CARACTÈRE DE LA FONTAINE. 23
Et plus loin :
Il n'est rien Qui ne me soit souverain bien Jusqu'aux sombres plaisirs d'un coeur mélancolique...
Sa prétendue inconstance, dont il est le premier à s'accuser avec une charmante bonhomie, ne venait pas d'une autre cause. Son imagination naïve se prenait à toutes choses, et de quelque côté que soufflait le vent, se laissait ravir. Il n'y avait rien dont il ne fût prêt à s'éprendre, pas une voix qui ne trouvât en lui un écho. Tour à tour il s'entête de vers, de belles-lettres, de théâtre, de philosophie, d'anciens, de modernes, de français, d'étrangers, de latin, de grec, de bible et de théologie.
Il lit Baruch, un prophète hébreu, et va par la ville disant à tous les amis qu'il rencontre : « Avezvous lu Baruch ? Mais lisez Baruch! Quel homme que ce Baruch ! » On lui lit (il avait vingt ans) une ode de Malherbe. Il s'enflamme. Le voilà poète. Il ne fera pas autre chose désormais que des vers. Son âme est comme la corde tendue d'un instrument de musique. Qu'on y touche du doigt, elle vibre. Qu'un souffle seulement passe sur elle, elle chante.
Savez-vous ce que cela signifie? C'est que La Fontaine est un enfant. Il a su rester enfant en devenant un homme très savant, très fin et très