 1766, p. 12.

(2) Dr DUPOUY. Le Moyen-Age médical, p. 162.


CARACTÈRES DU GUÉRISSEUR.

Si la maladie est conçue comme l'oeuvre d'esprits mauvais, il est évident que ceux qui sont le mieux à même de guérir sont ceux précisément dont l'oeuvre est d'intercéder auprès des puissances favorables, et parfois de ceux qui ont une action directe, une puissance magique sur les démons.

Chez les Grecs, certaines maladies, notamment la folie, étaient traitées par des prêtres et non par des médecins (1).

En Egypte et en Perse, les prêtres étaient exorcistes et il en était ainsi chez la plupart des peuples « primitifs ». Les druides semblent avoir été à la fois prêtres, magiciens et guérisseurs-exorcistes. En Chine, tout le monde indistinctement reconnaît un pouvoir transcendental aux bonzes, tao-cheu et lettrés vertueux. Les tao-cheu ont la spécialité des charmes protecteurs et de la capture des esprits (2).

Grimm dit à ce sujet que la médecine du paganisme devait être semi-ecclésiastique et semi-magique. L'expérience

(1) HIPPOCRATE. De morbo sacro I. p. 587-594.

(2) L. WIEGER. Folk-lore chinois moderne, p. 10.


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et la science plus grandes donnaient aux prêtres la connaissance des remèdes naturels ; de la sainteté de leur état, dérivaient beaucoup de paroles utiles. Les sacrifices étaient parents des moyens de guérison ; même beaucoup de guérisons ne s'obtenaient que par des sacrifices. Durant tout le Moyen-Age, nous voyons surtout les religieux chrétiens en possession de médicaments et de la connaissance de leur usage (1).

Aux premiers temps du Christianisme, on croyait généralement que les apôtres avaient le don de guérir les malades par l'apposition des mains, par les onguents et les saintes huiles. Il y eut des exorcistes dans toutes les grandes communautés chrétiennes qui d'abord furent très considérés, mais qui, plus tard, furent compris dans les rangs inférieurs de la hiérarchie religieuse et beaucoup de malades étaient considérés comme possédés.

Depuis le VIe siècle, les moines, chez les chrétiens d'Orient, exercèrent presque exclusivement la médecine comme une oeuvre de piété et de charité attachée à la vocation religieuse (2). Beaucoup de prêtres étaient bons « fusicien » et dans beaucoup de couvents, on soignait les malades ; mais d'autre part aussi, les charlatans étaient pour la plupart des moines qui abandonnaient leur monastère ; après avoir quitté l'habit de leur ordre, ils profitaient de leur caractère religieux pour exploiter la crédulité du vulgaire (3).

Les médecins firent partie du clergé chrétien et les professeurs en médecine, selon Et. Pasquier, étaient autrefois tous clercs ; ce ne fut qu'en 1542 que le légat, en France, leur apporta la permission de se marier (4). Cependant ceci avait été l'objet de nombreuses controverses et dès 1298,1a cure des blessures fut interdite aux religieux par le synode diocésain de Wurzburg. Ceci naturellement limitait leur action.

En France, encore actuellement, la majorité des paysans croient que les prêtres possèdent un secret et un

(1) Deutsche Mythologie II, p. 962.

(2) SPRENGEL. Hist. de la Médecine II, p. 345.

(3) VIEILLARD. Gilles de Corbeil, p. 163.

(4) Recherches de la France III, ch. 29-30.


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pouvoir irrésistible sur les éléments. Ils peuvent, au moyen de prières secrètes, arrêter ou modifier l'action des lois du monde physique (vent, tempête, grêle ou pluie) (1).

Très souvent, on reconnaît aux prêtres catholiques (et aux moines) une puissance magique, naturellement bonne, même dans les pays protestants. (Les prêtres protestants sont censés avoir perdu cette puissance). Les Jésuites surtout ont cette réputation en pays protestant. Les Capucins l'ont en Suisse (2) ; en Flandre, ce sont surtout les Bénédictins, les Augustins, les Pères blancs, etc.

A Bruxelles, nous avons indiqué le rôle des Pères blancs et des Capucins pour les prières de guérison. Bon nombre de curés retraités ou en froid avec l'autorité ecclésiastique, ont, dans le Brabant, une réputation considérable comme guérisseurs, mais ils n'ont pas la puissance magique que possèdent certains moines. Ceux-ci, dans l'opinion populaire, conservent encore leur pouvoir quand ils sont défroqués. Près de Cortenberg, habitait il y a quelques années, un homme qui avait été novice dans un couvent et qui, disait-on, avait reçu de l'archevêque le pouvoir d'exorciser. Il appliquait ce pouvoir et, paraît-il, avec quelque succès. 11 le perdit en se mariant.

Notons à ce sujet que l'Eglise catholique a plus d'une fois condamné ces pratiques d'exorcismes. En ce qui concerne nos régions, nous rappellerons qu'en 1712 le vicaire du chapitre de Malines adressa un blâme sévère à ces exorcistes aux pratiques irrégulières, parce qu'ils contribuaient à développer la superstition (3).

Ce serait une erreur de croire que les guérisseurs, les médecins verts, comme ou les appelle, sont purement et simplement des charlatans, des exploiteurs de la crédulité publique. Eux, comme leurs congénères des races primitives, comme les prêtres des religions disparues, croient souvent à leur propre puissance bien que, évidemment, maints d'entre eux soient d'une mauvaise foi certaine. Mais chez beaucoup,

(1) J. LECOEUR. Esquisse du Bocage Normand II, p. 71 .CHAPISEAU . Le Folk-Lore de la Beauce, I, p. 216.

12) WUTTKE. Deutsche Aberglaube der Gegenwart § 20. O. STOLL. Zur Kentniss des Zauberglauben etc.. in den Schweisz. pp. 53 et 116.

(3) LAENEN. Heksenprocessen. Vie diocésaine 1913.


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la foi subsiste, rebelle à toute expérience concrète et cette foi s'oppose franchement à la science du praticien diplômé. Nous ne parlons pas ici évidemment des prêtres qui prient dans la sincérité de leur foi, mais des guérisseurs profanes dont nous avons étudié le mode d'action dans les pages qui précèdent.

La plupart des gens illettrés croient que les guérisseurs sont gens instruits, les sorciers apprennent leur art dans les mauvais livres, dit-on, ou, selon l'expression nivelloise « ils font dans les livres ».

Beaucoup d'entre eux sont très imbus de leur importance et souvent le prennent de très haut même avec leur clientèle riche.


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REMÈDES DIVERS.

Nous rencontrons dans le Brabant et particulièrement à Bruxelles, certains remèdes dont nous n'avons pas trouvé mention en d'autres régions et qui ne sont indiqués par aucun livre ancien, pour autant tout au moins que valent nos recherches. Ce paraissent être des remèdes inventés récemment par la pensée de quelques contemporains. Si quelques remèdes s'oublient avec le temps, d'autres naissent. En voici quelques uns dont certains sont purement locaux et de création récente :

Abcès : Emplâtre de feuilles de mauve (Neder-overHeembeek). Décoction d'orties (Jette-St-Pierre), emplâtre de poireaux ou de plantain (Londerzeel), une figue sèche (Bruxelles), grandes consoudes râpées (Herent) ; un emplâtre fait d'eau claire, de séneçon et de plantain sert à faire mûrir les abcès, et lorsque ceux-ci sont ouverts on y applique un emplâtre de pain cuit et en outre un bain de soleil (Linkebeek).

