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Titre : Le Monde artiste : théâtre, musique, beaux-arts, littérature

Éditeur : [s.n.] (Paris)

Date d'édition : 1902-02-16

Contributeur : Lemoine, Achille (1813-1895). Directeur de publication

Contributeur : Gourdon de Genouillac, Henri (1826-1898). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32818188p

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32818188p/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 19764

Description : 16 février 1902

Description : 1902/02/16 (A42,N7).

Description : Collection numérique : Arts de la marionnette

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k54541035

Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, Z-1096

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 03/12/2008

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LE

MONDE ARTISTE

illustré

MUSIQUE — THÉATRE — BEAUX-ARTS

PUBLICATION HEBDOMADAIRE

42e Année N° 7 Dimanche 16 Février 1902


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LE MONDE ARTISTE

MAISONS RECOMMANDÉES

J. BACQUE, chirurgien-dentiste, tous les jours, 38, rue de

l'Annonciation, Paris-Passy. NADAR, photographe, 51, rue d'Anjou. PIERRE PETIT, photographe, 17, 19, 21, place Cadet. Mme GARIN, 8, rue de Provence. Mme veuve COSTALLAT, éditeur de musique. CUTIN et BERGER, photographes, rue Caumartin.

COURS ET LEÇONS Chant.

Mme BLANCHE DELILIA, 37, rue des Martyrs.

S'inscrire les lundis et vendredis (de 3 à 6 heures).

Mme DELAQUERRIÈRE DE MIRAMONT, 64, rue de la Rochefoucauld.

Mlle DUCASSE, 13 bis, rue d'Aumale.

Mme COLONNE, 10, rue Montchanin.

DUCHESNE, 80, boulevard Bineau, à Neuilly.

A. BEER, 28, rue Duperré.

Déclamation.

J.-A. DAVRIGNY, 76, rue de Passy.

ALBERT LAMBERT, 48, rue Monsieur-le-Prince.

A. CÉALIS, 3, rue Corneille.

EUGÈNE LARCHER, 26, rue d'Aumale.

MARIE LAURENT, 17, rue Charles-Laffitte, à Neuilly.

Piano.

JACQUES DU SAUTOY, 15, rue Auguste-Vacquerie.

PIFFARETTI, 133, boulevard Pereire.

ANDRÉ WORMSER, 83, rue Demours.

BREITNER, 5, rue Daubigny.

DE CRISTOFARO, 52, rue de Maubeuge.

ALFRED CORTOT, 7, rue des Filles-du-Calvaire.

MOUVEMENT ARTISTIQUE

HOVELLI, le grand artiste dramatique italien, donnera une série de représentations au Théâtre Sarah-Bernhardt, à Paris, du 15 mai au 15 juin prochain,

Mme FANNY TORESELLA, ayant terminé ses représentations au Goldoni de Venise, a été réengagée au Lyrique International de Milan.

M. APOSTOLU est à Odessa, où il vient de remporter un éclatant succès dans Werther, de Massenet. Il a dû trisser la lecture des vers d'Ossian, au troisième acte.

Mme FEBEA STRAKOSCH, au San Carlos, de Lisbonne, où elle a été longuement applaudie dans la Fêdora, de Giordano.

ENGEL, à Milan.

Mlle BALDO, 11, rue Barye.

P. DARAUX, 11, rue Le Chatelier.

BATTISTINI, Opéra Impérial, Varsovie.

DELFINO MENOTTE, au Sari-Carlo, de Lisbonne.

VERDIER, ténor, au Théâtre Royal d'Anvers.

GODEFROY, baryton, au même théâtre.

Mlle MARTINI, 87, rue Saint-Lazare, Paris.

Mme L. PLANES, 100, boulevard Sébastopol.


LE MONDE ARTISTE

426 ANNEE

DIRECTEUR: PAUL MILLIET

Dimanche 16 Février 1902

LA SEMAINE THEATRALE

Châtelet. — Les Cinq sous de Lavarède, pièce a grand spectacle en quatre actes et vingt et un tableaux de M. Paul d'Ivoi. (Première représentation le vendredi 7 février).

Ambigu. — Jean la Cocarde, drame en cinq actes et sept tableaux de MM. Eugène Gugenheim et Le Faure. (Première représentation le samedi 8 février).

Le Châtelet vient de nous donner un sous-Tour du monde en 80 jours, un Tour du monde à bon marché, puisque aussi bien le prix des places a, comme vous le savez, été singulièrement réduit en ce vaste et beau théâtre où l'on fit autrefois des folies. En quelques mots, voici le sujet du mélodrame

héroï-comique, géographico-historique, que M. Paul d'Ivoi a tiré

d'un de ses propres romans, genre Jules Verne. Le jeune peintre Armand Lavarède héritera des millions de son cousin Richard— c'est la condition sine quâ non du bizarre testament — s'il

trouvait moyen de se rendre, en six mois, de Paris à Pékin, en dépensant par jour la modeste somme de. cinq sous — les « chinq chous » de l'Auvergnat... Lavarède accepte, afin de faire pièce au vil usurier Bouvreuil, prêt à fondre sur l'héritage. Et le voyage commence : c'est l'éternelle lutte,

semée de ruses et d'accidents de toute sorte, imaginés par Bouvreuil sur le chemin de Lavarède, qui se défend avec l'esprit et la gaieté d'un Parisien de Montmartre. Lavarède a, fort heureusement, deux femmes dans son jeu : Aurette, son amie d'enfance, dont le père est un honnête Hollandais...

CHATELET. — Les Cinq Sous de Lavarède, pièce à grand spectacle de M. Paul d'Ivoi. — Le Ballet de la Fête du Mikado.

(Dessin de M. Clair-Guyot.)


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LE MONDE ARTISTE

qui parle belge, et Bettina, une excentrique petite Américaine, dont le plus grand plaisir est de querelier son jeune mari, James. Celui-ci tient pour l'odieux Bouvreuil, puisque Bettina est l'alliée du sympathique Lavarède !

La lutte ne laisse pas d'être parfois émouvante : témoin le duel du brave Lavarède avec un vrai géant, le chef des Cow-Boys ; le voyage est charmant, quand il donne lieu, par exemple, au délicieux ballet japonais de la Fête du Mikado. Et puis, si je vous apprends que l'on finit par assister au dramatique épisode du Siège des Légations à Pékin, vous verrez que la pièce de M. Paul d'Ivoi touche un instant à l'histoire contemporaine ; c'est de bonne guerre, d'ailleurs. M. Pichon n'a pas obtenu moins de succès que le défilé des troupes alliées, sonnant leur fanfare de victoire et déployant leurs drapeaux nationaux. Le rideau baisse sur la Marseillaise... non, toutefois, sans que nous ayons applaudi la verve toujours endiablée de M. PougaudLavarède et le très fin comique d'un des plus distingués artistes du Palais-Royal, M. Gorby, heureusement prêté au Châtelet pour y remplir le rôle de James, où il se trouve; avoir pour partenaire sa très gentille camarade Mlle Derville.

Jean la Cocarde ; tel est le titre de la nouvelle pièce de l'Ambigu; il vous suffira, je pense, pour imaginer une grande machine militaire et patriotique, une longue suite de tableaux guerriers, de batailles avec barricades et coups de feu, une sensationnelle exhibition d'uniformes, depuis le simple grenadier jusqu'au maréchal superbe, enfin quelques tirades bien senties sur l'honneur, le dévouement, le sentiment du devoir!

Disons tout de suite qu'en dépit du sujet maintes fois traité, le drame de MM. Eugène Gugenheim et Le Faure a été accueilli par de légitimes applaudissements; qu'il est tour à tour gai, intéressant, pathétique, très habilement construit, ma foi! et qu'on y rencontre d'excellentes scènes du meilleur art théâtral, du plus sûr effet dramatique.

1809 ! Campagne victorieuse du maréchal Lannes en Espagne, entrée des Français dans Saragosse, soumission des vaincus, et pour hâter et affirmer cette soumission, mariages exigés entre officiers français et grandes dames du pays. C'est ainsi que le lieutenant André Brémond fut contraint d'épouser — bien qu'aimant Geneviève Ferrand, la fille de Jean la Cocarde — la senora Juana, qui s'est éprise de lui. C'est ainsi que Juana, bientôt délaissée et trompée par André, devenu l'amant de Geneviève, se venge traîtreusement en facilitant aux insurgés espagnols une entrée dans Saragosse. André est absent; il a abandonné son poste pour aller retrouver Geneviève. Arrêté, accusé du crime de haute trahison, traduit devant la cour martiale, il se refuse, pour sauver l'honneur de sa maîtresse, à donner l'explication de sa conduite et la preuve de son innocence. Un seul homme pourrait le sauver; c'est Jean la Cocarde, le camarade d'enfance et le compagnon d'armes du général Brémond, père d'André.

Ici se place une fort belle scène, d'une vérité saisissante. En souvenir de leur vieille amitié de frères d'armes, le général supplie Jean la Cocarde

de sauver l'honneur de son fils, au prix de celui de sa fille. Jean s'y refusé énergiquément ; fou de douleur en apprenant la mort de Geneviève, il se taira, bien résolu de cacher à tous le déshonneur de son enfant. Le lieutenant Brémond serait donc condamné, si, plus fort que la haine, le sentiment du devoir ne forçait enfin Jean la Cocarde à crier devant tous la vérité et à réhabiliter ainsi André qui épousera Geneviève compromise. La pièce se termine sur une scène de sentimentalité touchante : le général Brémond et Jean la Cocarde, tous deux mortellement blessés, bénissent, avant de mourir, leurs chers enfants pardonnes, et, se donnant une derrière fois la main, ils partent côte à côte pour le grand voyage.

Et voilà!... Autour de ceci, c'est, pour la partie gaie, l'amour de Benita, la belle cantinière, hésitant entre Bidault et Ledru ; ce sont les roucoulades marseillaises de Pompignac, major poltron, devenu bientôt lieutenant valeureux. C'est, pour le drame, la vengeance de Juana criant sa haine à Geneviève prisonnière ; c'est la bassesse de Martinez, le traître de l'affaire ; c'est... c'est, que vous dirai-je? l'habituel assaisonnement d'un grand drame militaire en cinq actes et sept tableaux.

Les interprètes ont, d'ailleurs, concouru pour une bonne part au succès de la pièce. M. Henry Krauss nous a présenté un énergique Jean la Cocarde, aux gestes expressifs, aux accents persuasifs. M. Laroche est de jeu excellent et de tenue parfaite sous les traits du général Brémond. M. Etiévant, à la voix grave et profonde, fut, dans le rôle d'André, plein de chaleur et de passion. MM. Perny, moine farouche, Hémery, gai Marseillais, MM. Renot et Villa ont mis du zèle et de l'entrain à leur tâche respective. Mlle Médal est une ravissante Juana; mais elle manque parfois de sincérité et gagnerait à avoir une diction moins monotone. Mlle Georgette Loyer est une Geneviève intelligente et simple, à l'émotion facile ; Mlle Musset est une accorte soubrette. — En somme, tout porte à croire que nous ne retournerons pas de sitôt à l'Ambigu...

P.-S. — Mlle Mily Meyer, MM. Paul Fugère et Frère (du Vaudeville) sont revenus de la Côte d'Azur, où ils avaient emporté une joyeuse fantaisie de M, Lucien Métivet, le sixième acte de Carmen, qui, sur la musique même de la partition de Bizet, adaptée il de nouvelles paroles, est bien la chose la plus drôle du monde. :

Après en avoir donné la primeur aux heureux invités de M. et Mme Maurice Desvallières, nos excellents artistes ont joué avec un vif succès au Palais des Beaux-Arts de Monte-Carlo cette ébouriffante suite de Carmen, qui, à Paris, va faire le tour de tous les salons où l'on s'amuse.

