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Titre : Journal des artistes : annonce et compte rendu des ouvrages de peinture, sculpture, architecture, gravure, lithographie, poésie, musique et art dramatique

Auteur : Société libre des beaux-arts (Paris). Auteur du texte

Éditeur : [s.n.] (Paris)

Date d'édition : 1833-08-04

Contributeur : Farcy, Charles-François (1792-1867). Rédacteur

Contributeur : Guyot de Fère, François-Fortuné (1791-1868). Rédacteur

Contributeur : Huard. Rédacteur

Contributeur : Delaunay, A. H.. Rédacteur

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb391813444

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb391813444/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 19648

Description : 04 août 1833

Description : 1833/08/04 (A7,VOL2,N5).

Description : Note : GRAV.

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k54118521

Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, V-11997

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 21/10/2008

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VIIe ANNÉE. 2e VOL.. — N° V. — 4 AOUT 1833.

JOURNAL

DES ARTISTES

ET DES AMATEURS

ou

REVUE PITTORESQUE ET MUSICALE.

DE L'ACHEVEMENT DU LOUVRE

(Suite.')

Dans une nouvelle note qui nous est adressée par M. Dédéban, cet architecte raconte qu'il eut, le 25 juin dernier, une conférence avec l'un des membres de la Commission de la Chambre des Députés, chargée de l'examen du projet de loi pour l'achèvement des monumens publics. L'objet de cette conférence était le projet de galerie transversale.

A ce sujet, on mit sous les yeux de M. Dédéban le plan actuel du Palais-Royal, tel qu'il a été achevé par l'architecte aujourd'hui chargé des travaux du Louvre. Il s'agissait d'établir le rapport qui existerait entre le projet de galerie transversale de ce dernier architecte, pour le Carrousel, et la galerie transversale, dite d' Orléans, qui sépare aujourd'hui la cour et le jardin du Palais-Royal.

M. Dédéban s'est attaché à montrer qu'il n'y a ici qu'une fausse analogie; que, pour que la galerie d'Orléans correspondît par sa situation relative, à celle projetée au milieu du Carrousel, il faudrait que la première se trouvât au milieu du jardin du Palais-Royal. « La galerie neuve du Palais-


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Royal, dit M. Dédébah, n'est nullement comparable à "celle transversale projetée pour le Carrousel, puisqu'elle occupe par comparaison avec le Louvre, l'emplacement de la façade derrière l'horloge du Louvre; tandis que le corps-debâtiment double , proposé pour la transversale , par M. Fontaine, sur l'alignement de la rue de Richelieu, viendrait au Carrousel comme pour remplacer l'hôtel Longueville et autres bâtimens démolis ou à démolir , etc., etc. »

On ne peut raisonnablement insister beaucoup sur une telle comparaison pour justifier le parti d'une galerie intermédiaire. Le cas n'est pas le même, et on pourrait contester d'ailleurs, sous le rapport de l'art, le mérite du raccordement fait par M. Fontaine au Palais-Royal.

M. de Grégori qui, sans être praticien, est connu comme un amateur éclairé, et dont le goût s'est développé au milieu de l'étude des beaux modèles de l'Italie, nous a transmis le résultat de ses réflexions sur la question de réunion du Louvre et des Tuileries.

« Une galerie transversale, observe-t-il, ne ferait que gâter la plus belle place du monde. En examinant les lieux, je me suis convaincu que le seul moyen de détruire les principaux inconvéniens qui existent, serait de faire disparaître le dôme du Louvre; et, pour qu'on ne sente plus le défaut de parallélisme de la porte "du Louvre du côté de la grande place, il faudrait encore donner aux croisées des deux galeries du rez-de-chaussée, la forme d'arcades vitrées de même dimension que la porte. Le dôme n'est certainement point en rapport avec la belle architecture des autres parties, et l'on devrait peu regretter cette forme gothique. »

Comme nous avons plutôt pour but, ici, de recueillir des matériaux que d'exprimer notre opinion d'une manière absolue, sur une question d'art aussi grave et aussi difficile, nous nous bornons à citer, sans réflexion, cette idée de M. de Grégori.


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ARCHITECTURE.

RESTAURATION DE LA. FLÈCHE DE LA CATHÉDRALE DE ROUEN.

Nous ayons parlé, il y a peu de temps, de la reconstruction de la flèche de la cathédrale de Rouen qui, comme on. le sait, fut incendiée il y a plusieurs années. Voici quelques détails à ce sujet.

