12 LA FONTAINE.
çais, et même d'être un grand Français. On peut l'être en défendant son pays par les armes ; on peut l'être en l'agrandissant par les découvertes de la science ou les inventions de l'industrie ; on peut l'être en inspirant à ses concitoyens de grands et bons sentiments , comme Malherbe , comme Corneille, comme Victor Hugo ; on peut l'être enfin, sans même avoir de très grandes idées, ni de très sublimes sentiments, savez-vous comment ? En aimant les petits, les faibles, les pauvres, ceux qui portent le poids de la vie, et qui ont leur lot de peines plus grand que les autres ; en les aimant, seulement ; car les petits sont comme les enfants : ils ont besoin qu'on les fortifie, qu'on les élève, qu'on les console, qu'on les protège ; mais avant tout, et plus que tout, ils ont besoin qu'on les aime.
C'est pour cela qu'ils témoignent leur reconnaissance plus vivement encore à ceux qui savent les aimer, qu'à ceux qui savent les rendre forts et habiles. Ils ont tort en cela, mais non pas tout à fait ; car ils sentent que l'affection dont on est l'objet est une force aussi, à la condition qu'on en soit digne, et qu'on y réponde : on prend ainsi l'habitude de compatir, la force d'aimer, et il n'y a pas de plus grande puissance, de plus grand appui ni de plus grande adresse pour les petits que de s'aimer les uns les autres.