EDMOND STOULLIG.

Opéra. — Lundi, Lohengrin ; mercredi et samedi, Siegfried ; vendredi, les Barbares, la Korrigane

Opéra-Comique. — Dimanche, Louise ; lundi, matinée) Carmen (Mlle Delna) ; soirée, la Basoche, les Rendezvous bourgeois ; mardi, matinée, Grisélidis ; soirée, Lakmé, Maître Wolfram ; mercredi, le Juif Polonais, représentation populaire à prix réduit avec location ; jeudi, Orphée, Maître Wolfram ; vendredi, Grisélidis ; samedi, le Domino Noir.


LE MONDE ARTISTE

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Comédie-Française. — Dimanche, Tartufe ; lundi, matinée, Ruy Blas ; lundi, mardi, jeudi.et samedi, le Marquis de Priola ; mardi, matinée, l'Avare, Monsieur de Pourceaugnac ; mercredi, l'Enigme, la Grammaire, l'Eté de la Saint-Martin; jeudi, matinée, le Dépit amoureux, le Gendre de M. Poirier; vendredi, l'Enigme.

Odéon. — Dimanche, l'Arlésienne ; lundi, mardi, en matinée, le Mariage de Figaro (orchestre Colonne) ; mercredi, Brignol et sa fille, le Mariage d'Angélique ; jeudi, les Noces Corinthiennes ; vendredi, Tartufe, la Gageure imprévue ; samedi, première représentation du Luxe des autres.

Théâtre Antoine.— Dimanche, lundi, mardi matinée, soirée, mercredi et vendredi, la Terre ; jeudi et samedi, la Fille Sauvage.

Renaissance. — Dimanche, lundi, mardi matinée et soirée, mercredi, jeudi, vendredi, la Vie publique.

Autres spectacles de la semaine :

Théâtre Sarah-Bernhardt : Théodora. — Gymnase : le Détour. — Porte-Saint-Martin : Nini

l'Assommeur. — Gaité : la Fille de Mme Angot. — Variétés : la Revue des Variétés. — Folies-Dramatiques : le Billet de logement. — Nonveautés : Nelly Bozier.— Athénée : Madame Flirt. — Palais-Royal : l'Affaire Mathieu. — Cluny : Un chapeau de paille d'Italie. — Théâtre Déjazet : Doit-on le dire ? — Bouffes-Parisiens : Claudine à Paris.

Théâtres de gnartier. — MONTPARNASSE : les Gaîtés de l'escadron. — BELLEVILLE : Marcel le Vendéen. — LES GOBFLINS : Bocace. — BATIGNOLLES : la Dame de chez Maxim. — MONTMARTRE : la Fille du garde chasse. — BOUFFESDU NORD : la Dame de chez Maxim. — GRENELLE : Cyrano de Bergerac. — THÉATRE MONCEY : le Juif errant. — THÉATRE DES TERNES : la Closerie des genêts. — NOUVEAU CIRQUE : Troupe nouvelle. Grandes attractions. — Mercredis, jeudis, dimanches et fêtes, matinée à 2 h. 1/2.

CONCERTS

Le théâtre du Châtelet n'ayant pas été mis à la disposition de M. Colonne le dimanche gras, M. Chevillard a été seul à fournir un concert ce jour-là. Il donna de l'Ouverture d'Obéron et de la Symphonie en ut de M. Dukas, une exécution splendide. Comme à la première audition, l'oeuvre du jeune compositeur a obtenu un grand succès. Le public a rendu hommage au vigoureux talent dépensé dans cette Symphonie et il a encouragé ainsi son auteur à diriger ses efforts vers le Beau, exclusivement.

Ensuite, on nous fit entendre pour la première fois une suite de mélodies écrites par M. Georges Hüe sous le titre charmant d'Edith au col de cygne. Cette légende chantée qui valut à Mme Marthe Chassang un franc succès, est, dans l'ensemble, un peu triste. M. Hüe cultive volontiers l'élégie plaintive et je ne saurais m'en plaindre pour ma part, car l'amour qui pleure, se désole, espère encore et retombe en sa mélancolie, est la plus belle source de mélodie. J'ajoute qu'un peu de lumière gaie se glisse en quelques endroits du poème et que le charme qui se dégage de cette oeuvre, précieuse, parachevée, est pénétrant et que le parfum en est délicatement subtil. Il faut louer sans réserve la souplesse harmonique et la fluidité de l'orchestration dont la polyphonie est riche en beautés rêveuses. On a fait un accueil chaleureux à M. Georges Hüe pour son exquise conception si variée de couleur et d'accent. M. Abbiate, violoncelliste, souleva les protestations

et la colère du public en insistant plus que de raison pour faire entendre un Concerto de sa composition, oeuvre ennuyeuse, il est vrai, mais qu'on a mis trop d'empressement à juger avec une excessive rigueur. Décidément, la musique n'adoucit plus les moeurs !

Il ne fallut rien moins que les Murmures de la forêt, de Wagner, pour ramener le calme et l'ouverture du Carnaval romain, de Berlioz, pour susciter de nouveau l'admiration.

La dernière semaine a été fertile en manifestations musicales. La Société nouvelle de musique ancienne a triomphé chez Pleyel ; la Société nationale remporta un beau succès avec un quatuor de M. Chevillard et deux jolies mélodies de M. G. Bret et le quintette de Franck ; Mme Hortense Parent a fait apprécier une fois de plus ses matinées d'élèves et M. Paul Braud, chez Erard, remporta un triomphe qu'explique fort bien sa virtuosité.

CH. MAHLER.

— Concerts du dimanche 16 février 1902 :

Conservatoire, 2 h. — 11e Concert dirigé par M. Georges Marty. Au programme :

Symphonie en sol majeur : la Surprise (Haydn). — Les Ruines d'Athènes (Beethoven). — Concerto pour violon (Mendelssohn), par M. Alfred Brun. — Ouverture de Frilhiof (Th. Dubois). — a) Omnes amici mei (Palestrina) et 6) Adieux aux jeunes mariés (Meyerbeer), choeurs sans accompagnement. — Rapsodie norvégienne (Lalo).

Châtelet, 2 h. 1/4. — 16e Concert Colonne. Au Programme :

Symphonie en la mineur (Saint-Saëns). — Concerto n° 7 en mi mineur pour violon (Spohr), par M. Willy Burmester. — Psyché (César Franck), soli par Mlle Julie Cahun. — Chacune pour violon (Bach), par M. Willy Burmester. — Scène du Vénusberg de Tannhauser (Wagner).

Nouveau-Théâtre, 3 h. — 17e Concert Lamoureux, dirigé par M. Camille Chevillard. Au programme :

Ouverture de Léonore (Beethoven). — Concerto en mi bémol pour piano (Mozart), par Mme Wanda Laudowska. — Symphonie en sol mineur (Lalo). — Concertstück pour violon (Diémer), exécuté par M. Boucherit. — Esquisse sur les steppes de l'Asie centrale (Borodine). — Cortège de Bacchus de Sylvia (Léo Delibes).

Les traductions françaises.

(Suite.)

Je citerai pour mémoire la traduction du premier acte de la Valkyrie, de M. Lafontaine, faite à Bruxelles, les fragments de l'Or du Rhin et de Siegfried, par MM. Dujardin et Houston Stewart Chamberlain, où on lit des phrases comme celles-ci :

Humide mouille m'emplit le nez ! Maudit étemuement !

Comme Saint ce séduit mon oreille.


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LÉ MONDE ARTISTE

Et il ne me reste plus qu'un mot à dire des Quatre poèmes d'opéras, publiés par Wagner lui-même, mais traduits par son ami Challemel-Lacour lorsque Tannhauser fut exécuté à Paris.

Wagner qui venait à Paris avec le désir de s'y fixer et d'y produire tour à tour toutes ses oeuvres, se rendait bien compte des difficultés artistiques qu'il rencontrerait, pour ne parler que de celles-là. Il comprit la nécessité qu'il y avait pour lui à initier peu à peu le public à son art nouveau. Toute son oeuvre était déjà arrêtée dans son esprit et même écrite en partie. Il lui fallait donc apprendre au public graduellement et clairement sa poétique. Et pour commencer, sous le prétexte de lui donner une traduction littéraire, moins elliptique que la traduction musicale et par conséquent plus accessible, de Tannhaüser, il publiait les poèmes des trois oeuvres de sa jeunesse, en y ajoutant subrepticement le poème de Tristan où son système dramatique se développait pleinement. Puis, il faisait précéder ces traductions de l'admirable lettre à Frédéric Villat où toute sa théorie est excellemment résumée.

Son ami, M. Challemel-Lacour, lui rendit le service de faire ces traductions littéraires. Elles sont parfaites. On les connaît. Je n'ai pas à y insister. Qu'on les lise et relise. On y verra dans son plein épanouissement toute la pensée du maître, dans toute sa vigueur aussi. Ce volume doit être le Vade Mecum de tout wagnérien. Il sera aussi le criterium auquel il rapportera, mesurera toute autre traduction, l'étalon de vérité et de fidélité. Et remercions encore une fois Mme Judith Gautier et M. Louis-Pilate de Brinn'Gaubast d'avoir terminé cette oeuvre d'initiative si nécessaire, par leurs belles traductions littéraires, très utiles pour la compréhension complète des drames, encore que l'union intime, exigée par' Wagner, du poème et de la musique, ne s'y trouve pas réalisée.

II

Les traductions musicales de l'oeuvre de Wagner se ramènent à trois : 1° celles des oeuvres de jeunesse : Rienzi, Le Vaisseau Fantôme, Tannhaüser et Lohengrin par Charles Nuitter.

(Il existe aussi une traduction française de Lohengrin par Victor Wilder. (Jette traduction fut commandée à celui-ci par la maison Breitkoppf pour la Belgique. Mais celle de Nuitter est seule autorisée en France, la maison Flaxland, Durand successeur, ayant acheté le droit d'édition pour la France.)

2° Celles du Ring, des Maîtres Chanteurs, de Parsifal et de Tristan et Yseult, par Victor Wilder.

3° Celles de ces sept derniers ouvrages par Alfred Ernst, dont trois seulement ont paru sans la musique : La Valkyrie, Siegfried et Les Maîtres.

Charles Nuitter était un homme modeste et laborieux. Ami de Roche, traducteur de la première version de Tannhaüser, — première version dont il reste des parties considérables dans la nouvelle que Charles Nuitter récrivit et que l'on joue actuellement, — il se trouva tout indiqué pour parachever l'oeuvre de son ami. Elaxland ayant acquis le droit d'édition en France des ouvrages Rienzi, Le Vaisseau Fantôme et Lohengrin à la suite de Tannhaüser, chargea donc Nuitter de traduire ces trois opéras et de refondre le quatrième. Richard Wagner ratifia le choix.

Est-ce à cette ratification que l'on doit l'absence totale d'autres traductions de ces ouvrages? C'est à

elle en tout cas que l'on doit l'appui qu'elles rencontrèrent toujours auprès de Mme Wagner, qui, si favorable aux essais de traduction des autres ouvrages, se montra toujours exclusive sur ce point.