Chargé en 1822 de la reconstruction de cette flèche, M. Alavoine présenta au préfet de la Seine-Inférieure deux projets : l'un dans le style du moyen-âge, l'autre dans celui de la renaissance. La préférence fut accordée au premier, comme se trouvant plus en harmonie avec le caractère général de l'édifice.

D'après ce sujet, cette flèche doit être tout en fonte.

En 1824, on commença le déblaiement de la plate-forme et le remplacement des pierres calcinées par le feu dans l'intérieur de la tour. Ce n'est qu'en 1827 qu'on commença à exécuter des modèles à mouler et à couler les pièces de fonte pour la flèche. L'année suivante, on entreprit l'ajustage et la pose des pièces de la flèche. Pendant le cours de 1829, on a placé par incrustation et sculpté911 morceaux de pierre aux quatre faces extérieures du dernier étage de la tour, sur laquelle on élève la flèche, afin de réparer les dégradations de l'incendie. Les années 1830 et 1831 ont été employées à continuer ces divers ouvrages et à la fabrication des boulons. La charpente en fer coulé fut terminée en 1831 Cette charpente, composée de quatre étages, ayant ensemble 39 pieds 5 pouces de hauteur , est formée de 325 pièces de fer coulé; qui pèsent ensemble 191,742 kilog. En 1832, le premier étage de la flèche, au-dessus de la tour, a été posé. Il a une hauteur de 13 pieds 10 pouces; on y compte 100 pièces pesant ensemble. 22,4 23 kil. Vers la fin de la campagne de 1832, on a monté sur les planchers le


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2e étage, composé de 104pièces; la hauteur est comme celle du précédent de 15 pieds 10 pouces, et le poids de 23,ooo kil. La hauteur totale de l'ouvrage en fer coulé, et en place, est de 53 pieds I pouce, dont il y a hors de la tour ,17 pieds 7 pouces. Le poids des ouvrages en fer coulé à fournir est évalué à 540,740 kil.

Il résulte de ces détails qu'aujourd'hui plus des deux cinquièmes de l'ouvrage sont entièrement terminés, . Du pavé de l'église au-dessus de la dernière assise en pierre dure, recevant la base de la flèche, la hauteur est de. . . ... 53 m. 48 c.

La hauteur de la charpente en fer est de 12 75

La hauteur de la flèche projetée est de 78; .... 77

La hauteur totale, à partir du pavé de l'église au sommet de la croix, sera donc .

de. . 143 m. »

.... Ce qui fait 44° pieds 2 pouces.

Pendant les trois premiers mois de 1833, le 3° étage et une partie de l'escalier ont été ajustés. On s'est occupé de. puis d'en monter les pièces sur la tour.

Quelques plaintes ont été faites sur la lenteur de ce travail qui dure depuis neuf ans. L'administration du départe ment s'est occupée avec l'architecte des moyens à prendre pour y donner plus d'activité.

EUGÈNE,

OU L'ÉTUDE DES BEAUX-ARTS.

(Suite.)

Six mois devaient être consacrés à l'étude du dessin. Pour ceux qui ont pris un,pinceau et essayé quelqes études d'a,près nature , six mois paraîtront bien peu de temps ; mais


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la méthode du père d'Eugène devait abréger des troisquarts un noviciat qui fatigue et enchaîne les élèves qu'on soumet à cette longue pénitence; Durant un mois , M. Blainville visita tous les jours, avec son fils, les galeries du grand Musée. D'abord, il avait cherché à faire naître sa curiosité, à commander son attention; peu à peu il mêla des observations relatives.aux arts dans ses entretiens.avec Eugène. Le caractère, des trois écoles fut bientôt saisi. Mais ce n'était, pas assez pour remplir le but de. M. Blainaille. Un tableau fut étudié comme un artiste l'aurait pu faire. Eugène s'occupa de l'ensemble, de la composition, du.dessin, du coloris, du faire; il compara les proportions, se rendit compte de la perspective aérienne, comprit la réduction et l'affaiblissement graduel des objets par l'effet des distances et de l'air ,raisonna sur la. projection des ombres; enfin, saisit les effets , et arriva à sentir- l'habileté du peintre dans la disposition des masses de lumière et d'ombre, dans la forme des contonrs, à.distinguer non-seulement un bon tableau, niais encore à se rendre raison des qualités qui constituent les grands maîtres, et font de leure oeuvres une magie à. part.

