LES HORACES,
TRAGÉDIE.
ACTE PREMIER.
SCENE PREMIERE. SABINE, JULIE.
SABINE»
APPROUVEZ ma faiblesse, et souffrez ma douleur;
Elle n'est que trop juste en un si grand malheur:
Si près de voir sur soi fondre de tels orages,
L'ébranlement sied bien aux plus fermes courages;
Et l'esprit le plus mâle et le moins abattu
Ne saurait sans désordre exercer sa vertu.
Quoique le mien s'élonne à ces rudes alarmes,
Le trouble de mon coeur ne peut rien sur mes larmes;
Et, parmi les soupirs qu'il pousse vers les cieux,
Ma constance du moins règne encor sur mes yeux.
Quand on arrête là les déplaisirs d'une ame,
Si l'on fait moins qu'un homme , on fait plus qu'une femme.
Commander à ses pleurs en cette extrémité,
C'est montrer pour le sexe assez de fermeté".
JULIE.
Cen est peut-être assez pour une ame commune
Qui du moindre péril se fait une infortune ;
Mais de cette faiblesse un grand coeur est honteux;
Il ose espérer tout dans unsuccès douteux.
Les deux camps sont rangés au pied de nos murailles ;
Mais Rome ignore encor comme on perd des batailles.
Loin de trembler pour elle, il lui faut applaudir ;
Puisqu'elle va combattre, elle va s'agrandir.
Bannissez , bannissez une frayeur si vaine ,
Et concevez des voeux dignes d'une Romaine.
SABINE.
Je suis Romaine, hélas ! puisqu'Horace est Romain ;
J'en ai recule litre en recevant sa main ;
Mais ce noeud me tiendrait en esclave enchaînée,'