Aphonie : Mettre du genièvre et du sucre dans une assiette et faire brûler jusqu'à ce que la flamme ne soit plus bleue. Ajouter de la noix de muscade râpée et boire (Bruxelles).

Asthme : Décoction de feuilles de liseron cueillies en août (Neder-over-Heembeek).

Bronchite : On fait bouillir du thym sauvage et on y ajoute 0,250 Kg. de sucre candi dans un litre d'eau. (Vissenaeken).

Dans une vessie de porc, fraîche, mettre de la bière brune et du sucre candi. A prendre a jeun et le soir (Linden). Le jus de 4 citrons, mêlé a 1/2 K° de sucre candi, un jaune d'oeuf ; le tout bien bouilli ; en prendre 3 cuillerées par jour (Evergem). Thé de fleurs de bruyère (id.) ou de tusillage (Neder-over-Heembeek) (remède ancien) de fleurs de pâquerettes (idem).

Brûlures : par le lait : appliquer de la boue sur la plaie (Etterbeek), de l'eau de chaux mêlée à du saindoux (Diest). Tremper la partie brûlée dans de l'eau salée (Diest), dans du lait (Dion-le-Val), dans du brou de noix (Thollembeek).


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Saupoudrer la plaie, si la cloche est enlevée, avec de la farine ; le lendemain enduire la plaie d'huile d'olive (Waterloo). Approcher du feu la partie brûlée vieux remède français). Mettre du savon noir derrière les oreilles (Bruxelles) ou sur la partie atteinte (Bruxelles et environs), laver celle-ci au vinaigre tiède (Bruxelles) ; y mettre des racines de consoude râpées (Neder-over-Heembeek).

Prendre un peu d'huile fine et autant d'huile de colza mêlées à de la cire vierge; faire bouillir jusqu'à ce que la pâte ait la consistance du beurre, en mettre un peu sur de la toile, puis appliquer sur la plaie (Assche) ; de la pâte de feuilles de joubarbe (Tirlemont) ; du fiel de porc que l'on conserve à cette intention (Linden) ; du fiel de porc mêlé à du genièvre (Piétrebais) ; prendre une chandelle enveloppée d'un morceau de toile bleue et le tout enveloppé de papier de brasseur ; faire flamber ; recueillir la graisse qui en découle, dans une tasse de porcelaine et l'appliquer sur les plaies (Anderlecht). Imbiber un morceau de toile bleue d'huile et le brûler, recueillir les cendres et les appliquer sur la brûlure (Nivelles) ; plonger la partie brûlée dans du pétrole (idem). Onguent fait d'un jaune d'oeuf et de beurre non salé (Hauwaert). Onguent fait d'huile fine et d'encens et cuit dans un navet évidé (Stockel) ; application de confiture de groseille ou compresse de pétrole (Genappe) (1).

Cancer : Emplâtre de prèle des champs (Neder-overHeembeek).

Cauchemar : prendre de la graine de pivoines (Bruxelles).

Chute de cheveux : Enduire le cuir chevelu de pétrole (Bruxelles).

Convulsions : Mettre sur les poignets des tranches d'oignons (Bruxelles). Faire respirer un gros oignon coupé (Tirlemont).

Coliques : Pelures jaunes de noix, cassis ou absinthe, mis sur du vinaigre (Diest), (remède mentionné dans les Secrets d'Albert le Grand. Cologne 1703). Emplâtre de feuilles de mauve et de farine de lin (Londerzeel). Dans une tasse, mettre un morceau de sucre et du genièvre et faire flamber une minute; boire ce qui reste(Linkebeek). Décoction de mille-feuille (Neder-over-Heembeek).

(1) LAUDY. La Gazette, 20 Mars 28.


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Constipation : Levure de brasserie dans de l'eau tiède ou de la bière (Linden et Linkebeek). Se chatouiller l'anus avec une plume de pigeon (Bruxelles).

Contusions au front : Savon noir derrière les oreilles (Bruxelles) ; le même procédé est employé à Liège contre les yeux pochés.

Coqueluche : Se promener avec l'enfant dans le voisinage d'une usine à Gaz, les émanations sont souveraines (Etterbeek et Laeken) ; la même coutume existe chez les maures d'Algérie et au Canada. Prendre des sacs de la terre de ces usines et les mettre sous l'oreiller (Schaerbeek), prendre la vésicule biliaire d'un boeuf, remplie de bile, y laisser dissoudre du sucre candi et en administrer 3 cuillerées, matin et soir, à l'enfant (idem) ou du lait de jument (Linkebeek), décoction de thym (Neder-over-Heembeek)

Cors aux pieds : Le cors étant coupé, y mettre du sulfate de cuivre entre deux linges (Bruxelles), du jus de réglisse (Woluwe-St-Etienne et Linden), de la poix (Linden), y mettre des pelures de feuilles de joubarbe (Ternath) ou des feuilles de lierre trempées dans du vinaigre (Bruxelles), frotter avec du vinaigre « fêlé », c'est-à-dire bouilli dans une bouteille noire (Nivelles et Virginal), un emplâtre de cire avec laquelle les abeilles ferment les alvéoles (Diest). Un oignon de lys pelé (Dion-la-Val).

Coupures : Pour arrêter le sang, y mettre de la cassonade (Tubize),,feuilles de poireau ou graisse de mouton ou de porc (Everberg).

Crampes : Se mettre un morceau de liège dans les bas (Bruxelles). Courir tant que l'on peut (Linden).

Croup : Prendre un vomitif (Ohain). Respirer un oignon (Vilvorde). Oignons cuits dans la cendrée et mis dans un linge avec de l'ammoniaque (Bruxelles).

Dartres : Pommade faite de vieux beurre, mélangé de poix et y ajouter un jaune d'oeuf ; au tout ajouter de la cendre de cuir à semelles (Diest) ; des fleurs de tanaisie sur du genièvre (Neder-over-Heembeek).

Démorphinisation : Voici un remède qui fut appliqué dans des circonstances tout à fait spéciales qui méritent d'être rappelées, parce qu'elles semblent avoir toutes les garanties d'authenticité ; elles indiquent d'ailleurs un état d'esprit très répandu, surtout dans la partie wallonne de la province. Le docteur D... était malade dans un asile des


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environs de Bruxelles, où il suivait une cure de démorphinisation. Le frère de ce médecin assistait en étranger à une réunion de spirites de Waterloo. Le médium lui dit : « Je vois derrière vous quelqu'un qui vous ressemble beaucoup et qui paraît très malade, mais il peut se guérir en prenant du thé de thym (Serpyllum) ». On en apporta au malade et celui ci ressentit un soulagement immédiat et se guérit relativement. La famille attribue la guérison à l'usage du thym. A noter que cette plante n'est pas employée en médecine, sauf sous forme d'essence. Anciennement, le thym chassait les démons.