Quelques personnes trouvent peut-être que ces connaissances sont au-dessus des forces d'un enfant, et même en dehors de ce que peut un homme qui n'a pas étudié les arts; mais j'ai pour moi l'expérience. Eugène, d'abord , avait, grandi depuis l'époque où son père avait résolu de se char-: ger de son éducation : il était arrivé à sa quinzième année , âge où, avec ce qu'on appelle des dispositions, toute a pprédation des principes des arts devient possible. Il n'était; réellement pas plus avancé que l'amateur qui n'a jamais, manié le crayon ni la brosse , mais qui juge cependant une peinture avec justesse et goût. De ces gens-là il en existe ; ce ne sera ni les artistes , ni les hommes du. monde qui en douteront.

. Eugène n'était donc pas plus avancé dans l'étude des arts qu'un amateur ' ordinaire : c'était beaucoup, et ce n'était


70 rien cependant , dans le but qu'il se proposait, d'arriver à dessiner comme les maîtres qu'il admirait. Le mois consacré aux visites du Louvre étant expiré, M. Blainville, sans en faire un sujet d'étude , commença à exercer la main de son. fils, dont il avait déjà formé le jugement. Tantôt avec un crayon, une plume, des ciseaux ; tantôt dans la compagne, traçant, comme Giotto, des ligues et des contours sur le sable, Eugène reproduisait rapidement et sans hésitation, les formes et les proportions de ce qu'il voulait imiter. Dans les premiers jours, son père lui indiquait des études faciles, un banc, une pierre, un tronc d'arbres, une table; peu à.peu des objets où les détails , la perspective le mouvement, venaient augmenter les difficultés de l'imitation Le second mois était à peine écoulé, qu'Eugène comprenait parfaitement ce qu'il voulait faire,,traçait avec assurance dés ligues compliquées, et savait saisir avec exac titude les proportions. Alors, pour lui, il y avait plaisir, il aurait voule dessiner sans cesse , tous ses papiers étaient couverts d'imitations, et M. Blainville, autant par calcul que par nécessité, fut obligé de modérer quelque temps son ardeur.

Arriva le jour de la fête d'Eugène. Chaque année elle amenait un petit présent, espèce de récompense de ses travaux, encouragement à ceux de l'avenir. Cette fois , préoccupé de ses études pittoresques , il n'avait pas de bien vifs désirs. M. Blainville s'en aperçut. Eugène, lui dit-il, nous allons aujourd'hui visiter l'atelier d'un grand artiste ; tu verras des tableaux que tu ne connais pas ; il y en aura aussi qui ne seront pas terminés, et tu le verras travailler à les finir. Eugène fut charmé ; tout l'intéressa vivement dans l'atelier qu'il explorait. La palette, la composition des tons, les brosses , les pinceaux , jusqu'au costume un peu bizarre de l'artiste, tout charmait Eugène qui n'osait respirer ni parler, tant il était surpris et heureux. Le lendemain, après avoir rêvé toute la nuit tableaux, peinture, chevalet, il trouva dans sa chambre d'études ces différons


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objets établis avec élégance, et même la blouse antique , la bonnet grec, les sandales d'artiste. Eugène vit se réaliser toutes les circonstances de son rêve.

Quelques mois s'écoulèrent dans l'étude des beaux modèles, variés par celle de la nature. M. Blainville voyait avec joie son fils répondre à ses espérances : il fallait l'arracher à sou chevalet. Ses travaux se ressentirent des. notions préliminaires dans lesquelles il avait.puisé le goût des arts, goût pur, judicieux et raisonné. Lorsque l'année fut écoulée, et que de nouvelles vacances ramenèrent ses jeunes amis dans le sein de. leur famille. Eugène les retrouva dessinant une bouche énorme , un grand profil grec , bien raide et compassé. Il sourit alors à leurs travaux, mais c'était d' orgueil et de conscience , ce que lui pardonna son père de moitié dans les succès dont il avait bien sa part. _.■ Le complément, de l'éducation , ce. sont les voyages , M. Blainville en était convaincu. Eugène était entraîné vers l'étude dès arts presque tous ses instans étaient consacrés a.en conserver le souvenir. Un sîte, un monument., avaient pour lui plus d'attraits que les plaisirs ou les folies ordinaires à son âge. Il voyageait avec fruit , il amassait des trésors dont il. voulait à son retour faire part à son père. Ce jour heureux arriva enfin. Eugène rempli d'expérience de la vie , rapportait à son père, un coeur pur , sensible et des taleus perfectionnés, et M. de Blainville était tenté de s'écrier, en padiant ces vers du Bonhomme , d'une vérité si naïve,

Ton voyage dépeint

Me fiera d'un plaisir extrême. Tu diras j'étais là ; tellé chose m'advint Et j'y croirais être moi-même.

