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Titre : Bulletin de la Société zoologique d'acclimatation

Auteur : Société nationale de protection de la nature (France). Auteur du texte

Éditeur : Goin (Paris)

Date d'édition : 1862-11-01

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb345084433

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb345084433/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 14696

Description : 01 novembre 1862

Description : 1862/11/01 (T9)-1862/11/30.

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k54489650

Source : Bibliothèque nationale de France, département Sciences et techniques, 8-S-631

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 28/10/2008

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I. TRAVAUX DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ.

DESCRIPTION DES MOUTONS DE CHINE

ENVOYES A SON ALTESSE ROYALE LE PRINCE ALBERT

Par M. RUTHERFORD-ALCOCK, Esq. H. M„

Vice-consul à Chang-haï,

PRESENTES PAR M. H. R. H. A LA SOCIETE ZOOLOGIQUE EN AVRIL 1855, Par M. A. D. BARTLETT, Esq.

(Séance du 21 novembre 1862.)

Ces Moutons diffèrent de tous ceux que j'ai vus en ce qu'ils n'ont pas d'oreilles extérieures. Ils sont égaux pour la taille aux Moutons ordinaires ; leur laine est parfaitement blanche, grossière et mélangée de longs poils. La tête et la face sont lisses et couvertes de longs poils; ils n'ont pas de cornes. La queue est courte, large, contournée vers l'extrémité. Le profil de la face est très convexe.

La grande reproduction de ces Moutons a attiré mon attention ; ils se reproduisent deux fois dans l'année, et ont quatre, quelquefois cinq petits d'une portée. Les Brebis qui sont dans le jardin de la Société ont produit ce printemps quinze agneaux très facilement élevés à la main, qui sont très robustes. Il paraît, par l'Histoire de Chine publiée en 1847 par miss Baner, que depuis l'introduction du Coton en Chine, qui eut lieu sous la dynastie des Ming, il y a environ cinq cents ans, l'élève du Mouton a été négligée, comme l'extrait suivant le prouve :

« La culture du Coton, très étendue, fut une des causes qui conduisirent à la presque disparition du Mouton dans les provinces du sud. On trouva qu'il faudrait plus de terrain pour fournir un certain nombre d'individus de Moutons et produire une certaine quantité de laine, qu'il n'en faut pour les entretenir.de riz et de coton. Les pâturages furent graT.

graT. — Novembre 1862. 59


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duellement changés en rizières et en plantations de Coton; les Moutons, relégués dans les montagnes, devinrent moins féconds, étant exilés dans les parties du pays les moins fertiles. Pour la même raison, le bétail, les chevaux et animaux domestiques sont clair-semés; le petit nombre, gardé,pour la culture, est chétif, mal nourri, car il n'y a pas de communal où il puisse pâturer, de sorte qu'on l'attache à l'étable, lorsqu'on ne s'en sert pas pour le labour. Les laiteries sont inconnues en Chine ; on n'y fait usage ni de lait, ni de beurre, ni de fromage. »

Dans une lettre récente de la Chine, il est fait mention d'un dîner offert à des amis haut placés : une des délicatesses de ce repas était un gigot de Mouton, dont le prix s'élevait à 30 shillings.

J'ai soumis un échantillon de la laine de ces Moutons à mon ami le docteur Price, qui l'a obligeamment envoyé à M. Darlington, secrétaire de la chambre du commerce à Bradford, afin de le faire examiner par des juges compétents, Voici le résultat de leur opinion : « L'échantillon de la laine du Mouton de Chine, retiré de la lettre du docteur Price, est une espèce de laine qui sera fort recherchée par les fabricants du district pour des tissus de deuxième qualité, vu qu'elle paraît être susceptible de s'appliquer à différents usages, et vaudrait environ un shilling la livre. » D'après ce prononcé, l'introduction de cette laine n'offrirait pas dé grands profits ; mais il me semble très probable que l'élève étant judicieusement soigné et croisé, on peut en attendre un grand perfectionnement ; toutefois il est de la plus haute importance pour nous de posséder des animaux dont la puissance de reproduction est si grande, afin de fournir à la demande de viande.

L'origine de nos animaux domestiques a été le sujet de longues discussions. La période de leur domesticité est enveloppée de doute; ce mystère et cette obscurité ne seront vraisemblablement jamais éclairés d'une manière satisfaisante; néanmoins il est intéressant de trouver, dans une contrée d'une date aussi ancienne que la Chine; les animaux domes-


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tiques les plus parfaits, je veux dire les animaux qui sont le plus éloignés de leur condition naturelle. Connaissant les changements miraculeux qu'on peut obtenir dans le règne végétal par l'habile méthode de la propagation, de la culture, et l'éducation artificielle des plantes, changeant complètement leur nature, produisant toute espèce de variétés, de croissance monstrueuse ; des fleurs doubles, des fruits et des semences en énorme abondance, tout cela par l'action de l'homme ; ne peut-on présumer qu'il est plus que probable qu'un peuple tel que les Chinois, que nous savons avoir pratiqué cet art durant des siècles, a, par des moyens artificiels, produit cette puissance chez ses animaux domestiques?

Nous savons que les Porcs, la volaille, les Oies et les Moutons de Chine sont plus prolifiques que ces mêmes animaux dans d'autres parties du monde. On a des exemples de Truies chinoises produisant vingt-deux petits d'une portée; je l'ai constaté moi-même. Leurs volailles n'ont pas de rivales pour le nombre de leurs oeufs, et leurs Oies, comme reproducteurs, sont sans égales. Il est presque inutile de dire que le résultat de la culture, qu'il soit appliqué aux plantes ou aux animaux, a produit des conditions surnaturelles et anormales; les exemples en sont trop nombreux pour être cités, il suffira de mentionner les Pigeons et les Canards. Les premiers, à l'état sauvage, ne donnent que deux couvées dans une saison; en domesticité, ils couvent toute l'année. Les Canes domestiques ne produisent pas seulement un plus grand nombre d'oeufs, mais un mâle suffit à plusieurs Cannes, cinq ou six, tandis qu'à l'état de nature, on les trouve généralement par paires. L'expérience a prouvé que, par un mélange intelligent ou un croisement chez les Porcs de la Chine, les Oies et les volailles, les races mêlées sont plus parfaites en qualité et en grosseur, conservent la même puissance de reproduction et sont plus vigoureuses. Quant à la volaille, je ne puis admirer la célèbre espèce de Cochinchine dans sa pureté, mais j'ai d'abondantes preuves de sa grande valeur comme pondeuse et pour les croisements ; la moindre trace de la race originelle suffit pour communiquer tout ce qui est dési-


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rable et par la succession, les perfectionnements qu'on obtient sont aussi étonnants qu'incontestables. Puisque le croisement des races des animaux cités ci-dessus a été suivi de tant de succès, il n'y a pas de raison de douter que le croisement des Moutons ne produise des résultats aussi favorables.

On ne doit pas conclure de ce que les Chinois ont banni leurs Moutons (trouvant le Coton et le Riz plus convenables à leur climat et mieux adaptés à leurs besoins), qu'ils soient indignes de notre attention, si surtout nous prenons en considération que dans nos contrées nous ne pouvons cultiver le Coton et le Riz.

Ayant été témoin des essais multipliés qui ont été faits pour réduire plusieurs des animaux sauvages encore existants à l'état de domesticité, en même temps que de leur insuccès (en produisant ce qu'on peut appeler une variété domestique d'espèce véritable), j'incline à croire qu'il est nécessaire, pour réduire les animaux sauvages à une condition domestique, de les croiser avec des espèces qui s'en rapprochent; par ce moyen, on obtient des animaux ayant perdu leur nature primitive, et conséquemment dépendants de l'homme. Des variétés différentes se reproduiraient sans doute selon la manière de les croiser, et seraient permanentes.


SUR LES MOYENS DE S'ASSURER

DE

LA FÉCONDATION DES OEUFS DE GALLINACÉS

Par M. Camille DARESTE.

(Séance du 8 août 1862.)

Mes travaux scientifiques sur la production artificielle des monstruosités, bien que je les aie entrepris à un point de vue purement théorique, m'ont contraint d'étudier expérimentalement un certain nombre de questions qui pourront, j'en suis convaincu, jeter quelque lumière sur l'histoire pratique des oeufs et de l'incubation, et peut-être devenir le point de départ d'applications utiles. Comme ces expériences sont fort longues; comme, d'autre part, elles présentent,.surtout pour moi, qui ne puis avoir à Lille une basse-cour à ma disposition, d'assez grandes difficultés d'exécution, je ne suis pas encore en mesure de faire connaître à la Société tous les résultats que j'ai obtenus, ni surtout ceux, en plus grand nombre, que je puis espérer dès à présent. Mais en attendant qu'il me soit possible de faire cette publication, j'ai pensé que je pouvais actuellement présenter à la Société l'indication de quelques faits curieux qui se rattachent à une question dont la Société s'est occupée tout récemment, et qui a donné lieu au travail intéressant de M. Rufz, notre collègue, sur la fécondation des oeufs des Gallinacés, travail publié dans nos Bulletins (mai 1862, t. IX, p. 366). Je m'empresse de dire que je n'ai pas résolu la question de savoir diagnostiquer avant l'incubation un oeuf fécondé ou un oeuf clair, mais j'ai recueilli quelques faits qui peuvent compléter, à plusieurs égards, ceux que notre collègue a réunis, soit par lui-même, soit dans les réponses qui ont été adressées à son questionnaire par plusieurs membres de la Société.

Peut-on reconnaître, lorque la coquille n'a point été brisée, si l'oeuf est fécondé ou s'il est clair? Je ne le crois pas. Mais cette question a été résolue en sens inverse par beaucoup de


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personnes qui croient qu'il est possible de faire le plus ordinairement cette distinction. J'ai donc dû, depuis longtemps, examiner cette question avec soin, et me livrer; dans ce but, à quelques expériences assez curieuses que je vous demande la permission de vous faire connaître.

Je lis dans le travail de M. Rufz la phrase suivante : « Un auteur anglais a prétendu tout récemment avoir découvert un moyen infaillible de reconnaître les oeufs fécondés : il prétend qu'en plaçant un oeuf sur les parties sensibles de ses paupières, en y appuyant d'abord le gros bout, si celui-ci est plus chaud ou moins froid que le petit bout, c'est un signe de fécondation; il y aurait, suivant lui, une différence de chaleur en face de la cicatricule fécondée; l'oeuf qui ne serait pas fécondé , serait également froid. Je laisse à juger quelle confiance mérite une pareille finesse de tact. » (Page 371.) Ce procédé n'est point nouveau. Déjà, en 1857, notre confrère M. Chevet me l'avait indiqué comme l'ayant souvent employé, avec cette différence toutefois, qu'au lieu de placer l'oeuf sur les paupières, comme le fait l'auteur anglais dont parle M. Rufz, il appliquait successivement les deux extrémités de l'oeuf contre la pointe de la langue ou contre les lèvres. J'ai appris d'ailleurs de différents côtés que ce procédé était fréquemment employé; et j'ai lieu de croire qu'il est fort ancien, quoique jusqu'à présent je n'aie pu rencontrer aucune indication à son sujet dans tous les livres d'économie rurale, anciens et modernes, que j'ai pu consulter. Quoi qu'il en soit, je me suis assuré par moi-même, et aussi par le témoignage de.plusieurs personnes qui ont bien voulu répéter avec moi cette petite expérience, que si l'on approche successivement le gros bout et le petit bout de l'oeuf de la pointe de la langue, on éprouve dans le premier cas une sensation de chaleur plus considérable que dans le second. J'ai constaté bien souvent cette différence de sensation, mais cependant elle n'est pas toujours appréciable. Maintenant quelle est la signification de ce phénomène ? Existe-t-il réellement une différence de température entre le gros bout et le petit bout de l'oeuf?


FÉCONDATION DES OEUFS DE GALLINACÉS. 935

Un auteur anglais, nommé Murray, qui a publié, en 4826, dans l'Edinburgh philosophical Journal (t. XIV, p. 61), un travail sous ce titre : On the temperature of the Egg of the Hen, in relation to its Physiology, prétend effectivement avoir constaté, par des procédés thermométriques, une différence de température, d'abord entre l'intérieur de l'oeuf et l'air extérieur, puis, dans l'oeuf lui-même, entre le gros bout et le petit bout. Cette différence de température entre les deux extrémités d'un même oeuf aurait varié dans ses expériences d'un demi-degré Fahrenheit; ce qui, dans notre échelle centigrade, donne à peu près 1/3 ou 1/2 de degré.

Mais ces expériences ne m'inspirent aucune confiance. En effet, le procédé même dont s'est servi l'auteur est absolument inadmissible comme procédé scientifique, L'auteur perçait la coquille de l'oeuf pour introduire successivement dans la partie correspondante au gros bout, et dans la partie correspondante au petit bout, la boule d'un thermomètre. N'y avait-il pas, dans ce seul fait, une cause d'erreur bien suffisante pour qu'un physicien ne veuille pas se fier à l'exactitude de semblables expériences? Je ne pouvais donc croire à leur réalité, et j'ai voulu recommencer moi-même cette expérience en me plaçant dans des conditions tout à fait acceptables.

Je me suis adressé, dans ce but, à un physicien très habile, mon ami M. d'Almeida, qui est actuellement professeur de physique au lycée Napoléon. Nous avons pensé que les thermomètres ordinaires ne pourraient donner que des indications absolument insuffisantes, et que nous ne pourrions arriver à des résultats vraiment scientifiques qu'à la condition d'employer une méthode beaucoup plus précise, celle qui utilise pour la mesure des températures les. courants thermo-électriques. M. d'Almeida a donc construit lui-même une pince thermo-électrique très sensible, tellement sensible, qu'elle pouvait indiquer des centièmes de degré thermométrique. Nous avons appliqué la soudure de cette pince successivement au gros bout et au petit bout de l'oeuf, et en agissant ainsi, nous avons constaté, de la manière la plus nette, qu'il


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n'y a pas de différence de température entre les deux extrémités d'un même oeuf.

Comment donc expliquer le fait si curieux de la différence des sensations de chaleur produites par le gros bout et par le petit bout d'un même oeuf ? Je crois qu'elle tient uniquement à la différence de conductibilité pour la chaleur que présenteraient les deux extrémités de l'oeuf, et qui s'explique parfaitement d'ailleurs par ce fait que le petit bout de l'oeuf est toujours en contact avec une substance demi-liquide, l'albumine, tandis que le gros bout est en contact avec les gaz qui remplissent la chambre à air. Or tous les physiciens s'accordent à considérer les gaz comme étant très mauvais conducteurs de la chaleur. Cette différence entre les substances qui occupent le gros bout et celles qui occupent le petit bout me paraît donc expliquer, de la manière la plus nette, la différence si curieuse des sensations que l'on éprouve en appliquant successivement la langue contre l'une ou l'autre extrémité de l'oeuf, bien qu'il n'y ait là aucune différence de température.

Mais si cette explication est vraie, et je ne puis guère en douter, elle détruit complétement toutes les applications que l'on voudrait en faire au diagnostic des oeufs fécondés.

En effet, que faut-il dans cette explication pour que cette différence de sensation de chaleur devienne manifeste ? Une seule condition, c'est que la chambre à air se soit formée. Or, la chambre à air se produit aussi bien dans les oeufs clairs que dans les oeufs fécondés, puisqu'elle résulte uniquement de l'évaporation des liquides contenus dans l'intérieur de l'oeuf. D'autre part, elle n'existe point au moment même de la ponte, et ne se produit que peu à peu, mais en augmentant toujours de volume, depuis le moment où l'oeuf est en contact avec l'air. Si donc mon explication est vraie, la différence de sensation de chaleur que l'on éprouve en touchant successivement avec la langue les deux extrémités de l'oeuf indiquerait seulement la présence de la chambre à air, ou en d'autres termes, elle signifierait seulement que l'oeuf est déjà pondu depuis quelques jours, et n'aurait aucune espèce de rapport avec l'état de fécondation de l'oeuf.


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je n'ai, d'autre part, que des conclusions également négatives à présenter au sujet de l'autre question traitée dans le travail de M. Rufz , celle de savoir si la cicatricule fécondée diffère par son aspect de la cicatricule non fécondée. Mais je crois qu'il est toujours aussi utile, en théorie comme en pratique, de. détruire les idées fausses que de faire connaître de nouvelles vérités.

Dans un travail publié il y a environ quarante ans, travail qui, d'ailleurs, fait époque dans la science, MM. Prévost et, Dumas, en décrivant avec beaucoup de soin les changements que la cicatricule éprouve pendant les premiers temps de l'incubation, ont cru pouvoir reconnaître des différences constantes entre la cicatricule fécondée et celle qui ne l'est point. Ce sont ces différences qui sont signalées dans le Dictionnaire classique d'histoire naturelle de Bory de Saint-Vincent, et dont M. Rufz, dans son travail, a attribué l'indication à Audouin ; mais le passage auquel il fait allusion a été rédigé par M. Dumas et est seulement intercalé dans l'article OEUF qu'Audouin a signé. Or quelle est la signification de ces caractères distinctifs de la cicatricule stérile ou de la cicatricule fécondée, tels que les indiquent MM. Prévost et Dumas ?

Je ne puis ici invoquer mes observations personnelles. J'ai bien souvent, il est vrai, observé des cicatricules, mais je ne les ai pas étudiées au microscope ; je ne puis pas, par conséquent, affirmer d'une manière absolue que les observations de MM. Prévost et Dumas sont erronées. Mais je dois faire remarquer cependant que si l'on examine avec soin le travail de ces deux illustres savants, on est conduit à supposer qu'il y a eu très probablement quelque erreur dans leurs observations. En effet, ils ont cru que le spermatozoïde est l'Origine de la moelle épinière du poulet. Or, pour que le spermatozoïde pût former la moelle épinière, il fallait nécessairement admettre que le spermatozoïde existe, parfaitement reconnaissable, dans la cicatricule fécondée, pendant tout le temps qui sépare la ponte du commencement de l'incubation. La présence ou l'absence du spermatozoïde dans la cicatricule formerait donc, au dire de ces deux savants, un caractère tout à


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fait décisif pour distinguer la cicatricule fécondée de la cicatricule qui ne l'est point,

Or je ferai remarquer que bien que les physiologistes nous aient montré tout récemment que le spermatozoïde pénètre réellement dans l'ovule (observation qui, il est vrais, n'a pas encore été faite chez les oiseaux; mais que l'on y fera très certainement, car il n'est pas probable que les oiseaux fassent exception en ce point à la règle générale), le spermatozoïde disparaît très rapidement et sans laisser aucun signe visible de son existence. Nous pouvons donc considérer toute distinction entre les cicatricules qui serait fondée sur la présence ou l'absence de ce spermatozoïde comme entièrement dénuée de fondement.

Je ferai remarquer d'ailleurs que, dans toutes les observations de MM. Prévost et Dumas, il n'y a aucune certitude relativement à la fécondation des oeufs. Ils considèrent comme oeufs clairs ceux qui ne se sont point développés pendant l'incubation. Mais un oeuf fécondé ne peut-il perdre, par diverses causes, sa faculté germinative ? Nous savons en effet, et M. Rufz l'a signalé dans son travail, que les oeufs conservés depuis un certain temps perdent leur faculté germinative avec une rapidité plus ou moins grande. Il y a là, comme on le voit, une cause d'erreur bien évidente , puisque nous ne pouvons pas décider, quand des oeufs en incubation ne se développent point, si ces oeufs n'étaient point fécondés, ou si, ayant été fécondés, ils avaient perdu leur faculté germinative,

La question du diagnostic des oeufs fécondés est donc, aujourd'hui encore, sans solution. Je ne puis pas cependant affirmer qu'elle soit absolument insoluble, Comme je dois encore pendant quelques années m'occuper de questions relatives à la physiologie de l'oeuf, je chercherai par tous les moyens possibles des signes certains pour la fécondation des oeufs, et je m'empresserai, si j'en rencontre, de les faire connaître à la Société.


DES INSECTES HERBIVORES

DE L'ILE DE LA RÉUNION,

ET PARTICULIÈREMENT

DE CEUX QUI ENVAHISSENT LA CANNE A SUCRE,

Par M. le docteur BERG, Délégué de la Société à l'île de la Réunion,

(Séance du 8 août 1862.)

Parmi les insectes qui attaquent la Canne à sucre en particulier, le Borer ou Procreas sacchariphagus, et le Pou à poche blanche, ne sont pas les seuls coupables. On peut en signaler un grand nombre d'autres : chenilles de Lépidoptères, vers de Coléoptères, Pucerons, divers Coccus, qui, sous le verre grossissant d'une forte loupe ou sur l'objectif du microscope, sont venus nous prouver que la plupart de nos végétaux, notre Canne à sucre en particulier, servent de pâture à je ne sais combien de peuplades microscopiques, qui paissent tranquillement sur les feuilles et dans les tiges, au grand préjudice de notre agriculture. Ces parasites se sont jetés sur nos Cannes frappées de maladie. Ici, comme partout où on les rencontre, leur présence coïncide avec une altération profonde des tissus, un trouble dans les fonctions physiologiques, Ils complètent la désorganisation du végétal en le blessant et l'épuisant.

La Canne à sucre est atteinte d'une maladie épiphytique, Quelle en est la cause ? Un parasite végétal, un cryptogame acrogène. En observant attentivement au microscope, et même à l'oeil nu, les feuilles des jeunes plants, ainsi que les tiges, on découvre, surtout à la face interne de la gaîne des feuilles, comme une toile d'araignée, une espèce de mousse blanche, au-dessous et dans les environs de laquelle l'épiderme présente de petites taches d'abord jaunâtres, puis brunes, enfin d'un rouge vif, signe certain d'une altération


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de l'épiderme. Cette toile d'araignée, c'est le cryptogame. A mesure que ses filaments se développent, les taches rouges deviennent plus prononcées et s'étendent en bandes: la maladie a fait des progrès. Pour employer une expression de de Candolle à propos de l'Acacia verek : « Les sucs nourri» ciers s'écoulent de la plante comme le sang d'un vaisseau » blessé. »

Le champignon microscopique qui s'est fixé sur la Canne à sucre y puise les sucs nécessaires à sa nutrition. La plante encore jeune ne peut résister à l'action de ses suçoirs, elle est désorganisée, altérée, frappée à mort. Avant-coureurs de son agonie, les insectes l'envahissent. La Canne forte, bien constituée, la Canne neuve, celle qui pousse vite, peut braver la maladie (Canne pinangue).

D'où vient ce parasite végétal vivant aux dépens de la Canne à sucre ? Comment s'est-il formé ? Ici nous hasarderons une opinion :

Le guano développe incontestablement une véritable pléthore. Cette turgescence végétative frappe peut-être à son foyer la vitalité de la Canne. Les sucs de la plante, si surtout on abuse de l'engrais péruvien (ce qui n'arrive malheureusement que trop souvent), éprouvent une altération qui est le point de départ, la source de l'invasion cryptogamique. Dans une Etude sur le muguet, nous avons déjà émis cette opinion qu'une végétation parasite peut se développer sous l'influence du dépérissement comme sous celle d'une nourriture trop substantielle. En revenant donc, à propos de la maladie de la Canne, sur un sujet qui nous est quelque peu familier, nous dirons que, dans notre opinion, le guano, déterminant un surcroît d'activité dans les diverses fonctions du végétal, peut provoquer l'apparition de ces champignons microscopiques qui, à leur tour, en se développant sur l'épiderme des feuilles et en répandant leurs émanations dans les canaux séveux des tiges, font dépérir la Canne à sucre. Ce n'est pas tout. A cette cause morbide, si elle est exacte, vient s'adjoindre une autre cause aussi puissante, sur laquelle notre confrère le docteur Jacob de Cordemois, a appelé notre attention, cause qui se rattache


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au mode vicieux de culture, qui consiste à reproduire toujours la même et qui suffirait du reste à elle seule pour provoquer la dégénérescence des plants. Ce mal trouverait son remède dans la pratique des assolements, seul moyen curatif qu'aient prescrit dans leurs instructions, et les savants qui s'en sont occupés, et les sociétés d'agriculture, entre autres la Société centrale de France, aux époques où le Botrytis infestans envahissait la Pomme de terre, les Patates, les Tomates ; où la Vigne était frappée par l'oïdium ; où les Blés et les Betteraves subissaient de leur côté une invasion cryptogamique.

