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Titre : La Comédie / rédacteur en chef Paul Ferry

Éditeur : G. Kugelmann (Paris)

Date d'édition : 1878

Contributeur : Ferry, Paul (02). Rédacteur

Contributeur : Sault, Léon. Rédacteur

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327447686

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb327447686/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 5300

Description : 1878

Description : 1878 (A16,N62).

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5439646n

Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, Z-1379

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 02/12/2008

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CHRONIQUE DE LA MODE

Nous n'avons que l'embarras du choix en fait de toilettes à décrire, la semaine a été des plus brillamment remplies, ce n'a été que dîners, concerts et bals en l'honneur des • princes étrangers de toutes les nations, les rois, les ex-rois, les rois futuas, toute la pléiade des étoiles aristocratiques, a reçu sa part d'invitations à de délicieuses agapes, de ravissantes soirées et bals enchanteurs.

Dans le jardin des Tuileries, à l'orangerie, la plus brillante fête a été inaugurée, les ministères, les salons, les églises, les courses sur une piste éloignée, tout a été prétexte à toilette.

A l'Exposition, l'ouverture de la section espagnole par don François d'Assises nous a fourni l'occasion de décrire une toilette originale ainsi composée pour la ville .

Jupe à traîne en faille bleu marine ornée d'un haut plissé double dans le bas, au-dessus même plissé moins haut en taffetas quadrillé grisaille et bleu marine.

Grand tablier formé d'une draperie de plis écossais alternés, trois bleus marine, trois grisailles et trois bleus posés en diagonale retournant deux fois très serré autour du corps et revenant s'arrêter de côté en arrière sous des arêtes de passementerie assortie.

Corsage long très ajusté sur un gilet plissé en faille bleu >marine, ce corsage en grisaille quadrillé est à double revers se rejoignant à l'encolure et fixé par un col militaire, puis il s'ouvre sur la poitrine où il forme des crans comme aux habits d'homme et revient en.^uite se joindre à la taille sous un noeud flot.

Je recommande cette innovation de revers aux personnes dont la poitrine est peu développée.

Chapeau Vélasques très enlevé avec buisson de plumes blanches et bleues agrafées de perles.

Au mariage de Mlle Marie-Thérèse de Loulay avec M. Edmond de Mesmin. J'ai trié entre toutes les plus ravissantes toilettes le bijou que voici :

Toilette de cachemire de l'Inde tilleul avec broderie roses et argent.

Jupe à longue traîne drapée verticalement et garnie en dessous de dentelles de Bruges et par-dessus d'une haute broderie figurant des roses de plusieurs tons avec feuillages d'argent, le devant de la jupe brodé en tablier du même dessin est garni en outre d'un coquille de cachemire tilleul doublé de soie rose et arrête par une ganse d'argent. De distance en distance dans ce coquille sont des flots double face rose et argent.

Grand corsage habit de cachemire tilleul doublé de soie rose et brodé devant en plastron et derrière sur des pans garde française du même motif que la jupe, ces pans sont retrousses de côté et brodés d'argent sur la doublure rose, des flots double face les retiennent en arrière sur la traîne. Les manches de soie rose brodées dessus sont en outre à grands revers de cachemire tilleul brodés de roses à feuillage d'argent. L'habit et les manches son rehaussés d'application d'Angleterre et boutonnés de perles fines.

Un chapeau Rembranlt avec une guirlande de roses, deux tons à feuillage mort, sur le retroussé brisé dans la paille anglaise, doublée de soie rose et avec plume blanche

à bouts argentés est posée très en arrière sur la coiffure mousse de Mme de G... qui a fait sensation à son entrée dans l'église, succès de beautés'il en fut.

Le comte d'Eu, fils de son altesse le duc de Nemours et la comtesse d'Eu, ont donné une brillante réception à l'hôtel d'Albe.

La reine Isabelle y portait la toilette que j'ai décrite dernièrement et qui devait servir pour le mariage du roi d'Espagne son fils.

Madame la comtesse de P..., charmante et distinguée dans le costume suivant :

Jupe à traîne de cour en faille blanche toute bouillonnée de crêpe lisse, piquets de roses pompons et de lilas blanc alternés dans les bouillons.

Corsage-cuirasse très décolleté et à longs pans derrière avec draperie de crêpe jisse et bouillonnes, piqués de fleurs comme la jupe.

Longue et vaporeuse écharpe de crêpe lisse jetée négligemment sur toute la toilette et relevée par un bouquet allongé de roses pâles et lilas blanc.

A l'Orangerie, concert et jeux de toutes sortes, la princesse de B..., en toilette de faille gris-perle, obtient la palme d'élégance.

La robe est de forme Gabrielle d'Estrée toute longue et toute plate, garnie dans le bas seulement d'un haut coquille de faille gris perle doublé de blanc mat, des palmes gris de fer et blanc ornent tout le devant de la robe et fixe les coquilles .

Les manches très plates sont brodées de ces palmes dans toute leur longueur, haut col Louis XIII et manchettes assorties en guipure d'Angleterre de la plus grande richesse.

Pour les courses, les excursions aux champs et les visites quotidiennes à l'Exposition pendant les grandes chaleurs, nous avons reçu l'avis d'une innovation des plus conforfortables, ce sont des costumes tout entiers auxquels on a donné le nom de

Toilettes d'Exposition ils se composent de la robe Princesse en batiste écrue ou en Tussore remplie de plissés fins du haut en bas, la jupe jusqu'à la hauteur des hanches et le corsage au moyen d'une petite pèlerine toute plissée aussi. On arrête la robe à la taille avec une ceinture François Ier en argent nicquelé.

Le chapeau dit d'Exposition est en paille d'Italie forme Du Barry.et garni à profusion de fleurs naturelles dessus et dessous.