Dents : Mâcher des racines d'ansérine (Neder-overHeembeek).

Diabète : Manger des prunelles (Bruxelles). Diarrhée : Décoction de glands torréfiés (Neder-overHeembeek) ; prendre de la poudre de coquilles d'oeufs (Bruxelles).

. Dysenterie : Lait dans lequel on a fait bouillir des graines de plantain (Diest et Neder-over-Heembeek) ; en préservatif, mâcher un morceau d'angélique, ou en fumer la racine en guise de tabac (Diest) ; un peu d'amidon dans de l'eau froide (Linkebeek).

Erysipèle : Pour délimiter ( afteekenen ) la partie atteinte, c'est-à-dire pour arrêter l'expansion du mal, on passe sur les bords un morceau de savon de Marseille (Etterbeek).

Entorses : Bains de moutarde ou de saumure de lard ( Anderlecht). Enveloppement de tranches d'oignons (Bruxelles).

Empoisonnement par le plomb ou le mercure : Faire prendre du blanc d'oeuf battu en neige (Tirlemont).

Epylepsie : Fruits de l'aulne, cueillis en Octobre (Neder-over-Heembeek).

Estomac : Compresses au moyen de la partie épaisse du lait battu (Everberg), mûres ou des pelures intérieures des noix (jaunes) mises dans du vinaigre (Everberg) ou de l'alcool (Bruxelles). Tisane de serpolet (Crainhem). Cas grave : ne se nourrir que de lait battu ( Linden), genêts avec réglisse et sucre (Londerzeel), pulpe de pommes de terre crue (Capelle au Bois).

Excoriations au bas du dos. Gelée de pépins de coings (Bruxelles) ou mélanger cette gelée avec de l'huile fine ( Bruxelles et Hauwaert).


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Fièvres : Manger des oeufs cuits dans du charbon de bois (Linden).

Fièvres chez les enfants : des feuilles de chou-rouge appliquées sur le front avec du vinaigre (Nivelles et Virginal) (remède connu de Caton).

Foie (maladie du) : décoction d'avoine, en boire un litre par jour (Bruxelles et Linden).

Foudre : Quand un homme est frappé par la foudre, le mettre au lit et ne lui donner durant trois jours que du jus d'orange (Neder-over-Heembeek).

Furoncles : Appliquer une feuille de tabac à chiquer sur le furoncle, de préférence une feuille qui a été tenue en bouche sans que celle-ci ait été mâchée (Bruxelles). Mettre du camphre dans la nourriture (Everghem). Compresses de pas d'âne ou tussilage (Ternath et Bruxelles) (2), cité par Dioscoride — compresses de graines de fenugrec (Louvain), de pain blanc mêlé à du mourron haché (Linden), des bains d'arroche — malem (Linden), de l'eau tqui a servi a bouillir de la triperie (Louvain), une noix de muscade au fond de la bouche (Genappe) (3). Boire de la boue de l'auge des remouleurs (Bruxelles).

Gale : Poussière d'ardoises bleues (Everberg). A Rome on employait une pâte ou intervenait le gypse broyé(4). Thé de racine d'oseille sauvage (Genappe).

Gerçures : Laisser couler dans les crevasses de l'acide sulfurique dilué (Bruxelles). Gerçures du sein : se faire tetter par un petit chien (limites du Hainaut).

Gorge (maux de) : Emplâtre d'argile et de vinaigre (Auderghem). En Egypte ancienne, on se servait d'emplâtres d'argile pour guérir la goutte — Se gargariser avec une décoction de jeunes feuilles de mûrier mêlée ou non à du miel (Lennick, Hal, Nivelles) ou une décoction de feuilles de fraisier (Neder-over-Heembeek). Compresse de savon

(1) Folklore Brabançon, n° 39, p. 198.

(2) Le tussilage est une ancienne plante médicinale, célèbre chez les Romains et les Grecs ; d'après Dioscoride elle guérit toutes sortes d'inflammations et particulièrement celles des bronches (d'où son nom de tussis, toux).

(3) LAUDY. Remèdes campagnards, Journal « La Gazette » 20 mars 28.

(4) COLUMELLE. De re rustica VII, 13.


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noir mêlé à un jaune d'oeuf (Everberg et Linden). Savon noir et poivre (limites du Hainaut). Thé de cresson de rivière, cueilli le matin (Genappe).

Goutte : Feuilles de plantain majeur écrasées, appliquées sur l'endroit douloureux (Neder-over-Heembeek).

Gravelle : Thé de racines de sceau de Salomon (Neder-over-Heembeek).

Hémorroïdes : Brûler des écailles d'huîtres ou de moules, mélanger la poussière à du saindoux fondu ou de l'huile et en enduire la partie malade (Bruxelles). Ce remède figure dans les Secrets d'Albert le Grand (1703). A Assche, on prend des écailles de moules et on en mélange les cendres à de l'huile. Au XVIIe siècle, en France, on mangeait des écailles d'huîtres brûlées, pour guérir la rage. Actuellement à Paris, on fait un onguent avec les écailles d'huitres et du saindoux, pour guérir les engelures. En Wallonie, contre les hémorroïdes, on met du goudron dans une assiette sous le lit du malade. A Londerzeel et à Capelle-au-Bois, on s'enfonce une chandelle dans l'anus. A Stockel, on applique des poiraux cuits dans du beurre non salé, ou de la bourse à pasteur marinée dans de l'huile fine ; à Zellick, de la graisse de boyaux de porc. A Neder-over-Heembeek, on boit du thé d'achillée mille-feuille (herbe antidémoniaque). A Hérinnes, on fait un onguent au moyen de persil haché mélangé à du beurre.

Hémorragie nasale : Un morceau de papier buvard sous la langue (Bruxelles). Priser de la poussière de bourse à pasteur (Neder-over-Heembeek) ; c'est un remède ancien. A la suite d'une coupure : appliquer sur la plaie la membrane (chorion) d'un oeuf (Oisquercq).

Hernie : Compresses de lait chaud (Neder-overHeembeek) ; demi-pomme de terre serrée sur la hernie (Herent) ; une ficelle nouée autour de la ceinture (Bruxelles). Incontinence d'urine : Tremper un fer rouge dans les boissons (Diest). Boire du lait de mouton ou de chèvre (Diest). Mettre des briques sous les pieds du lit (Woluwe St-Pierre).

Inflammations : Jus de groseilles (Bruxelles). Emplâtre de pain mâché (Bruxelles). Miel d'abeilles (Linden).

Inflammation de l'anus : (froyon). Mettre du sel dans un sachet et le conserver en poche ! Assche, Bruxelles et


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environs, Oisquercq), ou simplement un grain de sel (Tubize) (1).

Inflammation des yeux : La moitié d'une pomme pourrie appliquée sur le mal pendant une nuit (Linden).