« La variété dans les cultures est partout une pratique » utile : en augmentant et assurant les récoltes, elle permet » les bons assolements, qui élèvent la puissance du sol. », (Payen.)

Aussi bien, ce serait sortir de notre sujet et pénétrer sur un terrain généralement étranger au naturaliste que d'insister sur une question d'agronomie. Ce que nous tenons à établir, c'est que le Borer, le Pou à poche blanche et autres insectes, ne sont pas les causes du dépérissement des Cannes, c'est que leur présence au contraire en est une conséquence presque inévitable. Le docteur de Cordemois a fait ressortir cette vérité dans le travail qu'il a publié dans le Moniteur de la Réunion, où il compare le parasitisme du végétal et celui de l'animal. Il a aussi indiqué comme causes du dépérissement de notre précieux roseau, et le défaut d'assolements, et la plantation permanente, continue, des mêmes souches de Cannes. Nous ajoutons : l'abus du guano. Et c'est à cette triple origine que nous attribuons la maladie cryptogamique. Quant aux remèdes, écoutons la voix des hommes pratiques qui nous disent de ne pas épuiser nos champs, d'alterner nos cultures ; ajoutons foi à tant de bon sens et de logique. Cette maladie des Cannes à sucre de la colonie est analogne à celles qui ont envahi, à des époques différentes, les végétaux d'autres contrées, nonseulement en Europe, mais en Amérique, dans les îles de l'archipel des Antilles, où le Maïs, par exemple, a été frappé par un champignon du genre Sclerotium. Cette maladie disparaîtra le jour où nous placerons nos végétaux dans des con-


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dirions normales : quand on paralyse l'action de la nature, il faut bien tâcher d'y suppléer,

Et maintenant que. nous avons dit ce que nous pensons de la maladie de la Canne, et que nous avons relevé les insectes de cette injuste accusation d'en être les provocateurs, lorsqu'ils n'en sont qu'une conséquence fatale, nous allons entrer en matière par la description du Pou à poche blanche , le plus redoutable de nos parasites.

Pou à poche blanche (nom vulgaire du pays). — C'est un insecte de l'ordre des Hémiptères, de la tribu des Homoptères. Le mâle et la femelle diffèrent, le premier seul a des ailes. La femelle a le corps aplati en dessous, globuleux en dessus ; peau très mince, à réticulation interstitielle chez l'insecte parfait, avec des mailles transversales et des cellules en creux. Antennes très petites, non redressées à la base des antennes et en dehors, les yeux ronds et apparaissant au microscope comme des points noirs. Le corps est couvert d'une poussière blanchâtre et entouré de poils ou filaments légers qui, à mesure que l'insecte vieillit, durcissent pour lui fournir une coque. Les anneaux du corps sont tomenteux, couverts d'une poussière blanche. Chaque anneau est bordé d'une rangée de filaments, espèce de duvet. Trois paires de pattes très petites, à trois articulations. Les oeufs sont ronds, très adhérents, jaunâtres, et en grand nombre, au moins de 400 à 500. Leur éclosion est rapide, après une longue gestation. A mesure que les oeufs sortent, ils se fixent sous le ventre de la femelle, serrés en chapelet et entourés d'une poche qui n'est autre chose que l'abdomen de la femelle qui s'est enflé progressivement. Les larves sortent de cette coque par une ouverture postérieure. Elles sont molles, aplaties, très minces, d'abord pâles, puis rougeâtres. Les femelles s'empressent de chercher une place sur les feuilles ou les tiges et s'y fixent. Elles doivent mourir là où elles se sont arrêtées.

Le mâle est beaucoup plus petit que la femelle; il a l'aspect d'un pou quand il est tout jeune, mais il est allongé plus tard. Ses ailes tachetées de noir et de blanc se croisent en dessus. Ses antennes sont filiformes ; son bec est caché sous lé thorax ;


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ses anneaux de l'abdomen sont assez bien marqués. C'est un insecte très vif, il est difficile de s'en emparer. Il voltige autour des femelles. On l'appelle dans le pays, le papillon du Pou.. Les mâles, à leur éclosion, sont agglomérés en grand nombre. Ils paraissent d'abord comme des points gris, puis, en se développant, comme des points blancs et noirs, la couleur noire au centre. Au bout de quelques jours, ils commencent à se mouvoir. Ces mouvements sont d'abord imperceptibles ; vingt-quatre heures après , ils peuvent s'envoler. Ils vivent moins longtemps que les femelles, remplissent leur mandat et meurent.

Revenons à la femelle.

Attachée à l'épiderme des feuilles, la trompe implantée dans le parenchyme, elle élève ses petits par une gestation prolongée. Son abdomen volumineux n'est que l'enveloppe protectrice d'une progéniture qui lui dévore les flancs. Elle s'épuise et se dessèche, et quand la ponte a eu lieu, à mesure que le ventre se vide, elle se courbe sur elle-même, son extrémité postérieure s'avançant vers l'antérieure. Mais, tandis que le mâle inoffensif n'a pu probablement que sucer le nectar des fleurs, la femelle, en mourant, a laissé les traces funestes de son passage. Elle a produit des taches, le marasme et l'épuisement. Attaquée par ces parasites affamés dont la multiplication est immense, la jeune Canne, déjà atteinte par l'invasion cryptogamique, meurt asphyxiée, c'est-à-dire privée des produits de la respiration foliacée.

Le Borer. — Le Borer est une larve de forme cylindrique et allongée, de dimensions variables avec l'âge. A son plus grand développement, il a l'air d'un ver de grand Coléoptère. Sa couleur pâle et blanche ternit plus tard. Cette larve a treize anneaux ou segments. Les trois premiers sont armés de pattes écailleuses, le quatrième et le cinquième en sont dépourvus; aux sixième, septième, huitième et neuvième anneau sont des pattes mamelonnées. Les anneaux postérieurs n'ont point de pattes, sauf le dernier, où sont deux pattes membraneuses. Chacun des segments présente à la partie supérieure deux taches noires symétriques et à égale


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distance. Sur les parties latérales sont, deux autres points noirs, l'un au dessus de l'autre, de plus petite dimension que ceux du dos. Le dessin et la coloration de la larve éprouvent quelques modifications avec l'âge. Les taches noires sont plus prononcées à une certaine époque ; celles du dos présentent alors la disposition suivante : les postérieures ressemblent à deux lignes transversales, deux petits traits ; les antérieures sont rondes.

Trois raies longitudinales et parallèles, de couleur rose pâle, se dessinent sur le vaisseau dorsal, et de chaque côté. La tête est noire : elle est formée de deux calottes écailleuses, La bouche se compose de deux fortes mandibules cornées et tranchantes ; deux mâchoires latérales, une lèvre inférieure mince et tranchante. Ces dispositions font du Borer un véritable broyeur. Aussi est-il un instrument redoutable de destruction, l'ennemi immédiat de la Canne à sucre dans les îles de France et de Bourbon. Cette, larve est pubescente à ses extrémités. En outre, de chacun des points noirs que nous avons signalés, sort un poil droit, roide et court. La valve terminale est de forme triangulaire et de structure écailleuse. A la base des pattes sont les organes respiratoires représentés par des stigmates noirâtres. Pâle comme toutes les chenilles qui vivent dans l'intérieur des tiges, vivant de matières succulentes, le Borer se développe rapidement. La larve subit des mues avant de se transformer en chrysalide; nous avons compté deux changements de peau. Elle ne change définitivement que deux ou trois semaines après la confection de sa coque.

Elle est d'une voracité inouïe à l'époque où elle est de taille moyenne et lorsque les bandes longitudinales, régulièrement formées par les points noirs, sont très prononcées. A ce moment, le moindre attouchement de la part de l'observateur la fait sortir de sa loge, où elle ne tarde pas à rentrer pour continuer son oeuvre de destruction, A peine sortie de l'oeuf, la jeune chenille se met à ronger la tige. Des taches, des eschares, des échancrures du tissu végétal révèlent sa présence. Le mouvement de la tête, qui pivote sur les premiers anneaux, fait que l'échancrure est toujours taillée sur le même patron


INSECTES HERBIVORES DE LA RÉUNION. 945

dans ses diverses courbures. Le Borer ne vit pas en société : chaque chenille a son terrier, lequel ne s'étend pas au delà de trois mérithalles, quatre au plus. Ce terrier communiquera plus tard avec un autre où le Borer se transformera en chrysalide. Partout où existent des détritus du tissu végétal, dont les débris obstruent un des orifices de la galerie, le Borer est dans la période de voracité. Partout où le tissu est comme ossifié, d'apparence charbonneuse, ayant perdu sa consistance et sa saveur, le Borer est dans la période de transformation. La galerie en vermiculation que s'est creusée la larve, est tantôt dans l'axe de la tige, tantôt, au contraire, perpendiculaire à cet axe, en formant des contours demisphériques. La chenille épuise toutes les cellules saccharifères jusqu'au moment où, avertie par un instinct admirable que la mue approche, elle se mettra à la diète pour se préparer à cette crise. Alors elle quitte la galerie qu'elle occupait et que l'on reconnaissait au trou protégé par les débris du tissu végétal, trou qu'elle se ménageait pour ne pas se priver de l'air extérieur. Elle se dépouille de sa peau pour passer à l'état de nymphe.

Dans cet état intermédiaire, où nous la suivons actuellement, elle est de forme cylindro-conique et de couleur cuivrée. Ce n'est pas dans le sillon qu'elle a habité que la larve file la coque qui doit l'envelopper, c'est dans une autre galerie. Entre les deux existe un canal de communication.

Nous avons commencé par l'étude de la chenille, la description du Lépidoptère viendra ensuite. Les métamorphoses sont à l'étude, et c'est une étude qui demande du temps, car il faut suivre l'insecte depuis l'oeuf jusqu'au papillon, et, par un examen attentif et de chaque jour, arriver à connaître ses différentes transformations : sa naissance, son existence de larve avec ses changements de forme, sa résurrection. Aussi bien l'étude de la chenille doit offrir plus d'un intérêt. Le papillon, en effet, n'a vécu que pour pondre et mourir, tandis que la chenille, que nous nommons le Borer, est un agent de destruction d'autant plus terrible qu'elle habite l'intérieur du roseau et pénètre jusqu'au coeur, après avoir miné l'écorce.

T. IX.. — Novembre 1862, 60


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Elle ronge, détruit et décompose les tissus. Les Sauterelles dé la Libye ne doivent pas faucher les herbes plus promptement que les Borers détruisent et épuisent une Canne à sucre.

Le Borer se rencontre généralement dans les Cannes à sucre qui ont souffert, dont le développement rachitique est manifeste, dont les noeuds sont fort peu écartés. On n'en trouve pas dans les Cannes qui ont les noeuds distants de 10 à 12 centimètres.

Le Lépidoptère femelle choisit la partie inférieure des jeunes plants, enveloppée par les feuilles engaînantes, pour déposer ses oeufs, précaution fatale à l'agriculture, car c'est à la partie inférieure de la tige que la sécrétion sucrée se trouve plus abondante. Il pond habituellement dans les régions basses de l'île et dans les endroits secs, où la pluie ne peut détruire ses oeufs, qui ne sont presque pas agglutinés. La femelle se perce un trou de forme exactement arrondie. La perte de substance qu'elle entraîne n'atteint que la cuticule, l'épiderme et les premières rangées de faisceaux ligneux. La larve qui éclôt se creuse d'abord une cellule dans le plan horizontal de la tige ; plus tard, elle se fera un terrier du canal médullaire en s'avançant de bas en haut. C'est le caractère du Borer des environs de Saint-Denis. Dans d'autres localités, relativement pluvieuses, à Sainte-Suzanne, par exemple, on a trouvé des Borers dans les parties souterraines de la tige : dans ce cas, la larve mine de haut en bas.

La chute des feuilles flétries, la décoloration rapide de l'écorce. sont en raison du nombre de larves nées sur le même plant.

Quoi qu'il en soit, il faut que la Canne à sucre soit mortifiée pour que ses tissus conviennent à la nourriture de cette larve, il faut qu'il y ait dans le sujet une prédisposition qui appelle et attire le parasite. C'est ce qui arrive pour la Canne à sucre, vouée par les artifices de la culture à une superfétation maladive, et qui a dégénéré sur un sol épuisé.

Le Pou à poche blanche ce redoutable parasite que nous avons décrit précédemment, ne paraît que sous l'influence de


INSECTES HERBIVORES DE LA RÉUNION. 947

certaines conditions déterminées. Vous le rencontrez ici, parce que le sol est épuisé et que la plante jouit d'une existence imparfaite. Engraissez ce sol, il disparaîtra. Là, au contraire, où le sol est riche, mettez du guano, la Canne, atteinte de pléthore, sera malade ; le champignon s'y implantera, le parasitisme végétal appellera le parasitisme animal.

Nous pourrions multiplier les citations à l'appui denotre manière de voir :

« L'abondance des récoltes que font naître les engrais » azotés épuise le sol. " (ELIE DE BEAUMONT.)

« Il arrive souvent qu'une matière très azotée tue la récolte » ou la contrarie : c'est que cette matière se décompose trop " brusquement, et donnant à la plante un excès de nourri» ture, en compromet ainsi la santé.....

» Il en résulte qu'il faut parer à l' épuisement des terres par » une succession de cultures convenablement choisies, ou, en " d'autres termes, par des rotations ou des assolements » rationnels. » (MALAGUTTI.)


LA VIGNE EN AUSTRALIE

ParM. RAMEL.

( Séance du Conseil du 17 octobre 1862.)

Placée en écharpe entre le Murray et l'océan Pacifique, sous les 34e et 38e parallèles et les 141e et 150e degrés de longitude, c'est-à-dire sous la même latitude que l'Algérie, la colonie de Victoria, primitivement appelée Australia felix, doit à sa situation topographique de présenter à l'observateur une des contrées où les productions des deux rives.de la Méditerranée offrent le plus de chance à l'acclimatation.

Elle est abritée contre les vents du pôle austral par l'île de Van-Diemen ou Tasmanie, et comme elle est bordée par l'Océan sur une très grande étendue de côtes, elle jouit à un haut degré de l'action bienfaisante des émanations maritimes, si favorables à la végétation des plantes et à la santé de l'homme.

Un système de montagnes, dont une partie est très élevée, donne naissance à divers cours d'eau, dont le plus important est le Murray.

Les saisons s'y succèdent avec les nuances doucement graduées qu'on remarque dans les parties chaudes des climats tempérés, où la neige brille cependant sur les montagnes une partie de l'année.

Si à ces conditions climatériques nous ajoutons que la majeure partie des terrains cultivables est formée des détritus des roches qu'on regarde comme les plus favorables à la végétation, on conclura tout naturellement qu'avec ces divers éléments de succès, sol et climat, la culture de la Vigne doit prospérer. C'est, en effet, ce qui a lieu. La Vigne réussit merveilleusement à Victoria.

Avant la découverte de l'or (1851), quelques rares portions de terrains étaient complantées en Vigne ; on la cultivait en vue des fruits, la fabrication du vin était l'exception. Quelques Suisses et Allemands se livraient à cette culture : les premiers, dans le voisinage de Melbourne ; les seconds, à l'opposé de la colonie, sur les bords du Murray.


LA VIGNE EN AUSTRALIE. 949

Malgré l'affluence des immigrants, trop préoccupés de la recherche de l'or et n'ayant pour but que la conquête du précieux métal, la vraie richesse du pays, ses facultés productives, que le soleil pouvait développer dans de si larges proportions, furent complétement dédaignées. Il n'y eut que les colons qui avaient des Vignes déjà plantées qui en profitèrent, en vendant aux mineurs leurs fruits à des prix réellement fabuleux. Nous pourrions citer des exemples extraordinaires en ce genre. Ainsi, il a été assuré qu'une Vigne ayant seulement quatre ou cinq ans et de la contenance d'une acre (0 h. 40), avait donné à ses deux propriétaires plus de 2000 livres sterling, quelque chose comme 60 000 francs pour le produit de la récolte d'un an !

La rareté des fruits, le haut prix qu'ils obtenaient sur les mines, ouvrirent les yeux de quelques colons qui se livraient au jardinage pour alimenter les nombreux travailleurs arrivés de toutes parts; et aux premières ventes de terres qui eurent lieu dans le voisinage des exploitations aurifères, la culture de la Vigne se développa dans de faibles proportions. On avait pressenti les avantages que présentait un produit de verger abondant, obtenu dans un temps assez court, comparativement aux autres fruits.

Les choses en étaient là, lorsque en mars 1856, une circonstance fortuite contribua à appeler, sur la culture de la Vigne, l'attention d'un des hommes les plus faits pour l'apprécier et reconnaître d'un coup d'oeil toute son importance.

Publiciste distingué, ayant traité les grandes questions qui touchent au bien-être de sa patrie d'adoption, propriétaire d'un des meilleurs journaux de l'hémisphère sud, M. Ed. Wilson avait un moment quitté ses occupations pour explorer les mines, voir de ses yeux la source des masses d'or qu'il enregistrait tous les jours dans l'Argus.

Il était aux mines de Bendigo, aujourd'hui Sandhurst, à l'époque de transition où le chercheur d'or abandonnait le sable des rivières et attaquait franchement la roche aurifère.

Les.simples appareils de lavage commençaient à céder la place aux machines à vapeur qui écrasent le quartz. On allait


950 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION.

pulvériser les montagnes ! L'imagination la plus froide s'enflammait devant ces. nouvelles perspectives d'incommensurables richesses,

C'est sous ces impressions que se trouvait l'éminent touriste; lorsque, par hasard, il s'assit à table d'hôte à côté d'un étranger avec lequel il avait, la veilles, échangé quelques mots à la suite d'un accident.

" Comment trouvez- vous la colonie ? demanda - t-il à l'étranger.

— Elle est bien riche! lui fut-il répondu.

N'est-ce pas que nos mines sont bien riches! — Ce n'est pas de vos mines que je parle, quoique je reconnaisse qu'on n'en verra jamais la fin : ma pensée est ailleurs. Les richesses que j'ai en vue ne sont pas le produit du travail souterrain des mines, elles sont à. la surface. C'est le sol et le soleil qui les offrent en abondance à un travail plus naturel.

— Ah! vous faites allusion à la richesse agricole ?

— Sans doute, ! mais, principalement à une culture, dont les produits. donnent le plus de satisfaction aux besoins de l'homme : le boire, le manger, et qui réjouissent le coeur en soutenant le corps.

C'est, suivant moi, à ce produit du sol qu'est réservée l'extinction de la lèpre sociale.contre laquelle vous protestez tous les jours et que, vous, attaquez sans relâche ; l'abus des liqueurs fortes, l'ivrognerie. La Vigne, ses excellents fruits, son vin salutaire; substitué aux liqueurs distillées, voilà le remède à tant de misères présentes et à venir qu'amène l'usage des boissons alcooliques.

Vos compatriotes, esclaves de leurs habitudes, vivent ici, malgré la différence de climat, comme s'ils étaient en Ecosse ou en Angleterre. De bons esprits croient devoir attribuer à un régime alimentaire trop substantiel l'effrayante mortalité qui pèse sur les jeunes enfants.

Eh bien ! le raisin, ce fruit délicieux et salutaire, entre tous, qui a encore le mérite de durer et de se conserver si longtemps, doit, quand il entrera plus abondamment dans l'ali-


LA VIGNE EN AUSTRALIE, 951

mentation, arrêter la perte de votre jeune génération, si précieuse à une riche colonie qui manque de bras.

Ce n'est donc pas sans raison que je dis : la culture de la Vigne donnera à Victoria, non pas la représentation de la richesse, mais la richesse elle-même.

—Vous croyez donc, fut-il répliqué, que la Vigne viendrait bien dans la colonie ?

— Merveilleusement !

— Et dans quels lieux. ?

— Partout! Il n'y a pas un pouce de terre où la Vigne ne réussira pas; cependant tels et tels lieux sont particulièrement aptes à donner de magnifiques produits. »

Esprit éminemment pratique, M. Ed. Wilson comprit aisément l'importance de ces assertions; il les médita, et sa conviction faite, il reproduisit à Melbourne, dans son journal l' Argus, la conversation de Castlemaine,

A quelque temps de là parvint en Australie le rapport de l'Exposition universelle de Paris. Des propriétaires de vignobles à New-South-Wales (Sydney) avaient présenté à cette exposition des échantillons de leurs vins. Jusqu'alors on ne s'était pas occupé à Victoria des vins coloniaux, L'opinion du jury de Paris amena une révolution dans les esprits.

M. Ed, Wilson fit un voyage en Europe. Il visita la France, l'Italie, l'Allemagne, les bords du Rhin et du Danube, tous pays vinicoles; il étudia la question de la culture de la Vigne, Il n'était pas encore revenu dans la colonie, quand le Melbourne Argus appliquait à la culture de la Vigne la prime qu'un généreux colon a mise à sa disposition pendant cinq ans comme encouragement à l'agriculture,

Cette prime était une coupe d'or de 100 livres, sterling (2500 francs) pour celui qui aurait planté le plus de Vigne dans l'année suivante.

Dès ce moment l'impulsion était donnée,

Il faut dire, en passant, que le traité de commerce anglofrançais venait d'être conclu, et ce traité apparaissait comme l'émancipation.des pays producteurs de vin, Les Australiens comptaient en profiter.


952 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION.

M. Ed. Wilson, peu après son retour d'Europe, fonda un journal spécialement consacré à l'acclimatation, le Yeoman and Australian Acclimatiser. Cette feuille, libéralement ouverte à toutes les idées utiles, devait nécessairement être un puissant auxiliaire pour le mouvement viticole. Aussi voyonsnous que la Vigne a occupé bon nombre de ses colonnes. Tous les systèmes de culture y ont été débattus ; qualité de plants ou cépages, genre de plantation, de traitement, de labour; labour à la main, labour à la charrue traînée par des boeufs, par des chevaux, par des mules, par des ânes, et enfin labour à la vapeur.

La polémique fut ardente, parce que les procédés étaient divers, comme les nationalités des vignerons. Un Allemand, un Suisse, un Hongrois, ne pouvaient pas être d'accord avec des Espagnols, des Portugais, des Français du Centre ou des Français du Midi; mais les conséquences de ces débats furent importantes.

De riches et intelligents propriétaires se sont mis à planter la Vigne, de plus modestes les ont imités, et plusieurs puissantes compagnies se sont formées qui ont planté jusqu'à 200 et même 250 acres chacune par saison, soit 80 à 100 hectares.

Il paraît que ces grandes exploitations vont adopter la culture économique de nos départements méridionaux maritimes, le Gard, l'Hérault, l'Aude, les Pyrénées-Orientales.

La Vigne vient très bien à Victoria; dès la troisième année elle est déjà en assez bon rapport. Il y a des espaces immenses de terres très favorables à cette culture; on doit donc s'attendre à ce que bientôt, sous l'immense impulsion qui lui a été imprimée, la production australienne prendra de considérables proportions.

Sans doute les colons n'ont pas encore la parfaite intelligence des procédés de taille, de culture et de fabrication du vin ; mais le gouvernement vient au secours des particuliers : il demande aux contrées vinicoles d'Europe des émigrants actifs, compétents, et la lacune restée ouverte sera bien vite comblée.


LA VIGNE EN AUSTRALIE. 953

Si en quelques années on a pu faire dans cette voie de grands progrès, comme c'est le propre des sociétés nouvelles, que ne doit-on pas attendre d'une population qui, libre dans ses actes, a de plus l'habitude de compter sur elle-même ? Déjà les négociants de Melbourne voient le jour où ils adresseront, en Europe, dans l'Inde et en Chine, de riches cargaisons de vins coloniaux de qualités les plus variées.