'Le soulier Marion Delorme, gracieux et léger, complète ce confortable costume,

Les robes ajustées sont toujours de mode, on y ajoute un léger puff en arrière pour les personnes un peu fortes dont l'abdomen proéminent est d'un effet désastreux ; les jupes toutes rondes dites cloches sont adoptées pour les courses à pied et la campagne, mais la traîne plus ou moins longue est obligatoire dans toutes les toilettes de cérémonie.

E. SERENA.

LE SALON DE 1878

[Suite).

Le portrait de MUe de Rochetaillée, par Courtois, est étonnant de vérité et de composition savante, on y recon-


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naît la main d'un peintre habile. Arrêtez-vous devant la Sainte-Cécile de M. Dubusc fils, c'est franc et fort tout à la fois. Il faut louer dans cette oeuvre une mise en scène imposante, une très-heureuse moharnie des couleurs et un ensemble religieux qui séduit et captive l'âme au premier chef. Expression touchante, grâce décente, rien n'a été oublié dans cette oeuvre qui fait le plus grand honneur à son auteur. J'aime peu le Christ de M. Dautan dont le corps flageole sur des jambes mollement modelées. Le raccourci de son torse est creux, la tète est nulle et sans expression.

C'est en poète que feu Daubigny comprenait la nature, son Pré des Graves et son Verger sont des modèles du genre ; la nature est là dans toute sa vérité et dans son plus riant aspect. Peinture sobre et exacte, sérieuse et serrée, d'une justesse sûre et d'une énergie soutenue ; tous les accessoires, qui sont des prodiges d'imitation véritable, concourent à l'effet de ces scènes champêtres en leur imprimant les marques d'une réalité vigoureuse.

A part une sorte de déformation de son premier sujet, la Sainte-Agnès martyre, de M. Ferrier, est empreinte de cette bonne couleur religieuse qui convient aux tableaux d'église.

Dans l'Arrivée à l'étape, de M. Dupray, les figures ne sont qu'indiquées mais quel sentiment du mouvement, quelle justesse d'allure et d'attitude ! La touche porte à tout coup sur ces petites têtes martiales et actives, comme un fleuret manié par une main exercée. Le ciel est d'une finesse rare, la ville dans laquelle se sont arrêtés les dragons d'une vérité surprenante. Bravo! M. Dupray. M. Carolus Duran n'a pas saisi, à mon sens, ce rayonnement d'apothéose céleste qui devrait éclairer ou plutôt illuminer son Gloria Marioe Médicis. Le peintre est pourtant intelligent, il fait avec grâce, mais son ensemble est maniéré, cherché, il fait trop à l'eau de rose et son modèle est faible ; néanmoins, ce qu'il faut louer dans ce plafond, c'est l'arrangement et l'habillement de tous ces personnages.

Un charmant tableau que celui de M. Deschamps, Petite cribleuse défendant son grain contre une bande de coqs, de poules et de poussins affamés. Le portrait de la fillette amuse et ravit les yeux, tant le pinceau du peintre a su y mettre de la vérité et de la vivacité; on ne saurait exprimer le désir de la conservation avec plus de finesse et de naturel.

Sans emphase dramatique, sans prétention élégiaque, M. Simon Durand a traité, dans son Enfant blessé, une scène des misères des enfants trouvés du plus poignant intérêt. Un pauvre vieux saltimbanque sort de chez un pharmacien, portant dans ses bras son plus jeune enfant qui vient de faire une chute en exécutant des tours d'adresse. Le pauvre petit être tourne vers son père des yeux où brille la reconnaissance et semble lui demander pardon de la peine qu'il lui fait et du préjudice qu'il lui cause. M. Simon Durand a peint cette simple scène avec beaucoup de sentiment et de vérité.

Le Christ mortel la Madeleine, de M. Henner, sont deux figures correctes, exemplaires, peintes dans ce ton terreux, sépulcral même si familier à Rembranlt, et dont M. Henner s'est adjugé la succession. Ce qu'on peut louer dans son Christ, c'est le modelé des attaches et l'expression de la tète, pleine de science et de majesté.

Une Scène au Pollet, où M. Huquette nous fait assister

à ces luttes de cabaret, si communes dans les ports de mer. Deux individus sont aux prises, l'un d'eux brandissant un pot de fer en menace son adversaire qui demande grâce. La couleur est chaude et sent son fumet, une sorte de suint humain s'en exhale mêlé à une sorte de marée. C'est un tableau puissamment et dramatiquement traité qui retient longtemps le regard.

L'Hallali dans un marché, de M. Delort, est au moins plaisant comme idée. Un magnifique dix-cors, traqué par des chasseurs, s'est dirigé vers un marché, aussitôt les marchandes se sauvent à qui mieux-mieux ; l'une perd ses oeufs dans la bagarre, l'autre se laisse choir au milieu des choux et des carottes, une troisième prend ses jambes à son cou et massacre les marchandises de son voisin pour aller plus vite. La pointe humoristique du peintre s'y étale en toute liberté, il y a toute une note comique de bon aloi dans cette minime anecdote retracée avec autant d'esprit que de bon goût.

Beau mouvement, belle attitude dans la Charlotte Corday, de M. Hugues Merle, le modelé est d'une douceur qui enchante, sans mollesse cependant. La figure de la jeune héroïne qui devait saigner celui qu'on nommait Marat a des transparences de tons et des délicatesses de chair du plus bel eflVt. L'Entrevue de Louis XIV et de M 11' de la Vallière, de M. Morlon, est une composition un peu théâtrale, un peu visée à l'effet, elle n'en reste pas moins une bonne et franche peinture. Le jeune roi de France étend son chappau au-dessus de la tête de M"" de la Vallière pour la garantir de l'averse pendant que les dames de la cour s'impatientent et réclament le retour à Fontainebleau. Je loue en M. Morlon un artiste de mérite dont le pinceau sait donner une harmonieuse intensité à la couleur.