RAOUL DE CROÏ


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LES FÊTES. LA STATUE DE NAPOLÉON. — LES OBÉLISQUES.

Il appartient à un peuple qui se pique d'être au premier rang des nations civilisées de faire présider les arts à L'ordonnance de ses fêtes, et l'on a vu avec plaisir les fêtes de Juillet n'être plus celles d'une populace abrutie, qui se roule dans des ruisseaux de vin, et se dispute de grossiers alimens qu'on lui jette à la tête. Le peuple de Paris a été traité en Athénien , et il ne s'en est pas trouvé plus mal.

C'était une idée louable d'avoir donné à ces fêtes un tel caractère; mais, en choisissant un artiste pour les disposer, ne devait-on pas, de préférence, s'adresser à un de ceux dont l'expérience est connue et qui ont déjà donné des preuves de leur habileté en ce genre? Au lieu de cela on a choisi un artiste dont le nom n'est pas encore fait, et sur lequel la critique s'est justement exercée, à certains égards. En effet, le bon goût n'a pas toujours présidé à ses oeuvres pour cette fête. Quoi de plus mauvais, par exemple, que ces petites colonnes groupées autour de celle de la place Vendôme, et qui ont donné à cet ensemble, comme on l'a très-bien observé, l'apparence d'un jeu de quilles?

Le même goût a présidé à la décoration dans l'entourage de l'obélisque de la place de la Concorde , et l'obélisque ne s'en est pas mieux trouvé. Enfin , un défaut du même genre s'est rencontré dans le temple élevé sur un bassin des Tuileries. Les colonnes qui formaient la rotonde, n'étant terminées par aucun couronnement, avaient aussi le malheur de ressembler à un jeu de quilles.

Sans nous arrêter davantage à examiner des constructions éphémères, qui ont coûté assez cher pour être un peu moins mauvaises, nous tâcherons .de constater ici l'effet qu'ont produit, sous le rapport de l'art, la statue de Napoléon, et ensuite l'obélisque de la place de aà Concorde.


73 Les avis sont partagés sur le choix du costume. La redingote satisfait peu. Elle n'est pas plus historique que le frac, car Napoléon ne la portait que dans l'hiver. Le frac militaire porté habituellement par l'empereur , eût mieux conservé les formes, et cette figure vue de dos , ne serait pas aussi disgracieuse qu'elle l'est réellement sous cet aspect. Le manteau d'Austerlitz, ce manteau devenu historique aussi, que Napoléon avait conservé , transporté a St.-Hélène, et dont il se fit couvrir dans ses derniers momens, ce manteau dont la sculpture pouvait tirer un bon parti, et que quelques uns des concurrens avaient adopté , n'était-il pas péférable à cette lourde et disgracieuse redingote que le statuaire a cru devoir alonger, et qui parconséquent n'est plus la petite redingote grise.

N'est-ce pas aussi un singulier accessoire que cette lorgnette qui est dans la main droite du grand capitaine, et qui remplace l'épée , ce noble instrument de guerre que tenai la statue précédente ?

On a parlé poétiquement du coup d'oeil d'aigle de Napoléon sur le champ de bataille , et voilà qu'on imagine d'armer d'une lorgnette le vainqueur d'Austerlitz. Cela a le défaut d'être trop vrai; c'est le défaut après lequel court l'école actuelle. Napoléon se servait habituellement d'une lorgnette pour suivre au loin les opérations strategiques pendant lecombat, Mais que fait cela? Reproduire la lorguette dans une statue de Napoléon t c'est mal comprendre la poésie de l'art, c'est vouloir y substituer un positif qui glace l'imagination.

