L'ABSOLUTION. 201
Néron, qui avait inventé la société du Dix-Décembre, et qui, comme vous, l'employait à'applaudir ses comédies et même, comme vous encore, ses tragédies, Néron, après avoir troué à coups de couteau le ventre de sa mère, aurait pu, lui aussi, convoquer son suffrage universel à lui, Néron, lequel ressemblait encore au vôtre en ce qu'il n'était pas non plus gêné par la licence de la presse; Néron, pontife et empereur, entouré des juges et des prêtres prosternés devant lui, aurait pu, posant une de ses mains sanglantes sur le cadavre chaud de l'impératrice et levant l'autre vers le ciel, prendre tout l'Olympe à témoin qu'il n'avait pas versé ce sang, et adjurer son suffrage universel de déclarer à la face des dieux et des hommes que lui, Néron, n'avai* pas tué cette femme; son suffrage universel, fonctionnant à peu près comme le vôtre, clans la même lumière et dans la même liberté, aurait pu affirmer par sept millions cinq cent mille voix que le divin César Néron, pontife et empereur, n'avait fait aucun mal à cette femme qui était morte; sachez cela, monsieur, Néron n'aurait pas été « absous » ; il eût suffi qu'une voix une seule voix sur la terre, la plus humble et la plus obscure, s'élevât au milieu de cette nuit profonde de l'empire romain et criât dans les ténèbres : Néron est un parricide! pour que l'écho, l'éternel écho de la conscience humaine répétât à jamais, de peuple en peuple et de siècle en siècle : Néron a tué sa mère !
Eh bien! cette voix qui proteste dans l'ombre, c'es* la mienne. Je crie aujourd'hui, et, n'en doutez pas, la conscience universelle de l'humanité redit avec moi : Louis Bonaparte a assassiné la France ! Louis Bonaparte a tué sa mère !