LA MORALE DELA FONTAINE. 109
Celui-ci ne voyait pas plus loin que son nez ; L'autre était passé maître en fait de tromperie. La soif les obligea de descendre en un puits :
Là, chacun d'eux se désaltère. Après qu'abondamment tous deux en eurent pris, Le renard dit au bouc : a Que ferons-nous, compère? Ce n'est pas tout de boire, il faut sortir d'ici. Lève tes pieds en haut, et tes cornes aussi ; Mets-les contre le mur : le long de ton échine
Je grimperai premièrement ;
Puis sur tes cornes m'élevant,
A l'aide de cette machine,
De ce lieu-ci je sortirai,
Après quoi je t'en tirerai. —- Par ma barbe ! dit l'autre, il est bon ; et je loue
Les gens bien sensés comme toi.
Je n'aurais jamais, quant à moi,
Trouvé ce secret, je l'avoue. " Le renard sort du puits, laisse son compagnon,
Et vous lui fait un beau sermon
Pour l'exhorter à patience. « Si le ciel t'eût, dit-il, donné par excellence Autant de jugement que de barbe au menton,
Tu n'aurais pas, à la légère, Descendu dans ce puits. Or, adieu ; j'en suis hors : Tâche de t'en tirer, et fais tous tes efforts ;
Car pour moi j'ai certaine affaire Qui ne me permet pas d'arrêter en chemin. »
En toute chose il faut considérer la fin.