Pourquoi n'avoir pas aussi reproduit sa tabatière, parce que le grand homme prenait à tout instant du tabac ? Cette lorgnette , il est vrai , se voit peu à cause de la grande élévation de la figure; mais, alors., le bras a l'air oisif, ce qui semble un défaut de composition

A l'égard de la main gauche, placée dans l'ouverture du gilet (bien que ce fût la droite qu'il eût l'habitude de placer ainsi ), nous avons entendu faire une observation par


74 quelqu'un qui l'a vu souvent, laquelle observation n'est pas sans importance. Napoléon ne faisait rien à demi, tous, ses gestes étaient décidés , presque brusques ; il ne prenait pas du tabac, ne mettait pas sa main dans son gilet comme-tout le monde; il plongeait ses doigts dans sa tabatière , il plongeait sa main dans son gilet. Ici, au lieu de ce geste décidé, dont l'artiste pouvait faire sou profit, Napoléon a la main placée mollement dans l'ouverture du gilet, presque comme un dandy qui se promène.

Nous parlerons sans importance de la pose de cette statue, un peu inclinée vers la droite. Cela dépend sans doute de la plinthe ou de la plate-forme, et il sera facile de remédier à cette inclinaison en diminuant l'épaisseur de la plinthe du côté opposé. Nous avons long-temps examiné cette statue dans l'atelier du fondeur, et aucun défaut de ce genre ne nous avait frappé.

En définitive, c'est une mauvaise statue faite avec un. grand talent. Le jugement est rigoureux , mais il sera confirmé. La faute en est au costume qui offrait des difficultés insurmontables, et qui mettait l'artiste dans l'impossibilité de faire autre chose qu'une.oeuvre estimable. Or, estimable ou mauvaise, dans le cas dont il s'agit, c'est tout un; il fallait un chef-d'oeuvre.

Les obélisques ont droit aussi à notre attention. C'est une décoration qui joint l'étrange, pour nous, à la beauté de la forme et à la richesse de la matière. Plus d'un avis seront ouverts sur leur placement le plus convenable. Nous sommes. de ceux qui pensent que dans leur représentation provisoire, on a bien fait du premier coup. C'est bien de placer chaque obélisque, quand on n'en a que deux, l'un au milieu de masses d'arbres, comme en présentent les quinconces de l'esplanade des Invalides, et l'autre dans une vaste place où il peut se profiler sur de grands édifices environnant. Sur la place de la Concorde, à part les arbres des Tuileries et des Champs-Elysées, l'obélisque se profile avec avantage sur le châte au, sur le garde-meubles, sur la Ma-


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deleine, sur l'are de l'Etoile et sur la façade de la Chambre des Députés.

Selon une opinion bourgeoise, qui s'est répandue comme toutes les opinions de ce genre, cela masque ou doit masquer la vue, surtout celle de l'arc de l'Etoile. Cette idée fait rire les gens de goût et les gens de l'art. Rien n'est moins susceptible de masquer que ne l'est un obélisque, qui se dessine comme une lame de couteau sur les monumens qui l'environnent. D'ailleurs, à ce compte, il ne serait jamais possible de mettre un monument entre le spectateur et un autre monument; car l'un,, dans certain aspect, masquera toujours, plus ou moins l'autre. Il faudrait donc renoncer à mettre sur la place de la Concorde, obélisque, statue ou , fontaine; car une simple statue de douze pieds avec son piédestal, masquerait aussi l'Etoile ou les Tuileries. Un bon bourgeois a été tout ébahi quand nous lui avons montré que son doigt, qui n'est pas si gros et si grand que l'obélisque, lui masquait entièrement l'Arc de triomphe, quand il le plaçait à 6 pouces du bout de sou nez..

Nous reviendrons d'une manière plus sérieuse sur les obélisques.

F.

Après tant de vicissitudes, les Français semblent s'être ralliés autour d'un monument national, la Colonne de la place Vendôme.

Le replacement de la figure historique de Napoléon sur ce beau monument a réveillé dans l'âme des citoyens quelques souvenirs de gloire. La Colonne de la place Vendôme n'est pas l'apothéose d'un seul homme; c'est une apothéose nationale.

C'est cette patriotique pensée qui a guidé et soutenu M. Brenet dans un travail de quinze années , dont le résultat a été une mervailleuse réduction en bronze de ce monument triomphal, et dont nous avons rendu un compte détaillé dans notre numéro du 18 mars 1832


76 Cette Colonne, en bronze, de 5 pieds 7 pouces, donne 6 lignes, pour pied, relativement au monument original. Outre les proportions, réduites fidèlement et donnant un ensemble parfait, les bas-reliefs qui forment la spirale sont traités avec une délicatesse et une habileté qui ont droit d'étonner, quand on voit que les têtes n'ont pas plus de deux lignes, ce qui n'empêche pas de reconnaître les portraits des principaux personnages, et de distinguer même jusqu'aux physionomies nationales des Autrichiens ou des Français.