Sans être injuste pour l'oeuvre de Nuitter, on peut dire que ses poèmes sont loin d'atteindre à la perfection. Pourtant, lesdites traductions d'une langue molle, d'une compréhension restreinte de l'oeuvre wagnérienne, d'une ignorance musicale trop flagrante, ne soulevèrent jamais une critique bien vive, ni même de concurrence; c'est que la langue employée par Charles Nuitter, qui est la forme du livret de l'opéra français, n'a rien qui choque dans ces quatre ouvrages euxmêmes conçus et exécutés dans la manière de l'opéra.

Ces ouvrages sont loin de la rigueur poétique et musicale de la Tétralogie. Le système wagnérienne se montre point encore, si le génie [de Wagner s'y annonce déjà. Et même, dans cet incomparable, dans ce frais et pur Lohengrin, nous ne trouvons rien, qu'un pressentiment, comme inconscient, de la poétique de l'auteur de Tristan. Le poème de Tannhaüser est le plus beau poème du monde ; mais c'est un poème d'opéra.

Charles Nuitter ne tira jamais vanité de son ouvrage. Il reconnaissait même volontiers que la traduction de Lohengrin par Victor Wilder était supérieure à la sienne.

Charles Nuitter n'avait d'ailleurs qu'un orgueil : la Bibliothèque de l'Opéra. C'est pour l'enrichir qu'il dépensait tous ses revenus ; et l'on sait comme il l'a dotée dans son testament. Lorsqu'on lui parlait de ses traductions, il disait :

— J'ai fait de mon mieux... Wagner et sa veuve m'ont toujours traité beaucoup mieux que je ne le méritais... Le reste m'est indifférent.

Son oeuvre, pourtant, est oeuvre méritoire. Il entreprit ces traductions à l'heure où leur représentation était hors de toute prévision. S'il en eut plus tard le profit, ce ne fut que justice.

III

J'arrive maintenant à la querelle wagnérienne de ces dix dernières années.

Et il ne me déplaît point de rendre tout d'abord hommage à Wilder, que l'on connaît peu ou que l'on n'apprécie pas à sa valeur.

Lorsque vers 1880, le monde wagnérien apprit que les oeuvres du Maître allaient être traduites par Victor Wilder, ce fut une exclamation de surprise. Quelqu'un osait donc entreprendre jette tâche impossible de traduire en français ses ouvrages musicaux dont le génie paraissait, et comme conception, et comme langue, et comme exécution littéraire, en si complète opposition avec le génie, la langue et la poésie française ?

On savait que Victor Wilder avec ses livres sur Beethoven et sur Mozart avait pris rang parmi les écrivains musicaux de talent. On n'ignorait point qu'il avait passé sa jeunesse avec M. F.-A. Gevaërt, à étudier l'art musical de tous les paya. Il avait enfin, depuis vingt ans, traduit les poèmes de tous les grands musiciens étrangers : Schumann, Beethoven, Haendel, Brahms, Grieg, Schubert, Abt, Chopin, Mendelsohn, Bach, etc.

C'était réunir, semblait-il, les conditions nécessaires pour mener à bien une telle entreprise. Il était de la petite phalange de ceux qui avaient, prophétisé le


LE MONDE ARTISTE

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génie de Richard Wagner. C'était un admirateur de la toute première heure. Instruit avec cela : docteur en droit docteur ès sciences et docteur ès lettres. Enfin, son origine flamande elle-même le rendait apte à saisir les rapports, les différences du génie des langues allemande et frauçaise.

Et pourtant, nous étions pleins d'inquiétude. Malgré ces assurances, nous doutions de la possibilité de traduire Wagner, sans en enlever la saveur, le suc, l'originalité ou sans profaner la musique.

— Laissez-moi toujours essayer, faisait-il. Et il disait à Lamoureux :

— Te rappelles-tu le temps où tu ne jurais que par Heendel, où tu me disais : « Laisse-moi donc tranquille avec ton Wagner ! " et où je te lassais de mes objurgations de te rendre en Allemagne pour y entendre son oeuvre?... Tu cédas enfin et tu devins l'apôtre wagnérien que tu es... Il faut maintenant compléter notre entreprise et rendre familier au public français l'oeuvre entier dont nous ne pouvons encore que lui faire connaître la beauté musicale, si sèche et si aride sans les paroles.

UN WAGNÉRIEN. (A suivre.)

ÉCHOS MONDAINS

Ce ne sera pas une représentation banale que celle que nous aurons prochainement d'une Revue Mondaine écrite par des gens du monde et jouée par eux. Jusqu'à l'orchestre, d'où les professionnels ont été rigoureusement bannis ! Les instrumentistes seront des financiers, des avocats, des médecins, des conseillers d'Etat, des sporstmen.

Parmi les interprètes, je citerai la Commère, qui est la femme, très élégante et très jolie, d'un de nos médecins les plus justement célèbres, et le Compère, un officier fort élégant, gendre d'un des Députés les plus en vedette.

On répète depuis une semaine déjà, et avec quel entrain ! Pour être tout à fait indiscrète, dirai-je le lieu de ces répétitions? Oui : Chez l'éditeur de musique Lemoine, rue Pigalle.

Et maintenant, j'attends mon service de répétition générale!...

Jeudi, Mme Kiréevsky a donné une matinée musicale fort réussie.

Le programme comprenait, outre une comédie (inédite S. V. P. !) qu'ont fort bien interprétée Mme Jouët et M. Vignat, diverses oeuvres de MM. de Saint-Quentin, de Fontenailles et de maîtres anciens, interprétées par Mmes Maurice Gallet, Kiréevsky, Peixotto, Pelecier ; Mil. Edouard Gluck, Albert Hu, Diey, etc.

Chez Mme Waddington, une soirée intéressante où se sont fait entendre Mlle Marie Dubois, un pianiste de réel talent, et Johannès Wolff, le célèbre violoniste ; l'une dans des pages de Chopin et de Thomé ; l'autre dans la Sérénade de Saint-Saëns ; tous deux ensemble dans la Sonate en ut mineur.

Johannès Wolff a joué admirablement aussi l'Extase de Francis Thomé, qui l'accompagnait au piano.

Très beau succès également pour Mme Runkel, dont la voix, si appréciée, a fait merveille dans Doux appel, de Widor, et Songe du poète, de Mme Ferrari. Le piano était tenu par M. Fernand Rivière, l'excellent accompagnateur,

Mme la comtesse de Maupeou a donné aussi une brillante soirée musicale que je tiens à noter, car Mme de Maupeou est la parfaite cantatrice mondaine, et elle a dit avec un art remarquable des mélodies d'Erlanger, de Gaston Paulin et de Diémer.

A côté d'elle, on a applaudi le mandoliniste Volpe, Mlle Coulon, et M. Jean Périer ; et enfin, surprise délicate, Mlle Reichenberg, notre ex-petite Doyenne, devenue Mme de Bourgoing, a bien voulu dire des poésies avec sa voix exquise, et sa diction charmante.

Chez M. et Mme Paul Adam :

Mmes Henriot et Marthe Régnier, MM. Dumény, Matrat et Dehelly ont brillamment interprété le Galant Escroc, de Collé, dont l'esprit avait retrouvé son cadre naturel dans ces vieux salons du dix-huitième siècle.

Mme Dietz a joué du Schumann. Des poèmes d'Henri de Régnier ont été dits par Mlle Marthe Braudès ; Christine Kerf a exécuté les Danses grecques du compositeur Ed. Martha ; enfin, M. Delaquerrière a fait entendre les Chansons de Bretagne, de Gabriel Fabre.

Programme de raffinés, et soirée de tous points réussic

NELLY ROZIER.

LA SEMAINE ARTISTIQUE

(LETTRES ET BEAUX-ARTS)

Je viens bien tard, sans doute, après tant d'autres, pour parler du dernier livre des frères Margueritte : Braves gens ! Mais un coup de cloche isolé, après le branle-bas des salutations de commande, n'est peut-être pas inutile et s'il n'a que la douceur d'un écho, sa sincérité s'accordera fort bien avec le souvenir persistant de chacun. Le culte du passé : — rires et larmes, épopées et défaites, gloires des heures, des ans et des siècles — est vivace en moi. Je n'ai jamais perdu l'occasion de crier que ma religion est faite de la mémoire des hommes ; c'est dire, dès l'abord, que je tiens l'ouvrage documentaire de MM. Paul et Victor Margueritte pour une des plus belles oeuvres de ce temps.

Les théories ne sont rien devant les faits, la critique retarde toujours sur l'idée, et les plus beaux discours ne valent pas une page d'histoire. Aussi, devant le monument élevé par deux écrivains remarquables doublés de patriotes, à ceux qui, par leurs exploits, arrachèrent au roi Guillaume un cri admiratif au cours de la mémorable journée de Sedan, je suis pris d'un enthousiasme fervent et je reporte sur les auteurs ces mots désormais ineffaçables : Oh ! les braves gens !

A notre époque de faux libertarisme, au milieu des clameurs proférées par les sectaires, c'est remplir une noble tâche que de raviver dans l'Ame française le souvenir de la Défaite, en montrant les pourquoi de la chute, en justifiant la conduite des uns, en condamnant l'impéritie des autres, en remettant au point les faits historiques dénaturés par des romanciers à l'imagination dépravée et dont la bassesse de l'esprit n'est point excusée par le talent.

Oui, vraiment, ce sont de «. braves gens » aussi, ces deux littérateurs, fils d'un général mort au champ l'honneur, ces deux obstinés travailleurs qui bâtissent l'une façon définitive un Temple de Vérité.

Depuis cinq ans qu'ils ont entrepris d'écrire UNE


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EPOQUE, ils nous ont donné d'abord le Désastre, puis les Tronçons du glaire, et, en attendant la Commune, le plus redoutable des quatre livres de leur série, voici Braves gens ! où l'existence même de la dernière armée du second Empire frémit, traversée d'un souffle épique. Quel drame est comparable à l'odyssée prodigieuse de cette armée de Châlons qui, laissant derrière elle un camp incendié, s'en alla mourir sur le plateau de Sedan, prise entre les griffes des vautours ennemis ! Cette collectivité d'hommes périssant par un concours de fatalités déconcertantes, est peinte sous toutes ses faces d'espérance et de suprême agonie en touches admirables de précision et de vigueur. Quinze jours de lutte sont là décrits avec un talent merveilleux.

A côté des chasseurs d'Afrique, incomparables cavaliers, héros obscurs, ignorant la peur et ne sachant qu'obéir aveuglément aux ordres des chefs, on voit l'escorte de l'Empereur, affolée, soucieuse jusqu'au bout de sauvegarder le service des cuisines, et puis des officiers partageant les mauvaises nuits des soldats, et encore les personnages historiques, impatients du lendemain, perdus au milieu des ordres contraires, désabusés de tout, à la veille du carnage illuminé par un éclatant soleil.

Cette reconstitution du passé est faite de vérité et de fiction, mais avec tant d'art, que fiction et vérité forment un tout d'une grandeur sans précédent.

Comment ne pas être remué jusqu'au profond du coeur par la sobriété pieuse avec laquelle les fils d'un héros parlent de leur père, de "ce vaillant qui, à la minute de rendre l'âme, ne trouve que ces mots à dire à l'Empereur : — Sire, moi, ce n'est rien ! Mais l'armée ? Mais la France?

Certes, « la Chevauchée au gouffre » suffirait à assurer le succès de ce livre où les auteurs ont réglé la question Galliffet-Bauffremont, en ce qui concerne la menée au feu de la division après la mise hors de combat du général Margueritte.

