292 L'ART MODERNE
pour qui l'on a spécialement créé l'épithète d'impressionniste.
M. Monet a longtemps bafouillé, lâchant de courtes improvisations, bâclant des boutsde paysages, d'aigres salades d'écorces d'orange, de vertes ciboules et de rubans bleu-perruquier ; cela simulait les eaux courantes d'une rivière. A coup sûr, l'oeil de cet artiste était exaspéré ; mais, il faut bien le dire aussi, il y avait chez lui un laisser-aller, un manque d'études trop manifestes. En dépit du talent que dénotaient certaines esquisses, je me désintéressais, de plus en plus, je l'avoue, de cette peinture brouillonne et hâtive.
L'impressionnisme tel que le pratiquait M. Monet, menait tout droit à une impasse; c'était l'oeuf resté constamment mal éclos du réalisme, l'oeuvre réelle abordée et toujours abandonnée à mi-côte. M. Monet est certainement l'homme qui a le plus contribué à persuader le public que le mot « impressionnisme » désignait exclusivement une peinture demeurée à l'état de confus rudiment, de vague ébauche.
Un revirement s'est heureusement produit chez cet artiste; il paraît s'être décidé à ne plus peinturlurer, au petit bonheur, des tas de toiles; il me semble s'être recueilli, et bien il a fait, car il nous a servi, cette fois, de très beaux et de très complets paysages.
Ses glaçons sous un ciel roux sont d'une mélancolie intense et ses études de mer avec les lames qui se brisent sur les falaises sont les marines les plus vraies "que je connaisse. Ajoutez à ces toiles des paysages de terre, des vues de Vétheuil, et un champ de coquelicots flambant sous un ciel pâle, d'une admidable couleur. Certes, le peintre qui a brossé ces tableaux