Jaunisse : Tisane d'orties (Assche) ou de bugle rampante (Neder-over-Heembeek), tisane de racines de houx (Stockel, Herent et Linden), tisane de fleurs de ronces (Everberg). Crottin d'étalon encore vierge mis sur du genièvre (Opwyck). Crème de tartre délayé dans de l'eau comme boisson ; tranche de pain (Basel, Flandre).

Maux de dents : Faire le voeu de ne plus manger de viande aux quatre grandes fêtes religieuses de l'année (Nivelles, Virginal ; également à Liège). Se laver les dents avec de la joubarbe écrasée dans du vinaigre (Hauwaert). Mettre du savon noir sur l'épaule du côté où l'on souffre (Braine-l'Alleud) ; une gousse d'ail sur le poignet (limites du Hainaut).

Maux d'oreilles : Une gousse d'ail ou de petits morceaux de lard dans l'oreille (Bruxelles). En Espagne, l'ail protège contre les sorcières.

Pertes blanches: Décoction d'orties blanches (Linden). Panaris : Mettre dans un pot de terre neuf, deux cuillerées de farine de froment, deux cuillerées d'huile fine, deux jaunes d'oeufs et un verre de bière ; mélanger et en

(1) A Tirlemont, on se sert du sel, mis en poche, comme préservatif contre les hémorroïdes. Le sel est contraire aux venins, protège contre les sorts et chasse les esprits démoniaques et les sorcières. En Souabe, les nouveaux mariés mettent du sel dans leurs souliers (BIRLINOER, AUS Schwaben, I, 415). En France, ils le mettent en poche (TUCHMANN, Melusine VII, 234). En Italie et en Grèce, les enfants le portent en amulette. Des coutumes semblables existent dans le Palatinat, aux Indes, en Ecosse, à Java, en Malaisie, en Chine, au Japon, etc.. toujours dans l'intention d'éloigner les mauvais esprits. A Assche (Brabant), comme en Norvège, les paysans mettent un peu de sel dans le lait battu pour empêcher l'action des sorcières. Cette idée de la vertu du sel remonte d'ailleurs aux débuts du Christianisme, et même à l'Egypte ancienne ; dans la liturgie actuelle on met du sel dans l'eau bénite, ce qui s'appelle faire l'exorcisme du sel ; dans le baptême, le sel symbolise la protection contre la pourriture du péché. En Allemagne et au Danemark, on protège les habitations contre les sorts par un peu de sel. Bodin disait que les diables ont le sel en horreur, comme symbole d'éternité. Les Ecossais mettent de l'eau salée sur la poitrine des morts afin de chasser les esprits infernaux (COLLIN DE PLANCY, dict. infern. art. sel).


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faire un emplâtre (Assche) ; mettre sur le doigt une feuille de papier enduite de sucre (Bruxelles) ; une figue sèche trempée dans du lait tiède (Dion-le-Val) ; un emplâtre fait d'un jaune d'oeuf, de beurre et de pain (Londerzeel).

Plaies : feuilles de géranium ou de pas d'âne, pilées (Bruxelles) ; une glande prise sur le foie d'un cochon mâle (Nivelles, Virginal); plaies superficielles ou brûlures : du pétrole en compresses (Bruxelles).

Oreillons : Mastic de minium (Bruxelles) ; l'emplâtre de mastic est un ancien remède français, très répandu ; Montaigne en parle. Il s'agit ici de la plante ou de sa gomme ; peut-être y a-t-il eu confusion par similitude des mots.

Reins : Tisane de houx et de reine des prés (Bornival).

Frictionner les reins avec de l'eau salée, puis avec un mélange

de térébenthine, d'ammoniaque et d'huile d'olive (Bornival).

Rétention d'urine : Tisane de feuilles de pêcher

sêchées (Assche).

Rhumatismes : Boire beaucoup pour beaucoup uriner et évacuer le mal (.Etterbeek) ; avoir en sa chambre une plante de citronelle (Bruxelles). Thé de feuilles de charme (Nivelles et Virginal) ; frotter la partie malade avec de la bile de porc (Everberg) ; emplâtre de feuilles de choux-rouges (Diest) ; céleris bouillis très longtemps et bus très chauds (Lebbeke). Application, sur la partie douloureuse, de laine de mouton fraîchement tondue (avec le suint) (Tirlemont) ; se frotter avec de la saumure de jambon (Braine-l'Alleud) ; de la graisse de chien ou de la moelle d'os de jambon (limites du Hainaut), fleur de soufre dans de l'eau tiède (Capelleau-Bois) ; cataplasme de poussière recueillie, au fond des crèches des étables et des écuries (Grimberghen) ; manger des tartines avec des poireaux crus (Londerzeel).

Appliquer sur la partie douloureuse une pâte faite de vers de terre qu'on a fait périr dans du fumier de cheval (Neder-over-Heembeek) ou bien frotter la partie malade avec un peu d'esprit de sel (idem) ; prendre une bouteille d'un litre, la remplir de pierres, puis d'alcool et appliquer ce remède sur la partie douloureuse (Notre-Dame-au-Bois) (1). Rhume : 1/4 litre vinaigre de vin, 1/4 k° de sucre candi et un oeuf entier ; on fait macérer le tout dans un pot

(1) CRIÇK. Bull, de la Soc. d'Anthropologie de Bruxelles, 1926, p. 104.


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bien fermé jusqu'à ce que l'oeuf soit dissous ; on mélange bien le tout et on en prend une ou deux cuillerées, matin et soir (Vissenaeken). Tiges de poireaux bouillis avec du sucre candi, pris en nourriture (Assche) ; avec du sirop, du miel et un peu d'huile d'olive (Linden) ; semences de roses sauvages sur du genièvre (Haeren) ; eau de son bouillie avec du sucre candi (Grimberghen) ; thé de fleurs de sureau et de bois de réglisse (Londerzeel) ; jaune d'oeuf mêlé à de l'huile d'olive et du rhum (Neder-over-Heembeek).

Scrofule : fleurs et jeunes pousses de genêt en emplâtre (Linden).

Teigne : Mettre du goudron végétal sur la tête (Bruxelles).

Maux de tête : Se lier une feuille de chou rouge sur le front (Linkebeek) ; de la farine de moutarde dans l'oreille (Neder-over-Heembeek) ; aspirer de la poudre de marrons d'Inde (idem) ou de fleur de muguet (idem).

Toux opiniâtre : La gomme des cerisiers dissoute dans du vin et bue ainsi (Assche). Tisane de feuilles de ronces (Vilvorde). Mélange d'huile d'olive et de jaunes d'ceufs (Braine-l'Alleud).

Transpiration des pieds : Y mettre de la toile bleue (Linden).

Ulcères : Emplâtre de séneçon (Anderlecht). Vers des enfants : Tisane de tanaisie (Crainhem et Neder-over-Heembeek). Décoction de racines de primevères (N.-O.-Heembeek),

Tuberculose : Bouillir des navets non épluchés et les presser ensuite pour en extraire le jus ; y faire dissoudre à chaud du sucre candi (Diest) ; manger des fraises en quantité (N.-O.-Heembeek) ; décoction de renouée des oiseaux (idem) ; pruneaux cuits avec du sucre et des branches de pervenche, le tout en marmelade (Opwijck).