Mais les deux probes artisans de lettres ont voulu compléter par d'autres tableaux la peinture de l'héroïsme au pays de France, en cette année terrible de 1870.

Et documentés comme personne, habiles à ressusciter les heures, ils nous ont montré Strasbourg, vaillant sous les obus et les balles, invaincu dans les flammes, avec des coins de vie intime qui révèlent de l'âme alsacienne d'alors tous les sentiments.

Petit roman grand comme une ville tout entière, où les cruels déchirements entre familles s'ajoutent à l'horreur du bombardement, où les amours deviennent des tortures, où le présent fait blasphémer de honte, où le souvenir du passé s'essaime en regrets déchirants. A la suite de cette lecture qui n'a pas pleuré, qui n'a pas, des heures durant, refusé le sommeil à ses yeux et ne s'est pas plongé dans la réflexion sévère est un sot ou un lâche. Car jamais, vous entendez bien, petits sceptiques dont l'indifférence est un moyen au marché des duperies jamais, vous dis-je, on ne fit palpiter les coeurs angoissés d'une ville arrachée à sa patrie d'élection, comme ont su le faire les frères Margueritte ! Et cela sans formules de réalisme outrancier, sans parenthèses grandiloquentes, mais seulement avec l'aide d'un art simple et fort, de phrases concises et vibrantes d'esquisses relevées de traits vigoureux.

Viennent ensuite des pages où sont inscrits dans toute leur grandeur humble mais jamais humiliée, les actes

d'intrépidité des marins de Paris, des soldats improvisés, de tous les serviteurs de la Patrie en détresse. Et c'est encore l'histoire de Bitche invaincue, de Fontenoy héroïquement osée, avec des détails inédits et stupéfiants.

En fermant ce livre attachant, on éprouve une satisfaction secrète et l'on songe : — L'honneur fut sauf! tandis qu'on envisage un avenir de haute justice avec calme.

Une telle oeuvre rend meilleur parce qu'elle élève les pensées, parce qu'elle enseigne que là où la France combat le droit est présent, parce qu'elle relève le courage et donne aux coeurs généreux le désir du mieux constant et qu'elle engage aux nobles devoirs, aux belles besognes, par quoi l'âme d'un pays se place au-dessus des querelles intestines et tend à l'union de ses forces vives.

Après ce bref coup d'oeil sur une oeuvre qui nécessiterait vingt pages d'études pour être complètement expliquée, je veux saluer le fier talent des frères Margueritte. Par un mâle et nerveux entrain du style, par de continuels sursauts de pensées superbes, par une richesse de détails jointe à la véracité des épisodes, les deux auteurs ont ressuscité des jours où les claironnements et les galops fous s'entendent distinctement, à plus de trente ans de distance. Prosateurs admirable, peintres scrupuleux, éclaireurs du Vrai, les frères Margueritte ont, par cette oeuvre nouvelle, mérité non seulement la sympathie de tout Français, mais encore l'admiration de l'étranger, ce qui est, au dire d'un philosophe, le plus beau couronnement du mérite.

PIERRE SANDOZ.

PROVINCE

Nantes. — La troupe de comédie vient de nous donner d'excellentes interprétations de Zaza et des Trois filles de M. Dupont. Le rôle de Zaza a été tenu de la façon la plus remarquable par la jolie Mme Lestat. Son succès a été très vif. MM. Charny et Clasis et la petite Clasis complétaient un excellent ensemble. Le rôle de Julie des Trois filles de M. Dupont et celui de M. Dupont ont été très bien remplis par Mlle Diska et M. Clasis. Complimentons aussi M. Charny et Mmes Lestat et Person.

Le cinquième concert populaire a été des plus intéressants. Entre autres nouveautés, on a entendu l'Apprenti Sorcier, M. Dukas a écrit là une oeuvre de haut intérêt. Les thèmes très clairs, très expressifs, sont développés avec une grande puissance rythmique, traités avec une incontestable maîtrise, instrumentés de la façon la plus pittoresque et la plus amusante. Le musicien a su tirer des effets vraiment nouveaux de l'emploi des sons harmoniques de la harpe, des cors en sons bouchés, des trompettes avec sourdines, du glockenspiel, voire même des vulgaires cymbales. Cette composition d'un entrain vraiment endiablé peut, sans désavantage, prendre place à côté de la Danse macabre de SaintSaëns. L'Apprenti Sorcier est d'une extrême difficulté d'exécution. L'orchestre l'a interprété d'une façon fort honorable. La salle a beaucoup applaudi l'oeuvre de M. Dukas. Elle a fait une ovation aux musiciens et à leur chef.

M. Georges Sporck, dont on a écouté aussi avec plaisir deux compositions, est un jeune musicien d'avenir.


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Retenez son nom. Les morceaux joués dimanche sont extraits d'une Suite, d'orchestre qui en contient quatre : Invocation, Islande, Intermezzo, Kermesse. Aucun lien, aucune idée commune ne rattachent ces différents numéros, qui n'ont été réunis sous le même titre, qui les désigne fort mal, que par une de ces fantaisies d'éditeurs auxquelles les débutants sont bien forcés de se soumettre. La dénomination d'Esquisses symphoniques eût été préférable. Invocation est une page pleine de jeunesse. Un thème à 2/4, d'une belle envolée, exposé d'abord par le quatuor, cède ensuite la place à un 6/8, plus animé, d'une invention moins heureuse. Le motif du début revient ensuite au violon-solo, sur un gracieux accompagnement.

Islande est, visiblement, de date plus récente qu'Invocation- Ce morceau de coloris sombre, de souffle vigoureux, est un commentaire symphonique d'un passage du célèbre roman de Pierre Loti. M. Sporck est un musicien qui a des idées et qui sait les rendre avec une expression juste sans les noyer dans aucun délayage. L'orchestration d'Islande, pleine et sonore, possède parfois une véritable force évocatrice. On y sent gronder la mer et souffler les bourrasques.

ETIENNE DESTRANGES.

Marseille. — Grand-Théâtre. — Le succès constant de la Belle au Bois dormant a permis de monter tout doucement Mephistophélès, de Boïto, dont les dernières répétitions ont lieu actuellement. Depuis notre dernière chronique, nous avons eu les reprises de Zampa,de Rigoletto, de Carmen avec Mlle Cécile Ketten, la troisième Garmencita de la saison, et enfin celle de Mireille avec Mlle Marie Thierry. La charmante artiste de l'Opéra-Comique a retrouvé son succès d'il y a deux ans, et de chauds et vibrants applaudissements ont montré à cette excellente chanteuse légère le plaisir qu'on avait à l'entendre de nouveau.

Théâtre des Variétés. — Quo vadis ? et le Bon moyen, par des troupes en tournée, et, par l'excellente troupe de M. E. Simon, le Coup de fouet, le Capitaine Blomet, le Courrier de Lyon, Nelly Rozier et enfin la Petite fonctionnaire. La délicieuse comédie de Gapus a été particulièrement soignée par la direction par suite du passage de la mignonne créatrice du rôle de Suzanne Borel, Mlle Thomassin, et de MM. Numès, Galipaux et Regnard. La Petite fonctionnaire aura été sûrement une des pièces les mieux jouées au Théâtre des Variétés. Le Fils surnaturel lui a succédé sur l'affiche, et le succès de fou rire qui a accueilli cette bouffonnerie le premier soir nous promet une belle suite de représentations.

Gymnase. — M. d'Albert nous a offert les intéressantes reprises de l'OEil crevé, des Petites Michu et de la Princesse des Canaries pour les représentations de Mlle Pouget. Le très amusant comique Poudrier, qui avait laissé de bons souvenirs à Marseille, vient d'être eugagé par la direction et s'est déjà produit dans plusieurs opérettes. Avec MM. Saint-Léon et Lagairie nous aurons un trio de joyeux compères. Signalons les reprises de la Mascotte, de Gillette de Narbonne, ainsi que des vaudevilles la Famille Pontbiquet, Pépère et le Docteur Jojo, qui accompagnent généralement les opérettes précitées sur l'affiche. E. GRAPH.

Rouen. — Théâtres des Arts. — Le succès des Guelfes, de B. Godard, n'a fait que s'accentuer à chaque représentation.

En attendant Louise, une reprise de la Vie de Bohême, de Puccini, a été favorablement accueillie. L'interprétation était rehaussée par la présence de deux artistes de grand opéra : Mme Rigaud-Labens et M. Mézy. Mme Rigaud a été charmante dans son rôle de Musette ; elle s'est montrée coquette, nerveuse et sentimentale à souhait. Mais c'est surtout sa voix si agréable qui a

séduit le plus ; les nombreux applaudissements qu'elle a recueillis lui étaient bien dus.

Mme Mondaud-Panseron a trouvé en Mimi le rôle qui convient à la nature de son talent et a bien rendu la mort de Mimi d'une tristesse si émouvante.

M. Galand a joué avec distinction le poète Rodolphe, sa voix sympathique le sert à merveille. M. Mézy est un gai Marcel, donnant la note juste du personnage, sans excès. Sa voix solide et souple l'a fait applaudir à maintes reprises.

M. La Taste est excellent dans Schaunard, et M. Berthaud (Colline) chante avec goût.

L'orchestre, dirigé par M. Coste, a contribué à la réussite de cette reprise. L'opéra de Puccini, joué ainsi, a beaucou plu, et MM. Heurion et Melchissédec ont été bien inspirés en le remontant.

L'Association artistique des concerts de Rouen a donné son deuxième concert, et les auditeurs ont été pleinement satisfaits de l'exécution des différents morceaux inscrits au programme.

M. Joseph Debroux prêtait son concours à l'Association ; l'éminent violoniste est trop connu pour que nous nous arrêtions à vanter son talent, et, naturellement, son succès a été considérable.

M. René Doire, deuxième chef d'orchestre, qui conduisait la première partie du concert, a eu un succès personnel bien mérité. Le jeune maître a conduit sans partition la Symphonie en ut mineur, de. Schubert, et l'Ouverture d'Egmont, avec une grande sûreté et une profonde connaissance de son art. M. Doire dut revenir à son pupitre recevoir les ovations du public.

M. Le Rey a dirigé la deuxième partie dans laquelle nous citerons l' Arlésienne, de Bizet, et l'ouverture des Maîtres chanteurs, de Wagner. Sous l'habile direction de son chef, l'orchestre a montré sa parfaite homogénéité.

Folies-Bergère. — A ce théâtre, la Revue en est à la soixantième et fait toujours salle comble. De nouvelles scènes ont été ajoutées, c'est un attrait de plus, et le public viendra encore longtemps applaudir MM. Delamane, Chambot, Domergue, Abadie, Mmes Viotty, Giselle, Crétot, Marval. S.

Toulouse. — Théâtre du Capitole. — Une représentation vraiment sensationnelle, — pour la province, c'est celle qu'ont organisé les Sociétés de « la CroixRouge " et « des Femmes de France » au bénéfice des blessés des armées de terre et de mer. Au programme : Samson et Dalila avec M. Affre, et Mlle Soyer, de l'Opéra, une fantaisie sur Sigurd, par les trois musiques militaires de la garnison, dirigées par M. Montalier, chef du 83° d'infanterie, et la Maladetta, le délicieux ballet de Paul Vidal, interprété par Mlles Sandrini, Lobstein, Régnier, Violat, Couat, et MM. Hanson et Vasquez. C'était le compositeur lui-même qui tenait le bâton directorial, et ce fut par une manifestation toute sympathique que notre compatriote et ami fut salué à sa montée au pupitre.

