98 LA FONTAINE.
Faute d'y recourir, on viole leurs lois.
Témoin nous que punit la romaine avarice :
Rome est, par nos forfaits, plus que par ses exploits,
L'instrument de notre supplice. Craignez, Romains, craignez que le ciel quelque jour Ne transporte chez vous les pleurs et la misère ; Et mettant en nos mains, par un juste retour, Les armes dont se sert sa vengeance sévère,
Il ne vous fasse, en sa colère,
Nos esclaves à votre tour. Et pourquoi sommes-nous les vôtres ? Qu'on me die En quoi vous valez mieux que cent peuples divers. Quel droit vous a rendus maîtres de l'univers ? Pourquoi venir troubler une innocente vie ? Nous cultivions en paix d'heureux champs, et nos mains Etaient propres aux arts, ainsi qu'au labourage.
Qu'avez-vous appris aux Germains ?
Ils ont l'adresse et le courage :
S'ils avaient eu l'avidité,
Comme vous, et la violence, Peut-être en votre place ils auraient la puissance, Et sauraient en user sans inhumanité. Celle que vos préteurs (1) ont sur nous exercée
N'entre qu'à peine en la pensée.
La majesté de vos autels
Elle-même en est offensée ;
Car sachez que les immortels Ont les regards sur nous. Grâces à vos exemples,
(1) Magistrats romains chargés d'administrer les provinces conquises par Rome.