Cette prétention est loin d'être chimérique.

Afin de donner un aperçu du rendement de la Vigne en Australie, nous empruntons à la Tribune des Owens un compte rendu de la dernière récolte (1862) à Albury-Murray.

Noms des propriétaires. Nombre d'acres. Nombre de gallons.

J. Spubach 51/2 2500

J. Frauenfelder 11/2 900

E. Crisp 11/2 780

M. Braunwig. ....... 1 1/2 772

F. Frauenfelder 11/2 634

H. Rau 13/4 825

J. Dick 13/4 600

J. Rau. . 1 420

S. Zeller' 3/4 494

Eishenauer 3/4 950

Dollinger 1/2 330

17 » acres 9265 gallons.

Soit, en moyenne, 545 gallons à l'acre, ou 61 hectolitres à l'hectare: L'an dernier (récolte de 1861), le rendement fut de 630 gallons ou de 72 hectolitres à l'hectare.

Voici la force des moûts en moyenne. Le classement est fait d'après l'ordre de maturité.

L'eau étant à 100, chaque degré en sus indique la densité de la matière saccharine.

Muscat brun 110 degrés.

Au carot 112 —

Verdeilho 115 —

Reisling 111 —

Ermitage shirah .... 113 —

Tokay 112 —

Malbec 112 —

Muscat d'Alexandrie. . . 112 — Suret water 110 —

On sait que le moût est le jus du raisin avant la fermentation.


954 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION.

L'étendue des plantations citées: est bien faible, mais les plus importantes ne sontpas encore en rapport ; cependant il y a un enseignement à tirer de ce document, soit quant à la quantité obtenue, soit pour la qualité des moûts.

La récolté a lieu, dans ce district du Murray, en avril, et la Vigne commence à pousser en septembre et octobre.

Sur les lieux (c'est un pays où il y a beaucoup de mineurs), on vend le vin de l'année 20 et 25 shillings le gallon (25 et 32 francs les 4 litres et demi) !

Dans les hôtels de ce pays on paye la bouteille ordinaire 6 et 7 shillings (7 fr. 25 et 8 fr. 50).

L'État ne perçoit pas de droit sur.les vins de la colonie. Les débitants de liqueurs fermentées, bière, vin, eau-de-vie, payent des patentes assez considérables pour leurs licences.

Quant au vin étranger, il faut dire que s'il payait avant 1853 seulement un shilling le gallon, il fut porté, cette année-là, à 2 shillings, et que l'an dernier il a été élevé jusqu'à 3 shillings (3 fr. 75 c.) pour 4 litres et demi, soit 83 centimes par litre.

Peut-on, quand on se vante d'appartenir à un peuple libre échangiste, élever aussi haut les droits sur les vins d'Europe ? Il y a là matière à considération, Les actes sont en désaccord avec les principes proclamés.

Pour compléter ce qui a été dit sur la culture de la Vigne en Australie, après avoir parlé de Victoria, jetons un coup d'oeil sur les autres colonies ou États qui s'en occupent.

Si nous prenons l'ensemble des trois colonies viticoles : South-Australia (capitale Adelaïde), Victoria ( capitale Melbourne), New-South-Wales (capitale Sydney), nous trouvons que la totalité du terrain planté en Vignes est en ce moment de 10 000 acres environ, soit 4000 hectares, ainsi divisées : 40 p. 100 pour South-Australia, 33 p. 100 Victoria, et 27 p. 100 New-South-Wales.

Ces chiffres comprennent les jeunes Vignes qui ne sont pas encore en rapport.

Les rendements varient d'une façon sensible. Dans le Hunter-River (N.-S.-W.), la moyenne est de 300 gallons à l'acre


LA VIGNE EN AUSTRALIE. 955

(33 hectolitres à l'hectare), tandis qu'Albury (Victoria) obtient le double (1). La maturité suit aussi des lois différentes. Dans les deux localités, le commencement de la pousse de la Vigne a lieu vers les premiers jours d'octobre. En 1862, la vendange s'est terminée, dans le Hunter-River, le 12 mars, et seulement le 30 avril à Albury, avec une avance sur l'année précédente de sept semaines environ clans ces deux localités.

Albury est sous le 37e degré et près de hautes montagnes; le Hunter est plus au nord, sous le 32e degré, presque à l'extrême limite assignée à la culture de la Vigne en Australie, C'est au 29e degré qu'elle s'arrête.

La colonie de South-Australia, qui a été la première à s'occuper de la Vigne, mais qui l'avait en quelque façon abandonnée, vient de la reprendre avec vigueur. Depuis 1856, son progrès dans la plantation a quintuplé.

Au mois de mars 1862, il y avait 3918 acres avec 2 631754 plants en rapport, et 2 386141 de jeunes plants.

En 1861, la colonie possédait seulement 3180 acres,

C'est la petite et la moyenne culture qui prédominent dans cette contrée.

On y comptait, en 1860, 61 pressoirs, et 120 en 1861,

37 licences pour la distillation du vin avaient été accordées dans cette année.

Ces documents suffiront pour démontrer l'importance qu'a, prise la culture de la Vigne dans les colonies anglaises de l'Australie. Il n'est pas sans intérêt pour l'Europe d'étudier les progrès de tout genre qui se développent aux antipodes,

(1) Un rapport tout récent des commissaires anglais chargés d'étudier le rendement et les qualités de vins donne, à l'hectare, 6 hectolitres et demi au Jura, 10 hectolitres à. la Charente, et 60 hectolitres à des. localités du Midi.

Le rendement moyen, en France, de la récolte de 1858, fut de 25 hectolitres à l'hectare.


DE LA COCA.

SON MODE DE CULTURE AU PÉROU.

Par M. E. COLPAERT.

(Séance du 12 septembre 1862.)

Il existe au sud du Pérou deux grandes contrées où l'on se livre sur une vaste échelle à la culture de la Coca.

L'une, située au nord-ouest du Cuzco, s'appelle la vallée de Santa-Ana, et l'autre, à l'est, constitue plusieurs vallées de la province de Carabaya. La Coca de cette dernière prime sur toutes celles que l'on rencontre dans le Pérou, quoique cependant, dans la même contrée, ily en ait de qualités différentes. Ainsi la Coca des vallées de Cohasa, Phara et Patambuco, soit en raison de la situation du terrain ou de la manière dé le travailler, soit à cause de la température, est bien supérieure et moins sujette aux maladies qui attaquent fréquemment celle des autres vallées, et desquelles nous parlerons plus loin.

La Coca de Saint-Gavan (Carabaya) et de toutes les vallées qui jouissent du même degré de chaleur que celle-ci, a l'avantage de se reproduire chaque trois mois, c'est-à-dire que l'on fait quatre récoltes de Coca par an, tandis que les autres en produisent à peine trois : telles sont les Cocas qui se cultivent dans les grandes vallées de Sandia et de Quiaca, lesquelles, en outre, sont souvent attaquées de la maladie appelée muna; aussi les récoltes sont en général d'un produit médiocre pour les cultivateurs, cependant la culture de ce végétal ne constitue pas moins la branche commerciale la plus importante de ce peuple.

Dans la même province, en face d'une rivière nommée Ynambari, et seulement du côté opposé de celle-ci, existe une espèce de Coca complètement différente des autres. L'arbuste croît jusqu'à devenir arbre, et la feuille qu'il produit est


DE LA COCA. 957

si grande, qu'elle atteint communément de 10 à 12 centimètres de longueur sur 7 de largeur, et sans que pour cela sa saveur dégénère en rien. Lorsque cette feuille est sèche, elle conserve sa couleur primitive (verte) ; mais il faut avoir soin, de la faire sécher immédiatement après la cueillette, sans quoi elle prendrait une autre teinte. En général, toute Coca de la province de Carabaya doit sortir de la vallée peu de temps après avoir été. ramassée, car la grande et perpétuelle humidité qui y règne la réduirait promptement en pourriture.

L'arbuste de Coca, dans les vallées de Phara, Patambuco et autres, ne dépasse pas en moyenne la hauteur d'un mètre; mais la feuille est très goûtée par les indigènes du Collado, Indiens de la province d'Asangaro, qui en font une très grande consommation.

La Coca de Saint-Gavan et d'Esquilaya, dans le district d'Ayapata, en un mot toute celle qui est cultivée sur cette ligne, est de très bonne qualité, et les. Indiens la préfèrent à celle de toute autre contrée, voire même à la Coca des vallées des Yungas (Bolivie), qui a pourtant une si grande réputation; et la preuve, c'est que bon nombre de négociants vont la chercher jusqu'à Ayapata, tandis que les autres spéculateurs emportent eux-mêmes la Coca de leur produit, pour l'étaler sur les marchés du Collado, sans jamais pouvoir atteindre dans la vente le prix de celle des provinces de Carabaya, dont je viens de parler.

De la culture.

La Coca se sème en almacigos (en pépinières). On prépare d'abord le terrain, c'est-à-dire que la terre est remuée à un demi-pied environ de profondeur, puis on forme des carrés de 4 à 5 mètres, sur lesquels on éparpille la semence; ensuite, avec un balai, on racle la superficie jusqu'à ce que la semence soit bien mélangée avec la terre. Il faut avoir soin, après cette première opération, de couvrir le matin ces carrés avec des toiles afin que les oiseaux, ne viennent pas manger la graine, et les ôter dès que le soleil prend un peu de force, ayant soin toujours de placer quelqu'un qui a pour unique


958 SOCIETE IMPERIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION.

mission d'épouvanter la gente allée. Une autre précaution à prendre, est d'arroser souvent le terrain, la Coca, pour prospérer, ayant besoin de beaucoup d'humidité.

Lorsque les plants ont poussé dos cuartas (30 à 35 centimètres environ), ce qui a lien au bout de six à sept mois, suivant les soins qu'on prend, et la température plus ou moins chaud du lieu, "les plants à cet état se vendent aux cultiva» teurs qui ne veulent pas se donner la peine de faire produire » la semence, sous la dénomination de cabeza, ou tête : on a » ainsi nommé cette vente, parce que c'est toujours par blocs » de mille plants qu'on les livre au commerce, et que l'on a » Constaté que le volume de ces mille plants Occupait à peu » près une circonférence de volume égale à Celle que l'on » pourrait former du contour de la tête ordinaire d'un homme. »

Lorsque les jeunes plants sont arrivés à Cet état, On les sort de l'almacigo, et on les place deux à deux ou trois par trois; de manière que les racines soient contiguës et que les' extrémités supérieures se divergent, parce, que, il en meurt souvent un, quoique néanmoins ce ne soit pas une règle générale ; puis on colloque chaque amas dans des trous préalablement disposés dans Un terrain neuf (qui se nomme alors le cocal), et qui sont creusés d'une profondeur à peu près égale à la hauteur du plant, et tout alentour de la racine on entasse à 10 centimètres d'élévation de la terre nettoyée, c'est-à-dire contenant le moins de pierres possible.

Plusieurs motifs expliquent ce système de culture. D'abord, comme le terrain est excessivement fertile, il y pousse promptement de mauvaises herbes, et ces plantes parasites, attaquant les jeunes arbrisseaux jusqu'à leurs racines, ne tarderaient pas à les envahir et les tuer sans retour ; aussi est-il nécessaire de leur donner la façon au moins tous les deux ou trois mois au plus tard. Ensuite, comme il règne à certaines époques de l'année, dans Ces vallées, des vents très violents (borrascas), il serait à craindre, et l'expérience l'a du reste démontré, si ces jeunes plants se trouvaient à terre nue, que les racines, qui ne sont pas encore solidement implantées, ne cédassent à la force de l'élément, et que celui-ci n'occasionnât des dégâts


DE LA COCA. 959

sans nombre. En troisième lieu, on a adopté ce mode de culture, afin de donner à la plante beaucoup d'humidité en même temps qu'une continuité de chaleur, sans quoi elle ne pourrait acquérir de la force : en effet, soit qu'elle profite de la condensation des vapeurs, soit qu'à certaines époques les pluies du ciel viennent la tremper, soit enfin qu'elle soit arrosée par la main des hommes, toujours est-il que l'eau séjourne davantage à la base de cet orifice où les rayons du soleil ne pénètrent que rarement; par conséquent il règne une humidité plus constante à la racine de la plante, et il est de notoriété que l'humidité est l'élément constitutif du progrès et de la bonne venue de tout cocal. D'un autre côté, l'air qui environne la plante, chauffé par l'atmosphère extérieure, concentre un degré de chaleur très convenable à la pousse de l'arbuste : celui-ci, à la fin de l'année, a acquis toute sa force; on fait alors la première cueillette de Coca, qui s'appelle incho, laquelle généralement est de peu d'importance; mais on a toujours soin, lorsqu'on récolte la feuille, de laisser la guia ou pousse, à laquelle on ne touche jamais. Après la récolte, on coupe les mauvaises herbes qui environnent les plantes, on les foule et on les entasse dans le trou, tout autour de l'arbuste, afin de lui servir de huano. C'est ce que l'on appelle dans le pays, abono, ou bénéfice d'engrais. Après la première cueillette, la plante suit sa progression naturelle, augmentant en force, en hauteur, et produisant une plus grande quantité de feuilles, de manière que si la première récolte a donné une livre de Coca sur une cabeza, ou tête ; la seconde en donnera le double, et à la fin de cette période, c'est-à-dire au bout de deux ans, l'arbuste sera dans toute sa force, et donnera tout ce qu'il peut produire.

Dans la vallée de Santa-Ana, un bon cocal, dans un terrain propice, dure de sept à dix ans, tandis que dans les vallées de Phara et Patambuco, il en existe desquels on a perdu le souvenir de l'époque de leur plantation. Peut-être que dans cette contrée le terrain convient mieux à la culture de ce végétal, c'est-à-dire qu'au lieu de se trouver sur des hauteurs, les plantations se font dans des plaines naturellement arrosées


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par des courants d'eau, ou peut-être aussi le cultive-t-on avec plus de soin, c'est-à-dire qu'on délivre plus souvent l'arbuste des mauvaises herbes susceptibles de l'envahir; car, sans cette condition requise, la plante se débilite et meurt; et si cette opération n'est pas faite en temps voulu, la négligence de la façon engendre des maladies le plus souvent incurables. « La » maladie la plus commune est une espèce de mousse gluante, » sorte de plante parasite qui s'attache à l'arbre et le couvre » en entier; le seul remède connu jusqu'à ce jour à cette ma» ladie consiste à couper l'arbuste à un pied de terre (1). »

Dans la vallée de Santa-Ana, on cultive la Coca d'une autre manière. On sème la graine en huanbal, qui est exactement la même chose qu'en almacigos, ou pépinières; seulement le terrain n'est point divisé par carrés comme dans les provinces de Carabaya. C'est un morceau de terre, sous forme de carré long, de 30, 40 ou 50 mètres de longueur, suivant les besoins de la plantation; aux côtés latéraux et au milieu sont plantés des pieux qui soutiennent la charpente d'un toit construit de carisos (fort roseau ; glaïeul, sorte de cannerelle), lequel est totalement couvert de feuilles sèches, de manière que les rayons du soleil n'y peuvent pénétrer. Tant que la graine est en germination, on arrose le terrain au moins une fois le jour; des jeunes gens de la propriété restent auprès des pépinières, etsont uniquement occupés à chasser les oiseaux, très friands de la graine, et qui s'abattent par nuées sur les almacigos.

La pulpe, qui ressemble à une petite cerise rouge, et qui contient la graine, s'appelle moclio. Dans les vallées de Carabaya, aussi bien que dans celle de Santa-Ana, les cultivateurs ont l'habitude de semer indistinctement la graine du jour ou de la saison antérieure. Comme la végétation est constante, il n'y a point d'époques fixes pour les semailles, ou plutôt on sème en toutes saisons. Dès que le moclio est mûr, on le

(1) Généralement, les agriculteurs experts dans la culture de la Coca cherchent de préférence des terrains argileux d'une couleur rouge ou de plomb, et l'expérience a prouvé que leur choix était bon, car toujours ils ont obtenu un meilleur résultat que les autres, qui, travaillant de la même manière, avaient fait leurs plantations dans un terrain d'une composition différente.


DE LA COCA. 961

cueille, et l'on en sort la graine que l'on peut laisser naturellement se sécher, ou la faire sécher au soleil : dans les deux cas, elle est immédiatement bonne à semer.

Au bout de six à sept mois, le plant est en état d'être transplanté. « A Santa-Ana, comme à Carabaya, on le vendalors sous la dénomination de cabeza. » Alors, dans un terrain butté par deux rangs au milieu desquels se creuse naturellement une rigole, on plante dans celle-ci, à deux pieds de distance environ l'un de l'autre, les jeunes arbrisseaux, et de chaque côté, sur les buttes, on sème des yuccas, « tubercule assez analogue » à une espèce de Pomme de terre également originaire du » Pérou, et qui a nom arracacha. » Comme cette plante liliacée croît à une grande hauteur, les feuilles donnent de l'ombrage à la jeune plante et la garantissent de la trop forte chaleur. On fait la première récolte, qui se nomme palla, au bout de six mois de la transplantation, et les personnes chargées de la cueillette s'appellent palladoras..

Dans la vallée de Santa-Ana comme dans celles des provinces de Carabaya, les récoltes de Coca sont plus ou moins abondantes, suivant la position du terrain et le degré de la température du lieu ; cependant, suivant les remarques que j'ai pu établir des différents cocals que j'ai visités, je suis demeuré convaincu que la position du terrain a plus d'influence sur la bonne venue de la plantation que le degré de chaleur qu'elle est susceptible de recevoir. Ainsi, la Coca de temporal, c'està-dire celle qui est située sur les hauteurs, et qui n'est arrosée que par les eaux pluviales, ne donne que trois cosechas ou récoltes par an, tandis que celle située en plaine, et susceptible d'être arrosée par la main des hommes, en donne quatre, j'ai pu voir en outre, dans le cocal du Potrero (Santa-Ana), une plantation située dans un bas-fond recevant à peine quelques rayons de soleil, mais dans un terrain excessivement humide, produire la récolte la plus abondante, la feuille la plus grande et d'une saveur plus agréable que celle de tous lus cocals de l'hacienda (propriété), et j'ai conclu de la qu'un excès d'humidité (pourvu toutefois que la racine ne soit pas constamment noyée) ne peut en rien être nuisible à la plante,

T. IX. - Novembre 1862. 61


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au contraire; tandis qu'un excès de chaleur lui serait, à mon avis, très préjudiciable.

Lorsque la feuille de Coca est mûre, elle tombe d'elle-même : c'est ce qu'il faut éviter, parce que si, en tombant, elle se tache, elle n'est plus bonne à rien ; il faut la cueillir à maturité et la faire sécher à un degré convenable, parce qu'une trop forte chaleur la réduirait en poudre : donc, dès qu'un cocal est mûr, on en fait la cueillette. Ce sont généralement, en raison du peu de prix du salaire de la journée, des femmes et des enfants qui sont occupés à ce travail, sous la conduite d'un mandon, homme préposé pour surveiller le mode dont s'effectue la récolte, afin que les palladoras ne secouent pas trop l'arbuste en faisant la cueillette, ce qui lui serait très nuisible, car cette plante est d'une grande délicatesse, et demande à être traitée avec douceur.

La Coca se cueille feuille par feuille. On ne touche jamais à la guia; les palladoras ont devant elles un tablier, et, lorsqu'il est plein, elles vont le vider dans un des sacs qui se trouvent en regard de chacune des rigoles du champ. Lorsque ce sac est plein, le mandon le fait porter et vider dans le matu-pampa, cour carrelée où l'on pose la feuille de Coca pour la faire sécher naturellement à l'ardeur du soleil.

On livre à la consommation du public deux espèces de Cocas, qui proviennent toujours de la même plante, et ne doivent la différence de leur nom qu'à la manière dont elles sont bénéficiées : l'une s'appelle cacha, et l'autre pisada.

La première est celle qui, cueillie et mise à sécher dans le matu-pampa, est ensuite déposée dans le matu-huasi (magasin (1), sans avoir éprouvé le moindre accident atmosphérique ; là elle est posée par arrobes (poids de 25 livres), mise dans des sacs de toile commune, et livrée au commerce.

L'autre, qui se nomme Coca pisada, est celle qui, dans le metu-pampa, est surprise, avant qu'on ait pu la serrer, par une averse inattendue, qui la mouille et la tache ; alors on la fait fouler aux pieds par une certaine quantité d'Indiens. Les

(1) Matu-guasi veut dire en langue quichua : maison de la Coca.


DE LA COCA. 963

feuilles perdent alors cette belle teinte verte uniforme des premières, et prennent des couleurs variées, parmi lesquelles dominent les sépias les jaunes et vert sale. Quand le foulage est terminé, on laisse sécher les feuilles dans le même lieu; puis, après, on les transporte dans le matu-huasi, où elles subissent les mêmes préparations que les précédentes.

La première Coca se vend toujours à un prix plus élevé, mais il y a des localités où l'on préfère la seconde.

La feuille fraîche de Coca approche beaucoup de celle de Poirier, avec cette différence qu'elle est moins brillante ; sa couleur est d'un vert mat obscur.

Quant à la feuille sèche, je doute fort, même toutes les précautions désirables étant prises, qu'elle puisse arriver en bon état en Europe ; les émanations de la mer et celles des navires altéreront, je le crains, ses qualités. Dans le pays même, la Coca du commerce, si elle n'est point placée dans des endroits bien secs, perd au bout de quelque temps toute sa saveur ; elle devient insipide.

Un Indien consomme en moyenne quatre onces de Coca par jour, ce qui fait environ un quintal par an.

La culture de la Coca a beaucoup diminué dans le sud du Pérou, depuis l'époque de la peste de 1855, qui a décimé un grand nombre d'Indiens, et surtout depuis que les haciendados ont substitué en partie à cette culture celle de la plantation de la Canne à sucre ; cependant, rien que dans le département du Cuzco, la consommation annuelle ne s'élève pas moins qu'à 55 000 arrobes, au prix de 8 piastres en moyenne, soit 440 000 piastres, ou 2 200 000 francs.

Tableau du prix de la Coca depuis 1855.

De 1855 à 1857, l'arrobe. ..... piastres 5,4 à 6,4, soit fr. 27,50 à 30,50

1857 à 1859, — 7,4 à 9 — 37,50 45

1860, jusqu'en mai, — 9,4 — 47,50

1860, nov. (à cause de la maladie du végétal) 12,4 — 62,50

1861, — 10 - 50

1862, prix actuel 9,6 — 48, 25


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Versions historiques de la Coca. — Usages et propriétés de la feuille.

Tous les Indiens, indistinctement, se servent de la feuille de Coca, comme les marins du tabac, c'est-à-dire qu'ils la mâchent, et lorsqu'elle est légèrement imprégnée de salive, ils y ajoutent, suivant les localités, de la llipta. « La llipta est » un gâteau durci, composé de chaux et de cendre calcinée » qui provient, soit de l'écorce d'un petit arbre appelé Quinoa, » ou de celle d'un arbuste de la montagne, nommé Plancho. » Dans d'autres localités, comme au Cerro de Pasco par exemple, la llipta est tout simplement de la chaux vive. Chaque Indien porte suspendu à sa ceinture une petite calebasse renfermant cet ingrédient, et il en sort, avec un petit bâton creusé à l'extrémité, ou avec une cuiller, au fur et à mesure de ses besoins. Il paraît que cette feuille a la propriété de pouvoir suppléer au. défaut d'aliments, et qu'une personne qui en fait usage peut subsister plusieurs jours sans manger ni se sentir affaiblie; aussi raconte-t-on à ce sujet, d'incroyables versions. Ainsi, tel Indien aurait entrepris un voyage de 200 à 300 lieues, exécutant par jour, une étape de 60 milles, se nourrissant uniquement de feuilles de Coca, et sans que sa santé ait en rien souffert. Si, comme je le crois et l'admets, la feuille de Coca est une substance fortifiante, ma conviction est aussi que son abus a pour résultat fâcheux d'attaquer les facultés intellectuelles de l'homme. Quiconque a visité un canton minéral de ce pays a pu faire cette remarque, que les Indiens mineurs, qui sont ceux qui précisément font un abus de cette feuille, « car non contents de la » mâcher depuis le moment où ils sont éveillés jusqu'à celui » où ils se couchent, ils en font encore usage la nuit », sont réduits à un état d'idiotisme complet: la Coca produit sur eux l'effet que produit l'opium sur les Chinois, elle les abrutit.