J'avoue mon absolue incompétence en matière chorégraphique, et je me garderai bien d'aller discuter sur le «ballon », les « pointes », les « jetés battus " et le « parcours » de ces dames du ballet de l'Académie nationale; je me contente de louer leur charme, leur vélocité, la suprême élégance de leurs évolutions, et j'affirme qu'elles ont du talent parce qu'elles dansent en mesure. Pour moi, simple musicien, tout le secret de la danse réside dans cette loi immuable du métronome. Aux vieux et jeunes marcheurs d'y trouver un autre

intérêt.

Quant à l'oeuvre de Saint-Saëns, elle trouva trois protagonistes de valeur : Mlle Soyer, dont le registre grave de son beau contralto a quelque chose de savoureux ; M. Affre, qui très fièrement et très sobrement à


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la fois, campa son personnage, qui le chanta et le déclama de fort heureuse façon, et M. Aubert, notre baryton, qui leur donnait la réplique avec un talent que, de jour en jour, je prise davantage.

Au total : une artistique soirée et une très fructueuse recette.

Théâtre des Variétés. — Toujours des nouveautés à ce théâtre. Hier, c'était la Vie publique, de M. Fabre, un avocat de talent du barreau de Marseille.

Qu'est-ce que la Vie publique ? Une série de tableaux en pleine période électorale. Donc, de la politique. Mais qu'on la laisse au Palais-Bourbon ou au Luxembourg, cette vieille mégère, et qu'on ne. l'implante pas au théâtre !

Cela dit, reconnaissons une habileté de main très sûre chez M. Fabre ; il y a de l'esprit, des mots bien trouvés, des aphoriemes exquis, et l'oeuvre était, par exemple, supérieurement jouée par MM. Paul Marcel, Laurel, Dugeny, Mme Vasse, et montée avec un souci de la mise en scène que nous voudrions bien rencontrer... ailleurs. O. GUIRAUD.

ETRANGER

Amsterdam. — De grandes fêtes ont célébré brillamment le 50e anniversaire du Grand Théâtre Van Lier. M. Mouru de Lacotte, directeur du Théâtre Royal de l'Alcazar de Bruxelles, et quelques-uns de ses principaux artistes, y ont représenté le théâtre français. Le plus chaleureux accueil a été fait au directeur de Bruxelles, qui depuis plusieurs années s'est efforcé de faire connaître en Hollande les principales oeuvres dramatiques françaises. Le théâtre allemand était représenté par M. Lautenburg, directeur du Residenz-Theater de Berlin, et sa troupe. X.

Berlin. — Cette semaine, on a joué, à l'Opéra : Dimanche, Cavalleria Rusticana, Coppelia ; lundi, Tanvhaüser ; mardi, la Traviata ; mercredi, Heilmar ; jeudi, Tristan et Iseult ; vendredi, Carmen ; samedi, Fidelio.

Au Schauspielhaus : Dimanche, jeudi, Miss Hobbs ; lundi, la Pucelle d'Orléans ; mardi, le Marchand de Venise; mercredi, la Grande lumière ; vendredi, le Roi Richard III ; samedi, Der Herr von Abadessa.

Au Deutsches Theater : Dimanche, lundi, mardi, jeudi, samedi, Es lebe das Leben ; mercredi, Lebendige Stunden ; vendredi, Cyrano de Bergerac.

Au Berliner Theater : Dimanche, lundi, mercredi, jeudi, samedi, le Vieux Heidelberg ; mardi, Der Hahn, Der Fahrt über den Slyx ; vendredi, Marie d'Ecosse.

Au Lessing Theater : Dimanche, mardi, vendredi, la Veine ; lundi, Amphytrion, le Malade imaginaire ; mercredi, Nora ; jeudi, la Fée Caprice ; samedi, Die Zwillingschwester.

Au Neues Theater : Tous les soirs, Coralie et Cie sauf samedi, la Brave femme, Die Mansefalle.

Au Schiller Theater : Dimanche, le Réviseur; lundi mercredi, vendredi, samedi, les Fourchambault ; mardi, jeudi, le Jongleur. '

Au Theater des Westens : Dimanche, mardi, jeudi, Wiener Blut ; lundi, Ondine ; mercredi, les Noces de Figaro ; vendredi, Manfred ; samedi, le Freyschütz.

Au Residenz Theater : Dimanche, le Contrôleur des wagons-lits ; tous les autres soirs, Verliebt.

Au Central Theater : Tous les soirs, représentations de Mme Yvette Guilbert.

Le succès de la Veine, la si jolie pièce de votre compatriote Capus, s'affirme au Lessing Theater. Le public berlinois comprend toutes les finesses de l'oeuvre et, ainsi qu'ont pu le constater M. Gustave Roger, l'agent général de votre Société des auteurs, MM. Gustave Charpentier, Jules Huret et tous les Français actuellement ici, la pièce est admirablement interprétée et montée avec goût. Mme Sonna et M. Patry sont des protagonistes dignes des créateurs : Mme Granier et M. Guitry.

L'orchestre d'instruments à cordes des dames musiciennes de Berlin vient de donner ses deux premiers concerts d'abonnement, qui, paraît-il, ont obtenu un vif Buccès. Au second, ces dames ont exécuté une composition inédite, une suite écrite expressément pour elles par Mme Hermine Schwarz.

La première de Samson et Dalila a eu lieu au Stadtheater de Breslau. Gros succès pour l'ouvrage et ses interprètes.

A Leipzig, la représentation de Louise devant LL. MM. le roi et la reine de Saxe a donné lieu à une manifestation imposante, au cours de laquelle l'art français, dans la personne de Gustave Charpentier, a été triomphalement acclamé. Leurs Majestés ont fait exprimer leur admiration au compositeur, et M. Siegfried Wagner est venu apporter au musicien le témoignage de sa confraternité artistique.

La crise de chefs d'orchestre qui sévissait depuis quelques mois à l'Opéra royal de Munich vient de prendre fin. M. Zumpe reste à la tête des chefs d'orchestre de l'Opéra et M. Stavenhagen quitte ce théâtre le 1er septembre prochain, pour prendre la direction de l'Académie de musique.

L'Opéra de Dresde vient de reprendre le Werther de Massenet, avec un succès éclatant. Le rôle de Werther est excellemment interprété par le ténor Buff, qui se cache sous le pseudonyme de Giessen. Cet artiste est le propre fils de M. Buff, conseiller à la Cour suprême de Leipzig, et le petit-fils de cette Charlotte qui fut aimée par Werther à Wetzlar. Le jeune ténor joue ainsi le rôle principal dans l'histoire de son aïeule. KARL ERICH.

Liège. — La première de Louise, le roman musical de M. Gustave Charpentier, a été donnée avec grand succès au Théâtre-Royal. L'oeuvre avait été bien mi e au point par le directeur, M. Keppens. L'orchestre a prouvé un véritable souci des nuances, et les interprètes ont donné un ensemble des plus convenables. Citons, parmi ceux-ci, Mme d'Heilsonn, dans le rôle de Louise, et M. Vallès dans celui de Julien. Parmi les autres artistes, Mlle Stéphane, qui fut de la création à l'Opéra-Comique, Mlle de Vérine et M. Bruinen. La mise en scène était très soignée. X.

Londres. — Shakespeare, le glorieux Will, ne suffit plus aux lettrés anglais. Un vent de pur classicisme souffle au delà du détroit et voici que M. Stephen Philipp, l'heureux auteur — naguère si discuté — de Paola et Francesca et d'Hérode, vient de se faire applaudir en faisant représenter au théâtre de Her Majesty's la pièce d'Ulysse.

En dépit de la splendide mise en scène que le directeur acteur M. Beerbohm Tree nous a donnée, il est bien certain qu'Ulysse est moins une pièce de théâtre qu'un long poème où l'action se noie dans les discours. Tragédie, dit le programme. Non, épopée, écrite en nobles vers, effort littéraire qui décèle de hautes qualités, belle oeuvre de poète, mais pas réalisation de dramaturge.

Quoi qu'il en soit, le triomphe a été grand pour l'auteur et son principal interprète, M. Beerbohm Tree, qui personnifiait Ulysse. Pour vous faire juge de la valeur


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dramatique de cette scène, j'en esquisserai l'affabulation. Le rideau se lève sur l'Olympe. Dans un prologue rimé, les dieux mythologiques s'interrogent pour savoir quel sera le sort réservé à Ulysse.

Au premier acte on voit Pénélope, dans le palais d'Ulysse, repousser les offres des prétendants pour ne songer qu'à l'éloignernent de son époux bien aimé. Du pathétique et de la puissance, mais d'action bien définie, point.

Nous retrouvons ensuite Ulysse dans l'île enchantée de Galypso, où les charmes de la magicienne le retiennent, malgré le regret qu'il a du pays natal, de sa femme et de son fils.

Après avoir pénétré dans les Enfers, nous voici de nouveau dans le palais d'Ulysse. Le voyageur qui a couru tant d'aventures, qui s'est trouvé si longtemps éloigné des siens, goûte de nouveau les joies pures du foyer familial, et c'est auprès de Pénélope et de Télémaqne qu'il dit son bonheur sans mélange.

Il n'y a point là, je le répète, un sujet de tragédie, mais les Anglais savent récompenser leurs poètes et ils ont prouvé à M. Philipp que la musique de ses vers suffisait à leur contentement. INTÉRIM.

Vienne. — Cette semaine on a joué à l'Opéra : Dimanche, Tannhaüser ; lundi, Feuersnoth, Coppélia ; mardi, la Chauve-Souris ; mercredi, Manon ; jeudi, Tristan et Iseult ; vendredi, les Contes d'Hoffmann ; samedi, la Dame blanche.

Au Hofburgtheater : Dimanche, Soir et matin ; lundi, jeudi, Es lebe das Leben ; mardi, Die Zwillingschwester mercredi, Morituri ; vendredi, Ein treuer Diener seines Herrn ; samedi, Troïlus et Cressida.

Au Deutsches Volkstheater : Dimanche, Der neue Simson ; lundi, le Quatrième commandement ; mardi, Colombine, les Maris de Léontine ; mercredi, Auf der Sonnenseite ; jeudi, Das grobe Hemd ; vendredi, le Vieux Heidelberg ; samedi, la Famille Schimek.

Au Carl Theater : Dimanche et tous les soirs, Das füsse Mädel.

Au Raimund Theater : Dimanche, mardi, jeudi, samedi, Taroh ; lundi, mercredi, vendredi, Der Kellermeister.

Au Theater an der Wien : Toute la semaine, représentations de Mme Sada Yacco et de M. Kawakami dans leur répertoire et de Mme Loïe Fuller dans ses danses.

Au Theater in der Josephstadt : Tous les soirs, la Bourse ou la vie.

Le nouvel « Institut pour l'histoire de la musique " s'est constitué et a déjà reçu en dons plus de 6.000couronnes en espèces et une certaine quantité de livres et de musique.

Le comité pour le monument de Brahms a ouvert un concours entre quatre sculpteurs réputés qui ont accepté l'invitation. Parmi ces artistes se trouve M. Max Klinger, auquel on doit le beau buste de Liszt récemment installé au Gewandhaus de Leipzig.

