INSOLENCE ET FAIBLESSE DES GRANDS. 183
Mais vous naissez le plus souvent Sur les humides bords des royaumes du vent. La nature envers vous me semble bien injuste. — Votre compassion, lui répondit l'arbuste, Part d'un bon naturel ; mais quittez ce souci :
Les vents me sont moins qu'à vous redoutables ; Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos ; Mais attendons la fin. " Comme il disait ces mots, Du bout de l'horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs (1).
L'arbre tient bon ; le roseau plie.
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu'il déracine Celui de qui la tête au ciel était voisine, Et dont les pieds touchaient à l'empire des morts (2).
C'est le lion qui mugit impuissant, et succombe sous les piqûres du moucheron insaisissable ; mais que le moucheron ne s'enivre pas de sa victoire : lui-même rencontre la toile d'une araignée et y expire !
(1) C'est-à-dire le plus terrible vent qui soit jamais venu du Nord.
(2) Le séjour des morts se trouvait, d'après les anciens, dans l'intérieur de la terre.