L'ÉVOLUTION DE L'AMOUR, DE L'ENFANCE A L'AGE ADULTE 469
et affectueux prennent le dessus et l'enfant se développe normalement. Il s'identifie alors avec le parent du même sexe et cherche à apprendre, avec son père ou avec sa mère, son métier d'homme ou de femme.
Il n'est pas exagéré de dire que toute la vie affective est marquée par la façon dont l'individu a résolu ce problème. Sur tous les plans et dans tous les domaines, il en ressent le contre-coup heureux pu malheureux : dans sa vie instinctive, dont il accepte plus ou moins les manifestations, dans ses relations sociales. Nous avons parlé du métier, des études ultérieures et de certains mécanimes d'échec dont le point de départ se situe à ce moment-là. Il est bien évident que la vie amoureuse et conjugale en est fortement marquée ; en effet, si l'individu reste trop fixé à ses parents, il n'est plus libre dans le choix d'un conjoint, car l'image inconsciente de la mère pour le garçon, du père pour la fille, l'oblige, sans qu'il s'en doute, à chercher quelqu'un de pareil.
Voilà donc l'enfant qui a traversé la grande crise de sa vie : il a appris à aimer, il a appris aussi à renoncer, à se sacrifier, à attendre. Il est partiellement sorti de son égocentrisme, il s'est heurté à la réalité, il va bientôt sortir plus complètement du stade de la pensée magique. Sur le plan affectif aussi, l'enfant abandonne peu à peu ses désirs absolus et apprend à accepter le partage, par exemple que sa mère aime son père et lui. Il faut encore qu'il s'accepte lui-même, non pas tel qu'il voudrait être, — il ne croit plus à ses forces magiques, — mais tel qu'il est en tant qu'enfant. Il ne le fait pas sans traverser souvent bien des difficultés, en particulier sur le plan instinctif, ni sans éprouver parfois des sentiments d'impatience, d'angoisse ou d'infériorité, qui ne touchent pas directement notre sujet.
Nous nous arrêterons plus particulièrement sur un autre apprentissage de l'amour, qui se situe tout au long de l'enfance, mais qui touche intimement le problème des parents, pendant et à la fin de la période oedipienne. Ce sont les relations entre frères et soeurs. L'apprentissage de l'amour entre frères et soeurs ne se fait pas non plus tout seul. Tous les parents le savent. L'aîné souffre de la venue du second, le second de l'arrivée du troisième, etc.. Chacun voudrait être le plus aimé, à tel point qu'on entend dire, même à de grands garçons : « L'âge d'or, c'est d'être petit,