M. Karl Bruckner vient d'être nommé vice-hofkapellmeister de la chapelle impériale, en remplacement de M. Hellmesberger, promu premier hofkapellmeister. M. Bruckner a déjà été soliste à la chapelle impériale ; il est actuellement cantor adjoint à la maîtrise de la cathédrale de Saint-Etienne.

La veuve du compositeur Franz de Suppé a offert toutes les collections artistiques de son mari au musée de notre ville. On y trouve les partitions autographes de toutes les opérettes de l'artiste et un certain nombre d'oeuvres inédites, entre autres une ouverture et 28 mélodies. Un clavecin âgé déjà de trois cents ans est un rare bibelot qui offre un grand intérêt. KUNSTLER,

NOTES ET INFORMATIONS

— A l'Opéra : Encore des souvenirs.

La semaine a été heureuse. Siegfried continue à encaisser de superbes recettes, et M. Gailhard donne tous ses soins aux dernières études de l'Africaine.

La reprise de cet ouvrage ouvre le champ très large aux souvenirs sur Meyerbeer que nombre de critiques et de dilettantes ont déclaré mort à tout jamais, quand les partitions de Wagner conquirent droit de cité à Paris. Comme s'il n'y avait pas, — dans un répertoire comme celui de l'Académie Nationale de Musique,— place pour les oeuvres les plus diverses, les plus disparates ! Le succès de Tannhaüser, de Lohengrin, de la Walkyrie, des Maîtres Chanteurs et de Siegfried empêche-t-il le public d'accourir aux représentations de Faust ou des Huguenots ? Non, évidemment : et, pourtant, les drames lyriques de Gounod ou de Meyerbeer, un peu négligés en ces derniers temps sous le rapport de la mise en scène, sont loin d'attirer la foule par le luxe de leurs décors et l'intérêt de leur interprétation.

Aux notes que nous avons publiées sur l'Africaine, la semaine passée, ajoutons quelques autres notes sur la jeunesse du compositeur, qui — en dépit de certaines critiques très méprisantes — n'en fut pas moins et n'en reste pas moins le chef d'une école nouvelle.

Meyerbeer naquit à Berlin en 1794. Ce fut un enfant prodige. A l'âge de quatre ans, il harmonisait des mélodies ; à sept ans, il donnait un grand concert à Berlin, et y faisait admirer sa virtuosité sur le piano. Son succès fut extraordinaire et on le classa bien vite parmi les pianistes les plus habiles de l'Allemagne.

Dans le même temps, un richissime ami de sa famille, nommé Meyer, lui léguait une fortune considérable, à la condition d'ajouter le nom de Meyer à celui de Beer.

Meyerbeer continua de travailler avec acharnement et, à douze ans, ses professeurs louaient déjà son style dramatique. L'un d'eux, Vogler, lui écrivait :

« Il y a pour vous un bel avenir dans l'art. Venez près « de moi, à Darmstadt. Je vous recevrai comme un fils, « et je vous ferai puiser à la source des connaissances « musicales. »

Meyerbeer accepta l'invitation ; et quelques années après, il était nommé compositeur de la Cour. Il faisait exécuter au Théâtre Royal un grand oratorio intitulé Dieu et la Nature ; et chacun déclarait à l'envi que « ce musicien avait trouvé des «. formes nouvelles et des effets inconnus ". Et il n'avait pas dix-sept ans !

L'année suivante, Meyerbeer donnait son premier ouvrage dramatique la Fille de Jcphlé. Puis, ce fut le tour d'un monodrame, les Amours de Thecelinde ; d'un opéra-comique, les Deux Califes ; d'un opéra semi seria, Romilda et Costanza (donné à Padoue) ; d'une Sémiramis (donnée à Turin) ; d'une Emma de Resbourg (donnée à Venise) ; d'une Marguerite d'Anjou (donnée à la Scala de Milan) ; de l'Esule di Grannta (même théâtre). Il écrivit encore trois autres partitions, Almanzor, la Porte de Brandebourg et le Crociato.

Robert le Diable, la première oeuvre qu'il donna à Paris, celle qui consacra sa jeune renommée, est en réalité sa douzième partition.


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LE MONDE ARTISTE

Avec Robert le Diable, les recettes de l'Opéra atteignirent le chiffre de 10,000 francs, jusqu'alors inconnues. Cet opéra fut traduit immédiatement en italien, en allemand, en anglais, en hollandais, en russe, en polonais et en danois.

On sait que les Huguenots, le Prophète, l' Etoile du Nord, le Pardon de Ploërmel et l' Africaine complètent le bagage de Meyerbeer.

— A l'Opéra-Comique.

Voici les recettes encaissées par l'Opéra-Comique pendant le mois qui vient de s'écouler :

1. Grisélidis 9.152

2. (Matinée),Le Domino Noir 9.454

2. Mireille.... 8.000

3. (Matinée), Carmen - 4.401

3. Grisélidis 9.260

4. Manon 9.039

5. (Matinée), Grisélidis 8.959

5. Louise 5.569

6. Orphée 5.652

7. Le Domino Noir 5.108

8. Grisélidis 7.390

9. Louise 5.992

10. Grisélidis 7.972

11. Mireille 7.630

12. (Matinée), Grisélidis 8.848

12. Manon 5.224

13. La Vie de Bohème 3.686

14. Grisélidis 7.511

15. Carmen 6.865

16. Le Juif polonais 5.858

17. Grisélidis 8.798

18. Louise 8.329

19. (Matinée), Grisélidis 9.138

19. Mireille 4.680

20. Le Domino Noir 4.134

21. Manon 5.819

22. Grisélidis 9.662

23. Orphée 7.039

24. Grisélidis .. 6.959

25. Le Juif polonais , 5.902

26. (Matinée), Grisélidis 8.475

26. Louise 5.212

27. Carmen 5.436

28. Grisélidis 5.297

29. Manon 5.256

30. Grisélidis 7.999

31. Louise 4 385

L'Opéra-Comique a donc joué 37 fois dans le courant de janvier 1902 et encaissé 254,090 francs, ce qui donne le chiffre de 6,867 francs par représentation.

Pendant le mois correspondant de l'année 1901, l'Opéra-Comique avait joué 37 fois et encaissé 204,482 francs, ce qui donnait une moyenne de 5,526 francs par représentation.

— A la Comédie-Française : la Semaine.

Les esprits sont tout au travail, et c'est dans le plus grand calme, mais aussi avec la plus grande activité, que sont poursuivies les études des Burgraves.

La distribution de l'oeuvre de Victor Hugo exige la présence de 22 artistes. Tout le monde est exact, depuis M. Mounet-Sully jusqu'à M. Gany : depuis Mme Bartet jusqu'à Mlle Lherbay.

La pièce ne comporte que trois décors, — trois intérieurs, — mais la mise en scène en est fort compliquée. M. Camille Saint-Saëns a écrit une véritable partition pour les Burgraves : une Marche, une Fanfare, le Chant de l'Orgie, la Chanson du Comte Lupus (qu'interprétera Mlle Bertiny) et aussi ce que l'on appelle de la Musique de Scène. L'orchestre, installé dans la coulisse, sera dirigé par M. Léon.

A l'origine, les Burgraves furent très mal accueillis, et la pièce n'eut que quinze représentations. L'auteur de Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie rapporte qu'à la « première » le public n'applaudit pas et ne siffla pas non plus, mais qu'il se rattrapa à la suivante par des cris, des ricanements, des interruptions de toute sorte.

Ecoeuré, Victor Hugo renonça au théâtre, ne voulant plus « livrer sa pensée à ces insultes faciles et à ces sifflets de parti pris ». Ainsi, dans la Grèce antique, Eschyle, méconnu, s'exila en disant:

— Je consacre mes oeuvres au Temps.

Dans son Etude sur la Comédie-Française depuis 1830, Laugier, à propos des Burgraves, relate cette piquante anecdote qui donnera Une idée des précautions que les auteurs devaient prendre il y a un demi-siècle pour défendre leurs oeuvres, contre les « Cabales ».

Un chef célèbre de l'Ecole Romantique, inquiet de l'attitude prise par une partie du public aux représentations d'une de ses oeuvres, vint demander à l'administration de la Comédie-Française le nombre de places que contenait la salle.

— 1,700 places environ, lui fut-il répondu.

— J'exige donc, fit-il, pendant quatre ou cinq soirées de ma pièce qu'on me remette 1,700 billets de stalles numérotées pour les distribuer à mon gré.

Laugier n'ajoute pas que le moyen réussit à faire un succès de l'oeuvre malmenée. C'était l'époque où, comme nous le raconte Fournel dans ses Curiosités théâtrales (toujours à propos des Burgraves), les Cabales envahissaient le théâtre : les JeuneFrance y applaudissant fraternellement, côte à côte avec les Scieurs de long de Frédéric Soulié, prêts, eux aussi, à assommer le bougeois, le « pleutre » qui venait pour siffler.

Egratignures

et Caresses.

MON CARNET

Tout écrivain devrait faire un volume avec ses souvenirs d'enfant. A coup sûr, on y trouverait la marque de sa destinée.

Eveillez-vous donc, sensations de mes primes années. Je veux, grâce à vous, composer des tableautins durables.

Le plus lointain de mes sentiments fut de l'humiliation en face d'une colère paternelle. Ma mère pleurait et mon âme neuve songeait déjà à la vengeance.

Le premier de mes meilleurs souvenirs, c'est qu'une de mes questions sur la naissance des êtres mit mes parents dans l'impossibilité de me répondre. Il me sembla que j'avais tué leur savoir. C'était une revanche de mon ignorance.

Dès l'âge de huit ans. j'avais un grand amour des belles formes. Et je dis alors pourquoi des deux lavandières qui se baignaient toutes nues dans la rivière, je préférais celle dont la poitrine était opulente, dont les yeux étaient grands et le nez droit.


Le MONDE ARTISTE

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Mon affection pour les bêtes me fit prendre en horreur les dénicheurs de nids, les bourreaux de papillons, les charretiers manieurs du fouet terrible, et je me souviens que le vétérinaire qui abattit notre chien malade, passa, à mes yeux, pour le plus lâche des assassins.

Elles sont présentes à mon esprit, les rêveries que j'eus devant le commerce des abeilles, le labeur des fourmis, la merveilleuse patience des araignées. Observateur passionné des choses de la Nature, il m'arriva de pleurer aux cimetières des infiniment petits.

A dix ans, j'aimais les femmes pour la chaleur de leurs girons, la douceur molle de leurs doigts, et pour le plaisir de caresser leurs cheveux.

Je fus une grande victime de la peur des ténèbres. Quand on m'obligeait à traverser le jardin, seul, par les allées tortueuses, je mâchais de l'ombre entre mes dents claquantes, et je buvais de la nuit amère comme du poison, jusqu'à suffoquer.

Par contre, la grande lumière me rendait fou de joie. Personne n'a aimé le soleil plus que moi, et du jour de ma première communion, il ne m'est resté que l'image des clartés multicolores versées par les vitraux de l'église sur les dalles blanches et noires du choeur.

Mon désir des sommets est le plus ancien de mes désirs. Pour le satisfaire, je montais sur le belvédère de la petite maison familiale, et j'étais plein de mépris pour les gens de la rue.

Je n'eus jamais le sentiment du respect. Je n'étais déférent qu'envers les robustes, mais à force égale, je ne cédais point. J. D.

— Faits divers.

Un ténor qui se fâche : M. Tamagno, violemment attaqué par un journal hebdomadaire de Milan, a appelé télégraphiquement l'avocat Nasi, de Turin, pour le consulter sur le procès qu'il veut intenter au journaliste.