Verrues : Y mettre de la sève de chicorée sauvage (plante anti-démoniaque) (Stockel) ; des feuilles de fèves (Vissenaeken). On croit que la verrue est une plante ; on la saisit tous les matins et on la tire dans tous les sens sans la faire saigner ; on dit qu'on sèche la racine (Hauwaert). Mettre du sel sur les limaces et frotter la sérosité sur les verrues (Diest). Ce remède est ancien.

Vessie (froid sur la) : respirer la fumée du phosphore (Linden).


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Yeux (maux d') : Compresses de fromage blanc (Bruxelles et Tubize, usité également à Liège) ; décoction de feuilles de lierre (Etterbeek et Everberg) ; de feuilles de nénuphar (Diest) ; de cerfeuil (Linden) ; de pétales de roses (Nivelles) ; de feuilles d'ansérine (Neder-over-Heembeek) ; de myosotis (idem).


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TALISMANS CONTRE LES MALADIES EN GÉNÉRAL.

Porter au cou, dans un sachet, un morceau de cordon ombilical ou la coiffe d'un nouveau-né (Nivelles, Virginal). L'idée de la coiffe porte-bonheur est très ancienne puisque Saint-Jean Chrysostome déjà prêchait contre cette superstition et que Lampride raconte qu'à Rome les avocats croyaient par cette aide accroître leur éloquence (1).

Les enfants nés-coiffés doivent surtout porter la coiffe sur eux (2).

Un sachet de terre d'Hackendover protège contre tous les maux (Brabant flamand surtout). De même, la terre de saint Véron à Lembecq-lez-Hal (celle-ci se met sous l'oreiller).

Mettre devant la porte d'entrée par terre, à l'intérieur de la maison, une rangée de bougies allumées. Cela éloigne les esprits malfaisants (Strijthem et divers endroits de la Belgique flamande). A Anvers, on place de petites croix ou du buis devant la porte (HAROU. Rev. desTrad. pop. 3e année, p. 176).

Un morceau de camphre sur la partie malade (Linden).

Avoir chez soi une tortue qui, dans le Brabant comme en Suisse, est censée attirer à elle le venin et toutes les causes de maladies.

Nous n'avons pas cité ces remèdes universellement connus, qui se pratiquent également en Brabant, tels que :

Placer une clef sur la nuque pour arrêter les hémorragies nasales.

Mettre une toile d'araignée sur les coupures. Ceci étaitfen usage dans l'ancienne Germanie. Les Elfes recousent la blessure avec les fils. Le procédé était utilisé au Moyen-Age ; appliqué dans le Mexique ancien et par certains Peaux-Rouges (3).

(1) Histoire Auguste. Vie de Diodumène.

(2) V. Folklore Brabançon, t. II, p. 120. Dr POODT : Né coiffé.

(3) HRDLICHA. Physiological and médical observations p. 237.


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Des fleurs de lys macérées dans l'huile ou dans l'eau de vie, pour les blessures. Remarquons que Dodoens au XVIe siècle ignorait l'usage des pétales de lys, bien qu'il fît grand usage des racines et des feuilles de cette plante. Cette coutume provient de l'école de Salerne.

De la poussière de farine prise au moulin, pour guérir l'érysipèle et l'urticaire. (Piemontois, au XVIe siècle recommandait la folle farine contre la pleurésie).

Des peaux de chats contre les rhumatismes.

Mettre des feuilles de plantain sur les plaies et les ulcères (déjà connu de Paracelse). Le plantain était déjà anciennement efficace contre tous les venins.

Sève d'euphorbe (herbe aux verrues, lait du diable) à appliquer sur les verrues. Dodoens la conseillait contre les morsures de serpents (1).

Infusion de fleurs de bleuet ou du suc de la vigne (larmes de la vigne) sur les yeux malades.

Chandelle étendue sur du papier brouillard et appliquée sur la poitrine, contre les rhumes.

La salive sur les boutons de fièvre.

L'ail sur les cors aux pieds (remède ancien) (2)

Les feuilles de géranium sur les coupures.

(1) Cruydt-Boeck 616.

(2) Battem Secréet Boeck 1661, p. 39.

Dessin de CH. MICHEL


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CONCLUSIONS.

de cette médecine répond à des conceptions qui ont leur logique, logique qui diffère peut-être dans une certaine mesure de la logique scientifique, mais qui, néanmoins, a, comme elle, ses procédés habituels, ses transpositions et sa critique.

Nous pouvons même dire que dans les nombreux exemples que nous avons cités diverses logiques se révèlent : logique de l'analogie, logique des causes animées ou vivantes, logique de l'expérience et de l'analogie rigoureuse. La médecine populaire est comme le résidu des manières de penser anciennes, elle a gardé les empreintes des grandes modalités de la vie mentale humaine.

Nous avons vu ces remèdes se transmettre quelquefois invariables à un nombre étonnant de générations ; des empires et des religions ont disparu et l'humble idée d'un guérisseur préhistorique peut-être reste vivante parmi nous au XXe siècle, et non seulement en un endroit isolé mais en des régions les plus éloignées les unes des autres, ce qui précisément est un signe de sa très grande ancienneté.

Le phénomène de transmission pour ce dernier cas a certes joué un grand rôle, mais souvent aussi ce furent des applications d'une même conception générale des choses de la vie, ce qui explique à, la fois la similitude si extraordinaire du procédé et les divergences nombreuses dans les moyens de l'appliquer.

Cependant si des remèdes ont traversé toute la vie de l'humanité, beaucoup ont disparu et d'autres sont nés. Combien sont nombreux les remèdes populaires, cités par les encyclopédistes Grecs dont nous ne trouvons plus trace aujourd'hui ; combien, d'autre part, ne voyons-nous pas de remèdes qui ne se pratiquent qu'en des endroits isolés, qui


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semblent être récents, et qui sont comme des expériences nouvelles faites par un inventeur.

C'est qu'en ce domaine aussi l'expérience agit, c'est en vertu d'elle que les remèdes survivent ou disparaissent. Actuellement, dans les campagnes ou dans les couches crédules des villes, on cite des cas de guérison à l'appui de la valeur des remèdes, de même que le faisaient les Egyptiens (1). Le Talmud connaissait deux sortes d'amulettes : celles qui étaient approuvées et celles qui étaient désapprouvées. Les premières étaient celles qui avaient guéri trois personnes ou qui avaient été faites par quelqu'un qui avait guéri trois personnes au moyen d'autres amulettes (2).

Il est à noter que les cas favorables retiennent plus l'attention que les échecs, et l'individu qui a souffert d'un remède dangereux ou qui n'a pas été guéri par un remède inefficace se charge quelquefois de détruire la réputation d'un procédé, mais lorsque celui-ci s'est universalisé, il se relève aisément de l'échec, qui s'oublie (3).