Il m'est arrivé plusieurs fois, en passant la grande chaîne des Andes, de mâcher de la Coca pour combattre le froid, et je m'en suis toujours bien trouvé. La feuille a un goût âcre, mais elle n'écorche point du tout la langue, comme on a voulu


DE LA COCA. 965

le faire croire ; à ceux qui en font un usage continuel, et qui se servent de la llipta, elle donne une odeur insupportable. La première fois que j'ai mâché de la Coca, j'ai senti au bout de quelques minutes de petits frissons de fièvre; le sang se portait vers la tête et me battait les tempes avec force. J'éprouvai ce malaise dix minutes environ, après quoi une réaction complète eut lieu, et je sentis des pieds à la tête une chaleur douce et agréable. Arrivé le soir à la posada (auberge), j'en pris en infusion, en guise de thé, avant de me coucher; seulement, j'eus soin de jeter la première eau et de ne boire que de la seconde; et, malgré la neige et l'intensité du froid, j'ai éprouvé une telle chaleur, que j'ai transpiré à percer mon matelas.

L'Indien attribue à la Coca plusieurs propriétés, et l'emploie à différents usages. D'abord c'est pour lui un aliment favori et indispensable; car la privation de toute autre substance lui est infiniment moins sensible que celle de la Coca : aussi recommanderai-je toujours à tout voyageur susceptible de parcourir l'intérieur de ces pays, de se munir au départ d'une bonne provision de Coca; c'est la meilleure monnaie et celle qui a le plus de vogue dans toute l'Indiana. Et il m'est arrivé souvent, dans la montagne, de ne pouvoir me procurer la moindre des choses avec de beaux et bons écus, tandis qu'une poignée de feuilles de Coca produisait sur l'Indien l'effet d'un talisman, et celui-ci mettait immédiatement son rancho (cabane) et tout ce qu'il contenait à ma disposition. Les Indiens se servent de la Coca pour toute espèce de maladies externes, soit qu'ils se coupent la main, pour arrêter l'hémorrhagie, soit à la guérison d'ulcères ou de quelques plaies que ce soit, de même que pour les névralgies et les maux de tête; dans ce dernier cas, ils appliquent de chaque côté, sur les tempes, une feuille de Coca mouillée, et, soit superstition, soit réalité, ils paraissent ne plus souffrir dès que la feuille est posée. A propos de la vertu attribuée par les Indiens à la Coca, voici une histoire qui me fut contée par les témoins oculaires du fait.

L'année dernière, lors de mon expédition à Vilcabamba, jadis un des cantons minéraux le plus riche du Pérou, j'ar-


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rivais en cette ville au moment où l'on conduisait à sa dernière demeure le dernier mineur. Celui-ci, depuis plusieurs années, était atteint d'une maladie devant laquelle les secours de l'art étaient restés impuissants ; son corps était couvert d'ulcères externes, et le malheureux, dans son martyre, abandonné des médecins, demandait la mort. Un vieil Indien, qui avait anciennement travaillé sous ses ordres, lui proposa d'entreprendre sa guérison; il accepta. Il étendit mon patient tout nu au milieu de la chambre, et là une demi-douzaine d'Indiens mâchèrent de la Coca avec l'accompagnement indispensable de la llipta, et se mirent autour du corps à chanter et danser avec force gestes cabalistiques. Au bout d'un quart d'heure environ, alors que les feuilles étaient suffisamment imprégnées de salive, et que celle-ci se manifestait par une écume, abondante, ils se mirent, tout en continuant à danser, à cracher sur le corps du souffrant; cet acte dura environ une demi-heure, après lequel chaque Indien alla appliquer sa bouillie de Coca sur les ulcères du malade; celui-ci fut alors enveloppé de linges et mis sur un lit de repos. La même scène fut recommencée deux jours de suite, et, au bout du mois, le malade, qui s'appelle Gonzalès, fut radicalement guéri.

Depuis lors il vécut encore onze ans, car cette opération médicale eut lieu en 1850.


II. EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX

DES SÉANCES DU CONSEIL.

SÉANCE DU CONSEIL DU 21 NOVEMBRE 1862.

Présidence de M. le comte D'ÉPRÉMESNIL, vice-président.

Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. Le Conseil admet au nombre des membres de la Société :

MM. BUREAU (Eugène), propriétaire à Chaix (Vendée).

COSTA (le professeur Achille), directeur du musée de zoologie de l'université, à Naples.

FROSSARD (le général de division), aide de camp de l'Empereur, à Paris.

GASNIER (H.), propriétaire à la Bruyère , près de Baugé (Maine-et-Loire).

HOBÈS (Mgr Al.), évêque missionnaire de la Sénégambie, à Dakar, près de Gorée.

LABBÉ (Philippe), négociant à Luçon (Vendée).

MARS (Henry), ancien négociant, à Paris.

MATHAREL (de), préfet de l'Orne, à Alençon.

MOCQUAY (Henri), négociant à Luçon (Vendée).

OHLSEN (Ch.-Théodore-Alexandre), agriculteur à Naples.

PONS Y SOLER (J.), propriétaire à Mahon (Espagne).

RIVIÈRE (Jules), architecte, à Paris.

SALAZAR Y MAZARREDO (Eusebio de), à Madrid.

SAVARDAN (le docteur), à la Chapelle-Gaugain, par Bessé (Sarthe).

TAGLIABUE (Esiode), propriétaire à Milan (Lombardie).

— Des remercîments pour leur récente admission sont adressés par MM. le docteur H. Auzoux, le comte de Chevigné, Lenthéric et Martin de Bessé.

— S. Exc. M. le Ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics, par une lettre du 11 novembre, transmet à la Société une collection de graines de Chine recueillies et envoyées par M. E. Simon.


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— M. le Directeur du Jardin d'acclimatation donne communication d'une lettre adressée par le même Ministre à M. le Président, en date du 28 octobre, pour lui annoncer qu'il met à la disposition du Jardin une partie de ceux des animaux également envoyés de Chine par M. Simon, qui ont survécu aux fatigues de la traversée.

— M. le Président donne lecture d'une lettre qu'il a reçue de notre délégué à la Réunion , M. le docteur Berg , qui lui annonce, à la date du 7 octobre, l'organisation définitive d'un Comité colonial d'acclimatation à Saint-Denis. M. Berg, secrétaire général du nouveauComité, transmet, au nom de son Conseil, dont il fait connaître la composition (voyez au Bulletin, Faits divers), le désir que le Comité soit admis au nombre des Sociétés affiliées. Cette demande est favorablement accueillie par un vote unanime du Conseil, qui décide, en outre, que les mesures nécessaires seront prises pour qu'il soit donné satisfaction aux demandes d'oeufs de poissons et d'oiseaux insectivores adressées, au nom de la colonie et du Comité, par nos zélés confrères M. Berg et M. Manès.

— M. le secrétaire donne ensuite lecture d'une lettre de M. Manès, en date du 4 octobre, qui fait connaître son intention d'essayer la culture des Vers à soie de l'Allante et du Ricin à la Réunion, et de renouveler aussi souvent qu'il sera nécessaire, et sous toutes les formes possibles, ses tentatives d'introduction du Gourami en France ou en Algérie. Notre confrère rappelle les observations qu'il a, déjà faites sur les avantages que présenterait l'organisation d'huîtrières artificielles et d'établissements de pisciculture sur les points les plus favorables des côtes de la Réunion.

— M. le docteur Sacc, en présentant la candidature de M. Philippe Joeger, transmet les bienveillantes offres de service de notre nouveau confrère qui va accompagner la mission suisse au Japon. Parmi les objets que la Société pourrait recommander à l'attention spéciale de M. Joeger, M. le délégué à Barcelone signale le Ver à soie Ya-ma-maï, les Mainates de Java, et les Oiseaux de paradis, qu'on rencontre fréquemment à Singapore.


PROCÈS-VERBAUX. 969

— M. le Directeur des services maritimes des Messageries impériales, par une réponse adressée à M. le Secrétaire général, renouvelle l'assurance des dispositions bienveillantes de cette administration envers notre Société, pour ce qui est relatif aux transports des objets dont elle pourra être chargée.

— M. le Président communique une lettre par laquelle M. Richard (du Cantal) lui rappelle les observations qu'il a soumises au Conseil sur l'utilité de l'application des sciences naturelles à l'agriculture et d'études pratiques faites en vue de l'amélioration de nos races indigènes. Les considérations exposées par notre honorable vice-président sont approuvées par le Conseil.

— M. le Président dépose une Notice sur les Moutons de Chine, rédigée par M. A. D. Bartlett. (Voyez au Bulletin, p. 929.)

— M. le Président annonce ensuite que les animaux offerts à l'Empereur par les rois de Siam viennent de débarquer à Toulon, et que Sa Majesté en ayant laissé la libre disposition à M. Drouyn de Lhuys, il sera prélevé sur cette collection les espèces utiles qu'il conviendrait de placer au Jardin d'acclimatation.

— M. Pierre Pichot, par une lettre adressée à M. le Président, en date du 18 novembre, annonce l'arrivée à Paris des Moutons Romanoff offerts à la Société par M. Gasrileff, et d'Oiseaux de Russie envoyés de Saint-Pétersbourg par M. le comte Gustave de Montebello pour le Jardin d'acclimatation (voyez au Bulletin). M. Pichot ajoute qu'il remettra prochainement un rapport sur les Moutons Romanoff.

— M. le secrétaire communique diverses correspondances relatives à l'arrivée à Londres, et ensuite au Jardin d'acclimatation, de l'un des deux Phascolomys latifrons offerts à notre Société par la Société d'acclimatation de Victoria (Australie), et expédié par les bons soins de M. le docteur F. Mueller, de Melbourne. Cet individu appartient à une espèce tellement rare et précieuse, même dans son pays d'origine, que notre dévoué collègue, pour ne pas compromettre le succès de leur arrivée en France, a cru utile de les expédier l'un


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après l'autre. Le premier nous est parvenu dans d'excellentes conditions, et a été immédiatement déposé au Jardin d'acclimatation par M. Ramel, qui, se trouvant à Londres, a bien voulu se charger de le ramener à Paris.

— M. Faivre, brigadier de pêche, à Beaulieu (Corrèze), dans une lettre du 18 octobre, entretient la Société des efforts qu'il ne cesse de faire pour la propagation des pratiques de pisciculture dans la localité qu'il habite.

— En envoyant une demande d'oeufs fécondés de diverses espèces de Poissons, notre confrère M. E. des Nouhes de la Cacaudière, dont les travaux ont été souvent mentionnés dans nos Bulletins, fait connaître ses projets d'empoissonnement de la Sèvre, où il se propose de jeter quelques milliers de Saumons et de Truites.

— M. G. Ermens, agent chargé des plantations du gouvernement à Saint-Louis du Sénégal, par une lettre du 27 septembre, annonce qu'il a déjà obtenu deux éducations de Vers à soie du Ricin provenant de graines qui lui avaient été données à son passage à Alger, au mois de juin dernier, et dont il espère introduire facilement la culture dans notre colonie du Sénégal.

— M. G. Renoux, du Val, près de Brignoles (Var), rend compte d'une éducation de Vers du Ricin qui lui a donné d'excellents résultats.

— M. le Président communique une lettre qu'il a reçue de Palerme, en date du 8 octobre, et par laquelle M. le baron Anca, président de la Société d'acclimatation et d'agriculture de Sicile, lui fait part des succès remarquables obtenus par lui dans un premier essai d'introduction de la culture de la Cochenille en Sicile. Ces succès encouragent notre honorable collègue à étendre cette culture. (Voyez au Bulletin.) _

— M. le docteur L. Soubeiran remet un travail qu'il vient de terminer sur la culture du Cotonnier. (Voyez au Bulletin.)

— M. le Président dépose deux échantillons de Cotons Géorgie longue soie et Louisiane, récoltés dans le Gard par M. Arnaud fils, de Remoulins, et qui lui ont été adressés par cet agriculteur.


PROCÈS-VERBAUX. 971

— M. le secrétaire donne lecture de deux lettres adressées de Bahia (Brésil), les 13 et 28 octobre, à M. le Président, par M. A. de Lacerda, qui fait parvenir à la Société un échantillon d'une espèce de Coton jaune du Brésil très estimé. Notre dévoué confrère, craignant que les graines qu'il possédait de ce Coton ne fussent déjà très avancées, a eu la précaution de les semer lui-même pour envoyer ensuite les graines fraîches qu'il en récoltera. Il parle dans sa première lettre d'un Coton bleu qu'on dit exister au Brésil, et de Pacas qu'il possède et qu'il veut envoyer à la Société dès que la saison le permettra. Il fait enfin connaître un projet de voyage dans les régions centrales de la province de Bahia, pour se mettre à la recherche des produits naturels de ces contrées qui pourraient intéresser la Société.

Par sa seconde lettre , M. de Lacerda annonce l'envoi des tiges de deux végétaux alimentaires, le Mandioca et le Aipim, appelées dans le pays Manaiba (voyez au Bulletin). Ces tiges sont parvenues dans un état de conservation parfaite, et ont été immédiatement distribuées entre les pépinières du gouvernement en Algérie et ceux de nos confrères du midi de la France qui sont dans les conditions les plus propices pour leur culture.

— M. E. de Lesseps, consul général chargé d'affaires de France au Pérou, écrit de Lima, le 13 octobre, pour exprimer à M. le Président son regret que les conditions dans lesquelles il a reçu les graines de Coca qui lui ont été envoyées par M. Colpaert, ne lui aient pas permis de les réexpédier à la Société. Il a eu soin de faire semer ces graines, et il espère pouvoir en envoyer des plants dans quelques mois. Il annonce cependant l'envoi de graines de cette plante et d'échantillons de llipta. La lettre de notre honorable correspondant renferme un Rapport de M. Colpaert sur le mode de culture de la Coca au Pérou, et une Note de MM. Borsani et Eve sur les plants et les graines de M. Colpaert. (Voyez au Bulletin.)

— M. Drouyn de Lhuys offre à la Société trois échantillons de Haricots polonais que le prince Czartoryski a bien voulu lui remettre. Le n° 1, appelé en polonais Fazola orzelkowa


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piesza (Haricot à l'aigle), n'a pas besoin d'être ramé. Le n° 2, appelé Fazola perloura (Haricot perlé), doit l'être, et il en est de même du n° 3, appelé Fazola szparagowa (Haricot asperge). Cette dernière variété est fort bonne à manger comme haricot vert; les gousses sont longues et grosses.

— Une lettre de M. Hayes, datée de Chandernagor, le 20 septembre, annonce l'envoi de graines fraîches de Santalum album, Linn., du Mysore, c'est-à-dire de la meilleure espèce, qui sont arrivées récemment.

— M. le secrétaire communique une lettre transmise par M. le Président, qui l'avait reçue de M. J. X. Rosalès. Cette lettre annonce l'envoi fait par notre honorable confrère d'une collection de graines d'arbres et de végétaux divers du Chili, et d'une importante provision de pignons d'Araucaria imbricata. (Voyez au Bulletin.)

— M. Duchesne de Bellecourt, dont les importants envois ont déjà été signalés à la Société , adresse deux épis de Riz sec des montagnes et de Riz des marais des environs d'Yedo.

— M. Ramel offre à la Société un sachet de graines d'Eucalyptus globulus d'Australie.

— M. A. Lejourdan, directeur du jardin des plantes de Marseille, transmet une collection de graines d'Australie envoyées de Melbourne par M. le docteur Mueller.

— M. Gouly de Chaville, à la suite d'une lecture faite par lui en Angleterre, sur la culture et le commerce du Coton, adresse un échantillon de fibres extraites des feuilles du Raifort par une dame anglaise qui les croit propres à être utilisées comme matière textile.

— Des comptes rendus plus ou moins détaillés sur les résultats obtenus dans la culture des végétaux exotiques dont les graines ont été distribuées, sont adressés par M. Brierre, de Saint-Hilaire-de-Riez (Vendée) ; le docteur Leclerc, de Rouillac (Charente) ; Kirwan, garde général des forêts de l'Etat, à Evreux; Quevreux, à Nay (Basses-Pyrénées). Ces rapports, ainsi que ceux qui sont parvenus antérieurement, seront l'objet d'un compte rendu général.


PROCÈS-VERBAUX. 973

— Plusieurs demandes de graines ont été également adressées et enregistrées.

— Un certain nombre de membres accusent réception de celles qui leur ont été récemment envoyées sur leur demande, et offrent leurs remercîments.

— M. le Président dépose plusieurs journaux qu'il a reçus depuis la dernière séance, savoir :

Le Luçonnais du 25 octobre, contenant un compte rendu du concours agricole ouvert le 15 du même mois a NapoléonVendée, et dans lequel sont mentionnées une médaille de bronze accordée à un jardinier de Lucon pour sa culture de Cocozzelli, et une médaille d'argent pour premier prix d'ostréiculture, décernée à notre confrère M. René Caillaud, dont les travaux ont été signalés tout spécialement. (Voyez au Bulletin.)

Le Moniteur du Calvados du 15 et du 18 octobre, qui renferme de longs articles sur le comice agricole et horticole d'Aunay-sur-Odon, et entre autres d'intéressants Rapports de notre confrère M. Victor Chatel.

Le Moniteur belge du 27 octobre, présentant de nouveaux documents sur les progrès de la propagation en Belgique des races bovines sans cornes créées par M. Dutrône.

Le Secrétaire du Conseil, GUÉRIX-MÉNEVILLE.


III. BULLETIN MENSUEL DES CONFÉRENCES ET LECTURES.

CONFÉRENCE DU 4 SEPTEMBRE 1862.

Sur les Végétaux cultivés au Jardin d'acclimatation, Par M. QUIHOU, jardinier en chef.

La conférence de M. Quihou, jardinier en chef, a eu lieu dans le jardin d'expériences, en présence d'un public nombreux, auquel M. Quihou présentait au fur et à mesure les diverses plantes dont il parlait, en appelant l'attention sur quelques-unes de celles dont les résultats sont les mieux constatés. Tels sont :

Cotonnier Géorgie longue soie (Gossypium herbaceum), Malvacées. — Venu du midi de la France, où il est cultivé avec soin depuis plusieurs années. Qualité supérieure au coton du commerce qui nous vient d'Amérique ; il serait important d'en répandre la culture dans nos départements méridionaux et en Algérie.

Chenopodium quinoa, Chénopodée des Cordillères. — Cette plante, qui est d'une grande ressource aux Cordillères, peut nous rendre ici quelques services dans les mauvaises terres où nos céréales ne peuvent être cultivées. Elle sert à la nourriture de l'homme par ses feuilles, qui s'accommodent comme les épinards, par ses graines, dont la farine fait d'excellents gâteaux et des potages d'une digestion facile. On en obtient aussi une espèce de bière par la fermentation. Ses graines sont une bonne nourriture pour la volaille, qu'elles excitent à pondre. Toute la plante donne un fourrage recherché par les vaches. Cette variété nouvelle est bien supérieure à celle que nous avons cultivée les années précédentes.

Sorgho à sucre (Holcus saccharatus), Graminées. Chine. - Plante précieuse comme fourrage, dont elle donne plusieurs coupes dans l'année. On doit éviter de l'employer trop tendre. Ses graines, qui mûrissent bien dans le Midi, servent à engraisser la volaille et les porcs. Les tiges fermentées donnent une boisson très agréable et nutritive. Son produit saccharin et alcoolique est supérieur en qualité à celui de la Betterave, mais moins abondant. Les variétés suivantes servent aux mêmes usages, sans offrir plus d'avantages :

Sorgho blanc du Maroc (Holcus cernuus),

Sorgho blanc du Sénégal (Holcus vulgaris),

Sorgho jaune du Sénégal (Holcus cernuus),

Sorgho à balais d'Afrique (Holcus sorghum),

Sorgho à épi de Chine (Penicillaria spicata)s

LeSorgho à balais est très cultivé dans le midi de la France pour les balais ,


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celui à épi est plus hâtif, et a par conséquent plus de chance de mûrir ses graines sous notre climat. Cette considération nous engage à en recommander particulièrement la culture.

Baselle ou Épinard du Malabar (Basella intermedia), Chine. — Excellent Épinard très recommandable. Il y a deux variétés : la blanche et la rouge.

Pois oléagineux (Soja hispida), Chine. — Fruit oléagineux très productif en Chine, mais presque nul ici. Les pays plus méridionaux pourront en tirer un bon produit.

Pyrèthre du Caucase (Pyrethrum rigidum), Composées. — Plante vivace dont les fleurs produisent la meilleure poudre insecticide.

Cerfeuil bulbeux (Choerophyllum bulbosum), Ombellifères. Allemagne. — Ce Cerfeuil, amélioré par la culture, produit une racine assez grosse qui se mange comme les Pommes de terre. C'est incontestablement le mets le plus savoureux de tous nos légumes, et nous ne saurions trop en recommander la culture dans tous les potagers. La variété dite Prescotti (de Sibérie) est nouvelle, et demande à être améliorée par la culture avant d'être recommandée.

Eucalyptus variés, Myrtacées. Australie. — Arbres d'une végétation rapide, d'un bel effet, et produisant un bois très estimé pour la construction et l'industrie. Les variétés les plus précieuses jusqu'à présent sont le globulus et le robusta. Notre colonie africaine possède déjà, ainsi que le midi de la France, ce précieux végétal, qui y promet un bon produit. Sous le climat de Paris, il ne pourra rendre d'autre service que d'orner nos jardins pendant l'été, mais on doit le rentrer en orangerie pendant l'hiver. On peut aussi le cultiver comme plante annuelle en le renouvelant chaque année par le semis. Le développement est si rapide, qu'un semis d'un an ou de deux ans fait déjà un bel effet.

Chêne à feuilles de Châtaignier (Quercus castaneifolia), Asie. — Espèce précieuse pour la nourriture du Ver à soie Bombyx Pernyi ; il réussit sous le climat de Paris, où il est encore très rare.

Loza (Rhamnus tinctorius), Chine. — Arbuste très rustique ici, duquel on tire le vert de Chine.

Céanothe d'Afrique (Ceauothus africanus), Rhamnées. — Arbre d'ornement, qu'il faudra probablement tenir en serre l'hiver, sous le climat de Paris.

Vernis du Japon (Rhus vernicifera), Anacardiacées. — Arbuste qui produit le vernis au Japon ; il est encore très rare en France, où il n'a pas encore passé l'hiver à l'air libre. Ce n'est que l'année prochaine que nous serons fixés sur sa rusticité. Il ne faut pas confondre le Vernis du Japon avec le soi-disant Vernis du Japon anciennement connu, et qui est l'Ailante (Ailantus glandulosa).

Fabricia levigata, Myrtacées. Australie. — Arbuste qui rend de grands services en Australie pour retenir les terres des dunes. Il est très anciennement connu ici comme arbuste d'ornement de serre tempérée. Ce n'est que


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dans les pays plus méridionaux qu'il pourra rendre les mêmes services que dans la Nouvelle-Hollande.

Érable à sucre (Acer saccharinum), Acérinées. Canada.— Arbre très précieux dans toute l'Amérique septentrionale pour le sucre qu'on en extrait par incisions (comme on fait à nos Sapins pour la résine),et pour son bois, qui sert à l'industrie, et au chauffage. Il supporte bien nos hivers, mais n'est cependant pas d'une grande vigueur. Quoique introduit depuis longtemps déjà sur notre continent, on n'en connaît pas encore de forts sujets ; espérons que les nouveaux essais provoqués par la Société dans divers pays amèneront quelques résultats.