L'Enlèvement de Déjanire, de M. Humbert, ne manque ni de concentration ni de vigueur, c'est heureusement venu, comme on dit en termes d'atelier. Le Harem, de M. Benjamin Constant et la Soif, du même, sont deux productions chargées, collées, goudronnées, qui cimentent les personnages et les accessoires dans une masse complète. Dans son Harem, à part le coup de soleil assez heureusement venu qui éclaire l'entrée, je ne vois, en fait de houris et de sultanes, que de pauvres comparses des Folies-Bergères, habillées en aimées pour les besoins du sujet, le tout cliquotte, brillotte et ne constitue pas un bon tableau en somme. La Soif dans le désert est faite de chic et de mémoire, tous ces Marocains altérés et cherchant quelque caillou humide ressemblent à des marchands de dattes ou à des Juifs d'Alger colportant leurs marchandises ou exerçant leurs trafics dans le doux espoir de flibuster les Chrétiens.

M Benjamin Constant, qui peint avec beaucoup trop de facilité, fera bien de serrer un peu plus son dessin et de donner une meilleure harmonie à sa couleur, sans cela, avant peu, il tombera dans la trivialité.

Echec complet de M. Joseph Sylvestre dans son tableau les Derniers moments de Vitellius César. On dirait d'un garçon boucher, arrêté pour avoir vendu à faux poids et conduit chez le commissaire par les clients et les voisins mécontents ; une mauvaise pâte alourdit encore l'épaisseur du groupe. De pareilles énormités ne s'exposent pas devant un public qui a le sens de la vie, de la raison et de la vérité.

CH. DE SENNEVILLE.


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CAMÉES ARTISTIQUES

pONJ^fAJ

Dans le monde des artistes peintres, M. Bonnat peut être défini ainsi : tempérament le plus puissant, le plus nerveux, le plus robuste que nous ayons. S'il n'a pas l'idéal de la force, en revanche il en possède l'intrinsèque et vigoureuse réalité. Son Christ qui fut tant décrié n'en reste pas moins un véritable chef-d'oeuvre. Le grand art du savoir faire y est poussé jusque dans ses dernières limites, les plans, les figurations, les différentes parties du corps sont rendues avec un fini, un soin, une couleur, qui tiennent du merveilleux. M. Bonnat, qui procède de l'école espagnole de par son premier maître Frédéric de Madrazzo, y apparaît dans tout l'éclat d'un talent exhubérant de fougue, la verve le possède à la façon d'un démon, il court, il vole, laissant son empreinte marquée en traits de feu.

Pour en revenir au fameux Christ qui figure aujourd'hui à la cour d'assises, je puis louer son exécution d'un effet si puissant, sa gravité soutenue, son dessin véhément et fier, le relief extraordinaire de son modèle, le sombre et parfait accord de la couleur avec le sujet. Quelle hardiesse de composition dans ce corps de Jésus crucifié, plongé dans cette ombre qui ajoute encore à la majesté et à la grandeur de l'action. Considérez cette teinte cadavérique, cette tête livide exprimant bien les douleurs encourues, vous serez étonné de l'effet produit et des difficultés vaincues. Tout est parfait dans cette oeuvre si sérieusement belle et forte. J'arrive à son portrait de Monsieur Thiers, qui figure aujourd'hui à l'Exposition universelle et que chacun considéra comme l'oeuvre capitale du Salon de 1877. Ici l'admiration parle seule ! Quelle différence avec le grand placard de M. Vibert, composition toute de tapage et de gros effets. Le célèbre homme d'Etat exhibe sa petite tête fine et railleuse, aux traits volontaires, admirablement modelés, marqués à l'effigie et à l'emporte-pièce. La ressemblance est singulièrement vive et incisive. Une pointe sarcastique vibre sur ses lèvres, l'idée et la pensée de l'historien percent dans le regard et vont jaillir en flots de raisonnement et de verve sur ce visage qui est pour ainsi dire illuminé. On ne pouvait mieux saisir à l'oeuvre le fameux renverseur de gouvernements dans la minute de réflexion qui sépare la pensée de la résolution ; le temps de soutenir un projet de loi et de le combattre l'instant d'après. Si M. Bonnat n'avait produit que ce tableau, il suffirait à lui seul pour consacrer à jamais son incomparable talent. C'est le sentiment de la vérité qui a guidé son pinceau, c'est son génie qui lui a fait toucher le but avec une aussi mâle assurance. Sans avoir la couleur apocalytique que bien des orthodoxes seraient en droit d'exiger. La Lutte de Jacob n'en reste pas moins un excellent tableau. C'est assurément une des oeuvres les plus franches d'exécution et de vigueur d'aspect que l'auteur ait produites. Demi-nu, ceint d'une peau de bête, solidement planté sur ses jambes qui font saillir leurs muscles tendres, Jacob

ramasse ses forces dans une suprême étreinte pour renverser l'ange. 11 appuie sa tête contre sa poitrine avec la même ardeur que les lutteurs émérites de nos cirques forains. Les bras noués autour de ses reins, il a réussi à l'enlever de terre. L'ange, les ailes déployées, les cheveux hérissés, lui serre le cou comme pour l'étrangler. Il résiste sans grands efforts, certain à l'avance du résultat de la lutte. Que peut contre cet athlète ailé le mortel assez téméraire pour venir lui disputer la victoire.

On peut considérer cette peinture comme une merveille de force et de savoir-faire. Comme ces deux corps enlacés reproduisent bien dans leurs plus petits détails les efforts virils dj deux combattants aux prises. La sueur du combat se dégage de leurs étreintes, elle les baigne de cette moiteur qui apparaît sur le corps quand on fait des exercices de force.

