72 SAGESSE ET PAUL VERLAINE
Le chagrin qui me tue est ironique, et joint Le sarcasme au supplice, et ne torture point^ Franchement, mais picote avec un faux sourire.
(IBID. — Jésuitisme).
Vienne le coup d'aile de l'amour et c'est le moineau lyrique qui s'envole de l'épaule de bronze de Leconte de Lisle, vers son champ d'azur à lui, où il modulera, avec tant de liberté et de suavité : La Bonne chanson, précédée par Les Fêtes galantes, ce chef-d'oeuvre de mobilité gracieuse et fantasque où flottent les écharpes des belles marquises ; où les Pierrot et Colombine de Watteau dansent de délicieux menuets poétiques. Plus tard, lorsque les serres de la douleur auront déposé Verlaine aux pieds de Celui qui a le flanc percé et la couronne d'épines, le Parnasse sera loin. Verlaine ne sera plus que l'ineffable Verlaine et le propre artiste de son génie.
Néanmoins, c'est avec le Parnasse que le jeune Verlaine s'est engagé sur la voie sacrée et douloureuse des poètes. Dans la boutique de Lemerre, dans le salon de Xavier de Ricard, ou bien encore chez Nina de Villars, il fréquente les poètes ses pairs et ses maîtres : Leconte de Lisle et Théodore de Banville ; Léon Dierxet José-Maria de Heredia ; Léon Valade et Albert Mérat ; Sully Prudhomme et François Coppée ; Catulle Mendès, Stéphane Mallarmé, VJlliers de l'Isle-Adam et d'autres.
Trois belles oeuvres l'avaient déjà sacré poète sans lui donner la glc;re, d'ailleurs, ni même le succès.
Il allait suivre encore le même destin, cette fois sur une voie très insolite avec son ami Rimbaud d'abord, ensuite livré seul à son génie, le génie d'un poète solitaire qui chante à sa guise, sa nruVre infinie, ses exaltations d'âme, ou ses plaisirs.