182 LA FONTAINE.
surtout à nous montrer leur sottise. Non pas qu'il leur en veuille : il n'a de rancune contre personne ; mais parce que c'est là un moyen de consoler un peu ses chers clients, les petits, dont c'est la revanche légitime de découvrir le point faible de leurs maîtres, et d'en rire à petit bruit. Il nous montre surtout la faiblesse réelle de ces puissants si fiers, les dangers de leurs grandeurs et la profondeur de leurs chutes. C'est le chêne, géant orgueilleux, qui est brisé par l'ouragan, tandis que le roseau, faible et humble, plie sous le vent et ne rompt pas.
LE CHÊNE ET LE ROSEAU.
Le chêne un jour dit au roseau : " Vous avez bien sujet d'accuser la nature ; Un roitelet pour vous est un pesant fardeau ; Le moindre vent qui d'aventure Fait rider la face de l'eau, Vous oblige à baisser la tête, Cependant que mon front, au Caucase pareil, Non content d'arrêter les rayons du soleil,
Brave l'effort de la tempête. Tout vous est aquilon, tout me semble zéphyr. Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage Dont je couvre le voisinage, Vous n'auriez pas tant à souffrir ; Je vous défendrais de l'orage ;