J'aime beaucoup aussi son Barbier à Suez. Ce figaro noir qui rase son maître du haut en bas, traité en manière de plaisanterie est d'un comique qui fait pouffer. M. Bonnat sait volontiers mettre une pointe de saillie spirituelle dans ce qu'il fait dès qu'il le juge convenable. On ne peut que l'en féliciter.

Son portrait de Madame Pasca, fit également sensation.

La célèbre Fanny Lear, vêtue d'un costume blanc, orné de fourrures, est représentée grandeur naturelle. On retrouve les mêmes qualités de faire, la même hardiesse de tons, la même vigueur de brosse, tout y est fondu avec une chaleur de sentiment, une exhubérance de sève qui donnent la vie et l'animation au personnage; la force, la puissance y débordent de tous les côtés.

Dans quelle atmosphère d'amour maternel, de tendresse pieuse n'a-t-il pas enveloppé son Italienne et son gros bébé joufflu dans les Premiers pas. Effet intense, couleurs éclatantes, inspiration vraiment poétique, l'ensemble est d'une saveur, d'une harmonie prodigieuses. Cette mère guidant les premiers pas de son jeune enfant est remarquable de vérité et d'expression, le petit être qui étend timidement sa petite jambe est un bijou de grâce naïve et de sentiment intime. On peut affirmer que si M. Bonnat sait donner tant d'émotion à son oeuvre c'est parce qu'il est ému lui-même. Il sent vivement et fortement, c'est ce qui lui permet de donner à ses personnages le frémissement et la palpitation de la vie. Le coeur bat sous cette robuste enveloppe et ces battemen+s sont de ceux qui vont directement à l'âme parce qu'ils communiquent le feu sacré dont l'auteur est embrasé.

Mêmes compliments pour sa jolie toile Ne pleure pas ! une étude de têtes d'enfants italiens saisissants d'expression, où l'on reconnaît la touche ferme et serrée du maître. La réputation de M. Bonnat s'établit du premier coup avec Son Martyre de Saint-André, une large et imposante conception puis vinrent ensuite, le Bon Samaritain, Saint-Vincent de Paul, Adam et Eve trouvant Abel mort, la Maruccia, Pèlerins à Saint-Pierre de Rome. l'Antigone conduisant OEdipe, Paysans napolitains devant lepalais Farnèse à Rome, Ribeira dessinant à la porte de l'ara Coeh-à Rome, enfin son beau groupe de l'Assomption d'un éclat et d'une richesse tout à fait appropriés au sujet. La peinture d'une couleur chaude et éclatante est harmonieusement répandue sur


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toute la toile, le modelé est très serré et l'aspect imposant.

Le groupe des Apôtres plongés dans une extase divine, la Vierge et les Anges qui lui font cortège sont traités avec une sûreté de brosse, une vigueur de pinceau d'une pureté et d'une douceur inimaginables. Ce tableau empreint d'un réel sentiment religieux laisse le spectateur sous le coup de cette émotion extatique que l'on éprouve à la vue des chefs-d'oeuvre de Raphaël et de Murillo.

Tempérament plein de force, de jeunesse et d'imagination, M. Bonnat est aujourd'hui dans toute la plénitude d'un talent qui ne peut que s'accuser plus victorieusement encore par la suite. Grand travailleur, d'une probité artistique sans égale, M. Bonnat doit nous réserver pour un avenir prochain quelque toile immortelle. Les qualités qu'il a reçues de la nature, il les a décuplées grâce à son infatigable ardeur, à sa conscience d'artiste qui lui enjoint de ne livrer à l'appréciation de tous que des oeuvres dignes de lui ; c'est-à-dire pleines de savoir, de talent, de sentiment et de passion. Noblesse oblige, comme disaient nos pères, M. Bonnat n'a plus qu'un pas à faire pour être sublime, ce pas il saura le franchir.

CH. DE SENNEVILLE.

THEATRE DES NOUVEAUTES

Coco, vaudevil'e en cinq actes, de MM. Clairville, Eugène Grange et Delacour.

Brasseur n'est point ingrat. Il a demandé la pièce d'ouverture de son théâtre à trois des auteurs auxquels il doit ses meilleurs succès: MM. Clairville, Grange et Delacoiir, qui, connaissant leur Brasseur par coeur, lui ont taillé un rôle à son encolure.

Que si vous cherchiez sur un programme le nom de l'ac teur charge du rôle de Coco, vous ne le trouveriez pas.

Coco est un perroquet sur la tète duquel Chamberlan touche vingt mille francs par an. Mais, le jour où Coco mourra, cette rente reviendra au sali imbanque Flondor, neveu de l'original défunt, qui faisait sans doute partie de la Société protectrice des animaux.

Coco ennuie terriblement Chamberlan ; mais Chamberlan le soigne avec une sollicitude de tous les instants. Comme les perroquets vivent cent ans, il espère qu'il touchera les vingt mille francs pendant un siècle ! Et il s'occupe de Coco, Chamberlan, au point d'oublier qu'il est père et maire.

Comme père, il ne veille pas assez sur Georgette, fiancée au jeune Biju, et qui s'en laisse conter par le jeune Gontran ; comme maire, il néglige ses administres et il fait poser depuis huit jours une rosière, désireuse d'ôter enfin sa robe blanche.

Il fait beau et l'on met Coco sur le balcon. Mais voici qu'en voulant dérober un baiser à Georgette, Biju bouscule la cage... et que la porte de la cage s'ouvre... et que Coco s'envole !

Alors commence une course abracadabrante à la recherche de Coco, que Chamberlan voudrait rattraper et auquel Floridor offrirait volontiers du persil.