Cette matière de la médecine populaire, bien qu'étant assez inerte dans son ensemble, subit une certaine influence des théories prédominantes. La magie primitive a laissé des traces nombreuses, la magie noire du moyen-âge se retrouve en maintes pratiques médicales. La théorie pythagoricienne des nombres a été cause de maintes superstitions, notamment en ce qui concerne les fièvres. La religion influe surtout sur les conceptions animistes et c'est en elles que subsistent, plus|ou moins adaptés au milieu, les rites qui étaient en usage dans les religions disparues depuis des siècles. Ces influences sont nombreuses et forment surtout des superstructures explicatives variables, à l'usage qui persiste. Nous avons vu l'ancienneté de l'idée que les maladies étaient dues à des vers, nous avons vu qu'au Moyen-Age cette idée prit une forme démonologique : ces vers étaient des elfes, c'est-à-dire des enfants du démon et des sorcières. La théorie démoniaque disparut, mais l'idée du ver subsiste encore. En

(1) Ebers. Papyrus LXIVI.4 et LXVI.15. — GRIFFITH. Magical papyrus p. 195.

(2) Jos. BARCHAY. The Talmud, cité par R. M. LAWRENCE. Primitive psycho-therapy, p. 17.

(3) Cette persistance malgré les échecs se rencontre fréquemment chez tous les primitifs où les déclarations des augures ou les consultations des présages sont constamment démenties par les faits (N. D. L. R.)


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Chine, les maladies sont même en rapport avec le Yin et le Yang, les deux grands principes de tout, le Yin en se retirant produisant les catarrhes, le Yang en se retirant produisant la fièvre.

Nous avons vu sur les analogies primitives se développer la théorie des signatures et subsister lorsque celle-ci eut disparu et revivre aujourd'hui dans l'opothérapie.

L'emploi de souris ou de rats pour guérir les incontinences d'urine qui nous a semblé purement analogique est expliqué par Nicolas Lemery, dans son dictionnaire des drogues simples, par ce fait que le rat contient beaucoup de sel volatil, de phlegme et d'huile.

Les remèdes stercoraires, si anciens, furent expliqués par la théorie des humeurs et aussi par la théorie démoniaque.

Le noeud qui n'était qu'une expression symbolique de l'action de lier, d'arrêter, prit dans la théorie démoniaque le sens de nouer un pacte avec le démon, pacte qui était rompu lorsqu'on défaisait le noeud.

La transposition par contact d'une maladie à un animal, devint au XVIIIe siècle, un secret magnétique (1).

Et il en fut de même de presque tous les procédés qui, provenant des religions anciennes, se sont adaptés à la religion de l'époque ou du pays.

La théorie des humeurs a laissé de nombreuses traces ; on dit que le sang est échappé, qu'il doit être purifié, qu'on souffre de la bile noire, qu'on est trop lymphatique etc. Certains guérisseurs de campagnes parlent actuellement de microbes et des moyens de s'en préserver.

ladie est la maladie et presque toutes se ressemblent. A

(1) CARPZOV. Mali. mal. Pars I. qu. XLIX, 89.


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peine quelques considérations extérieures établissent-elles une différence. C'est ce qui fait qu'un même remède sert à la guérison de maladies si différentes pour nous. On ne recherche pas l'organe malade ; on juge d'après les manifestations ; c'est pourquoi on agit sur des parties du corps qui pour nous n'ont aucun rapport avec le siège du mal, et, en ce domaine, la fantaisie populaire se donne libre cours ; on applique le même remède, pour les mêmes maladies, aux endroits les plus différents ; ce qui importe, c'est de déplacer ou mieux encore d'extraire le mal.

Le remède lui-même est très variable en sa nature et en sa composition : pour le même mal, le genre de feuilles, de fleurs ou d'animaux qu'on emploie varie de l'un à l'autre village. Mais beaucoup de ces remèdes actuels ne sont que des débris des remèdes anciens, dont la plupart des éléments ont disparu, formule magique, prière, geste ou prescription quelconque, ou auxquels se sont agglomérés des fragments d'un autre remède ancien. Il se produit un mélange constant dont il est impossible évidemment de suivre l'histoire, sauf en quelques cas bien typiques. Mais quelque chose reste stable à la base de ces modifications ; c'est le geste de l'homme, qui met un emplâtre ou qui applique un animal mort ou vivant, qui lave ou qui souffle, qui prie ou qui menace. Pourvu que ces actions puissent se faire, la coutume est observée, et l'esprit est satisfait ; le moyen, et surtout le détail d'exécution, varient aisément.

Il y aurait peut-être à rechercher ce que notre médecine scientifique doit à la médecine populaire, Nous nous bornerons à ces quelques notes rapides : la quinine était un remède populaire du Pérou avant d'avoir pris son rôle dans notre médecine en 1638 ; les guérisseurs mexicains connaissaient l'usage du jalap ; l'opium, d'où dérive la morphine était un remède populaire en Orient ; le coca était un remède populaire de Bolivie. Le ficus doliaria et l'agave étaient utilisés par les Indiens avant de passer dans la pharmacopée; les Chinois utilisaient rhubarbe, fer, arsenic et mercure. Les propriétés anticatarrhales du goudron sont connues des marins depuis un temps immémorial. Ils mâchent, lorsqu'ils sont enrhumés, un morceau de corde goudronnée en guise de chique de tabac. C'est ce qui attira l'attention du Dr Andersen de la marine suédoise ; d'ailleurs, presque toute la médecine végétale dérive de l'ancienne expérience


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populaire, et, comme nous l'avons montré, des remèdes efficaces ont leur source dans un ancien symbolisme religieux. L'esprit marche à tâtons et l'expérience décide de la survivance de l'essai.

Quoiqu'il en soit, certains médecins et il en est même qui sont des praticiens de haute science, ne dédaignent pas tel ou tel remède populaire. On nous a cité le cas d'un médecin bruxellois, de grand renom qui, il n'y a pas longtemps, recommandait le procédé de l'oeuf contre le panaris. Seulement, ceci est en dehors de notre programme.

Dessin de W. JELLEY



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Dessin de NARCISSE


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APPENDICE. Textes flamands des prières.

Pour les contusions ou blessures :

t Sut la partie malade et dire : In den naam des Vaders enz... Ik zegen het zoo waarachtîg als dat Christus voor ons gestorven is ; f onze Vader, enz... Ik zegen het zoo waarachtig dat Christus van het kruis

gedaan is, -j- onze Vader, enz... Ik zegen hel zoo waarachtig als dat

Christus verrezen is. (Niel s/ Rupel) voir p. 160).

Contre les foulures :

Ik zegen dezen voet in de naam des Vaders en des Heiligen Geest. Ik zegen dezen voet zoo waarachtig als Qod den Zoon voor ons is mensch geworden, in naam des Vaders. Ik zegen dezen voet zoo waarachtig als Christus voor ons is gestorven, in den naam des Vaders. Ik zegen dezen voet zoo waarachtig als Nicodemus Christus van het kruis heeft gedaan en in een steenen graf gelegd heeft in den naam des Vaders (Opwyck, voir p. 160).