Orme d'Amérique (Ulmus americana), Ulmacées. - Grand arbre rustique; il paraît supérieur à l'Orme que nous cultivons pour la qualité de son bois et la rapidité de sa croissance.

Frêne d'Amérique (Fraxinus americana), Oléinées. — Grand arbre du Canada, qui réussit très bien en France.

Marronnier glabre (Pavia glabra), Hippocastanées.— Arbre d'ornement de moyenne grandeur.

Coreopsis atro-purpurea, Composées Chine. — Jolie plante ornementale supérieure aux variétés que nous cultivons.

Lyciet d'Afrique (Lycium afrum), Solanées. — Arbuste d'ornement dont nous n'avons pu juger l'effet ni la rusticité.

Morelle gigantesque (Solanum giganteum), Solanées. Australie. - Arbuste à grand feuillage ornemental qui doit être rentré l'hiver.

Morelle laciniée (Solanum laciniatum), Solanées. Nouvelle-Zélande. — Plante annuelle très vigoureuse s'élevant à 3 ou 4 mètres. Beau feuillage. Mérite une place dans nos jardins paysagers. Au Brésil, ses fruits se mangent comme les tomates.

Orobe à feuilles molles (Orobus flaccidus), Légumineuses. Croatie.— Plante vivace, ornementale et fourragère, propre aux sols légers.

Ortie cotonneuse (Urtica nivea), Urticées. Chine. — Plante vivace à feuilles blanches en dessous, produisant beaucoup d'effet dans les jardins pittoresques. Ses tiges donnent une excellente filasse avec laquelle on fait la toile connue dans le commerce sous le nom de grass cloth..

Montanoa alata, Composées. Indes orientales. — Plante vivace au large feuillage ornemental; racines tubéreuses employées dans le pays comme diurétiques; on les dit saccharifères, mais l'expérience n'en a pas encore été faite en France. Cette plante demande a être rentrée en serre l'hiver ou fortement couverte de feuilles sèches.

Chufa de Valence. (Cyperus esculentus), Cypéracées. Egypte. — Plante vivace à racines tubéreuses alimentaires.

Carotte rose de Chine (Daucus carota rosea), Ombellifères. — Nouvelle Carotte intéressante par sa couleur rose.

igname de Chine (Dioscorea batatas), Diescorées. — Excellent légume à cultiver dans les potagers. La longueur de son rhizome le rend difficile


BULLETIN MENSUEL DES CONFÉRENCES. 977

extraire : c'est ce qui a empêché de le livrer à la grande culture, où il serait d'un produit avantageux. Les amateurs de mets savoureux continueront à le cultiver pour l'alterner avec nos Pommes de terre.

Pommes de terre (Solanum tuberosum), Solanées. — Parmi les variétés que le Jardin a reçues de l'Australie, de la Bolivie, de l'Amérique, des Cordillères et du Pérou, il yen a quelques-unes dont le produit a toujours été en diminuant ; de sorte qu'à la seconde année il n'y avait plus du tout de tubercules ; les autres, au contraire, ont augmenté le nombre et le volume de leur produit. Nous avons aujourd'hui huit variétés excellentes, de forme et de couleur variées, dont plusieurs nous ont donné des tubercules pesant plus d'une livre. Indépendamment de la qualité et du bon rendement (3 kilos à la touffe pour la plupart), nous avons eu la satisfaction de ne voir aucune trace de maladie, ce qui n'est pas la moindre qualité.

Pois (Pisum sativum), Légumineuses. Australie. — Bonne variété naine, très productive à faire en primeur.

Dolics variés (Dolichos?), Légumineuses. — Nous avons reçu une très grande variété de ce légume, qui est productif dans les pays chauds comme nourriture, mais qui, faute de chaleur, n'arrive pas à maturité sous le climat de Paris. Cependant nous en citerons deux dont on peut espérer tirer parti : celui de Montevideo à fleurs blanches, fruit blanc et plat ; et celui d'Egypte à fleurs rouges, fruit noir, bleuâtre et rond. Ces deux espèces se couvrent de fruits disposés en grappes qui ne sont pas encore à maturité complète, mais qui y arriveront probablement. La plante, qui est grimpante, est ornementale par ses fleurs et ses fruits.

Haricot arbre (Dolichos lignosus), Chine. — Plante grimpante qui exige la serre et dont nous n'avons pas encore vu le produit.

Haricot rouge (Phaseolus), Chine.— Variété très fertile, mûrissant bien ; il ressemble beaucoup à notre Haricot rouge d'Orléans.

Tétragone étalée (Tetragonia expansa), Mésembrianthémées. NouvelleZélande. — Plante annuelle dont les feuilles se mangent comme les Épinards, auxquels elles ne le cèdent en rien pour le goût. On l'a dite antiscorbutique. Sa principale qualité est de produire beaucoup, et d'autant plus, qu'il fait plus chaud, circonstance précieuse pour la saison d'été, pendant laquelle nos Épinards sont moins abondants et moins bons. Sa croissance est telle qu'il suffit d'un pied par mètre carré pour que le sol soit complètement couvert. Il faut semer en avril en pot sous châssis, et livrer à la pleine terre en mai, en ne laissant qu'un pied par pot.

Cocozzelli ou Courge d'Italie (Cucurbita pepo), Cucurbitacées. — Espèce de Courge non traçante, dont les fruits se mangent aussitôt après la floraison. Mets délicat. C'est une bonne introduction pour nos potagers.

Zapallo (Cucurbita melopepo). Cucurbitacées. Pérou. — Plante très vigoureuse donnant des fruits énormes, ayant la forme intermédiaire entre le Melon et le Potiron, mais grosse comme ce dernier. Elle n'a pas encore été dégustée.

T. IX.—Novembre 1862. 62


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Cyclanthera pedata, Cucurbitacées Texas. — Plante grimpante très vigoureuse, pouvant garnir un grand espace dans l'année. Fruit curieux, non alimentaire.

Giraumont vert (Cucurbita melopepo), Cucurbitacées Chine. - Espèce alimentaire, non encore dégustée.

Gourdes (Cucurbita leucantha), Cucurbitacées. Chine. — Plusieurs variétés donnent des Gourdes de diverses formes, telles que : Massue, Bouteille, Gourde de pèlerin, etc.

Potiron vert (Cucurbita pepo viridis), Cucurbitacées. Chine. - Nouveau Potiron non dégusté.

Potiron blanc (Cucurbita pepo fructu albo), Cucurbitacées. Chine. - Nouveau Potiron non dégusté.

Potiron doré (Cucurbita pepo aurea), Cucurbitacées. Chine.- Nouveau Potiron à fruits petits, mais nombreux; non dégusté.

Concombre d'Angleterre (Cucumis sativus var.), Cucurbitacées. Chine.- Se mange comme nos Concombres, auxquels il est supérieur.

Cornichon anguleux (Luffa angulata), Cucurbitacées. — Provenance ignorée, Fruit très remarquable à étudier.

Concombre à écorce résistante (Benincasa cerifera), Cucurbitacées. Chine. — Non encore dégusté.

Nous ne parlons pas ici d'une grande quantité de plantes alimentaires, industrielles ou ornementales, venues de divers pays, et particulièrement de la Chine, et qui sont cultivées ici depuis longtemps déjà ; un grand nombre même sont originaires d'Europe et y reviennent comme des nouveautés. Ce sont de vrais retours de l'Inde. C'est là un des inconvénients de notre position. Nous recevons de la bonne volonté de chacun tout ce qui nous est apporté et nous accueillons tout avec empressement, souvent sous la forme de graines dont il n'est possible de juger qu'après la germination. Nous ne nous plaindrons pas des déceptions que nous éprouvons, lorsque, après avoir attendu une plante nouvelle, nous voyons pousser quelque chose de très connu; nous connaissons trop bien les procédés de la nature : il faut semer beaucoup pour récolter un peu, et ne jamais se décourager.

CONFERENCE DU 11 SEPTEMBRE 1862.

Sur l'histoire de la pisciculture, par M. Anatole GILLET DE GRANDMONT.

Le poisson, comme tous les êtres de la création, naît d'un oeuf. Cet oeuf, chez le plus grand nombre des espèces, éclôt en dehors du sein de la mère-, presque toujours alors le jeune poisson porte une vésicule ombilicale, dernier débris du vitellus ou jaune de l'oeuf, qui renferme pour quelque temps les éléments de sa nutrition. Chez quelques espèces cependant, comme les Squales, les Raies, les Blennies, l'oeuf éclôt dans le sein de la mère, et le poisson est dit alors ovovivipare. Il est donc nécessaire, pour étudier les


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poissons, de les considérer sous leurs deux formes, c'est-à-dire à l'état d'embryon et à l'état de poisson. Cette distinction me servira de division pour exposer avec plus de facilité l'histoire de l'élevage de l'oeuf et de l'embryon (pisciculture embryonnaire),' et celle de la culture du poisson adulte (pisciculture proprement dite). Voyons d'abord à quelle époque remonte la pisciculture embryonnaire. En 1758, Jacobi, lieutenant de milice d'un petit comité de Westphalie, homme d'un esprit observateur, grand ami des études physiologiques, occupait ses loisirs à étudier les moeurs des poissons, et il transmettait à Buffon le résultat de ses recherches.

Il remarqua que la Truite, à l'époque de la ponte, devenait large, lourde, pesante, et plus facile à observer. C'est en mettant cette circonstance à profit qu'il parvint à surprendre les mystères de la fécondation.

La Truite femelle écartait à l'aide de sa queue les petites pierres garnissant le fond de la rivière, et se frottait contre elles pour faciliter la sortie de ses oeufs ; puis lorsque le mâle, guidé par son instinct, était accouru répandre sur eux sa laitance, elle revenait, et se servant encore de sa queue et de ses nageoires, elle recouvrait de cailloux les oeufs qu'elle voulait ainsi mettre à l'abri de leurs nombreux ennemis.

Ce fut un trait de lumière pour Jacobi. Il n'avait plus qu'à imiter la nature !

Tel est le point de départ de la fécondation artificielle, et voici comment Jacobi opéra. Tenant par les ouïes une Truite femelle disposée à pondre, il lui comprima légèrement le ventre et reçut dans un vase rempli d'eau les oeufs qui s'en échappaient; il prit ensuite le mâle, et lui fit subir la même opération pour féconder les oeufs par la laitance qu'il laissait écouler. Ceux-ci, lavés à grande eau, furent déposés dans une boîte à éclosion au milieu d'un ruisseau rapide. Quarante jours après environ, de jeunes Truites, aussi vigoureuses que si elles fussent nées en liberté, s'élançaient dans les eaux, après avoir déchiré les cellules qui les retenaient captives.

Jacobi ne s'en tint pas à celte seule expérience. Il appliqua son procédé sur une plus vaste échelle, et il obtint des résultats si brillants, qu'on put faire le commerce des poissons qui lui devaient la vie.

L'Angleterre, qui connut ces résultats (1), lui adressa une récompense nationale ; et quand les Saumons devinrent plus rares sur les marchés anglais, MM. Schaw (2), en 1837, et Boccius (3), en 1841, tentèrent d'utiliser la fécondation artificielle pour repeupler leurs cours d'eau, naguère si poissonneux, que les ouvriers ne se louaient qu'à la condition de ne pas manger de Saumon plus de trois fois par semaine.

Voilà où en était la pisciculture chez nos voisins. La France n'avait encore rien fait, et cependant c'est à elle que revient l'honneur d'avoir vulgarisé

(1) Soirées helvétiennes. Amsterdam, 1771.

(2) Experim. observ. on the develop, and growtli of Salmon fry. Edinburgh, 1840.

(3) Boccius, Fish in rivers and streams. London, 1848.


980 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. dans le monde entier, un art qui n'était pas connu, ou qui n'était exercé que par des expérimentateurs timides.

En 1848, M. de Quatrefages, dans un brillant rapport à l'Académie des sciences (1), rappelait aux agriculteurs que la science mettait à leur disposition les moyens de régulariser les produits des étangs, et d'utiliser pour la multiplication du poisson les oeufs des sujets livrés à la consommation. Il allait même jusqu'à parler d'ensemencer les eaux comme on le fait d'un champ préparé à l'avance. On ne croyait guère à la réalisation de telles promesses, quand de docteur Haxo, en revendiquant pour deux de ses compatriotes, Remy et Géhin, la découverte de la fécondation artificielle, vint apprendre que, dans les Vosges, déjà depuis plusieurs années, le procédé dont parlait M. de Quatrefages était mis en pratique.

Laissez-moi vous dire comment Remy, simple pêcheur, ignorant des grandes questions scientifiques, arriva à féconder et à faire éclore les oeufs des poissons.

La Bresse, qui n'était alors qu'un petit village ignoré des montagnes des Vosges, est entourée de ruisseaux rapides dont le fond pierreux et les eaux limpides sont fréquentés par les Truites. Remy vivait là du produit de ses filets; mais l'abondance du poisson diminuait de jour en jour, et, partant, diminuait aussi l'aisance de la maison. Le besoin, qui rend industrieux, suggéra à notre pêcheur l'idée de remédier à ce dépeuplement. Depuis longtemps il savait que vers la mi-novembre la Truite remonte les cours d'eau pour frayer près de la source. Il attendit donc cette époque pour faire ses observations. Couché le long de la rive, même par les froids les plus rigoureux, jour et nuit, il épiait dans l'immobilité la plus complète les mouvements de la Truite. C'est ainsi qu'il la surprit choisissant un endroit à l'abri des courants trop rapides, pour y déposer parmi les cailloux les oeufs dont elle était chargée. Portant alors toute son attention sur ce précieux dépôt, Remy voulut savoir ce qu'il deviendrait. Mais il fut bientôt convaincu que ces oeufs ainsi confiés à la nature étaient entourés de bien des ennemis et de beaucoup de causes de destruction. C'étaient les oiseaux du rivage qui venaient s'en repaître; c'étaient les autres poissons et les Truites elles-mêmes qui les dévoraient ; c'était le courant trop rapide qui les emportait avant la fécondation ; c'était enfin l'eau qui se retirait et les laissait à sec. Il crut avoir vaincu ces difficultés le jour où il songea à recueillir ces oeufs pour les faire éclore en lieu sûr ; mais quelle ne fut pas sa déception quand il n'en vit réussir qu'un petit nombre. Il répétait l'expérience, et il obtenait les mêmes résultats : les oeufs en effet n'étaient pas fécondés !

Le pauvre pêcheur voyait peu à peu ses espérances s'évanouir ; il avait rêvé le repeuplement des eaux des Vosges, et chacune de ses tentatives semblait lui en démontrer l'impossibilité. Las de tant d'insuccès, après tant de labeurs, il perdait courage, quand tout à coup il lui vint l'idée de rem(1)

rem(1) fécondations artificielles appliquées à l'élève du poisson, 1848


BULLETIN MENSUEL DES CONFÉRENCES. 981

placer la nature en faisant par lui-même ce qu'elle confiait au hasard ; en un mot, de féconder artificiellement les oeufs.

Le grand problème était désormais résolu ; et cela à force de patience, d'intelligence et d'observation !

Le nom de Géhin, que l'on trouve toujours uni à celui de Remy, nous fait connaître un de ses amis qu'il s'était adjoint dans ses expériences et dans ses observations.

Les journaux s'emparèrent bientôt de la question, et l'on suivait avec le plus vif intérêt les expériences du pêcheur des Vosges.

M. Coste vit tout d'abord l'intérêt de cette découverte, il comprit ce que l'on en pourrait attendre, et, se mettant à l'oeuvre, il sut par d'habiles mémoires inspirer la persuasion aux esprits les plus rétifs. C'est alors que dans son laboratoire, dans de petits bassins alimentés par les eaux de la ville, il faisait éclore avec l'aide de M. Gerbe, savant naturaliste, sous les yeux des visiteurs, les oeufs qu'il avait fécondés en public quelques semaines auparavant.

MM. Berthol et Detzem, ingénieurs du canal du Rhône au Rhin, avaient mis à profit, pour l'éclosion et l'élevage du poisson, les eaux dont ils pouvaient disposer. En 1852, M. Coste, instruit de leurs travaux, court à Huningue, lieu de résidence des deux ingénieurs, s'entretient avec eux, revient à Paris, et obtient du ministre de l'intérieur la création d'une école de pisciculture. Grâce à la généreuse intervention du gouvernement, qui n'a pas reculé devant une dépense de plus de 300 000 francs, cette école d'Huningue, aujourd'hui connue du monde entier, jouit d'eaux de sources très abondantes, des belles eaux du Rhin, de celles d'un ruisseau, l'Augraben, et enfin de marais qui ne sont pas sans utilité, puisqu'ils nourrissent des grenonilles destinées à l'alimentation des poissons. Huningue est un vaste appareil d'éclosion d'où l'on dirige vers nos fleuves, vers nos rivières, vers nos étangs, des oeufs de poisson fécondés et même de jeunes poissons à l'état d'alevin.

Voilà, quoique d'une manière très imparfaite, l'historique de la pisciculture embryonnaire dans ces derniers temps. J'ai dû beaucoup l'abréger pour ne pas abuser de votre bienveillante attention.

Si l'on interroge les anciens sur cette partie de notre sujet, on les trouve tous muets a cet endroit. Cependant les voyageurs qui ont écrit sur la Chine sont unanimes à dire que depuis longtemps les Chinois exploitent le frai du poisson. Un missionnaire qui nous a laissé, au commencement du siècle dernier, un magnifique ouvrage sur la Chine, le père du Halde, s'explique très clairement sur ce sujet (1). Les lacs, les étangs, et même les ruisseaux dont la Chine est arrosée, sont remplis d'une variété infinie de poissons. On en rencontre un grand nombre même dans les fossés que les Chinois ont soin de pratiquer à travers la campagne pour y conserver l'eau si nécessaire à la culture du riz. Vers le mois de mai, les habitants de ce pays barrent les

(1) Description de l'empire de la Chine et de la Tartarïe chinoise, par J, B. du Halde. La Haye, 1736.


982 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. cours d'eau en différents endroits avec des claies et des nattes, sur un par cours de plusieurs lieues, en laissant tout juste assez d'espace pour permettre aux barques de passer. La semence s'arrête à ces claies ; on la récolte, et on la livre à des marchands qui la transportent à des distances considérables. Elle se vend pour rempoissonnement à tous ceux qui ont des rivières et des étangs (1). Nous verrons tout à l'heure que, pour repeupler nos eaux, nous avons en tout point imité le procédé chinois.

Occupons-nous maintenant de la seconde partie de notre sujet, l'histoire de la pisciculture vraie, ou de l'élevage des poissons, et consultons d'abord les documents anciens.

Aussi loin que nous puissions remonter, les auteurs parlent de poissons et de peuples qui s'en nourrissaient presque exclusivement. Que cela ne vous paraisse point exagéré. Il existe encore de notre temps, sans parler des Esquimaux et des habitants du Kamtchatka, qui, privés de gibiers et d'aniimaux domestiques, vivent péniblement du produit de leur adresse à la pêche ; il éxiste, dis-je, des populations entières qui ne vivent que de poisson. En Norvège, par exemple, la monnaie courante est du poisson salé ou fumé. Le Saumon vaut de 10 à 15 centimes le kilogramme, on le mange en guise de pain. M. de Maude (2), qui a dernièrement visité ce pays, racontait, dans un rapport plein d'intérêt, lu à la Société d'acclimatation, le menu d'un des repas les plus confortables qu'il ait fait pendant son voyage, et qu'il devait à l'hospitalité d'un pasteur très fier de le traiter. Le dîner, élégamment servi du reste, consistait en Saumon cuit à l'eau, présenté sur un plateau de bois et servi avec une truelle d'argent. La sauce était du beurre fondu. En guise de pain on avait des Pommes de terre cuites à l'eau, et pour boisson de l'eau bien claire et du whisky. Certes, avec raison, un disciple de BrillatSavarin ne se fût pas contenté d'un pareil festin ; mais les Norvégiens ne sont cependant pas trop à plaindre: malgré leur vie frugale, ils sont brillants de santé, et leurs familles sont très nombreuses ; au reste, les économistes ont observé depuis longtemps que les peuples qui font du poisson leur nourriture la plus ordinaire s'accroissent très promptement (3).

Mais je suis loin de mon sujet, j'y reviens. Aussi haut, disais-je, que nous puissions remonter dans l'histoire des peuples, nous trouvons des traces de l'intérêt que les hommes ont porté à la pêche et aux poissons. En effet, près de cinq siècles avant l'ère chrétienne, Hérodote, dans un ouvrage qui lui valut une récompense nationale aux jeux Olympiques, parle de peuples ichthyophages établis sur la mer Rouge. Néarque, amiral d'Alexandre le Grand, qui fit un voyage d'exploration dans l'océan Indien, cite aussi des populations qui ne vivaient que de poisson, et qui habitaient entre l'Inde et la Perse.

(1) Une partie est aussi employée à l'alimentation des Chinois, qui, dit-on, sont très friands des oeufs des poissons, et les préparent avec non moins d'habileté que les Russes le font pour le Caviar.

(2) Notice sur les pêcheries des Harengs, de la Morue et du Saumon en Norvège (Bulletin de la Société d'acclimatation, t. VI).

(3) Esprit des lois.


BULLETIN MENSUEL DES CONFÉRENCES. 983

Les Égyptiens embaumaient des Cyprins et leur consacraient des autels. Leurs monuments sont couverts de signes hiéroglyphiques représentant des poissons de différentes formes.

Les Grecs nous offrent encore plus d'observations intéressantes sur les poissons. Homère parle de la pêche à l'hameçon ; il compare les prétendants à la main de Pénélope qu'Ulysse vient de percer de ses flèches à des poissons expirants sur le sable (1).

Plus on avance dans l'histoire, plus on trouve des détails qui nous prouvent combien, chaque jour, augmentait chez les anciens la quantité d'aliments tirés des eaux douces et des eaux salées. Les lieux de pêche devenaient des villes (2). Les poètes chantaient la pêche et les pêcheurs ; les comiques tournaient en ridicule les trop grands amateurs de poissons. Un certain Callimedon était surnommé par eux la Langouste ; ils racontaient que Philoxène de Cythère, condamné par son médecin à la suite d'une indigestion de poisson, demandait, avant de mourir, à manger ce qui lui en restait.

Aristote, qui a rassemblé tous les faits connus à son époque, nous a laissé sur la structure, la classification et les moeurs des poissons, des détails saisissants d'exactitude et de vérité. Il avait du reste reçu de son élève Alexandre le Grand une somme de 900 talents (environ 3 millions de francs) et plusieurs milliers d'hommes pour l'aider dans ses recherches.

Mais c'est aux Romains, plus amis du luxe que des sciences, que nous devons les premiers essais de la culture du poisson. Cent ans avant J. C., un certain Licinius Muréna, lieutenant de Sylla, fit creuser pour toute espèce de poissons, des viviers qui subsistaient encore du temps de Pline (3). Il trouva bientôt des imitateurs. Hortensius, habile orateur, épicurien raffiné, ami du luxe et du repos, fit faire de véritables travaux d'art pour conserver ses poissons, et entre autres des Murènes (4), qu'il affectionnait si particulièrement, qu'il ne put retenir ses larmes en apprenant la mort de l'une d'elles. Ce goût était dégénéré en passion : non-seulement on élevait, mais on instruisait encore les poissons, on allait jusqu'à les parer d'anneaux d'or (5). Chacun d'eux avait son nom et le connaissait. La Murène, le Mulet, le Barbeau, répondaient à la voix du nomenclateur, esclave chargé de leur entretien et de leur nourriture (6).

Lucullus, poussant le luxe plus loin encore, faisait percer des montagnes pour amener l'eau qui devait remplir ses viviers.

On aimait tellement ses poissons, qu'on en prêtait (7) 6000 pour fournir au festin triomphal de César le dictateur; mais on ne voulait ni les vendre, ni les donner.

(1) Odyssée, chant XXIV.