En courant après Coco, et déguisé en Espagnol, Floridor retrouve sa femme, qui prit la fuite il y a quelques années, au bras d'un quidam quelconque, et qui est devenue diva d'opérette. Il veut la contraindre à la suivre au domicile conjugal, mais elle lui échappe et se précipite dans un wagon de l'Ouest.

Nous revoyons Sylvia à bord du Flambart, en partance pour Philadelphie. Elle fait la connaissance d'un richissime Anglais, en faveur duquel elle renonce à traverser les mers... Ce soi-disant insulaire, c'est son saltimbanque d'époux, c'est Floridor !

Pourtant Sylvia ne fuit plus son mari Elle vivra désormais avec lui, la grande âme, puisqu'il hérite de l'oncle millionnaire et qu'à la mort de Coco, réintégré dans sa cage, il jouira de vingt mille francs de rente de plus.

Quant à Georgette, elle épouse Gontran.

— Mais vous m'aviez donné votre parole, dit Biju à Chambertan.

— Je vous ai donné ma parole, mais j'ai donné ma fille à Gontran ; je ne puis donner tout au même, répond Chamberlan, le père et le maire.

La pièce se termine sur un mot spirituel. Elle commence raisonnablement (peut-être un peu trop), prend vers le milieu du deuxième acte des allures d'une fantaisie insensée et se lance ensuite dans un méli-melo inénarrable, mais gai, amusant, plein d'imprévu, agrémenté de jolis airs de M. Ccedès, et soigné comme mise en scène. L^ décor du quatrième acte, représentant un paquebot et montrant, au moyen d'une toile de fond qui se déroule, le panorama du Havre, est une petite merveille et fait honneur au peintredécorateur, M. Robecchi.

Brasseur, parfait dans ses différentes transformations ; Mlle Céline Montaland, jolie, gracieuse, coquette, adorable ; Mlle Silly, M1Ie Juliette Darcourt, Christian, tous et toutes ont vaillamment contribué au succès.

LE PHONOGRAPHE

Pour un peu je vous dirais que le Phonographe est la huitième merveille du monde.

C'est une espèce de tourne-broche muni d'un petit entonnoir dans lequel on peut parler ou chanter ; on peut même y faire de la musique, tous les sons s'y gravent imperceptiblement et I instrument répète autant de fois que l'on veut tout ce qu'il a entendu ; il est de si bonne foi et d'une exactitude telle qu'il reproduit jusqu'aux fausses notes.

On ne peut venir à Paris sans aller le visiter, 39, boulevard des Capucines.

Le succès de l'Hippodrome est considérable. On a refusé de douze à quinze mille personnes dimanche et lundi. Vers la fin de la semaine, les représentations de nuit reprendront pour avoir lieu tous les soirs.

Les concerts de l'Orangerie, aux Tuileries, et ceux de Besselièvre, aux Champs-Elysées, se disputent chaque soir les promeneurs de l'Exposition. La foule des étrangers accourt à Paris et suffira certainement à la fortune de tous les établissements en plein air, sans préjudice pour nos théâtres lyriques qui offrent aux vrais amateurs de musique un intérêt tout exceptionnel.

Le Skating-Palais de l'avenue du Bois de Boulogne, 55, est décidément le rendez-vous du tout Paris qui s'amuse. Tous les soirs, séances de patinage, bal et concert. Les mercredis et samedis, grandes fêtes Retour assure par un train spécial à minuit.


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VARIÉTÉS

HISTOIRES D'ERMITES

in

L'Aventure de Saint-Babejou

{Suite).

— Puis, il se retourna vers moi, plus calme :

— Vous savez ou vous ne savez pas que c'est demain la fête. Autrefois les gens se disputaient l'honneur de monter le Saint, pieds nus, sur leurs épaules. On payait pour ça; c'était le bon temps. Je me rappelle, moi qui vous parle, étant tout petit, sous mon prédécesseur, avoir vu mettre la chose aux enchères. Les mauvaises idées vinrent ; on portait encore le saint pieds nus, mais sans payer. Puis on se chaussa, et je dus me tenir content. L'année passée ne m'a-t-il pas fallu aller chercher par force les pénitents à l'auberge !

Enfin, cette anaee..., ah ! cette année..., ils m'ont déclaré, les brigands, que le tronc de poirier était trop lourd, qu'on en riait dans tous les villages de la vallée, et qu'enlever un peu de bois à saint Barbejou ne saurait lui faire du mal... Mais halte-la charron ! c'est poussé assez loin. Avec ta tarière d'enfer, tu vas faire sauter â mon saint le crâne et la mitre.

— Le voilà léger comme un carton votre saint ! Si demain, les paroissiens refusent, vous pourrez le monter vous-même sous le bras.

Et, retirant sa longue tarière de l'intérieur de saint Barbejou. Cogolin la cogna du bout sur sa forte semelle pour en faire sortir les copeaux.

— Tais-toi, huguenot ! dit l'ermite, qui les ramassa, probablement avec l'intention de les vendre comme reliques.

Puis, marmotant je ne sais quoi, et faisant aller sa barbe de bique :

— Notre evéque l'a bien dit au prêche ■ « Les saints pèsent trop aux épaules, il n'y a plus de religion à Pampangoust ! »

Fin. PAUL ARENE.

LE TRAC

On désigne communément au théâtre sous le nom de trac, cette peur nerveuse, cette terreur insurmontable qui domine souvent les meilleurs artistes à leur entrée en scène.

Pour beaucoup, des plus distingues et des plus habitues aux planches, ce n'est qu'en tremblant qu'ils abordent chaque soir la rampe et ce n'est qu'au bout d'un moment que cette impression, ce phénomène, si l'on veut, se dissipe.

