LA MORALE DE LA FONTAINE. 167
Ayant, de cette façon, A souper chair et poisson.
Vivez donc en paix. Ni querelles ni procès. A plaider, on n'enrichit que les gens de justice; témoins ces deux voyageurs qui se disputaient une huître par-devant le juge. Le juge mangea l'huître à leur nez et leur adjugea à chacun une écaille.
L'HUÎTRE ET LES PLAIDEURS.
Un jour deux pèlerins sur le sable rencontrent
Une huître, que le flot y venait d'apporter :
Ils l'avalent des yeux, du doigt ils se la montrent ;
A l'égard de la dent il fallut contester.
L'un se baissait déjà pour amasser (1) la proie ;
L'autre le pousse, et dit : " Il est bon de savoir
Qui de nous en aura la joie. Celui qui le premier a pu l'apercevoir En sera le gobeur ; l'autre le verra faire.
— Si par là l'on juge l'affaire,
Reprit son compagnon, j'ai l'oeil bon, Dieu merci.
— Je ne l'ai pas mauvais aussi,
Dit l'autre ; et je l'ai vue avant vous, sur ma vie. — Eh bien ! vous l'avez vue ; et moi je l'ai sentie. "
(1) Ramasser.