(3) Byzance, Sinope. L'abondance des poissons valut à Byzance le surnom de Corne dorée (3) Pline, Hist. nat. : Des viviers. (4) Pline, op. cit.

(5) Antonia, femme de Drusus, qui hérita des viviers d'Hortensius, plaçait des boucles d'or aux ouïes de sa Murène favorite. On venait, dit Pline, de très loin pour la curiosité du fait.

(6) Martial, livre X, épigr. XXX.

(7) Caius Hyrius (Pline, op. cit.).


984 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Le Mulet, qui chez nous porte le nom de petit Rouget, était très estimé des anciens : on allait jusqu'à le payer 8000 sesterces, environ 16 000 francs. C'est à cette occasion que Pline dit : « Aujourd'hui un cuisinier coûte autant qu'un triomphe, un poisson autant qu'un cuisinier, et aucun mortel ne paraît d'un plus haut prix que l'esclave qui sait le mieux ruiner son maître. » Apicius, qui vivait sous Tibère, était une des plus vaillantes fourchettes de l'époque (nepotum omnium altissimus gurges), selon l'expression de Pline. Il s'empoisonna, après avoir mangé 20 millions, dans la crainte de mourir de faim avec 1900 000 livrés qui lui restaient. Il s'était acquis une grande réputation pour sa manière de préparer le Mulet, qui, disait-il, n'est jamais aussi bon que lorsqu'on le fait mourir dans la saumure (1). D'autres citoyens romains ont laissé dans l'histoire de plus tristes souvenirs. Le chevalier Vedius Pollion, favori d'Auguste, poussait la barbarie jusqu'à faire jeter ses esclaves dans ses viviers à Murènes, pour se donner le spectacle de les voir déchirer plusieurs points du corps à la fois. Un jour que ce Vedius traitait l'empereur Auguste, un de ses esclaves vient à briser un vase ; il est aussitôt pris pour être conduit au vivier, quand, par bonheur il s'échappe des mains de ses bourreaux et se précipité aux pieds d'Auguste eu demandant un autre genre de mort. Celui-ci, révolté d'une si étrange barbarie, donne la liberté à l'esclave, fait briser sous ses yeux toute la vaisselle et combler les viviers (2). C'était à la fois punir et pardonner en empereur !

Non contents des poissons du littoral, les Romains en allaient chercher jusque dans la Méditerranée, pour les répandre le long des côtes de l'Italie, et pendant cinq ans on eut la constance de rejeter à la mer tous ceux que l'on prenait.

Le luxe alla beaucoup plus loin encore, et il est positif que dans chaque salle à manger il existait un bassin à poissons; et, de leur lit de table, les convives choisissaient celui qu'il leur plaisait de manger. « In cubili natant pisces, et sub ipsa mensa capitur », nous dit Sénèque (3). Les poissons nagent dans nos salles, on les prend sous la table elle-même, pour les faire paraître dessus un instant après. Un Mulet n'était pas frais, s'il ne mourait sous les yeux des convives. On l'exposait dans un vase de verre, et l'on observait avec intérêt les nuances variées par lesquelles une agonie lente et douloureuse le faisait successivement passer.

Je n'en finirais pas, si je voulais raconter tout ce qu'on fit à Rome de dépenses et de travaux pour conserver des poissons magnifiques qui flattaient le luxe et l'orgueil des grands. Toutefois je ne veux pas omettre de vous signaler les parcs à Huîtres établis dans le lac Lucrin par Sergius-Orata, dont l'amour du gain sut mettre à profit la prodigalité de ses concitoyens (4).

(1) Un certain Apicius nous a laissé, sous le litre de : De re culinaria, un recueil de formules qui est encore chaque jour consulté par les plus habiles gastronomes. Cet ouvrage ne paraît point devoir être attribué au citoyen romain qui nous occupe.

(2) Sénèque. De ira, lib. III.

(3) Questions naturelles, liv. III, ch. XVIII.

(4) « Ostrearium est ostrearum vivarium. Tanta antem illorum cura erat apud veteros, ut


BULLETIN MENSUEL DES CONFÉRENCES. 985

Orata parvint à donner la vogue à ses Huîtres, et personne pour rien au monde n'en aurait voulu manger d'autres. On allait en chercher jusqu'à Brindes pour les déposer dans le lac d'Orata.

De temps immémorial les Chinois aussi ont leurs viviers. C'est de Chine que nous vient la coutume d'élever des poissons rouges dans les bassins de nos jardins, ou dans des vases de cristal. J'apprenais, il y a quelques jours, de l'illustre voyageur M. de Castelnau, qu'il n'est plus de mode dans le céleste empire de garder un Cyprin doré, s'il n'a quelques difformités : la plus en vogue est la multiplicité des queues. Les Chinois en seraient arrivés à faire reproduire ces monstres avec leurs difformités (1). A Pékin, on élève de petits poissons pour le combat, ce sont probablement des sortes d'Épinoches. Cette espèce, en effet, semble créée pour la lutte: elle porte sur le dos et les flancs des aiguillons acérés qu'elle sait manier avec agilité, suivant les emportements de son caractère querelleur et méchant.» Ce spectacle, dit-on, offre un intérêt qui n'est pas moins vif que celui que nos voisins d'outreManche trouvent à suivre les combats de Coqs. Vous n'en serez pas surpris si vous savez que les émotions de ces poissons se traduisent à chaque instant par des changements de coloration. C'est encore là une des raisons qui me font penser que ce sont des Épinoches ; car, chez elles, les sentiments les plus tendres et les passions les plus violentes leur font tout à coup changer de parure.

Il ne me reste plus qu'à parler des progrès de la pisciculture à notre époque. Pour traiter cette question tout au long, ce ne serait pas trop d'une conférence, aussi ne ferai-je que l'ébaucher, dans la crainte de lasser votre patience.

Les moyens employés aujourd'hui pour le repeuplement des eaux sont les frayères et la fécondation artificielle. Le premier mode est celui que nous avons vu en usage chez les Chinois : il consiste à arrêter à l'aide de claies le frai du poisson pour le faire éclore en lieu sûr. Il a rendu et rend encore chaque jour des services signalés. La fécondation artificielle se pratique comme nous l'avons vu faire à Jacobi et à Remy, notre pêcheur vosgien ; je ne m'étendrai pas sur les manipulations, qui ne rentrent pas, du reste, dans mon sujet, et j'espère que vous assisterez cet hiver à des fécondations artificielles qui vous montreront combien le procédé est simple et praticable.

Huningue, dont je vous ai déjà dit quelques mots, est devenu, grâce aux efforts constants de M. Coste, grâce à l'habile direction de M. Coumes, ingénieur en chef, l'établissement le plus riche de l'Europe et celui qui sert de modèle au monde entier. Oui, Huningue n'est pas une des moindres gloires de notre pays. La question de la pisciculture conduit à la solution d'un grand problème d'économie politique, la vie à meilleur marché !

» etiam vivaria illis exstruxerint, ne unquam praeclara illa gulae cxcitamenta deessent. » (Nonnius, De rebus ciborum.)

(1) M. le docteur Gerbier, dans ses Mémoires de médecine militaire, nous apprend que les petits poissons rouges servent à favoriser le suicide, qui est très commun en Chine : ce poisson, pilé tout frais et délayé dans l'eau, constituerait un breuvage infailliblement mortel.


986 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION.

Si je vous disais, d'après les savantes recherches de M. Forcade de la Roquette (1 ), que les eaux douces de France donnent un produit annuel de 20 millions, vous penseriez que pour une pareille somme nos marchés doivent être bien approvisionnés, et cependant il n'en est rien. La pêche de nos eaux ne suffit pas à notre consommation, et l'Ecosse, l'Angleterre, la Hollande alimentent chaque jour notre marché de Paris.

Eh bien! voici ce que fait aujourd'hui l'établissement d'Huningue. A l'époque du frai, des employés se transportent sur les principaux centres de pêche, y achètent les oeûfs et la laitance des espèces précieuses, principalement des genres Truite et Saumon devenus très rares dans nos eaux, fécondent devant le pêcheur et rendent le poisson bien portant. De là les oeufs sont expédiés à l'établissement, où on les dépose dans de vastes appareils à éclosion. Une partie de ces oeufs est mise gratuitement à la disposion de quiconque veut les faire éclore dans des espaces réservés ou les employer au repeuplement des cours d'eau. L'autre est destinée aux expériences et auxexpéditions à l'état d'alevin. Dans la campagne de 1861 à 1862, l'établissement a recueilli et envoyé plus de 12 millions d'oeufs de Saumon, Truite, Ombres, etc.

On a souvent mis en doute la vitalité des oeufs transportés et la viabilité du poisson qui en naît, je suis heureux de pouvoir répondre, les chiffres à la main, à ces objections. D'après le rapport (2) de 1862, fait par M. Coumes au ministre de l'agriculture, en réunissant les cinq espèces de poissons, c'est-à-dire Saumon, Truite, Ombre, Fera, Lavaret, sur lesquels on opère à Huningue, les résultats se résument ainsi :

32 à 34 pour 100 de perte sur les oeufs depuis le moment où ils sont expédiés jusqu'à l'arrivée à l'état de poisson,

34 à 36 pour 100 de perte sur les poissons qui sont envoyés à l'état d'alevin.

Il resterait donc 8 millions de poissons sur les oeufs de 1861-62. Or il est bon de vous dire que ces chiffres sont fournis par les destinataires eux-mêmes, qui déclarent leurs pertes en envoyant l'accusé de réception.

Si maintenant vous me demandez ce qu'a déjà fait Huningue, je vous répondrai qu'il a empoissonné les eaux de quatre-vingt-six départements et de vingt pays étrangers. N'est-ce pas là une bien belle oeuvre, et n'avais-je pas raison de vous dire que la France avait encore sur ce point remporté la plus belle palme.

Je voudrais maintenant pouvoir vous énumérer les noms de ceux qui se sont livrés avec le plus de succès à la pisciculture, mais c'est là une tâche trop difficile à remplir, trop de gens éminents se sont distingués dans leurs premiers essais.

Qu'il me suffise de vous citer quelques exemples : M. Coste possède au(1)

au(1) sur les produits de la pêche dans les cours d'eau, les lacs et les étangs d'eau douce de la France (Bulletin de la Société d'acclimatation, t. VII).

(2) Notice historique de l'établissement de pisciculture d'Huningue. Strasbourg, 1862.


BULLETIN MENSUEL DES CONFÉRENCES. 987

jourd'hui dans les viviers du collège de France des Truites de 5 à 6 livres qu'il a fait naître dans des appareils à éclosion.

L'empereur lui-même n'a pas voulu rester étranger aux progrès de la pisciculture. Les eaux de ses propriétés ont reçu des Saumons et des Truites qui y vivent et s'y reproduisent aujourd'hui.

M. Millet compte parmi ceux qui ont le plus popularisé les procédés de repeuplement des cours d'eau.

On doit à M. René Caillaud, si dévoué à la question qui nous intéresse, d'avoir répandu dans les rivières de la Vendée la Truite éclose des oeufs d'Huningue.

M. Roger-Desgenette élève à Saint-Maur, sur l'ancien emplacement d'un petit tir au pistolet qu'il a fait creuser en bassin, des Truites en si grande quantité, qu'il en peut lancer tous les ans plusieurs milliers dans la Marne ( 1). Vains efforts, des pêcheurs trop avides n'ont pas honte de les prendre dans des mailles étroites pour les servir en friture a l'une des plus fines bouches de Paris.

Mais ce n'est que depuis quelques années que les efforts se sont portés tout particulièrement sur l'élevage de la Truite et du Saumon. Les Saumons, poissons voyageurs, ont d'autant plus de droit à fixer notre attention, qu'ils ont un goût exquis, qu'ils descendent à la mer pendant la plus grande partie de l'année, et qu'ils viennent ensuite se faire prendre dans nos rivières, avant qu'ils aient eu le temps de les dépeupler.

Quoi qu'il en soit, au moyen âge, on se contentait de tenir dans des pièces d'eau plus ou moins restreintes, dans des étangs, des poissons d'eau douce d'une reproduction facile, et dont la puissance vitale les mettait à l'abri de la grande mortalité que déterminent, chez les espèces plus délicates, l'élévation de la température et la diminution des eaux pendant l'été. On cultivait principalement la Carpe, la Tanche, la Perche et le Brochet. Chacune de ces espèces se reproduisait et donnait tous les ans, ou tous les deux ans, un pêche abondante dont les produits étaient destinés principalement au rempoissonnement des viviers qui avaient servi à l'alimentation journalière.

Les moines surtout excellaient dans l'art d'élever les Carpes (2). Les plus belles pièces étaient pesées tous les ans, et engraissées dans des viviers séparés, ou même dans des filets remplis de mousse humide, suspendus dans une cave. Ces pauvres animaux étaient nourris de pain trempé dans du lait. Pour leur donner plus de délicatesse encore, on imitait les cultivateurs qui chaponnent la volaille. D'autres bassins étaient destinés spécialement à la conservation des Anguilles, qui ne frayent point dans les eaux douces, mais qui tous les ans se rendent à la mer pour s'y reproduire. Ces procédés

(1) L'an passé, à l'ouverture de la pêche, on prit dans cette rivière une Truite de trois livres, ce qui, de mémoire de pêcheur, ne s'était pas encore rencontré.

(2) J'ai eu entre les mains un manuscrit de moines bernardins, relatant, année par année, l'état et le produit des étangs de l'ancienne abbaye du Tortoir (Aisne). C'est à l'obligeance de M. Dégieux, propriétaire actuel de cette abbaye, que je dois la communication de cet intéressant document.


988 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION.

sont encore appliqués de nos jours, et ils donnent en général de beaux

bénéfices à celui qui s'en occupe.

Les espèces marines n'ont pas été négligées, messieurs, et depuis plusieurs années des Mulets, des Anguilles, et d'autres poissons sont nourris sur nos côtes pour être livrés à la consommation. A l'aide de ces viviers, le poisson ne peut plus manquer ! Que la tempête réduise le marin à l'inaction, nos tables ne s'en ressentiront pas, on ira puiser aux réservoirs. S'ils avaient existé sous Louis XIV, Vatel ne se serait pas donné la mort !

Puisque je vous ai dit ce que les Romains faisaient pour les Huîtres, je veux vous montrer que, nous les avons bien surpassés : nos côtes engraissent des Huîtres, des Moules, des Homards et des Langoustes dans des parcs admirablement ménagés (1), mais dont la description ne rentre pas dans mon sujet. Enfin, pour terminer, je vous dirai qu'on va plus loin encore ; et bientôt vous verrez paraître sur nos marchés des Mollusques comestibles tirés des pays les plus éloignés, et acclimatés sur nos côtes.

Voilà donc ce qu'ont fait les anciens et ce qu'ont fait aussi les modernes ! Pour me résumer, je dirai: La pisciculture a été de tout temps une des constantes préoccupations des peuples intelligents. Depuis Hérodote jusqu'à nos jours, l'homme s'est efforcé de soumettre à son empire les êtres auxquels la nature avait donné l'immensité des eaux pour partage ! si les modernes n'ont fait qu'imiter leurs devanciers pour l'élevage du poisson, nôtre siècle du moins se glorifiera d'avoir étendu et perfectionné leurs procédés ; il se glorifiera bien plus encore de la découverte de la fécondation artificielle, admirable méthode permettant d'ensemencer à peu de frais nos fleuves et nos rivières des meilleures espèces de poissons voyageurs, qui iront bientôt, traversant les mers, porter jusque chez nos voisins les fruits de notre travail et de notre générosité !

(1) Le budget de 1862, consacré par le ministère de la marine à la pisciculture des côtes, s'élève à 150 000 francs, non compris 100 000 francs, qui seront distribués en primes aux pêcheurs les plus méritants.


IV. FAITS DIVERS ET EXTRAITS DE CORRESPONDANCE.

Organisation d'un Comité colonial d'acclimatation à l'île de la Réunion.

Lettre adressée à M. DROUYN DE LHUYS, président de la Société impériale d'acclimatation, par M. le docteur A. BERG, délégué de la Société à Saint-Denis.

Saint-Denis, le 7 octobre 1862. Monsieur le Président,

Pour faire suite à mes précédentes lettres vous informant de mes efforts pour organiser à l'île de la Réunion un Comité colonial d'acclimatation, j'ai aujourd'hui le plaisir de vous annoncer que non-seulement le Comité est formé, mais encore que des adhésions nombreuses nous ont permis de fonder une Société locale. Nous avons l'honneur de vous demander le titre de Société affiliée. Dans l'accomplissement de cette oeuvre, j'ai rencontré autant de sympathie de la part de M. le baron Darricau, gouverneur de la Réunion, que d'empressement de la part des habitants de la colonie. La Société impériale d'acclimatation sera représentée sérieusement dans la mer des Indes, et notre Société locale, quoique restreignant ses efforts à une circonscription déterminée, pourra rendre d'utiles services à la Société mère, en lui servant d'intermédiaire entre Madagascar et l'Australie, pays avec lesquels nous avons de fréquentes relations.

Je vous prie instamment, monsieur le Président, de vouloir bien attirer sur notre Société l'intérêt de S. Exc. le Ministre de la marine et des colonies. Il serait nécessaire de bien faire comprendre à certaines influences locales que la Société d'acclimatation de l'île de la Réunion est une expression directe de cette Société impériale de France, puissante par le nombre de ses membres, la science de ceux qui la dirigent, les ressources immenses dont elle peut disposer et l'étendue de ses relations dans le monde entier. La bienveillance personnelle de M. le gouverneur nous est acquise, et déjà je l'en ai remercié au nom de la Société, mais le Comité craint que l'appui sympathique que nous trouvons en lui ne soit entravé, et c'est pourquoi il fait appel au patronage de la Société mère.

Afin de joindre l'action à la parole, et de stimuler le zèle de l'opinion publique en notre faveur, j'ai demandé à la Société des oeufs fécondés de poissons et des oiseaux insectivores. Déjà la commune de Saint-Benoît, sur la proposition de M. Jacob de Cordemois, membre du Comité, a voté des fonds pour la création d'un établissement de pisciculture. Il serait donc à désirer que ma demande eût un résultat satisfaisant.

Voici la liste des membres du Comité :

Comité colonial d'acclimatation de l'île de la Réunion, conseil de la Société locale d'acclimatation.

MM. DE RONTAUNAY, négociant-armateur, président.

Baron de KEATING, secrétaire général de la direction de l'intérieur, viceprésident. Dr BERG, délégué de la Société impériale d'acclimatation, secrétaire général. Dr Jacob de CORDEMOIS, membre du muséum, secrétaire des séances. Adrien BELLIER, propriétaire sucrier, membre du conseil général. MOREL, avocat, conseiller général, président de la commission du muséum


990 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION.

GIBERT DES MOLIERES, maire de la ville de Saint-Denis, vice-président du

conseil général. Dr Ch. LEGRAS, propriétaire, membre de la Société impériale d'acclimatation. D'ESMÉNARD, chef du bureau de l'agriculture et du commerce à la division

de l'intérieur, trésorier de la Société coloniale d'acclimatation. Jules GODEFROY, propriétaire.

Alfred MANÈS, négociant, membre de la Société impériale d'acclimatation. G. de TOURRIS, propriétaire sucrier.

Veuillez agréer, etc. Dr A. BERG.

Lettre adressée par M. J. X, ROSALÈS à M. le Président de la Société impériale d'acclimatation.

Paris, le 16 octobre 1862. Monsieur le Président,

Je vous prie de me permettre de vous offrir pour le Jardin d'acclimatation les deux paquets que je vous envoie, qui contiennent diverses semences d'arbres indigènes du Chili, avec les noms chiliens et la description de leurs feuillages et de leurs qualités. J'ai en outre, chez moi, une grande caisse qui contient plusieurs grappes de Pinones, ou semences de Sapin d'Araucos (Araucaria imbricata). Je suis convaincu qu'on pourra y trouver quelques milliers de semences en bon état pour former une grande pépinière de cet arbre assez estimé aujourd'hui en France.

Veuillez agréer, etc. J.X. ROSALÈS.

Pinon ou Pehuen (Araucaria imbricata).

Peumu. — Arbre de stature, moyenne, puisqu'il atteint seulement de 8 à 12 mètres de hauteur. Feuilles aromatiques permanentes, d'un vert obscur ; fruit rosé, agréable, aromatique et savoureux.

voquil ou Coguil (Lardizabala pretiosa). — A feuilles vertes, constantes; fruit sucré et aromatique. S'élève à la hauteur des plus grands arbres, étend, ses rameaux flexibles dans toutes les directions, et forme des branchages gros comme un câble de navire parmi les arbres des bois. Il exige un sol humide, de fréquents arrosages, et un arbre vivant auquel il soit appuyé. Ses rameaux fibreux et flexibles servent à former des amarres et à confectionner des paniers.

Retamilla (Linum selaginoides). — Arbuste pour jardins, verdure permanente. Doué de vertus médicinales : ses propriétés sont calmantes et fébrifuges.

Panilhue. — Arbuste d'une vingtaine de pieds de haut. Larges feuilles; la fleur, en forme de boule, est d'un pouce environ de diamètre. Il n'est point désagréable pour jardins, mais il perd ses feuilles.

Madrono.- Arbuste pour jardins, élégant de forme; feuilles permanentes.

Michai. — Arbuste spécialement propre pour clôtures. Fruit petit, agréable et parfumé ; feuilles permanentes ; bois très flexible et très du-


FAITS DIVERS. 991

rable ; il est d'ailleurs, pour la couleur rouge de la plante et de ses racines, estimé par les teinturiers araucaniens. A Conception, on l'appelle Mehuin.

Palo negro. — Arbuste pour jardin, joli d'aspect; feuilles permanentes.

Queuli. — Bel arbre d'un vert brillant, ne perd pas ses feuilles ; fruit semblable à la prune blanche et d'un goût agréable: on l'emploie beaucoup pour faire des confitures.

Avellana guevina. — Un des arbres de moyenne taille les plus élégants qu'ait le Chili. Sa feuille est verte et permanente, vient facilement, mais sa transplantation est très délicate. Ce précieux arbuste, dont le fruit est très nutritif, a les propriétés de l'Oranger ; il a des fleurs, un fruit vert et un fruit sec toute l'année. Quand le fruit arrive à maturité, il a le volume et la couleur de la cerise. Cet arbre veut un sol humide, des arrosements répétés, et, pour se développer, la proximité du Myrte, du Voquil et du Laurier, avec lesquels il vit toujours en société.

Lingue (Persea). — Bel arbre, d'un vert très obscur et d'un feuillage permanent. Son bois, très semblable à celui du Cèdre, est susceptible d'un fin poli ; son écorce est ici réputée comme très puissante pour tanner les cuirs.

Maqui (Aristotelia). — Arbuste à feuilles permanentes, et qui se couvre de petits fruits d'un goût agréable, d'où l'on extrait des boissons spiritueuses. La feuille de cet arbuste possède à un haut degré des vertus calmantes. Les Indiens et les habitants de la campagne l'appliquent avec succès à la guérison des furoncles et de tous les abcès qui tendent à percer. Ils procèdent comme il suit. Ayant mâché deux feuilles de Maqui, ils les déposent en cet état sur une autre feuille plus large ; ce petit cataplasme est appliqué sur la lésion : il accélère la maturation, éloigne le pus, et fait prendre à la plaie un bon caractère. Sur celle-ci, afin d'opérer la cicatrisation, ils appliquent alors une feuille de Maqui légèrement rôtie. Cet arbuste convient indistinctement à tous les sols; il n'a rien de délicat. Quoiqu'il aime l'humidité, je l'ai vu prospérer mille fois dans des lieux très secs.

Culen (Psoralea). — Arbuste à feuilles vertes, claires et luisantes ; verdure permanente; est très stomachique et vulnéraire : c'est le thé indigène. Il se plaît aux abords de l'eau.

Mayo. — Légumineuse. Verdure permanente ; fleur rouge. Cette plante, très abondante, convient aux jardins ; elle se plaît partout.

