POURQUOI IL EST UN GRAND ÉCRIVAIN POPULAIRE. 13
Eh bien ! le grand homme, dont nous nous entretenons aujourd'hui, est admirable par bien des talents et des aptitudes excellentes dont on vous parlera plus tard ; mais il est grand et vaut qu'on l'aime parce qu'il a aimé les petits, à une époque où on ne s'en occupait pas beaucoup.
Il ne faut pas faire grand cas de ceux qui vont criant avec de grands éclats : « J'aime le peuple ; je suis dévoué au peuple; je donnerais tout mon sang pour le peuple ! » C'est le travers d'aujourd'hui, et il faut savoir s'en méfier. Mais aussi, à l'époque où La Fontaine existait, on avait trop le défaut contraire. On y faisait de très grandes choses, on y servait et on y aimait le pays tout autant que de nos jours ; mais les petits, dont on usait pour accomplir les grandes choses dont je parle, on n'y songeait guère. On n'en parlait point dans les conversations des gens instruits ; on ne faisait pas pour eux assez d'écoles, ni assez d'hôpitaux, ni assez d'asiles ; on ne faisait pas de livres pour eux, ni sur eux.
Un seul écrivain, un seul, a parlé d'eux avec vérité, avec un sentiment de justice et de compassion douce, avec affection ; et cet écrivain c'est La Fontaine. Il a aimé beaucoup de choses, et il dit lui-même qu'il aimait à peu près tout, qu'il était « polyphile », c'est-à-dire ami de tout ce que la nature a fait de beau ; mais ce qu'il a aimé cer-