Suicide par amour : Une jeune artiste, Mlle Aimée Soliman, s'est tuée d'un coup de revolver à Gênes, où la troupe Scognamiglio (dont elle fait partie) est en représentations. La cause : l'abandon de son protecteur, un vice-consul, qui épouse une dame de l'aristocratie romaine.

Quelques Statues : Une souscription est ouverte à Rome, à l'effet d'élever une statue à chacun de ces trois hommes de génie, Dante, Shakespeare et Goethe.

Goethe aura de la sorte deux statues à Rome. Guillaume II, en effet, en a commandé une au sculpteur Eberlein, avec les figures de Faust, du Tasse, d'Egmont et d'Iphigénie, dont il fera cadeau à la ville de Rome.

Opéra Populaire : C'est à Copenhague qu'on vient de l'inaugurer, avec Gringoire de Brüll, Prinzessin auf der Erbse de Erma, Wildschütz de Lortzing, et Djamileh de Bizet. Le succès a couronné l'entreprise, ce qui ne nous étonne pas:

Et, à propos de Djamileh, pourquoi M. Carré ne nous rend-il pas ce joyau de notre regretté Bizet?

Etrange combinaison : L'Intendance du Théâtre Royal de Munich a signé un traité avec l'Agence de voyages Schenker (de Vienne), par lequel cette Agence prend à sa charge, pour trois années, la moitié des frais des Représentations Wagnériennes qui seront données cet été au Théâtre du Prince Régent.

Werther en Italie ; Ce bel ouvrage de Massenet fait son tour d'Italie en triomphateur. A Brescia;

où on le donne depuis un mois, la dernière recette a été la plus forte qu'on puisse encaisser. Le protagoniste, M. Colli, est magnifique, paraît-il, dans ce rôle, et chaque soir le public, électrisé par son jeu et par sa voix, lui fait ovations sur ovations.

Encore un ouvrage que M. Albert Carré devrait bien nous rendre .

Encore Werther : C'est de Lisbonne que l'on nous écrit le grand succès de cet ouvrage au San Carlo. M. Clément, de l'Opéra-Comique (Werther), chantait pour la première fois au San Carlo, et il a reçu un accueil chaleureux. C'était notre ami, le très remarquable musicien Mancinelli, qui dirigeait l'orchestre.

Fin de saison : Le Liceo de Barcelone a fermé ses portes, après une saison peu fructueuse.

— Un nouveau théâtre.

A Mérida (Yucatan-Mexique), une société composée des plus illustres personnages de la région, a entrepris de doter la ville d'un grand théâtre qui prendra le nom de Peord-Contrevos. Cette société s'est adressée à M. Enrico Deserti, l'ingénieur italien à qui l'on doit le Musée Humbert Ier à Naples et qui est l'auteur du projet de la galerie de la Place Colonna, à Rome.

A la salle des Ingénieurs civils de France, 19, rue Blanche, ont.été réunies les toiles du plafond de la salle du nouveau théâtre. La décoration picturale a été exécutée par M. Guidi, pour les figures, et par M. Marionnel, pour les fonds et les paysages : les huit parties, qui la composent forment un ensemble très harmonieux, représentant le cortège des Lettres, des Sciences et des Art (peinture, musique, danse), venant rendre hommage au Mexique. L'allégorie, poétiquement esquissée en un coloris très brillant, présente un réel intérêt artistique : le panneau de la danse en particulier est un petit chef-d'oeuvre de nus, savamment groupés en un ensemble de mouvements des plus suggestifs; la lumière éclatante, qui tombe sur les personnages et égaie les paysages, au milieu desquels ils se meuvent, montre que les deux artistes ont travaillé de concert, avec un accord parfait : aussi leur oeuvre est-elle de celles qui fixent l'attention et attirent malgré soi le visiteur.

— Enrichie par le hasard.

Miss Wilson, une jeune et jolie actrice d'un théâtre populaire de New-York, vient de faire fortune en moins de quinze jours, en gagnant à la Bourse. Elle avait épargné, à force de sacrifices, une dizaine de mille francs. Un jour elle se mit à jouer, gagna d'abord et perdit ensuite presque jusqu'à son dernier sou.

Récemment, elle se risqua dans le choix d'une autre valeur et, en huit jours, réalisa deux millions et demi.

Entraînée par ce succès inattendu, elle joua 50.000 francs et gagna en quelques jours douze cent cinquante mille francs !

Malgré cette fortune, Miss Wilson continue à paraître en scène.

— Le Théâtre de Saint-Denis.

Le croirait-on ? Saint-Denis, la cité de peine et. de travail, ne possédait point de théâtre. Les Dyonisiens en souffraient dans leur amour-propre et dans leur désir, bien naturel, de se distraire aux heures de loisir»


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LE MONDE ARTISTE

Cette lacune, vient d'être comblée. Sur les fonds municipaux, une somme de 1.200.000 francs fut prise, voici quelque dix ans, pour construire une salle digne de la ville ; et, dimanche, à dix heures du matin, le monument était remis, au cours d'une cérémonie très simple, à la municipalité, c'est-àdire à MM. Thivet-Antin, maire, G. Floquet, Adam et Blanchard, adjoints, par M. Richter, l'architecte.

Dans l'après-midi, le public, que l'on peut évaluer à 30.000 personnes, a été admis à visiter « son théâtre ».

C'est une oeuvre digne en tous points d'être remarquée. Et tous ceux qui l'ont vue, des heures durant, ne se sont point fait faute d'en admirer la -clarté, les 1.300 fauteuils de velours d'or, le foyer vaste qui occupe toute la façade.

Le soir, une représentation de gala a été donnée.

Et les Dyonisiens sont heureux, à bon droit.

— Un anniversaire artistique.

La Société philharmonique de Laybach, qui est la plus ancienne corporation musicale de l'Autriche, se prépare à célébrer le 200e anniversaire de sa fondation. La petite ville de Laybach fut, autrefois, un centre fameux d'érudition artistique ; en 1660, on y jouait l'opéra italien, juste dix ans avant la représentation, à Paris, de la Pomone, de Perrin et Cambert. En 1800, la Société nomma président d'honneur Joseph Haydn, qui se montra fort honoré de cette attention. En 1819, Beethoven, nommé membre, envoya à la Socitété une lettre autographe en date du 4 mai, et une copie de la partition de la Symphonie pastorale, avec plusieurs notes autographes qui indiquaient les « temps ». En 1815, la Société avait fondé une Ecole de musique, et, en 1827, elle organisa des représentations d'opéra. La Dame blanche fut la première oeuvre jouée à Laybach.

La Société, pour fêter son glorieux anniversaire, donnera, en mai prochain, un festival musical qui durera trois jours.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

Le premier numéro du Bulletin de la Société de l'histoire du théâtre vient de paraître à la librairie Charles Schmid, en un superbe fascicule grand in-8° de 160 pages, aussi luxueusement imprimé que richement illustré. La Société de l'histoire du théâtre, récemment constituée sous la présidence de M. Victorien Sardou avec MM. Edouard Detaille et Gustave Larroumet comme vice-présidents et M. Paul Ginisty comme secrétaire général, compte comme membres MM. A. Arnault, Henry Bouchot, Georges Gain, Léo Claretie, Henri de Gurzon, Stéphane Dervillé, d'Estournelles de Constant, Maurice Faure, Henri Lavedan, GosselinLenôtre, Charles Malherbe, Henry Martin, Georges Montorgueil, Georges Monval, Arthur Pougin, Gustave Roger, Camille Saint-Saëns, Albert Soubies et J.-B. Weckerlin. Son titre indique suffisamment son but, qui est de donner une impulsion active aux recherches et aux travaux relatifs à l'histoire du théâtre dans tous les temps, dans tous les pays et dans tous les genres. Sous ce rapport, on peut dire que la publication de son Bulletin trimestriel comble une véritable lacune car malgré les nombreux périodiques qui ont le théâtre pour objet

et pour sujet, il n'existait en France aucun recueil bistorique sur celui de tous les arts qui passionne peutêtre le plus la foule et les lettrés. Le premier numéro de ce Bulletin est de nature à en faire comprendre l'importance et l'utilité. Il contient les articles et travaux suivants : le Térence des Ducs et la mise en scène au moyen âge, par M. Henry Martin ; Mademoiselle Maucourt.directrice des théâtres français en Italie (1806-1807), par M. Henry Lyonnet ; Bouffé et « Michel Perrin », pa M. Henri de Curzon ; une Préface inédite d'Emile Augier ; Souvenirs d'un comédien pendant la Commune, par Edmond Got (de la Comédie-Française) ; pièces et documents divers, parmi lesquels on peut citer : un autographe de Collot d'Herbois, reproduction d'un traité passé en 1791 avec un directeur de théâtre, alors que le farouche révolutionnaire n'était encore qu'un auteur dramatique, assez médiocre d'ailleurs; — un autographe dé La Bussière, le héros de Thermidor, de V. Sardou ; — une lettre de Beaumarchais de 1789, dans laquelle le célèbre écrivain exprime, déjà ses craintes devant " la fermentation qui augmente » ; — une quittance de 21,563 livres 11 sols donnée par l'auteur d'une pièce intitulée : La veuve du Malabar pour honoraires de deux représentations au Théâtre de la rue Feydeau, payée il est vrai... en assignats ; — une lettre écrite en 1828 par le Préfet de police Debelleyme au ministre de l'Intérieur, sur la nécessité d'interdire les rappels dans les théâtres, « comme pouvant provoquer des scènes tumultueuses » ; — le procès d'un acteur refusant par modestie de jouer le rôle de Napoléon ; — une étude sur les théâtres et comédiens du Vieux Paris, avec de nombreuses illustrations, etc., etc.

Ajoutons que dès ce premier numéro de son Bulletin, la Société de l'histoire du théâtre ouvre un concours, avec un prix de 500 francs, sur le sujet suivant : " Les comédiens au For-l'Evêque: notes et documents inédits sur l'origine do cette prison ; ses règlements ; sa topographie ; son iconographie ; sa destruction. "

La Revue Théâtrale Italienne (1er février 1902) contient une étude fort intéressante sur Adélaïde Ristori, par G. de Martino ; des portraits de la grande tragédienne et de curieux articles de Salvatore Farina, d'Achille Melandri, de Baffico, etc. Cette belle publication mérite tout le succès qu'elle obtient partout.

Le dernier numéro de Pel e Ploma, la si remarquable revue d'art qui se publie à Barcelone, est vraiment de premier ordre. Entre autres merveilles de Casas, il contient un portrait de Raoul Pugno, à la sanguine, admirable d'expression et de vérité, un portrait sur couverture qui est d'une exquise délicatesse, et de fins croquis ainsi que des affiches de Hohenstein et de Hassall, sans compter un hors texte de toute beauté et un charmant panneau décoratif de Privot-Livemont.

AU MERCURE DE FRANCE. — Aux flancs du vase, par Albert Samain. Cette oeuvre posthume du tant regretté artiste, contient, parmi des poèmes inachevés, nombre de pages d'une beauté sereine et parfumée d'un souffle grec.