On est généralement porte à croire que les comédiens ne sont accessibles à ce sentiment gênant et gêneur qu'ils appellent le trac, que lorsqu'ils comparaissent devant le public spécial des premières, alors qu'il les reprend généralement, dans de moindres proportions, il est vrai, à chaque représentation.

L'influence du trac est telle qu'elle ne se manifeste pas seulement chez les artistes principaux, chargés d'un rôle important et, par conséquent d'une somme de responsabilité qui explique bien des appréhensions, mais encore chez leurs camarades placés sur tous les degrés de la hiérarchie artistique. Ainsi, il existe des comparses qui n'ont jamais eu le courage de figurer au premier rang.

Je trouverais difficilement, à l'appui de cette affirmation, une preuve plus concluante que l'anecdote suivante .

Il y a pas mal d'années, dans un théâtre important, on jouait une comédie dont la distribution comprenait un nombre inaccoutume de petits bouts de rôle d'une demi-ligne. L'un de ces bouts de rôle, celui d'un domestique chargé de prononcer ces mots :

— Madame la comtesse, la voiture est en bas ! fut imprudemment confie à un figurant dont la timidité était la risée perpétuelle de ses compagnons.

Pendant toute la durée des répétitions, le pauvre garçon, tendant à

mériter l'avancement inespéré qui lui survendit, fit preuve d'un zèle et d'une exactitude exemplaires. Il mérita à plusieurs reprises les compliments du régisseur et tout faisait prévoir qu'il se montrerait digne de la tâche confiée à son jeune talent.

Mais il n'était pas tranquille. A mesure que le grand jour approchait, il sentait le trac, le maudit trac s'emparer graduellement de ses facultés physiques et intellectuelles. Les railleries perfides de ses innombrables envieux contribuaient encore à augmenter sa terreur préventive.

Craignant de tronquer son rôle, il allait et venait partout, dans le théâtre, dans la rue, en répétant plusieurs milliers de fois ce lambeau de phrase :

— Malame la comtesse, la voiture est en bas !

Et se laissant aller parfois à dire, dans son trouble.

— Madame la voiture, la comtesse est en bas ! Ce qui le plongeait dans un desespoir profond.

Les autres figurants se faisaient un malm plaisir de lui murmurer sur l'air des lampions !

— Tu ne le diras pas !... tu ne le diras pas !

Bref, le jour de la première arriva. Pendant toute la soirée, le malheureux comparse, en attendant sa scène ne cessa de grommeler fiévreusement son rôle à voix basse, tandis que sur son passage, ses persécuteurs lui donnaient la réplique avec leur sempiternel : « Tu ne le diras pas ! »

Enfin, le moment de son entrée arrive. Une dernière fois, il redit son rôle comme s'il faisait sa prière.

Il ouvre à deux battants la porte du fond.

Malédiction !... à cette minute suprême, un dernier « Tu ne le diras pas ! » arriva à son oreille.

Cette fois, c'en est trop, il perd la tête, ne songe qu'à répondre vigoureusement à des persécuteurs obstines et, d'une voix que l'indignation rend tonnante, oubliant qu'il a ouvert la porte et qu'il est en scène, il lance, à l'immense stupéfaction du public, un mot, héroïque sans doute... mais beaucoup plus en situation sur le champ de bataille de Waterloo que dans le salon d'une comtesse.

Au milieu du désarroi gênerai, le malheureux, rouge, confus, tremblant, se trouve, en quittant la scène, en présence d'un des figurants qui lui crie :

— Tu vois bien que tu ne l'as pas dit '

0 déplorable influence du trac, voilà bien de tes coups.

M.

DE TOUT UN PEU

Un sociétaire du Journal jaune, qui vient.de naître, consolait un néophyte qui se regimbait sous [sa nouvelle coiffure.

— Va, il vaut mieux être c... que préfet. Quand on l'est l'est on le reste !

REVUE LITTERAIRE

Les Secrets du Cabinet de toilette, par Mme d'Alq, 1 vol. Ebhardt, éditeur.

Le charmant volume qui vient de paraître à la librairie de la Famille, est un de ces livres que chacun veut posséder parce qu'il est utile à tous. Ce n'est pas comme un roman qu'on jette de côté après l'avoir lu. Quelle est la femme qui ne le feuilletera à cent reprises différentes pour y trouver, selon ses besoins du moment, parmi les conseils expérimentés et les quelques deux cents recettes


qu'il contient, le moyen de fabriquer elle-même avec économie un cosmétique pour ses cheveux ou son teint, un dépilatoire, ou encore, avec les fleurs de son jardin, des essences et des parfums toujours si coûteux. A l'expérience de la femme du monde, M?" d'Alq a joint l'érudition qui lui a permis de découvrir dans des livres russes, anglais, allemands, italiens, une foule de recettes inédites. La Belgique illustrée, par Eugène Van Bemmel. 2 vol. — Auguste Ghio, éditeur.

La Belgique illustrée est vraiment la description de ce pays dans le sens le plus large et le plus complet de ce mot. Le texte avec son cachet littéraire, est enrichi de nombreuses gravures : la plume et le crayon rivalisent de talent et d'entrain. La première livraison de ce monument artistique est presque déjà totalement épuisée. Voyage autour du Monde, par Je comte de Beauvoir. — Pion et C'% éditeurs.

C'est en forme de séries qu'est paru ce nouvel ouvrage. L'auteur y raconte les vieilles légendes japonaises, il décrit les villes d'eaux de ce séduisant pays que le lecteur quitte comme lui à regret et il s'embarque à Yokohama pour arriver à San Francisco. Une carte et dix-huit jolis dessins de Rion, Régamey, Breton, Crafty, enrichissent ce nouveau fascicule.

