Les Vrais
Hécènes
Il existe plusieurs laçons d'être Mécène. ba première consiste, — en un geste noble et généreux, mais souvent sans lendemain, — à créer des prix de dix, vingt, trente ou même cent mille francs qui portent d'ordi; noire le nom du donateur, et le font ainsi passer à la postérité.
La seconde, moins brillante, mais plus effioacei n'est pas seulement le sacrifice d'une somme d'argent plus ou moins forte. C'est l'organisation méthodique du sport dans telle ou telle catégorie d'individus, dans le milieu social qui intéresse le Mécène et fur lequel «'exercent directement son action et son autorité.
La première a souvent pour mobile la vanité humaine, le secret désir de faire parler de soi.
La seconde est inspirée par le seul amour du bien, par une modestie qui trouve dans le devoir sa récompense la plus douce.
La première fait preuve, une seule fois, de munificence. Tandis que la seconde renouvelle, selon les besoins, ses libéralités, et arrive, finalement, à dépasser la première en générosité.
A celle-ci, qui n'est .parfois que de l'ostentation, je préfère celle-là qui est presque toujours un apostolat fervent, lit c'est précisément de nos mècènes-apôtres que Je veux parler aujourd'hui.
Il tst bon que leurs efforts soient connus, leur activité louée,- leur exemple suivi.
Nécessairement, on les trouve non parmi les grands seigneurs multimillionnaires, teintés d'un vague dilettantisme, mais parmi les conducteurs d'hommes, les dresseurs de volontés, les chefs d'industrie avides de réalisations, dont l'existence n'est, elle-même, qu'un sport perpétuel, un âpre combat pour le mieux-être, sous toutes ses formes.
Ce qui fait leur puissance, c'est que, mécènes modernes, leur méthode surpasse celle du favori d'Auguste. Ils paient d'autre chose que de leurs deniers ; ils paient aussi de leur
ardeur propre et de leurs muscles. Us montrent le chemin, et l'on est forcé de les suivre.
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L'un des premiers, et des plus sympathiques, tut Mariuis Dubonnet. Quelle popularité il connut dans le monde des sports ! Ce furent les sportsmen qui burent, à l'origine, son quinquina renommé. Cet homme semblait posséder des nerfs d'acier. Il pratiquait avec la même souplesse le cyclisme, le rowing, l'escrime, la course à pied. On le voyait à toutes les réunions de vélodromes, à tous les départs d'épreuves, à toutes nos manifestations, qu'il dotait, sans compter, de prix et de challenges.
Dans sa maison, — aussi bien ses employés de la rue Momay que ceux des Etablissements disséminés dans Paris, et que ceux de Charentons — chacun s'adonnait aux exercices physiques. Le patron y tenait beaucoup. Un bon sportsman, alerte et débrouillard, était nécessairement pour lui un collaborateur utile.
Autour de lui, il répétait .sans cesse ■: « Le sport nous virilise. Il nous habitue à l'énergie, à la patience, à la décision prompte. Il est aussi un merveilleux trait-d'union entre les hommes. En nous rassemblant pour une mêm3 lutte, il nous apprend à nous connaître d'abord, puis à nous apprécier et à nous aimer ! r,
Pour Dubonnet, le plus beau jour de l'année était ce dimanche de juillet où se donnait régulièrement, après (l'inventaire général, une grande réunion sportive dans la propriété que possédait au Vésinet Mme Dubonnet mère. Le personnel entier y était convié. Des courses, des matches, se disputaient autour du lac. Marins Dubonnet défiait les meilleurs. Puis un. banquet familial, servi sous de frais ombrages, mettait en Messe vainqueurs et vaincus, également heureux de l'effort accompli.
Chez notre grand constructeur, M. Clément-Bavard, les sports furent aussi toujours encouragés. Par ses soins et grâce a sa générosité, une société cycliste se fonda entre les ouvriers de son usine. L'ancienne piste de la Seine fut mise à leur disposition pour s'entraîner. Une installation hydrothérapique moderne leur était ouverte.