Contre les hémorragies :

In den naam des Vaders, des Zoonsenz... Daar kwamen drij maren uit Cana in Qallilea. De eerste zei : het is gedaan ; de tweede zei het zal wel gaan ; de derde zei : het zal wel helpen, belieft het God en Maria, het zal wel helpen.

Zegt dit gebed drij maal achtereen en dan zult gi] negen Vader onzen en negen Weest gegroeten opzeggen. (Voir p. 155).

Pour obliger un Père Blanc à guérir un enfant.

Mag men wel bij tooveraars en waarzegsters te raden gaan ?

Oeenzins, want het is God afgaan

En den duivel aanhangen

't geen zij weten en zij u zeggen.

Contre les inflammations.

Vuur door God geschapen, ik beveel en + gebied U in zijnen naam uwe warmte f te verliezen, uw smartenden brand + te bedaren. Staakt uwe verwoesting en vorm geene wonde op dit lichaam. Groote heilige Laurentius, gi] die u op den gloeienden gloed bevond zonder smart te gevoelen door de goddelijke genade die in u was, vraag aan God dat Hij ons gebed verhoore, dat Hij ons geloof beloone met zijnen dienaar N... te genezen. Dat God U t geneze door zijne macht t Amen.


— 227 — Contre le cancer.

In den naam van onzen Heer Jésus Christus, ik beveel U, witte Itanker, roode kanker, aile anderc kankers, van dit schepsel N... te verdwijnen.

Door de voorspraak van den H. Blasius, martelaar, dat God t u verlosse -j- geneze van keelziekten en van aile andere ziekten -j-. Amen.

Door de verdiensten van heilige Liborius, bisschop, dat God u t behoede en + geneze van het graveel f van lever- en blaasziekte, alsook van waterzucht. Amen.

Door de verdiensten van heilige Agatha, niaagd en martelares, dat God u t behoede en verlosse + van borstziekte en van aile ontstekingen. Amen.

Door de verdiensten van heilige Lucia en heilige Odila, dat God uwe oogen beware t en ze u wedergeve t indien gij ze verloren hebt ~'f. Amen.

Heer Jésus, pasop de de wereld gekomen, hebt gij uw bloed in de besnijdenis voor de verlossing der menschen gegeven -, in den olijftuin hebt gij bloed en water gezweet, in de zaal der rechtbank hebben beulen met hunne roeden uw bloed doen storten ; de doornkroon heeft uw hoofd bebloed, op het kruis hebt gij uw aders uitgeput en voor onze verlossing tôt den laatsten drup van uw bloed gegeven ; in den naam vati de uit storting dezes kostbaar bloeds dat gij voor onze zaligmaking gestort hebt, beveel dat het bloed der aders van uw dienaar N... ophoude en stake te vloeien ; dat de wonden toegaan en toegroeicn in uwen naam, en dat de gezondheid hem wederkome, in den naam des t Vaders, des t Zoons en des heiligen t Geestes. Amen.

Kwam over weiden en steden drij maagden : De witte is gebenedijd De blauwe is gebenedijd

. mij i De derde zal i ons J helpen

(voir page 161)



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TABLES DES MATIÈRES



Table des Illustrations

A. DESSINS ORIGINAUX

I. TABLE DES BANDEAUX

CHARLES COUNHAYE : Sorcière, semeuse de vermine V-123

PH. COCKX : Chapelle 6

A. OLEFFE : Les noeuds aux arbres .... 41

J. BRUSSELMANS : Elfe envoyant ses flèches . 44

FERN. WÉRY : La fontaine aux loques . . 59

CHARLES MICHEL : Transmission du mal aux morts . 82

M. FLAMENT : Le pigeon coupé en deux . . 86

FRANÇOIS SMITS : Le pèlerin 144

M. VERBURGH : Le marchand de remèdes 203

II. TABLE DES CULS DE LAMPE.

VERBURGH. Masque 5

» Les simples 40

E. NARCISSE. Stylisation de plantes médicinales :

Achillée millefeuille. ... 43

» Jacinthe des bois .... 57

» Ortie blanche . . . . . 81

» Millepertius perforé . . . . 122

» Petite centaurée . . 143

FR. SMITS : Les cloches 176

MAURICE FLAMENT : Le guérisseur .... 206

E. NARCISSE : Vipéride commune .... 216

CHARLES MICHEL : L'araignée .... 218 WILLIAM JELLEY : Le diable écrasant des simples dans

un mortier 223


— 234 —

III. ORIGINAUX DANS LE TEXTE.

E. NARCISSE : La charlatan 1

R. VAN DE SANDE ; Sainte Catherine d'Humelghem 20

P. COLLET : Colonne de Sainte Gertrude à Nivelles 72

» Maison protégée contre les sorcières 173

NARCISSE : Le charlatan .... 225-229

iv. LETTRINES. Lettrines de R. VAN DER SANDE ... 219 et 221


— 235 —

B. — REPRODUCTION DE GRAVURES

Image de Neerlinter avec saint Phollien ... 19

» de N. D. de Miséricorde à Chastre 21

» de sainte Renelde à Saintes .... 65

» de sainte Adèle à Orp-le-Grand ... 66

» de sainte Alêne à Dilbeek .... 80

Scène de magie noire d'après un dessin d'Aug. Donnay 94

Talisman employé par les juifs de Bruxelles 163

Clous pascaux. Eglise des Minimes à Bruxelles 171

» Eglise de Léau 172

» Eglise de Saint Augustin à Forest . 172

Image de sainte Wivine à Grand Bigard 174


TABLE

DES COMMUNES, HAMEAUX ET RÉGIONS DU BRABANT CITÉES

AVIS. — Nous tenons à donner ici une table spéciale des localités brabançonnes citées, non seulement en raison du caractère brabançon de notre publication qui apparaît mieux à la lecture de cette table, et parce que c'est le Brabant qui a servi de champ aux observations directes, mais encore parce que ce volume étant appelé à se répandre en dehors du Brabant, les lecteurs auxquels cette région n'e.st pas familière, auront le désir souvent de situer les localités citées. C'est afin de leur faciliter ce travail et aussi afin d'éviter constamment dans le texte même la répétition, entre parenthèses, du mot Brabant, que nous avons cru utile de dresser cette table.

Aer-Bchot, 108.

Affligera, 19-00-92-160-189.

Alsemberg-, 40-170.

Anderlecht, 20-67-71 80-91-] 06109-114-175-189-19y-208-210- 216.

A s s cbe, 10- 30-56-91 -180-138-169171-178-201-208-212-218-214- 215.

Auderghew, 16-86-109-211.

Basse-Wavre, 73.

Berchem-Sainte-Agatlie; 77-12(1

Becquevoort, 10.

Boitsfort, 39-173.

Boortmeerbeek, 107.

Bornival, 166 157-171-214.

Brabant, 10-13-22-25-38-41-48-45 47-48-54-55-56 62-68-67-68-7577-91-106-110-118-114-118-119 121-126-135-138-150-169-170171-174-178-181-194-199-201- 205-207-217.

Braine-l'Alleud, 17-23-29-71-9295-121-156-157-169-170-171-187 213-214-215.