Deux actes : Polyphéme, véritable joyau poétique, me font songer que « les Latins » devraient bien les mettre à la scène, car tout l'antique hellénique respire en douceur et en force dans cet essai théâtral, et l'on aurait ainsi la preuve que Samain pouvait devenir auteur dramatique de précieux mérite. — La Poésie nouvelle, par André Beaunier. Dans ce livre très documenté l'auteur explique la poésie qui depuis quinze ans a remplacé l'école des Parnassiens. Il nous montre, sous leur vrai jour, des artistes comme Rimbaud, Laforgue, Gustave Kahn, Jean Moréas, Henri de Régnier, Stuart Merrill, Paul Fort, etc., tous si dissemblables par le talent et pourtant unis dans l'idée de redonner


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de la vigueur à la poésie française qui mourait de langueur. Cette suite de biographies, où la personnalité de chacun est analysée avec un sens critique très affiné, forme une intéressante collection de portraits moraux.

MEMENTO.

COURRIER DE LA SEMAINE

PARIS.

— Retraites et pensions à l'Opéra.

La commission de la caisse des retraites et de la caisse de pensions viagères et de secours à l'Opéra (liquidation de l'ancienne caisse des retraites) vient de présenter au ministre de l'instruction publique et des beaux-arts son quatorzième rapport annuel.

Nous y relevons les renseignement suivants :

Le nombre, des tributaires, qui était de 99 au 31 décembre 1900, est réduit, au 31 décembre 1901, à 92, ainsi répartis :

Administration 2, scène 3, ballet 5, orchestre 24, danse 14, choeurs 24, contrôle 9, bâtiment 1, costumes 2, décoration 8 ; total 92.

Voici la liste des pensions accordées en 1901 : Pensions d'ancienneté : MM. Loeb 1,600 francs, Vallenot 4,125, Franquin 1,245, Chiardola 950, Turban 1,611, François 1.028, Mlle Lebel (Henriette) 1,000.

Pensions de veuves : Mmes veuves Egée 400, Cohen 777, Albert 597, Moison 270.

— Au Petit-Palais.

C'est à un poète que le préfet de la Seine a confié l'un des postes d'attaché au nouveau musée de la Ville de Paris. Notre confrère Yvanhoé Rambosson a déjà publié plusieurs recueils de poèmes et de critique qui avaient appelé sur lui l'attention.

— La théâtre du Château-d'Eau, où seront données en mai et juin prochain, sous la direction de MM. Alfred Cortot et Willy Schutz, une série de représentations du Crépuscule des Dieux et de Tristan et Isolde de Richard Wagner, sera complètement aménagé et remis à neuf pour la circonstance. Ces représentations seront divisées en trois séries d'abonnements :

Série A, pour quatre mardis de mai et de juin. Série B, pour quatre jeudis de mai et de juin. Série C, pour quatre samedis de mai et de juin. Tout abonnement comprend ainsi quatre représentations.

Les artistes engagés dès à présent sont : MM. Van Dyck, Schmèdes et Dalmorès, ténors ; Victor Maurel, H. Albers et Reder, barytons ; Elmblad, Vallier, Challet et Jacotot, basses ; Mmes F. Litvinne, E. Gulhranson et Janssen, soprani ; Marie Delna, R. Olitzka et Spanyi, contralti. Il est aussi question de l'engagement de Mmes Rréma, Schumann-Heinck, Adiny, et de MM. Edouard de Reszké et Van Rooy. Les chefs d'orchestre seront : MM. Alfred Cortot, Hans Richter et Félix Mottl. Les bureaux du Festival Lyrique sont installés rue Rochechouart, 22.

— Le théâtre des Bouffes semble être devenu un lieu de querelle. A la suite d'une note déclarant que M. Victor Silvestre quittait la direction de cette scène, contraint et forcé, d'autres notes ont paru qui n'éclairoissent guère la situation. En effet, tandis que M. Silvestre affirme qu'à la suite d'une indisposition, il va faire

valoir ses droits, ayant un contrat en règle le nommant directeur technique jusqu'en 1906, M. Lenéka assure que le Conseil d'administration des Bouffes a, dans sa séance du 6 février, décidé de relever de ses fonctions de directeur technique M. Victor Silvestre. Nous enregistrons ces déclarations sans nous permettre de les juger.

— L'inauguration du Photorama de MM. Auguste et Louis Lumière a eu lieu dans l'ancienne salle du PôleNord, aménagée avec infiniment de goût. Les panoramas photographiés, ce qui ne s'était jamais vu jusqu'à présent, ont obtenu, devant un public d'élite, le plus vif succès.

— « Les Latins » viennent de mettre en répétition L'Aïeul, drame en quatre actes de Perez Galdos (traduction Eph. Vincent). Cette oeuvre du célèbre écrivain espagnol, étant interdite dans sa langue originale, constituera un spectacle de gala. Elle sera donnée, à la fin de ce mois, au Nouveau-Théâtre, avec une des plus remarquables comédies dramatiques de l'ancien théâtre vénitien, Bilora, de Ruzzante (traduction Zuocoli et E. Vincent).

On s'inscrit pour cette unique soirée à l'administration des " Latins », 20, rue Victor-Massé.

— Le cours d'opéra-comique si artistiquement dirigé par M. Emile Bourgeois et M. Caroline Pierron, de l'Opéra Comique ayant pris une telle extension, ces deux excellents professeurs se voient forcés d'ouvrir un autre cours réservé uniquement aux gens du monde désireux de jouer et d'exécuter entre eux des oeuvres lyriques.

Ce nouveau cours aura lieu tous les lundis à cinq heures, chez M. Bourgeois (81, avenue Niel), à partir du lundi 17 février.

PROVINCE ET ETRANGER.

— La Société lyrique et symphonique Le Camélia, d'Epernay, fondée en 1884, désirant donner à sa 100e soirée un éclat tout particulier, et laisser subsister dans ses annales un souvenir ineffaçable, a décidé, en dehors d'un brillant concert, qui aura lieu dans le courant du mois d'avril prochain, d'organiser pour le lendemain, c'est-à-dire le dimanche, un Grand Concours international de soli individuel entre instrumentistes, chanteurs et chanteurs comiques.

Des récompenses consistant en diplômes, médailles, primes en espèces, etc., seront décernées par les sommités musicales du monde orphéonique.

Ce concours aura lieu sous la présidence d'honneur de M. Raoul Chandon, Vice-Président de la Fédération Musicale de France, Membre du Comité-Directeur de l'Association des Jurés Orphéoniques.

Le règlement, à l'étude, sera publié très prochainement et adressé aux intéressés.

— C'est mardi prochain que sera donnée à MonteCarlo la première représentation du Jongleur de NotreDame, miracle en trois actes, poème de Maurice Léna, musique de J. Massenet. Le maître est depuis quelques jours l'hôte du prince, et il assiste aux dernières répétitions de son oeuvre, dont la mise en scène réalisée par M. Gunsbourg est, dit-on, superbe.

— Un des meilleurs acteurs espagnols, M. Fernando Diaz de Mendoza, qui se trouve en ce moment à la Havane, vient d'envoyer à l'Association des artistes lyriques et dramatiques espagnols une somme de 25,500 francs, produit d'une représentation donnée par lui en cette ville au bénéfice de l'Association.

— On a inauguré à Athènes le nouveau théâtre royal et national qui est le premier théâtre permanent de la


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LE MONDE ARTISTE

Grèce. Ce théâtre est dû à la munificence du roi Georges On y jouera le drame et la comédie. La soirée d'inauguration a été consacrée à la comédie moderne ; on y a représenté deux pièces grecques intitulées la Mort de Pèriclès et On cherche un domestique Le répertoire qu'on prépare est plus sérieux ; en dehors des poètes classiques de l'antiquité, on nouera les pièces de Shakespare, Racine, Corneille, Molière, Goethe et Schiller. Ce nouveau théâtre ne contient que neuf cents places, ce qui est bien suffisant pour Athènes.

PAUL MILCOUR.

NÉCROLOGIE

— On annonce la mort, à l'âge de soixante-deux ans, de M. Gaston Sicard, ancien artiste de l'Odéon, qui fut aussi pendant une quinzaine d'années un des meilleurs pensionnaires du théâtre Michel, à SaintPétersbourg.

A son retour de Russie, il avait été nommé professeur de diction et art théâtral au Conservatoire de Toulouse.

— Nous apprenons la mort de Mme Lorimey, qui fut pendant de longues années buraliste à l'Opéra-Comique.

Avenante, elle était aimée et connue de tous les Parisiens habitués des premières.

M. Lorimey, son mari, fut longtemps administrateur de Victor Koning à la Renaissance, au Gymnase et à la Comédie-Française.

A la mort de Victor Koning, M. Lorimey fut appelé à remplir ces mêmes fonctions près de M. Peyrieux aux Folies-Dramatiques.

— A Vienne est mort, à l'âge de cinquante ans, le compositeur, Joseph Kopetzky, qui laisse un grand nombre de marches, danses et choeurs. Il avait formé et dirigé un orchestre avec lequel il a fait des tournées nombreuses en Orient, et a même donné des concerts au Cap. Le roi de Grèce l'avait nommé chef d'orchestre royal.

— On annonce la mort de M. Hermann Wolff, le célèbre directeur des concerts de Berlin. Il était né à Cologne, le 4 septembre 1845 ; il fut l'élève de Kroll, et collabora longtemps au journal le Monde Musical ; puis il fonda, en 1878, le Nouveau journal musical. Il

fut le secrétaire de Rubinstein, qu'il accompagna en tournée, et remplaça ensuite H. de Bulow.

Il avait créé les Concerts Philharmoniques de Berlin, et les concerts par abonnement à Hambourg.

COURRIER DE LA MODE

Les petits volants, les froufrous, les noeuds, les flots de ruban, les cascades de dentelle, voilà ce que d'ores et déjà, nous promet la mode pour le printemps et l'été prochains.

La mousseline de soie, la dentelle en laize, le voile, l'éolienne, et en général tous les tissus souples, légers et transparents, incrustés ou brodés, seront assurément les rois de la belle saison.

Si on revient au Louis XV par le corsage, on aura bien de la peine, je crois, à abandonner la jupe plate, longue et enveloppante, si gracieuse et si parisienne.

Quant aux chapeaux, il est encore un peu tôt pour en pouvoir parler. Seuls, les bouquets de violettes commencent comme chaque année, du reste, à remplacer les lourds ornements d'hiver, et à faire pressentir le ratour des beaux jours.

En ce qui concerne les cheveux, dont le soin ne saurait être trop chaudement recommandé aux hommes comme aux femmes, on ne saurait trop recommander pour leur entretien, l'usage de l'Extrait capillaire des Bénédictins:du Mont-Mojella, qu'on peut se procurer à Paris, 35, rue du Quatre-Septemhre, chez l'administrateur, M. E. Senet, au prix de 6 francs le flacon, et 6 fr. 85 franco, contre mandat-poste. Grâce à cet extrait, on retarde la décoloration, arrête la chute, détruit les pellicules, et fait repousser les cheveux. Se défier des contrefaçons.

BERTHE DE PRÉSILLY.

CONSEIL. — A celle de mes lectrices que préoccupe la conservation de sa prime beauté, je recommande la Véritable Eau de Ninon ; elle est composée suivant la recette employée jadis par la belle et célèbre Ninon de Lenclos. Cette eau empêche et efface les rides, boutons, taches de rousseur. Son prix est de 6 francs le flacon, et franco, contre mandat-poste de 6 fr. 50. Exiger le nom de la Parfumerie Ninon, 31, rue du Quatre-Septembre, pour éviter les contrefaçons.

- B. DE P.

Paris. - Imprimerie de la Cour d'appel, L. MARETHEUX, directeur, 1, rue Cassette.