Monaco et Monte-Carlo, par Bénédict Henry Revoil, 1 vol. Dentu, éditeur.

Le très joli volume que vient d'éditer Dentu est un intéressant pèlerinage à travers le pays monégasque. Grâce à la plume spirituelle et pleine de -nordant de l'auteur, le lecteur est parfaitement au courant de tout ce qui se fait à Monaco et àsMonte-Carlo : il en voit les curiosités, les us et les coutumes. Si tous les guides de voyageurs étaient ainsi faits et compris, ce serait un vrai plaisir de les lire et de les relire.

A la même librairie : Dictionnaire historique d''Argot, par Lorédan Larchez.

Voici un vocabulaire d'un nouveau genre auquel l'Académie n'avait pas encore songé,- c'e^t le dictionnaire historique d'argot, un rudiment de la langue verte qui excitera la curiosité de bien des lecteurs. Cet ouvrage qui contient toutes les excentricités de langage connues jusqu'à ce jour est un véritable enseignement et une sérieuse étude sur la langue verte.

A la même librairie :

L'Homme de la Croix aux boeufs, par Léon Cladel.

Roman bien fait et des plus intéressants, M. Léon Cladel est de l'école de Zola à quelques expressions près. Son réalisme est d'un genre particulier, mais assez profond. Ce récit est un des meilleurs qu'il ait produit jusqu'à présent.

Les Caprices de Diomède, par Gustave Claudin, 1 vol. — Charpentier, éditeur. Le héros du roman de M. Gustave Claudin ressemble furieusement au Seigneur Fortunio de Théophile Gautier; tous les deux procèdent de la même façon, c'est-à-dire par le merveilleux. Ce manque de fascination réussit on ne peut mieux au jeune comte Diomède qui, doué de tous les avantages, jeunesse, santé, beauté, richesse, se complaît à consoler de tendres coeurs qui ne demandent qu'à se laisser tenter. C'est d'abord à la jeune Arabelle qu'il lance le mouchoir ; enchanté de cette liaison qu'on prévoit de courte durée, Diomède entoure sa'jeune maîtresse d'un luxe tout

princier, puis fatigué des mêmes caresses et des mêmes baisers, il s'attelle au char de M" 8 Léonide, une marcheuse du corps de ballet et relégant Arabelle au dernier plan, il signe un bail amoureux avec sa nouvelle conquête. Ici, l'auteur nous fait un tableau, fort prosaïque ma foi, sur la façon dont il comprend le véritable amour, ce n'est plus du roman, c'est une discussion philosophique revêtant une forme un peu aride pour bien traduire ce qu'il entend par amour. Combien de romanciers, de poètes, et Piron tout le premier, ont traité ce sujet brûlant : Leurs écrits et leurs vers ont été impuissants à bien définir ce sentiment qui, comme bien d'autres, ne s'analysent ni ne se discutent, l'amour se ressent, s'empare de tout votre être, il ne se raisonne pas, il commande et tout s'incline devant lui : la force, la science et l'intelligence. Le platonisme est une aberration ou un non-sens. Mais revenons au roman de M. Claudin. Fatigué de plaire à l'une et à l'autre, aux uns et aux autres, le comte Diomède, qui s'était lancé dans les tourbillons d'une vie de plaisirs pour essayer d'oublier une femme qu'on l'avait empêché d'épouser, se fait recevoir à la Trappe afin d'expier ses soi-disants péchés de jeunesse. Touchante mais souverainement injuste terminaison d'une existence un peu agitée. Si tous les hommes qui ont sacrifie quelque peu à Satan, à ses pompes et à ses oeuvres, si tous ceux, si toutes celles qui ont enfreint le commandement de l'Eglise : (Euvre de chair ne désireras, étaient obligés d'aller se réfugier dans un cloître, les trois quarts de l'humanité souffrante seraient logés dans ces établissements qui bientôt deviendraient biens nationaux. La résolution de Diomède est de celles que l'on respecte mais elle est aussi : de celles que l'on ne saurait imiter. Beaucoup applaudiront qui fuiraient devant une semblable perspective.

M. Gustave Claudin, tout en retraçant un roman ou plutôt des scènes parisiennes, s'est efforcé de donner à son ouvrage une forme philosophique, sentencieuse et je dirai même paradoxale. Ne voulant pas frayer dans les sentiers battus déjà tant de fois par bon nombre de confrères, il a, sur un thème vieux comme le monde, brodé une aimable historiette, à laquelle il a donné une forme neuve et un aspect attrayant. M. Claudin me paraît avoir une profonde horreur de la banalité, c'est une qualité dont il faut le féliciter, il professe pour tout ce qui a été dit et redit une véritable aversion, c'est un rare mérite dont ne sont pas atteints les gens de lettres ou soi-disants tels qui mettent au monde des écrits, dignes de figurer dans le même lieu que le sonnet d'Oronte, mais il oublie qu'un roman est une étude de moeurs et non un exorde.

J'ai lu avec plaisir les Caprices de Diomède, et je ne puis que répéter en terminant ce que j'ai dit plus haut : Livre bien fait, style net, correct et nourri en même temps, abondance de discussions et de dissertations philosophiques et religieuses, là, me paraît, je ne dirai pas le côté faible mais bien la partie la moins réussie et la moins intéressante de l'oeuvre. Ce roman tout parisien, semé de mots heureux, d'anecdotes piquantes, perd sensiblement de son intérêt à la lecture de cette phroséologie savante, dogmatique. En plein dix-neuvième siècle, les viveurs et les filles de théâtre ne parleut pas comme les héros de Molière. Les alcestes mâles ou femelles ne sont plus de notre époque et le Paris que nous connaissons n'est pas l'Hôtel de Bourgogne. CH. DE SKNNEVILLE.