L'époque est bien choisie pour rappeler l'attention sur le chef-d'oeuvre exécuté par M. Brenet. Le prix élevé des exemplaires de cette production ( 6,000 fr. ) la met à la portée de peu de fortunes particulières; mais c'est un digne ornement de cabinets , de musées , pour nos grandes villes. Le cabinet de l'hôtel des Monnaies de Paris s'en est enrichi, et il est à désirer que d'autres suivent son exemple. Les artistes et amateurs des arts sont admis chez M. Brenet, cour de la Ste-Chapelle, n. 13, à visiter ce bel ouvrage...

THÉÂTRES.

ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE. — Ali-Baba, musique de M. Chérubini. — Cet opéra n'était encore qu'en répétition, et déjà, par un petit arrangement de camarille, l'auteur de la musique recevait une profusion d'encens qui eût suffi a dix réputations. On voulut faire de l'enthousiasme, et cependant on n'y a réussi qu'à demi. Le public est demeure presque froid. ,

Assurément, c'est un grand et très-savant compositeur que l'auteur de la Messe du Sacre; mais son talent, selon nous, se prête peu aux exigences dramatiques. D'une trentaine d'opéras qu'il a composés, n'a guères conservé que le souvenir de ses Deux Journées. Son style grave, sévère, manque trop de flexibilité; l'étude y gène l'inspiration et le


77 sentiment Tout y est pur; la science du contre-point v est remarquable ; mais ]a mélodie, cette âme de la musique, y languit trop souvent froide et sans couleur. C'est ce qu'il nous a semble' dans la musique d'Ali-Baba. Il faut une éducation musicale assurément bien robuste pour être toujours à la hauteur de cette conception tant soit peu métaphysique. Et certes, le public est bien excusable de sa barbarie, quand les symphonistes de l'opéra euxmêmes, malgré toute leur habileté, avaient peine à comprendre les intentions de l'auteur-, à saisir sa pensée au.milieu de cette foule de traits brusques, dont est semée cettepartition, et qui semblent créés dans un état d'irritation nerveuse.

On doit cependant de grands éloges à plusieurs morceaux de cet opéra. La romance de Nourrit, au prologue, un grand air de madame Damoreau, au 3e acte, un admirable sextuor du dernier acte, font assurément sentir une grande supériorité de talent.

L'exécution est parfaite, toute difficile qu'elle est. Le ballet est remarquable : mesdames Noblet et Legallois s'y font remarquer ainsi que Perrot.

Des décorations de MM. Cicéri, Filastre et Cambon sont de nouvelles preuves du talent de ces habiles peintres.

OPÉRA-COMIQUE, — La prison d'Edimbourg, opéra eu 3 actes, par M. Scribe, musique de M. Carafa. — M. Scribe n'a que médiocrement réussi à traduire le beau roman de Walter-Scott. Son poème, cependant, est assez bien coupe

; pour la musique, et M. Carafa a su en tirer parti. Ce compositeur élégant et qui connaît si bien les secrets de l'instrumentation, n'est pas toujours égal dans cet ouvrage;

, mais il y montre une heureuse flexibilité de talent. Entre autres morceaux remarquables nous citerons le duo du 2e acte, le final qui est conduit avec beaucoup d'art; le choeur du 3e acte, qui est traité largement et qui produit

beaucoup d'effet.

L'exécution est faible, confiée à de jeunes talens qui ont


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besoin de travailler. Elle a pu nuire au succès de cet opéra.

VARIÉTÉS. — Une bluette fort gaie vient d'être représentée sous le titre de : Le Roi de Prusse et le Comédien. Cette pièce, de M. Brunswick, est très-bien jouée par Lhérie et Daudel.

NOUVELLES.