Pilo-pilo. — Très semblable au Mayo, mais moins fin et moins élégant. Verdure permanente; vient partout.

Belloto. — Ce nom est mal donné. Cette plante forme un précieux encadrement de fleurs roses abondantes, à larges feuilles. Sa verdure est permanente.

Laurel (Laurelia aromatica). — Ce bel arbre, qui arrive à former des troncs entièrement sains de quatre pieds et demi de diamètre, et dont le bois, quand on le travaille, garde sa délicate odeur, n'est ni difficile ni tardif, et on le trouve même à Magellan; ce qu'il demande, c'est une atmosphère et un terrain humides.


992 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D' ACCLIMATATION.

Apertilla. - Petit arbuste remarquable pour la douceur excessive de son

fruit.

Arrayan. — Myrtinée. Les semences de cet arbuste que je vous envoie ont été prises à l'un d'eux, qui mesure en hauteur vingt-trois pieds. Toute la plante est odorante.

Hucbil (solanum dulcamara). —Je vous remets cette plante, uniquement pour qu'on puisse expérimenter en France ses propriétés contre l'hydrophobie. Les Indiens donnent une infusion de la partie intérieure de

l'écorce.

Chupon. — Plante à aspect tropical. Elle vient dans les fentes des rochers, en forme d'écusson, dont les feuilles ont les couleurs de l'arc-en-ciel; la fleur, au centre de l'écusson, de la grandeur d'un artichaut, couleur blanche argentée.

Lettre adressée par M. ANTONIO DE LACERDA à M. le Président de la Société impériale d'acclimatation.

Bahia (Brésil), le 28 octobre 1862. Monsieur et très honoré Président,

J'ai appris avec le plus grand plaisir la bonne arrivée de mon envoi de graines de Cotonnier arbre, et j'espère qu'elles donneront les résultats que je désire.

Par ce vapeur, je prends la liberté de remettre aux soins du délégué, à Bordeaux, deux paquets contenant des tiges du Mandioca et du Aipim : ces tiges sont appelées dans le pays Manaiba. Voici comment on cultive ces précieux légumes.

Les branches sont coupées en petits morceaux de 8 à 12 pouces de longueur, ayant grand soin de ne pas blesser la branche ni de l'écorcher ; ces morceaux sont mis en terre à une profondeur de 6 pouces et à une distance d'un mètre les uns des autres, dans une position très inclinée.

Plus la racine reste sous terre, plus son volume augmente, aussi peut-on laisser la plante pendant deux ans sans préjudicier en rien à la récolte; mais ici on la retire généralement au bout d'un an.

Le principe vénéneux du Mandioca se trouve entre l'écorce de la racine et le corps intérieur ; aussi le premier travail consiste à enlever la peau en macérant les racines pendant quelque temps dans de l'eau froide, puis on lave à grande eau les racines dépouillées de leur écorce; on les râpe soit à la main, soit avec une roue dentée. On passe ensuite cette bouillie sous une presse à vis pour en extraire tout le liquide qui pourrait encore contenir quelques traces du principe vénéneux. Après ce pressage , le Mandioca n'est plus qu'une bouillie inoffensive que l'on fait rôtir sur des plaques de cuivre très minces, sans cependant la laisser jaunir. On le livre ainsi au commerce, et l'on peut dire qu'il remplace le pain au Brésil; les nègres s'en nourrissent exclusivement, on le donne également aux vaches ,et aux porcs. La racine telle qu'on la retire de la terre est donnée aux chevaux et au bétail sans que cela leur fasse aucun mal ; c'est une nourriture des plus substantielles et dont ils sont très friands.

Le Aipim se plante et se récolte comme le Mandioca, seulement il ne sert pas

à faire de la farine, on le mange comme les autres tubercules ou des Pommes de

terre douces ; il ne possède aucun principe vénéneux et donne des racines d'un

mètre de long. Je possède des racines de Mandioca de la grosseur de celles de

l'Igname que j'ai eu l'honneur de présenter à la Société.

J'ai lu dans les Bulletins que l'on avait planté le Mandioca en Italie, et j'ai


FAITS DIVERS. 993

pensé que dans le midi de la France il pourrait donner, ne fût ce que pour en nourrir le bétail ou en tirer le tapioca.

J'envoie également par ce même vapeur un plus grand échantillon du Coton jaune foncé, et des graines d'une espèce d'Acacia qui peut servir comme arbre d'ornement, à cause de son joli feuillage et de la quantité de ses jolies graines rouges.

Comme j'ai déjà eu l'honneur de l'annoncer à la Société, les graines du Cotonnier indigène étaient si vieilles, que sur six cents que j'avais plantées, trois ou quatre seulement ont poussé, mais j'ai la certitude de pouvoir en fournir à la Société des graines fraîches et bonnes dans quelque temps.

Les essais de culture de la Canne à sucre en Algérie m'ont beaucoup intéressé ; nous possédons ici une Canne à sucre énorme, nommée, à cause de sa couleur jaune et verte, Canne impériale : peut-être serait-elle bonne à acclimater en Afrique.

Les Pacas sont en parfaite santé et attendent le printemps pour faire le voyage.

Recevez, monsieur le Président, etc.

ANTONIO DE LACERDA.

Lettre adressée par M. E. DE LESSEPS à M. le Président de la Société impériale d'acclimatation.

Lima, le 13 octobre 1862. Monsieur le Président, Depuis longtemps je désirais faire parvenir à la Société impériale d'acclimatation les plants et graines de Coca envoyés par M. Colpaert. Malheureusement l'état dans lequel ils sont arrivés m'en a empêché. J'ai l'honneur de vous expédier par le courrier de ce jour, et confiée aux soins de M. de Perdussin, une petite boîte contenant des feuilles et des graines d' Erythroxylon, avec de la llipta, et de vous remettre ci-joint un rapport indiquant la manière d'employer cette plante, et une notice sur le mode de culture qui lui convient. Dans deux mois j'espère pouvoir vous envoyer dos plants de cet arbrisseau. Les graines de M. Colpaert, que j'ai fait mettre en terre à leur arrivée à Lima, sont sorties, mais les pousses en sont encore trop faibles pour être exposées au voyage. Veuillez agréer, etc.

E. DE LESSEPS.

Lettre adressée par M. P. PICHOT à M. le Président de la Société impériale d'acclimatation.

Paris, le 18 novembre 1862. Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous annoncer que je me suis rendu ce matin à la gare du Nord, pour recevoir le Bélier et la Brebis Romanoff dont M. Gasrileff a bien voulu, sur ma demande, faire hommage à la Société, et qui viennent de m'être transmis par les soins de M. Gustave de Montebello, attaché à l'ambassade de France. Ils ne paraissent pas trop fatigués du voyage, et la Brebis ne sera pas longtemps sans mettre bas. Je compte, monsieur le Président, vous remettre dans quelques jours un mémoire sur cette précieuse race de Romanoff, qui complétera cet envoi.

M. Gustave de Montebello avait joint à ces Moutons une trentaine d'oiseaux du pays, mais j'ai le regret de vous annoncer que quatre d'entre eux seulement sont arrivés vivants. Ils ont été immédiatement transportés au Jardin avec les Moutons Romanoff.

Veuillez agréer, etc. II. PIERRE PICHOT.

T. IX. — Novembre 1862. 63


994 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Société régionale d'acclimatation pour la zone du nord-est.

La Société régionale d'acclimatation fondée à Nancy pour la zone du nordest vient de publier son Bulletin du troisième trimestre 1862, On y remarque, à la suite d'un travail sur les plantations fruitières au bord des chemins, d'intéressants documents sur l'Ailante, sur l'importance qu'il y aurait à le propager non-seulement pour les éducations du Bombyx Cynthia, qui s'en nourrit, mais pour la valeur propre de son bois.

M. Galmiche, conservateur des forêts à Remiremont (Vosges) y rend ensuite compte des résultats qu'il a obtenus dans ses essais de domestication du Lama et du Mouflon. Nous extrayons de sa lettre adressée a M. le président les passages suivants :

« Je viens, dans ce petit rapport, vous rendre compte, bien à la hâte, et selon le désir que vous m'exprimez, des efforts que j'ai faits, en 1862, pour arriver à l'acclimatation ou à la domestication de quelques quadrupèdes et volatiles dont la Société régionale de Nancy avait préparé l'expérimentation ou recommandé l'étude à ses membres.

» Je commencerai naturellement par les Lamas. Notre couple continue à se porter on ne peut mieux, et à me rendre quotidiennement de bons services comme bêtes de somme.

» Les qualités de leur toison, chez la femelle principalement, me paraissent s'être développées. C'est, du reste, ce qu'ont cru remarquer, également, et la personne qui a filé les laines, et celle qui a bien voulu mettre en oeuvre les différentes toisons que j'ai recueillies en 1861 et en 1862.

» Jusqu'à ce jour on n'a pas porté à ma connaissance le rang qu'ont obtenu à l'Exposition de Londres les laines que j'y ai fait parvenir au nom de la Société régionale ; mais, quel que soit leur numéro de classement, je puis vous certifier, à la suite de l'usage personnel que j'en ai fait, que nos laines de Lamas ont un grand mérite, au triple point de vue de la solidité, de l'élasticité, de la légèreté.

» Je viens de faire confectionner une nouvelle étoffe, plus épaisse et plus forte que celle dont je vous avais envoyé deux échantillons. Vous en recevrez, avec ce rapport, trois morceaux spécimens.

» L'un (le plus noir) est tissé avec la laine du mâle, sans mélange.

» L'autre (le plus gris) est tissé avec la laine de la femelle, sans mélange.

» Enfin, le troisième renferme un mélange des deux toisons.

» Ces laines n'ont reçu ni teinture ni apprêt. La chaîne étant de fil de chanvre, l'étoffe est une espèce de droguer.

» La femelle, qui vient d'être tondue, a donné son part dans les premiers jours du mois de mai. Le produit, quoique magnifique (de force, de taille et de pelage), n'a vécu que trois jours. La mère, très chatouilleuse, ne voulant pas l'allaiter, nous avons eu le tort peut-être d'user de violence pour l'y contraindre. Le nourrisson est mort, à mon sens, plutôt d'un coup de pied


FAITS DIVERS. 995

reçu que d'inanition ; car l'autopsie m'a démontré que les différents sacs ou estomacs (au nombre de quatre) étaient encore remplis de substances venues en majeure partie d'avant la mise bas.

» La chair, fort belle et déjà consistante, a été mangée par les paysans voisins de la ferme, qui l'ont trouvée excellente. La peau, passée immédiatement, mais non chamoisée encore, donnera une belle fourrure.

» Je crois qu'elle est de nouveau pleine, et j'espère ne pas éprouver un nouvel échec, quoique le produit doive arriver en mauvaise saison. J'ai soin de prendre et de faire prendre fréquemment les mamelles à la mère, pour diminuer sa sensibilité, toujours excessive, et prédisposer la bête à l'allaitement futur.

» J'avais reçu, comme j'eus l'honneur de vous l'annoncer dans le courant de l'été 1861, un couple de Mouflons, qu'un de mes amis, M. Baudrillart, m'envoyait de Corse. Je voulais, entre autres, essayer avec eux de constituer un gibier pour nos montagnes. Il serait venu fort à propos, pour suppléer le fauve qui diminue de jour en jour, et menace d'y disparaître complètement.

» Les deux jeunes Mouflons ont prospéré et grandi à vue d'oeil pendant l'hiver et le printemps suivant. Parfaitement privés, ils suivaient partou mon cheval.

» J'eus lieu de reconnaître que ce Ruminant manquerait peut-être d'haleine pour résister à une meute de chiens. Il n'échapperait à leur poursuite que dans le cas où nos forêts, comme celles de Corse, renfermeraient des crevasses et des escarpements nombreux, obstacles que le Mouflon franchit sans peine, tandis que les chiens ne sauraient y parvenir. C'est peut-être ainsi qu'il faut expliquer la disparition de ce gibier de toutes nos montagnes du Midi, moins tourmentées que celles de la Corse. On sait, en effet, que le Mouflon, à l'état sauvage, n'existe plus en Europe que sur les anfractuosités de ces derniers rochers, lesquelles seules le mettent à l'abri des chiens et des carnassiers, moins bons sauteurs que lui.

» Je n'ai pas été à même de réaliser mon projet. Dans les premiers jours de l'été, le mâle a péri du tournis ou d'une maladie consécutive. »


V. CHRONIQUE.

Concours agricole de Napoléon-Vendée. (Extrait du jounial le Luçonnais.)

Le concours agricole ouvert le 16 de ce mois à Napoléon-Vendée avait attiré une foule de rivaux.

L'exposition d'horticulture notamment était fort brillante , et le petit nombre des récompenses qui lui revenaient cette année augmente de beaucoup le mérite des lauréats. Aussi félicitons-nous M. Saudé, jardinier-pépiniériste à Luçon, de la médaille de bronze qui lui a été accordée pour une plante de la famille des Cucurbitacées encore inconnue dans notre pays, et que, le premier il a cultivée avec succès, le Cocozzelli de Naples.

Ce Concombre herbacé, dont la Société impériale d'acclimatation de Paris, qui répand partout ses bienfaits, avait fait parvenir quelques pepins à l'un de ses membres, M. Abadie, pharmacien de notre ville, présente une forme gracieuse, et donne des fruits dont M. le maire et d'autres amateurs ont déjà apprécié le goût.

Comme produit alimentaire nouveau, cette plante s'est trouvée l'une des plus rares et des plus remarquées de l'exhibition.

Mais ce qui a été particulièrement l'objet de l'attention et de l'intérêt de la commission, ainsi que de l'admiration des nombreux visiteurs du concours, c'est une exposition d'Huîtres faite par M. René Caillaud.

Destinée à donner simplement une idée du mode et du rapport de la culture, dont le savant et infatigable aquiculteur a pris l'initiative sur nos côtes en la propageant ailleurs, cette exposition se composait de quelques pierres couvertes d'Huîtres d'un an, de deux et trois ans, sortant de l'un des parcs de reproduction qu'il a créés. Une de ces pierres offrait l'exemple d'une richesse de formation telle, qu'il était facile de compter plus de 500 sujets vivants, en bouquets épanouis à la surface.

En décernant à notre compatriote, pour premier prix d'ostréiculture vendéenne, la médaille d'argent, le jury nous a dispensé de tout nouvel éloge, d'autant mieux que nous savons que tout le monde rend justice au désintéressement de M. René Caillaud, et reconnaît le mérite de ses utiles travaux.

Le Cotonnier arbre (Peruvian Cotton-tree). (Notes extraites par M. P. RAMEL.)

A plusieurs reprises déjà, nous avons parlé d'un Cotonnier arbre découvert dans l'Amérique du Sud, qui doit être cultivable dans les latitudes plus froides que celle où l'on récolte le Coton herbacé ordinaire.

Le Scientific American nous fournit de nouveaux renseignements à son sujet.

M. R. C. Kendall, esq. de Maryland, a fait depuis quelque temps beau-


CHRONIQUE. 997

coup d'efforts pour introduire la culture de l'Arbre à coton dans ceux des États qui ont une température moyenne, et même dans quelques-uns plus au nord.

Quelques naturalistes divisent cette plante en trois et d'autres en treize variétés, tandis qu'une autre opinion groupe plusieurs variétés autour d'une espèce unique. Les espèces, quel qu'en soit le nombre, sont renfermées dans le genre Gossypium et sont généralement classées en trois divisions : Cotonnier herbacé, Cotonnier arbuste et Cotonnier arbre. Celui qu'on cultive aux États-Unis appartient à la première catégorie, quoiqu'il ait une fibre ligneuse. C'est, en effet, un petit arbre qui meurt à la fin de l'automne, aux premiers froids. Le Cotonnier arbuste ressemble par la forme à un Groseillier. Le Cotonnier arbre atteint la hauteur de 15 à 20 pieds et vit huit à dix ans.

M. Kendall assure que le Cotonnier arbre produit une soie supérieure à toute autre, et trois ou quatre fois plus en quantité dans un espace donné. Il pense que l'on réussira partout au-dessous de la latitude de New-York, peut-être dans les États plus au nord. Il a publié une notice sur cet intéressant sujet ; nous en extrayons ce qui suit :

« J'étais, il y a quelques années, employé au Patent-Office, quand un riche propriétaire chilien, M. Alsogana, m'offrit d'aller diriger certaines opérations dans ses terres. J'acceptai son offre. J'étais à peine installé dans ma nouvelle et temporaire demeure, lorsqu'un dimanche matin je montai à cheval pour aller visiter le cours d'une petite rivière appelée Chipura, Elle forme la limite entre le territoire de demi-civilisation et celui des sauvages Ypuriens. Résolu à explorer autant que je le pourrais les domaines de mon patron, je poussai vivement en avant, car là les jours de mai sont courts. La terre, déjà gelée, était jonchée d'herbes fanées et couverte de neige tout le long de ces méandres que bordaient des bancs de roche noire. Un lit de 2000 à 3000 yards indiquait que la Chipura n'était pas toujours aussi modeste. Après une course d'environ deux heures, je tournais un coude à un endroit où les roches abruptes se rapprochent assez près de l'eau, lorsque je fus frappé par l'aspect d'un objet éloigné de deux cents pas environ et présentant le plus magnifique coup d'oeil que j'aie jamais vu. C'était un cône parfait, une pyramide de neige pure, brillante, élevée de 7 pieds du sol sur une base de bronze pâle, le tout se détachant vigoureusement sur la roche noire qui était derrière.

» Dans nos contrées du nord, quand la neige tombe lentement, j'avais vu des pyramides blanches dont l'Hemlock sprucc formait la charpente; mais ici ce n'était point cela, la neige était tombée par une violente tourmente, et aucun des Pins qui m'environnaient n'en avait sur ses branches.

» Je courus pour vérifier le phénomène. En m'approchant, il s'expliqua de lui-même. C'était un magnifique échantillon du Perennial Cotton-tree que j'avais devant les yeux; son feuillage était depuis longtemps tombé, mais ses gousses, entièrement ouvertes en forme de pomme d'arrosoir, offraient à la vue une soie abondante et du plus beau blanc. J'avais souvent vu et examiné


998 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. les différentes sortes du Cotonnier arbuste; je n'avais jamais rien vu qui approchât de la perfection du produit de cet arbre isolé. Le reste de ce jour et beaucoup de dimanches suivants furent consacrés à mon favori, le ■solitaire de Chipura, dont j'étudiai assidûment les habitudes et les particularités.

» Il est incontestable néanmoins que j'ai trouvé le plus précieux des arbres, qui donne un coton dont la forme, la longueur, la blancheur et le nerf sont sans rivaux. Je l'ai trouvé dans un pays qui est Couvert de neige trois mois de l'année, où les changements de température sont plus grands que dans la Nouvelle-Angleterre, car souvent, non-seulement les indigènes, mais même les animaux couverts de fourrure y meurent de froid. » Du côté de l'Atlantique, le Gossypium arboreum croît spontanément et résiste parfaitement jusqu'au 42e parallèle. Ce qui prouve que cette plante s'adapte aisément à des conditions de sol et de climat différents, c'est que je l'ai trouvée vivant bravement à une altitude voisine de la région des neiges, sur le versant oriental des Andes, sur un terrain aussi rouge de peroxyde de fer qu'une brique brûlée, et presque aussi dur.

» Dans le désert d'Alcamaya j'ai vu croître le Cotonnier arbre avec la même vigueur dans un lit de scories volcaniques sur lesquelles il ne tombait jamais une goutte d'eau. Dans le voisinage de Tacna et d'Arica, au Pérou, il vient bien et donne un bon produit dans un désert de sable brûlant. Au désert de Guayaquil il croît dans une éternelle fondrière, et sur le versant oriental de San Gauy il s'attache au roc calcaire nu et il y vit encore.

» Partout dans les contrées basses des régions tropicales, l'arbre et le coton dégénèrent; le premier, en tout cas, est un arbuste qui dure neuf à douze années, et le deuxième est une matière plus grossière et plus courte, et qui finit par manquer de valeur commerciale.

» Au Pérou, cependant, il y a quelques localités où le Cotonnier croît spontanément, avec des résultats meilleurs que ceux que j'affecte à la loi des climats. Dans la vallée de Chiraz, latit. 3° sud, on a obtenu depuis 1851 un produit annuel de 6000 balles de 150 livres chacune, fourni par le Perennial tree, qui y croît spontanément. Son prix a toujours valu à Païta, le port d'embarquement, 16 piastres ou 84 francs le quintal (45 kilogrammes). C'est une preuve évidente qu'il est meilleur que la plus belle qualité de Louisiane. »

Notes sur une nouvelle espèce de Kangurou d'Australie

(extraites du Yeoman par M. P. RAMEL).

Les naturalistes australiens ne connaissent pas encore tous les animaux de nos forêts ; je me permettrai quelques observations sur ceux que j'ai pu accidentellement rencontrer. Je commence par un magnifique Wallaby de petite taille, qui manque à la collection des Marsupiaux du muséum de l'université de Melbourne. On le trouve dans les districts nord-ouest de Victoria et dans les parties occidentales de New-South-Wales. Plus fort que le


CHRONIQUE. 999

Paddy-melon (?), il est beaucoup plus petit que le Wallaby ordinaire. C'est une charmante petite créature, très vive, du véritable type Kangurou; robe grise, avec une marque blanche en forme d'S, d'un demi-pouce de large, sur le nez et sur les deux côtés de la tête. Il est merveilleusement rapide dans ses allures, et quand il prend sa course (si l'on peut appeler de ce nom l'action d'un animal qui saute), il va droit devant lui.

Quand, il y a seize ans, je vivais sur les bords du Mallee-scrub (taillis d'une étendue immense), j'ai souvent rencontré ce Wallaby ; mais, malgré la vitesse de mes chiens courants de pure race, il ne m'est arrivé qu'une fois par hasard de pouvoir en prendre un. En l'examinant, je trouvai qu'il avait une grosse verrue à l'extrémité de la queue, et c'est à ce défaut que j'attribuai sa capture. Une queue saine et faisant balancier est nécessaire à l'espèce Kangurou, pour conserver son équilibre. Avec les mêmes chiens, j'avais pu tuer toute espèce de Kangurous, depuis le vieux solitaire, qui ne peut courir, qui se dresse vite contre un arbre pour livrer le combat, jusqu'à la rapide jeune femelle, et au léger robe rouge, qui porte la queue relevée en forme de sabre ; d'où je conclus que le fin et charmant animal que j'ai vu est, malgré sa petite taille, le plus vif de tous les animaux australiens. La plupart de ceux de l'espèce Kangurou sont rapides dans leur course; mais quand les chiens les approchent, ils usent de ruse, se cachent, courent en zigzag comme le Paddy-melon surtout, qui imite le Lapin, et souvent se blottit dans le fourré; mais mon petit Kangurou ne confie son salut qu'à sa vitesse. Les deux districts que j'ai désignés sont les seuls où je l'aie vu. On dit qu'il est abondant sur la rive nord du Murray, au-dessous de sa jonction avec le Murembedgie, et aussi sur la partie méridionale du grand Mallee-scrub.

Il y a dans ces mêmes endroits une variété de Wombats qui semblent, si l'on en juge par leurs tanières, devoir être plus petits que les Wombats ordinaires. Ceux-ci vivent dans les parties montagneuses couvertes de bois, et creusent leurs immenses trous et leurs chambres souterraines dans le sol riche et profond, tandis que l'espèce dont je parle creuse sa demeure parmi les arbustes et dans un terrain où le gravier abonde à la surface.

Ne serait-ce point l'espèce qu'on trouve à South-Australia? sur le côté méridional du Murray on n'en voit jamais un.


OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIETE.

SÉANCES DES 12 SEPTEMBRE ET 17 OCTOBRE 1862.

Mémoires de la Société d'agriculture, des sciences, arts et belles-lettres de l'Aube, 1er et 2e trimestre, 1862.

Société académique des sciences, arts, belles-lettres et agriculture de SaintQuentin. Travaux de 1860-1861.

