ET PAUL VERLAINE 63
d'ailleurs, en convient : « Mes chutes sont dues à quoi? Accuserai-je mon sang, mon éducation? Mais jetais bon, chaste... Ah! la boisson qui a développé l'acare, le bacille, le microbe de la Luxure à ce point en ma chair faite pourtant pour la norme et la règle l ».
Les réactions de Verlaine contre son penchant fatal, ses conversions morales, ses ferveurs religieuses successives, coïncident, est-il besoin de le dire, avec les doux et meilleurs moments de sa vie, ses climats providentiels. Telles sont ses deux années de fiançailles, chastes et sobres, avec le réveil printanier de son coeur, volière alors où tant de belles chansons essaient leurs ailes immaculées avant de jaillir vers la lumière. L'on peut en dire autant de ses exils d'Angleterre, les bons, ceux qu'il passe à Stickney, à Bournemouth où il devient, fort sérieusement et très dignement « master Verlaine ». Aux vacances de 1876, Ernest Delahaye revoit son ami, retour de chez les « Englisch », à Charleville : « Sa sérénité joyeuse ne s'est point démentie, plus assurée même qu'aux dernières vacances. La santé est parfaite, souple le corps nerveux sur les jambes dansantes, vif, délicieux l'esprit où la fantaisie gavroche s'unit à l'amère expérience de l'homme qui a vécu si intensément... 2 » Puis viennent les deux années scolaires passées comme professeur au collège Notre-Dame de Rethel. Le nouveau maître est si sévère d'attitude, si austère de moeurs, tellement taciturne en sa réserve, qu'il intimide les bons pères ses collègues. Quelle agréable surprise lorsque l'un d'eux dit aux autres : « Avez-vous remarqué : Il a ri !3 » C'était un vrai soulagement.
C'est alors que ce poète dont la barque avait chaviré quelques années auparavant pouvait dire avec satisfaction :
1. Paul Verlaine à F. A. Carals, 26 août 1889.
2. Verlaine, p. 239.
3. Ibil, p. 252.