Bruxelles, 6-7-10-12-18-16-17-1819-22-28-25-29-30-86-87-89-41- 44-48-49-50-51-56-60-62-68-6571-81-82-84-86-88-91-03-95-96- 97-98-101-104-106-112 113-114119-120-126-129-135-186-187- 138-139-141 -149-151-154-162169-170-178-174-175-178-170- 186-187-189-195-205-207-208209-210-211-212-213-214-215-216. Buggenliotit, 136-170. Campenhout, 23-75-78-84-96-157. Capelle-an-Bois, 210-212-214. Chastre, 21. Cortenberg, 205. Cortryck-Dutzel, 189. Couture-St-Germain, 22-67-77126.

22-67-77126. 15-67-68-84-91-92-95106-109-126-138-186-187-102- 210-215. Dieghem, 196.

Diest, 10-42-67-78- 32-83-84-10 !- 106-136-154-160-172-183-207208-209-210-212-214-215-216.


— 237 —

Dilbeek, 61-81-193. Dion-le-Val, 207, 209, 214. Droeshout, 171. Duisburg v. Opwyck, 20. Eppeghem, 22-98. Etterbeek, 15-28-39-58-67-86-91109-186-170-179-189-199-207- 209-210-214-216. Everberg, 54-79-97-119-149-169175-209-210-211-212-213-214- 216. Florival, 88. Forest 172.

Genappe, 173-208-211-212. Glabais, 38.

Grand Bigard, 96-174-175. Grez Doiceau, 21-174. Grirabergen, 91-95-214-215. Grirode v. Tirlemont, 28-198. Haekendover, 40-67-81-193. Hal, 80-186-195-211. Haien, 18-22-78-215. Haut-Ittre, 171. Il auwaert, 15-42- 54-95 -97-185136-137-148-152-171-196-210- 213-215. lièrent, 207-212-213. Hérinnes, 212. Hcverlé, 192. Hoeylaert. 170. Holsbeek, 135. Huinelghem, 20. Huyssinghen, 28-178. Ixelles, 61. Jette-St-Picrre, 48-84-174-195207.

48-84-174-195207. 171. Kessel-Loo, 186-149. Laeken, 30-40-67-78-79-209. Léau, 80-142-172-178. Lembecq-lez-Hal, 193-217. Lennick-St-Quentin, 43-106-135149-211.

43-106-135149-211. 15-25-67-76-78-84-88-99118-120-185-136-188-142-149- 173-186-196-207-208-209-210211-212-213-215-216-217. Linkebeek, 98-185-207-208-209210-211-215.

98-185-207-208-209210-211-215. 20.

Londerzeei, 110-195-207-208-210212-214-215.

110-195-207-208-210212-214-215. 10-16-89-42-48-56-6163-79-88-90-91-93-106-119-120- 135-136-139-152-169-170-171196-211. Machclen, 136. Meerbeek, 30-89-91-95-96-104106-114.

30-89-91-95-96-104106-114. 67. Molenbeek-St-Jean, 39-137-151169-198.

39-137-151169-198. 154-155. Monstreux, 22. Montaigu. 172,197. Nedcr-over-Hcembcek, 10-91135-136-189-201-207-208-209- 210-211-212-213-214-215-216. Neerheylisseni, 174. jNeerlinter, 20. Nieuwenrode. 110. Jy ivelles, 17-72-88-91-96-135-188158-169-208-209-211-213-214- 216-217. Nosseghem, 95. Notre-Pame-au-Bois, 214. Ohain, 7-209. Oisquerq, 17-29-61-138-181-1S8186-199-212-218.

17-29-61-138-181-1S8186-199-212-218. 136-186-152-156-171213-215-227.

136-186-152-156-171213-215-227. 61-66-67. Overysscbe 109. Pepinghen, 7-121-189. Peutby, 22. Pietrebais, 121-135-136-137-138181-208.

121-135-136-137-138181-208. 92. Quenast, 77. Rixensart, 72. Saintes. 65-67-78-197. Saventhem, 77. Schaerbeek, 67-150-158-169-179209.

67-150-158-169-179209. 109. Stockel,89-43-84-95-126-136-137189-208-212-213-215.

Stockel,89-43-84-95-126-136-137189-208-212-213-215. 217. Stronibeek, 22-30-77-126-197. Ternath, 209-211.


— 538 —

îhollembeek, 61-91,99-209.

Tirlemont, 10-18-16-25-86-88.5867-79-84-88-91-97-106-135-186- 149-188-195-208-210-213-214.

Tubize, 142-209-218-216.

Vertryck, 20.

Vilvorde, 185-196-209-215.

Virginal, 88-185-138-209-211-213 214-217.

Vissenaeken, 25-29-84-88-97-104136-178-192-105-207-215.

25-29-84-88-97-104136-178-192-105-207-215.

Vollezeele, 185. Waterloo, 208-210. Watermael, 82. Wemmel, 22-158. ■V^Tespelaer, 197. Wolluwe, 39-91-95-106-126. Wohiwe-St-Etienne, 114-120-209 Wolluwe-St-Pierre, 212. Zellick, 18-M-96-104-135-212.


Table des Matières.

PAGE

Préface par M. ALBERT MAHINUS . . Va XIII

Liste des principaux correspondants XIV

Liste des abréviations XV

Introduction 3

REMÈDES BASÉS SUR UN RAISONNEMENT

ANALOGIQUE 6

Jaunisse 6

Hémorragies 12

Dysenterie 14

Autres analogies de couleur ... 15

Analogies de*mouvement ... 17

Analogies de," noms 18

Analogies de forme 22

Doctrine de la signature .... 26

Les noeuds 28

Rupture de la liaison .... 41

CONCEPTION MATÉRIELLE DE LA MALADIE 44

Poux 58

Suppression du mal par lavage 59

» par le souffle . 68

» par passage 71

» par contact 75

Transmission du mal : à d'autres hommes . 82

» à des animaux vivants . . 86

» à des animaux morts ou à de la chair 99

» à des objets inaminés . 105

Le sang ... .... 108

Capture de la vie de cekqui meurt 118

CONCEPTION ANIMISTE 123

Remèdes stercoraires .... 127

Autres remèdes désagréables ou douloureux : 137

Cérumen des oreilles .... 142

Incantations 144

Prières écrites 160

Influence des objets du culte 164

Le fer et le plomb 177

La verveine 179


— 240 —

Le marrube 182

La bryone 183

Le sureau 188

La potentille ou quintefeuille 190

Plantes diverses 191

Objets d'églises 193

Le nombre 194

Les époques 197

CARACTÈRES DU GUÉRISSEUR ... 203

REMÈDES DIVERS 207

Talismans contre les maladies en général . 217

CONCLUSIONS 219

APPENDICE 226

TABLE DES MATIÈRES 231

Table des illustrations .... 233

Dessins originaux ..... 233

Reproduction de gravures ou documents . 235

Table des Communes brabançons citées . 236

Table systématique 239

IMPRIMERIE ■' -,

CHARLES PEETERS

LÉAU