CHRONIQUES DU TEMPS
LE PROBLÈME DE JESUS.
Dans la Bibliothèque de synthèse historique que dirige Henri Berr, M. Ch. Guignebert, professeur d'histoire du christianisme à la Sorbonne, a pris la lourde charge de traiter de Jésus (1). Son livre, de près de sept cents pages compactes, n'est pas une vie de Jésus (un historien n'ose plus écrire une vie de Jésus), mais une suite d'analyses critiques, précises et bien conduites, dont le but est d'atteindre « ce qu'on sait de Jésus ».
La question préalable : « Jésus est-il un personnage historique ? » est écartée. L'auteur admet que « l'hypothèse de la non-existence historique de Jésus peut se formuler légitimement et réclamer discussion ». Pourtant il déclare en même temps que e la science, pour vivre d'hypothèses, ne se complaît pas sans péril aux paradoxes ».
Sans doute. Mais M. Guignebert ne semble pas s'apercevoir que si l'hypothèse de la non-existence historique de Jésus est paradoxale, l'hypothèse contraire ne l'est pas moins. La singularité du problème de Jésus consiste en ceci : résolu dans un sens ou dans l'autre, il mène toujours à un paradoxe.
Qu'un héros divin ait été pourvu d'une geste humaine, aussi .plausible finalement que la geste de Jésus dans les évangiles : .paradoxe.
Qu'un prophète juif ait été pourvu d'une qualité divine aussi haute que Jésus dans le Nouveau Testament : paradoxe également.
Le second paradoxe, généralement moins sensible au public •que le premier, peut se formuler de la façon suivante.
Sous-jacent à tout le Nouveau Testament, aux épîtres de Paul comme à l'Apocalypse, comme aux évangiles, il y a ce qu'on peut appeler le mystère de Dieu en deux personnes. Les auteurs du Nouveau Testament partagent paisiblement entre Dieu et Jésus non seulement le nom de Seigneur (Kyrios) qui dans la Bible traduit Iahvê, mais les attributs, les caractéristiques les oracles redoutables et les actions de Iahvé. Et voilà
(1) Ch. GUIGNEBERT, Jésus (La Renaissance du Livre).