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moitié la forme d'une grenouille, et, pour le reste, quelque chose de boueux et de terreux lui restait attaché (1). Les Australiens du Sud croient qu'une déesse mère engendra la race humaine à partir de ses excréments (2).
L'équivalence psychanalytique entre les excréments, l'or et la toute-puissance donne le sens d'une fable hindoue rapportée par Cosquin (3): un serpent dormait sur une marmite pleine d'or qu'il distribuait le matin aux hommes pieux. Le même auteur rapporte que chez les Hindous, les serpents nagas sont censés renfermer dans leur tête un joyau magique, doué du pouvoir de réaliser tous les désirs (4). Mais le fait qui nous paraît intéressant surtout à rapporter ici, parce qu'il indique expressément les rapports entre les fonctions excrémentielles et l'agressivité, est le suivant. Un hiéroglyphe aztèque qui signifie la guerre, Atltlachinolli, est composé des éléments Atl : eau, urine, et Tlachinolli, excrément et feu, ou excrément ardent. Il est en forme de spirale avec la double indication de l'excrément et du courant d'eau, tous deux en relation réciproque avec la pluie et la foudre (5).
Le serpent à plumes nous apparaît maintenant comme un équivalent symbolique dans l'« inconscient collectif » des conflits infantiles que crée chez l'enfant le problème de la naissance. La théorie anale de la naissance se retrouve dans le mythe, comme la survalorisation des excréments et leur rôle dans la formation des idées de puissance. La mythologie du serpent à plumes est directement liée au sadisme sacrificiel de cette religion aztèque, empêtrée, malgré ses efforts, dans la boue et dans le sang.
(1) Niloï Hieroglyphia Horafollon, I, 25, Lemans, édit. Amsterdam, 1835, cité par HALLEY DES FONTAINES.
(2) Ashley MONTAGU : Coming into beeing among the Australian Aborigenes, cité par HALLEY DES FONTAINES.
A rapprocher aussi deux aliénés mentionnés par JUNG (Métamorphoses, p. 181) qui avaient « pondu » le monde par l'anus. L'un d'eux s'était représenté dans un tableau, tout nu et en érection, entouré de femmes et des attributs de la toute-puissance, le globe terrestre sortant de son rectum.
(3) E. COSQUIN : Les contes indiens et l'Occident. Un vol. Paris, 1926, Champion, édit.
Légendes identiques en Europe : Allemagne, Bohême, Hongrie (JUNG, Métamorphoses..., p. ).
(4) E. COSQUIN : Veinte cuentos de la India (mitos, cuentos y legendas). Revisto de Occidente, Madrid, 1926.
(5) Groupe, hiéroglyphique du codex Borgia, in SELER, loc. cit., cité aussi par A. BALINT, Imago, 1923.