Publications populaires de la Société d'agriculture, d'horticulture et d'acclimatation de Nice. — Études de M. GOUDAIS sur la Vigne et sa culture..

Bulletin de l'Institut central pour l'acclimatation en Allemagne, de Berlin, par le docteur L. BUVRY. Nos 4 à 9, 1862.

Annales de la Société d'horticulture et de botanique de l'Hérault, t. II, n° 3 1862.

L'Agronome praticien, journal de la Société d'agriculture de l'arrondissement de Compiègne, du mois d'août 1837 au mois d'août 1862.

Congres des agriculteurs du nord de la France. — Cinquième session, tenue à Reims en 1848.—Neuvième session, tenue à Saint-Quentin en 1850. — Dixième session, tenue à Arras en 1851.

Bulletin de l'Institut égyptien, année 1862, n° 7.

Société génevoise d'utilité publique. Bulletin n° 19, 1862.

Bulletin de la Société royale de Flore de Bruxelles, 81e exposition d'horticulture.

Juillet 1862. Histoire naturelle générale des règnes organiques, principalement étudiée chez

l'homme et les animaux, par M. Is. GEOFFROY SAINT-HILAIRE, t. III, 2e partie.

— Offert par M. V. Masson, éditeur.

Notices pomologiques. — Liste synonymique historique des diverses variétés du Poirier, anciennes, modernes et nouvelles, par M. Jules de LIRON D'AIROLES.

— Offert par l'auteur.

Culture du chasselas à Thomery, par M. Rose CHARMEUX. — Offert par M. Masson, éditeur.

Les Phénomènes de l'atmosphère, par M. F. ZURCHER.— Offert par l'auteur.

Principes de physiologie et exposition de la loi divine d'harmonie, exposition des formules des forces vitales, par M. J. E. CORNAY. — Deux volumes offerts par l'auteur.

Discours prononcé dans la séance de distribution des prix et des diplômes aux élèves de l'École impériale vétérinaire de Lyon, le 11 octobre 1861, par par M. F. LECOQ, directeur. — Offert par l'auteur.

Mollusques terrestres et d'eau douce observés dans la haute Kabylie, par M. le baron Henri AUCAPITAINE (extrait de la Revue et Magasin de zoologie, 1862).

Étude sur les Druses, par le même (extrait des Nouvelles Annales des voyages de février 1862). — Offerts par l'auteur.

Exposition universelle de 1851. Travaux de la Commission française sur l'industrie des nations, publiés par ordre de l'Empereur, t. Ier, 5e partie.

Proceedings of the Academy of natural sciences of Philadelphia, année 1861.

Fifteenth annual Report of the Ohio State board of Agriculture, 1860.


BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 1001

On the primitive formations in Norway and in Canada, and their mineral Wealth, par M. Th. MACFARLANE, 1862.

Transactions of the literary and historical Society of Quebec, avril 1861. — Offerts par M. Gauldrée-Boilleau, consul de France au Canada.

Annual Report of the Board of regents of the Smithsonian Institution, 1860 et 1861.

Smithsonian museum Miscellanea, 1862.

Catalogue of North American Reptiles in the museum of the Smithsonian Institution, par MM. S. F. BAIRD et C. GIRARD, 1853.

Synopsis of the Lepidoptera of North America, par M. John G. MORRIS, 1862. Classification of the Coleoptera of North America, par M. John L. LECONTE, M. D. 1862.

Synopsis of the Neuroptera of North America, with a list of the South American species, par M. Hermann HAGEN, 1861.

Observations on the genus Unio, par M. Isaac LEA, LL. D. 8e volume, 2e partie.

Checklist of the Shells of North America, par le même.

Remarks on the number of Unionidae, par le même.

Researches upon the Venom of the Rattlesnake, with an investigation on the anatomy and physiology of the organs concerned, par M. S. Weir MITCHELL, M. D. 1861.

Ces douze derniers ouvrages ont été offerts par l'Institution Smithsonienne.

The Victorian government prize Essays. Melbourne, 1860.

An Account of the colony of South Australia, by M. Frederick SINNET, together with a Catalogue of all the products of South Australia exhibited at the international Exhibition, 1862.

New-South-Wales Catalogue at the international Exhibition, 1862.

ERRATA.

Numéro d'octobre 1862. Page 903 , ligne 26, au lieu de : Allacus lisez Allacus Page 903, ligne 27, au lieu de non industriellement dévidable, lisez non encore dévidés industriellement

Page 904, ligne 17, au lieu de formé d'un fil continu lisez fermé aux deux bouts

Page 910, ligne 16, lisez : Le professeur termine sa conférence par la description des autres organes du Ver à soie.


VI. BULLETIN MENSUEL DU JARDIN D'ACCLIMATATION.

I. — Octobre a été un vrai mois d'automne. La première quinzaine ressemblait à un milieu d'été ; la seconde a été le début d'un hiver triste, pluvieux et froid. Les anciens attribuaient une influence fatale au mois d'octobre; le Scorpion, qui en est le signe zodiacal, était symbolique. Cet animal venimeux désignait l'action redoutable qu'exerçait sur l'économie animale le passage de la température estivale à celle des jours humides et brumeux de cette saison. Dans le paganisme comme dans la religion du Christ, la fête des morts ou des parents, les Éleuthéries, était placée à la fin d'octobre. Je ne sais si les statistiques modernes ont vérifié, chez l'Homme ou chez toute autre espèce animale, cette mauvaise réputation d'octobre. Au Jardin d'acclimatation, octobre, cette année, a été très léthifère.

II — On peut dire que la ponte est arrêtée : c'est le mois qui donne le moins d'oeufs. De temps en temps on en recueille encore quelques-uns de petites races haines de Bantam. On peut mettre les Coqs ensemble, ils se battent beaucoup moins que dans la saison des amours ; on a remarqué qu'ils continuaient cependant de côcher les Poules, matin et soir surtout. La mue n'est point terminée, ce qui tient à ce qu'elle n'a pas lieu simultanément chez toutes les races. Elle est plus tardive chez les races asiatiques (Brahma et Cochinchinoise), et plus longue à s'opérer, chez les Poules qui ont servi aux couvées, probablement à cause de leur faiblesse et de leur épuisement. Il a été observé sur une Poule Bréda blanc une double mue ; à la suite de la seconde, l'animal est resté nu, et il a fini par succomber. C'est une véritable maladie : pendant la mue, l'affaissement de la crête ou du barbillon et leur pâleur sont très remarquables, surtout sur les Coqs andalous.

III. Naissances. — 2 Cerfs cochons. —16 Chiens d'une Chienne des Pyrénées en une seule portée. C'est la seconde depuis le mois de mars, de sorte qu'en sept mois cette Chienne a donné 28 petits qu'elle a pu nourrir sans assistance. — 12 Lapins divers. — 6 Manicous ou Opossums des Antilles, d'une femelle arrivée pleine. Rien n'était plus curieux que de voir ces six petits rentrer dans la poche sous-abdominale, et plus tard, monter sur le dos de la mère, qui est de la famille des Marsupiaux. — 6 Faisans mélanotes de Cuvier. La facilité de reproduction de cette nouvelle espèce de Faisans permet de considérer leur acclimatation comme acquise, il ne s'agit plus que de les lâcher en forêt.

IV. Mortalité. — Toujours considérable. 25 Poules et Coqs divers : plusieurs offraient l'affection diphthéritique déjà souvent décrite. 5 Bantams d'un achat récent avaient les chairs pâles et anémiées; ils avaient eu probablement beaucoup à souffrir par manque de soins et de nourriture. Un Coq Dorking : tubercules dans le poumon, le réservoir aérien et le mésentère.

60 oiseaux de volière, dont 25 Colins sur un achat récent de 117


BULLETIN MENSUEL DU JARDIN D'ACCLIMATATION. 1003 8 Colombi-gallines roux violet des Antilles. Chez ces deux espèces, il a été trouvé dans l'intestin grêle, près du caecum, des ulcérations et des eschares sur le bord libre, semblables à celles que l'on trouve chez l'Homme dans l'affection typhoïde. Cette affection était épidémique et peut-être contagieuse, car elle a été remarquée principalement dans un parquet où cinq paires de Colins, mis à l'arrivée, sans choix, sont tous morts, quoiqu'ils parussent dans les mêmes conditions que les autres. Cette mortalité a porté principalement sur les femelles. Les Colombi-gallines sont les seuls autres oiseaux qui aient été atteints de cette affection, quoiqu'elles fussent séparées et assez loin des Colins. Les oiseaux malades avaient de la diarrhée, et chez un Colin le foie offrait des plaques blanchâtres, assez semblables à des noyaux d'abcès métastatiques.

Sur un Faisan argenté, un kyste occupant le réservoir aérien gauche, depuis le poumon gauche jusqu'au coccyx, et rempli d'un liquide sanguinolent, avait évidemment pour cause une aiguille avalée, dont l'un des bouts faisait saillie dans le foie et l'autre était implanté dans le gésier.

38 oiseaux d'eau, dont 13 Foulques offrant toujours des contusions pulmonaires, et 6 Cygnes blancs.

Parmi les Mammifères, nous n'avons perdu qu'une Chèvre d'Angora, dont les ganglions mésentériques étaient tuberculeux ; un Pécari à lèvres blanches, qui paraissait très vieux ; un Agouti, huit Lapins et un Lièvre.

V. Dons. — Un Coq du Japon, par madame de Choiseul, marquise de Sesmaisons ; un Gnou mâle, par M.Chabaud, vice-consul de France à PortÉlisabeth ; deux Cailles de Pondichéry, par M. Fournier, à Montmartre ; deux Lièvres, par M. de Villers ; un Coq nain japonais, une Poule japonaise, un Coq blanc japonais, une Poule noire japonaise, un Coq Cochinchine fauve, deux Poules Cochinchine fauve, un Coq de soie du Japon, une femelle de Faisan argenté, deux Faisans de Soemmering mâles, un Faisan de Soemmering femelle, un Faisan versicolore du Japon, mâle, un Cerf du Japon, par Son Excellence M. le Ministre de l'agriculture et du commerce.

Parmi ces dons, nous ferons remarquer l'Antilope gnou (Catoblepas gnu), qui n'a pas été vue vivante à Paris depuis plus de cinquante ans, et dont le corps élancé, la crinière et les jambes fines rappellent le Cheval, tandis que sa large tête, son mufle et sa face velue se rapportent au Boeuf : ce qui, au premierabord , lui donne la physionomie de l'un de ces animaux chimériques appelés jumarts, qui étaient considérés autrefois comme les produits d'un des solipèdes, Ane ou Cheval, avec la Vache. Mais le Gnou est bien une espèce particulière très connue, dont il existe de grands troupeaux dans les déserts de l'Afrique méridionale.

Le Cerf du Japon ressemble beaucoup au nôtre, mais il a la tête plus fine et le bois beaucoup moins développé.

Les Faisans de Soemmering et le versicolore, à cause de leur beauté et de leur rareté, sont aussi de précieuses acquisitions. Le versicolore noir bronzé a permis de le distinguer d'un métis qui, dans beaucoup de faisanderies,


1004 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION.

passe pour lui, ,et qui n'est que le produit de son croisement avec le faisan de l'Inde. Ce métis a des couleurs généralement plus claires et qui rappellent plutôt le plumage du Faisan de l'Inde.

VI. Aquarium. — A reçu pendant ce mois de M. Ledentu, commissaire général de la marine à Cherbourg, une collection de Pleuronectes, Plies, Soles, Turbots, dont la natation est fort gracieuse; malheureusement ces poissons s'enfouissent souvent dans le sable et ne se laissent pas toujours voir; 2° de Labres ou Vieilles de mer : l'une marbrée de couleurs vertes, par bandes comme la Perche ; l'autre tigrée de points noirs à reflets métalliques sur un fond blanc jaune; 3° des Chabots nommés Scorpions, à cause des épines dont leur tête est hérissée, ou Crapauds de mer, à cause de la nudité de leur peau. Les Chabots ou Cottes sont de la famille de ces poissons dits musiciens, parce qu'ils font entendre un certain bruit dans l'eau. M. de Puyremont a envoyé du Crotoy, des Étoiles, des Hérissons de mer, des Actinies, Zoophytes et Crustacés divers. M. Petitbon, de Boulogne-sur-Seine, des Brèmes et des Insectes d'eau douce, et M. le duc de La Rochefoucauld de Doudeauville, un grand nombre de jeunes Brochets, Carpes, Tanches et Gardons pris à la pêche de ses vastes étangs d'Armainvilliers. Beaucoup de ces poissons n'ont jamais vécu dans la captivité des aquariums : c'est pour la première fois qu'ils y sont vus. La plupart ont supporté jusqu'à présent très bien ce genre de vie, nonseulement pendant plusieurs jours, mais encore pendant des semaines et même des mois. Ce sont autant d'expériences à suivre.

L'Aquarium a reçu encore quatre Sangsues données par M. Moquin-Tandon (Sangsue cannelle, Hirudo cinnamomea), longue chacune de 15 centimètres. C'est la plus grande espèce connue; elles sont surtout remarquables par leur ventre couleur de rouille. Elles ont été trouvées au Lamantin, quartier de la Martinique, et envoyées à M. le professeur Guibourt, qui les a cédées à l'Aquarium.

VII. Magnanerie. — La campagne séricicole de 1862 vient d'être heureusement terminée par une récolte, inespérée de cocons provenant de l'éducation d'automne des Vers à soie du Mûrier, essayée pour la première fois sous le climat de Paris. Cette éducation, faite d'après le système chinois, qui consiste à élever les Vers, depuis leur naissance jusqu'à leur maturité, à la température naturelle et à ne les chauffer que pendant la confection de leurs cocons, a été des plus satisfaisantes.

Pendant tout le temps de leur éducation les Vers se sont montrés sains et vigoureux ; la feuille, quoique plus dure et moins aqueuse que celle du printemps, a été entièrement absorbée. Les Vers ne laissant que les nervures, les litières ont été exemptes de toute fermentation. L'éducation, quoique plus longue que celle du printemps, a marché très régulièrement. Leur sommeil a duré plus de temps, sans présenter rien de particulier.

Les cocons de race italienne, provenant d'éducation faite en Portugal, sont de moyenne grosseur, cerclés au milieu, d'un grain très fin, de couleur nankin : ces cocons doivent être filés à la filature du Jardin.


BULLETIN MENSUEL DU JARDIN D'ACCLIMATATION. 1005 Les éducations des Vers à soie du Ricin et de l'Ailante viennent également d'être terminées ; leur réussite a permis de pouvoir distribuer à plusieurs personnes une assez grande quantité de cocons de ces deux races, qui ont été envoyés à M. le général Frébault, gouverneur de la Guadeloupe, à M. legouvcrneur de la Martinique, à Monseigneur l'évêque du Sénégal, à M. Janovich au Caire, à M. Robin, pour l'Ile de la Réunion, à M. Lamiral pour la Syrie, et à M. Fox Young, gouverneur de la Tasmanie.

VIII. Jardin. — La température a été en moyenne de 8 degrés au-dessus de zéro à six heures du matin, et de 16 degrés au-dessus de zéro après midi. Les extrêmes ont été de zéro au minimum et de 23 degrés au-dessus de zéro au maximum.

La gelée survenue le 25 et le 26 a détruit une partie des fleurs du Jardin ; il n'y a eu d'épargnés que : Ceanothus, Lauriers-tins, Chrysanthèmes, Anthémis, Géraniums, Rosiers, Yuccas, Matricaires, Gynerium, Véroniques et Phlox Drummondii.

Dans le Jardin d'expérience la récolte est terminée. Les produits alimentaires ont été dégustés, et le résultat en est consigné dans la conférence du 16 octobre faite par M. Quihou, jardinier en chef.

La liste des plantes, graines et racines dont le Jardin peut disposer, est publiée plus loin.

A ce moment où la végétation est sur son déclin, le Jardin d'hiver, pour justifier son titre, commence à s'orner de quelques fleurs de Camellia dont le nombre augmentera chaque mois jusqu'en avril.

Ainsi Cowper, le poëte anglais, montre Dieu réglant la marche des astres et l'ordre des jours, et avant même qu'une saison de fleurs soit fermée et morte, préparant les merveilles épanouies de la saison qui suivra :

Ere one flewory season fades and dies, Designs the blooming ronciers of the next.

On remarque près du salon de lecture un grand arbre très curieux par sa fructification : c'est le Benthamia porte-fraises (Benthamia fragifera) du Népaul, couvert de fruits ayant la forme d'une fraise, mais beaucoup plus volumineux. Les magnifiques Palmiers qui servent à décorer l'hôtel du Louvre et le Grand-Hôtel pendant l'été sont venus s'abriter dans nos serres des rigueurs de l'hiver et contribuer à leur embellissement.

Le Jardin a reçu :

De madame Drouyn de Lhuys, cent quarante oignons à fleurs de Harlem, dans les genres Narcisse, Crocus, Tulipe, Hyacinthe, Fritillaire, Scilla, Oxalis, Amaryllis, Lochenalia, Perce-neige et Cyclamen.

De la Société impériale, des collections de graines du Japon et du Chili.

Le Jardin a donné :

A M. le gouverneur de la Guadeloupe, plusieurs pieds de Quinquina et

une collection de graines ;


1 006 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION.

A M. le gouverneur de la Martinique , plusieurs pieds de Quinquina et une collection de graines;

A M. Margat, horticulteur à Montevideo, une collection de graines;

A Monseigneur l'archevêque du Sénégal, une collection de graines ;

A madame la princesse de Craon, une collection de graines.

IX. Conférences. — Par M. le docteur Pigeaux: Sur les procédés de reproduction et de conservation des Insectes. — Par M. Pierre Pichot : Sur le coton et sur l'industrie cotonnière. — Par M. Quihou : Sur les graines et plantes récoltées. — Par M. Dareste : Sur l'incubation artificielle. — Par M. Léon Soubeiran : Sur le thé et les boissons chaudes.

Le Jardin a reçu 25 643 visiteurs.

Catalogue des plantes et graines disponibles pendant l'année 1862 et le printemps de 1863 (1).

Acacia argophylla..

— armata.

— celastrifolia.

— chordophylla. — cultriformis.

— cuspidata.

— decipiens.

— decurrens.

— dictyocarpa — dodoneifolia.

— exsudans. — farinosa.

— Farnesiana.

— floribunda pendula.

— homalophylla.

— Latrobei.

— lebbek. - leprosa.

— linifolia.

— longifolia.

— longissima. — lophantha.

— marginata.

— melanoxylon.

— mollissima.

— montana.

Acacia mucronata.

— myrtifolia.

— nilotica.

— penninervis,

— pimenta.

— prominens.

— pulchella. - reclinata. — retinoïdes

— salicina,

— salicifolia.

— sophora.

— suaveolens.

— trinervia.

— verticillata.

— vestita.

Acer saccharinum. Adenanthera pavonina. Anona reticulata.

— squamosa. Araucaria imbricata. Aristolochia indica. Asclepias curassavica. Banksia serrata. Bauhinia divaricata. Beaufortia hypericifolia.

Billardiera longiflora.

— cymosa Bossia linoïdes. Brachysema latifolia. Bryophyllum calycinum Bromelia caraguata. Bubon galbanum. Bulbine semi-barbata. Bumelia tenax. Callistachys linearis.

— ovata.

Callistemon acerosus. — lophantha.

— rugulosus, Calothamnus quadrifidus Capparis inermis. Cassia angustifolia.

— eremophylla. Casuarina equisetifolia.

— leptoclade.

— muricata.

— stricta. Ceanothus africanus. Chenopodium quinoa. Chorozema cordata. Cleome pentaphylla.

(1) S'adresser à M. le Directeur du Jardin, porte des Sablons, par Neuilly.


PLANTES ET GRAINES DISPONIBLES AU JARDIN. 1007

Clerodendron coccineum Clitoria Ternatea. Convolvulus batatas carnea.

carnea. edulis.

Coreopsis atro-purpurea. Corypha australis. Crotalaria incana. Cucumis sativus. Cucurbita melopepo.

— id. Cucurbita pepo.

— pepo viridis.

— pepo fructu albo

— pepo aurea. Cyclanthera pedata. Cyperus esculentus. Darlingtonia glandulosa. Daubentonia Tripetiana. Desmodium paniculatum

— tomentosum.

— sp. Dianella elegans.

— latifolia

— longifolia. Dilwinia cinerascens. Disemma coccinea. Dodonea conferta.

— cuneata. -— Pressii. Dolichos lablab.

— sp.

— sp.

Entelea arborescens. Eriobotrya japonica. Eucalyptus angulosa.

— carinocalyx. - globulus.

— obliqua.

— odorata.

— resinifera. Eucalyptus viminalis.

— 9 espèces. Euphorbia graeca. Eurybia aculeata.

— lepidophylla. — lyrata.

— quneus.

Eustrephus latifolius. Eutaxia diffusa. Evax pygmea. Evolvulus species. Fabricia levigata. Flegmingia lanceolata. Globularia alypum. Gomphocarpus arboreus

— frutescens. Goodia lotifolia. Goodia medicaginus.

— sp.

Greevesia cleisocalyx. Grevillea robusta. Hakea brachyrhyncha.

— carinata.

— gibbosa.

— rugosa.

— salicifolia.

— ulicina.

— sp.

Halckeria ozothamendis, Haloragis alata. Hedysarum incanum. Helicteres hirsuta. Hermannia angularis.

— hyssopifolia. Hibiscus abelmoschus. Hibiscus hakesefolius.

— liliiflorus.

— roseus. Indigofera australis.

— selaetia. Inga umbrosa. Iris chinensis. Isotoma axillaris. Ixodia alata. Kennedia Baumannii.

— Comptoniana.

— monophylla.

— — alba.

— ovata.

— prostrata.

— rubicunda. Kunzea leptospermoides Lagerstroemia indica. Lasiopetalum Banerii. Lawsonia inermis.

Leptorhynchus squamatus.

squamatus. flavescens.

flavescens.

— juniperinum.

— lanigerum. — myrsinoides.

— scoparium. Leucaena glauca. Lycium afrum. Malva sp.

Mandevillea grandiflora. Muracuia ocellata. Melaleuca armillaris.

— curvifolia. — decussata.

— ericaefolia.

— formosa.

— hypericifolia.

— squarrosa.

— uncinata.

— Wilsonii. Metrosideros quadrifldus Mimosa cinnabarina. Murraya sinica. Myoporum insulare. Antidesma. Osteospermum moniliferum.

moniliferum. diffusas. Parkinsonia aculeata. Pavia glabra. Phaseolus vulgaris. Phyllanthus calycinus. Pimelea drupacea. Pisum sativum. Pittosporum undulatum. Podalyria sericea. Poinciana regia. Polycalymnia Stuarti. Polygala myrtifolia. Polypodium australe. Pomaderris apetala.

— elliptica.

— parviflora.

— phillyreaefolia.

— sp. Prostanthera nivea.


1008 SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION.

Psoralea australasica.

— glandulosa. — macrostachya. Pultenea daphnoides.

— pimelioides.

— sp.

Ravenala madagascariensis.

madagascariensis. utilis. Rhus vernicifera. Bicinus communis. Salisburia adiantifolia. Santalum album. Sapindus saponaria. Tephrosia capensis. Schinus terebinthifera.

Schotia latifolia. Sida diplotheca.

— nemalopoda.

— Leschenaultiana.

— pulchella.

— sp.

Silerolaena paradoxa. Solanum chenopodioides

— giganteum. — laciniatum.

— sinule. Solanum tuberosum

(8 variéiés). Statice bellidifolia. Stenochilus sp. Sutherlandia frutescens.

Swainsonia alba.

— Greyana.

— Osbornii. Syocciora bauhinia. Templetonia retusa. Tephrosia candida. Tetragonia expansa. Teucrium corymbosum. Urena multiloba.

— rosea.

Ulmus americana. Urtica nivea Viminaria denudata. Zea maïs.

Le Directeur du Jardin d'acclimatation, RUFZ DE LAVISON.