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REVUE -PROGRAMME

HEBDOMADAIRE

THÉÂTRES- BALS & CONCERTS

Opéra. — Le succès de Vkfricaine s'accentue de soir en soir. La magnificence de la mise en scène et l'excellence de l'interprétation, assurent à cette reprise de l'oeuvre de Meyerbeer une longue et fructueuse durée. M. Lassalle est superbe dans le rôle de Nélusko et MUe de Retské remplace convenablement Mlle Krauss dans celui de Sélika. M. Halanzier nous promet des merveilles pour le Polyeucte de M. Gounod qui ne saurait tarder à voir le feu de la rampe.

Le répertoire fait toujours de brillantes recettes, Faust, avec Gailhard dans Méphistophélès, les Huguenots, avec Gailhard dans Saint-Bris, et Mme Carvalho, sont deux interprètes solides de l'oeuvre de Meyerbeer

Comédie-Française. — Les Fourchambault sont décidément le grand succès du jour, Got y est parfait en tout et sur tout. La pièce de M. Emile Augier comptera parmi les plus brillantes qui ont été représentées sur notre première scène. Et puis, l'interprétation générale est admirable. A signaler, une bonne reprise du Testament de César Girodot.

Opéra-Comique. — La salle Favart marche de succès en succès. Après la Statue, Psyché, fort bien interprétée par M1Ies Heilbron et Angally. Continuation des débuts du baryton Morlet qui prend chaque jour une réelle autorité a l'Opéra-Comique.

Odéon. — Bonne reprise des Banicheff. Ce drame empoignant et émouvant au premier chef. Porel, parfait dans Roger de Taldé; Marais très bien dans Wladimir, et Mme Elise Picard, très dramatique dans la comtesse, ont retrouvé leur premier succès.

Théâtre-Italien. — Il a vu enfin le jour ce fameux Capitaine Fracasse Bonne musique et remarquable interprétation, il n'y a qu'à louer les artistes et principalement M. Melchissédec dont la rentrée a fait le plus grand plaisir.

Gaîté. — Il est enfin joué ce fameux Chat botté, puisqu'il n'y a plus que de la féerie possible à ce théâtre. Une partie de la troupe des Variétés a donné dans cette pièce, qui est fort gaie. Dailly, un excellent compère, a esquissé avec esprit un type de roi idiot.

Gymnase. — Déluge de petites pièces en un acte, Geneviève, pour la petite Daubray, une enfant qui se pose en future comédienne. La Cigarette, une spirituelle et amusante comédie, qui a mis en lumière la verve, l'entrain et la jeunesse de MUe Dinelli.

Variétés. — Niniche, la nouvelle pièce de MM. Hennequin et Milhaut, est un éclat de rire continuel. Dupuis et Judic y sont très-amusants.

Vaudeville. — Les Bourgeois de Pont-A rcy, excellente comédie de moeurs, où le coeur a aussi sa place, est la digne continuation des Bons Villageois, cette oeuvre remarquable de l'immortel Victorien Sardou.

Porte-Saint-Martin. — Voici le Tour du Monde revenu de nouveau au théâtre de ses premiers exploits Les directeurs ont entouré cette reprise d'un luxe inimaginable,

tout y est traité avec une véritable science d'arrangement, le chemin de fer attaqué par les Indiens attire toujours les bravos. Les lions du désert amèneront certainement le tout Paris à la Porte-Saint-Martin.

Ambigu-Comique. — Les Abandonnés, un bon drame conçu dans le vieux jeu, amènera certainement la foule au théâtre du boulevard du Temple. Bonne pièce, excellente interprétation.

Palais-Royal. — C'en est fait de ce pauvre théâtre, qui ne vit plus que de reprises. La troupe se désagrège chaque jour. Le Palais-Royal n'est plus.

Folies-Dramatiques. — Je ne sais ce qui produit, aux Folies-Dramatiques, les plus agréables sons : les chants de M,le Girard, les Cloches du château de Corneville, ou les louis d'or qui tombent à profusion dans les poches de M. Cantin. On a fêté la 365e.

Bouffes-Parisiens. — Succès à ce théâtre. — La Timbale d'Argent, la véritable pièce productive du passage Choiseul, est bien jouée par Mmes Peschard, Théo et M. Daubray, épique dans le juge Raab.

Renaissance. — Le Petit-Duc-Granier, opérette en 3 actes, chantée par Mlle Granier ; tout le succès à Mlle Jeanne Granier et à M. Berthelier, un Frimousse désopilant.

Châtelet et Théâtre - Historique. — Les Sept Châteaux du Diable et Marceau, deux pièces splendidement montées feront agrandir les coffres du caissier de M. Castellano. Bravo!

Athénée. —M. et Mmo Montrouge font quotidiennement applaudir Piperlin, en compagnie de l'excellente troupe qu'ils dirigent. Ce vaudeville très amusant est joué chaque soir devant une salle comble

Château-d'Eau. — Les artistes en société ont trouvé le moyen de se tirer d'affaires et d'amener à eux le public avec les vieux drames.

Gluny. — Chançard, de M. Paul Burani, est un véritable succès pour ce petit théâtre qui a eu la bonne fortune de s'assurer le concours de Mlle Berthe Jovely, une aimable comédienne et une excellente chanteuse.

TIBICEN

Ancienne Maison MONT AL

MANUFACTURE DE PIANOS

W S H H :P ï& S A W HEUR Rue de Richelieu, 93, près du Boulevard

(Anciennement 59, rue de Lafayette)

PARIS

F<ius, 5, me du Quitie-Septeml.re. - Editeur Gé> ant. Léon SAULT. - Impnmeur à Grenelle, 9, Pourtour de l'Eglise.