— L'Académie royale des Inscriptions et Belles-Lettres, de l'Institut, a tenu vendredi sa séance publique. Le jugement des mémoires envoyés au concours; l'annonce des sujets de prix pour 1834 et 1835, le rapport sur les mémoires qui ont obtenu les médailles d'or pour les travaux relatifs aux antiquités nationales, une notice sur feu Champollion et un mémoire sur les derniers temps du paganisme dans l'empire romain, ont excité et soutenu l'attention. — M. le comte de Laborde a surtout fait un rapport brillant sur les mémoires récompensés par des médailles d'or. La première, décernée à M. Albert Lenoir, pour son mémoire relatif à l'ancien palais des Thermes, a principalement fixé l'attention. Le rapporteur a insisté sur le projet de musée d'antiquités proposé sur cet emplacement par M. Albert Lenoir, et a rappelé les anciens services rendus aux beaux-arts par son père,M. Alexandre Lenoir, créateur de l'ancien Musée des Petits-Augustins. Ce discours écrit d'enthousiasme et bien lu a produit beaucoup d'effet sur l'assemblée.

— M. le baron Guérin est mort à Rome, à la suite d'une longue maladie qui, depuis long-temps, ne laissait plus l'espoir de le conserver. C'est un grand artiste de moins. Les beaux-arts et l'amitié déploreront sa perte.

— L'exposition de la Société des amis des arts est suspendue pour être continuée et renouvellée à partir du 1er novembre prochain. Le tirage s'exécutera le 14 décembre.


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On parle de l'intention louable où serait M. le ministre du commerce et des travaux publics de faire diminuer la hauteur et, par conséquent, la largeur des gigantesques piédestaux qui supportent les statues colossales du pont de la Concorde. Il y a long-temps qu'on a reconnu que cette décoration disproportionnée nuit au pont et à la façade de la Chambre des députés.

— Une exposition publique de la célèbre Table des

Maréchaux, exécutée à la manufacture de Sèvres, sous

Napoléon, dont les portraits ont été peints par M. Isabey

et dont tons les ornemens ont été exécutés sur les dessins de MM. Percier et Fontaine, devait avoir lieu les 27, 28, 29 juillet et jours suivans. Cette exposition publique a été suspendue par ordre. La Table des Maréchaux, devenue propriété particulière au commencement de la restauration -, passera probablemeut à l'étranger.

— Mgr. le Duc d' Orléans vient d'acheter un dessin à M.Clément-Boulanger. — Le Roi vient de commander un grand tableau , représentant le baptême de Louis XIII, à - M. Clément-Boulanger. — Antérieurement, le ministère des travaux pnblics a fait l'acquisition du Corpus Domini, grand tableau de décors de M. Clément-Boulanger. Voilà un nouveau dieu pour l'Olympe romantique.

La société philarmonique de Caen propose un prix pour le meilleur mémoire sur cette question : « Quel serait » le moyen d'étendre et de populariser en France , parti» culièrement dans les départemens de l'ancienne Norman " die, le goût de la musique comme il existe dans certaines » parties de l'Europe. » Une médaille d'or de la valeur de 300 fr., sera décernée dans ce concours, le jour de la SainteCecile 1855. Les mémoires doivent être envoyés avant le 15 octobre à M. Bernard, secrétaire de la société.

— Les oeuvres de lord Byrou vont être illustrées par une série de gravures à l'eau-forte, exécutées par M. Réveil,


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d'après les dessins de M. A. Colin. Il y aura cinq livraisons de quatre planches, et chaque livraison sera du'prix d'un franc. La première est en vente. Paris, chez Audot, éditeur, rue du Paon, n. 8. — La 8e livraison de l'oeuvre complet de Flaxmann, par Réveil (Tragédies d'Eschile) ,vient de paraître. Prix : un franc; chez l'auteur , rue clé' l'Odéon , n. 18.

— Sous le titre du Père Lachaise, M. Quaglia , ancien peintre attaché à l'impératrice Joséphine , vient de publier - un recueil de dessins lithographies au trait , et dans leurs justes proportions, des principaux monumens de ce cimetière. Cet ouvrage, exécuté en même temps que M. Normand fils gravait le sien , et sans nulle communication , est un hommage aux cendres que renferme ce cimetière célèbre et à la gloire de nos arts. L'auteur, dans la vue d'être utile aux architectes, principalement à ceux des départemens , s'est borné à une fidèle élévation géométrale avec une échelle de proportion. On voit avec satisfaction dans ce volume les plus importans et les plus beaux monumens elevés dans ce champ de repos reproduites avec un soin consciencieux. Le recueil est composé de vingt-une planches grand in-4°- Le prix est de 12 fr., et 15 fr. par la poste. Paris, chez l'auteur, rue du Harlay, n. 2.

Le Gérant , GUYOT DE FERE.

IMPRIMERIE DE DUCESSOIS , QUAI DES AUGUSTINS, 55.