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une chose bien difficile : d'un côté les anarchistes, ceux qui flattent le peuple, pour le museler, veulent une liberté in définie; et le peuple, séduit par ce leurre, accorde souvent à leur ambition criminelle ce qu'il refuse à une puissance modérée et judicieuse : ils savent bien, ces démagogues, que la populace avide de liberté ne sait qu'en faire, qu'elle en abuse, qu'elle éprouve bientôt la satiété qui suit l'abus, et que fatiguée de ces soulévemens continuels, de cette fièvre anarchique dont elle a été si violemment travaillée, elle se jeté impétueusement dans les bras du despotisme pour y trouver le repos.
Au reste, il vaut mieux, suivant moi, donner trop de liberté à la masse gouvernée que d'en donner trop peu, Quoiqu'en disent les théologiens, l'espèce humaine est bonne; elle porte dans son intérieur, dans son organisation physique, intellectuelle et affective, des moyens de conservation; elle fait l'utile par instinct; si le bon est ce qui conserve, si le mauvais est ce qui détruit : nécessairement, pour que l'homme se conservât, le bien a dû avoir pour lui plus d'attrait, beaucoup plus d'attrait que le mal.
Je sais bien que quelques individus dépravés se rencontrent quelquefois ; comme on rencontre aussi, rarement à la vérité, des individus contrefaits; les arbres s'élèvent généralement dans une ligne verticale, pour aller chercher dans Pathmosphére de l'air et du soleil; on en voit pourtant quelques-uns tortus, chétifs et rabougris : les monstruosités sont rares au physique et au moral.
On peut distinguer la liberté civile et la liberté politique ; un examen attentif, réfléchi et judicieux des faits historiques prouverait, au besoin, que les gouvernemens qui promettent la plus grande liberté politique, donnent le moins de liberté civile; or, la liberté civile fait bien plus pour le bonheur que la liberté politique.
J'ai dit : les gouvernemens qui promettent la plus grande liberté politique; et je l'ai dit à dessein; il n'est pas bien